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Mme Michèle Gellereau Muriel Molinié La lettre vidéo In: Communications, 68, 1999. Le cinéma en amateur. pp. 249-266. Citer ce document / Cite this document : Gellereau Michèle, Molinié Muriel. La lettre vidéo. In: Communications, 68, 1999. Le cinéma en amateur. pp. 249-266. doi : 10.3406/comm.1999.2040 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1999_num_68_1_2040

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  • Mme Michle GellereauMuriel Molini

    La lettre vidoIn: Communications, 68, 1999. Le cinma en amateur. pp. 249-266.

    Citer ce document / Cite this document :

    Gellereau Michle, Molini Muriel. La lettre vido. In: Communications, 68, 1999. Le cinma en amateur. pp. 249-266.

    doi : 10.3406/comm.1999.2040

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1999_num_68_1_2040

  • Michle Gellereau, Muriel Molini

    La lettre vido

    Enjeux ducatifs d'une pratique amateur

    Lorsque l'on parle des ralisateurs de lettres vido, c'est par le statut que leur confrent les institutions dans lesquelles ils travaillent (lves dans l'institution scolaire, stagiaires dans des organismes de formation, tudiants de l'enseignement suprieur, dtenus d'une maison d'arrt1), ou encore par leur rle dans la relation pistolaire (destinateurs ou destinataires d'une lettre), ou enfin par le terme auteur (l'auteur d'une lettre), qu'on les nomme. Constatant que, dans leur grande majorit, ceux qui ralisent des lettres vido n'appartiennent pas au mond du cinma ou de la tlvision, on pourrait s'tonner que le terme amateur ne soit gnralement pas utilis pour les dsigner. C'est pourquoi cet article examine les relations entre l'espace ducatif de production des lettres vido et l'espace amateur.

    UN AMATEUR DE NOUVELLES FORMES

    Une remarque pralable : la dnomination de l'objet est elle-mme fluctuante. Vidolettre , lettre vido , vidocorrespondance , carte postale , court mtrage , lettre de cinma ... ces dsignations indiquent que, loin d'tre fix une fois pour toutes et tout en s'ins- crivant dans une filiation pistolaire, cet objet se cherche au dtour de chaque ralisation. Disons que la lettre vido est un vidogramme ralis par un individu ou un groupe, destination d'un correspondant, et qui porte dans sa composition mme les marques sonores et visuelles de cette recherche de correspondances.

    En France, nous avons contribu dfinir le terme lettre vido au confluent de proccupations ducatives, langagires et cinmatographiques, en relation avec des enseignants, des formateurs et des cinastes

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  • Michle Gellereau, Muriel Molini

    dans des pratiques de recherche en rseau2. Au cours des annes 80 et jusqu' aujourd'hui, des centaines de lettres vido ont t produites dans l'Hexagone et l'tranger, dans des cadres institutionnels et selon des pratiques varis, plus ou moins attentives aux lettres de cinma qui virent le jour dans les mmes annes (celles de Godard : Lettre Freddy Buache, de Frdric Mitterrand : Lettres d'Amour en Somalie, et, plus rcemment, de Romain Goupil : Lettre pour L... ), ou encore au cinma documentaire (du cin-il de Dziga Vertov3 au cinma du rel ).

    Si nous utilisons la correspondance par lettre vido, c'est en tant que praticiens et chercheurs intervenant dans le rel, via des dispositifs d'criture et de ralisation en vue de rsoudre des problmes dans une perspective de changement ou de transformation 4 . Nos dynamiques de travail associent troitement recherche, production de connaissances et modalits de l'action ou de l'intervention ; elles se caractrisent, dans l'espace ducatif (institutions scolaires ou universitaires), par les points suivants : un public d'lves ou d'tudiants non professionnels de l'audiovisuel, une animation assure par une quipe mixte (enseignants associs des cinastes et/ou des techniciens), enfin, un travail de ralisation autant centr sur le mdium - sur l'acquisition de la matrise de l'outil (la camra), d'un langage (audiovisuel) et de ses codes - que sur les mdiations.

    Le constat qui sous-tend cette dmarche est en effet le suivant : les institutions ducatives, notamment en formation initiale, rencontrent des problmes d'appropriation des savoirs par les publics auxquels elles les dispensent. A l'cole, particulirement, la distance entre certains lves et les connaissances dispenses constitue un vritable obstacle l'apprentissage. Nombreux sont ceux qui tentent de crer dans un groupe les conditions pour que des expriences (cognitives, sociales, affectives) soient faites permettant chacun d'attribuer du sens aux dmarches labores pour acqurir des savoirs et, par suite, aux savoirs eux-mmes. C'est ce qui fonde la plupart des dmarches artistiques en milieu scolaire . C'est galement la base de la correspondance scolaire dans la pdagogie Freinet 6.

    La spcificit d'un espace amateur autour de la lettre vido est ailleurs. Elle rside dans le fait que, ralisant une lettre pour l'envoyer d'autres, notre amateur coproduit un espace de travail entre l'intrieur et Vext- rieur de l'institution et que, dans cette tension, il tente d'inventer de nouvelles formes.

    Pour mieux comprendre cette pratique sociale, il parat utile de resituer la problmatique de l'amateur de lettres vido par rapport celle de l'amateur de vido.

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  • La lettre vido

    L'amateur et la ronde des objets. .

    Un vidaste amateur consomme des images, des discours sur l'image, des instruments pour en faire et, ce titre, n'chappe pas cette spirale de la consommation que Baudrillard dfinissait comme un mode actif de relation (non seulement aux objets, mais la collectivit et au monde), un mode d'activit systmatique et de rponse globale sur lequel se fonde tout notre systme culturel7 .

    Pour Baudrillard, l'activit du consommateur est double : non seulement il consomme mais il tient un discours sur cette activit, ce qui lui permet de crer des relations de sens entre ses objets de consommation. Le consommateur se persuade ainsi, tort, que consommer est un acte personnalis. Alin sans le savoir, il se laisse bercer par l'illusion d'une distinction personnelle dans la consommation des objets8 .

    En dveloppant la problmatique d'un cart entre l'injonction consommer et l'acte consommatoire lui-mme, Michel de Certeau et Luce Giard ont, l'oppos, soulign l'existence de variations entre le mode d'emploi qui rgle l'incorporation sociale du bien de consommation et le bricolage des pratiques et des usages 9. Selon Michel de Certeau, l'usager invente des formes de rsistance la pathologie de la civilisation technicienne. Bricoleur , il rsisterait l'obsession de l'homme moderne, ce cybernticien obsd par la circulation absolue des messages et des objets 10.

    Qu'en est-il du geste de l'amateur qui utilise un bien de consommation (le camscope) pour produire ses propres objets audiovisuels ? En tant que consommateur-producteur, il risque fort de jouer le jeu d'une socit qui tente de contrler non seulement les faons de consommer mais galement les messages produits grce aux machines conues dans cet objectif. L'amateur va tellement bien incorporer les schmas de consommation qu'il ne pourra que les reproduire. Comment faire autrement ? Comment rsister l'institutionnalisation des machines communiquer11 et l'influence d'un discours d'accompagnement dont l'objectif est de guider clairement l'usage qui sera fait des nouvelles technologies 12 ?

    Pourtant, le modle impos par l'institution mdiatique, qui situe l'metteur actif au centre et les rcepteurs passifs la priphrie, a t remis en question dans les annes 60-70. Un certain nombre de mdiateurs sociaux voyaient alors dans l'appropriation collective du matriel audiovisuel lger la possibilit de faire prendre en charge l'information par la collectivit et de susciter la participation de tous la vie de la

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  • Michle Gellereau, Muriel Molini

    cit 13. La vido, en tant qu'oprateur d'une contre-tlvision H , occupait une place importante dans ce mouvement.

    Or, au dbut des annes 80, ces processus de mdiation disparaissent progressivement. C'est la consommation elle-mme qui devient, pour l'individu, une pratique signifiante . Par exemple, les rseaux d'usagers qui se mettent en place Velizy autour du magntoscope ne sont plus centrs sur un vouloir collectif qui s'imposerait chacun de ses membres mais valorisent les idiosyncrasies de chacun. . Que signale cette valorisation ? Etudiant l'usage des messageries -dialogues, Philippe Mallein en conclut qu'on est l face une communication o l'identit des partenaires n'est pas une donne initiale qui introduit un, dialogue. L'identit des partenaires, c'est l'enjeu, c'est le produit de la communication elle-mme . Ce qui se joue l, c'est l' imaginaire de l'identit individuelle de l'usager , face des rles sociaux attribus et dans lesquels il tente d'introduire du jeu et du fantasme par, le biais de la machine 15.

    L'mergence de la lettre vido dans l'espace amateur des annes 80 signale son tour une volution des pratiques sociales autour des machines communiquer. Aux modalits d'appropriation collective de l'outil vido pour une citoyennet plus active des annes 60-70 et l'investissement fantasmatique de la machine dcrit par Philippe Mallein au dtour des annes 80 succde, dans les annes 80-90, une recherche parfois iconoclaste de formes dans laquelle les amateurs de lettres filmes de tous bords vont progressivement se reconnatre 16.* C'est ce qui conduit Alain Moreau s'exclamer : on l'a devin, les auteurs de vidolettres sont [...] bien des amateurs et ce qu'ils aiment le plus [...], c'est exercer leur libert dans l'insolence des formes, dans le rapport entre la voix off et l'image, dans le jeu de cache-cache permanent induit par un genre qui a la particularit de traverser et d'englober tous les autres, ceux du cinma comme ceux de la mdiation tlvisuelle17 .

    Inventeur de formes, donc. Mais ce n'est pas la seule caractristique de notre amateur : il est en qute de correspondances smantiques et formelles entre ce JE (psycho-socio-historique) qui s'nonce dans la lettre, le rel qu'il prend tmoin de son nonciation et le destinataire de celle-ci.

    Amateur de correspondances.

    Ce qui retient aussi notre attention dans le genre pistolaire, c'est en effet qu'il invite l'amateur porter un regard sur lui-mme, la croise de son histoire personnelle et de l'histoire sociale. Mises en correspon-

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  • La lettre vido ,

    dance, les lettres tablissent des relations entre les facettes psychologiques (ce que je pense, vis, revis, perois...), sociales (d'o je viens, quelles sont mes appartenances ?...) et historiques (en quoi suis- je acteur demon histoire, quel est mon rapport l'Histoire ?) des correspondants. Ainsi, dans Lettres au pass 18, les lves d'histoire-gographie d'un collge marseillais se penchent sur les prgrinations de leurs grands-parents russes, italiens, polonais, libanais ou espagnols autrefois migrs Marseille et, pour ce faire, crivent et filment les lettres que leurs aeux auraient pu crire leur descendance pour lui raconter leur exil. Ainsi, le documen- tariste lillois Hassan Legzouli adresse-t-il son pre une lettre intitule L-bas si j'y suis, dans laquelle il suit au fond d'une mine le vieux mineur que son pre aurait pu tre s'il avait migr dans le nord de la France comme bon nombre de ses compatriotes marocains, il y a une cinquantaine d'annes. Cette place prise par une mmoire la fois autobiographique et historique de l'amateur signale la tentative de celui-ci de s'approprier sa fonction d'historicit , c'est--dire sa capacit d'analyser et de matriser les lments qui [le] constituent comme sujet historique 19 . Adresser la lettre au pass, c'est ici, pour l'amateur, se relier lui-mme en tant que sujet totalement singulier, porteur d'avenir et totalement empreint d'une mmoire et d'une histoire sociales.

    La mise en correspondance ouvre donc la production vidographique amateur sur la relation de nombreuses altrits. Il convient d'en voquer ici encore quelques figures. Ainsi de ces lettres adresses un destinataire rsidant dans un espace culturel tranger : dans Bons Baisers de Paris 20, par exemple, des collgiens parisiens racontent leur Paris de jeunes Roumains. Ou encore de ces lettres pour la ralisation desquelles le des- tinateur s'est lui-mme dplac et nous crit d' un pays lointain21 , ou lorsque, comme Say Sak, il vient d'ailleurs, d'un pays meurtri par la guerre et adresse sa lettre tous ceux qui, ici, pourraient faire, avec lui, un geste en faveur des sans-abri22. La lettre vido, dans ses dimensions autobiographique, dialogique et vidographique, se propose l'amateur comme un dispositif pour rflchir sa propre image et mettre en relation un fragment de lui-mme avec quelques autres fragments d'altrits et de mondes.

    On comprend peut-tre mieux alors que le terme amateur soit peu revendiqu dans l'espace de production des lettres vido. Peut-tre ce terme a-t-il t trop longtemps associ au conformisme qui rgne dans nombre d'institutions offrant des formations l'audiovisuel domines par un savoir constitu sur le cinma, doubl maintenant par une prgnance quasi "naturelle" des formes tlvisuelles, entranant des pdagogies normatives qui elles-mmes ' aboutissent des uvres > qui sont les sous- produits du cinma ou de la tlvision23 . Son identit d'amateur, celui

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  • Michle Gellereau, Muriel Molini

    qui ralise des vidolettres tente de la vivre en relation, quand cela est possible, avec des professionnels 24 et dans les marges des modles dominants. Ces uvres de collaboration sont des dispositifs de mdiation. Ceux qui y participent utilisent, explorent et s'approprient un langage commun, le langage audiovisuel, mais l'enjeu est d'abord relationnel : relation aux institutions, relation aux savoirs et aux apprentissages, relation soi et l'autre.

    LA LETTRE VIDO COMME PRATIQUE ALTERNATIVE

    L'enjeu de ces pratiques devient donc aussi une critique d'un certain monde audiovisuel fond sur la consommation et la passivit. Dans ce cas, les lettres vido (collectives ou non) incitent poser la question de la production amateur non pas tant en opposition avec les productions professionnelles qu'en opposition avec les productions commerciales des mdias audiovisuels.

    La lettre vido propose un mode relationnel- diffrent de celui des mdias de masse, focaliss sur la recherche d'audience ou d'image de marque. Les pratiques de correspondance reprsentent une expression culturelle des jeunes, fonde sur des relations horizontales et diagonales, sur des interactions sociales en rseau. Quand un groupe de lycens espagnols interpelle d'autres lycens sur la question de la violence l'cole {Lettre tous les jeunes, IB Orcarcitas, Madrid, 1992, CIEP-Belc), c'est pour entamer un dialogue sur ce sujet, non pour en proposer une image mdiatique. Ces changes placent la vido amateur dans la construction de ces espaces publics alternatifs, pluralistes et ouverts qu'voque Laurence Allard 25. En prsentant une image non strotype de la ralit, une image issue de l'exprience des jeunes, ils font acte de rsistance et de critique face aux missions (mme interactives) des chanes de tlvision. La spcificit de la lettre se situe donc ici essentiellement dans un changement relationnel qui fonde l'utilisation de l'image sur le besoin d'change et non sur le spectacle.

    Certes, les contenus et les formes des lettres que s'envoient les enfants manifestent des tapes d'imitation. La reproduction des strotypes d'missions de tlvision, particulirement de jeux ou d'information, est frquente (une lettre d'lves s'intitule ainsi Canaille +. Les infos zozos) ; l'attitude inverse, le rejet des formes tlvisuelles dominantes, est galement prsente : contre le style pub ou le style clip, on choisira par exemple le plan synchrone fixe montrant interminablement des moments de la vie quotidienne, au risque d'ennuyer ses correspondants. Mais ces pratiques

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  • La lettre vido

    dpassent rapidement le couple fascination-rejet pour construire un autre rapport aux mdias et aboutir une vritable criture audiovisuelle. L'criture pistolaire a en effet l'avantage inestimable de se prter toutes les exprimentations; en dehors de ses marques de destination. et de salutation, une lettre n'a pas de structure fixe, elle n'a pas de centre, pas de dbut ou de fin obligs, comme c'est le cas du rcit ; on peut sans problme y mlanger les genres (clip, reportage, Journal, rcit de vie, enqute policire , interview, etc.) et donner libre cours sa fantaisie. Ainsi, une des premires lettres ralises par des enfants de l'cole primaire de Vitruve (CIEP, coll. RVC , 1986) raconte la balade d'une tortue : symbole de la recherche d'identit des enfants de l'cole, une petite fille dguise en tortue cherche, par l'interview, tablir un lien entre, les immigrs du quartier et leur pays d'origine (voir ici mme, p. 263-266). Rflchissant l'image qu'il construit pour l'autre, le groupe prend ses distances par rapport au modle tlvisuel et s'autorise un produit non liss plus proche de la communication vive .

    Les correspondances vido questionnent l'emprise uniformisante des mdias et ouvrent des espaces alternatifs. L'amateur es correspondances est alors celui qui cherche proposer autre chose . L'exprience d'une pratique audiovisuelle fonde sur la relation l'autre place le sujet la recherche de son propre dispositif d'mancipation au croisement de multiples sphres, dont celles de l'cole et des mdias : il utilise les formes de langage en les recomposant dans une perspective d'change. Dans ce dispositif de mdiation, l'attitude amateur se conjugue volontiers avec les dsirs de certains professionnels.

    La lettre vido la tlvision... de nouvelles pratiques tlvisuelles ?

    Cette forme d'expression nous semble construire une place spcifique du sujet dans le cadre d'un espace public mdiatis ; elle procde d'une communication mdiatique interpersonnelle qui,' en s'adressant non pas un public indfini mais des sujets, manifeste la possibilit d'un autre usage de la tlvision et des mdias. Ce modle remet en question l'homognisation culturelle et propose des images o l'essentiel passe par la captation d'vnements significatifs pour le sujet, dans une perspective d'intervention sociale (exemple : agir tous ensemble contre la guerre) ou de comprhension de l'autre (si l'enfant- tortue d'une cole primaire peut ouvrir la communication entre des travailleurs migrs et leur pays d'origine, pourquoi pas la tlvision ?). Pourquoi cette dmarche amateur n'influencerait-elle pas le champ des professionnels ? Ou, vu sous un autre

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  • Michle Gellereau, Muriel Molini

    angle, cet amateur es correspondances ne reflte-t-il pas une volution des rapports entre sujets-citoyens et mdias ? ,

    Cette question nous a conduites nous intresser un fait relativement rcent, savoir la pntration des productions d'amateurs dans la tlvision grand public. Nous n'voquerons pas ici la parodie de la vido d'amateur telle qu'on la trouve dans les publicits, ni l'utilisation d'extraits de films d'amateurs dans les missions d'actualits, les dbats ou les reality shows, ni encore l'affligeant vidogag. Nous traiterons plutt de lettres constituant la totalit d'une mission, conues et ralises par des jeunes non professionnels, parfois encadrs par des professionnels.

    Nous nous arrterons sur une mission des Studios Altman diffuse en 1995 sur plusieurs chanes amricaines et, europennes ' (Canal Jen France) : A nous la camra . Sous forme de lettres ouvertes,1 des jeunes du monde entier se filment eux-mmes sous la direction d'une quipe de tlvision. La forme mle divers types de traitement. D'abord s'affirme le style pistolaire, dont le code est nettement marqu : regards frquents la camra, ouverture et fermeture de chaque courte lettre par les formules rituelles ( J'cris cette lettre ma maman , Chers correspondants , Votre ami de Pkin , etc.). S'affiche galement le style amateur : bien qu'encadrs par l'quipe de l'mission, les enfants ont tourn eux-mmes - la bande-annonce de l'mission, o une voix jeune nonce : nous la camra, c'est nous qui parlons, c'est nous qui filmons ! , est trs claire sur ce point ; et l'introduction de scratches l'image marque nettement le non-professionnalisme. Le style tmoignage est quant lui prsent tout au long de l'mission : des enfants de divers pays dcrivent leurs activits, font part de leurs sentiments et de leurs opinions. Enfin, le style mission didactique pour enfants encadre l'ensemble : l'mission est construite comme une srie (la- programmation! de : chaque squence d'une demi-heure est hebdomadaire), chaque squence traite un thme, les films se succdent sous une forme toujours identique (une vingtaine de mini-productions provenant de divers pays) et gnriques et jingles habillent et unifient le tout. La parole des enfants est ainsi intgre une forme pense en termes de commercialisation spcifique aux missions pdagogiques pour la jeunesse (il n'y a toutefois ni prsentateur ni plateau) 26.

    Dans l'mission diffuse en 1995, cinq thmes ont t retenus : Nos messages s'adressent la terre , partir d'exemples d'actions cologiques envers les animaux ou la nature ; Nos vidos de vacances et Comment on s'amuse travers le monde , qui proposent un tour d'horizon des activits de loisirs dans diffrents pays ; Messages nos parents , centr sur les rapports parents-enfants ; enfin, Nos messages parlent de fraternit , avec des tmoignages sur des questions sociales.

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  • La lettre vido

    Ces sujets (que l'on retrouve dans de nombreuses vidos de jeunes) visent promouvoir une relation harmonieuse au monde et entre humains. Des enfants s'adressent d'autres enfants dans le but de partager des expriences, des ides. Dans une mme squence, les films se font cho : Merci, la terre, de nous avoir donn l'eau pour que nous puissions vivre , dira Albertina (Ghana) aprs deux reportages sur la faune dans d'autres pays ; dans l'mission sur la fraternit, une adolescente bosniaque, rfugie Paris, parle de la publication de son Journal de guerre, puis une jeune Isralienne s'interroge sur ses voisins : la nuit je vois les lumires de la Jordanie, je me demande comment ils vivent l-bas suit immdiatement une lettre d'une jeune Jordanienne qui semble lui rpondre.

    la diffrence des lettres d'lves ou de celles que les dtenus envoient leur famille, celles-l sont des lettres ouvertes destines aux tlspectateurs (jeunes mais aussi moins jeunes) . Au-del d'une vision un peu idyllique de l'harmonie plantaire, on peut considrer qu'elles signent l'engagement de chaque enfant dans une interprtation personnelle ou collective du monde et que ce type d'mission propose une rappropriation existentielle o l'on n'est pas qu'une espce dans le flux indiffrenci27 . L'enfant qui regarde se sent intgr la forme de dialogue qu'on lui propose, car si les jeunes semblent se rpondre d'un pays l'autre, ils invitent partager cette fraternit. Ces correspondances de jeunes d'un pays l'autre manifestent une volont de comprhension de la culture de chacun ; elles visent une culture commune que l'on construit au fur et mesure des lettres, ainsi qu'une volont d'identit propre. Elles s'inscrivent donc la fois contre l'homognisation culturelle des mdias de masse et contre l'individualisme des replis locaux.

    Ces expriences participent d'une nouvelle forme de tlvision, ouverte l'expression des gens ordinaires qui font accder la scne publique l'exprience de la socit civile dans les termes o celle-ci, individu par individu, se reprsente et vit ses rapports aux diverses institutions28 . Il s'agit d'une tlvision relationnelle qui suscite la solidarit, une tlvision qui confronte des sujets leurs propres images, projetes sur des figures condensatoires qui interviennent comme des supports de reprsentation de leur exprience sociale29 . Certes, dans A nous la camra , cette parole ordinaire est intgre dans le dispositif d'une mission pdagogique enfantine, mais on notera qu'elle n'est pas cite dans le discours d'un animateur ou d'un journaliste qui la commente, comme dans les reality shows ou le Journal tlvis : les jeunes s'adressent directement d'autres jeunes - on pourrait dire : de sujet sujet - sans laisser leur discours l'interprtation d'un mdiateur ou d'un expert. La multiplicit des points de vue reste entire. Par ailleurs, la diffrence

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  • Michle Gellereau, Muriel Molini

    de la tlvision compassionnelle dcrite par Dominique Mehl, o l'motion est essentielle, dans ces lettres on donne certes voir, mais on ne met jamais en spectacle. Certains tmoignages sur la guerre ou sur les rapports parents-enfants sont durs et mouvants, mais le travail d'criture allie sentiment et rflexion sans pathos excessif: telle lettre d'un orphelin thiopien sa mre est pleine de retenue, celle de la jeune Estonienne dont le pre sort de prison reste pudique, tout comme les remarques de cette adolescente canadienne qui a appris se dbrouiller aprs le divorce de ses parents. Nous noterons cependant que le discours repose plus sur le tmoignage authentique que sur une recherche d'approfondissement des faits.

    La reconnaissance de la capacit crative des amateurs qui construisent eux-mmes .leurs films est aussi une des originalits de ce dispositif. L'quipe de ralisation agit certes comme mdiatrice et formatrice, mais elle tmoigne aussi de l'existence d'autres mdiations (les jeunes se montrent souvent en groupe, travaillant avec leur famille ou dans des associations) ; elle tmoigne de possibilits de construction de liens sociaux extrieurs elle, notamment les liens que produit la correspondance. Il y a donc dans cette dmarche, une forme de respect des amateurs. .

    Ainsi, mme si le dispositif est diffrent de celui des changes par correspondance, puisqu'il s'agit de diffuser, des expriences et non de crer des relations interpersonnelles, il invite valoriser ces expriences et en donner, par l'enfant lui-mme, une interprtation sociale. Le fait qu'un dispositif tel que la correspondance vido soit montr la tlvision correspond. une nouvelle forme de communication tlvisuelle qui se distingue par un rapport de proximit et d'ducation la citoyennet, moins que ce. ne soit tout simplement une volont de conqurir le public en lui proposant un miroir de ses activits. Les missions dont nous avons parl ajoutent cette tendance l'image de l'amateur cratif, qui peut se former intervenir dans le champ social en fabriquant ses propres images, amateur- qui prend la camra pour agir sur l'opinion publique.

    L'amateur ne s'oppose donc plus, dans cet exemple, au professionnel puisque c'est ici l'expression construite par les amateurs qui sert de schma et de fil conducteur des missions (professionnelles) de tlvision. Nous avons dj soulign comment la lettre vido offrait un dispositif.de relation l'autre dans un engagement qui questionne la socit; elle peut aussi fonctionner comme un dispositif -de mdiation entre le ralisateur professionnel et. celui qui utilise la tlvision pour correspondre avec les autres. Est-ce dire que la figure de l'amateur qui s'y construit reprsente une ouverture rellement dmocratique des formes de reconnaissance sociale de certaines franges de la population ?

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  • La lettre vido

    II est difficile de l'affirmer. En tout cas, elle tmoigne d'un fait que P. Dahlgreen souligne de manire optimiste : les mdias des mouvements alternatifs, lis aux expriences et aux interprtations de la vie quotidienne de leurs membres, sont de plus en plus capables d'imposer leur version de la ralit politique aux mdias dominants . Quelle que soit l'issue de ces expriences chec commercial pour les chanes concernes, rcupration normalisante ou encore pntration relle des mass media par l'opinion publique -, on peut souligner que cela permet. la fois de diffuser et de lgitimer un spectre plus large de points de vue et d'information 30. A condition cependant que cette apparition de l'amateur ne se limite pas une mise en scne du public servant d'alibi une construction qui lui chappe. Quoi qu'il en soit, la valorisation de ce type de production amateur par la tlvision signale que celle-ci considre parfois l'amateur comme acteur et non comme simple consommateur.

    Dans les contextes ducatifs que nous avons dcrits, qui s'intressent l'identit et la formation d'un sujet social, les ralisateurs de lettres vido crent une mdiation spcifique entre le monde et leur histoire reposant essentiellement sur l'change avec les autres. Certains lieux mdiatiques se font l'cho de ces mises en correspondance. Se distinguant de simples dmarches marchandes d'adaptation au public, leurs produits replacent la question des relations des sujets entre eux au cur du sens donn aux mdias. Dans ce geste cratif, la notion d' amateur dsigne l'attitude de celui qui cherche rsister, la normalisation et une utilisation exclusivement commerciale et consommatrice de la vido. Et, s'il est respect dans sa dmarche, l'amateur n'est plus simplement auteur-bricoleur mais s'inscrit socialement dans une volution du monde des mdias, par un travail de rencontre et de dialogue. Il rhabilite la figure du rcepteur (correspondant ou spectateur) dans sa capacit se positionner non comme public mais comme sujet. L'enjeu ducatif est bien celui de la participation de chacun la production des modles culturels.

    Michle Gellereau Universit Lille III

    Muriel MOLINI Equipe de recherche sur le cinma priv,

    IRCAV, universit Paris IH-Sorbonne nouvelle

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  • Michle Gellereau, Muriel Molini

    NOTES

    1 . Nous nous rfrons ici au dispositif tlvisuel incluant des correspondances par vidolettres mis en place en 1990 par Alain Moreau et l'association Fentre sur cour au centre culturel de la maison d'arrt de Paris-la Sant : Tl-Rencontres. Cf. Alain Moreau, Vidolettres la Sant : des images la rencontre de l'autre , Rtroviseur, n 2-3,' avril-septembre 1993, extrait de L'Air du dehors, Boulogne, d. du May, 1993.

    2. Ces recherches, coordonnes depuis 1983 par Micheline Maurice (en collaboration, de 1988 1993, avec Muriel Molini) dans un rseau international de correspondances par lettres vido, ont donn lieu de nombreuses publications au Centre international d'tudes pdagogiques de Svres. On pourra notamment se reporter Origines du projet Rseau Vido Correspondances , Lettres ouvertes et Carnet de route, Svres, CIEP, 1995.

    3. En 1923, Vertov, cordonnier du cinmatographe , dfinissait l'uvre cinmatographique en deux mots : le montage du je vois ( L'importance du cinma non jou , Cahiers du Cinma, n144, juin 1963, p. 18).

    4. Michel Legrand, L'Approche biographique, Paris, EPI, 1993, p. 175. 5. Sur l'enseignement artistique, cf. Eliane Chiron, La crativit comme valeur pdago

    gique , Communications, n 64, La crativit , 1997, p. 173-190. 6. Bernard Schneuwly, Vygotsky, Freinet et l'crit , in La Pdagogie Freinet, mises jour et

    perspectives, Bordeaux, PUB, 1994, p. 321-322. 7. Jean Baudrillard, Le Systme des objets, Paris, Gallimard, coll. Tel , 1968, p. 275. 8. Ibid., p. 196. 9. Michel de Certeau, L'Invention du quotidien, t. 1, Arts dfaire (prface de Luce Giard),

    Paris, Gallimard, 1980 (2e d. 1990). 10. /&/., p. 41. 11. Pierre Schaeffer, Machines communiquer, t. 1; Gense des simulacres, t. 2, Pouvoir et

    Communication, Paris, d. du Seuil, 1971-1972. 12. Jacques Perriault, La Logique de l'usage. Essais sur les machines communiquer, Paris,

    Flammarion, 1989, p. 105. 13. On se souviendra ici des projets qubcois de tlvision communautaire, notamment Mul

    timdia en 1973 et Fer de lance, Sherbrooke, en 1976.1 14. Jacques Perriault, La Logique de l'usage, op. cit., p. 97-98. 15. Philippe Mallein, Significations d'usage et processus de mdiation : la place sociale des

    machines communiquer , in Jacques Perriault (sous la dir. de), Usagers de la communication distance, usagers des machines communiquer, Actes d'un sminaire 1989-1990, CNED, 1990.

    16. Outre les lettres de Jean-Luc Godard et.de Frdric Mitterrand dj cites, signalons l'mission Lettres de cinastes propose par le magazine Cinma Cinmas d'Antenne 2 la mme poque (1982), qui demandait treize cinastes (dont Wim Wenders, Alain Cavalier, Raoul Ruiz, Chantai Akerman, Jean-Pierre Mocky, Jack Hazan...) de filmer en 16 mm, en 1 1 minutes et sans montage l'tat de leur emploi du temps entre deux films, leur rapport la cration et au mtier de cinaste.

    17. Alain Moreau, Amateurs l'avant-garde : loge de la vidolettre , Images documentaires, n 28, 3e trimestre 1997. 18. Ces Lettres au pass ont t ralises en 1993 et 1994 par les collgiens de la classe

    d'Anne-Marie Jonquet, professeur d'histoire-gographie au collge Virebelle Marseille. 19. Vincent de Gaulejac, Approche socio-psychologique des histoires de vie , Histoires de

    vie, ducation permanente, n 72-73, 1984, p. 45. 20. Bons Baisers de Paris a t ralis en 1991 par les lves de Claude Baudoin, professeur

    de franais au collge de la Fontaine-au-Roi Paris, en association avec un intervenant documentaliste de la Maison du geste et de l'image.

    21. Allusion Chris Marker, qui en nous crivant d'un pays lointain offrait ds 1957, avec

    260

  • La lettre vido

    sa Lettre de Sibrie, la fois une correspondance sociale et politique, une correspondance visuelle et sonore et une correspondance pistolaire. Cf., ce sujet, Patrice Rollet, En-tte , Lettres de cinma, Vertigo, n2, 1988, p. 7-11.

    22. Say Sak, Le Noir et le Jaune, Paris, collge de la Fontaine-au-Roi-Maison du geste et de l'image, 1990.

    23. Alain Moreau, Amateurs l'avant-garde , art. cit. 24. Ces relations entre amateurs et professionnels se nouent dans les quipes de ralisation,

    mais galement l'occasion de festivals mlant, dans leur programmation elle-mme, pratiques et produits amateurs et professionnels. Ainsi de l'association Heures exquises ! Lille, ou encore du Festival vido de Gentilly qui a programm en 1995 une rtrospective de vidolettres d'artistes, de cinastes, d'enseignants, de dtenus, d'lves, etc., au cours d'un atelier anim par Alain Moreau et Micheline Maurice.

    25. Laurence Allard, L'Espace public esthtique et les Amateurs : l'exemple du cinma priv, thse de doctorat, Paris III, 1994, p. 349.

    26. J.-P. Carrier, Les effets d'habillage , CinmAction, Les missions pour enfants, Cor- let-Tlrama, 1993.

    27. Flix Guattari, Les agents de l'alination et du dsir : la tension nonciative , CinmAction, n 50, Corlet, p. 37.

    28. Dominique Mehl, La Tlvision de l'intimit, Paris, d. du Seuil, 1996, p. 185. 29. Guy Lochard, La parole du tlspectateur dans le reportage tlvisuel , in J.-P. Esquenazi

    (sous la dir. de), La Tlvision et ses tlspectateurs, Paris, L'Harmattan, 1995. 30. P. Dahlgreen, L'espace public et les mdias : une nouvelle re ? , Herms, n 13-14,

    Espaces publics en images , Paris, d. du CNRS, 1994, p. 254.

  • TORTUE TRANSCODEE... PARTIE CE JOUR DE PARIS... POUR

    ESPOSENDE (PORTUGAL)

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  • Dcembre 84, veille des congs de Nol Micheline Maurice rend visite l'quipe de l'cole Vitruve pour lui prsenter le RVC. Dveloppant, depuis plusieurs annes, une pdagogie interculturelle d'changes et de rencontres avec les pays trangers, les enseignants adhrent immdiatement au projet. J'avais eu l'occasion de "manipuler" la vido, en 83,- lors d'une classe transplante au Portugal mais n'avais pas su tirer profit des "kilomtres" de bandes enregistres, faute de moyen, de temps, de scnario rflchi. . . Ce projet, bien cadr, me sduit. Cette anne, je travaille avec un groupe de CE2/CM1 qui, pendant le premier trimestre, a jou un rle de coordination au sein de l'cole : realisation.de documents utiles aux usagers de- l'tablissement (plan du quartier, de l'cole, mise en fiches de "recettes" pour les plus jeunes), braderie d'hiver, collecte de jouets pour le Nol des enfants du San Salvador... Ces ralisations nous avaient appris tre l'coute des autres : les questionner, rpertorier leurs besoins, rpondre leurs demandes sous une forme qui leur soit utile, pratique, lisible. Quand j'expose aux enfants le mode de correspondance mis en place par le BELC, leur premire question est donc : "A qui , allons- nous adresser cette lettre-vido ?" Nous ciblons nos interlocuteurs dans les pays dont sont originaires les enfants du groupe : le Portugal, l'Algrie, la Yougoslavie. . Jeudi 3 janvier : Runion de classe. Nous entrons, immdiatement, dans le vif du sujet. Qii'ost-ce que la vido ? C'eut de l 'audio-visuel :

    audio = entendre visuel = voir

    La correspondance c'est quand on change = communication. Entendre, voir, changer, communiquer... Que filmer ? Paris, bien sr, puisque nous y vivons ! Aussitt les clichs affluent : la tour Eiffel, l'Arc de Triomphe, le Sacr Coeur, Notre Dame, les muses. . . Allons-nous . louer un hlicoptre pour raliser- un reportage d'une qualit- technique quivalente au montage-diapos que pourraient se procurer les enseignants trangers l'Ambassade de France ? Les enfants atterrissent ! Notre quartier alors... L'cole : ce que nous y vivons... Les boutiques, le Pre Lachaise, les jardins. Nous retrouvons les images - et les limites - du plan ralis en dbut d'anne. Pour visualiser notre quartier d'un oeil nouveau, je suggre d'y faire des reprages-photos.

    Jeudi 10 janvier Premiers reprages, au Pre Lachaise. Avant de partir, nous discutons pour dterminer les critres des sujets choisis. Quatre sries de photos seront prises :

    - des photos de neige - des photos du Pre Lachaise

    en tant que jardin* (avec ses chats) - des photos des tombes cl

    bres (la Fontaine,' Molire, Parmen- tier, Edith Piaf, ...)

    - des photos , des diffrents types de tombes . On se promne en observant, on propose une prise , de vue selon les objectifs fixs : on cadre. Apprentissage de l'oeil-viseur. Un enfant, qui habite sur la , Place de la Runion - vue sur la place du march et l'cole-- est charg de prendre une photo de chez une voisine du 12 tage de son immeuble.

  • Lundi 14 janvier : Les photos sont tires, regardes, tudies, commentes... La photo de la Place de la Runion est une russite. D'elle nous vient l'ide de filmer un plan de Paris avec les monuments clbres miniaturiss. Paralllement se pose . la question : comment - allons-nous nous prsenter ? Individuellement ou en groupe ? Proposition de se prsenter en mouvement, en train de jouer ou de manger, pour que ce soit plus vivant.

    Jeudi 17 janvier : Le plan de Paris servira d'introduction. Il faudrait trouver une phrase musicale qui serait joue au xylophone : les touches seraient les monuments miniatures... A discuter avec le prof de musique. Micheline suggre de poursuivre les reprages-photos de manire plus personnelle. Chaque enfant devra photographier sa maison, les gens avec qui il vit, un objet qui lui est cher, les lieux du quartier qu'il apprcie particulirement, ceux qu'il redoute. A partir de ces images, nous pourrions raconter l'histoire d'un enfant vivant dans le quartier... ou d'un "nouveau" arrivant l'cole... ou d'un enfant se dplaant en skateboard, qui voudrait voyager : il pourrait ainsi arriver dans les pays destinataires et nos correspondants nous raconteraient la suite de son aventure.

    Mardi 22 janvier : Nous voulons intresser nos correspondants et, surtout, qu'ils aient envie de rpondre. Leur montrer la place des communauts trangres dans notre, quartier (les commerants...) pour qu'ils se retrouvent un peu "chez eux", les lieux de rencontre (le march, l'cole), les conditions de vie des immigrs.

    Leur expliquer comment on travaille ici, plus particulirement dans notre cole (les runions, un restaurant) . Le scnario se met en place.

    Jeudi 31 janvier : Le matriel vido est l ! La classe se divise en deux groupes : - le premier, film par un adulte,

    va dcouvrir les diffrents appareils, leur rle, les branchements, sous les conseils de Micheline.

    - le deuxime, dans la salle attenante, suit sur l'cran de tlvision, en direct, cette initiation. Au fur et mesure, je note les consignes au tableau.

    Tout le monde est attentif i il nous faudra refaire ces gestes, seuls, dans quelques instants. Tous les enfants sont passs derrire la camra.

    Jeudi 5 fvrier : Pour nous exercer, nous filmons la prparation d'un conseil de classe. Rpartition des rles : les "acteurs" ont le trac, les ralisateurs sont calmes et exigeants, les spectateurs silencieux : "Silence, on tourne !"

    Samedi 7 fvrier : Prsentation - du "gnrique" par le groupe qui a travaill avec le professeur de musique : rptition tournage.

    Lundi 15 fvrier : Ncessit de mettre au clair nos ides de scnario : passage l'crit. Nous nous orientons vers une histoire pisodes mais comment les lier ? Chacun rdige son scnario.

    Jeudi 25 fvrier : Lecture des diffrents scnarios.

  • Trois choix de personnage de liaison se prsentent : un martien, une. tortue, un enfant.. Au vote, c'est la tortue qui l'emporte ! On retourne le gnrique avec la tortue. Le cameraman (Frdric, 9 ans) a grimp sur une chelle avec sa camra pour cadrer le plan de Paris en "plonge" ; la tortue de Xavier est lche et ... la star ... suit, par un merveilleux hasard, le cours de la scne ; les instruments de musique (tuyaux de bois, bocaux remplis d'eau,' etc.) sont disposs autour,, les enfants jouent la phrase musicale, inspire er "Paris Canaille", et la chantent* Moteur ... on tourne ... 3 prises. La . tortue commence- . s'affoler. Les enfants sont rests calmes.

    Vendredi 26 fvrier : Ln tortue, personnage rel, nous amnera donc dans les lieux du quartier que nous voulons monter. Elle aura ce regard tranger ncessaire sur les ralits quotidiennes- vcues par les enfants. Elle introduira nos reportages, elle accompagnera les enfants l'cole. Elle ira en particulier chez les "petits" du cours prparatoire, qui ont commenc s'initier l'informatique. L, le groupe vido et un groupe du CP prpareront une squence o la tortue relle se promne sur le tlviseur et tombe . . . dans l'cran o une image lectronique de tortue glissera de haut en bas de l'cran, compose et piano- te par -un enfant sur - le clavier de l'ordinateur. Selon nos besoins, elle sera tantt une vraie tortue, venue directement de l'aquarium de Xavier, tantt un enfant dguis en tortue et parfois une tortue-jouet en plastique.

    Lundi 28 fvrier : Dcoupage du scnario en squences : rpartition des enfants de la classe en quipes de tournage. A partir de ce jour-l; tout va trs vi te. . .

    Chaque quipe se charge d'crire sa squence le plus prcisment possible (dialogues, choix des plans, minutage . . . ) , de prendre rendez-vous avec les personnes- qu'elle doit interviewer et filmer. Il ne nous reste que 15 jours avant les congs de printemps : "il va falloir se magner i" (extrait de la lettre-vido, squence du restaurant). Un livret d'accompagnement sera joint la lettre-vido. Chaque lve, partir de photos qu'il a prises, de dessins et de textes s'y prsente individuellement.

    Vacances de Pques : Montage de la lettre-vido. Les enfants n'y participeront pas, ils sont en vacances mais leur retour, ils sont fiers de visionner le produit, ils s'y retrouvent. Il s'agit bien de leur lettre-vido.

    Mois de Mai : Transcodage de la lettre-vido en PAL et expdition aux lves de Maria-Constanza ANDRADE de l'Ecole d'Esposende au Portugal. Les enfants de Vitruve attendent avec impatience une rponse

    Gazette du rseau Vido-Correspondance, n4, octobre 1986, p. 461-464, Svres, CIEP/Belc.

    CIEP, 1, avenue Lon-Journault, 92311 Svres Cedex.

    InformationsAutres contributions des auteursMichle GellereauMuriel Molini

    Cet article cite :Chiron Eliane. La crativit comme valeur pdagogique. In: Communications, 64, 1997. La cration. pp. 173-189.Dominique Mehl. La tlvision compassionnelle, Rseaux, 1994, vol. 12, n 63, pp. 101-122.

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    PlanUn amateur de nouvelles formes L'amateur et la ronde des objets. Amateur de correspondances.

    La lettre vido comme pratique alternative La lettre vido la tlvision... de nouvelles pratiques tlvisuelles ?

    Gazette du rseau Vido-Correspondance, n4, octobre 1986, p. 461-464