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Architectures paysagées

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La Cité internationale universitaire de Paris

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En application de la loi du 11 mars 1957,il est interdit de reproduire intégralement ou partiellementle présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur.

© Éditions L’Œil d’Or et Jean-Luc André d’Asciano, 2010.97, rue de Belleville – 75019 Pariswww.loeildor.com

ISBN : 978-2-913661-38-7

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La cité internationale universitaire de Paris

Architectures paysagées

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La Cité internationale universitaire de Paris est née au lendemain de la première guerre mondiale, du rêve et de la volonté d’hommes d’exception. Ils souhaitaient contribuer à la construction d’un monde de paix en créant un lieu dédié aux échanges internationaux où la jeunesse du monde apprendrait à vivre ensemble.Bien que bientôt centenaire, cette utopie devenue réalité reste plei-nement d’actualité. Plus que jamais, les futurs dirigeants en charge de ce monde doivent apprendre à travailler, à échanger et à trouver des solutions ensemble. Aujourd’hui, la Cité internationale offre à ses hôtes de passage, venant du monde entier, un espace d’échange qui favorise la tolérance et la réflexion.Dans cet ouvrage, le lecteur découvrira les différentes facettes de la Cité internationale : ses maisons aux archi-tectures variées, son histoire étonnante, ses fondateurs, ses grands mécènes et sa vocation internationale restée intacte.En perpétuel mouvement, la Cité internatio-nale aborde aujourd’hui une nouvelle phase de développement. Pour relever les défis du xxie siècle, elle envisage de nouvelles constructions de maisons répondant aux préoccupations de préservation de la pla-nète et entend renforcer son rôle d’acteur majeur au service de la coopération intel-lectuelle internationale.Ce livre témoigne du rayonnement de ce lieu de vie unique et singulier dédié à la jeunesse du monde. En contribuant à sa notoriété, il participe à tracer son avenir.

The Paris University International Campus was born after

World War 1 from the dream and will of exceptional men.

They wished to contribute to the edification of world peace

by creating a place dedicated to international exchanges,

where the young generation of different nations would

learn to live together.

Nearly a hundred years old now, the utopian vision that

has become reality is still pertinent. Perhaps more than

ever, must the future decision-makers of our world learn

to exchange views and collaborate to find solutions. The

Cité Internationale offers its transient guests from around

the world a space for exchange, favouring tolerance and

reflexion.

In the present volume, the reader will discover the various

facets of the Cité: its houses and their diverse architectures,

its surprising history, its founders, its patrons and donors

and its international vocation that has remained intact.

In perpetual motion, the Cité enters these days a new

phase of its development. Tackling the challenges of the

twenty first century, it plans to construct new residences

that respond to concerns of the planet’s preservation, while

striving to strengthen its role as a significant player at the

service of international intellectual cooperation.

This book is a testimony to the scope of influence of a

unique living place, dedicated to the world’s youths. By

contributing to their good reputation, it participates in

shaping their future.

Préface

Marcel PochardPrésident

Sylviane Tarsot-GilleryDéléguée générale

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La Cité internationale universitaire de Paris a été conçue comme un ensemble dédié aux échanges uni-versitaires internationaux. Composée de 40 maisons, toutes dotées d’une identité spécifique, elle accueille chaque année près de 10 000 étudiants, chercheurs, artistes et sportifs de haut niveau dans un cadre de vie sans égal dans le monde.

Une Cité universitaire et cosmopoliteFixées dès l’origine par ses statuts, les principales mis-sions de la Cité internationale sont : « de favoriser les échanges entre étudiants de toutes nationalités, choisis à un niveau élevé de leurs études […] en leur fournis-sant un accueil et des conditions de travail conformes à ses buts, […] d’accueillir les chercheurs, professeurs, artistes poursuivant en France des missions temporaires de recherche ou d’enseignement supérieur et de réunir les ressources, subventions et concours nécessaires à l’accomplissement de sa mission ».Fidèle à ses missions, la Cité internationale réunit chaque année des résidents issus de 140 nationalités. Dans un contexte de compétition internationale accrue, elle sou-tient la politique internationale des établissements d’en-seignement supérieur et de recherche en accueillant leurs publics. Fondée sur l’excellence académique et une répartition internationale équilibrée, la politique d’admission donne la priorité aux étudiants inscrits en master, doctorat et post-doctorat.

Une institution dédiée à l’échange international

Une cité-jardin dans la capitaleLe parc arboré de la Cité internationale abrite 37 mai-sons* inspirées de mouvements architecturaux variés. Cinq d’entre elles sont inscrites ou classées au titre des monuments historiques. Toutes différentes, ces maisons sont animées d’une vitalité propre et appliquent le bras-sage des nationalités et des disciplines. Ce principe ins-crit dans les statuts de l’institution garantit l’idéal de la Cité internationale.Une politique de conservation du patrimoine a permis de rénover plus de la moitié du parc immobilier. Au cours des prochaines années, la Cité internationale prévoit de poursuivre la rénovation des maisons existantes et de construire plus de 1 000 logements supplémentaires. La création de nouvelles résidences, liées à un pays ou à un ensemble de nations, un ou des établissements d’ensei-gnement et de recherche, est envisagée.

Au-delà de l’hébergement, la Cité internationale offre toute une infrastructure pour se détendre, découvrir, se restaurer, apprendre. Les résidents disposent d’installa-tions sportives, de studios de musique, d’un restaurant universitaire, de services d’accueil personnalisés, de six bibliothèques… Lieu d’échange et de diffusion des savoirs, la Cité internationale est perpétuellement animée par une offre culturelle et intellectuelle cosmopolite.

Un statut originalLes maisons de la Cité internationale universitaire de Paris ont été créées par voie de donation avec charges au profit des Universités de Paris. La Chancellerie confie à la Fondation nationale le soin de coordonner l’ensemble des maisons, d’administrer directement certaines d’entre elles et, d’une manière générale, de veiller au respect des idéaux et principes fondateurs de la Cité internationale ainsi qu’à l’unité et à la pérennité de l’œuvre.

Cette fondation de droit privé, reconnue d’utilité publique, par le décret du 6 juin 1925, est administrée par un conseil d’administration composé par des représentants des uni-versités parisiennes, d’institutions françaises et de diffé-rents États représentés par une maison.

* 40 maisons avec les résidences Lila et Quai de la Loire qui sont situées dans le 19e arrondissement de Paris et la Fondation Haraucourt sur l’île de Bréhat.

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Des personnalités visionnaires

au service d’un idéal

André Honnorat, l’un des fondateurs de la Cité internationale, formule dès 1919 le vœu de créer « un lieu où les jeunes de tous les pays puissent, à l’âge où l’on fait des ami-tiés durables, avoir des contacts qui leur per-mettent de se connaître et de s’apprécier ». Député des Basses Alpes, puis sénateur à partir de 1921, André Honnorat est un réfor-mateur social à l’origine de diverses mesures aujourd’hui entrées dans les mœurs, la plus connue étant l’heure d’été. Président du Comité national de défense contre la tuber-culose, il est l’un des promoteurs de la légis-lation antituberculeuse en France.En 1920, alors ministre de l’Instruction publique, il nomme Paul Appell recteur de l’Université de Paris. Grand mathématicien, président de l’Académie des sciences, Paul Appell a été pendant la guerre président du Secours national où il s’est efforcé de mobiliser les générosités. Les deux hommes, soucieux des conditions de vie des étudiants parisiens, songent à créer une Cité destinée à accueillir des étudiants méritants. Dans cette entreprise, ils trouvent en la personne d’Émile Deutsch de la Meurthe, le premier grand mécène qui donnera vie à cet idéal.

Comme André Honnorat et Paul Appell, Émile Deutsch de la Meurthe souhaite contribuer à la consolidation de la paix. Industriel prospère, à la tête des Pétroles

Jupiter devenus Shell France, il souhaite créer « une œuvre durable ». Il offre ainsi dix millions de francs or pour acheter des terrains et construire une maison destinée à accueillir des étudiants dans de bonnes conditions matérielles et d’hygiène. Pre-mière résidence de la Cité internationale, la Fondation Deutsch de la Meurthe ouvre ses portes en 1925.

Une fondation au service de la paixCette première résidence construite, il fal-lait donner à la Cité la dimension interna-tionale entrevue dès l’origine par André Honnorat. Afin d’éviter une intervention trop directe de l’université et pour faciliter le développement de son caractère interna-tional, il a été décidé de remettre le déve-loppement et l’administration de la Cité internationale à une fondation nationale reconnue d’utilité publique.

Jean Branet, conseiller d’État, devenu en 1924 président directeur général des Pétroles Jupiter, rédige les statuts de la fon-dation. Il donne à la Cité internationale son organisation et devient l’un des hommes clés de son développement, négociant actes

et conventions. À ses côtés, David David-Weill, banquier et grand mécène, assure la fonction essentielle de tré-sorier. Grâce aux diverses donations qu’elle a reçues, la Cité internationale a pu acquérir en 1927 un terrain d’un hectare et demi afin d’étendre sa superficie.

À force d’énergie et de conviction, les fondateurs réus-sissent, petit à petit, à réunir des souscriptions impor-tantes, à mobiliser des États étrangers afin que d’autres maisons puissent voir le jour. Président de la Cité inter-nationale jusqu’en 1948, André Honnorat a multiplié les voyages et les conférences pour rechercher des fonds et fédérer les volontés autour de cette utopie devenue réalité. Aujourd’hui, la Cité internationale se compose de 40 maisons et poursuit son œuvre au service de l’échange international.

Le mécénat pour construire l’avenirLa Cité internationale est née de l’engagement de nombreux mécènes à l’origine de la construction de plusieurs maisons : Joseph-Marcellin Wilson, sénateur canadien, Jean-Hubert et Berthe Biermans-Lapôtre d’origines belge et luxembourgeoise, les Japonais Jihei et Jirohatchi Satsuma, Bogos-Nubar Pacha, armé-nien, John D. Rockefeller Junior, et bien d’autres encore. Par son statut, elle est habilitée à recevoir des dons et legs et offre ainsi des avantages fiscaux aux entreprises comme aux particuliers. Pour relever les enjeux du xxie siècle, dans un monde qui a plus que jamais besoin de paix et de solidarité, la Cité internationale a lancé un vaste projet de développement qui s’appuie sur une recherche de fonds privés. Une nouvelle génération d’entreprises et de particuliers est appelée à s’inscrire dans son histoire.

André Honnorat

Paul Appell

Émile Deutsch de la Meurthe

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La création de la Cité internationale,

emblème d’une ère nouvelle

La création de la Cité internationale est favorisée par l’émergence du contexte pacifiste qui succède à la pre-mière guerre mondiale, donnant notamment naissance à la Société des Nations qui lui est contemporaine. Face à la pénurie de logements, ce complexe résidentiel est destiné à améliorer les conditions d’hébergement des étudiants à Paris dont l’effectif a connu une forte réduc-tion suite à la guerre de 1914-1918. Mais au-delà de sa réponse pragmatique au problème du logement, la Cité internationale propose un modèle original de vie collec-tive pour les étudiants tels que le manifeste son cadre exceptionnel, ses architectures d’auteur et surtout son cosmopolitisme affiché. Ce modèle procède d’un idéal humaniste promu par quelques personnalités influentes du début du xxe siècle qui ont su mobiliser autour de leur cause l’État, les acteurs publics et surtout les donateurs privés, sans lesquels le projet n’aurait jamais vu le jour. Le souvenir de la première guerre mondiale hante les esprits et donne à une telle initiative la faveur du public et des autorités. En outre, ce projet se présente comme une opportunité de réhabiliter l’image de Paris capitale universitaire, proposant aux étudiants étrangers un lieu d’accueil prestigieux. Paris renoue ainsi avec sa tradition médiévale des collèges universitaires du Quartier latin et de la montagne Sainte-Geneviève.

L’amorce du projet :le dérasement des fortificationsCes arguments sont repris et défendus auprès des pouvoirs publics et des mécènes par André Honnorat, ministre de l’Instruction publique de janvier 1920 à jan-vier 1921, que l’Histoire retient comme le principal fon-dateur de la Cité internationale. Un buste à son effigie, situé à l’entrée de la Cité internationale, lui rend cet hommage. En mars 1919, alors qu’il était encore député des Basses Alpes, il siège dans une séance parlementaire consacrée au dérasement des fortifications. Il se saisit de cette opportunité pour proposer de réserver vingt hec-tares à l’Université de Paris afin d’y construire des « mai-sons d’étudiant ». Démolie à partir de 1919, l’enceinte de Thiers libère une ceinture d’environ 8 000 hectares autour de Paris. La question de leur aménagement est source de débats très vifs entre les élus, les promoteurs et les premiers urbanistes qui s’opposent sur la nature de cet aménagement, les uns prônant la construction de logements et les autres la création de parcs. Les pouvoirs politiques encourageant les opérations d’intérêt général, cette polémique épargne le projet d’un nouvel équipe-ment universitaire.

Une rencontre fortuite au servicede la cause étudianteEn 1920, deux hommes, Émile Deutsch de la Meurthe, industriel prospère à la tête de la société des Pétroles Jupiter et Paul Appell, recteur de l’Université de Paris, se rencontrent et évoquent la situation difficile des étu-diants. Émile Deutsch de la Meurthe propose de financer la construction d’une maison pour 350 étudiants fran-çais. André Honnorat, supérieur hiérarchique de Paul Appell, se saisit de cette opportunité pour concrétiser son projet. À l’issue d’une véritable course d’obstacles administratifs, le périmètre de la future Cité internatio-nale est fixé à l’emplacement des bastions 81, 82 et 83, situés au sud du parc Montsouris. Cette localisation offre de nombreux avantages : son environnement sain, éloigné des pollutions d’usines, et sa relative proximité du Quartier latin accessible par le chemin de fer de la ligne de Sceaux. Le Conseil des ministres approuve la convention passée entre la Ville et l’État pour créer une

Plan de situation des fortifications montrant la délimitation de la Cité internationale, non daté.

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cité universitaire le 7 juin 1921. La loi est votée le 28 juin 1921 et publiée au Journal officiel le lendemain. Cette date n’est pas fortuite, elle précède d’un jour l’échéance de la proposition de financement d’Émile Deutsch de la Meurthe. Il s’agit d’une clause restrictive qu’a suggérée André Honnorat au mécène afin d’accélérer les négo-ciations avec les pouvoirs publics. La Cité universitaire venait ainsi d’être créée. La gestion de ce nouvel établis-sement doit être assurée par le rectorat de l’Université de Paris. Mais rapidement il apparaît nécessaire de créer une institution intermédiaire disposant d’une certaine autonomie et chargée de recueillir les fonds. Ainsi est créée la Fondation nationale présidée par André Hon-norat, le 6 juin 1925.

Un grand parc urbain au sud de Paris Dans leur partie sud, les fortifications sont démolies en 1923-1924, libérant un terrain de 9 hectares pour la création de la Cité internationale. Le chantier de la résidence financée par Émile Deutsch de la Meurthe peut ainsi être lancé : elle doit, selon André Honnorat, former la « cellule mère » de la Cité internationale. À la demande d’Émile Deutsch de la Meurthe, l’architecte Lucien Bechmann conçoit une « bourgade d’étudiants », s’inspirant du modèle anglais des cités-jardins très en

vogue à l’époque. L’ancienne zone militaire non aedifi-candi, d’une superficie de 18 hectares, doit accueillir les espaces verts et les installations sportives que la Ville de Paris s’est engagée à aménager. Parallèlement, Lucien Bechmann entreprend les pre-mières études d’aménagement d’ensemble du site, en collaboration étroite avec Jean-Claude Nicolas Forestier,

Les premières maisons sont séparées de la zone par une palissade, circa 1928.

Les constructions précaires de la zone et la Fondation Deutsch, circa 1928.

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Plan dressé par Lucien Bechmann et Jean-Claude Nicolas Forestier en 1924.

Plan dressé par Lucien Bechmann et Léon Azéma pour le service d’architecture de la Ville de Paris en 1931.

Construction du boulevard périphérique à la lisière de la Cité internationale, 1959.

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conservateur du secteur ouest des promenades de Paris, chargé de la conception du parc. Le premier plan de 1920 prévoit le groupement de pavillons le long du boulevard Jourdan et, à l’emplace-ment de la zone non aedificandi, un parc traité à l’an-glaise : une grande prairie au centre, ornée d’une pièce d’eau au sud, ponctuée d’équipements sportifs et bordée d’arbres posés de façon faussement aléatoire. Ce plan intègre le parc Montsouris qui participe de la compo-sition d’ensemble et accentue ainsi l’effet de « parc habité » de la Cité internationale. Comme l’explique le préfet de la Seine, il s’agit de « former une cité-jardin urbanisée, variée et élégante, unique en son genre ». La densité du projet est alors fixée, en accord avec la ville, à 400 étudiants par hectare, ce qui constitue une ambition encore jamais atteinte.Face au succès que remporte la Cité internationale, plu-sieurs acquisitions sont réalisées entre 1926 et 1931, portant la surface totale du site à environ 42 hectares. De nouveaux plans d’aménagement sont dressés par Lucien Bechmann et Jean-Claude Nicolas Forestier jusqu’en 1929, puis avec Léon Azéma, architecte de la Ville de Paris, à partir de 1930.Jusqu’en 1934, de nombreux zoniers, occupants pré-caires de la zone, occupent encore le site et retardent l’aménagement du parc. Les plans de 1931 et 1936 traduisent une nouvelle ambition urbaine pour la Cité, avec la création d’une zone bâtie au sud qui permettrait de porter la capacité d’accueil de la Cité à 7 500/8 000 étudiants, répartis en 49 fondations. Le parc est redessiné à la française (ordonnancé, cheminements piétons bordés d’arbustes, plateforme centrale engazonnée). Les principaux réseaux, qui rompaient l’unité foncière, sont gommés et la voie ferrée traversant la Cité est enterrée. Il en va de même pour l’aqueduc, traité en terre-plein engazonné. Selon les projets, les équipements sportifs sont plus ou moins déployés. Sur les plans de 1929 et 1931, la qua-si-totalité du parc central est utilisée pour le sport : ter-rains de base-ball, aires de football, stade d’athlétisme, tennis. Sur le plan de 1936, les grands équipements disparaissent au profit de jardins, d’allées promenades et de quelques tennis.L’aménagement du parc prend un tournant important dans les années soixante. La réalisation du boulevard périphérique ampute la Cité internationale d’une bande de terrain de 60 mètres de large sur toute sa façade Sud et fractionne le site d’origine, une maison se retrouvant

isolée de l’autre côté de l’infrastructure. L’allée prome-nade David Weill, qui séparait les deux parcs, est défi-gurée : une voie est passée en trémie sous le boulevard périphérique tandis que l’autre voie devient une zone de stockage de la voirie de Paris.Le boulevard périphérique, terminé en 1960 dans sa partie sud, fixe définitivement le périmètre du campus.

Un développement marqué par le rythme accéléré des constructions Pendant la première phase de construction, qui s’étale de 1925 à 1937, les résidences s’érigent les unes après les autres sur une bande de 9 hectares longeant le bou-levard Jourdan. Durant ces premières années, les mai-sons du Canada, de l’Argentine, de la Belgique et du Luxembourg (Biermans-Lapôtre) et d’autres encore sont édifiées, confirmant le caractère cosmopolite de la Cité internationale. Les donateurs affluent du monde entier, désireux de participer à cette entreprise utopique de rapprochement des nations. Sont également associées des grandes écoles telles que l’Institut d’agronomie. André Honnorat, très actif, multiplie les rencontres et les voyages pour solliciter de nouveaux accords.La crise économique de 1929 n’affecte pas réelle-ment la Cité internationale qui accueille de nouvelles constructions. À la veille de la seconde guerre mon-diale, la Cité totalise 19 pavillons, soit 2 400 lits, sans compter une maison sur l’île de Bréhat léguée par le poète Edmond Haraucourt.En revanche, la seconde guerre mondiale provoque le départ des résidents de la Cité internationale. Ses locaux sont réquisitionnés par les troupes d’occupation pour servir de casernement ou d’hôpital militaire. À la libéra-tion, elle abrite pendant un an les services d’éducation de l’armée américaine. Durant ces sombres années, une grande partie du mobilier est endommagée ou pillé. En 1948, Raoul Dautry, ancien ministre de la Reconstruc-tion et de l’Urbanisme, succède à André Honnorat à la direction de la Cité internationale. Le sévère coup donné à l’idéal pacifiste n’entame pourtant pas le volontarisme des dirigeants et la construction de maisons reprend, de 1945 à 1969, essentiellement sur les parcelles situées à l’est et au sud du site. Douze nouvelles résidences voient le jour dans les années cinquante et soixante. Cette extension permet de doubler la capacité d’accueil de la Cité internationale, la portant à 5 500 lits. Avec la Maison de l’Iran, inaugurée en 1969, s’achève ce deuxième cycle de construction.

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La Cité internationale en 1950.

La Cité internationale en 1957.

À l’est, le long de l’avenue Rockefeller, années quarante.

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Une exposition d’architectures à ciel ouvertL’histoire de la Cité internationale croise celle de l’ar-chitecture du xxe siècle. Ses 37 maisons illustrent les tendances architecturales majeures de l’époque, de la modernité la plus inventive au style le plus insolite. Les deux grandes périodes de construction sont marquées chacune par des expériences architecturales innovantes. La première, dans l’entre-deux-guerres, est caractérisée par la coexistence de styles variés alors que la suivante, après la seconde guerre mondiale, voit se déployer le style international qui se répand également un peu par-tout dans le monde. Cette collection d’architectures recèle des chefs-d’œuvre signés par des architectes célèbres : Le Corbusier, Lucio Costa, Willem Marinus Dudok, Claude Parent. Mais elle serait incomplète sans ses monuments intemporels qui adoptent un style local, préférant jouer la carte de l’iden-tité nationale. Ainsi, les Maisons d’Asie du Sud-Est, du Japon, de l’Arménie, les Fondations Abreu de Grancher (Maison de Cuba) ou Hellénique exhibent les signes d’appartenance à une tradition architecturale parfois ancestrale, évoquant l’architecture annamite, adoptant un décor nippon, s’inspirant du style des monastères arméniens, de l’architecture coloniale espagnole ou encore du classicisme grec. Ces témoignages marquent une époque où se côtoient dans un même élan créateur représentations traditionnelles et expressions contempo-raines, les premières véhiculant parfois des innovations

et les secondes des réminiscences inattendues du passé. La Cité internationale illustre le jeu de ces influences multiples véhiculées par l’architecture et son cadre pay-sager. Décor sculpté ou gravé, peintures murales, fres-ques, tapisseries, sculptures et mobilier sont autant de formules et de symboles qui célèbrent la permanence ou le renouveau d’une culture. Des artistes de renom créent des œuvres d’art emblématiques : Tsuguharu Foujita, Henri Navarre, Roger Bezombes, Anna Quinquaud, La Montagne Saint-Hubert, Lê Phô ou encore Le Corbu-sier. Des designers célèbres apportent également leur contribution en concevant des équipements mobiliers : Jacques-Émile Ruhlmann, Eugène Printz, Léon Jallot, Willem Marinus Dudok, Jean Royère, Charles Eames, Arne Jacobsen, Le Corbusier, Charlotte Perriand ou encore Jean Prouvé.

Façade nord de la Fondation suisse, années trente.

Le salon de la Maison des étudiants d’Asie du Sud-Est, non daté.

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Rénover le patrimoine bâti et paysager :

une valeur ajoutée au cadre de vie

Pour mieux remplir sa mission d’accueil des étudiants, chercheurs et artistes du monde entier, la Cité internatio-nale a engagé en 1998 un vaste projet de modernisation et de développement de son patrimoine, dans le respect des architectures et des paysages. Dépositaire d’un hé-ritage culturel emblématique du xxe siècle, elle s’est en-gagée dans un processus de pérennisation des éléments bâtis, des aménagements intérieurs et des œuvres d’art tout en impulsant de nouvelles créations. Chaque mai-son offre ainsi à ses résidents un cadre bâti unique où les usages contemporains côtoient les formes et les espaces du xxe siècle.À la Maison des Provinces de France, 4 chambres histori-ques ont été restaurées avec leur mobilier et leur papier peint d’origine. La Fondation Suisse et la Maison du Bré-sil ont également conservé des équipements mobiliers d’origine qui témoignent de l’esprit d’invention et de la grande liberté plastique de leurs créateurs. Les œuvres d’art font également l’objet de restaurations attentives conduites sous la direction d’experts ou avec la collabo-ration de l’Institut national du patrimoine. Actuellement réalisé aux deux tiers, ce programme de rénovation s’est matérialisé avec la réhabilitation com-plète des pavillons les plus vétustes : Maisons du Brésil, des Provinces de France, du Cambodge, du Canada, du Maroc, de Monaco, des Arts et Métiers, de l’Asie du Sud-est, Fondation Biermans-Lapôtre, Collège Franco-britan-nique, Résidence André de Gouveia et pavillon Curie de la Fondation Deutsch de la Meurthe. L’évolution des usa-ges et des normes impose des interventions lourdes sur les édifices : requalification complète de l’hébergement et des espaces collectifs, rénovation des parties commu-nes et des logements, création d’une salle d’eau avec douche et wc dans chaque logement, réfection du clos et du couvert, des réseaux d’eau, d’eau chaude sanitaire, de chauffage et d’électricité, amélioration de l’isolation acoustique et thermique, de la sécurité incendie, aména-gement et création d’accès pour personnes à mobilité ré-duite, installation d’un réseau Internet à haut débit dans les logements et réfection des abords. Dans toutes ces réhabilitations, la Cité internationale a cherché à aug-menter sa capacité d’accueil à destination des étudiants, chercheurs et artistes.

La réhabilitation du patrimoine bâti de la Cité internatio-nale s’accompagne d’une rénovation des espaces paysa-gers. Le vaste espace central arboré et les jardins théma-tiques constituent un patrimoine naturel exceptionnel, doté de plus de 400 essences végétales différentes. Cer-taines d’entre elles ont été acheminées depuis des pays lointains, soulignant les relations qui se sont tissées au fil du temps entre la Cité et ces pays (le cèdre du Liban, les pins blancs provenant du Temple du Ciel à Pékin ou les érables de Cappadoce). Mais ce patrimoine, soumis aux aléas climatiques et à la pollution, montrait des signes de vieillissement. L’élagage d’un millier d’arbres, le rempla-cement de plus d’une centaine d’espèces menacées ou en fin de vie et la réfection de la voierie, réalisés en 2003, ont rajeuni le parc. Afin de pallier le manque de repères directionnels sur le site, de donner aux usagers des infor-mations patrimoniales et événementielles, des meubles signalétiques en béton sérigraphié ont été installés dans le parc. Créés spécifiquement pour la Cité internationale par Integral Ruedi Baur, associés à Éric Jourdan et André Baldinger, ces objets mobiliers rappellent sa dimension internationale et entretiennent un dialogue permanent avec l’architecture. Afin d’accroître sa capacité d’accueil, la Cité internatio-nale a pris en charge deux nouvelles résidences situées dans le xixe arrondissement de Paris, l’une porte des Lilas et la seconde quai de la Loire. Son parc actuel regroupe donc 40 maisons, avec celle qu’Edmond Haraucourt lui a léguée sur l’île de Bréhat afin d’offrir aux résidents un lieu de villégiature privilégié.

Une chambre à la Fondation Deutsch de la Meurthe, non daté.

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première tranche de construction entre les deux guerres

Des personnalités françaises et cubaines, membres d’associations de médecins, exprimèrent la volonté commune d’édifier une maison de Cuba à la Cité internationale. L’aide promise par le gouvernement cu-bain n’eut pas de suite en raison de la crise économique que traver-sait le pays. C’est alors que Pierre Sanchez Abreu et sa sœur Rosalia décidèrent de financer le projet en créant la Fondation Rosa Abreu de Grancher, du nom de leur tante veuve du professeur Jacques-Jo-seph Grancher (1847-1907). Ce dernier était collaborateur et ami de Louis Pasteur avec lequel il travailla sur le vaccin antirabique. L’acte de donation de la famille Abreu fut signé en 1929. Il fut complété par une participation de la Fondation nationale, permettant ainsi de porter à 70 le nombre total de chambres. Le chantier démarra en 1930 et la fondation fut inaugurée en janvier 1933. Le célèbre architecte Albert Laprade fut désigné pour réaliser le pro-jet. Il opta pour une architecture élégante de style colonial espagnol. Il s’inspira de la cathédrale de La Havane et s’imprégna de quelques particularités de l’architecture cubaine tels que les pylônes en forme de « bonnets de coton » bordant le toit-terrasse. Les armoiries de différentes provinces de Cuba ornent les façades du bâtiment. La Maison de Cuba était considérée comme la plus luxueuse de la Cité internationale parce que chaque chambre disposait d’une salle de bain avec baignoire et qu’une partie du mobilier en bois d’acajou avait été fabriquée à La Havane.Le 10 octobre 2007, une convention entre la cité internationale et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) fut signée, mettant 150 unités d’hébergement dans la Cité internationale à disposition des praticiens étrangers en formation. Depuis cette date, il existe

un partenariat entre la CIUP et l’AP-HP, qui s’est engagée à en assurer la direction, dans le respect de l’idéal et des objectifs de la Cité internationale ainsi que des clauses de l’acte de donation de la Fondation Rosa Abreu de Grancher, et à participer au financement de sa rénovation complète. La maîtrise d’œuvre de la réhabilitation a été confiée à l’architecte Eddy Vahanian en 2009.

Fondation Rosa ABREU DE GRANCHER

Inauguration : 1933

Architecte : Albert Laprade

82 logements

The idea of a Cuban residence was promoted in the 1920’s

by Cuban and French medical doctors. Funding came from

P.S.Abreu and his sister, who named it after their aunt,

widow of Prof.J.J.Grancher (1847-1907). At its inaugura-

tion, each of its 70 rooms was fitted with a private bath and

mahogany furniture imported from Havana, making it the

most luxurious of the Cité. The Spanish colonial style was

inspired by the Havana Cathedral with additional vernacu-

lar touches like the ‘cotton-night-cap’ pylons on the roof ter-

race or the Cuban provinces coats-of-arms on the facades.

The house was fully renovated in 2010.