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poste publication contrat numéro 40010582 AQEP VIVRE LE PRIMAIRE, VOLUME 26, NUMéRO 3, éTé 2013 est conforme aux rectifications orthographiques. DOSSIER SPéCIAL RELATION éCOLE-FAMILLE-COMMUNAUTé Rédactrice invitée FRANCE BEAUREGARD est conforme aux rectifications orthographiques. 12 $

AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

est conforme aux rectifications orthographiques.

DossiEr sPéciAlrElAtionécolE-fAmillE-communAutéRédactrice invitée frAncE BEAurEgArD

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Volume 26, numéro 3, été 2013Vivre le primaire Sommaire

La chronique à Julie Le livre, du manuscrit à la librairie

Grilles d’autoévaluation et de coévaluation de la compétence à l’oral Sylvie Viola et Christian Dumais

chroniqueS Je rêve d'une école52 Une école heureuse

jaCqUeS Salomé

regard sur des pratiques inspirantes53 entrevue avec josée malo, une

enseignante passionnée qui ouvre toute grande la porte de sa classe… mylène leroUx

cinéma56 L’histoire de Pi : une traversée

pas comme les autres! annie DUbUC

Passion : chansons58 la cigale et la fourmi :

une fable ou une chanson? martin lépine

marie-ChriStine DemerS

rat de bibliothèque60 littérature jeunesse

aUDrey Cantin, VéroniqUe DeSjarDinS

Caroline tringali, Caroline Carle

eSther SaUro et Danielle CoSSette

Fouinons ensemble64 Chroniques pédagogiques

SanDra thériaUlt

reLationécoLe-FamiLLe-communauté

23 relation famille-école : comment la communauté soutient cette relation FranCe beaUregarD

24 Faire différemment : quand la communauté devient l’interface entre l’école et la famille

joSée péthel

27 Un service de garde en mission… parce qu’on ne peut pas tout faire tout seul!

loUiSe poUlin

29 la réussite scolaire des élèves immigrants… À qui la responsabilité?

Cynthia D’itri

31 quand des personnes de la communauté contribuent à la transition primaire-secondaire

VéroniqUe laChanCe

33 la collaboration famille-école : un enjeu de formation crucial chez nos futurs enseignants pour les personnes superviseures

marie-anDrée goSSelin

35 la communauté peut-elle jouer un rôle important dans un projet de littératie familiale?

iSabelle Carignan

FranCe beaUregarD

robin l. qUiCk

37 en conclusion… FranCe beaUregarD

technoLogie de L’inFormationet deS communicationS 43 tni : au-delà de la projection! Catherine hoUle

enSeignement et aPPrentiSSage46 apprendre durant toute sa carrière :

le développement professionnel continu

jean arChambaUlt

aPPrentiSSage48 bouger en classe pour

mieux apprendre méloDie paqUette

comPétenceS tranSVerSaLeS50 l’éducation aux médias…

une voie à privilégier! émilie leFrançoiS

Sonia leFebVre

mathématique40 Soutenir le développement

du raisonnement des élèves en probabilité et statistique au premier cycle du primaire

loUiS Côté et Diane biron

déVeLoPPement PerSonneL39 Dépister les parents analphabètes iSabelle goDeFroy

PréSentation05 Un été culturel martin lépine

07 la relation école-famille : des ponts à rebâtir

Stéphan lenoir

LangueS08 Changer son regard sur les textes

des élèves SUzanne-g. ChartranD

09 la notion de prédicat sémantique : pour aller plus loin dans

l’exploration du lexique ophélie tremblay

DominiC anCtil

12 les entretiens métacognitifs en stage : une harmonie en trois temps, trois moments SylVie Viola

ChriStian DUmaiS

déVeLoPPement reLationneL16 l’implication et la formation des partenaires : des atouts

majeurs pour l’implantation d’un programme de gestion de conflits

iSabelle toUpin

marie-anDrée pelletier

niCole oUellet

hélène SylVain

criFPe18 Favoriser le développement et la mémorisation du vocabulaire : la stratégie « Carte de mots » ConStanCe laVoie

le thi hoa

20 les réseaux sociaux au primaire? patriCk giroUx

marie-pierre allarD

Virginie hallahan pilote

raynalD gagné

kathleen belley

doSSier SPéciaL

Page 4: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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Page 5: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

un été cuLtureL

Vacances (au pluriel) : temps pendant lequel on arrête le travail, les études; congé, période de repos. Voilà comment le dictionnaire Antidote définit le mot vacances. Cela dit, ce même mot vacance au singulier, cette fois, est défini comme étant l’état de ce qui est vacant ou dispo-nible. En cette période estivale, j’attire votre attention sur cette autre acception du mot vacance, acception qui renvoie au fait d’être disponible, d’être ouvert à de la nouveauté.

La compétence professionnelle numéro 1 libellée ainsi Agir en tant que profession-nelle ou professionnel héritier, critique et interprète d’objets de savoirs ou de culture dans l’exercice de ses fonctions nous rappelle à quel point la profession ensei-gnante en est une de transmission et de construction culturelle collective. Être un passeur culturel, un être de culture qui peut donner à son enseignement une profondeur en inscrivant dans le temps et dans l’espace les savoirs à construire chez les élèves, demeure un défi permanent. Cette période dite de repos peut permettre de profiter pleine-ment de l’été pour faire le vide d’abord et le plein ensuite, pour nourrir ce rôle d’héritier, de critique et d’interprète de ce que l’on doit enseigner en matière de produits, pratiques et perspectives culturels sur le monde dans lequel on vit. Retenez que, comme l’a déjà souli-gné François Gravel en parlant des écri-vains, un enseignant au repos est un enseignant au travail!

Après cette coupure nécessaire, je vous invite à découvrir l’essai de Normand Baillargeon intitulé Liliane est au lycée. Est-il indispensable d’être cultivé?, un essai

qui situe la culture générale comme un tout vivant, agissant et transformant profondément la personne qui la pos-sède et en qui elle vit (Baillargeon, 2011, p. 46). Dans cet essai, le philosophe nous rappelle que notre époque est pressée, mais que la culture demande du temps, et qu’il est des raccourcis qui rallongent et des avances qui donnent du retard (p. 88). Une phrase à méditer sous le soleil, en « vacance ».

Le dossier spécial de ce numéro portant sur la relation entre l’école, la famille et la communauté montre à quel point mieux ancrer le scolaire dans ce qui se passe dans la vraie vie est une ave-nue à ne pas négliger pour donner du sens à ce que l’on enseigne et à ce que l’on fait apprendre, dans et hors de l’institution scolaire.

référence• Baillargeon, N. (2011). Liliane est au lycée. Est-il

indispensable d’être cultivé? Paris : Flammarion.

5

professeur de didactique du françaisDépartement de pédagogieUniversité de [email protected]

Rédacteur en chef Vivre le primaire

martin lépine

Revue trimestrielle publiée par l’Association québécoise des enseignantes et des enseignants du primaire. L’adresse de correspondance est AQEP, Université de Montréal — FSE-CRIFPE, c.p. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal (Québec) H3C 3J7. Le numéro de téléphone est le 1 866 940-AQEP. Les textes apparaissant dans la revue Vivre le primaire n’engagent que la responsabilité des auteurs et, à moins de mention contraire, ne constituent pas une prise de position de l’Association québécoise des enseignantes et des enseignants du primaire (AQEP). Afin de donner aux auteurs des articles toute la reconnaissance à laquelle ils ont droit, il importe de préciser que la reproduction d’articles issus de la présente revue n’est autorisée qu’à des fins éducatives, en mentionnant la source. En outre, un article publié depuis plus d’un an dans la revue Vivre le primaire peut être reproduit sur un site Web, mais à la condition d’avoir au préalable obtenu l’accord écrit de l’auteur et de l’AQEP. L’utilisation du masculin n’a d’autre but que d’alléger les textes.

Rédacteur en chef – Martin Lépine Équipe de rédaction et comité de lecture – Anne Brault-Labbé, Carole Constantin, Louis Laroche, Julie St-Onge, Sandra Thériault Coordonnatrice de la revue – Louise Paquin Conception de la grille – orangetango Infographie – Paquin design graphique Correctrice-réviseure – Michèle Jean

Collaborateurs au volume 26, n° 3 France Beauregard, Suzanne-G. Chartrand, Ophélie Tremblay, Dominic Anctil, Sylvie Viola, Christian Dumais, Isabelle Poulin, Marie-Andrée Pelletier, Nicole Ouellet, Hélène Sylvain, Constance Lavoie, Le Thi Hoa, Patrick Giroux, Marie-Pierre Allard, Virginie Hallahan Pilote, Raynald Gagné, Kathleen Belley, Josée Péthel, Louise Poulin, Cynthia D'Itri, Véronique Lachance, Marie-Andrée Gosselin, Isabelle Carignan, Robin L. Quick, Isabelle Godefroy, Louis Côté, Diane Biron, Jean Archambault, Mélodie Paquette, Émilie Lefrançois, Sonia Lefebvre, Stéphan Lenoir, Jacques Salomé, Mylène Leroux, Annie Dubuc, Martin Lépine, Marie-Christine Demers, Audrey Cantin, Véronique Desjardins, Caroline Tringali, Caroline Carle, Esther Sauro, Danielle Cossette, Sandra Thériault

IImpression – Solisco Ce magazine est imprimé sur du Chorus Art Soie, papier recyclé à 50 %, contenant 15 % de fibres postconsommation et est 100 % recyclable.

Dépôt légal, Bibliothèque nationale du Québec ISSN 0835-5169

Abonnement individuel : [email protected] ou coordonnées du siège social

Adhésion à l’AQEP (pour information, écrivez à [email protected]) incluant l’abonnement à la revue Vivre le primaire1 an (4 numéros) = 45 $ (taxes et livraison incluses) 2 ans (8 numéros) = 85 $ (taxes et livraison incluses) Prix à l’unité = 12 $ + frais d’envoi (taxes incluses) Conseil d’administration Stéphan Lenoir, président Audrey Cantin, vice-présidente et responsable de la valorisation enseignanteSandra Cournoyer, vice-présidenteCaroline Tringali, secrétaireStéphanie Provost, trésorièreJulie St-Pierre, responsable du congrèsMartin Lépine, rédacteur en chef de la revueJulie Fontaine, responsable des communicationsMylène Leroux, responsable des ressources et du développementGeneviève Crête, responsable des adhésionsLes personnes œuvrant au sein du conseil d’administration de l’AQEP, de la direction et du comité de lecture de la revue Vivre le primaire sont toutes bénévoles.

Siège social AQEP Université de Montréal Pavillon Marie-Victorin, FSE—CRIFPE 90, avenue Vincent-D’Indy, bureau C-559 Montréal (Québec) H2V 2S9

Tél. : 1 866 940-AQEP (2737) Télec. : 1 866 941-AQEP (2737) Courriel : [email protected]

Pour joindre l’équipe de la revue Vivre le primaire Vous pouvez écrire, en tout temps, à la coordonnatrice de la revue en utilisant l’adresse de courriel suivante : [email protected].

Pour tout ce qui concerne les adhésions et les changements d’adresse, vous pouvez écrire à l’adresse suivante : [email protected].

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Page 6: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013
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Stéphan lenoir président de l’aqep enseignant à l’école Ste-lucie, montréal [email protected]

La reLation écoLe-FamiLLe : deS PontS à rebâtir

PréSentation mot du PréSident

Bien que les enseignants croient à l’importance de l’implication parentale dans les activités scolaires de l’enfant afin de lui donner toutes les chances de réussite, le milieu scolaire, en géné-ral, tient les parents le plus loin pos-sible de l’école. En même temps, on entend régulièrement des enseignants se plaindre de la non-implication des parents.

Peu importe les défis à relever en édu-cation, si on désire que les parents soient en mesure de contribuer à les relever et à s’impliquer davantage, il faut réfléchir sur la place des parents dans l’école et sur les rôles complé-mentaires joués par les parents et par le milieu scolaire dans l’éducation des élèves. Cette relation entre l’école, la famille et la communauté est, à elle seule, un défi à relever.

Quelles sont les solutions pour nous permettre de relever ce défi? Comme chaque milieu est différent, il en sera de même des solutions qui varieront d’un milieu à l’autre. Il appartient donc à chaque école de réfléchir à ces ques-tions afin de rebâtir des ponts avec la famille et la communauté. Pour ali-menter ces réflexions, je vous invite à prendre connaissance du dossier spé-

un des aspects de la relation entre l’école et la famille est le contact direct entre l’enseignant et le parent. En règle générale, au primaire, deux rencontres par année sont prévues. La première a lieu en septembre avec l’ensemble des parents pour les informer du fonc-tionnement de la classe. La deuxième se déroule de façon individuelle au moment du premier bulletin afin de communiquer les forces et les points à travailler chez l’élève. Si l’enfant éprouve des difficultés, une troisième rencontre a lieu au moment du deuxième bulletin. Voilà ce que le système prévoit. Au-delà, c’est selon le bon vouloir de chacun des enseignants. Est-ce suffisant? Est-ce que cela permet d’établir une réelle relation? De plus, certains enseignants consi-dèrent ces rencontres comme des cor-vées nécessaires et sont bien heureux lorsqu’elles sont terminées. Entre ces rencontres, lorsque l’enseignant com-munique avec le parent, c’est la majorité du temps pour discuter d’un compor-tement inadéquat ou des difficultés vécues par l’élève. Rarement, l’ensei-gnant prendra le temps de communi-quer des points positifs. Ajoutons à cela les règles établies par l’école demandant aux parents de ne pas entrer dans la cour et de prendre rendez-vous pour parler à l’enseignant de son enfant. Ces règles existent pour des raisons com-préhensibles de sécurité, mais contri-buent à exclure les parents de l’école. Et lorsqu’un parent ose prendre rendez-vous, il arrive qu’il passe pour le parent fatigant qui dérange les enseignants et qui veut se mêler de tout.

cial de ce numéro et d’être à l’affut des belles expériences qui se vivent dans d’autres écoles à travers le Québec.

Je profite de ces lignes pour vous souhai-ter de très agréables vacances en espé-rant qu’elles vous permettront de refaire le plein d’énergie d’ici la prochaine rentrée scolaire à la fin du mois d’aout.

Alors que vous serez en voyage ou en train de lire un bon livre ou de prendre un repas en bonne compagnie… le conseil d’administration continuera à travailler à l’avancement des diffé-rents dossiers dont celui du prochain congrès qui aura lieu à Québec les 11, 12 et 13 décembre sous le thème PARTAGER FORMER INSPIRER.

Bonnes vacances !

Page 8: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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Je suis chez mon cousin, ont joue a son jeux vidéo, mais il faut qu’ont aill souper, ont a finit de souper.Ont rejoue a son jeux vidéo mais tout a coup mon cousin veut plus que je joue! Je vais le dire a sa mère.Sa mère le punit car il ne voulait pas que je joue.Ma fin de semaine est finit, j’ai eu une belle fin de semaine!

8

après l’avoir lu, quel jugement por-tez-vous sur ce texte? Il est plus que plausible que votre attention a été diri-gée sur les erreurs et que vous ayez considéré que ce texte contient beau-coup de « fautes ». Vous avez sans doute relevé 12 erreurs ou, si on ne compte qu’une fois la répétition d’une même erreur, sept, dont cinq d’orthographe, une de syntaxe (omission du ne dans la négation) et une de ponctuation (si on considère comme obligatoire la virgule devant mais). Vous avez aussi peut-être estimé que la narration est peu étoffée, qu’il y a une répétition. Bref, que ce texte n’est pas très bon.

Mais ne pouvons-nous pas apprécier autrement cet écrit? Le texte est com-préhensible, sans erreur majeure de cohérence ou de progression. Il répond à la consigne et montre que son auteur a bien intégré le schéma narratif. Le découpage en paragraphes est maitrisé. La syntaxe est impeccable ou presque (absence de ne) et la segmentation des mots et des phrases, parfaite. La plu-part des 71 mots sont correctement orthographiés : 12 erreurs, dont quatre répétées (trois ont pour on; quatre a pour à; deux finit pour fini et deux jeux pour jeu) en plus de aill pour aille. Dans tous les cas, ce sont des graphies qui ne correspondent à aucun son. Somme toute, même en orthographe, cet élève

se débrouille assez bien, compte tenu de son âge. Mais, comment l’aider à progresser?

Un premier travail de sensibilisation à l’homophonie de on et de a pourrait être entrepris en classe en faisant produire par les élèves divers énoncés (puis his-toriettes) contenant ces homophones, les amenant ensuite à trier à partir du sens, puis guidant l’observation des contextes et des classes concernées en utilisant la manipulation syntaxique de remplacement. Quant à finit pour fini, cette erreur courante, même beaucoup plus tard dans la scolarité, ne pourra pas être définitivement éradiquée en 3e primaire, laissons-la de côté.

Un regard plus global (sur toutes les facettes d’un écrit – projet d’écriture, grammaire textuelle et de la phrase, vocabulaire…) et circonstancié (âge et milieu de l’élève) aboutira à un juge-ment moins sévère.

On pourrait fournir à l’élève une rétroaction sur les éléments suivants :

Ω une appréciation de ses acquis; Ω un relevé des principales lacunes du texte2;Ω des pistes de correction : sur les formes verbales erronées de avoir, finir et aller; faire mettre au-dessus le temps verbal; faire chercher dans les tableaux de conjugaison la forme correcte;Ω une consigne de réécriture (passer du on au nous, par exemple).

L’élève sera sans doute plus motivé à consentir des efforts pour développer ses compétences en écriture si l’appré-ciation que son enseignant porte sur ses écrits est plus globale, plus nuancée, plus circonstanciée et si elle s’accom-pagne des quelques pistes concrètes de travail.

notes1. Texte produit en milieu d’année dans des condi-

tions « normales », c’est-à-dire en un temps

limité, sans préparation collective, sans outil

précis d’autoévaluation et de correction et sans

connaitre les critères d’évaluation et de notation.

2. Voir la Grille de compilation des maladresses et des

erreurs dans mes textes déposée sur le Portail pour

l’enseignement du français.

www.enseignementdufrancais.fse.ulaval.ca

changer Son regard Sur LeS texteS deS éLèVeS

professeure Université lavalquébec [email protected]

SUzanne-g. ChartranD

LangueS

Voici un texte produit par un élève de 3e année qui doit « raconter sa fin de semaine passée chez un membre de sa famille1 ».

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Page 9: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

9

LangueS

ophélie tremblay professeure Université du québec à montréal [email protected] anCtil professeur Université de montréal [email protected]

La notion de Prédicat Sémantique : Pour aLLer PLuS Loin danS L’exPLoration du Lexique

'amoureux'

'qqn' 'qqn'

1 2

Dans notre tête, notre vocabulaire s’organise aussi en réseau et, plus

un mot est connecté à d’autres, plus nous y avons accès facilement.

Le sens de la grande majorité des mots du lexique cache des « participants sémantiques ».

Les participants sémantiques font partie du miniréseau que constitue le sens des mots qui sont des prédicats sémantiques.

Le lexique d’une langue est un immense réseau comprenant des mil-liers de mots et d’expressions. Dans notre tête, notre vocabulaire s’organise aussi en réseau et, plus un mot est

connecté à d’autres, plus nous y avons accès facilement. Les liens entre les mots peuvent être de différente nature (Aitchison, 2012) : liens de forme (ex. PAGE~SAGE~CAGE), liens de cooccurrence1 (ex. PAGE~TOURNER;

PAGE~LIRE; PAGE~VIDE), mais sur-tout liens de sens (ex. PAGE~LIVRE;

PAGE~PAGINER; PAGE~FEUILLE). Cer-tains liens de sens sont très connus, comme la synonymie et l’antonymie. Dans le présent article, nous vous invitons à découvrir un nouveau type de lien sémantique : celui qui unit un mot à ses « participants sémantiques ».

Le sens des mots : un miniréseauLe sens de la grande majorité des mots du lexique cache des « participants sémantiques ». Ce sont en quelque sorte les acteurs et les accessoires impliqués

dans la situation dénotée par les

mots en question. Prenons en exemple la phrase suivante.

La discussion s’est envenimée à la fin du débat.

Intéressons-nous au nom DISCUSSION.

Si l’on essaie de se faire une image mentale de la scène évoquée par ce mot, nous allons bien sûr voir (au moins) deux personnes qui discutent d’un sujet précis. Pourtant, dans la phrase, ces élé-ments ne sont pas mentionnés explicite-ment, mais ils sont sous-entendus parce qu’inclus dans le sens du mot DISCUS-

SION : 'action de parler avec d’autres en échangeant des idées, des arguments sur un même sujet' 2 . Ces éléments sont des participants sémantiques de DISCUSSION, et nous appelons « prédi-cat sémantique » un mot dont le sens inclut des participants.

Les participants sémantiques font partie du miniréseau que constitue le sens des mots qui sont des prédicats sémantiques. Ces participants ne sont pas forcément exprimés explicitement chaque fois que le prédicat sémantique est utilisé dans une phrase; il peut donc y avoir une différence entre la structure d’un prédicat sémantique et la façon dont il s’utilise en contexte de parole. Prenons l’adjectif AMOUREUX. Si on réfléchit au sens de ce mot, on peut identifier deux participants sémantiques, ce qu’illustre le miniréseau suivant.

Dans une phrase, le mot AMOUREUX

ne sera pas nécessairement utilisé avec ses deux participants sémantiques. La

phrase Je pense que Guillaume est amou-reux ne précise pas de qui Guillaume est amoureux. Même si cet élément fait partie intrinsèque du sens du mot AMOUREUX, il n’a pas besoin d’être exprimé dans la phrase.

Dans d’autres cas, les participants sémantiques doivent tous apparaitre lorsque le mot est utilisé dans une phrase. C’est le cas des participants du verbe REPROCHER (Qqn reproche qqch. à qqn), qui doivent obligatoirement être exprimés : Il reproche à sa collègue son manque de civisme. et non *Il reproche., *Il reproche à sa collègue. ou *Il reproche son manque de civisme.

La notion de prédicat sémantiqueLa notion de prédicat sémantique et de participants sémantiques peut sembler nouvelle; pourtant, elle existe

depuis au moins 50 ans. Le linguiste français Lucien Tesnière, très intéressé par la question de l’enseignement- apprentissage de la langue, a uti-lisé le concept de prédicat séman-tique pour décrire le fonctionnement sémantique et syntaxique des verbes, notamment dans le but de faciliter l’en-seignement de la syntaxe au primaire (Tesnière, 1959).

'reprocher'

'qqn' 'qqch' 'qqn'

1 32

Page 10: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

10

Un prédicat sémantique fonctionne comme

le noyau d’un petit réseau reliant des sens.

VerbeS adJectiFS nomS

dormir = ‘x dort’ Vieux = ‘x est vieux’ neZ = ‘nez de x’

regarder = ‘x regarde Y’ gratuit = ‘x est gratuit’ Frere = ‘x est le frère de Y’

aVouer = ‘x avoue Y à Z’ JaLoux = ‘x est jaloux de Y’ reFuS = ‘refus de x de faire Y’

Les liens entre sens et syntaxe peuvent être exploités lorsque les participants

sémantiques s’actualisent à l’intérieur de groupes occupant des fonctions

syntaxiques spécifiques.

extrait 1 - ProgreSSion

f. les noms des acteurs, des accessoires ou des actions dans une situation exprimée par un verbe, c'est-à-dire le sujet et le ou les compléments de ce verbe, quand ils existent (ex. : pour voler, au sens de « dérober » : le sujet est le voleur et les compléments du verbe le butin et la victime)

Comme on vient de le voir, un prédi-cat sémantique fonctionne comme le noyau d’un petit réseau reliant des sens. On peut aussi représenter la structure prédicative d’un prédicat sémantique à l’aide de variables, comme en algèbre : discussion entre X et Y, à propos de Z.

Les prédicats sémantiques par excel-lence sont les verbes –, ce qui permet d’ailleurs de mieux comprendre pour-quoi on parle aujourd’hui de « groupe prédicat » pour désigner la fonction du groupe du verbe dans une phrase –, mais plusieurs appartiennent aussi aux autres classes de mots. En fait, une très grande partie des mots de la langue sont des prédicats sémantiques.

exemples de prédicats sémantiques

—Mais en quoi cette notion de prédicat sémantique est-elle intéressante? Tout d’abord, parce qu’elle permet de mieux comprendre comment produire une bonne définition pour un mot, en mettant en évidence ses participants sémantiques3. Et ensuite, parce qu’elle peut servir de point de départ pour explorer le lexique de façon structurée, sans se limiter aux familles de mots telles qu’on les connait habituellement, c’est-à-dire les familles de mots morphologiques construites autour d’un même radical. C’est à cette famille de mots élargie que nous nous intéresserons maintenant.

—du prédicat sémantique à la famille de mots… élargiePrenons par exemple un verbe que vous connaissez bien : ENSEIGNER. À partir de la notion de famille de mots, qui réunit les mots présentant un même radical (ici enseign-), nous pourrions trouver les mots ENSEIGNANT et ENSEIGNEMENT. Ces mots partagent bien sûr un lien de sens avec le verbe ENSEIGNER, mais aussi un lien formel : leur radical. Pourtant, d’autres mots entretiennent avec ce verbe des liens sémantiques aussi étroits que les deux mots trouvés jusqu’à présent… et méri-teraient bien de faire aussi partie de sa famille! En établissant la structure prédicative d’ENSEIGNER, nous serons en mesure d’élargir notre famille de mots : X enseigne Y à Z. Une fois cette structure dégagée, nous pouvons nous demander : « Existe-t-il un nom autre qu’ENSEIGNANT pour désigner X, la personne qui enseigne? » PROFESSEUR, bien sûr, mais aussi INSTITUTEUR, ou encore MAITRE (surtout utilisé en France). Et pour Y, la chose enseignée? La MATIÈRE, ou encore la DISCIPLINE. Et puis Z, la personne à qui l’on enseigne? L’ÉLÈVE, évidemment, mais aussi l’ÉTUDIANT, l’AP-

PRENANT, l’ÉCOLIER… et la CLASSE, si l’on pense à un ensemble de Z (imaginons-les calmes!). En partant de la structure sémantique du verbe, nous pouvons faire ressortir un ensemble de mots en nommant les différents participants de son sens; ces mots entretiennent avec ENSEIGNER des liens de sens aussi forts que le mot ENSEIGNANT, même s’ils ne font pas partie de la même famille morphologique.

—La notion de prédicat sémantique dans la Progression des apprentissagesBien que la notion de prédicat sémantique n’ait pas fait l’objet d’une transposi-tion didactique dans les approches d’enseignement du français au Québec, on la retrouve néanmoins dans la section « Lexique » de la Progression des apprentissages, ce qui montre bien son intérêt pédagogique pour le travail sur le sens des mots.

—Voici un extrait que la Progression présente pour la notion de prédicat sémantique (section « Lexique », p. 8) :

—Si cette notion doit officiellement être travaillée en 6e année, rien n’empêche de l’explorer plus tôt, dès que les élèves manifestent un intérêt envers le sens des mots. De plus, les liens entre sens et syntaxe peuvent être exploités lorsque les participants sémantiques s’actualisent à l’intérieur de groupes occupant des fonc-tions syntaxiques spécifiques. Par exemple, les participants Y et Z du verbe PARLER (X parle à Y de Z), s’ils sont exprimés dans la phrase, auront le rôle de compléments

AQ

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, NU

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20

13

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11

'peur'

'x' 'Y'

1 2

extrait 3 - ProgreSSion

2. observer que les mots qui ont un lien de sens ne sont pas

toujours de même famille morphologique (ex. : santé,

médecin, infirmier, hôpital, urgence, soins, malade, guéri,

opération, médicament)

extrait 2 - ProgreSSion

SuJet Verbe comPLément direct

comPLément indirect

l'enseignant

le professeur

enseigner une matière

une discipline

(à) un élève

(à) une étudiante

6. bâtir un tableau de verbes courants en y associant les noms qui jouent le rôle de sujet et de compléments de verbe. ex. :

indirects du verbe, car ils sont introduits par des prépositions. L’extrait suivant de la Progression (section « Lexique », p. 11) illustre d’ailleurs les liens étroits existant entre sens et syntaxe.

—L’extrait de la Progression ci-dessous (section « Lexique », p. 8) est lié à ce que nous avons dit plus tôt à propos des familles de mots et des liens sémantiques entre mots ne faisant pas partie de la même famille morphologique. Ce type d’observation sur l’organisation du lexique peut se faire dès la fin du premier cycle du primaire.

—un exemple d’exploitation pédagogiqueNous proposons maintenant une activité lexicale autour du nom PEUR, qui prend pour point de départ sa structure prédicative. Il s’agit d’abord d’identifier les partici-pants sémantiques de PEUR. La situation évoquée par ce mot met en scène un être vivant (personne ou animal), qui éprouve le sentiment de peur, et un autre élément : ce qui provoque le sentiment de peur. Ainsi, la structure du prédicat sémantique est la suivante.

On peut maintenant commencer une exploration lexicale autour de ce mot, en se demandant d’abord s’il existe des noms associés aux participants sémantiques X et Y. Existe-t-il une façon typique de nommer X, la personne qui a peur? On peut bien sûr dire [un] PEUREUX. Mais est-ce que quelqu’un qui a peur est nécessaire-ment un peureux? Voilà matière à une belle discussion lexicale avec les élèves! Et Y? Il ne semble pas exister en français de nom pour désigner quelque chose qui fait peur; par contre, il est possible d’actualiser Y par plusieurs mots connus des élèves : fantômes, araignées, hauteurs, obscurité, etc. S’il n’existe pas de noms à pro-prement parler pour désigner X et Y, connait-on des adjectifs qui permettraient de les décrire? On peut dire de X qu’il est apeuré, effrayé, mort de peur, angoissé, craintif et de Y qu’il est effrayant, apeurant, épouvantable, effroyable, à faire frémir, à glacer le sang, terrifiant, horrible, etc. Et qu’en est-il des verbes mettant en vedette nos deux participants sémantiques? On peut dire que X a peur de Y, qu’il prend peur, qu’il éprouve de la peur envers Y; quant à lui, Y suscite la peur de X, il lui fait peur, le paralyse de peur. On pourrait ensuite exploiter d’autres liens sémantiques, par exemple la synonymie ou l’antonymie. —Tous les mots issus de notre exploration sémantique pourraient ensuite être organi-sés sous forme de schéma autour du mot PEUR. Nous obtiendrions ainsi une famille de mots sémantique où les mots ne sont pas présentés pêlemêle, mais sont regrou-pés par rubriques : noms pour X, noms pour Y, adjectifs pour qualifier X, adjectifs

pour qualifier Y, verbes qui fonctionnent avec PEUR, synonymes de PEUR, antonymes de PEUR. Cet outil pourrait par la suite servir de banque de mots pour une activité d’écriture et le recours à des ouvrages de référence peut per-mettre de l’alimenter davantage. Nous pensons notamment au dictionnaire électronique Antidote, qui se révèle un allié de taille pour ce genre d’activités avec ses onglets « Famille », « Champ lexical » et « Cooccurrences ».

—conclusionNous le répétons : plus un mot est connecté aux autres dans notre « lexique mental », plus on maitrise ce mot. En plus de permettre d’appro-fondir la connaissance des mots et la maitrise du vocabulaire, le genre de travail présenté permet aux élèves de prendre conscience de liens récurrents qui existent entre les mots et de struc-turer par le fait même leur vocabulaire, ce qui les outille pour en acquérir alors davantage. Et la structure de prédicats sémantiques de la langue constitue un excellent point de départ pour ce travail d’exploration.

références• Aitchison, J. (2012, 4th edition). Words in the Mind :

An Introduction to the Mental Lexicon. Hoboken,

NJ : Wiley-Blackwell.

• Tesnière, L. (1959). Éléments de syntaxe structurale.

Paris : Klincksieck.

— notes1. La cooccurrence est le fait pour deux mots

d’apparaitre ensemble. Lorsqu’on étudie la

cooccurrence d’un mot, on observe avec quels

mots il est le plus susceptible d’apparaitre. Par

exemple, pour le nom QUESTION, on pourrait

trouver poser, adresser une ~, répondre à une ~,

une ~ délicate, cruciale, bête, etc.

2. Définition du Petit Robert électronique 2009.

3. Ces participants sémantiques correspondent

d’ailleurs aux différents groupes syntaxiques

associés à des mots (groupe sujet, groupe

complément du verbe, du nom, de l’adjectif).

La notion de prédicat sémantique peut donc se

révéler aussi précieuse pour l’analyse syntaxique,

ce que nous traiterons dans un prochain article.

Page 12: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

12

LangueS

SylVie Viola

ChriStian DUmaiS

professeureUniversité du québec à montréal [email protected]é de cours Université du québec à montréal Université de montréalDoctorant en éducation à l’Université du québec en [email protected]

La supervision de stage implique inévitablement des échanges entre un enseignant associé, un stagiaire et un superviseur. L’enseignant associé, contrairement au superviseur, a la pos-sibilité de faire des observations et des rétroactions de façon spontanée ou planifiée plusieurs fois par semaine, et ce, habituellement sur une longue période de temps. De son côté, le super-viseur porte son regard sur un ou deux moments particuliers durant le stage et ses observations doivent être ajus-tées en fonction des discussions qu’il a avec l’enseignant associé et le stagiaire. Or, toutes les données recueillies pour dresser le portrait le plus représentatif et le plus honnête possible du stagiaire sont essentielles même si elles sont très souvent « attrapées au vol », dans des situations planifiées certes, mais aussi parfois dans des situations inattendues.

Ces données doivent être échangées de façon harmonieuse entre les diffé-rents acteurs de la triade. Sachant que la relation de confiance est primordiale en situation de stage, comment arrive-t-on à connaitre suffisamment les sta-giaires pour porter un regard juste et professionnel sur leur travail? De quelle façon peut-on croiser les données issues d’observations et d’entretiens afin de construire avec les stagiaires une meil-leure compréhension de la situation? Quelles variables pourraient donner un portrait global du développement de leurs compétences? Comment ce por-trait pourrait décrire particulièrement

le développement de la compétence à l'oral, compétence essentielle au travail enseignant. Pour répondre à ces ques-tions, nous proposons deux modèles qui peuvent être mis en place lors de stages. Ces modèles seront contextualisés à l’aide de la compétence 2, volet oral, du référentiel professionnel en enseigne-ment (MEQ, 2001).

Les deux modèles interreliés de la pratique réflexive en situation de stageDepuis quelques années, au programme d’éducation préscolaire et d’enseigne-ment primaire de l’UQAM, nous nous questionnons sur la place réelle que nous voulons accorder aux stagiaires dans les entretiens de nature réflexive autour de leurs expériences de stage. À ce jour, nous sommes convaincus que les stagiaires doivent se révéler davantage au cours de ces entretiens et que les échanges

doivent se construire à

partir des propos tenus par l’apprenant. Dans cette posture, les rôles de l’ensei-gnant associé et du superviseur ne s’en trouvent pas diminués pour autant. Au contraire, ils revêtent un caractère plus stratégique où ils doivent écouter de façon active et orienter « adroitement » leur questionnement. Ainsi, nous avons tenté de redéfinir les rôles qu’ils devaient exercer afin de les amener à intervenir différemment lors de ces échanges. Nous avons donc élaboré une démarche en « trois temps, trois moments et quatre étapes » autour de laquelle les échanges contribuent à ce que le stagiaire arrive à mieux se connaitre et à se faire connaitre

et reconnaitre. Cette démarche est large-ment inspirée du modèle de l’entretien d’explicitation de Vermersh (2011), de la discussion métacognitive fréquemment utilisée en enseignement stratégique ainsi que des travaux en métacogni-tion de Lefebvre-Pinard et Pinard dans Viola (1999) que nous avons adaptés au contexte de stage. Nous avons ainsi clairement défini deux modèles arrimés l’un à l’autre (voir fig. 1). Le premier modèle intitulé Démarche d’introspection et d’action décrit les composantes de la démarche du stagiaire et le deuxième modèle intitulé Démarche d’accompagne-ment de l’enseignant associé et du supervi-seur comprend « trois moments », soit le moment 1 : le questionnement géné-ral, le moment 2 : le questionnement spécifique, et le moment 3 : le ques-tionnement contextualisé autour d’une situation d’enseignement et d’évalua-tion (SAÉ). Les questionnements géné-ral (moment 1) et spécifique (moment 2) se composent de « trois temps » : avant, pendant et après le stage. Le question-nement contextualisé (moment 3) com-porte quatre étapes qui se terminent par la technique E.S.QU.I.V.E.R.

LeS entretienS métacognitiFS en Stage : une harmonie en troiS temPS, troiS momentS

La relation de confiance est primordiale en situation de stage.

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modèle 1 – La démarche d’introspection et d’action du stagiaire : une démarche d’autoquestionnement en trois tempsAvant, pendant et après le stage sont les trois temps pendant lesquels les sta-giaires doivent porter un regard attentif sur quatre variables : la personne (le stagiaire), les objectifs (en lien avec le stage et le cheminement du stagiaire), les stratégies (les moyens que le sta-giaire connait) et la tâche (le niveau d’enseignement du stage et son envi-ronnement particulier). Ces variables constituent le savoir métacognitif dis-ponible qui, verbalisé fréquemment, devient un outil précieux à la mise en œuvre de processus d’autorégulation et qui, par le fait même, permet aux sta-giaires de s’ajuster dans l’action et d'ar-river à porter un regard sur l'issue finale de leur démarche, issue qui contribue, du même coup, à enrichir à nouveau leur savoir métacognitif. Le tableau 1 présente un exemple de questions très générales que les stagiaires pourraient se poser lors de ces trois temps de réflexion. Ces questions devraient éven-tuellement les amener à se fixer des objectifs de stage et devraient être com-plétées par des questions spécifiques.

Fig. 1 – Modèles d’introspection et d’accompagnement à la pratique réflexive par le questionnement

avant le stage

Personne• Qu’est-ce que je sais à propos de mes compétences professionnelles? Qu’est-ce que ce stage peut m’apporter sur le plan personnel? Qu’est-ce qui m’intéresse le plus par rapport à ce que je vais vivre cette année?

objectifs• Quels objectifs dois-je me fixer pour ce stage? Pourquoi?• En quoi ces objectifs rejoignent-ils mes besoins de formation?

Stratégies• Quelles sont mes forces par rapport aux stratégies d’enseignement? Qu’est-ce que je maitrise moins?• Quels obstacles vais-je rencontrer? Qu’est-ce que j’ai l’habitude de faire lorsque plus rien ne va?

tâche• Qu’est-ce que je connais de mon école de stage? Qu’est-ce que je sais de ce cycle d’apprentissage?• Qu’est-ce que je connais des élèves de ma classe de stage?

Pendant le stage

• De façon générale, est-ce que tout va comme prévu? Quelles sont mes stratégies efficaces pour surmonter les obstacles envisagés? • Mon intérêt pour l’âge des élèves se modifie-t-il au fur et à mesure du stage? Si oui, de quelle façon? (tâche)• Les objectifs que je me suis fixés sont-ils réalistes? En quoi ces objectifs me permettent-ils de faire valoir mes valeurs pédagogiques? (personne)

à la fin du stage

Personne• Quelles sont les compétences que je maitrise le mieux? Lesquelles puis-je développer davantage maintenant?• Qu’est-ce que cette profession m’apporte sur le plan personnel?

objectifs • Après avoir vécu ce stage, quels objectifs puis-je me fixer maintenant?

tâche• Qu’est-ce que ce milieu ou ce niveau d’enseignement m’apporte de plus intéressant?• Qu’est-ce que je retiens de ce contexte de stage?

Stratégies• Qu’est-ce que je peux faire pour améliorer telle ou telle compétence?• Qu’est-ce que je peux faire pour prendre davantage de place dans mon milieu?• Quelles sont les stratégies de gestion de classe que je maitrise le mieux?

tableau 1 : autoquestionnement général

Modèle 2 Démarche d’accompagnement de l’enseignant associé

et du superviseur par le questionnement

Modèle 1 Démarche d’introspection et d’action du stagiaire par

l’autoquestionnement

Savoir métacognitif

Processus d’autorégulation

Issue finale

Objectifs

Personne

Tâche

Étape II Observation en

classe

Moment 1 Questionnement

général sur le stage

Étape IV Rencontre et

entretien selon la méthode

E.S.QU.I.V.E.R Écouter Sélectionner QUestionner Informer Valider Élaborer Responsabiliser

Étape III Analyse et

transformation des observations

en questions

Moment 3 Étape I

Discussion et questionnement

contextualisé avant une situation

d’apprentissage et d’évaluation

2. Pendant 1. Avant 3. Après

Stratégies

Moment 2 Questionnement

spécifique sur une compétence

en particulier

! TEMPS

Page 14: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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Afin de donner des exemples concrets de questions spécifiques, le tableau 2 en présente qui se rap-portent à la compétence 2, volet oral, du référentiel professionnel en enseignement. Ces questions spé-cifiques proviennent de grilles d’autoévaluation et de coévaluation de la compétence à l’oral présentées aux étudiants durant leur formation1. Ces derniers ont donc l’occasion de revoir fréquemment les ques-tions et de les mettre en application lors de différentes tâches universitaires ainsi que dans les stages. Encore une fois, les questions se rapportent aux quatre variables métacognitives vues précédemment.

Personne Stratégie tâche objectif

En tant que professionnel de l’enseignement, comment per-çois-je mes compétences à l’oral?

Quels moyens (stratégies) vais-je mettre en œuvre afin d’atteindre les objectifs fixés par rapport à mes compétences à l’oral?

Quels contextes (tâches) me semblent plus difficiles que d’autres lorsque je m’exprime à l’oral?

Qu’est-ce que j’aimerais améliorer par rapport à mes compétences à l’oral? Quels objectifs puis-je me fixer?

tableau 2 : autoquestionnement du stagiaire par rapport à la compétence à l’oral

—modèle 2 – démarche d’accompagnement de l’enseignant associé et du superviseur en trois momentsUn stagiaire réflexif prendra l’habitude de se questionner avant, pendant et après le stage, même s’il n’en est pas toujours conscient. Cependant, ce n’est pas toujours le cas et certains stagiaires auront besoin d’accompagnement pour entreprendre une telle démarche. L’enseignant associé et le supervi-seur pourront alors intervenir selon trois moments de questionnement : général, spécifique et contex-tualisé. Le moment 1 consiste à poser des questions très générales sur le stage sans entrer dans le domaine d’une compétence en particulier. Ainsi, toutes les questions du tableau 1 pourraient servir aux entretiens des enseignants associés et des superviseurs en transformant les questions à la 2e personne. Le moment 2 fait référence aux questions spécifiques concernant les compétences professionnelles (par exemple, la compétence 2, volet oral). Le tableau 3 présente des questions que le superviseur ou l’enseignant associé pourraient poser aux stagiaires à propos de la compétence 2, volet oral. Ces ques-tions pourraient ensuite être complétées par des questions encore plus précises qui correspondraient aux composantes de la compétence à l’oral. Le tableau 4 en fait d’ailleurs l’énumération.

Personne Stratégie tâche objectif

• Est-ce important pour toi de bien t’exprimer devant les élèves?

• Sur le plan de cette compétence, où te situes-tu?

• Par rapport aux autres étudiants de ton âge, te considères-tu comme étant plus habile que les autres?

• Es-tu plus habile maintenant à communiquer oralement qu’avant le stage? Pourquoi dis-tu cela?

• Que fais-tu pour te préparer à bien communiquer à l’oral?

• Est-ce que cela t’arrive de faire des erreurs à l’oral? Comment le sais-tu? Es-tu capable de les identifier? Que fais-tu à ce moment-là?

• Que fais-tu après une situation d’enseignement lorsque tu as commis des erreurs à l’oral? Comment te sens-tu alors?

• Selon toi, doit-on s’exprimer différemment lorsqu’on s’adresse aux enfants, aux parents et aux pairs?

• Selon toi, qu’est-ce qui est différent entre l’oral et l’écrit?

• Es-tu plus habile à l’oral qu’à l’écrit? Comment le sais-tu?

• Quels objectifs te fixes-tu pour ce stage? Comment les as-tu choisis? Que feras-tu pour les atteindre?

• Quels objectifs pourrais-tu te fixer après ce stage? Pourquoi dis-tu cela?

• Quels aspects spécifiques aimerais-tu travailler?

tableau 3 : questionnement spécifique par l’enseignant associé et le superviseur par rapport à la compétence 2, volet oral

composantes Personne Stratégie tâche objectif

C1 : Employer une variété de langage oral approprié dans ses interventions auprès des élèves, des parents et des pairs.

Est-ce important pour toi d’em-ployer une variété de langage oral approprié dans tes interventions auprès des élèves, des parents et des pairs?

Comment peux-tu employer une variété de langage oral approprié dans tes interven-tions auprès des élèves, des parents et des pairs?

Selon toi, comment le contexte t’amène-t-il à parler de la même façon lorsque tu t’adresses à des élèves du préscolaire, du primaire, des parents, etc.?

Quels objectifs pourrais-tu te fixer afin d’employer une variété de langage oral appro-prié dans tes interventions auprès des élèves, des parents et des pairs?

C3 : Pouvoir prendre position, soutenir ses idées et argumenter à leur sujet de manière cohé-rente, efficace, constructive et respectueuse lors de discussions.

En quoi est-ce important de t’exprimer de façon rigoureuse et respectueuse lorsque tu dois défendre tes propos?

Comment sais-tu que ton discours est cohérent lorsque tu t’adresses à des enfants?Que fais-tu pour qu’il en soit ainsi?

Selon toi, dans quelles situations est-il plus facile ou plus difficile de s’exprimer correctement?

Quels objectifs pourrais-tu te fixer afin de faire valoir tes idées de façon constructive et respectueuse lors de discussions?

C4 : Communiquer ses idées de manière rigoureuse en employant un vocabulaire précis et une syntaxe correcte.

Que penses-tu de ta capacité ou de tes habiletés à trouver les mots pour dire les choses?

Que fais-tu pour sélection-ner le vocabulaire que tu utilises à l’oral?

Selon toi, est-ce plus facile de trouver les mots lorsqu’on s’adresse à des élèves du préscolaire? Qu’est-ce qui est différent par rapport aux autres cycles?

Quels buts te fixes-tu pour améliorer le vocabulaire que tu utilises à l’oral?

C5 : Corriger les erreurs commises par les élèves dans leurs communications orales et écrites.

Pourquoi est-ce important de corriger les erreurs commises par les élèves?

Comment t’y prends-tu pour corriger les erreurs des élèves?

Corrige-t-on les élèves de la même manière lorsqu’on est en présence d’élèves allophones?

Quels objectifs pourrais-tu te fixer pour mieux intervenir pour corriger les erreurs des élèves?

C6 : Chercher constamment à améliorer son expression orale et écrite.

Quelle importance accordes-tu à l’amélioration de ton expression orale?

Quels moyens mettras-tu en œuvre pour t’améliorer?

Est-ce différent de savoir que tu devras t’améliorer aussi lorsque tu auras ta propre classe?

Quels objectifs pourrais-tu te fixer pour chercher constamment à améliorer ton expression orale?

tableau 4 : des questions spécifiques à propos de la compétence à l’oral (composantes)

Le rôle des accompagnateurs n'est pas de dire, mais de faire dire.

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discussion et questionnement contextualisé avant une situation d’apprentissage et d’évaluation Le troisième moment du questionne-ment se réalise lors de la présentation par le stagiaire d’une situation d’appren-tissage aux élèves. Après avoir discuté brièvement avec lui afin de connaitre les grandes lignes de sa situation d’appren-tissage, l’enseignant associé ou le super-viseur observe attentivement ce qui se passe en classe en notant des faits. Par la suite, il entame une analyse préliminaire de ses observations en transformant les faits observés en questions. Il établira des liens entre les observations et les compé-tences professionnelles (voir tableau 5). Il rencontrera ensuite le stagiaire pour un entretien. Durant cet entretien, il uti-lisera la technique que nous avons intitu-lée E.S.QU.I.V.E.R pour préciser le rôle de l’accompagnateur lors de la démarche de questionnement, et ce, afin d’« éviter adroitement… de tout dire ». Ainsi, dans un premier temps, l’accompagnateur écoutera ce que le stagiaire lui dira à pro-pos du déroulement de l’activité, Sélec-tionnera un ou deux thèmes centraux de ses observations (dans le cas de la com-pétence à l’oral, l’accompagnateur pour-rait, par exemple, discuter de la façon de donner des consignes à l’oral, du non-verbal utilisé, de la richesse du voca-bulaire, etc.), questionnera le stagiaire, l’informera de ce qu’il a vu à partir des propos du stagiaire, Validera les points soulevés par le stagiaire, élaborera avec lui un plan d’action (objectifs et moyens) et le responsabilisera en lui deman-dant de lui faire un compte rendu des échanges. La démarche de questionne-ment que nous proposons ici laisse toute la place au stagiaire. L’accompagnateur ne fait que le guider par ses questions. Comme le stagiaire a aussi besoin d’une validation de la part d’un expert, l’accom-pagnateur (l’enseignement associé ou le superviseur) devra faire cette validation à la toute fin de l’entretien.

Je note les faits Je transforme les faits en questions J’identifie les compétences visées

tableau 5 : grille d’observation et de questions

Le rôle de l’enseignant associé et du superviseur dans la démarche d’accom-pagnement par le questionnementLes questions proposées dans les tableaux 1 à 4 ne doivent pas être uti-lisées de façon systématique. Elles ne sont là qu’à titre suggestif afin d’alimen-ter les échanges. Comme mentionné précédemment, ce sont les stagiaires qui devraient s’exprimer lors des entre-tiens de supervision de stage. Il est essentiel de mettre en place des condi-tions pour le faire. En effet, le rôle des accompagnateurs n’est pas de dire, mais de faire dire. En ayant ces variables en tête pour questionner les stagiaires, les enseignants associés et les superviseurs seront plus à même d’écouter, d’enri-chir et de rediriger la discussion. Les questions posées aux stagiaires peuvent mener à une variété de réponses que les enseignants associés et les supervi-seurs doivent pouvoir reprendre pour relancer et prolonger la discussion ainsi que la réflexion. Autrement dit, ce sont les réponses qui guident le question-nement. Lors d’entretiens, les relances sont d’une efficacité incontestable (Ver-mesh, 2011). Savoir écouter pour mieux questionner est une tâche exigeante, mais payante et profitable pour tous. Tel est le défi et il est de taille!

Dans le cas de la compétence à l’oral, le questionnement prend tout son sens. Il permet d’alléger le regard que l’on porte sur le stagiaire et la prise en compte de certaines précautions. En effet, la com-pétence à l’oral d’une personne peut la définir, puisqu’elle est souvent en lien direct avec le milieu social. Il peut être très délicat d’intervenir. Il s’avère donc important de faire la distinction entre

la personne et sa façon de communi-quer. L’aspect culturel entre également en jeu. Des différences importantes peuvent exister entre la culture du sta-giaire et celle de l’enseignant associé ou du superviseur, ce qui peut avoir des répercussions sur la compétence à l’oral. Dans un tel cas, la discussion peut per-mettre de mieux comprendre la réalité et les attentes de chacun.

conclusionEn diffusant ce cadre de questions à l’ensemble des acteurs de la formation, nous souhaitons que l’harmonie se crée au sein de la triade impliquée dans un stage et que les questions de chacun contribuent à dresser un portrait fidèle des stagiaires. Nous désirons aussi que chacun prenne sa part de respon-sabilité dans cette démarche et qu’un climat de confiance s’installe au cœur des échanges.

références• Ministère de l’Éducation du Québec (2001).

La formation à l’enseignement professionnel :

les orientations, les compétences professionnelles.

Gouvernement du Québec : Bibliothèque nationale

du Québec.

• Vermesh, P. (2011, 7e édition). L’entretien

d’explicitation. Issy-les-Moulineaux : ESF.

• Viola, S. (1999). Les effets de l’entraînement au

métaquestionnement sur la compréhension en

lecture chez les élèves de sixième année du primaire.

Thèse de doctorat inédite, Université du Québec

à Montréal, Montréal.

— note1. Les grilles sont disponibles sur le site Web

de l’AQEP à l’adresse suivante : www.aqep.org

En diffusant ce cadre de questions à l’ensemble des acteurs de la formation, nous souhaitons que l’harmonie se crée au sein de la

triade impliquée dans un stage et que les questions de chacun contribuent à dresser un portrait fidèle des stagiaires.

Grilles d’autoévaluation et de coévaluation de la compétence à l’oral Sylvie Viola et Christian Dumais

Page 16: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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La violence à l’école, l’intimidation et les conflits font partie des sujets de l’heure dans l’actualité. En 2012, l’As-semblée nationale du Québec a d’ail-leurs adopté le projet de loi 56 visant à prévenir et à lutter contre l’intimidation et la violence à l’école. Cette loi précise les devoirs et responsabilités des acteurs concernés et prévoit qu’une commission scolaire doit veiller à ce que chacune de ses écoles offre un milieu d’apprentis-sage sain et sécuritaire (MELS, 2012).

Dans la région de Lévis, un programme Vers le pacifique – gestion de conflits (VLP-GC), visant à prévenir la violence à l’école, est implanté depuis plus de 10 ans dans

divers secteurs, dont les écoles primaires. En 2011, les responsables du programme VLP-GC jugent qu’il est nécessaire de procéder à l’évaluation du programme et demandent aux chercheuses du LASER de prendre en charge cette recherche évaluative. Nous présentons dans ce court article, les recommandations issues des résultats de l’évaluation de ce programme. L’ensemble des résultats de recherche est en voie de publication.

Le programme VLP-gcCe programme, adapté de Vers le paci-fique de l’Institut Pacifique, vise la résolu-tion de conflits et comprend deux volets, soit le développement des habiletés sociales et la médiation par les pairs1. Le programme cherche à accompagner les jeunes et leurs parents dans des actions favorisant l’acquisition, le développe-ment et le renforcement de compétences au regard des attitudes et des habiletés sociales. L’accent est mis sur les quatre étapes de résolution de conflits, soit se calmer, se parler, chercher des solutions possibles, trouver et s’entendre sur une solution pacifique face au conflit. Le programme est offert dans les écoles

primaires sous forme d’ateliers animés par des stagiaires de

troisième année du programme de Techniques de travail social des cégeps de la région.

Les parents sont informés tout au long du processus et une lettre expliquant sommairement le programme, les quatre étapes de résolution de conflits ainsi que le contenu des ateliers leur est envoyée. Cela permet aux parents de participer à l’objectif du programme en aidant leur

enfant à mettre en pratique la résolution des conflits apprise à l’école.

L'évaluation du programme par les participants Dans le cadre de l’évaluation du pro-gramme VLP-GC, les principaux acteurs ont été mis à contribution, soit les intervenants scolaires, les jeunes et les parents. Les participants venaient de cinq écoles primaires et de l’école secondaire de Lévis. Des élèves (5e et 6e année) ainsi que des parents ont rempli un questionnaire, tandis que des intervenants du milieu scolaire primaire et secondaire (enseignant, directeur, éducateur spécialisé, éduca-teur en service de garde, surveillant, stagiaire en travail social, coordonnateur de stage), des élèves de 1re secondaire et des parents d’élèves (5e et 6e année) ont participé à des groupes de discussion.

La violence à l’école, l’intimidation et les conflits font partie des sujets de l’heure dans l’actualité.

L’imPLication et La Formation deS PartenaireS : deS atoutS maJeurS Pour L’imPLantation d’un Programme de geStion de conFLitS

iSabelle [email protected]

marie-anDrée [email protected]

niCole [email protected]

hélène SylVain [email protected]

professeure, membre du laSerUniversité du québec à rimouski, lévis

Docteure en éducation membre étudiant du laSerUniversité du québec à rimouski, lévisenseignanteCommission scolaire des Découvreurs

professeure, membre du laSerUniversité du québec à rimouski

professeure, directrice du laSerUniversité du québec à rimouski

déVeLoPPement SocioreLationneL

en collaboration avec :l’équipe du projet Vers le pacifique – gestion de conflits; maude Dutil, ClSC lévis, coordonnatrice;Claudie perron, tS, responsable du programme Vlp-gC; éric pouliot, directeur d’écoleet johanne lambert, b.Sc., étudiante à la mSi, Uqar;myriam Coutu, b.Sc., agente de recherche au laSer.

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Les informations recueillies nous indiquent que les élèves ont de bonnes connaissances du processus de résolu-tion de conflits et possèdent des atti-tudes plutôt favorables. Les enfants ont peu tendance à favoriser la violence ver-bale ou physique comme solution. Les parents prônent des comportements plutôt favorables à la résolution de conflits et défavorables à la violence. De plus, une évolution quant à la manière dont les enfants résolvent les conflits est observée autant à l’école qu’à la maison, et ce, par les intervenants scolaires et les parents. Le programme incite égale-ment les jeunes à utiliser des moyens pour se calmer et s’isoler lors des conflits (ex. : écouter de la musique).

Les recommandations Les résultats de cette recherche nous indiquent que pour maintenir les effets positifs d’un tel programme, il est impé-ratif de renforcer la collaboration entre les différents partenaires en misant sur leur implication dans l’applica-tion et l’intégration de la démarche de résolution de conflits. Il importe que les stagiaires favorisent la diffusion du programme, notamment auprès des éducateurs et des enseignants. Il est également souhaitable qu’une per-sonne-ressource puisse agir à titre de référence en ce qui concerne les infor-mations à transmettre aux parents, mais également pour la transmission et l’enseignement des étapes liées à la résolution de conflits auprès des ensei-gnants. Cette personne peut être choi-sie en fonction de sa présence au sein de l’école, mais également pour ses connaissances liées au programme.

Notre évaluation du programme fait aussi ressortir que le rôle des médiateurs est très utile tant pour les enseignants que pour les élèves eux-mêmes, car leur visibilité et leur action permettent un modèle de conduite ainsi qu’une aide non négligeable (Bowen et collab., 2006). Au regard de la transmis-sion des informations aux parents, nous soulignons que les rappels sont à faire fréquemment pour favo-riser leur implication. De surcroit, ces informations doivent être claires, précises et attrayantes. Des mises en situation sous forme de saynètes sont d’ailleurs suggérées lors de la première rencontre des parents afin de les infor-mer de la démarche du programme, mais surtout de les outiller pour interve-nir dans le cas de conflits à la maison.

Une formation en début d’année sco-laire est conseillée pour assurer un rap-pel des connaissances et pour permettre l’appropriation du programme et des outils chez tous les intervenants. La formation des éducateurs en service de garde est aussi importante à considérer sachant qu’ils interviennent en dehors des heures de classe et qu’ils peuvent assurer la continuité et la cohérence des interventions auprès des élèves.

Les étapes de la gestion de conflits devraient être adaptées selon la nature de l’évènement qui survient chez les élèves du troisième cycle. Nous recom-mandons que le programme s’ajuste davantage au phénomène de gang, à la résolution des conflits de groupe et à la distinction entre les conflits rencontrés chez les garçons et chez les filles. Afin

de contrer l’intimidation, il est néces-saire d’offrir des outils adaptés pour éviter que ces conflits ne se transposent de l’école à la maison sous la forme de cyberintimidation. La présentation d’une vidéo interactive, les jeux de rôle et les saynètes figurent parmi les acti-vités les plus appréciées des élèves du troisième cycle du primaire (Verlaan et Charbonneau, 2005).

conclusionPour consolider le maintien du pro-gramme VLP-GC, il est indispensable d’impliquer tous les partenaires du milieu, dont les enseignants. Une forma-tion, un suivi adéquat, ainsi que l’adap-tation du programme à l’âge des jeunes, sont nécessaires. Ce programme mise d’ailleurs sur la prévention des compor-

tements violents et devient garant d’une société respectueuse de ses individus dans le contexte où les actes de violence et d’intimidation sont présents en milieu scolaire et s’étendent à toutes les sphères de la vie des jeunes, notamment à la mai-son par les réseaux sociaux.

références• Bowen, F., Rondeau, N., Fortin, F., Dias, T.,

Bélanger, J., Desbiens, N., Lacroix, M. (2006).

Rapport final d’évaluation des impacts du pro-

gramme Vers le pacifique pour les quatre années de

sa mise en œuvre (2001-2005) : Rapport du Groupe

d’étude sur la médiation en milieu scolaire

(GEMMS). Gouvernement du Canada, Ministère

de la Justice.

• Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

(2012). Projet de loi no 56 : Loi visant à lutter contre

l’intimidation et la violence à l’école. Québec :

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport,

Gouvernement du Québec, Éditeur officiel du

Québec.

• Verlaan, P., et Charbonneau, M.-E. (2005). Éva-

luation de l’implantation et des effets d’un pro-

gramme de sensibilisation à l’agression indirecte

auprès d’élèves du primaire. Nouveaux cahiers de

la recherche en éducation, 8(2), p. 17-26.

— note1. Programme Vers le pacifique au primaire (s. d.).

Récupéré le 25 janvier 2013 du site de l’Institut

Pacifique : http://www.institutpacifique.com/

Afin de contrer l’intimidation, il est nécessaire d’offrir des outils adaptés pour éviter que ces conflits ne se transposent de l’école à la maison sous la forme de cyberintimidation.

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criFPe

centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (www.crifpe.ca)

FaVoriSer Le déVeLoPPement et La mémoriSation du VocabuLaire : La Stratégie « carte de motS »

comme tous les enseignants le constatent, beaucoup d’unités lexicales considérées comme étant apprises à un moment donné par les élèves sont oubliées par la suite. Des recherches ont aussi démontré qu’il est néces-saire que les unités lexicales soient rencontrées entre 6 à 12 fois et dans plusieurs contextes pour être retenues et employées de façon appropriée. Or, trop souvent, le vocabulaire abordé en classe est stocké dans des cartables ou des cahiers de mots qui ne sont pas assez réutilisés pour être retenus à long terme. Une des techniques pouvant favoriser le développement et la réten-tion du vocabulaire par les élèves est donc de créer des outils leur permettant de consigner efficacement les informa-tions sur les unités lexicales cibles et de les revoir de façon régulière et structu-rée. La démarche d’enseignement de la stratégie « Carte de mots » est le résultat d’un projet de formation recherche sur l’enseignement stratégique du voca-bulaire du français auprès des élèves

innus du primaire1. Les enseignants de 3e année et les orthopédagogues de sept écoles innues ainsi qu’une conseillère en adaptation scolaire de l’Institut Tsha-

Chercheure associée au CriFpe professeure en didactique du français au primaire Université du québec à [email protected]ée de cours en didactique du français langue secondeUniversité de montréal [email protected]

ConStanCe laVoie

le thi hoa

kapesh ont expérimenté et validé cette démarche d’enseignement. Les ensei-gnants et les chercheurs sont d’avis que les cartes de mots sont des outils faciles à concevoir et agréables à utiliser par les élèves.

La stratégie « carte de mots », qu’est-ce que c’est?Enseigner la stratégie « Carte de mots » consiste à utiliser un pictogramme pour amener les élèves à comprendre que tout comme le joueur de hockey, chaque mot a sa propre hitoire, sa propre carte. (PICTO). Ainsi, une carte de mots, comme une carte de hockey, sert à consigner des informations pertinentes concernant un mot. Ensuite, l’enseignant montre comment préparer et concevoir les cartes de mots. Enfin, l’enseignant

propose des activités mul-tiples permettant aux élèves de bien se servir des cartes qu’ils ont réalisées. Les pro-chaines sections expliquent

en détail les utilités de la stratégie « Carte de mots » ainsi que les démarches d’en-seignement de cette dernière.

La stratégie « carte de mots », pourquoi?Les cartes de mots – des outils de référence structurants et productifsEn plus de servir à répertorier les connaissances au sujet du mot, les cartes de mots permettent de se concen-trer sur une certaine liste de mots ou sur certains thèmes. À ce propos, une ensei-gnante ayant expérimenté la stratégie est d’avis que l’élève devrait construire lui-même sa carte de mot, la conserver et l’utiliser comme outil de référence.

Les cartes de mots, mobiles et évolutives – des outils agréables à utiliserEn plus de permettre une consultation facile et une souplesse d’utilisation, ce qui facilite la révision et le réemploi des mots étudiés dans une autre tâche, les cartes de mots peuvent devenir des jeux ludiques pour les élèves. En outre, l’élève peut aller plus loin dans son travail de structuration et de stockage du vocabulaire en ajoutant, au fur et à mesure, de nouvelles informations concernant le mot ou en les précisant tout en gardant une même carte. L’élève peut aussi privilégier une utilisation

Les enseignants et les chercheurs sont d’avis que les cartes de mots sont des outils faciles à concevoir et agréables à utiliser par les élèves.

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régulière et de type évolutif des cartes de mots tout au long de l’année en ajoutant sans cesse de nouvelles cartes de mots.

Les cartes de mots – des outils efficacesAider les élèves à organiser leur acquis sur une carte de mot leur permet de mieux comprendre les termes traités et de les employer de façon active et perti-nente. En outre, la stratégie « Carte de mots » permet les révisions, les réem-plois, spontanés ou provoqués délibé-rément par l’enseignant. Par ailleurs, l’acte d’écrire le mot, de créer une image en lien avec le mot, de noter les infor-mations le concernant peut améliorer la rétention, l’efficacité de l’apprentis-sage du vocabulaire ainsi que de l’expé-rience d’apprentissage en général. Un enseignant en témoigne : « La carte de mot est un outil qui permet à l’enfant de mémoriser à long terme des mots, donc de vraiment se les approprier et bien les utiliser […]. L’enfant sera davan-tage sécurisé en utilisant ces mots, car il connait bien ces termes, leur cooc-currence. Quand il fait une phrase avec un mot, il le pratique et sait dans quel contexte il peut utiliser ce dernier. Puis, l’enfant garde en tête une image du mot, car il en fait un dessin. »

Les cartes de mots – un moyen d’impliquer les élèves et leurs parentsLors de la fabrication et en particulier durant la conception de la carte, les élèves et leurs parents s’impliquent activement. Tout au long de l’année, les parents et élèves peuvent alimenter la banque de mots.

La stratégie « carte de mots », comment l’enseigner?Concevoir une carte de motSur des cartes de mots, les élèves écrivent l’unité lexicale cible et des informations la concernant. On y trouve notamment le mot, un dessin illustrant ce mot, une définition, une phrase (un exemple), la classe de mots, une tra-duction en langue maternelle (pour la langue innue, ce serait une transcrip-tion orale) et une partie pour les mots liés par le sens. En collaboration avec les enseignants et les orthopédagogues,

le modèle de la carte de mots suivant a été adopté :

enseignants recommandent de demander aux élèves d’associer le recto d’une carte au verso. L’élève peut regarder l’image illustrant le mot et nommer les infor-mations concernant ce mot. À l’inverse, l’élève peut choisir une carte, lire le mot et les informations et vérifier sa compréhen-sion en regardant l’image. Ces exercices peuvent être répétés avec la prochaine carte dans le paquet jusqu’à ce que toutes les cartes de la semaine soient revues.

En bref, la stratégie « Carte de mots » ne met pas en place une mémorisation fon-dée sur la simple répétition, mais offre aux élèves un outil leur permettant de consigner et d’organiser efficacement leurs connaissances concernant les uni-tés lexicales cibles tout en leur donnant l’occasion de travailler la prononciation et les cooccurrences de celles-ci. Par ce fait même, la stratégie « Carte de mots » aide les élèves à mieux comprendre les mots appris et à les employer de façon active, pertinente et efficace.

note1. Ce projet de formation recherche est financé par

le MELS dans le cadre du Chantier 7. Ce projet est un partenariat entre l’UQAC et l’Institut Tsha-kapesh. Les communautés innues participantes à cette formation recherche sont : Maliotenam, Matimekosh-Lac John, Natashquan, Pakua Shipu, Pessamit, Uashat et Unamen Shipu. Nous remercions Andrée G. Bellefleur, Marie-Pier Carré, Marie-Josée Chamberland, Josée Fortin, Jessica Gaudreault, Marcelline Kaltush, Suzanne Laberge, Sonia Lapointe, Pascal Morin, Brigitte Proulx, Nathalie Rousseau, Suzanne Séguin, Marie-Josée Simard et Mustapha Zerguini pour leur précieuse collaboration.

définition :________________________________________________________________________________________________

classe de mot :∏ adjectif∏ nom∏ verbe∏ mot invariable

Phrase exemple :________________________________________________________________________

mot(s) avec un lien de sens :________________________________________________

autre :

_________________

recto VerSo

Les trois semaines d’expérimentation de la stratégie « Carte de mots » avec ce modèle en classe ont permis aux ensei-gnants de préciser l’utilisation de cet outil. En premier lieu, selon les ensei-gnants, la taille de la carte peut varier selon l’âge des élèves. En ce qui concerne les différentes parties de la carte, d’abord, il convient de veiller à ce que la défini-tion à mettre sur la carte soit correcte et simple (dans les mots des élèves). La classe de mots doit être découverte par l’élève et validée ensuite par l’ensei-gnant. Puis, lorsqu’il s’agit de la phrase exemple, il est pertinent de demander aux élèves de ne pas s’éloigner du thème abordé ni de la classe de mots cible. Fina-lement, pour que la partie « autre » de la carte soit profitable, il convient de gui-der les élèves en mentionnant quelques éléments éventuellement possibles tels que le synonyme, l’antonyme, mots de la même famille, cooccurrences, etc.

Faire utiliser les cartes de motsLes cartes de mots peuvent être utilisées de différentes façons : répertoire, outil de référence, jeux, etc. Pour valoriser les efforts des élèves dans la préparation et la conception des cartes de mots et les encourager d’en faire davantage, les enseignants ayant expérimenté cette stra-tégie recommandent d’afficher les cartes de mots préparées par les élèves sur une corde à linge dans le coin de lecture. Il est possible aussi de demander aux élèves de regrouper les mots selon leur classe ou de trouver la carte qui correspond à la défini-tion proposée par l’enseignant. Enfin, les

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criFPe

centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (www.crifpe.ca)

LeS réSeaux Sociaux au Primaire?

Plusieurs études récentes montrent qu’un nombre important d’adolescents et d’adultes fréquentent les médias socionumériques. C’est une réalité, nous sommes de plus en plus bran-chés! Lorsqu’il est question des jeunes, les études se limitent cependant le plus souvent aux élèves du secondaire. Rare-ment peut-on lire des informations à propos des jeunes du primaire. Est-ce parce qu’ils n’utilisent pas ces outils? Après tout, l’âge minimal pour créer un compte sur plusieurs sites « sociaux » est de 13 ans. Par ailleurs, il existe d’autres réseaux et outils socionumé-riques qui n’ont pas nécessairement les mêmes exigences. Les jeunes du pri-maire sont-ils présents sur les réseaux sociaux? Si oui, dans quelle proportion et quelle utilisation en font-ils? Pour les intervenants du milieu scolaire, ces

Chercheur associé au CriFpe Université du québec à [email protected]étudiante-chercheuse au CriFpe Université du québec à Chicoutimi [email protected]

enseignanteConseiller pédagogique reCitagente pivot (tS)CS rives-du-Saguenay, Chicoutimi

patriCk giroUx

marie-pierre allarD

Virginie hallahan piloteraynalD gagnékathleen belley

questions ne sont pas sans importance puisqu’elles pourraient influer sur la manière d’intervenir auprès des jeunes, les formules pédagogiques à utiliser en classe, l’interprétation et l’impor-tance à accorder au développement de la compétence TIC et à l’intention édu-cative associée au domaine général de formation des médias. Il est essentiel, voire primordial, que le milieu scolaire s’adapte à la réalité des jeunes. Pour ce faire, l’école doit mieux comprendre leur réalité quotidienne. C’est dans ce contexte qu’une équipe composée de deux enseignants, d’un conseiller pédagogique, d’une travailleuse sociale, d’une étudiante en enseignement et d’un chercheur (UQAC/CRIFPE) a mené une enquête auprès de jeunes du troisième cycle du primaire. Le but de cette enquête était pragmatique.

Les résultats devaient refléter l’état du moment présent (mai-juin 2012), don-ner l’heure juste à propos du phénomène des médias sociaux et de la cyberintimi-dation sur le territoire de la Commis-sion scolaire des Rives-du-Saguenay et orienter à court terme les réflexions et les actions locales dans ce domaine. En quelques jours, l’équipe de recherche a donc conçu un questionnaire en ligne qui a été soumis à plus de 600 jeunes. Les prochaines sections présentent les principaux constats de cette enquête.

Les réseaux sociauxÉtonnamment, ou pas, 90 % des répon-dants ont affirmé utiliser un réseau social. L’outil le plus fréquemment uti-lisé est Facebook malgré la contrainte d’âge. Presque 80 % des jeunes interro-gés ont un compte sur ce site. En deu-xième position, il y a MSN avec 70 % des jeunes qui l’utilisent. Plusieurs ont aussi des comptes sur YouTube (38 %) et Skype (22 %). L’enquête a aussi révélé qu’ils utilisent régulièrement des sites à caractère ludique où ils ont un compte

L’outil le plus fréquemment utilisé est Facebook malgré la contrainte d’âge.

Presque 80 % des jeunes interrogés ont un compte sur ce site.

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et peuvent interagir avec des « amis », laisser des commentaires, échanger des liens, etc. Notons que certains de ces sites sont destinés à un public plus âgé. Un faible pourcentage des répondants (2 %) a même admis avoir un compte sur un site de rencontre...

Comment les utilisent-ils? L’activité la plus populaire sur les réseaux socionu-mériques est le clavardage. En effet, les jeunes utilisent ces outils pour demeu-rer en contact avec leurs « amis ». La seconde activité la plus populaire auprès des jeunes est le jeu. À ce sujet, notons une différence significative entre les filles et les garçons, ces derniers jouant plus souvent que les filles. Fait impor-tant, il ressort de l’enquête que ces jeunes publient peu et se satisfont de consommer ce que les autres publient.

Un autre sujet auquel s’est intéressée l’enquête est de savoir si les répondants ont reçu de l’aide d’un parent, d’un grand frère ou d’une grande sœur pour créer leurs comptes et pour en gérer les paramètres de confidentialité. À ce sujet, les résultats sont plutôt encoura-geants puisque 70 % des jeunes disent avoir reçu de l’aide. L’enquête n’a cepen-dant pas vérifié le niveau de compé-tences des aidants.

internet de façon généralePlus largement, l’équipe de recherche voulait savoir comment les jeunes uti-lisent Internet. On a donc demandé à

tous les jeunes, même ceux qui disaient ne pas avoir de compte sur un site de réseautage social, d’identifier leurs trois principales activités sur Internet. Selon les résultats, les aspects ludiques et sociaux sont encore les plus importants. Près de 60 % des jeunes affirment jouer à des jeux et presque 50 % disent écou-ter de la musique, des vidéos ou des films. Sur le plan social, le clavardage serait l’une des principales activités d’au moins 30 % des jeunes participants. On remarque que l’aspect fonctionnel d’In-ternet n’est vraiment pas priorisé par les jeunes. Ils affirment aussi qu’Internet est rarement utilisé à l’école, souvent moins d’une heure par semaine. Par contre, 27 % des participants à l’enquête passent plus d’une heure par jour sur Internet les jours où ils vont à l’école. Les weekends et les jours de congé, c’est plus de 50 % des jeunes qui estiment passer une heure ou plus par jour sur Internet! La majorité (65 %) des répondants affirment se brancher depuis un endroit public dans la maison. Par contre, ils naviguent principalement sur le Web à l’aide d’appareils mobiles (iPod touch : 61 %; ordinateur portable : 55 %) qui rendent la surveillance par un adulte plus difficile.

La cyberintimidationL’intimidation est un sujet qui préoccupe plusieurs intervenants scolaires. Par contre, la cyberintimidation reste peu connue et pas toujours prise au sérieux. Sur Internet, elle peut prendre plusieurs formes : paroles méchantes, médi-sances, violence verbale, publications de photos ou de vidéos dégradantes, etc. Elle est facilitée par l’apparence d’ano-nymat et la distance physique et émo-tionnelle. Les données collectées durant cette enquête laissent entendre que 75 % des jeunes n’ont jamais été témoins de cyberintimidation. Ce résul-tat est surprenant puisqu’une étude menée auprès d’adolescents américains

révélait récemment que 88 % d’entre eux avaient été témoins de violence et de cruauté en ligne (http://pewinternet.org/Reports/2011/Teens-and-social-media.aspx). Les observations effectuées localement sont donc encourageantes. Néanmoins, la réaction de ceux qui ont été témoins est discutable puisque 28 % n’ont rien dit et seulement 29 % en ont parlé à leurs parents.

ce qu’il faut en retenir...Les résultats de cette enquête démontrent d’une manière assez forte que les réseaux socionumériques sont, dès le primaire, un phénomène qu’il faut considérer. Les jeunes y sont immanquablement confrontés à toute une gamme de valeurs et à divers types de personnalités et de propos. Dans ce contexte, l’éducation aux médias et aux

TIC gagne en importance. Comme les jeunes du primaire ne publient pas encore beaucoup de contenus sur le Web et qu’ils rencontrent encore peu de cyberintimidation, le primaire s’avère un bon moment pour les aider à déve-lopper des pratiques critiques élaborées et à adopter des comportements sécuri-taires. Selon les jeunes, l’école semble néanmoins encore peu impliquée. Ces mêmes jeunes gagneraient certaine-ment à découvrir qu’Internet peut être un outil puissant pour apprendre et qu’il y a des lois et des règles de vie qui s’ap-pliquent aussi sur le Web.

Pour en savoir plusOn peut consulter un rapport détaillé à cette adresse : http://constellation.uqac.ca/2300/ 1/R%C3%A9seaux_socionum%C3% A9riques_au_primaire_giroux_et_al_2012.pdf

Les résultats de cette enquête démontrent d’une manière assez forte que les réseaux socionumériques sont, dès le primaire, un phénomène qu’il faut considérer.

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reLationécoLe-FamiLLe-communauté

écoLe-FamiLLe-communauté

FranCe beaUregarD, ph. D.professeure agrégéeUniversité de [email protected]

Les milieux de l’éducation et de la recherche s’intéressent depuis plu-sieurs années à la relation famille-école. Plusieurs études ont montré qu’une relation positive entre les deux milieux a des impacts sur la réussite éducative et la persévérance scolaire de l’enfant-élève1, notamment en donnant une meilleure image de l’école, en dimi-nuant l’absentéisme et les difficultés comportementales, etc. (Deslandes 2013; Henderson et Mapp, 2002). Il devient donc important de valoriser cette relation. En ce sens, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a publié différents documents et guides à l’intention des parents et des ensei-gnants (ex. : MELS, 2004, 2005, 2009). Les objectifs de ces documents sont de mieux faire connaitre le rôle de chacun et de proposer différentes pratiques qui favorisent le développement d’une rela-tion famille-école constructive.

Toutefois, le succès de la relation famille-école ne repose pas que sur les épaules des enseignants et des parents. L’école étant ouverte à son milieu, la commu-nauté (institutions, entreprises, fonda-tions, organismes communautaires, associations, etc.) prend une place active dans cette relation en soutenant direc-tement ou indirectement l’enfant-élève, les familles, l’école et la communauté elle-même. Pensons à la distribution de petits déjeuners, de matériel scolaire, à des programmes de sensibilisation à la discrimination, au développement d’emploi, etc. Par ces différentes actions, la communauté atténue différents pro-blèmes que vivent les familles et le per-

sonnel scolaire. Elle est en quelque sorte le trait d’union entre les deux milieux.

Si on connait bien le soutien provenant des institutions, entreprises, fondations, grands organismes communautaires et associations, on connait moins celui pro-venant de personnes ou d’organismes qui s’exécutent dans le quotidien. Dans ce dossier, nous avons mis de l’avant ces derniers. Ainsi, Josée Péthel présente deux organismes communautaires avec lesquels elle a développé des collabora-tions alors qu’elle était directrice à l’école De la Petite-Bourgogne de la Commis-sion scolaire de Montréal pour faciliter la relation du personnel scolaire avec les familles des élèves fréquentant son école. Louise Poulin, quant à elle, nous fait découvrir le service de garde de l’école Adélard-Desrosiers de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île qui, en par-tenariat avec différents organismes, met sur pied des activités gratuites s’adres-sant à des enfants de milieux défavorisés de Montréal-Nord. Cynthia D’Itri parle de l’organisme communautaire le Car-refour le Moutier de Longueuil qui offre de l’accompagnement aux nouveaux arrivants, notamment en offrant des for-mations aux parents immigrants sur le système scolaire québécois. Véronique Lachance, enseignante au primaire, s’est intéressée aux moyens mis en place pour favoriser la transition primaire-secon-daire. C’est ainsi qu’elle a rencontré deux personnes (un animateur à la vie spiri-tuelle et à l’engagement communautaire et un enseignant à la retraite) qui ont mis sur pied des activités pour rassurer élèves et parents sur ce passage obligé. Marie-

Andrée Gosselin, pour sa part, explique le rôle qu’un superviseur peut jouer en regard de la relation famille-école auprès des stagiaires. Enfin, Isabelle Carignan, France Beauregard et Robin Quinn montrent comment un simple projet de littératie familiale, Lire avec fiston, impliquant un parent, un enfant et un étudiant au BEPP peut avoir un impact sur la relation famille-école.

références• Deslandes, R. (2013). Les relations école-famille-

communauté au cœur des apprentissages et du

développement des jeunes. Centre de transfert

pour la réussite éducative du Québec. Document

téléaccessible au : http://rire.ctreq.qc.ca/thema-

tiques/relations-ecole-famille-communaute

• Henderson, A. T., et Mapp K. L. (2002). A New

Wave of Evidence : The Impact of School, Family,

and Community Connections on Students. Récu-

péré le 27 mars 2013, de

http://www.sedl.org/connections/ressources/

evidence.pdf

• Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

(2005). Participation des parents à la réussite édu-

cative des élèves du primaire. Guide d’accompagne-

ment à l’intention du personnel scolaire. Québec :

Gouvernement du Québec.

• Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

(2004). Rapprocher les familles et l’école primaire.

Québec : Gouvernement du Québec.

• Ministère de l’Éducation, du Loisir et du

Sport (2009). Votre enfant entre à la maternelle.

Information à l’intention des parents. Québec :

Gouvernement du Québec.

—note1. Nous utilisons l’expression « enfant-élève »

parce que nous sommes en présence de deux

groupes d’adultes qui développent une relation

du fait d’un même individu. Cette relation

n’existerait pas sans lui. Cet individu a le statut d’enfant pour les parents et d’élève pour les enseignants.

reLation FamiLLe-écoLe : comment La communauté Soutient cette reLation

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dans les écoles, les problématiques vécues par les élèves dépassent souvent largement les intervenants des milieux. Cela est particulièrement vrai en milieu défavorisé et en milieu défavorisé et pluriethnique. Chocs culturels, besoins de base des enfants parfois insuffi-samment comblés, violence familiale et à l’école, manque de ressources per-sonnelles et financières des parents, troubles de santé physique ou mentale, difficultés d’adaptation et d’apprentis-sage sont autant de réalités auxquelles font face les enseignants, membres du personnel de soutien, professionnels et gestionnaires des établissements sco-laires, et ce, au quotidien.

Souvent, lors de discussions animées, on se demande jusqu’où on peut aller. Quel est notre rôle véritable et fonda-mental en tant qu’éducateur? Doit-on se concentrer exclusivement sur la mission de l’école québécoise qui est d’instruire, de socialiser et de qualifier? Comment atteindre des parents qui sont peu concernés par l’école ou par les défis que rencontrent leurs enfants dans

ce lieu d’apprentissage? Le sujet devient vite un débat où s’entrechoquent la conception des uns et celle des autres. Toutefois, une chose demeure, nous avons l’obligation de répondre aux besoins des élèves le plus adéquatement

possible et, pour ce faire, nous devons mieux connaitre et comprendre leurs réalités, puis, conséquemment, ajuster nos pratiques.

Dans le but de répondre aux besoins des jeunes qui nous sont confiés, la

première étape du processus de planifica-tion de l’établissement est d’établir le portrait de la clientèle. De ce portrait émergeront

des constats ou des tendances que les acteurs du milieu devront analyser, en tentant de déterminer, le plus fidèle-ment possible, leurs facteurs explicatifs (École en santé, INSPQ-MELS-MSSS-TNCPP, 2005, p. 52-53).

Dans les aspects à documenter, notons le degré de réussite de nos élèves et la qualité de la relation entre l’école et la famille. Force est d’admettre que l’on constate trop souvent des lacunes au chapitre de la réussite scolaire des jeunes et de la communication école-famille. Un autre aspect à documenter est le portrait des ressources dont dis-pose le milieu et des besoins des jeunes et des familles. Finalement, dresser le portrait des ressources extérieures à l’école dont le mandat est de soutenir et d’accompagner les élèves. Cependant, comme le mentionnent Gagnon, Bilo-deau, et Bélanger : « Le défi de mettre en place des interventions qui répondent aux besoins complexes et multiples des enfants en milieux défavorisés

FAIRE dIFFéREMMEnt : quand La communauté deVient L’interFace entre L’écoLe et La FamiLLe

joSée péthelorthopédagogue professionnelleCommission scolaire [email protected]

Nous avons l’obligation de répondre aux besoins des élèves le plus adéquatement possible et, pour ce faire,

nous devons mieux connaitre et comprendre leurs réalités, puis, conséquemment, ajuster nos pratiques.

écoLe-FamiLLe-communauté

Page 25: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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Faire différemment repose sur le fait de s’adjoindre des alliés de la communauté qui sont, eux aussi, préoccupés par les mêmes jeunes et leurs familles.

commande des ressources humaines, professionnelles et financières que l’école, seule, se trouve difficilement en mesure de réunir. » (2006, p. 13) Vu cet état de fait, le milieu scolaire se doit de réfléchir au comment faire différem-ment? Faire différemment repose sur le fait de s’adjoindre des alliés de la communauté qui sont, eux aussi, pré-occupés par les mêmes jeunes et leurs familles. Grâce à leur collaboration, l’école pourra désormais entreprendre un dialogue avec les parents pour construire les bases d’une coopération saine et, ainsi, mieux répondre aux besoins. C’est dans cette optique que l’on parlera ici de l’organisme commu-nautaire comme interface dans la rela-tion avec les familles. Le personnel de ces organismes connait généralement bien la population du territoire qu’il des-sert et représente, aux yeux de plusieurs parents, des personnes de confiance.

Dans plusieurs milieux scolaires mon-tréalais, le pari de s’associer aux orga-nismes communautaires dans le but de se rapprocher des parents et ainsi mieux répondre aux besoins des élèves a été fait. Depuis le début des années 2000, des écoles, comme celle De la Petite-Bour-gogne à Montréal, se sont liées aux orga-nismes communautaires pour créer un espace transitionnel dans la relation école-famille. On entend ici par espace transi-tionnel, « un lieu qui favorise la mise en place d’un lien de confiance, qui permet la co-construction d’un nouveau projet commun… » (Tavlian, et Legendre, 2013).

L’école doit prendre l’initiative du tis-sage des liens avec la communauté pour créer l’espace transitionnel et c’est dans ce même espace que les organismes de la communauté créeront des liens avec les familles pour faire la promotion de l’école et ainsi, favoriser le développe-ment de la collaboration école-famille.

Tisser ces liens n’est pas chose simple. D’abord, il faut du temps pour s’appri-voiser parce que l’école et l’organisme

communautaire sont deux entités diffé-rentes, avec des cultures de travail et des missions différentes, mais aussi com-

plémentaires, et dont les bénéficiaires de services sont les mêmes. Puis, pour construire la collaboration, il est néces-saire que les deux partenaires voient en elle une façon d’optimiser l’actualisation de leurs missions respectives et qu’ils entretiennent des liens égalitaires, sans meneur ou subordonné.

Une autre condition de réussite de la col-laboration est que le partenariat dépasse les bureaux des responsables des deux milieux, en l’occurrence, le bureau de la direction d’école et celui du respon-sable de l’organisme. Il faut du temps d’échange entre les acteurs du terrain, puisque ce sont eux qui auront la tâche de collaborer plus directement pour mieux entrer en lien avec les familles.

Voici des exemples de partenariats où la communauté devient l’interface ou l’espace transitionnel entre l’école et la famille.

Pour réduire la violencePour tenter de résoudre une probléma-tique récurrente de violence entre les pairs à l’école et de multiples délits com-

mis dans le quartier, il a fallu faire appel à un organisme de la communauté dont la mission était centrée sur la médiation

urbaine. Grâce à l’établissement d’un partenariat, nous avons pu mettre à contribution l’expertise des membres du personnel de l’organisme pour rejoindre les parents dont les enfants vivaient des problématiques liées à la violence envers les pairs et pour les rendre capables de médiation et de négociation avec le milieu scolaire ou avec les parents des autres enfants, quand les conflits surve-naient à l’extérieur de l’école.

Pour diminuer de façon significative cette problématique, les membres de l’organisme de médiation urbaine et le personnel de l’école ont travaillé ensemble sur deux fronts. Tout d’abord en formant les élèves à la médiation dans les classes et en offrant du soutien direct aux familles, dans la communau-té. Tous se sont entendus pour dire que cette innovation partenariale a permis de réduire de moitié les expulsions de classe ou les suspensions liées à des problèmes de violence physique envers les pairs à l’école et de multiples conflits ayant dégénéré durant les weekends ont été réglés dans la communauté. De plus, les parents qui avaient développé

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un lien positif avec l’organisme com-munautaire ont davantage communi-qué avec l’école et ont senti que, malgré certaines idées parfois préconçues, les trois partenaires que sont la famille, la communauté et l’école avaient tous un même objectif, soit le développement optimal des jeunes.

Pour s’associer aux familles dont l’écart culturel entre la culture véhiculée par l’école et celles des familles est grandEn milieu pluriethnique, on constate malheureusement parfois une moins grande implication des parents à l’école. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état de fait. Tout d’abord, la mécon-naissance de la langue engendre un premier niveau de difficulté liée à la communication. Il y a aussi des pro-blèmes liés à la méconnaissance du sys-tème scolaire québécois, de même que la peur du jugement, vu les ressources disponibles pour accompagner l’enfant dans les travaux à réaliser à la maison. Et puis, il y a un écart culturel important entre les familles et le milieu scolaire (valeurs, groupes confessionnels, etc.) (Lareau, 1989).

Lors de l’établissement du portrait et de l’analyse de la situation, un des défis auquel l’école devait faire face était l’absentéisme chronique de plusieurs enfants qui ne fréquentaient pas la classe, les jours de froid ou de pluie. À première vue, cela peut sembler banal, mais cet absentéisme avait des réper-cussions indéniables sur la réussite scolaire. Un autre défi répertorié était

le faible taux de réponse des parents aux messages envoyés à la maison. Dès lors a surgi l’idée de se doter des ser-vices d’une interprète, qui faisait aussi office d’agente de liaison entre l’école et les parents, l’ancêtre de l’ICSI1. Son travail, supervisé par l’organisme com-munautaire Amitié-Soleil, consistait à se présenter à l’école tous les matins,

pour parler directement aux mères qui venaient reconduire leurs enfants. Elle s’assurait de communiquer avec les parents des enfants absents, en commu-niquant dans leur langue maternelle, pour s’assurer des motifs d’absence des jeunes. Doublement gagnants, l’école autant que l’organisme ont su profiter de ses services. D’une part, l’école a réussi à joindre une partie de la communauté parentale impossible à atteindre par les messages verbaux ou écrits en français et, d’autre part, l’organisme communautaire a attiré les mères aux ateliers de francisation. Cela aura eu pour effet de contrer l’iso-lement des mères allophones, issues de l’immigration, et de leur offrir une meilleure qualité d’intégration dans la communauté québécoise.

Puisque la collaboration école-famille serait un facteur clé pour le développement de l’enfant et son

cheminement scolaire (Christenson et Reschly, 2009), l’école doit tout mettre en œuvre pour arriver à les optimiser. Si, parfois, il arrive que l’établissement de cette collaboration s’avère plus difficile, n’ayons pas peur de faire différemment. Utiliser la communauté comme espace transitionnel dans l’établissement de nos rapports avec les familles apporte

des bénéfices pour ces dernières, pour l’école, pour le ou les organismes, mais surtout pour l’élève. Créons ces partenariats, dont tout le monde béné-ficiera, puisque c’est dans la complé-mentarité que nos actions répondront à l’ensemble des besoins de tous nos élèves.

références• Christenson, S. L., et Reschly, A. L. (2009).

Handbook of School-Family Partnerships.

New York, NY : Routledge.

• Gagnon, F., Bilodeau, A., Bélanger, J. (2006),

La collaboration école-famille-communauté et les

mesures innovantes de soutien à la réussite scolaire

en milieux défavorisés. Le cas Hochelaga-Maison-

neuve. Québec : Gouvernement du Québec.

• Lareau, A. (1989). Home Advantage : Social Class

and Parental Involvement in Elementary Educa-

tion. New York : Basic Books.

• Martin, C., et Arcand, L. (2005). École en santé.

Guide à l’intention des milieux scolaires et des

partenaires, pour la réussite éducative, la santé et le

bien-être des jeunes. Québec : MELS.

• Tavlian, N., et Legendre, G. (2013). Contexte

interculturel, psychologie et intervention.

Présentation à la Direction des services aux

communautés culturelles. Québec : MELS.

— note

1. ICSI : Intervenant scolaire et communautaire

interculturel.

En milieu pluriethnique, on constate malheureusement parfois une moins

grande implication des parents à l’école.

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à l’école Adélard-Desrosiers de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, ça fait plus de 10 ans qu’on implante des projets communautaires pour enrichir le programme d’activités des enfants, sans dégarnir le budget du service de garde. À l’origine de ce projet, il y a le responsable/technicien, Marc Leriche, formé en travail social, ensei-gnant en Techniques d’éducation à l’en-fance au Cégep Marie-Victorin, gagnant d’un prix Mésange en mai 20101 et en poste depuis 15 ans au même endroit.

La démarche consiste à créer des par-tenariats avec des organismes commu-nautaires ou des institutions publiques du quartier afin d’organiser des activités gratuites qui apportent un plus dans la vie des enfants et qui allègent le fardeau des familles de ce milieu défavorisé de Montréal-Nord. Ainsi, ces enfants vivent des expériences qu’ils n’auraient pas la chance de vivre autrement. Les orga-nismes déposent des projets au Regrou-pement Écoles et milieux en santé Montréal-Nord (REMES) et trouvent des endroits où ils peuvent offrir leurs services. Puisqu’au fil des ans, l’école Adélard-Desrosiers a souvent été par-tante pour collaborer, les projets ciblent maintenant directement cette école. Le lien est fait, la confiance et les subven-tions sont là, les projets aboutissent et permettent à tous de s’épanouir. Pour réussir un projet, il faut respecter cer-taines conditions : Ω D’abord, apprendre à connaitre son milieu et comprendre sa réalité;Ω Ensuite, bien choisir les activités

selon cette réalité : recréer une cabane à sucre à l’école plutôt que de se déplacer; initier les enfants au ski de fond plutôt qu’au ski alpin; rejoindre leur côté festif et familial en organisant le cinéma en plein air plutôt que d’aller au musée; demander aux parents de fournir la saucisse de leur choix (selon les gouts et les croyances religieuses) pour le sou-per hotdogs plutôt que d’es-sayer d’accommoder tout le monde;Ω Enfin, motiver le person-nel éducateur, respecter son rythme et équilibrer la programmation, être orga-nisé, mettre des limites claires, s’ajuster si nécessaire et se bâtir un réseau en créant des partenariats gagnants sont autant de clés qui assurent la réussite de ces projets.

Voici cinq activités qui illustrent les propos précédents. cours de natationEn collaboration avec le Club de natation de Montréal-Nord, les enfants bénéfi-cient de cours de natation de 45 minutes,

selon leur niveau, une fois par semaine, après les classes. Il y a quelques années, l’activité était offerte seulement au per-sonnel éducateur intéressé. Toutefois, la déception était palpable chez les parents qui souhaitaient que leurs enfants puissent profiter de cours gratuits qu’ils ne pourraient suivre autrement, faute de moyens. Le service de garde et l’orga-

nisme se sont donc ajustés à la demande des parents. Maintenant, cette activité est obligatoire pour le personnel éducateur et deux groupes par soir se rendent à la piscine. Tous les enfants du service de garde de l’école vivent au moins une ses-sion de 10 cours dans une année.

Parallèlement, le personnel éducateur a bénéficié d’une formation de la Société de sauvetage. En plus de la prise en charge des enfants par les moniteurs, le personnel connait les précautions à prendre pour la surveillance et la ges-

un SerVice de garde en miSSion… Parce qu’on ne Peut PaS tout Faire tout SeuL!

loUiSe poUlinConseillèreassociation des services de garde en milieu scolaire du qué[email protected]

La démarche consiste à créer des partenariats avec des organismes communautaires ou des institutions publiques du quartier.

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tion du risque autour de la piscine et dans les vestiaires. Ainsi, tout le monde est sensibilisé à l’importance de savoir nager et de prévenir les noyades.

D’ailleurs, pour le service de garde, il n’y a pas de raison valable de ne pas savoir nager. Voilà pourquoi, devant le refus d’un parent, celui-ci doit venir chercher son enfant à la fin des classes. En fait, mis à part quelques réticences cultu-relles quant à l’impact de l’eau sur les jolies coiffures de certaines fillettes, les parents considèrent que c’est un avan-tage majeur.

Les livres dans la rueLes livres dans la rue est un programme de stimulation à l’écriture et à la lecture de la Ville de Montréal; les enfants des groupes de maternelle et de 1re année explorent des livres, deux à trois fois par semaine, avec une animatrice qui lit ensuite un livre choisi par les enfants. Cette activité traverse les murs de l’école, puisque les enfants se rendent à la bibliothèque municipale avec le personnel éducateur et deviennent membres. Ils ont le gout d’y aller plus souvent, en dehors de l’école. Une belle sortie familiale inspirée d’abord du gout pour la lecture qui se transmet à l’école et au service de garde!

chorale gospelÀ l’inverse, les enfants chantent souvent déjà à l’église les samedis et dimanches. Pour la communauté haïtienne, c’est une valeur familiale importante. Pour démontrer une belle ouverture et pour-suivre la transmission de cette valeur si chère aux yeux des parents, le service

de garde organise une fois par semaine une chorale gospel pour les enfants de la 2e à la 6e année, en collaboration avec Culture X, un organisme qui fait la pro-motion de l’éveil musical.

Fourchettes de l’espoirTrois fois par semaine, les enfants cui-sinent pour préparer leur boite à lunch du lendemain. C’est une initiative saluée par tous les parents qui ont la chance d’avoir congé de lunch, et les recettes apprises sont réinvesties et reproduites à la maison. Une belle façon d’outiller les enfants au profit de leurs familles!

Projet noVaEn collaboration avec le Centre des jeunes L’Escale 13-17 de Montréal-Nord, sept jeunes ont été formés pendant sept mois au Centre, puis ont animé des récréations et des ateliers auprès des enfants pendant trois mois, où ils étaient jumelés à un membre du personnel éducateur. Ils ont participé aux grands évènements du service de garde, tels que l’exposition de citrouilles et le dodo de Noël. En retour, Marc les guide (ponctua-lité, code vestimentaire, politesse, respect des engagements), prépare une relève, organise des entrevues à la commission scolaire et leur offre la possibilité de rem-placer du personnel éducateur.

Pour deux jeunes qui ont participé à ce projet novateur, l’expérience a été très positive, car ils ont décroché un poste d’éducateur dans un service de garde de la commission scolaire. Cette initia-tion au monde du travail dans un cadre ludique leur a permis de connaitre l’envers du décor et de développer de

réelles habiletés en animation puis en intervention. Dans une société où on parle souvent de décrochage, il est per-mis de croire qu’il est possible aussi de raccrocher des jeunes, même en milieux défavorisés.

Le service de garde, un formidable partenaire de la familleChez les familles de Montréal-Nord, de nombreux parents ont vécu des expé-riences négatives avec l’école et hésitent à s’engager comme bénévoles. Ils parti-cipent à l’occasion quand l’activité touche leurs compétences ou leur culture. Ainsi, le service de garde leur fournit l’occasion de s’impliquer sans se sentir jugés.

Mais, à défaut de s’impliquer largement, ils font preuve d’une grande reconnais-sance. Les parents remercient et mani-festent régulièrement leur gratitude envers le service de garde, et ce, d’autant plus lorsqu’ils changent d’école. C’est en comparant qu’ils réalisent pleinement tout ce que le service de garde de l’école Adélard-Desrosiers a fait pour eux, et surtout, pour leurs enfants.

De son côté, l’école réalise que le ser-vice de garde propose des activités qui empêchent des jeunes de se laisser dis-traire par des expériences pas toujours positives. En outre, il est plus facile pour l’école de communiquer avec un parent qui ne se sent pas jugé et sait que l’on fait appel à ses compétences. Bref, le service de garde de l’école Adélard- Desrosiers, par ses activités, favorise la relation famille-école.

Je veux aider mon quartier qui n’est pas facile, avec une pauvreté tantôt finan-cière, tantôt intellectuelle, tantôt orga-nisationnelle. Mais je ne peux pas aller gérer ta maison et tes malheurs, ni te donner des sous. Je peux plutôt t’outiller au maximum. Je veux te faire découvrir la musique, les sports et plein d’activités. Alors, tu vas pouvoir t’accrocher à quelque chose. — Marc Leriche

note 1. Les prix Mésange sont décernés par l’Associa-

tion des services de garde en milieu scolaire du

Québec à des personnes qui se sont démarquées

dans le domaine de la garde scolaire.

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culturel; en effet, malgré mes connais-sances du milieu scolaire, j’étais soudai-nement sans repères et devais trouver les moyens de m’adapter à ce nouvel environnement. À partir de ce moment, j’ai compris ce que pouvaient vivre les familles immigrantes lors de leur arri-vée au Québec, et c’est d’ailleurs ce qui m’a amenée à travailler au Carrefour le Moutier (CLM).

Au sein de cet organisme de première ligne situé à Longueuil, j’ai le bonheur de faire une différence dans la vie de plusieurs familles immigrantes, notam-

ment en ce qui concerne leur intégra-tion au milieu scolaire québécois. En effet, depuis quelques années, le CLM effectue plusieurs actions concrètes visant le rapprochement famille-école-communauté. À titre d’exemple, il a récemment travaillé en collaboration avec la Commission scolaire Marie- Victorin, la Conférence régionale des élus (CRÉ) de Longueuil, ainsi que d’autres acteurs de la communauté1, afin de mettre sur place un plan d’action pour favoriser l’intégration et la réussite scolaire des élèves issus de l’immigra-tion et des communautés culturelles. C’est ainsi que nous offrons, depuis un an, des séances d’information sur le système scolaire québécois aux parents des élèves de classes d’accueil

Lundi matin de décembre; il fait déjà presque 20 degrés Celsius. Comme tous les lundis, votre enfant se rend à l’école en taxi avec son petit frère. Ensemble, ils rejoignent des centaines d’enfants dans la cour d’école pour chanter l’hymne natio-nal. Placés en rangs d’ognons, la main droite sur le cœur, votre plus jeune se dit qu’il devra se dépêcher pour se rendre en classe; il ne voudrait surtout pas pas-ser une autre période debout si toutes les chaises sont prises. Une fois les élèves regroupés en classe, l’enseignante fait son entrée. C’est alors que les 48 élèves du groupe se lèvent et la saluent tous en cœur. Ils restent debout jusqu’à ce qu’on leur donne la permission de se rassoir. Et le cours commence…

Cette enseignante, c’était moi. J’effec-tuais ma première journée de stage en enseignement du français langue étrangère dans une école secondaire de la grande ville de Mexico. En peu de temps, cette scène venait de modifier ma conception de l’école. Je me retrou-vais dans un système scolaire complète-ment différent du mien et s’enclenchait en moi une grande réflexion sur les dif-férences entre les cultures.

Aujourd’hui, cette réflexion s’est trans-formée en préoccupation. Mon stage au Mexique m’aura fait vivre un choc

La réuSSite ScoLaire deS éLèVeS immigrantS… à qui La reSPonSabiLité?Un organisme communautaire qui fait une différence auprès des familles issues de

l’immigration et des communautés culturelles

Cynthia D’itriFormatrice en interculturel et responsable de la francisation et des activités collectives (Volet immigration)Carrefour le moutier, [email protected]

À partir de ce moment, j’ai compris ce que pouvaient vivre les familles immigrantes lors de leur arrivée au Québec.

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Croyant que l’intégration des nouveaux arrivants est une responsabilité qui devrait être partagée par tous, le CLM offre également des formations aux enseignants et intervenants du milieu scolaire afin de les sensibiliser au par-cours migratoire. Celles-ci leur per-mettent une meilleure compréhension des différents statuts des personnes immigrantes, des impacts psycholo-giques et socioéconomiques reliés au processus d’immigration, mais sur-tout, contribuent à démystifier de nom-breux mythes entourant le sujet.

Tout compte fait, la communauté peut jouer un grand rôle dans la relation famille-école. Le Carrefour le Moutier le démontre bien, mais plusieurs autres

des écoles primaires et secondaires du secteur. À l’issue de ces rencontres interactives, les parents immigrants se sentent rassurés quant à leurs préoc-cupations. Ils comprennent davantage leur rôle, mais surtout, deviennent plus favorables à participer aux diverses activités offertes par l’école. D’ailleurs, plusieurs parents ont témoigné à la suite de leur expérience : « Je ne savais pas que l’agenda était un outil de com-munication au Québec, je l’utiliserai maintenant », m’a affirmé une mère récemment arrivée du Venezuela. Un père colombien m’a également avoué qu’il se sentait plus en confiance pour aider son enfant et qu’il comprenait mieux l’importance de se présenter lors des rencontres de professeurs.

acteurs de la société, qu’il s’agisse d’or-ganismes communautaires ou non, peuvent grandement améliorer les liens existants entre la famille, les écoles et la communauté.

Men anpil, chay pa lou* Proverbe créole* Ce proverbe veut dire « L’union fait la force »

[traduction libre de l’auteure].

Pour en savoir plus sur le Carrefour le Moutier, visitez le site : www.carrefourmoutier.org

note 1. CSSS Pierre-Boucher, CSSS Champlain–Charles-

Le Moyne, autres organismes communautaires

(Vision Inter-Cultures, Centre Sino-Québec de la

Rive-Sud).

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à l’approche du grand saut vers l’école secondaire, plusieurs élèves de 6e année vivent une période où les émotions s’entremêlent. Ils ont hâte au secondaire pour vivre dans un milieu qui répond plus à leurs besoins, mais ils devront perdre leur place de plus grands de l’école pour redevenir les plus petits. Quitter un milieu connu et passer dans un milieu scolaire inconnu, cela est inquiétant. Voilà des pensées qui peuvent traverser l’esprit des élèves de 6e année. Tous ne vivront pas cette tran-sition de manière difficile, mais chacun devra passer par une période d’adapta-tion et de stress plus ou moins longue à l’approche du secondaire et une fois qu’il y est entré (Lipps, 2005).

Il existe plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte lors de cette transi-

tion. Les facteurs individuels de l’élève, sa situation familiale de même que son environnement scolaire agissent comme facteurs de protection ou comme fac-teurs de risque auprès de l’élève (Cantin et Boivin, 2005; Denoncourt et collab., 2004; Larose et collab., 2006). Enrichir le capital d’estime de soi, de confiance

en soi de l’élève de même que favoriser son autonomie sont des facteurs de pro-tection individuels qui ont un impact positif lors de l’entrée au secondaire. Ces facteurs peuvent être développés à l’école ainsi que dans le milieu familial (Cantin et Boivin, 2005; MELS 2011). La préparation au secondaire doit donc se faire sur quelques années puisque le développement de l’estime et de la confiance en soi et de l’autonomie prend du temps. Ce n’est pas en un an qu’un jeune peut faire tous ces apprentissages. Parents et ensei-gnants sont alors mis à contribution pour aider le jeune à développer ces apti-tudes. Comme il est évident qu’un élève qui entre en maternelle a besoin du sou-tien de ses parents pour bien vivre cette transition du milieu de garde ou familial au milieu scolaire, il est aussi important

que les parents soient impliqués lors de la transition du primaire au secondaire.

Lorsque des situations de stress sur-viennent avant la fin du primaire ou à l’entrée au secondaire, les élèves et leurs parents ont le réflexe de se tourner vers l’enseignant titulaire pour aider l’élève à

vivre une intégration ou un passage har-monieux. Cependant, il existe d’autres personnes-ressources qui peuvent éga-lement intervenir lors de la transition du primaire au secondaire. Voici deux exemples de projets, ayant eu des réper-

cussions positives, mis sur pied par des milieux scolaires et qui impliquent des membres de la communauté dans la tran-sition primaire-secondaire des élèves.

un passionné de l’improvisation et de l’humour au service de la transition primaire-secondaireUn animateur à la vie spirituelle et à l’en-gagement communautaire (AVSEC) pas-sionné d’improvisation et d’humour fait une différence positive lors du passage du primaire au secondaire. Il rencontre les élèves de 5e et de 6e année pour les préparer à ce grand changement. Avec eux, ils parlent de prendre sa place dans le passage au secondaire en passant par des ateliers touchant, entre autres, l’es-time de soi et la confiance en soi. Pour mettre en pratique ce qu’ils ont décou-vert durant les différents ateliers, des joutes d’improvisation intra puis inter-école sont organisées. Par la suite, pour créer le lien avec des élèves des écoles secondaires, des joutes d’improvisation sont organisées dans des écoles secon-daires. Des élèves du secondaire sont aussi impliqués pour arbitrer les joutes d’improvisation présentées devant un public de jeunes et de parents.

quand deS PerSonneS de La communauté contribuent à La tranSition Primaire-Secondaire

VéroniqUe laChanCeenseignante école notre-Dame-de-toutes-aides de Saint-malo Sancta-maria de Dixville [email protected]

Quitter un milieu connu et passer dans un milieu scolaire inconnu, cela est inquiétant.

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Ils doivent échanger sur les sentiments que peuvent vivre les personnages et les différentes façons de vivre et de régler la situation. Ce club secret favorise l’auto-nomie de l’élève à trouver des solutions aux problèmes qui peuvent survenir lors du passage du primaire au secondaire. Par le fait même, les élèves développent leur confiance en leur capacité à gérer des situations nouvelles. De plus, le Club secret favorise des liens privilégiés entre élèves, ce qui peut faciliter la création de nouvelles amitiés.

Les parents et les enseignants mis à contributionDe leur côté, les enseignants peuvent également faire une différence lors de cette transition. Pour ce faire, ils peuvent sensibiliser les parents au fait qu’ils représentent l’élément stable dans cette transition, car l’enseignant du primaire ne sera plus dans la même école que l’élève alors qu’eux seront toujours présents. Favoriser la colla-boration entre le milieu scolaire et les parents est donc important. Si les parents ont pris l’habitude de s’inté-resser aux travaux scolaires durant le

primaire, nous pouvons croire qu’ i l s seront plus enclins à

poursuivre leur implication lors des études secondaires. Ils devront aussi continuer de favoriser l’autonomie de l’enfant là où il est rendu, sans coupure drastique. En plus de la préparation scolaire, les enseignants peuvent gar-der en tête que tous les petits gestes qui favorisent l’augmentation de l’estime de soi et de la confiance en soi de même que l’autonomie de l’élève (plan de tra-

L’improvisation permet à l’élève de prendre sa place, d’oser faire quelque chose de nouveau et de démontrer que faire des erreurs ce n’est pas la fin du monde. Ces nouveaux apprentissages seront utiles lors de l’entrée au secon-daire puisque les élèves devront prendre leur place et oser dans un nouveau milieu pour faciliter leur propre transi-tion. Cet AVSEC se fait aussi un devoir d’être présent lors de la rentrée scolaire des élèves de première secondaire. Ainsi, il sécurise les élèves qui ont par-fois besoin d’un visage connu et repré-sente le lien significatif entre les deux ordres d’enseignement.

De plus, ce passionné présente, à travers le Québec, un spectacle d’humour sur le thème de la transition du primaire au secondaire. Il invite les jeunes de 6e année accompagnés de leurs parents à venir s’amuser, mais aussi à réflé-chir sur leur passage au secondaire et à le démystifier. Le spectacle démontre aux jeunes qu’ils ont ce qu’il faut pour affronter la nouveauté et que plusieurs, avant eux, y ont survécu. Les parents sont aussi interpelés à promouvoir gra-duellement l’autonomie de leur enfant et à augmenter leur niveau de confiance : deux autres clés pour un passage au secondaire tout en douceur.

un retraité et son club secret aident les élèves en transitionDes écoles secondaires ont aussi innové en implantant une détection rapide des élèves qui se retrouvent seuls lors des premières semaines de leur entrée au secondaire. Une équipe d’élèves et d’en-seignants est mise en place pour soute-nir les jeunes. Pour ce faire, l’une des

écoles a invité un professeur en péda-gogie à la retraite à venir dans son école faire vivre un Club secret aux élèves éprouvant des difficultés d’adaptation sociale lors de leur entrée au secondaire.

Dans ce club secret, les élèves sont à l’écoute d’une histoire et sont invités à prendre la place de certains personnages qui vivent des situations problématiques.

vail, conseil de coopération, tenue de l’agenda, implication des élèves dans des décisions, etc.) le préparent à son passage au secondaire.

Un proverbe africain dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Alors, nous pouvons croire que plus il y a d’adultes concernés par la transition primaire-secondaire autour de l’élève, plus il a de chance de vivre une transi-tion harmonieuse.

références• Cantin, S., et Boivin, M. (2005) Les parents et

le groupe de pairs comme sources potentielles

de soutien social lors de la transition scolaire

primaire-secondaire. Revue de psychoéducation,

vol. 34, no 11, p. 1-19.

• Denoncourt, I., Dubois, V., Bouffard, T., et

McIntyre, M. (2004) Relation entre les facteurs

du profil motivationnel d’élèves de sixième

année du primaire et leurs anticipations envers

le secondaire. Revue des sciences de l’éducation,

vol. 30, no 1, p. 71-89.

• Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

(2011). La face cachée du passage primaire-

secondaire. Réalisateur André Bédard (http://

www.mels.gouv.qc.ca/sections/prprs/index.

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• Larose, F., Bédard, J., Boutet, M., Couturier, Y.,

Dezutter, O., Hasni, A., Kalubi, J. C., Lebrun, J.,

Lenoir, Y., et Morin, M.-P.(2006). L’impact de

la coopération pédagogique en contexte de projet

sur la réussite éducative d’élèves de milieu

socioéconomique faible lors de la transition

primaire-secondaire. Québec : Fonds de

recherche du Québec – Société et culture,

programme d’actions concertées sur la réussite

et la persévérance scolaires.

• Lipps, G. (2005) Faire la transition : les réper-

cussions du passage de l’école secondaire sur le

rendement scolaire et l’adaptation psychologique des

adolescents. Ottawa : Statistique Canada, Division

des études sur la famille et le travail.

Des écoles secondaires ont aussi innové en implantant une détection rapide des élèves qui se retrouvent seuls lors

des premières semaines de leur entrée au secondaire.

Page 33: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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au cours de leur formation de quatre années, les futurs enseignants du bacca-lauréat en enseignement au préscolaire et au primaire (BEPP) ont développé une conscience plus fine des enjeux multifactoriels reliés à la réussite des élèves. L’un des facteurs de protection identifiés est, sans nul doute, la collabo-ration école-famille. À la Faculté d’édu-cation de l’Université de Sherbrooke, consciente de l’importance de la colla-boration dans les pratiques profession-nelles et soucieuse de bien outiller les étudiants pour l’exercice de leur pro-fession, l’équipe de stages du BEPP y a donné une attention particulière, et ce, dès le début de la formation. De fait, elle propose un programme de formation pratique qui s’appuie sur trois compé-tences à développer dont l’une d’elles est consacrée au développement de la capacité de collaboration avec les inter-venants du milieu, certes, mais aussi avec les parents. C’est à partir de ce réfé-rentiel de compétences à développer et à évaluer chez nos étudiants au BEPP que mon travail de superviseure prend son sens et s’actualisera au fil des années.

La progression des apprentissages des étudiants au BEPP telle que proposée par l’équipe de stage et la pratique en supervision, qui appelle à la différencia-tion, soulève quelques questions concer-nant le lien école-famille : comment, dans mon rôle de superviseure de stage, puis-je contribuer à la formation des étudiants au BEPP et favoriser une colla-boration école-famille? Quelles sont les modalités à mettre en place pour outiller

les stagiaires de troisième et quatrième année et faciliter cette relation de col-laboration avec les parents et contri-buer ainsi aux chances de réussite des élèves? Com-ment amener les étudiants à considérer cette com-munication comme partie intégrante de leur formation?

Les calendriers de stages sont donc pensés et structurés pour favoriser une prise en charge graduelle mais conti-nue. Au cours des deux premières années, la pratique en stage, accompa-gnée d’une réflexion postaction bien soutenue par l’enseignante associée et la superviseure, a permis aux étudiants de constater rapidement leur influence déterminante sur les apprentissages que font leurs élèves et sur leur réus-site. Les stages en troisième année et quatrième année, en raison de la prise en charge qu’ils proposent, appellent à une plus grande autonomie et à une responsabilisation relativement au suivi des apprentissages, à l’évaluation et à la collaboration avec les parents. Bien que cette progression, proposée par l’équipe de stages, définisse les attentes, la pra-tique demande certaines adaptations.

En effet, les étudiants se présentent en stages III et IV et portent des bagages fort différents. À titre d’exemple, certains des étudiants font rapidement la démonstra-tion de leur leadership et de leurs forces en gestion de classe. Leur participation

aux évaluations leur permettra, avec le soutien de leur enseignante associée, de contribuer activement aux différentes

rencontres avec les parents. En contre-partie, d’autres stagiaires éprouvent des difficultés marquées en planification des scénarios d’apprentissage et d’évalua-tion, alors que d’autres peinent à défi-nir leur cadre de gestion de classe. Lors des supervisions et des rétroactions, la recherche d’outils efficaces et significa-tifs de même que l’expérimentation de ces derniers mobilisent alors toute leur attention et leur énergie.

La coLLaboration FamiLLe-écoLe : un enJeu de Formation cruciaL cheZ noS FuturS enSeignantS Pour LeS PerSonneS SuPerViSeureS

marie-anDrée goSSelinSuperviseure de stages et consultante en éducationUniversité de [email protected]

Un programme de formation pratique qui s’appuie sur trois compétences à développer dont l’une d’elles est consacrée au développement de la capacité de collaboration avec les intervenants du milieu, certes, mais aussi avec les parents.

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Si on considère la compétence de ges-tion de classe et de gestion des appren-tissages comme étant à la base des communications avec les parents, il n’est pas surprenant de voir un senti-ment d’insécurité chez plusieurs étu-diants. Bien qu’il soit recommandé de préciser les attentes de chacun, c’est-à-dire stagiaire, enseignante associée et superviseure, c’est la pratique qui donne du sens à cette collaboration, comme à toutes les compétences d’ailleurs.

Lorsqu’en triade (stagiaire, enseignante associée et superviseure), on aborde la communication avec les parents, un malaise et des réticences sont alors fréquemment exprimés par nos sta-giaires. Leur sentiment de compétence n’ayant pas encore d’assises solides, ils craignent le jugement des parents et préfèrent s’en remettre à l’enseignante associée pour assurer la communication avec ces derniers. En contrepartie, pour certaines enseignantes-associées, il est difficile de faire une place à leur étudiant lors des rencontres avec les parents ou de leur laisser l’espace pour certaines initiatives. Fort heureusement, dans le cadre du travail de superviseure de stage, plusieurs modalités sont disponibles pour outiller mes étudiants et soutenir leur enseignante associée quant à la collaboration avec les parents. Il y a certes les supervisions suivies d’une rencontre

postaction. L’enseignante étant présente est alors invitée à réaffirmer ses attentes ou à nommer ses appréhensions quant aux trois compétences et à la collabora-tion avec les parents. En les rendant plus explicites, il est alors plus facile pour l’étudiant de se réajuster. Les craintes étant nommées, des ententes claires permettront de rassurer l’enseignante et l’étudiant tout en facilitant mon suivi de supervision.

Par ailleurs, les quatre séminaires, pré-vus à l’horaire de supervision, s’avèrent un espace fort appréciable nous per-

mettant une approche plus adaptée aux besoins de nos stagiaires. À titre d’exemple, certains thèmes abordés en séminaire ont été de formidables leviers pour aborder la communication avec les parents. C’est le cas du séminaire animé sur le thème de l’observation. Il nous a permis de préciser les enjeux qui y sont reliés, de donner du sens à cette pratique et de partager des outils pour colliger efficacement les informations recueillies. Ce fut aussi un prétexte fort stimulant pour aborder la préparation des rencontres avec les parents et les éléments à tenir compte pour optimiser cette rencontre.

À l’occasion d’un autre séminaire, il a été proposé à chaque étudiant de dresser le profil d’un élève qui, pour une raison d’apprentissage ou de comportement, était une source de questionnements pour celui-ci. À la suite des présenta-

tions et du partage des interventions, la discus-sion sur la communica-tion avec les parents a été ouverte. Ce fut une

belle occasion pour les participants de nommer leurs appréhensions, de même que leurs perceptions et leurs croyances relativement au rôle du parent et sa contribution au cheminement de son enfant. Au fil des discussions, les outils ressortaient et apparaissaient fort sécu-risants. De plus, certains stagiaires ont pris conscience de leurs jugements par-fois arbitraires et sévères par rapport aux parents. Une discussion plus appro-fondie a permis de mettre en lumière l’impact des perceptions, des croyances et des jugements sur la collaboration.

Bref, la collaboration école-famille peut susciter beaucoup d’inconfort. Il n’en demeure pas moins que la communi-cation reste la pierre angulaire pour bien soutenir l’étudiant et l’enseignante associée. Les triades qui suivent les supervisions donnent lieu à des discus-sions intenses pour la stagiaire et l’en-seignante associée. Il est donc important que la superviseure y soit vigilante et qu’elle porte attention au lien école-famille en cours de formation. Le fait de donner de l’espace à cette relation et à tout ce qu’elle peut susciter permettra une expérience professionnelle des plus positives et adaptée à chacun. Souhai-tons qu’ultimement, plus conscients des enjeux de la communication et de la collaboration avec les parents et, mieux outillés, nos futurs enseignants puissent faire une différence positive sur la réussite de leurs élèves.

références• Deslandes, R. (2010). Les conditions essentielles

à la réussite des partenariats école-famille-

communauté. Centre de transfert pour la

réussite éducative du Québec. Document téléac-

cessible au : http://rire.ctreq.qc.ca/thematiques/

relations-ecole-famille-communaute

• Université de Sherbrooke, Faculté d’éducation,

BEPP (2012-2013). Guide général des stages.

• Université de Sherbrooke, Faculté d’éducation,

BEPP (2012-2013). Description du stage de première

année, Stage I.

• Université de Sherbrooke, Faculté d’éducation,

BEPP (2012-2013). Description du stage de deuxième

année, Stage II.

• Université de Sherbrooke, Faculté d’éducation,

BEPP (2012-2013). Description du stage de troisième

année, Stage III.

• Université de Sherbrooke, Faculté d’éducation,

BEPP (2012-2013). Description du stage de

quatrième année, Stage IV.

Lorsqu’en triade (stagiaire, enseignante associée et superviseure), on aborde la communication avec

les parents, un malaise et des réticences sont alors fréquemment exprimés par nos stagiaires.

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La réponse est oui, bien entendu. Un projet de littératie familiale1 peut deve-nir encore plus riche s’il est en lien avec la communauté2. Il a été possible de le constater avec le projet Lire avec fis-ton. Créé en 2008 par les professeures France Beauregard et Isabelle Carignan de l’Université de Sherbrooke, ce projet a été vécu trois fois au Québec et une fois en Pennsylvanie, aux États-Unis. Cette reprise états-unienne a pu notam-ment montrer à quel point un projet tel que Lire avec fiston peut être adapté dans tous les pays et dans toutes les cultures.

Lire avec fiston, en quelques motsLe but du projet Lire avec fiston est d’allier la lecture et la famille dans un milieu non scolaire pour des élèves masculins du 2e cycle du primaire (Beauregard et Carignan, 2010; Carignan et Beauregard, 2010). Les élèves, choisis par l’école, sont en difficulté de lecture ou n’ont aucune motivation à lire, et sont dans des classes ordinaires. L’objectif principal de ce pro-jet est de partir des centres d’intérêt de lecture des élèves afin de développer leur envie de lire (Demers, 2009), mais égale-ment de leur permettre d’avoir accès à un modèle masculin en lecture (Cartwright et Marshall, 2001). En effet, la lecture est trop souvent associée à une activité fémi-nine (Carignan et Beauregard, 2010).

choix des élèvesAu Québec, les élèves ont été choisis par la directrice de l’école, l’orthopédagogue et l’enseignante. Celles-ci voulaient sélectionner les élèves qui pourraient

profiter au maximum de ce « projet unique », comme l’appelait notamment la directrice de l’école. Du côté de la

Pennsylvanie, seules les directrices des deux écoles ont choisi les élèves selon leurs propres critères et également en fonction des nôtres, soit des élèves en difficulté de lecture ou qui ne sont pas motivés à lire.

composition des trios masculinsPour tenter de réaliser cet objectif, des trios masculins ont été composés : 1) un élève masculin de 3e ou de 4e année; 2) un papa, un grand-papa, un beau-papa, un oncle, ou toute autre figure masculine significative pour l’élève en question; 3) un futur enseignant du primaire étant en formation initiale à l’université. Entre 2008 et 2010, 13 trios ont été composés au Québec tandis que quatre trios ont été créés en Pennsylvanie, en 2011.

mode de fonctionnement des triosLa plupart du temps, lors des ren-contres des trios, chacun des membres

lisait à voix haute, à tour de rôle. Il s’agit seulement d’une des façons de faire, étant donné que chaque trio avait « carte blanche » au sujet du mode de fonctionnement. Les trios devaient simplement garder en tête l’objectif principal, qui était de partir des centres d’intérêt de l’enfant pour lui donner le gout de lire. Le moyen pour y arri-ver importait peu. Par exemple, dans certains trios québécois, jouer à des jeux de société était un prétexte pour lire des instructions et donc, par le fait même, pour s’amuser tout en lisant. En Pennsylvanie, les trios sont restés plus traditionnels, c’est-à-dire qu’ils ont lu de « vrais » ouvrages de littéra-ture jeunesse en version papier.

La communauté Peut-eLLe Jouer un rôLe imPortant danS un ProJet de Littératie FamiLiaLe?

reLationécoLe-FamiLLe- communauté

iSabelle Carignan, ph. D.professeure agrégéeUniversité de [email protected]

FranCe beaUregarD, ph. D.professeure agrégéeUniversité de [email protected]

robin l. qUiCk, D. ed.professeure adjointeUniversité gannon, érié, [email protected]

Le but du projet Lire avec fiston est d’allier la lecture et la famille dans un milieu non scolaire pour des élèves masculins du 2e cycle du primaire.

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n tant qu’enseignante d’expérience, trente-six années au primaire, je désire partager avec vous mes préoccupations quant à l’intégration des TIC dans le milieu scolaire. Retraitée du milieu scolaire tout en ayant un réseau d’en-seignants encore en exercice, j’occupe un poste de chargée de cours à l’Uni-versité de Sherbrooke depuis bientôt six années. Ancienne responsable de l’intégration des TIC dans mon école, je constate à quel point les choses ont peu changé sur ce plan.

Dans le présent dossier, le texte du pro-fesseur Larose nous en explique, en par-tie, les raisons. Pour notre part, ce texte permettra de présenter une vision des rôles partagés entre le milieu scolaire et les universités quant à l’intégration des TIC. Je me permettrai de citer des extraits du rapport annuel 1999-2000 du Conseil supérieur de l’éducation dont le titre est Éducation et nouvelles technologies. Pour une intégration réussie dans l’enseignement et l’apprentissage.

Importance de la formation initialeIl va sans dire que la formation a un rôle à jouer dans l’intégration des nouvelles technologies. À l’époque, le Conseil écrivait : « Une société aura beau se donner le meilleur équipement informatique, concevoir les meilleurs contenus informatisés, c’est le rôle que l’enseignant ou l’enseignante sera en mesure de bien faire jouer aux tech-nologies dans sa pratique pédagogique qui est fondamental et sur lequel il faut miser. La formation initiale des maitres (pour les enseignants du primaire et du secondaire) devrait déjà intégrer une telle composante dans les programmes d’études. » (p. 66)

On soutenait aussi l’idée que les acteurs concernés devraient être sensibilisés à l’importance d’intégrer les nouvelles technologies dans l’enseignement et l’apprentissage. À l’époque, l’impor-tance d’outiller les enseignants sur les plans technique (maitrise de la techno-logie) et pédagogique ne faisait aucun

doute.

De nos jours, la pertinence de former les futurs enseignants à la maitrise de la technologie parait moins importante et on retrouve des messages contradic-toires provenant de sources diverses. D’une part, on note un discours produit par de soi-disant experts ou gourous des technologies qui décrivent les nouvelles générations d’étudiants, leur facilité à utiliser les technologies et leur attrait des technologies en reprenant les pro-pos de Prensky (2001). Ce discours sur les natifs du numérique, qui s’avère peu fondé empiriquement (Bennett, Maton et Kervin, 2008), prône presque l’abandon des formations à caractère technique puisqu’on postule que tout le monde le sait. Il est vrai que les nou-velles générations ont une facilité à utili-ser les applications informatiques pour leurs besoins, mais leurs connaissances informatiques sont superficielles et très ciblées. Il ne suffit pas de naviguer et de mettre à jour son profil Facebook plu-sieurs fois par jour pour être jugé alpha-bétisé sur le plan informatique.

Selon mes observations, les futurs enseignants que je reçois dans les cours d’intégration aux TIC se débrouillent avec le traitement de texte (sans savoir comment faire une table des matières automatisée et paginer correctement le document), savent acheminer des cour-riels sans connaitre la nétiquette1 sur le réseau, ignorent pour la plupart le fonc-tionnement d’Excel, abordent le travail des images de manière informatisée comme une vue de l’esprit et sont régu-lièrement perdus lorsqu’ils cherchent l’emplacement de leurs fichiers. Les nouveaux étudiants arrivent avec de graves lacunes sur le plan de l’alphabé-tisation informatique de base que leurs confrères maitrisaient en 2005. De courtes formations autrefois abandon-nées doivent de nouveau être offertes pour ajuster le niveau.

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Fréquence des rencontres entre les triosLes trios se sont rencontrés toutes les deux ou trois semaines, sur une période d’environ quatre mois. Par contre, en Pennsylvanie, un des trios a décidé de se rencontrer chaque semaine, ce qui a eu pour effet de créer un lien d’appar-tenance encore plus grand à l’intérieur de ce trio. Par contre, selon les com-mentaires reçus à la fin du projet, la fréquence bimensuelle des rencontres semble la plus appropriée aux dires des trios québécois et pennsylvaniens.

Lieux des rencontres En ce qui a trait aux lieux de rencontre, ceux-ci ont été différents entre les deux projets. Au Québec, les rencontres ont eu lieu à l’intérieur du milieu familial (dans le salon, dans la cuisine ou même dehors!). Les étudiants devaient donc apporter plusieurs livres de genres litté-raires différents et en lien direct avec les centres d’intérêt des élèves.

En Pennsylvanie, nous nous sommes retrouvés devant une différence cultu-relle de taille. En effet, même si nos col-laborateurs trouvaient l’idée de vivre les rencontres dans le milieu familial tout à fait pertinente et novatrice, il a été impos-sible de les convaincre du bienfondé de ce mode de fonctionnement. La raison évo-quée est la suivante : ils avaient peur de se retrouver devant les tribunaux si quelque chose de grave venait à se produire (chute de l’enfant dans les escaliers, à l’intérieur de la maison familiale, par exemple). Il a donc été nécessaire d’adapter le projet en fonction de cette limite.

Les quatre trios de la Pennsylvanie ont donc eu leurs rencontres dans la communauté, à la bibliothèque muni-cipale de la ville d’Érié ou au Barnes & Noble. Ce dernier est un magasin

ayant le même concept que Renaud-Bray ou Chapters. Il s’agit de l’un des plus grands libraires aux États-Unis. Ce magasin comporte une très grande sélection en lien avec la littérature jeu-nesse. Tous les genres littéraires sont exposés et il y en a réellement pour tous les gouts : documentaires, bandes dessi-nées, magazines, romans, albums, etc. Le magasin Barnes & Noble d’Érié avait d’ailleurs réservé une section spéciale pour le projet et les élèves pouvaient lire et feuilleter les livres à leur guise, sans nécessairement les acheter. Ce lieu, que les élèves n’avaient pas nécessairement visité avant le projet, est donc devenu un endroit connu dans la communauté.

Contrairement au projet québécois, les étudiants de la Pennsylvanie n’avaient pas à sélectionner des livres en fonction des centres d’intérêt des élèves. En effet, ceux-ci pouvaient choisir directement les livres qui les intéressaient, comme dans une boite à bonbons, et remettre ensuite les livres moins intéressants à leur place, et ce, en fonction de leurs perceptions.

retombées similaires dans les deux paysIl est bien entendu que, dans les deux projets, les étudiants ont eu à composer avec différentes réalités familiales, une problématique qu’ils n’ont pas néces-sairement la possibilité de vivre lors des stages dans les écoles. De surcroit, chez la plupart des élèves, un sentiment de compétence en lecture semble avoir été développé et leur perception relati-vement à l’acte de lire en tant que tel semble avoir évolué de façon positive. Les élèves ont compris qu’ils aiment lire, mais que leur intérêt pour la lecture n’est pas nécessairement en lien avec les éléments proposés dans le curricu-lum (Beauregard et Carignan, 2010).

conclusionLes deux projets ont permis de mettre de l’avant le fait que la relation avec la communauté est primordiale pour assurer le succès d’un projet de littéra-tie familiale comme Lire avec fiston. En effet, il est nécessaire de travailler en collaboration avec la famille, l’école et la communauté. Pour ce faire, il est néces-saire de valoriser la culture des familles en tenant compte de leur bagage cultu-rel (Fagan, 2001; Beauregard, Carignan et Létourneau, 2011) et de les impliquer en toute équité dans tout le processus de création de projets en faisant appel au milieu scolaire et à la communauté.

références• Beauregard, F., et Carignan, I. (2010). Lire avec

fiston : un projet novateur. Vie pédagogique, 154.

http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/viepedago

gique/154

• Beauregard, F., Carignan, I., et Létourneau, M. D.

(2011). Recension des écrits scientifiques sur la

littératie familiale et communautaire. (Rapport).

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

(MELS).

• Boudreau, M., Saint-Laurent, L., et Giasson, J.

(2006). La littératie familiale et les habiletés

en conscience phonologique des enfants de

maternelle. Éducation et francophonie, 34(2),

p. 190-213.

• Carignan, I., et Beauregard, F. (2010). Lire

avec fiston : intégrer la famille dans la lecture. In

Hébert, M., et Lafontaine, L. (dir.). Pratiques et

outils pédagogiques en littératie dans une perspective

d’inclusion (p. 97-109). Montréal : Presses de

l’Université du Québec (PUQ).

• Cartwright, K. B., et Marshall, T. R. (2001).

Effects of Male Role Models on Children’s Self

Perceptions of Reading Skill. Article présenté aux

réunions annuelles de la Society for Research in

Child Development, Minneapolis (Minnesota).

• Demers, D. (2009). Au bonheur de lire. Comment

donner le gout de lire à son enfant de 0 à 8 ans.

Montréal : Québec Amérique.

• Fagan, W. T. (2001). Family Literacy Programs :

The Whole Is More than the Sum of its Parts.

Educational Ressources Information Center

(ERIC), p. 1-17.

— notes 1. Dans le cadre de cet article, la littératie familiale

fait référence aux différentes interactions entre

le parent et son enfant entourant la lecture dans

la vie quotidienne (Boudreau, Saint-Laurent et

Giasson, 2006). Il est important de mentionner

que le concept en tant que tel peut également

toucher à d’autres aspects.

2. Il est question de la communauté au sens large.

Par exemple, dans cet article, le milieu univer-

sitaire, la bibliothèque municipale et la librairie

font partie de la communauté.

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en concLuSion…

viseur de stage et un stagiaire peuvent avoir un impact sur la relation famille-école? Pourtant, c’est le cas. Des écoles sont rassurées parce que leurs élèves sont à la piscine plutôt que dans les rues, des parents comprennent mieux le passage primaire-secondaire après une soirée d’information, tout comme une stagiaire saisit mieux la situation des parents après une discussion. Dans tous les cas, grâce à la communauté, un lien de confiance est construit entre la

famille et l’école. Ce qui est le premier pas vers une relation famille-école posi-tive. C’est pourquoi depuis quelques années nous parlons de relation famille-école-communauté plutôt que de rela-tion famille-école. On reconnait enfin la part importante que la communauté peut jouer dans cette relation.

après la lecture de ce dossier, force est de constater que la communauté joue un rôle actif dans le soutien à la relation famille-école. Ce qui n’appa-rait pas dans ces articles, c’est le temps, l’énergie et le travail mis derrière chaque mesure. D’abord, ce soutien ne vient pas de façon spontanée. On observe qu’il répond souvent à un besoin exprimé soit par l’école soit par les familles, ou bien découle de constats faits par des membres de la communau-té. Par la suite, les personnes ou les organismes communau-taires s’appuient sur des informations provenant de différentes sources perti-nentes (communautaires, profession-nelles, scientifiques, etc.) pour mieux cerner le besoin. La connaissance du milieu et l’écoute des autres aident notamment à mieux comprendre cette situation et à cibler les bons objectifs. Il ressort également des écrits que des

ajustements sont apportés tout au long du processus de soutien. Le soutien de la communauté est donc dynamique et non statique, ce qui permet de proposer des activités qui répondent adéquatement au besoin exprimé, d’où qu’il vienne.

Les impacts du soutien de la com-munauté sur la relation famille-école sont parfois directs, souvent indirects. On pourrait même dire que dans plu-sieurs cas, le soutien de la commu-

nauté est plutôt discret. À l’exception de mesures qui sont directement en lien avec l’école (ex. : agent de liaison entre famille-école), on ne saisit pas, de prime abord, les impacts mais ils sont là. Qui a comme idée que des activités de natation, une activité d’information sur la transition primaire-secondaire ou encore une discussion entre un super-

FranCe beaUregarD, ph. D.professeure agrégéeUniversité de [email protected]

La communauté joue un rôle actif dans le soutien à la relation famille-école.

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Merci à tous les donateurs !36 900 enfants ont reçu

un livre en cadeau; autant de coups de foudre

pour la lecture !

fondationalphabetisation.org

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Vous le savez, les parents détiennent une grande part de responsabilité dans l’apprentissage de la lecture. Leur rôle d’accompagnement et de soutien à la lecture est essentiel. Parfait pour les enfants dont les parents savent lire, aiment la lecture et souhaitent trans-mettre cette passion à leurs enfants, mais qu’en est-il des autres? Ces enfants dont les parents font partie des 49 % de la population québécoise qui n’atteint pas le niveau requis en lecture pour bien fonctionner dans la société?

—L’analphabétisme est un phénomène intergénérationnel : les enfants de parents analphabètes ou faibles lecteurs ont de fortes chances d’éprouver des difficultés de lecture plus tard.

—L’école s’occupe déjà d’outiller les enfants pour leur permettre de fonctionner dans la société; l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en fait partie. Elle accorde une attention particulière aux enfants à risque afin de leur donner toutes les chances pour réussir dans la vie. Les parents de ces enfants doivent toutefois être également pris en considération car eux-mêmes peuvent éprouver des difficul-tés de lecture et d'écriture.

—Or, l’analphabétisme est un phénomène tabou. Aucun parent n’avouera être anal-phabète. Les écoles et leur personnel peuvent jouer un rôle positif, tenter d’aller vers ces parents. Encore faut-il être en me-sure de déceler les signes qui peuvent laisser supposer qu’un adulte est analphabète.

—Sachez qu’une personne analphabète : Ω avoue rarement éprouver des difficul-tés de lecture et d’écriture. Elle a honte de cette condition et se croit seule dans cette situation;Ω a généralement une faible estime de soi et se sent facilement vulnérable devant

conviez la personne est bien comprise et, au besoin, donnez des repères tels « dans

deux fins de semaine » ou « dans la semaine après Noël » ou encore « tout de suite après le début des vacances des enfants », etc. Ω Évitez d’envoyer une lettre de rappel si vous voulez confirmer une date de rendez-vous : utilisez plutôt le téléphone.

—Si vous côtoyez la même personne de façon plus régulière, faites-lui savoir qu’elle peut améliorer sa condition et que plusieurs milliers de personnes dans sa situation sont retournées à l’école pour adultes : donnez-lui le numéro de la ligne Info-Alpha en lui précisant que des inter-venants spécialisés peuvent lui procurer des renseignements complets sur les ressources qui répondent le mieux à ses besoins et attentes.

—En conclusion, l’école peut également jouer un rôle positif dans la lutte contre l’analphabétisme en outillant bien sûr les enfants en lecture et en écriture, et en tra-vaillant parallèlement avec les parents qui jouent un rôle complémentaire à celui de l’école dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Sensibilisé aux compor-tements que les parents analphabètes peuvent adopter, le personnel enseignant pourra ainsi contribuer à enrayer un fléau qui touche près de la moitié de la popula-tion active québécoise et qui, malheureuse-ment, se transmet de génération à l’autre, et ainsi participer à améliorer notre société.

—références• www.fondationalphabetisation.org• Enquête internationale sur l’alphabétisation des

adultes (EIAA) de Statistique Canada http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey& SurvId=4406&SurvVer=0&SDDS=4406&InstaId=159 66&InstaVer=1&lang=fr&db=imdb&adm=8&dis=2

toute personne qu’elle considère plus « éduquée » qu’elle. Elle peut adopter une attitude de sou-mission ou devenir agressive devant une situation qu’elle ne comprend pas bien;Ω a appris à utiliser quantité d’astuces pour masquer ses lacunes. Elle deman-dera à consulter les documents à la maison, vous dira qu’elle a oublié ses lunettes pour lire, etc.;Ω éprouve souvent des difficultés de prononciation puisqu’elle n’a pas les connaissances requises pour discerner les syllabes que comporte un mot : elle le dira donc souvent comme elle l’entend;Ω manque souvent de vocabulaire requis pour nuancer sa pensée;Ω éprouve souvent des difficultés relatives à la perception du temps et de l’espace.

—quelle attitude adopter lorsque vous pensez avoir devant vous un parent susceptible d’être analphabète? Ω Utilisez un vocabulaire simple et des phrases courtes; reformulez votre idée en d’autres mots si vous sentez qu’elle n’a pas été bien comprise. Ω Pour autant, ne vous adressez pas à la personne comme on s’adresse à un enfant. Ω Créez un climat de confiance. Ω Simplifiez le vocabulaire plus technique propre à un service gouvernemental en évi-tant les nombreuses abréviations, qui n’ont souvent aucun sens pour l’interlocuteur.

—Que faire si la personne devant vous désire lire ailleurs ou plus tard le document que vous lui présentez? Ω Faites un bref et clair résumé du contenu en dégageant les principaux renseignements. Ω Prenez l’initiative de noter lisiblement les renseignements importants que vous voulez transmettre. Ω Assurez-vous que la date d’une prochaine rencontre ou d’un évènement auquel vous

déPiSter LeS ParentS anaLPhabèteS

iSabelle goDeFroy

déVeLoPPement PerSonneL

CoordonnatriceService de référenceet de soutien aux organisationsFondation pour l’alphabétisationmontré[email protected]

L’analphabétisme est un phénomène intergénérationnel.

Page 40: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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La théorie des probabilités peut se définir comme étant l’étude mathématique des phénomènes caractérisés par le hasard et l’incertitude.

Les probabilités et les statistiques sont, depuis le programme de 2001 (Gouvernement du Québec, 2006), à traiter de manière explicite dès le pre-mier cycle du primaire. De récentes recherches rappellent l’importance d’aborder tôt ce contenu qui est essen-tiel à la formation de tout citoyen (Metz, 2010; Sales, 2008). Les conceptions intuitives étant tenaces et le raisonne-ment devant se développer à travers diverses situations, il convient de sus-citer le questionnement chez les élèves et de favoriser des activités riches en exploration de ces domaines mathéma-tiques. Dans cet article, nous rappelons d’abord brièvement ce que sont les pro-babilités et les statistiques. Nous préci-sons ensuite ce que la progression des apprentissages indique comme notions à aborder, puis nous traitons de quelques études en didactique des mathéma-tiques qui éclairent sur les conceptions des élèves. Nous terminons par une réflexion sur les enjeux soulevés par l’enseignement-apprentissage de ces domaines mathématiques.

—aperçu du domaineLa théorie des probabilités peut se définir comme étant l’étude mathématique des phénomènes caractérisés par le hasard et l’incertitude. Le hasard exprime un manque de cause à effet, ou encore une impossibilité de tenir compte de toutes les variables impliquées dans un phéno-mène pour en prédire avec certitude le résultat. La probabilité, exprimée par un

loUiS Côté

Diane biron

Chargé de coursUniversité de [email protected] Université de [email protected]

Soutenir Le déVeLoPPement du raiSonnement deS éLèVeS en ProbabiLité et StatiStique au Premier cYcLe du Primaire

nombre réel compris entre 0 et 1, nous permet toutefois d’évaluer le caractère possible d’un évènement. Plus la pro-babilité d’un évènement se rapproche de 1, plus le risque (ou la chance, l’éven-tualité ou la possibilité, selon le point de vue) que celui-ci se produise est grand. Par exemple, la probabilité d’obtenir le côté « pile » lors du lancer d’une pièce de monnaie (qui est de 1 __

2 ) est plus grande que celle d’obtenir un « 4 » lors du lancer d’un dé à jouer à 6 faces (qui est de 1 __

6 ). La probabilité d’obtenir un certain résultat à une expérience aléatoire se retrouve donc sur un conti-nuum que nous pourrions représenter qualitativement par le schéma de la figure 1.

—La statistique, quant à elle, est l’activité qui consiste à recueillir, à traiter et à interpréter un ensemble de données. Elle compte deux branches principales. Tout d’abord, les statistiques descriptives qui servent à décrire les caractéristiques d’une situation. Par exemple, nous pour-rions vouloir connaitre les caractéris-tiques d’un groupe donné afin de vérifier

Fig. 1 – Le continuum probabiliste.

PossibleImpossible Certain

Peu probable Très probable

Semi-probable

0

l’intérêt de leur offrir un produit quel-conque. Les statistiques inférentielles tentent, pour leur part, d’appliquer cer-taines constatations relatives à un échan-tillon à l’ensemble d’une population. Les sondages, qui essaient de prédire le résul-tat d’une élection générale (choix d’une population) en questionnant un sous-groupe (choix d’un échantillon), en sont un exemple d’application citoyenne.

—ce qu'en dit le programme de formationLe document sur la Progression des appren-tissages du primaire en mathématiques (Gouvernement du Québec, 2011) nous permet de poser un regard global sur ce qui doit être abordé avec les élèves.

—En probabilité, les éléments suivants sont plus particulièrement visés :

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Un jeune enfant peut penser qu’il n’a pas de possibilité de gagner à un jeu parce que la personne contre laquelle il joue est plus chanceuse, ou encore qu’il n’a pas son toutou préféré avec lui pour l’aider à gagner.

Ω Reconnaitre, quand elle s’applique, la variabilité des résultats possibles (incer-titude) et l’équiprobabilité (p. ex. : quan-tité, symétrie d’un objet [cube]); Ω Prendre conscience, quand elle s’ap-plique, de l’indépendance entre les tours lors d’une expérimentation;Ω Expérimenter des activités liées au hasard en utilisant du matériel varié (p. ex. : roulettes, prismes à base rectan-gulaire, verres, billes, punaises, dés à 6, 8 ou 12 faces); Ω Prédire qualitativement un résultat ou plusieurs évènements en utilisant, entre autres, une droite des probabilités (résul-tat certain, résultat possible ou résultat impossible); Ω Distinguer la prédiction du résultat obtenu et utiliser des tableaux ou des dia-grammes pour colliger et mettre en évi-dence les résultats de l’expérimentation; Ω Dénombrer les résultats possibles d’une expérience aléatoire simple; Ω S’approprier les mots de vocabulaire comme hasard, expérience aléatoire, chance, dénombrement, diagramme en arbre, résultat (certain, possible, impos-sible), évènement (probablement, éga-lement probable, plus probable, moins probable), probabilité.

—Au regard de cette liste, il est, selon nous, essentiel de traiter de manière qualita-tive les probabilités au premier cycle du primaire, tout en favorisant une appro-priation riche du vocabulaire, et ce, avec l’aide d’expérimentation et de matériel de manipulation varié.

—En ce qui a trait aux statistiques, voici les principaux aspects à aborder : Ω Formuler des questions d’enquête (selon les sujets appropriés à la maturité de l’élève, l’évolution des apprentissages en français, etc.); Ω Collecter, décrire et organiser des don-nées (classifier ou catégoriser) à l’aide de tableaux; Ω Interpréter et représenter des données à l’aide d’un tableau, d’un diagramme à bandes et d’un diagramme à picto-grammes; Ω S’approprier les mots de vocabulaire

comme enquête, tableau, diagramme à bandes et diagramme à pictogrammes.

—Ici, le vocabulaire à acquérir est encore une fois important, l’essentiel des apprentissages étant axé au premier cycle sur celui-ci et sur les aspects fondamen-taux des statistiques descriptives.

—ce qu'en dit la recherchePlusieurs conceptions plus ou moins appropriées et tenaces ont été réperto-riées en lien avec le monde du hasard et des probabilités (Schmidt, 2007). Une connaissance de celles-ci permet à l’enseignant d’intervenir adéquatement en proposant des activités qui pourront les ébranler ou les mettre à l’épreuve. Examinons trois de ces conceptions qui peuvent plus particulièrement s’observer au premier cycle.

—La nature chanceuse des objets ou des personnes Le hasard ne s’attache pas à des per-sonnes ou à des objets en particulier. Il se produit de manière aléatoire. Toute-

fois, certaines personnes peuvent être qualifiées de « chanceuses » parce que le hasard semble les favoriser. D’autres peuvent penser que de posséder un objet porte-bonheur lors du jeu les avantagera. Ainsi, un jeune enfant peut penser qu’il n’a pas de possibilité de gagner à un jeu parce que la personne contre laquelle il joue est plus chanceuse, ou encore qu’il n’a pas son toutou préféré avec lui pour

l’aider à gagner. Compte tenu de cette conception, l’utilisation du mot « chance » comme synonyme de « probabilité » semble contrindiquée, puisque le mot « chance » pourrait renforcer cette conception, ce qui n’est pas souhaitable.

—La difficulté à considérer le caractère indépendant des évènementsLes « machines à sous » sont program-mées pour redonner un certain pour-centage des investissements qui lui sont fournis. Par contre, ce n’est pas parce que nous avons actionné plusieurs fois la manivelle que nous avons plus de proba-bilité de gagner au prochain tour. De la même manière, un enfant qui tire un dé peut penser qu’il devrait tirer un « 6 » à son prochain lancer puisque cela fait trop longtemps qu’il n’est pas sorti. Pourtant, le dé n’a aucun moyen de se « rappeler » du résultat précédent, donc encore moins d’en tenir compte pour le résultat suivant, même si la loi des grands nombres nous garantit qu’il devrait sortir environ une fois sur six. Toutefois, comme son nom l’indique (« loi des grands nombres »),

il faut jouer des millions de fois pour s’approcher d’une grande probabilité d’observer ce fait, sans jamais garantir ce qui se passera au lancer suivant.

—La rigidité du modèle que l’on se fait d’une situationCertaines séquences nous semblent plus ou moins favorables que d’autres. Par exemple, à la Lotto 6/49, la séquence

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« 1-2-3-4-5-6 » nous semble moins proba-ble que la séquence « 2-17-22-26-41-42 ». Pourtant, elles ont toutes les deux la même probabilité de se produire1. Pour l’enfant qui joue à un jeu de société, il peut sembler qu’il aura moins de chances de gagner le jeu s’il doit lancer deux « 1 » d’affilée, alors que son adversaire doit tirer « 2 », puis « 5 ».

—Concernant les statistiques, nous savons encore peu de choses sur la compréhen-sion des fondements des statistiques des-criptives chez les jeunes élèves (Pange, 2003). Il convient de préciser que l’apprentissage de la statistique passe non seulement par l’appropriation de la démarche d’enquête, de la formulation de la question à la collecte de données, mais aussi par la maitrise de l’interpré-tation des données et de leur représen-tation (Metz, 2010). À ce sujet, certaines études, dont celle de Putt, Jones, Tho-mas, Langrall, Mooney et Perry (1999), montrent la difficulté des jeunes élèves à interpréter les bandes d’un histo-gramme, la largeur de ces dernières étant parfois tout aussi importante à prendre en compte que leur hauteur. De plus, certaines observations d’enseignants sur l’organisation des données soulèvent cer-taines difficultés lors de la conception de diagrammes au moment de graduer des

axes puisque le sens de la mesure n’est pas encore complètement acquis chez les élèves du premier cycle. L’espace entre les bandes d’un diagramme peut éga-lement causer une certaine confusion chez les élèves, la compréhension de la différence entre des données discrètes (qui s’illustrent par un diagramme à bandes) et des données continues (qui appelleraient un histogramme) n’étant pas toujours claire ni encore comprise. Somme toute, plusieurs apprentissages sont nécessaires afin de saisir en quoi et

comment la statistique peut être utile et mobilisée afin de comprendre et de trai-ter une situation.

—Les enjeux de l'enseignement-apprentissage des probabilités et des statistiquesL’introduction de l’enseignement-apprentissage des probabilités et des statistiques au premier cycle du primaire nous semble une bonne chose dans la mesure où les attentes et les choix faits par les enseignants favorisent un appren-tissage progressif qui stimule le raison-nement. Ainsi, une approche qualitative et diversifiée des différents concepts et notions prévus à la progression des apprentissages devrait être favorisée, tout comme le suggère d’ailleurs l’étude de Sales (2008), puisque l’objectif principal

est de mettre les élèves en présence des fondements de ces domaines m a t h é m a -tiques. Une

introduction numérique trop rapide aurait tendance à diminuer la richesse et l’approfondissement des apprentis-sages, l’aspect quantitatif pouvant rendre obscur le sens à rattacher aux différentes notions. Comme l’ensemble des inter-ventions du primaire visent à faire acqué-rir les concepts prescrits, il nous semble opportun de prendre le temps nécessaire au premier cycle afin d’établir des bases solides, en misant sur le développement du sens plutôt que sur des applications pratiques et techniques sans buts précis.

L’introduction de l’enseignement-apprentissage des probabilités et des statistiques au premier cycle du

primaire nous semble une bonne chose dans la mesure où les attentes et les choix faits par les enseignants favorisent

un apprentissage progressif qui stimule le raisonnement.

références• Gouvernement du Québec (2011). Progression

des apprentissages au primaire. Mathématiques.

Québec : Ministère de l’Éducation, du Loisir et

du Sport. Document téléaccessible à l’adresse :

http://www.mels.gouv.qc.ca/progression/

mathematique/

• Gouvernement du Québec (2006). Programme

de formation de l’école québécoise. Éducation présco-

laire. Enseignement primaire. Québec : Ministère

de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Document

téléaccessible à l’adresse : http://www.mels.gouv.

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Statistics to Preschool Children. Information

Technology in Childhood Education Annual,

p. 163-172.

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• Schmidt, S. (2007). Difficultés liées au dévelop-

pement du raisonnement probabiliste. Document

inédit. Sherbrooke : Université de Sherbrooke,

Faculté d’éducation.

—note1. Pour des observations intéressantes concernant

ce phénomène, le site de Loto-Québec présente

à l’adresse suivante les fréquences de sortie

des numéros gagnants depuis le début de cette

loterie :

http://diffusion.loto-quebec.com/sw3/stats/asp/

stats.asp?cProduit=4&pRequest=3&l=0

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tni : au-deLà de La ProJection1

Catherine hoUle Conseillère pédagogiqueécoles paul-bruchési et lanaudièreCommission scolaire de montré[email protected]

depuis la mesure mise en place le 23 février 2011 par le gouvernement Charest d’implanter massivement au Québec 40 000 tableaux sur 5 ans, qui est remise en question par le gouverne-ment actuel, de plus en plus de TNI ont fait leur apparition dans les écoles du Québec. Ce changement non planifié a forcé les enseignants à s’approprier rapi-dement ce nouvel outil technologique. Tout d’abord, ils doivent développer des compétences techniques, c’est-à-dire s’approprier le logiciel relié au TNI et les outils de base, puis tenter de l’intégrer dans leurs pratiques quotidiennes. Main-tenant qu’il est dans nos salles de classe, quel est l’état de la situation et comment est-il possible de développer ses compé-tences pédagogiques afin de l’utiliser à son plein potentiel?

qu’en disent les recherches?Puisque l’implantation du TNI est récente au Québec, aucune recherche d’envergure n’a encore été publiée sur son impact pédagogique auprès des

élèves du primaire et du secondaire. Toutefois, on peut faire le parallèle avec d’autres pays tels que certains États américains, l’Australie, mais principa-lement avec l’Angleterre où ils sont très présents, et ce, depuis plusieurs années. Par exemple, depuis 2007 en Angleterre, toutes les écoles du primaire en pos-sèdent (Kitchen et collab., 2007), dont

Pour ceux qui ont déjà des pratiques d’enseignement efficaces et diversifiées, cela

vient bonifier, voire faciliter, leur enseignement.

72 % des classes (Lee, 2010). Toutefois, peu importe le pays, aucune étude sérieuse et non financée elle-même par les compagnies qui vendent ces tableaux (Glover et collab., 2005; Smith et collab., 2005) n’a pu démontrer leur impact à long terme sur la réussite des élèves. Dans certains cas, on dénote même un retour à l’enseignement traditionnel. Selon Legendre2 (2000), cela signifie un enseignement où la transmission des connaissances s’effectue à sens unique de l’agent vers le sujet. En contrepar-tie, DiGregorio et Sobellosky (2010) remarquent que les pratiques pédago-giques de l’enseignant avec l’utilisation du TNI, pourraient avoir un effet à long terme sur la motivation des élèves, par-ticulièrement s’il est utilisé pour per-mettre le partage et la collaboration.

Ce n’est donc pas le TNI à lui seul qui amènera un changement de pratiques en éducation, mais pour ceux qui ont déjà des pratiques d’enseignement efficaces et diversifiées, cela vient bonifier, voire

faciliter, leur enseignement. Mal-gré le fait que les recherches sur le sujet ne soient pas très optimistes, le TNI reste un outil technologique

qui permet aux enseignants de favoriser dans leur pratique la collaboration, l’inte-ractivité et la métacognition à l’aire du Web 2.0.

—La méthodologie Dans le cadre de cette enquête, un questionnaire a été créé en ligne sur l’utilisation du TNI auquel ont répondu

une vingtaine d’enseignants de la Com-mission scolaire de Montréal (CSDM), principalement du primaire, mais aussi du secondaire, de classes d’adaptation scolaire et de la formation générale des adultes (FGA). Quinze avantages et conseils d’utilisation qui sont essentiels à mettre en place pour utiliser le TNI à son plein potentiel ont été répertoriés. L’objectif de ce sondage était de véri-fier la fréquence d’utilisation chez des enseignants qui ont recours à un TNI quotidiennement depuis au moins un an. Dans le but de faciliter la lecture des résultats, vous trouverez dans le paragraphe suivant ces informations en caractère gras.

—Les résultats Tous les enseignants interrogés affir-ment utiliser régulièrement le TNI soit pour mettre des éléments en évidence ou en surbrillance ou pour projeter des ressources numériques, des sites Inter-net, des vidéos, leurs cahiers d’activités,

technoLogie de L’inFormation et deS communicationS

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etc. Cela nous amène à un enseigne-ment traditionnel bonifié, c’est-à-dire où le visuel est plus attrayant que sur un tableau noir. Ensuite, les enseignants, particulièrement ceux du primaire, uti-lisent régulièrement le TNI en sous-groupe. De plus, environ la moitié des répondants sauvegardent les documents produits (ou traces) afin d’y revenir pour activer les connaissances antérieures ou pour les bonifier. La manipulation d’ou-tils mathématiques, de mots ou d’objets numériques pour faire un enseignement explicite est aussi une pratique courante. La facilité du TNI pour le partage de stra-tégies (métacognition), par exemple pour expliquer son raisonnement lors d’un problème mathématique, est aussi un atout important.

Par ailleurs, l’utilisation des ressources disponibles avec le logiciel relié au TNI (Notebook ou ActivInspire) aide à bonifier l’enseignement, mais près de la moitié des enseignants affirment manquer de temps pour les sauvegar-der adéquatement. Pourtant, l’organisa-tion de ses dossiers et de ses ressources personnelles permet d’être beaucoup plus efficaces dans sa gestion de classe. C’est un élément essentiel à mettre en place lorsque l’on s’intéresse aux tech-nologies. Autrement, on peut rapide-ment se sentir dépassé par la quantité de ressources pédagogiques trouvées et produites.

Un peu plus de la moitié des ensei-gnants qui ont participé à cette enquête utilisent les outils de capture photo et

vidéo pour enrichir leur enseignement ou leurs ressources et téléchargent des leçons trouvées en ligne. Par contre, quelques-uns affirment ne pas posséder suffisamment de compétences tech-niques pour modifier celles-ci.

Deux des principales forces du TNI sont la collaboration et l’interactivité. Pour-tant, ce sont ces pratiques qui sont ressor-

ties comme étant les moins fréquentes. La projection des travaux pour être com-mentés par les pairs, l’utilisation d’outils numériques interactifs (en format flash.swf) d’objets virtuels en ligne, de cartes conceptuelles en ligne et d’accessoires (manettes de votes, caméra document, etc.) ont été observées par un peu moins du tiers des enseignants.

Dans sa vidéo sur la pédagogie du Web 2.0, Stéphane Côté3 définit celle-ci comme étant les élèves qui s’approprient le TNI et son logiciel pour s’enseigner. Ce changement de paradigme est par-fois long à mettre en place et c’est sans doute pour cette raison que seulement quatre enseignants qui ont répondu à cette enquête l’intègrent à leur pratique. Pourtant, cela permet aux élèves de développer des apprentissages de haut niveau (Taxonomie de Bloom, 1956) qui suscitent leur engagement et leur moti-vation et augmentent la permanence de l’apprentissage. En effet, Eldag Dale4

dénote que les élèves retiennent 90 % des notions lorsqu’ils les enseignent à leurs camarades de classe.

conditions de réalisation La difficulté actuelle liée à une implan-tation massive et non planifiée telle que nous la vivons actuellement est que les conditions de réalisation ne sont pas toujours adéquates. Cela crée un désen-gagement chez certains enseignants, particulièrement pour ceux qui ont un faible sentiment de compétence face aux technologies. Il y a trois éléments à mettre en place que voici.

La priorité demeure la formation conti-nue. Cela devrait être intégré au cursus de la formation initiale universitaire des futurs enseignants, comme c’est le cas à l’Université de Trois-Rivières. Cette for-mation doit comporter un aspect tech-nique du logiciel et du tableau, mais surtout être axée sur la technopédagogie.

Le deuxième élément à mettre en place est le soutien technique. Les ensei-gnants ne sont pas des informaticiens, mais plutôt des professionnels de la pédagogie. Ces derniers réclament du soutien et de l’accompagnement en ce sens. Des budgets doivent donc être consacrés au soutien informatique ainsi qu’au matériel brisé ou périmé.

Le troisième élément à ne pas négliger est le temps d’appropriation. Les ensei-gnants, qui ont déjà une tâche bien remplie, doivent en plus apprendre à enseigner avec cette nouvelle technologie.

conseils pour une intégration simple et efficace :Ω Organisez vos dossiers et vos res-sources personnelles. Ainsi, vous aurez au fil du temps une banque très riche de leçons, d’images et d’objets interactifs à portée de main pour rendre votre ensei-gnement dynamique et interactif; Ω Travaillez par canevas ou créez des tableaux et des éléments que vous réu-tiliserez régulièrement. Évitez de passer des heures à élaborer un document pour une simple leçon. Vous pouvez aussi par-tir de documents existants et les modifier selon vos besoins;

Deux des principales forces du TNI sont la collaboration et l’interactivité.

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Ω Planifiez des activités simples, mais qui favorisent la collaboration, la méta-cognition, l’interactivité et où les élèves sont actifs cognitivement. Il ne faut pas que tout se passe à l’avant de la classe;Ω Partagez et collaborez avec vos collè-gues et les autres enseignants;Ω N’attendez pas d’être expert avant de vous lancer et surtout prenez le temps de vous approprier un nouvel outil à la fois.

Pour conclure, les enseignants qui uti-lisent le TNI uniquement que pour projeter réclament du soutien et de l’accompagnement, puisque la plupart disent manquer de temps pour s’appro-prier ce nouvel outil TIC. En fait, la for-mation semble insuffisante et surtout orientée vers le logiciel et non la pédago-gie. L’enseignant doit cibler une intention pédagogique et ensuite trouver la tech-nologie qui pourra bonifier celle-ci. La plupart des spécialistes dans ce domaine affirment que la technologie doit être au service de la pédagogie et non l’inverse. Profitons donc du TNI pour amener des changements de pratiques au Québec et soutenons les enseignants pour éviter de retomber dans l’ancien paradigme de l’enseignement traditionnel.

Comme le dit si bien Marc Deloménie5, professeur des écoles, maitre formateur et animateur Tice en Haute-Vienne : « Ce n’est pas tant l’objet technologique qui

a des répercussions sur l’apprentissage des étudiants, mais l’environnement qui est généré par l’utilisation de cet outil. » Peu importe la technologie choi-sie, ensemble il faut créer des réseaux de collaboration et de par-tage et discuter de l’essentiel : LA PÉDAGOGIE!

—références• Bloom. Principles of Teaching. Bloomburg

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• Deloménie, M. Utilisation du TBI : premier bilan

et des perspectives. http://md87.ouvaton.org/spip.

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• DiGregorio, P., et Sobel-Lojeski, K. (2009-2010).

The Effects of Interactive Whiteboards (IWBs) on

Student Performance and Learning : A Literature

Review. Journal of Educational Technology Systems,

38(3), p. 255-312.

• Dostal, J. (2011). Reflections on the Use of Inte-

ractive Whiteboards in Instruction in Internatio-

nal Context. The New Educational Review, 25(3),

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• Glover, D., Miller, D., Averis, D., et Door, V.

(2005). The Interactive Whiteboard : A Literature

Survey. Technology, Pedagogy and Education, 14(2),

p. 155-170. doi:10.1080/14759390500200199

• Higgins, S., Beauchamp, G., et Miller, D. (2007).

Reviewing the Literature on Interactive White-

boards. Learning, Media and Technology, 32(3), p.

213-225. doi:10.1080/17439880701511040

L’enseignant doit cibler une intention pédagogique et ensuite trouver la technologie qui pourra bonifier celle-ci.

• Karsenti, T., Collin, S., et Dumouchel, G. L’envers

du tableau : ce que disent les recherches sur

l’impact des TBI sur la réussite scolaire. Vivre le

primaire, volume 25, numéro 2, printemps 2012,

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cation. Montréal : Guérin.

• Smith, H. J., Higgins, S., Wall, K., et Miller, J.

(2005). Interactive Whiteboards : Boon or Band-

wagon? A Critical Review of the Literature. Journal

of Computer Assisted Learning, 21(2), p. 91-101.

—notes1. Dans le cadre du nouveau Microprogramme en

intégration pédagogique des TIC de la Faculté d’éducation de l’Université de Montréal, une étudiante et conseillère pédagogique s’intéresse aux pratiques des enseignants quant à l’utilisation du tableau numérique interactif en classe (aussi appelé TNI ou TBI). Elle a effectué une enquête auprès d’une vingtaine de titulaires pour valider ses perceptions et elle désire proposer des pistes d’interventions et des conseils qui permettent d’utiliser cet outil TIC à son plein potentiel.

2. Legendre, Dictionnaire de l’éducation 2000,

éd. Guérin, 2e édition, p. 539.

3. Stéphane Côté, Carte de l’appropriation du TBI,

des TIC à la pédagogie 2.0.

http://media.csmb.qc.ca/public/620/SuppPedag/

tbi/carte_TBI_V2_c2v2s1/default.html

4. Principles of Teaching, Bloomburg University,

Spring 2003.

http://teacherworld.com/potdale.html

5. Chez Marco :

http://md87.ouvaton.org/spip.php?auteur1

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46

un collègue me parlait ainsi d’une enseignante : « Tu sais, cette ensei-gnante, elle n’a pas 35 ans d’expérience. Elle a une seule année d’expérience, répétée 34 fois. » Il faisait probablement référence à l’idée selon laquelle la seule formation universitaire ne pouvait don-ner tous les outils pour réaliser sa car-rière d’enseignement.

Heureusement, de telles croyances sont de moins en moins répandues. La com-plexité grandissante de la tâche d’ensei-gnement et la diversité des populations auxquelles s’adresse cet enseignement rendent essentiel le développement professionnel continu. Non seulement la tâche et les populations d’élèves changent, mais les écoles aussi changent

dans leurs exigences et leur fonctionne-ment. Ne devient-il pas essentiel de se tenir à jour pour aborder ces change-ments et ainsi apprendre durant toute sa carrière?

tous les êtres humains apprennentL’apprentissage n’est pas le propre des élèves : tous les humains apprennent, les adultes y compris. Meirieu (2001) prétend même qu’apprendre est le plus vieux métier du monde!

—Le processus d’apprentissage est particu-lièrement évolué chez l’être humain et est présent toute la vie durant. On conçoit

aPPrendre durant toute Sa carrière : Le déVeLoPPement ProFeSSionneL continu

jean arChambaUlt

enSeignement aPPrentiSSage

l’apprentissage « [...] comme un proces-sus naturel de construction de sens lié à l’expérience unique de chaque individu. C’est un processus actif et volontaire qui consiste à découvrir et à construire un sens à partir de l’information reçue et de sa propre expérience » (Archambault et Richer, 2007, p. 8), on comprend que de nouvelles informations arrivent tout au long de la vie et que l’expérience se modifie donc tout au long de la vie. En effet, les recherches récentes sur le déve-loppement humain permettent de com-prendre comment chacun continue de se développer et d’apprendre toute sa vie.

nécessité professionnelle, à l’école... L’école ne fait pas exception à cet état de fait. Bien que l’apprentissage soit

un processus naturel, il s’agit néanmoins d’un processus complexe qui nécessite accompagnement

et soutien. Ce soutien est formalisé et organisé à l’école. En effet, l’enseigne-ment vient organiser l’apprentissage autour des contenus formalisés que comprend le Programme de formation de l’école québécoise.

Comprendre la complexité de l’appren-tissage et la nécessité de l’organiser et de l’accompagner mène aussi à voir la pratique de l’enseignement comme une pratique complexe : organiser et accom-pagner le processus d’apprentissage des élèves nécessitent planification et inter-ventions directes qui se traduisent par des prises de décisions fréquentes. De là,

la complexité de la pratique d’enseigne-ment qui, par surcroit, est soumise aux sciences de l’éducation qui l’explorent, l’expérimentent et l’alimentent au gré des découvertes. Voilà donc de bonnes raisons de se tenir à jour et de s’engager dans un processus de développement professionnel : la tâche est complexe, elle nécessite une intervention complexe basée sur la prise de décision, inter-vention qui doit s’enrichir de l’apport de la recherche.

... et capacité de développement professionnelLe développement professionnel devient donc une manière d’apprendre durant toute sa carrière et d’exercer la profes-sion. Les apprentissages effectués par les adultes suivent les mêmes principes que ceux des élèves. Ainsi, pour apprendre, la personne doit trouver du sens à ce qui lui est présenté en reliant une nou-velle information à ce qu’elle sait déjà. L’activation des connaissances permet de créer ces liens et de réorganiser les

professeur Université de montréal [email protected]

Non seulement la tâche et les populations d’élèves changent, mais les écoles aussi changent dans

leurs exigences et leur fonctionnement.

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Il ne faut surtout pas hésiter à apprendre avec ses collègues : ouvrir, démontrer sa pratique et apprendre des autres est particulièrement efficace.

connaissances. La métacognition per-met de contrôler et de réguler le proces-sus d’apprentissage. Enfin, la recherche a aussi mis en évidence l’aspect social de la construction de la connaissance : on apprend rarement seul. On peut se demander si ces principes sont présents dans les activités de développement professionnel qui sont rendues dispo-nibles aux enseignants.

une offre de développement professionnel qui correspond aux principes de l’apprentissage?Qui n’a pas l’impression, parfois, que l’offre de développement profession-nel (le perfectionnement) ne le fait pas apprendre? Que les activités proposées ne donnent pas grand-chose? Qui ne se voit pas obligé, à l’occasion, de parti-ciper à un perfectionnement qui ne lui apparait pas pertinent? Voilà des indices qui peuvent montrer que les sessions de perfectionnement organisées pour les enseignants sont rarement conçues en lien avec le processus d’apprentissage. Forcer quelqu’un à apprendre ne garan-tit pas son apprentissage, au contraire. Placer quelqu’un dans une situation d’apprentissage dont il ne voit ni le sens, ni la pertinence, ni le lien avec ses pré-occupations professionnelles, ne favorise pas l’apprentissage.

Voici un exemple : la recherche nous informe depuis longtemps que les journées de perfectionnement du type conférence n’ont que peu d’effets sur les pratiques d’enseignement. Pour-tant, c’est un type de perfectionnement encore très répandu dans les commis-sions scolaires et dans les écoles pour motiver les troupes. Bien sûr, on pourra sortir d’une conférence énergisé, sou-riant et confiant, mais ces effets durent combien de temps? Trente minutes? Encore une fois, ce type de perfectionne-ment ne tient pas compte du processus d’apprentissage et constitue la plupart du temps une perte de temps et d’argent. Pour qu’une situation de développement favorise réellement l’apprentissage, elle doit donc tenir compte du proces-sus d’apprentissage et de ses besoins d’apprentissage. Quoi de mieux, pour

ce faire, que de reprendre possession de son propre processus d’apprentissage?

reprendre possession de son apprentissageL’apprentissage n’appartient à personne d’autre qu’à la personne qui apprend. On peut aider cette personne, la soutenir, l’inciter, mais pas la forcer à apprendre. Nous l’avons évoqué plus haut, l’appren-tissage est un processus lié à l’expérience unique de chaque individu et relève de celui qui apprend. Oh! On peut toujours retenir quelque chose qu’on est forcé d’apprendre. Mais il s’agit d’un appren-tissage qui a peu de sens et qui ne dure pas. En fait, puisque la personne apprend à partir de ce qu’elle connait déjà, sa moti-vation à apprendre sera fonction du fait que l’apprentissage concerne ses propres idées, ses propres préoccupations profes-sionnelles. Plus elle exercera de pouvoir sur les décisions concernant son propre apprentissage professionnel, plus elle apprendra et plus elle persévèrera.

Une des premières choses à faire consiste à mieux se connaitre comme apprenant. Par exemple, quelles croyances la per-sonne entretient-elle à son égard : « Je suis capable d’apprendre », « Je ne suis pas bonne dans l’apprentissage des lan-gues », « Je sais faire un budget », « Je ne serais pas capable de gérer du per-sonnel », etc., sont des exemples de ces croyances. Les croyances négatives à son égard bloquent l’apprentissage et sont généralement fausses.

Ensuite, on peut identifier ses besoins d’apprentissage professionnel en observant, par exemple, ses pratiques d’enseignement ainsi que leurs effets sur l’apprentissage des élèves, et tenter d’identifier les forces et les faiblesses de cette pratique. Certains enseignants vont même jusqu’à élaborer un bilan de leur pratique d’enseignement à l’aide de référentiels de compétences ou d’outils à cet effet. C’est à l’enseignant de décider ensuite des actions à entreprendre pour effectuer les apprentissages profession-nels dont il a besoin pour mieux exercer son travail.

Enfin, il ne faut surtout pas hésiter à apprendre avec ses collègues : ouvrir, démontrer sa pratique et apprendre des autres est particulièrement efficace.

Pour conclure, constatons qu’en matière d’apprentissage, comme dans bien des domaines de la vie, « on n’est jamais si bien servi que par soi-même », surtout lorsqu’il s’agit d’apprendre durant toute sa carrière.

—références• Archambault, J., et Richer, C. (2007). Une école

pour apprendre. Montréal : Chenelière Éducation.

• Meirieu, P. (2001). Un nouvel art d’apprendre?

Apprendre, « le plus vieux métier du monde ».

Intervention aux Entretiens de la Villette, Lyon,

Université Lumière. Consulté le 17 mars 2013 au :

http://www.meirieu.com/ARTICLES/nouvelar-

tddapprendre.pdf

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Lors d’un stage dans une classe de 4e année du primaire, j’ai été agréa-blement surprise d’y trouver une pra-tique enseignante qui faisait bouger les élèves à tout moment de la journée. J’y ai remarqué que tolérer, favoriser ou organiser du mouvement dans la classe n’était pas nécessairement nuisible à la concentration et à l’apprentissage, voire un aller direct pour l’agitation du groupe. Au contraire, j’ai été témoin d’activités physiques toutes simples intégrées dans cette classe ordinaire et, chaque fois, un regain d’énergie général s’ensuivait. Étonnée de ces observations et consciente du phénomène de sédenta-risation des comportements des élèves1, je me suis penchée sur la question afin d’apprendre ce que révèle la littérature sur le fait de bouger en classe.

—bouger : des impacts importants sur l’apprentissageLes enseignants font face à des élèves qui sont de plus en plus passifs, souf-frant même d’embonpoint ou d’obésité2. Dans ce contexte, il devient intéressant d’explorer le lien entre la santé physique des élèves et leur vie scolaire, voire l’in-fluence de leur forme physique sur leur apprentissage. Selon Trudeau et She-phard (2008), les effets positifs d’une vie active agissent sur le comportement en classe, l’estime de soi, l’image de soi, la satisfaction envers l’école et le senti-ment d’appartenance à l’école, facteurs importants dans la réussite scolaire. Une recherche australienne (Dwyer, Sallis, Blizzard, Lazarus et Dean, 2001)

bouger en cLaSSe Pour mieux aPPrendre

méloDie paqUette

aPPrentiSSage

dévoile que « l’activité physique régulière pourrait avoir un effet calmant chez les enfants, leur permettant de demeurer assis et concentrés ». Comment cela est-il possible? Aux dires de Jensen (2000), « certains mouvements augmentent la sécrétion de stimulants naturels […] qui réveillent les apprenants, augmentent leur niveau d’énergie, améliorent le stoc-kage et la récupération d’informations, et les aident à se sentir bien ». Dans Le cer-veau et l’apprentissage (Jensen, 2001), on explique que les régions du cerveau qui s’occupent des données liées à la motri-cité sont aussi impliquées dans les pro-cédés de l’apprentissage. « Ceci suggère que le mouvement influence la cognition davantage que nous le croyions aupara-vant. » (Jensen, 2001) Dans le même sens, Brink (1995, cité dans Jensen, 2001) rapporte que « l’exercice physique demeure l’un des meilleurs moyens de

stimuler le cerveau et l’apprentissage ». Une étude américaine (Gilbert, 1977 cité dans Jensen, 2001) a soumis des élèves de 3e année du primaire ayant des dif-ficultés en lecture à l’apprentissage de concepts langagiers par l’utilisation de la danse. Après 6 mois de ces activités sti-mulantes, on notait une hausse de 13 % dans les résultats en lecture de ces élèves.

—des idées concrètes pour bouger en classeBouger en classe peut sembler com-pliqué, mais il s’agit aussi d’actions simples, comme marcher jusqu’au bac de recyclage, changer de place avec un camarade, s’étirer les mains après l’écriture, mimer, peindre… Le tableau suivant présente quelques propositions appuyées par des recommandations d’auteurs de façon à intégrer le mouve-ment dans la classe.

étudiante au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire Université du québec à montréal [email protected]

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deS FaçonS de bouger en cLaSSe

considérer l’aménagement de la classe

Selon Saint-Jacques (1986), aménager et libérer l’espace est primordial pour pallier la position assise de l’élève. Des exemples concrets seraient de regrouper les pupitres plutôt que de les disposer en rangées, aménager des « coins » (coin lecture, coin autocorrection, coin peinture, etc.), créer une aire commune pour les exposés magistraux, etc.

disposer d’accessoires ou d’un exerciseur en classe

Cameron (2011) recommande que du matériel incitant à bouger soit mis à la disposition des élèves. Des élastiques, des cordes à sauter3, un ballon d’exercice et même un vélo stationnaire peuvent être placés en classe et utilisés comme activité déver-soir ou pour des pauses individuelles pendant les périodes de travail. Jensen (2000) rappelle que ces pauses sont essentielles dans l’apprentissage pour laisser le temps au cerveau de traiter l’information.

miser sur les arts Les activités artistiques génèrent non seulement du plaisir chez les élèves, mais aussi « une meilleure acuité visuelle, de meilleurs résultats en résolution de problèmes ainsi qu’une plus grande créativité » (Martens, 1982 cité dans Jensen 2001).

Vivre des pauses en mouvement

Animer (ou faire animer par des élèves) une petite séance d’étirements, de dégourdissement ou d’exer-cices plus vigoureux au besoin4. Encore, s’étirer permettrait de s’éveiller physiquement par une « augmentation de la circulation du liquide céphalora-chidien vers les aires cérébrales importantes » (Jensen, 2000).

utiliser l’expression corporelle pour rendre les apprentissages ludiques

Par exemple, les élèves résument une règle de gram-maire ou revoient le cycle de l’eau par un sketch, un mime, une chanson, une charade, etc. D’ailleurs, il serait recommandé d’habituer les élèves « à faire quo-tidiennement, ou au moins une fois par semaine, des jeux de rôles » (Jensen, 2001).

conclusionBien que ce texte ne constitue pas une recension exhaustive des écrits sur le sujet, il rapporte un nombre considé-rable de liens entre le fait de bouger et

celui d’apprendre. De toute manière, l’activité physique est bien connue pour ses bienfaits comme la réduction du stress ou l’amélioration de l’humeur (ParticipACTION, 2013; Comité scien-tifique de Kino-Québec, 2011) et ces aspects ne sont pas négligeables dans la journée des élèves et celle des ensei-gnants. Concernant le rôle de l’école, certains auteurs (Saint-Jacques, 1986;

Jensen, 2001) croient que celle-ci détient une responsabilité quant au temps que les élèves mettent à bouger dans leur journée en déplorant notamment trop

de position assise. On suppose même « qu’avec les années, les enfants apprennent l’im-mobilité requise en classe » (Saint-Jacques, 1986). Enfin, considérer l’apprenant dans

une approche globale, soit tant la tête que le cœur et le corps, demeure la recommandation des auteurs cités dans ce texte qui encouragent les ensei-gnants à intégrer l’éducation physique, les arts et le mouvement général dans la classe, dans l’ultime but de favoriser les processus complexes d’apprentis-sage de leurs élèves.

L’activité physique est bien connue pour ses bienfaits comme la réduction du stress

ou l’amélioration de l’humeur et ces aspects ne sont pas négligeables dans la journée

des élèves et celle des enseignants.

références• Cameron, C. (2011). Est-ce que l’école que

fréquente votre enfant est un lieu aussi actif qu’il pourrait l’être? Récupéré le 24 janvier 2013, de http://www.participaction.com/fr/est-ce-que-lecole-que-frequente-votre-enfant-est-un-lieu-aussi-actif-quil-pourrait-letre/

• Comité scientifique de Kino-Québec : Godin, G., Laberge, S., et Trudeau, F. (2011). L’activité physique, le sport et les jeunes – Savoir et agir. Secrétariat au loisir et au sport, ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Québec : Gouvernement du Québec.

• Dwyer, T., Sallis, J. F., Blizzard L., Lazarus R., et Dean, K. (2001). Relations of Academic Performance to Physical Activity and Fitness in Children. Pediatric Exercise Science, 13, p. 225-237.

• Jensen, E. (2000). Moving with the Brain in Mind. Educational Leadership, vol. 58, no 3, p. 34-37.

• Jensen, E. (2001). Le cerveau et l’apprentissage. Montréal : Chenelière/McGraw-Hill.

• Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2006). Programme de formation de l’école québécoise. Éducation préscolaire et enseignement primaire. Québec : Gouvernement du Québec.

• Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2011). Pour un virage santé à l’école : état de la situation Récupéré le 10 mars 2013, de http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/viragesante/ index.asp?page=situation

• ParticipACTION (2013). Bouger : les bienfaits de l’activité physique Récupéré le 10 mars 2013, de http://www.participaction.com/fr/get-moving/benefits-of-physical-activity/

• Saint-Jacques, D. (1986). Corps et mouvement à l’école. Revue des sciences de l’éducation, vol. 12, no 1, p.71-88.

• Trudeau, F., et Shephard, R. J. (2008). Physical Education, School Physical Activity, School Sports and Academic Performance. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 5(10), p. 1-12.

—notes1. Le Programme de formation de l’école québécoise

(MELS, 2006) fait mention du phénomène de sédentarité chez les jeunes et « au Québec, en 2004, plus d’un garçon sur quatre (26,5 %) et près d’une fille sur deux (49,2 %) de 6 à 11 ans faisaient moins de sept heures par semaine d’activité physique d’intensité moyenne ou élevée durant leurs loisirs » (Comité scientifique de Kino-Québec, 2011).

2. On rapporte que « la prévalence de l’obésité chez les enfants et les adolescents canadiens au cours des 25 dernières années a pratiquement triplé, passant de 3 % à 8 % » (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2011).

3. La Fondation des maladies du cœur de l’Ontario met à la disposition des enseignants du primaire la trousse Sautons dans l’éducation à la santé qui inclut des activités de cordes à sauter liées aux domaines des langues, des mathématiques, des sciences, des arts et de l’univers social, dans le but de favoriser l’activité physique et de stimuler les diverses intelligences multiples des élèves.

4. L’organisme Québec en Forme, à l’origine des « Pauses-action » fait le pari que cette pause de travail constitue un excellent investissement dans la concentration et l’énergie imminentes des élèves.

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L’éducation aux médiaS… une Voie à PriViLégier!

émilie leFrançoiS

Sonia leFebVre

comPétenceS tranSVerSaLeS

Conseillère pédagogiqueCégep de [email protected]é du québec à trois-riviè[email protected]

é tant donné l’omniprésence des médias dans la société, les enfants d’aujourd’hui sont exposés de plus en plus tôt à ces derniers. Regarder la télé-vision, écouter la radio, feuilleter des magazines, consulter des sites Internet, suivre ses amis sur des blogues ou des réseaux sociaux sont autant d’exemples qui reflètent la réalité des jeunes d’au-jourd’hui. Comment alors les préparer à faire face au flot d’informations prove-nant de ces médias?

—un constatUne observation que nous avons faite en côtoyant des élèves du primaire est que la télévision influence leur représentation de la réalité. Par exemple, lorsqu’inter- rogé sur ses connaissances de l’Afrique du Sud, un garçon de 6e année a répondu que les habitants étaient de race noire, pauvres et ne savaient pas lire. Con-fronté à un livre qui présentait, au sujet de ce même pays, des enfants à la peau blanche, anglophones et de familles aisées, l’élève croyait fermement que l’auteur avait fait une erreur!

La situation exposée illustre bien la capa-cité des médias d’influencer notre façon d’envisager la réalité. Toutes les infor-

mations emmagasinées dans le cerveau, consciemment ou non, modèlent la façon dont nous percevons notamment la santé, l’image du corps, le succès, les relations et le bonheur (Potter, 2004).

Par conséquent, il nous semble que l’en-seignant ait un rôle à jouer pour préparer les élèves à développer un jugement cri-tique au regard de la quantité d’informa-tions qui circule.

mission de l’école au regard des médias Comme le mentionne Piette (2006), l’école a la responsabilité de voir au développement de la pensée critique des élèves en ce qui a trait aux médias. Dans cet esprit, le Programme de for-mation de l’école québécoise invite les enseignants à intégrer l’éducation aux médias, et ce, dès le préscolaire. L’orien-tation du domaine général de formation axé sur les médias insiste entre autres sur la nécessité de distinguer les situa-tions réelles et fictives. Du côté des compétences transversales, celle rela-

tive au jugement critique souligne que les médias représentent, tout comme la politique et la religion, des sujets qui demandent à ce que l’élève exerce un jugement critique pour faire des choix

éclairés. Quant à la compétence no 6 Exploiter les TIC, l’école a le mandat d’amener les élèves à diversifier l’usage qu’ils font des technologies, en plus de développer un sens critique à leur endroit. De leur côté, les enseignants doivent, à la lumière de la compétence no 8 du référentiel des compétences pro-fessionnelles à l’enseignement (MEQ, 2001), développer un regard critique par rapport aux outils technologiques et amener les élèves à faire de même.

éduquer aux médiasFaire de l’éducation aux médias signifie « prendre le temps de s’arrêter sur les productions médiatiques, leurs origines et la manière dont elles ont été réali-sées, diffusées et consommées » (Piette, 2003). Cela suppose de s’interroger sur la façon dont le consommateur reçoit les messages diffusés et les impacts que ces derniers peuvent avoir sur lui.

Piette (1996) recense sept perspectives de l’éducation aux médias qui peuvent s’avérer fort utiles pour outiller l’ensei-gnant désireux de faire vivre à ses élèves des situations pédagogiques en lien

Toutes les informations emmagasinées dans le cerveau, consciemment ou non, modèlent la façon dont nous percevons notamment la santé, l’image du corps, le succès, les relations et le bonheur (Potter, 2004).

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Conseillère pédagogiqueCégep de [email protected]é du québec à trois-riviè[email protected]

1996). Il est question des dimensions économiques et politiques des médias qui véhiculent les idées et les valeurs des membres des classes dominantes. Apportez en classe des textes prove-nant de différentes sources et analy-sez-les avec les élèves. Amusez-vous à trouver les informations qui diffèrent d’une source à l’autre. Vous pourrez ainsi montrer que les choix effectués par l’équipe de production influencent le contenu qui sera diffusé aux lecteurs.

La perspective sémiologiqueLe sens des messages véhiculés par les médias est au cœur de cette perspec-tive. Il s’agit d’analyser la façon dont les messages s’imposent aux récepteurs par l’image et le son (Piette, 1996). Présentez une publicité aux élèves. Demandez-leur ce qui les attire dans cette publicité et les raisons. Les couleurs, la musique, le slo-gan, la personne qui présente le produit sont autant d’éléments à aborder pour comprendre ce qui influence le désir de se procurer un produit.

La perspective éthique Cette perspective a pour objectif de démystifier les différentes valeurs véhi-culées (ex. : beauté, violence) par les médias et de réfléchir à leur impact sur ses valeurs personnelles et celles de la société (Piette, 1996). Utilisez des vidéos disponibles sur le Web. Certaines montrent, par exemple, le parcours de la photographie d’une jeune femme à par-tir du studio de photographie jusqu’au panneau réclame. On y voit les modifi-cations apportées à l’aide d’un logiciel de traitement de l’image : les yeux sont agrandis, le cou allongé et les défauts masqués. Invitez vos élèves à réfléchir à leur propre perception de la beauté et à la place qu’elle occupe dans la société.

La perspective culturelleL’intérêt de la perspective culturelle est d’analyser la façon dont les médias témoignent de l’évolution culturelle de la société. Cette dernière est soumise à une influence très grande des médias qui imposent leur vision du monde (Piette, 1996). Apportez en classe des catalogues ou circulaires qui datent de quelques années. Demandez aux élèves de se pro-noncer par exemple sur les styles vesti-mentaires, la coiffure ou les produits vantés dans ces documents. Ils consta-teront que ce qui est beau et à la mode change avec les années.

La perspective pratiqueL’objectif est d’initier les élèves à la pro-duction médiatique, aux techniques et procédés de production de la commu-nication audiovisuelle (Piette, 1996). En équipe, invitez les élèves de votre classe à créer une publicité d’un objet et demandez-leur de la présenter au reste du groupe. Attardez-vous alors à mettre en lumière les mots qui ont été choisis, le public visé et les expressions utilisées pour mieux aider à mettre en valeur le produit ou l’objet choisi.

—en conclusionDans un contexte où les jeunes consom-ment de plus en plus de médias et sont exposés à un flot important d’informa-tions, il peut vous sembler difficile de suivre vos élèves. Prenez alors la voie de l’éducation aux médias! Vous contribue-rez ainsi au développement de citoyens avertis dans un monde médiatique et technologique qui ne cesse de s’accroitre.

—références• Ministère de l’Éducation (2001). Programme de

formation de l’école québécoise. Québec : Ministère de l’Éducation.

• Ministère de l’Éducation (2001). La formation à l’enseignement. Les orientations, les compétences pro-fessionnelles. Québec : Ministère de l’Éducation.

• Piette, J. (1996). Éducation aux médias et fonction critique. Montréal : L’Harmattan.

• Piette, J. (2003). Développer la pensée critique des élèves par l’éducation aux médias. Vie péda-gogique, 129 (novembre-décembre), p. 42-46.

• Piette, J. (2006). La démarche d’enseignement en éducation aux médias. Récupéré le 12 décembre 2006, de http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/viepedagogi que/numeros/vp140_DemarcheEnsEducMedias.pdf

• Potter, J. W. (2004). Theory of Media Literacy : A Cognitive Approach. California : SAGE Publications.

avec les médias. Elles sont présentées dans le tableau ci-haut.

La perspective des effetsIl s’agit d’éduquer les élèves aux dan-gers des médias, c’est-à-dire aux effets qu’ils peuvent avoir sur eux et sur leur développement psychologique (Piette, 1996). Il y est notamment question de désinformation, d’images déformées de la réalité et de comportements antiso-ciaux : intimidation, racisme, sexisme, etc. Proposez à vos élèves un projet dans lequel ils auront à réaliser une recherche sur un sujet en lien avec les dangers des médias, appuyée de témoi-gnages, et à diffuser les fruits de ce tra-vail sur le Web ou lors d’une journée consacrée aux médias à l’école.

La perspective des usages et des satisfactions Prendre conscience de ses habitudes de consommation relève de cette pers-pective (Piette, 1996). C’est amener les élèves à avoir une meilleure connais-sance de leurs habitudes de manière à ce qu’ils développent des critères per-sonnels qui guideront leur consom-mation des médias. Remplissez, vous et vos élèves, un sondage sur vos habi-tudes de consommation médiatique en indiquant, par exemple, le nombre d’heures passées hebdomadairement à regarder la télévision, à naviguer sur Internet, etc. Amorcez ensuite en groupe une réflexion et ciblez des pistes d’action à mettre en œuvre pour limiter ou orienter différemment vos consommations respectives.

La perspective critique Le but est de mettre en lumière le rôle des médias dans l’uniformisation des points de vue dans la société (Piette,

Perspectives en éducation aux médias recensées par Piette (1996)PerSPectiVeS obJet

Des effets Dangers des médias

Des usages et des satisfactions Habitudes de consommation médiatique

Critique Uniformisation des points de vue

Sémiologique Sens des messages véhiculés par l’image et le son

Éthique Valeurs véhiculées et l’impact de ces dernières

Culturelle Initiation à la production médiatique

Pratique Traitement du message par la société

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jaCqUeS Salomé psychosociologue, conférencier et écrivain www.j-salome.com www.institut-espere.com

chroniqueS Je rêVe d’une écoLe

Une école heureuse

désirer avoir pour tous les enfants, qu’ils soient les nôtres ou non, une école heureuse, c’est le désir de beaucoup de parents, d’enfants et d’enseignants.

Aujourd’hui, ce désir parait à beaucoup peu réaliste et a, semble-t-il, du mal à s’inscrire dans un projet cohérent, validé à la fois par les enseignants, les parents et les instances décisionnaires qui elles sont souvent dépendantes de la politique ou coincées dans des rapports de force liés à l’économie et à des confrontations idéologiques trop souvent paralysantes.

Rêver de pouvoir mettre leurs enfants dans un environnement d’enfants et d’adultes qui auraient ensemble le gout et les moyens de cultiver le bonheur au quotidien. De concevoir des écoles qui soient des lieux d’échanges et de par-tages où il serait possible d’apprendre à être plus heureux. De créer ainsi un espace où les enfants auraient la possi-bilité de renoncer à la violence verbale et physique pour mettre en pratique quelques règles d’hygiène relationnelle commune indispensables pour échan-ger de façon non violente, pour commu-niquer de façon conviviale.

Une école qui permettrait, aux enfants et aux futurs adultes, non seulement de développer en eux des qualités spé-cifiques pour inscrire du bonheur dans leur vie, mais qui les aiderait à ne pas entretenir les multiples tentations qui existent pour se rendre malheureux. En particulier, en leur permettant de mieux différencier leurs besoins de leurs désirs

et ainsi de ne pas devenir des consom-mateurs effrénés, de ne plus être la cible privilégiée de marchands et d’industriels qui sont habiles à développer des straté-gies de mise en dépendance pour agran-dir leur emprise.

Une école qui leur apprendrait à voir le beau, à le protéger et à l’aimer.

Une école qui permettrait à chacun d’être entendu dans les différents registres qui sont la marque d’une relation vivante, quand les échanges peuvent se vivre dans la réciprocité. Comme pouvoir s’exprimer sur des idées, mais aussi des ressentis, des sentiments, des croyances ou du faire.

Une école qui les aiderait à mieux distin-guer, dans leur vécu, ce qui relève d’un fait, d’un évènement direct ou indirect qui les a affectés ou touchés, de ce qui rejoint leur ressenti (qu’il soit positif ou négatif) ou de ce qui sera touché en eux à travers ce qu’on appelle le retentissement qui les renvoie à des évènements antérieurs, voire à leur petite enfance, ou encore à leur histoire personnelle et familiale.

Une école qui favoriserait l’échange, le partage, la mise en commun en apposi-tion : je mets mon point de vue face à celui de l’autre. Je propose mes connaissances

et accepte de les confronter avec d’autres sans les confondre avec des croyances.

Une école qui éduquerait à la joie, c’est-à-dire à la possibilité de s’émerveiller et de s’étonner des miracles permanents de la vie.

Une école qui aurait le souci d’aider chaque enfant et adolescent à entrer en contact avec ce qui est au cœur de l’existence, la VIE qui est au profond de chacun. Cette parcelle de VIE que cha-cun d’entre nous a reçue en dépôt au moment de sa conception.

Une école qui cultiverait la curiosité et la liberté de penser différemment, avec tolérance et ouverture, pour permettre une confrontation directe et non susciter des affrontements ouverts ou larvés.

De cette école, beaucoup d’adultes en ont la vision, en perçoivent les prémices, anti-cipent sa réalisation, sans toujours pou-voir en partager et en construire le projet.

Cette école heureuse est aujourd’hui dans les mains des enseignants, des parents, des enfants et de tous les adultes qui pourraient se mobiliser pour en construire les fondations.

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mylène leroUx professeure en formation pratique et administratrice à l’aqep Université du québec en outaouais gatineau Chercheuse associée au CriFpe [email protected]

chroniqueS regard Sur deS PratiqueS inSPiranteS

Entrevue avec Josée Malo, une enseignante passionnée qui ouvre toute grande la porte de sa classe…

que sont les relations école-famille- communauté pour vous? Personnellement, je perçois toujours la classe comme une équipe. Les parents sont des éducateurs autant que moi. Notre visée commune est la réussite et le cheminement de l’enfant. Nous avons une vie commune pendant une année. En 4e année, je considère que l’enfant devient responsable de ses apprentissages et nous, nous sommes des accompagna-teurs. À cet âge, l’adulte doit, selon moi, être moins présent; l’enfant doit devenir la pierre angulaire, le premier agent de ses apprentissages. Il peut prendre plus sa place, déterminer ce qu’il veut apprendre et comment il veut apprendre.

Alors pour moi, c’est important que l’en-fant se sente le premier concerné, puis les parents et moi nous l’accompagnons. Il y a plusieurs gestes que je fais dans ce sens. D’abord, à la première rencontre avec les parents, ce n’est pas moi qui suis devant la classe, ce sont les enfants qui expliquent à leurs parents. Donc, déjà, l’année commence avec ce point de vue : l’enfant est en action et nous sommes là pour l’appuyer.

quelle importance ont ces relations pour vous, en tant qu’enseignante?C’est primordial pour l’enfant, pour qu’il sente qu’on se comprend bien ses parents, lui-même et moi, qu’on a une bonne communication. C’est la base et je leur dis régulièrement. Je promeus sou-vent les parents auprès d’eux et je leur rappelle qu’eux-mêmes ont aussi un rôle à jouer comme élève.

comment les intégrez-vous dans votre enseignement, au quotidien?Je travaille beaucoup en projets et lorsque les parents, les grands-parents ou autres veulent participer et venir nous renseigner sur des choses, ils sont toujours les bien-

venus dans la classe. Par exemple, dans un projet sur le Moyen Âge, nous avons construit des catapultes et les parents qui ont manifesté l’intérêt de nous aider sont venus en classe. Un papa d’origine fran-çaise nous a aussi rendu visite pour nous parler du Moyen Âge. Donc, dès qu’ils ont un intérêt et qu’ils peuvent s’impliquer, je communique avec eux et ils sont invités en classe.

Comme je le disais aussi tout à l’heure, à la première rencontre de parents, ce sont les enfants qui présentent leur travail et qui expliquent le fonctionnement de la classe. Je demande aussi aux parents d’écrire un petit mot personnel à coller dans le

Ce printemps, nous avons interviewé Josée Malo qui enseigne au 2e cycle à la Commission scolaire de Saint-Hyacinthe. Cette enseignante, qui a 25 années d’expérience, n’hésite pas à ouvrir la porte de sa classe et à travailler en collaboration étroite avec les familles et la communauté pour favoriser l’apprentissage et la réussite de ses élèves. Nous présentons ici l’essentiel de ses propos, qui ont été légèrement reformulés.

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pupitre de leur enfant. Ils peuvent égale-ment écrire un mot pour tout le groupe sur des cartons que nous affichons dans la classe toute l’année. Donc, les enfants sentent vraiment la présence de leurs parents dans la classe.

Cette année, nous avions aussi un pro-jet d’école en univers social, Un monde à découvrir. Je savais qu’il y avait un papa de mon groupe de l’an passé qui aimait beau-coup raconter des légendes, alors je l’ai rappelé pour qu’il vienne à l’école. J’avais également des amis passionnés de folk-lore qui sont venus faire une prestation à l’école. L’OPP (Organisme de participation des parents) nous a aussi aidés dans notre projet. Bref, j’essaie d’utiliser toutes les res-sources qu’il y a dans le milieu pour contri-buer au projet ou au thème abordé. Pour ce projet, chaque classe devait structurer son milieu. Pour les élèves de maternelle, c’était leur maison, leur famille. Ensuite, on allait plus loin avec la rue, le village. Au 2e cycle, c’était la région administrative et au 3e cycle, le pays. Alors, chaque ensei-gnant avait structuré le milieu, déterminé ce que ça prenait pour former un milieu.

gneur de Saint-Hyacinthe. Donc, ce sont encore des personnes du milieu qui se sont impliquées. Alors, tout dépendant du thème abordé, je me fais une banque de ressources autour de l’école et je les contacte pour sonder leur intérêt à participer à nos projets. S’ils sont intéressés, on construit ensemble la ren-contre avec les élèves.

Ça, c’était pour l’école, mais les projets ont aussi lieu dans ma classe. Par exemple, ce projet m’a fait découvrir un groupe folklo-rique qui s’appelle Vent du Nord (http://www.leventdunord.com/). Leurs chan-sons parlent beaucoup du Québec et j’ai voyagé avec leur album toute l’année, car cela pouvait toucher tous mes thèmes. De plus, chaque année, je change de projet. Je pense à des thèmes puis je sonde l’intérêt des enfants et nous partons ensemble dans ces projets-là. Donc, cette année, comme la colonne vertébrale de l’école était en uni-vers social, cela m’a donné plein d’idées. J’ai alors organisé mon année en quatre thèmes reliés au programme d’univers social. Je vois ensuite les ressources dispo-

de voir l’enseignement. Je trouve que la démarche constructive était présente avant la réforme, notamment dans les sciences.

Ma façon de voir était alors beaucoup plus axée sur la démarche scientifique; c’est une autre perspective de l’enseignement qui est peut-être moins séquentielle. Cela m’a vraiment ouvert de nouveaux horizons et ça a pris tout son sens quand j’ai eu la 4e année, car je connaissais une stabilité qui me permettait alors d’être moi-même et de construire avec le milieu.

Pour impliquer les parents, ça part beaucoup des enfants. Selon les thèmes qu’on aborde, ils viennent souvent me parler d’un parent ou d’un grand-parent qui s’intéresse à ce sujet. Alors je ques-tionne l’enfant pour savoir si ce parent ou grand-parent aurait envie de venir dans la classe et je vois comment il réagit à cette proposition. Je laisse donc l’enfant faire les premiers pas et s’il me revient avec cela, je communique avec la famille pour expliquer le projet et envisager la partici-pation possible. Il arrive aussi qu’on invite les parents pour leur présenter nos réali-sations à l’issue d’un projet. Et souvent, si on présente quelque chose, on invite aussi les autres classes parce que pour moi, la communauté se situe aussi à l’in-térieur de l’école.

quelles raisons vous motivent à développer ces relations?La motivation que cela crée chez les enfants… Ils sont reconnus dans le travail qu’ils font. Ils sont beaucoup plus moti-vés, car ils savent où ils s’en vont dans le projet et ce qu’on va en faire, alors ils quintuplent leurs efforts. Le moteur que je veux allumer s’allume de lui-même, ce qui fait que c’est évidemment moins lourd pour moi. Nous sommes alors tous des agents qui contribuons à construire les projets et on se partage les efforts!

quels bénéfices ou retombées voyez-vous au fait d’avoir de bonnes relations école-famille-communauté pour votre enseigne-ment, mais aussi pour les élèves?Chez les élèves, je crois que cela crée une ouverture. Au terme des projets, ils en ressortent généralement gagnants, car ils sont vraiment imprégnés de leurs apprentissages. Tout cela contribue aussi au développement de leur estime de soi. La visite d’un parent peut stimuler les

Puis, en novembre et décembre, on entrait dans l’identité québécoise, le folklore, alors on avait un thème d’arts. On tou-chait à l’art québécois et chaque classe était impliquée. C’est à ce moment qu’on a bâti ensemble un spectacle, entre autres avec le papa qui racontait des légendes et mes amis qui faisaient du folklore. C’était génial ce spectacle! Il y avait des personnes de toutes les générations sur la scène, de 5 à 87 ans. On alternait entre les numéros d’enfants et les numéros d’adultes. Par la suite, en mars et avril, chaque classe devait travailler sur un personnage historique québécois. Alors, j’ai appelé au Centre d’archives de Saint-Hyacinthe et deux per-sonnes bénévoles, passionnées d’histoire, sont venues nous parler du premier sei-

nibles dans le milieu, j’établis mes liens et si les gens souhaitent venir, on structure davantage leur participation. C’est une construction, on bâtit avec eux.

C’est sûr qu’avec le temps, comme ça fait longtemps que j’enseigne, mon réseau de relations s’agrandit. Je me fais une banque de personnes que je peux contacter à divers moments, selon les thèmes. Alors, j’utilise beaucoup les ressources du milieu. Ça fait environ 10 à 15 ans que j’enseigne de cette façon, depuis que je suis en 4e année. Dans mes premières années d’enseigne-ment, alors que j’avais un statut précaire, je me suis retrouvée à consacrer une par-tie de ma tâche (20 %) uniquement aux sciences. Ça m’a ouvert à une autre façon

C'est important que l’enfant se sente le premier concerné, puis les parents et moi nous l’accompagnons.

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interactions sociales pour son enfant, car les autres s’intéressent à ce qu’il vit et lui posent des questions.

Les parents me disent aussi que les visites en classe leur donnent accès à une autre dimension; ils entendent parler de ce que l’on fait en classe, mais quand ils nous rendent visite, ils peuvent le vivre. Pour ce qui est des divers intervenants du milieu, ils sont heureux de pouvoir contribuer à transmettre les connaissances. Cela apporte une variété de façons par les-quelles l’enfant peut apprendre. Chacun a sa façon de faire les choses et de raconter, donc les enfants ont accès à une grande diversité d’apprentissages.

Les projets, c’est agréable pour nous aussi évidemment! Moi, je dis souvent que je m’invente une vie chaque année! Vraiment, je ne pourrais pas revenir en arrière et vivre ce que moi je vivais étant enfant, un enseignement beaucoup plus traditionnel.

rencontrez-vous certains défis dans vos démarches? Lesquels? comment surmon-tez-vous ces obstacles?Jusqu’à maintenant, les interventions des parents ont presque toujours été riches. Par contre, je peux m’imaginer des moments où la présence d’un parent peut être moins bénéfique ou profitable pour les élèves, ou alors des personnes qui peuvent avoir des intentions différentes

des miennes. Comme enseignante, c’est certain que je prends un risque quand j’invite un parent. Par exemple, je me rap-pelle un projet sur l’histoire de l’écriture pour lequel j’avais contacté une maman qui travaillait la céramique pour savoir si elle voulait faire une activité avec nous. Nous avions fait une plaque d’argile pour travailler l’écriture sumérienne. À la dernière minute, la maman avait décidé d’amener sa voisine dans la classe pour voir ce qui se passait. C’est arrivé une seule fois, mais l’intention n’est jamais de simplement venir voir ce qui se passe, mais de contribuer aux activités.

C’est certain aussi que lorsque c’est du nouveau chaque année et qu’on ouvre les portes de l’école ou de sa classe, cela peut devenir insécurisant pour les ensei-gnants. Il faut avoir une personnalité

assez forte. Il faut y croire! Il ne faut pas compter son temps et il est important de miser sur sa mission et son profession-nalisme. Moi j’y vais avec des élans; ce qui me motive ce sont les personnes qui embarquent dans les projets et qui sont passionnées. Leur désir d’être en contact avec les enfants et de vivre cela avec eux. Et évidemment aussi, c’est la motivation des enfants qui est très stimulante.

Il faut aussi faire attention à nos attentes, je crois. La « nourriture » ne vient pas tou-jours de là où on pense. Personnellement, je me nourris de ma démarche et j’ai du plaisir là-dedans. Rencontrer plein de gens et construire des choses différentes, ça apporte beaucoup aussi.

Enfin, parfois il y a le manque d’habileté de certains intervenants à communiquer avec les enfants ou la fermeture que l’on

peut rencontrer. Certaines per-sonnes, que ce soit dans l’école

ou à l’extérieur, n’embarquent pas ins-tantanément non plus. Il faut parfois être stratégique pour stimuler les gens et les convaincre. Chacun doit être libre de s’impliquer à sa manière. Et il faut savoir se trouver des alliés et leur faire confiance, que ce soit la direction ou les collègues, pour nous soutenir dans ce travail de persuasion. Parfois aussi, il faut laisser passer un peu de temps pour que les idées fassent leur chemin, ne pas s’ar-rêter aux premières réactions qui peuvent être réfractaires au début. Sinon, eh bien on peut aussi se concentrer sur sa propre classe, sans nécessairement exposer ce que l’on fait aux autres. On ne doit pas non plus s’arrêter à ce que certaines per-sonnes peuvent dire; il faut savoir établir ses priorités. Pour moi, ce sont les élèves, ce que j’ai envie de leur transmettre.

quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une personne qui aimerait développer davan-tage les relations école-famille-commu-nauté dans sa classe?Je crois qu’on peut fonctionner de cette façon quand on connait bien le pro-gramme et les compétences à développer chez les élèves. C’est difficile de faire tout cela dans les premières années où on s’approprie le curriculum. Au moment de l’insertion professionnelle, on a aussi besoin d’intégrer son équipe-école et on est très sensible aux jugements. On est en train de construire son identité, donc il faut se laisser du temps pour en arriver à oser être différent.

Il faut aussi préparer les parents et les divers intervenants avant leur visite en classe ou dans l’école. Il faut discuter avec eux, leur expliquer notre vision, notre motivation, et leur faire part du vécu des élèves. Il est nécessaire de les préparer à ce qu’est la réalité d’une classe pour qu’ils se sentent en confiance.

Enfin, il faut aussi préparer les élèves en leur expliquant nos intentions et les raisons pour lesquelles la personne vient dans la classe. Il faut aussi trouver de quelle manière on va intégrer les infor-mations transmises par les intervenants, ce qu’on va en faire par la suite. Ils sont alors beaucoup plus réceptifs.

en un mot, les relations école-famille-communauté c’est…?La vie! Ça respire, c’est une inspiration et une expiration!

Pour voir quelques photos et obte-nir plus d’informations sur le projet d’école Un monde à découvrir, vous pouvez visiter le site : http://www.cssh.qc.ca/MyScriptorWeb/scripto.asp?mode=print&resultat=174690P

Ce qui me motive ce sont les personnes qui embarquent dans les projets et qui sont passionnées. Leur désir d’être

en contact avec les enfants et de vivre cela avec eux.

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chroniqueS cinéma

annie DUbUC enseignante au 2e cycle externat mont-jésus-marie montréal [email protected]

une fois de plus, vous voilà devant la saison des cornets de crème glacée, des promenades au grand air et du crayon rouge rangé. Et peut-être aussi la saison pendant laquelle vous comptez voyager? En avion? En bateau? À vélo? Toutefois, cela m’étonnerait que vous ayez planifié un voyage en radeau comme a su le faire Pi (Suraj Sharma) dans le très beau film L’histoire de Pi produit par Gil Netter et David Womark en 2012.

Loin d’être un film d’action, L’histoire de Pi, avec ses deux heures sept minutes, sait malgré tout capter l’attention du spectateur par la finesse des images ainsi que par les dialogues de Pi Patel, tant avec les animaux qu’avec lui-même. Si vous avez l’âme voyageuse et que vous n’avez pas le mal de mer, je vous invite donc à écouter L’histoire de Pi, une pro-duction cinématographique scénarisée entre autres par Yann Martel, l’auteur du roman du même titre que le film, qui saura vous emmener là où vous n’auriez peut-être pas pensé aller cet été : dans une chaloupe avec un tigre, un zèbre, un singe et une hyène! Pour plusieurs jours. Tout un défi, me direz-vous? Oui, en effet! Or, en tant que pédagogue, souvenons-nous aussi qu’il y a des indi-vidus qui sont placés devant des défis quotidiens et qui savent y faire face la tête haute, ou avec une aide quelconque. J’ai nommé : vos élèves!

Le film L’histoire de Pi, comme je l’ai souligné précédemment, offre une pro-

L’histoire de Pi : une traversée pas comme les autres!

duction de qualité magnifique, mais prend aussi le temps de montrer des moments du passage de Pi à l’école. Des passages teintés par des moque-ries répétitives dues à son prénom. Des moqueries pouvant blesser Pi. Touché par les commentaires désagréables de son entourage scolaire, ce jeune garçon, plutôt que de rester dans une attitude négative, arrive à une stratégie pour montrer aux élèves qu’il mérite d’être apprécié simplement, sans être la cible des moqueries de la part d’autrui. Comment y parvient-il? Par une subti-lité mathématique qu’il fera connaitre à son groupe-classe. Son tact saura en impressionner plus d’un dans la salle. Peut-être le serez-vous?

Voilà donc un film reposant qui vous amènera de l’Inde vers l’Amérique, en passant par un zoo, une ile et un océan.

Bon voyage en chaloupe et bonne ren-contre avec le tigre!

une fois, c’est déjà trop!Taquiner, cela peut mettre de la vie envers autrui. Certes. Toutefois, se moquer dépasse le niveau de la moque-rie. Et pourtant, il y a des élèves qui n’hésitent pas à se moquer d’autrui pour diverses raisons : une coiffure dif-férente, des vêtements particuliers, des rendements scolaires plus faibles, un prénom inhabituel, etc. Malheureuse-ment, les moqueries peuvent aussi tou-cher d’autres sphères de la vie entourant

l’élève ciblé. Pourquoi cet élève reçoit-il ces propos? Il faudrait plutôt le deman-der aux personnes qui les mentionnent. Si je prends en exemple des situations scolaires déjà observées, les motifs sont souvent dépourvus « de bonnes raisons », comme dans le film L’histoire de Pi. En effet, lorsque Pi reçoit des commentaires moqueurs quant à son prénom relié à une piscine en France, il « absorbe » les moqueries, mais reste « touché » malgré tout. Ces paroles freineront avec le temps après que Pi aura pris la parole à sa manière devant les groupes d’élèves.

Voilà un défi pas toujours facile à relever pour un élève vivant des situations de moqueries. Une, c’est déjà désagréable. Une, c’est déjà trop!

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une résolution de problème… sur l’océanFaire une résolution de problème au milieu d’un océan n’est pas chose com-mune au primaire! C’est vrai! Or, com-prendre les aspects importants pour réussir à en compléter une, voilà un film parfait pour y arriver! En effet, en remarquant la patience de Pi pour vivre auprès du tigre dans un espace aussi restreint qu’une chaloupe et en portant un œil sur les stratégies choisies par ce même jeune homme pour survivre en mer permet d’offrir aux élèves des images sur les aptitudes à développer pour résoudre leurs situations com-plexes en mathématique. En faisant un parallèle entre ces scènes de débrouil-lardise de la part de Pi et les résolutions de problème qu’ont à faire les élèves en classe, cela ne donnera pas toutes les réponses à tous leurs problèmes rai-sonnés, mais ils pourront retenir quatre éléments fort utiles pour les vivre : la patience, la relecture de certaines par-ties de texte, l’organisation et le dévelop-pement de la confiance en soi.

À cela, je rajouterais, bien sûr, d’autres points importants à mettre en pratique ou à maitriser qui, sans le garantir, pour-raient au moins aider à mieux réussir

À ce moment-ci, pas de souci! Je ne vous demanderai pas de vous plonger dans la planification de vos cours d’Éthique et culture religieuse ou dans l’élaboration des stratégies à mettre en place pour instaurer des relations harmonieuses auprès de vos futurs élèves. Puisque les vacances sont plutôt inscrites à votre agenda présentement, relaxez et accueil-lez la prochaine journée de pluie pour regarder L’histoire de Pi.

Bon cinéma!Et bon voyage en mer!

les résolutions de problème, complexes et moins complexes : le surlignement des mots importants, la maitrise des connaissances utiles et la fluidité de la lecture.

Avec, évidemment, une bonne dose de persévérance, bien entendu!

regard sur l’indeIl va de soi que le film L’histoire de Pi ne pourrait être présenté sans parler du pays d’origine du très vaillant Pi : l’Inde, l’endroit où Pi a vécu avant de lever l’ancre avec sa famille. En plus d’offrir des portes d’entrée sur le res-pect des élèves envers les autres ainsi que sur les aptitudes utiles à déve-lopper en résolution de problème, ce film aux images resplendissantes rend aussi possible un lien avec certaines coutumes hindoues (ex. : vêtements, prières, croyances). Cette fenêtre sur ces éléments hindous peut donc créer un lien avec le programme Éthique et culture religieuse. Il serait à retenir tou-tefois que le film est un moyen complé-mentaire, et non un moyen didactique unique pour enseigner les coutumes et les croyances hindoues.

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martin lépine Didacticien du français Département de pédagogie Université de Sherbrooke [email protected] DemerS étudiante en enseignement Université de Sherbrooke [email protected]

des pistes didactiquesAvant l’écouteDemandez aux élèves s’ils connaissent une histoire célèbre impliquant une cigale et une fourmi. Si oui, qui en serait l’auteur? D’après eux, quelle serait la morale de ce récit? Après avoir ques-tionné ainsi les écoliers, présentez Jean de La Fontaine, son époque et ses écrits. Lisez ensuite la fable de La Fontaine (voir l’encadré pour cette version). Expli-quez aux élèves que La Fontaine, pour écrire ses fables, s’est grandement ins-piré d’un écrivain et poète grec nommé

Ésope qui a vécu plus de 500 ans avant notre ère. Faites lire le texte d’Ésope sur la cigale et les fourmis. À partir de ces deux textes, demandez aux élèves de relever des différences de forme (texte écrit en prose ou en vers) et de fond entre les deux versions, versions écrites à plus de 2000 ans d’écart. Émettez des hypothèses sur les valeurs de la société de chacune des époques en analysant la morale qui peut se dégager de cette fable. Amenez les élèves à établir des comparaisons entre les deux person-nages principaux de ces histoires : la cigale et la (ou les) fourmi(s). Pour ce faire, vous pouvez demander aux élèves d’utiliser une feuille pour la cigale et une pour la fourmi en notant, sous forme de tableau, quel auteur propose tel trait de caractère ou telle caractéris-tique physique aux personnages.

Après cette introduction historique, indiquez aux élèves que cette fable ins-pire encore les artistes contemporains, dont Alexandre Poulin. Sans trop de présentation, faites entendre une pre-mière fois la chanson La cigale et la four-mi. Notez que le texte de cette chanson demeure anonyme, Poulin ayant reçu ce texte qu’il a mis en musique.

Après une première écoute globaleDiscutez avec les élèves des ressem-blances et des différences qui appa-raissent dans cette chanson par rapport

aux fables originales. Invitez-les à faire ressortir des éléments qui montrent que ce texte n’aurait pu être écrit à l’époque de La Fontaine ou encore à l’époque d’Ésope. Donnez ensuite l’intention suivante pour la deuxième écoute : être attentif aux caractéristiques des princi-paux personnages de la chanson, incar-nés par la cigale et la fourmi, dans le but de compléter leur portrait déjà entamé dans l’exercice précédent.

Après une deuxième écoute analytique Sur les mêmes documents qui ont servi à faire ressortir les caractéristiques de la cigale et de la fourmi, demandez aux élèves, en équipe, de relever dans le texte de la chanson des informations qui viennent compléter le portrait des princi-paux personnages. Quelles sont les res-semblances et les différences entre ces personnages d’un texte à l’autre (fable en prose d’Ésope, fable en vers de La Fon-taine et chanson de Poulin)? Est-ce que la morale de la chanson correspond à celle des fables?

Après l’écoute Proposez aux élèves, seul ou en équipe, de rédiger une nouvelle version de la fable de la cigale et de la fourmi de la façon la plus originale possible. Cette nouvelle version pourrait, par exemple, être située dans un moment précis de l’histoire de l’humanité, passé, présent ou futur.

Titre de l’album : Alexandre PoulinTitre de la chanson : La cigale et la fourmiAuteur : AnonymeCompositeur-interprète : Alexandre PoulinAnnée de publication : 2008

La cigale et la fourmi : une fable ou une chanson?Les fables, sous diverses formes, font partie intégrante d’une initiation à la littérature de jeunesse. Dès le cours primaire, il est possible de travailler ces œuvres denses et complexes, tant à l’écrit qu’à l’oral. Parmi les nombreuses fables de Jean de La Fontaine, La cigale et la fourmi demeure l’une des plus populaires, ayant été reprise dans plusieurs recueils depuis des siècles. Une version moderne et chantée de cette fable est proposée dans cette chronique. L’auteur-compositeur-inter-prète Alexandre Poulin, qui se considère comme un conteur de chansons et un chanteur d’his-toires, revisite ce classique.

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activités de prolongementLes fables d’Ésope et de La Fontaine sont d’une rare richesse pour créer diverses activités en classe. Des albums illustrés de grande qualité ont été réalisés à par-tir de ces œuvres. Par exemple, Michel Potier a créé des peintures à partir des textes originaux de La Fontaine dans un recueil magnifique publié chez Mango (les références bibliographiques com-plètes sont présentées à la fin de cette chronique). Rébecca Dautremer, quant à elle, a illustré 30 fables, dont La cigale et la fourmi, dans un livre publié aux édi-tions Magnard jeunesse. Un collectif d’il-lustrateurs ont aussi adapté en bandes dessinées plusieurs des fables du poète. Un ouvrage de grand format publié par la maison d’édition Albin Michel pré-sente aussi 30 fables mises en images par 30 illustrateurs différents. Gisela Dürr et Werner Thuswaldner ont aussi illustré en noir et blanc les fables d’Ésope dans un album disponible chez les édi-tions NordSud, tout comme Michael Morpurgo qui en a fait un livre coloré en retouchant les fables du célèbre poète grec. Un album récent illustré par Jean-François Martin met en évidence la dure-té des fables d’Ésope. Tous ces exemples présentent diverses possibilités d’exploi-tation des textes de fables dans un travail en arts plastiques qui amènerait les éco-liers à illustrer une de leur fable favorite, fable qu’ils auraient sélectionnée après avoir lu plusieurs textes de ces auteurs. Ces illustrations pourraient être réalisées sous forme de dessins, en couleurs ou en noir et blanc, de peintures, de bandes dessinées… On pourrait même envisager de mettre en musique quelques-unes de ces fables et de les animer sous forme d’expérience théâtrale, ce genre poétique ouvrant les portes de l’imaginaire des jeunes et des moins jeunes.

—discographie d’alexandre Poulin• Une lumière allumée (2010) • Alexandre Poulin (2008)

—Site internet d’alexandre Poulin http://www.alexandrepoulin.com/

—Pour écouter la chanson http://www.youtube.com/watch?v=z0RmntLpxDw

—bibliographie

La cigale et la fourmiAlexandre Poulin, années 2000, Québec

La cigale et la fourmiSe sont connus quand y’étaient p’titsChantaient en duo sur les feuilles vertesRêvaient de faire des shows pis des cassettes

Ils s’étaient fait un camp en haut d’un trembleEn cure-dents pis en lacetsSans s’douter qu’avant l’adolescenceLa vraie vie les séparerait

La cigale venait d’une famille bohèmeMère effeuilleuse, père inconnuQui s’étaient connus dans un plat de fines herbesPour finir en histoire de cul

Sa mère disait : pas besoin de grand-chosePour être simplement heureuxS’faire une maison au creux d’une rosePour être à l’abri quand il pleut

Pis il suffit de chanterPour passer le tempsPis croire que tout peut arriverSi tu y crois vraiment

La fourmi, de son côtéVenait d’une famille d’ouvriersQui avait connu la grosse misèreMais c’t’ait fini, disait son père

J’veux pus qu’tu fréquentes les cigalesC’est du p’tit monde qui font rien de bon Se prélassent le jour sur des pétalesAu lieu de faire des provisions

Pis y font juste chanterPour passer le tempsAu lieu de se lever pis travaillerPour prendre des REER pis des placements

Ainsi leur route est devenue deux sentiersDeux vies, deux mondes pis deux quartiersLa cigale appelée par le grand airLa fourmi par la fourmilière

Comme partout, le temps a fonduChaque jour comme une annéeEt quand l’automne est apparuLa cigale a frappé sans retenue

J’gage que t’as juste chantéPour passer le tempsDit la fourmi endoctrinéePar le faux pouvoir de l’argent

Ben traite-moi de sans-cœur si tu veuxMais t’auras rien de mes provisionsMême si j’en ai assez pour deuxLà, paye pour tes rêves pis tes chansons

J’pense qu’on s’est mal comprisDit la cigale à la fourmiChu pas venu pour te quêter d’la bouffeMais pour te dire que je prends la route

Hier au cabaret du MaraisRené L’Ange-de-l’Ile m’a découvertJ’te dis pas ça pour faire mon fraisMais astheure y gère ma carrière

La fourmi lui répond de sa voix noire : Si tu vois Jean de La FontaineEnvoie-le donc promener de ma partSa fable, elle valait pas cinq cennes

J’aurais tant voulu chanterPour passer le tempsP’t’être juste t’accompagnerEn duo comme dans le temps

Au lieu d’ça, j’suis prisonnierD’la prison que j’me suis bâtieLe seul rêve qui reste à ma portéeC’est d’être une fourmi dans Loft Story

• Collectif (1994). Fables Jean de La Fontaine. Trente fables illustrées par trente artistes. Paris : Albin Michel.• Collectif (2006). Jean de La Fontaine. Les fables en BD. Petit à petit.• Dautremer, R. (2001). Fables de La Fontaine illustrées par Rébecca Dautremer. Paris : Éditions Magnard.• Dürr, G. et Thusealdner, W. (1994). Les fables d’Ésope. Namur : Éditions NordSud.• Mogenet, J.-P., et Martin, J.-F. (2011). Fables. Ésope. Toulouse : Milan.• Morpurgo, M., et Chichester Clark, E. (2005). Les fables d’Ésope. Paris : Gallimard Jeunesse.• Potier, M. (1995). Fables de La Fontaine. Peintures de Michel Potier. Paris : Mango.

quelques versions historiquesde la fableLa cigale et les fourmisEsope (VIe siècle avant notre ère, Grèce)

C’était en hiver; leur grain étant mouillé, les fourmis le faisaient sécher. Une cigale qui avait faim leur demanda de quoi manger. Les fourmis lui dirent : « Pourquoi, pendant l’été, n’amassais-tu pas, toi aussi, des provisions? – Je n’en avais pas le temps, répondit la cigale : je chantais mélodieusement. » Les four-mis lui rirent au nez : « Eh bien! dirent-elles, si tu chantais en été, danse en hiver. » Cette fable montre qu’en toute affaire il faut se garder de la négligence, si l’on veut éviter le chagrin et le danger.

La cigale et la fourmiJean de la Fontaine (1621 -1695, tiré du recueil Fables, France)La Cigale, ayant chanté Tout l’été,Se trouva fort dépourvueQuand la bise fut venue.Pas un seul petit morceauDe mouche ou de vermisseau.Elle alla crier famineChez la Fourmi sa voisine,La priant de lui prêterQuelque grain pour subsisterJusqu’à la saison nouvelle.Je vous paierai, lui dit-elle,Avant l’aout, foi d’animal,Intérêt et principal.La Fourmi n’est pas prêteuse;C’est là son moindre défaut.Que faisiez-vous au temps chaud?Dit-elle à cette emprunteuse.Nuit et jour à tout venantJe chantais, ne vous déplaise.Vous chantiez? j’en suis fort aise :Et bien! dansez maintenant.

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chroniqueS rat de bibLiothèque

aUDrey Cantin [email protected] responsable de la valorisation enseignante pour l'aqep école Saint-joseph (1985), montréal

VéroniqUe DeSjarDinS [email protected] école Saint-joseph (1985), montréal

Caroline tringali enseignante [email protected] école pie-xii Commission scolaire pointe-de-l'Île

Caroline Carle enseignante 2e année du 3e [email protected] école Fernand-Seguin Commission scolaire de montréal

eSther SaUro enseignantes au 3e [email protected] Val-des-arbresDanielle CoSSette Commission scolaire de [email protected]

Projet récipiendaire d'un prix Jacinthe 2013 :L'Arbre de joie, de la fiction à la réalité... ou quand lire amène à agir!

la chronique à julie Le livre du manuscrit à la librairie

ma première rencontre avec Esther et Danielle s’est passée lors du Congrès 2011 de l’AQEP. J’avais été touchée par la sensi-bilité contagieuse de ces deux enseignantes. Elles présentaient un atelier sur leur projet communautaire à partir de l’œuvre d’Alain M. Bergeron L’Arbre de Joie. Depuis rien de moins que 12 ans, ces enseignantes pro-posent à leurs élèves de 5e année de vivre un projet sociétal afin de répandre du bonheur autour d’eux. Ce projet, en plus d’être une porte d’entrée sur la bibliographie de l’au-teur Alain M. Bergeron, leur permet aussi de développer des compétences transver-sales, de comprendre le monde dans lequel ils vivent et de s’investir à l’améliorer.

inspirationEn novembre 2000, elles sont tombées par hasard sur le livre L’Arbre de Joie. Cette lecture émouvante les a inspirées pour la suite…

À l’approche de Noël, elles ont lu le roman aux élèves. Alain M. Bergeron parle d’une dure réalité : tous les enfants ne reçoivent pas un cadeau à Noël et il résume d’une façon romancée l’action communautaire de gens de son patelin, à Victoriaville, qui ont décidé d’agir et de trouver des cadeaux pour des enfants moins gâtés par la vie en instaurant un arbre de joie dans un centre commercial.

L’arbre de joieCet arbre, placé au milieu des magasins, dégage une aura de magie. Il permet à des enfants issus de milieux socioéconomiques

faibles de recevoir un cadeau à Noël, bien souvent leur seul cadeau! Au départ, l’arbre de joie est rempli d’ampoules éteintes à côté desquelles sont accrochés des noms d’en-fants démunis. L’arbre s’illumine au fur et à mesure que des personnes généreuses s’engagent à acheter un cadeau souhaité. Lorsque l’objectif est atteint, l’arbre brille de toutes ses lumières, illuminant ainsi le cœur de 500 enfants (et parfois bien plus!).

Projet sociétalDepuis douze ans, année après année, le rituel est le même à l’école Val-des-Arbres : c’est par une lecture collective du roman jeunesse que tout commence. Dès le début octobre, Esther et Danielle font la lecture du roman à leurs élèves, un moment pré-cieux, voire solennel, car quelques-uns en ont entendu parler puisque leur frère ou leur sœur ainé a déjà participé au projet. Ils sont honorés d’être rendus à faire partie du club sélect des lutins de l’arbre de joie de leur école. S’ensuit l’engagement, les jeunes doivent venir faire quelques heures de bénévolat en décembre dans l’un des deux centres commerciaux où trône l’arbre de joie.

des retombéesDepuis les débuts de ce projet, plus de 700 élèves ont été conscientisés à des réali-tés socioéconomiques différentes des leurs. Les enfants se développent à travers cette activité, ils se questionnent et changent leur vision de la société. Ils développent une

grande confiance en eux et sont fiers de leur réalisation. Ils en sortent grandis! À 10 ans, ils comprennent que le vrai sens de Noël, c’est celui de l’entraide et du partage. C’est souvent leur première expérience de béné-volat et cela les inspire à continuer à faire le bien autour d’eux. À travers ce projet, ils apprennent les bases de la solidarité et comprennent que des jeunes peuvent changer le des-tin d’autres jeunes en se donnant la main. Tout cela à partir de la lecture d’un magnifique roman jeunesse empreint de générosité et de tendresse. Wow!

des chiffres qui parlentJusqu’à maintenant, seulement pour l’arbre de joie de Laval :• 12 années consécutives;• 10 000 cadeaux remis;• 700 élèves bénévoles;• 2 arbres de joie ont « poussé » en Suisse;• 1 arbre de joie à Vancouver;• des dizaines d’arbres de joie ont « poussé » au Québec;• la 2e édition du roman d’Alain M. Bergeron porte une mention spéciale au sujet d’Esther et Danielle.

chronique rat de bibLiothèque audreY cantin

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Après une mission sur Terre, Zip est gran-dement attendu chez lui, sur la planète Zir-copix. Le problème c’est que Zip ne revient pas... À cause d’ennuis mécaniques, il est coincé quelque part entre la Terre et Zirco-pix. Ses parents, n’écoutant que leur cœur, partent à sa recherche. Retrouveront-ils Zip? Où se trouve leur fils? Est-ce que tout le monde pourra revenir sur la planète Zir-copix? C’est ce que vous saurez à la suite de la lecture du deuxième roman de la série Zip Héros du cosmos. L’humour contenu dans le texte et les illustrations ainsi que le dynamisme de celles-ci séduiront les jeunes lecteurs. L’univers du cosmos, avec les extraterrestres et les vaisseaux spatiaux, plaira certainement aux garçons. Pourquoi ne pas proposer aux élèves de découvrir les différentes planètes ou les divers astres ou corps célestes? Demandez-leur d’émettre une hypothèse sur l’endroit où se trouve Zircopix. Au fil de la lecture, les lecteurs comprendront que Zip n’est pas perdu dans l’espace mais qu’il a atterri sur Terre, à un endroit différent de sa première visite. C’est pourquoi il croit être sur une nouvelle planète. Pourquoi ne pas exploiter cette idée et proposer aux élèves de faire atterrir Zip à différents endroits sur la planète. Les jeunes pourraient décrire la faune, la flore, les gens ou les attractions touristiques des différents arrêts de Zip sur Terre. Coup de cœur : à la fin du roman, l’au-teure ajoute un petit mot de Zip dans lequel il nous donne son adresse courriel. Les lecteurs peuvent donc lui écrire et lui donner des conseils pour réparer sa sou-coupe volante. Visitez le www.zipheros ducosmos.ca pour en savoir plus!

mon LiVre deS groS inSecteS et autreS PetiteS bêteS…

Ce livre est un excellent ouvrage de réfé-rence pour vivre une thématique sur les insectes en classe. Il présente de gros insectes et des petites bêtes moins connus des jeunes. C’est ce qui le rend franche-ment intéressant! De courtes informations sur chacun des insectes rendent la lecture dynamique et facilitante pour les jeunes lecteurs. Les explications données sont claires, simples et accessibles pour des élèves du 1er cycle. Ceux-ci apprécieront aussi les illustrations « grandeur nature » des bestioles et les quatre dépliants géants inclus dans le livre. Le livre est divisé en huit sections : grands comment?, des ailes immenses, plein de pattes, l’art du camouflage, les plus meur-triers, les gros scarabées, en grandes colo-nies et les plus forts, longs, lourds.Après avoir lu cet ouvrage, les élèves seront contents de voir Microcosmos ou un autre film présentant la vie des insectes. Vous pouvez aussi vous inspirer de la vie de ces petites bestioles et faire des expériences pour comprendre l’utilité des antennes ou la façon dont la mouche voit. C’est aussi l’occasion de faire des ateliers d’écriture en ayant pour déclencheur le bourdonnement d’une abeille, des photos en gros plan d’insectes ou des extraits de films. Vous pouvez aussi faire venir un entomologiste à l’école. D’ailleurs, Stéphanie Boucher se déplace pour faire vivre aux élèves des ate-liers très intéressants. Pour en savoir plus sur ses animations, visitez son site : http://www.insectambulant.com/. N’hésitez pas aussi à consulter le site de l’Insectarium de Montréal (http://espacepourlavie.ca/insectarium).

FLûte, deS ratS!

ZiP Perdu danS L’eSPace

chronique rat de bibLiothèque Véronique deSJardinS, 1er cYcLe

johanne merCier

Zip perdu dans l’espace

illustrations de yvan Deschamps

éditions Foulire, 2012

alain m.bergeron

Flûte, des rats!

illustrations de Fil et julie

éditions Foulire, 2012

Collection « le Chât-ô en folie »

C’est avec beaucoup de plaisir que les lec-teurs retrouveront Altesse la princesse dans ce 14e miniroman de la collection du « Chat-Ô en folie ». Cette fois-ci, des rats, par mil-liers, ont envahi le château! Que faire? Qui peut sauver le royaume? Un joueur de flute réussira à enchanter les rats et à les ame-ner hors du palais, mais il ne faut pas crier victoire trop vite. En effet, ce musicien est un grand ami du vilain prince Eustache… Flûte, des rats!, comme les autres miniro-mans du « Chat-Ô en folie », est un livre à découvrir! Les illustrations sont magni-fiques, les textes sont drôles et les anachro-nismes ajoutent une touche d’humour au récit. Essayez de tous les trouver avec vos élèves et comparez vos réponses avec celles du site Web. D’ailleurs, le site Web des édi-tions FouLire regorge d’activités favorisant l’exploitation des livres en classe. Étant donné que le roman est inspiré du conte Le joueur de flûte de Hamelin, profitez de l’occasion pour lire à vos élèves la version originale et comparer le roman d’Alain M. Bergeron au conte des frères Grimm. Dif-férentes versions du conte existent aussi sur le marché et peuvent être intéressantes à lire en classe. Il est aussi possible de faire une constellation du personnage d’Altesse, d’écrire la suite de l’histoire ou d’imaginer quelle autre bestiole aurait pu envahir le royaume. Vous pouvez aussi exploiter les différents romans du « Chat-Ô en folie » pour vivre un projet ou une thématique sur les chevaliers en classe. Un gros coup de cœur pour cette collec-tion! À lire absolument!

emily boneMon livre des gros insectes et autres petites bêtes…illustrations de Fabiano Fiorinéditions héritage jeunesse, 2012

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43, rue du Vieux-Cimetière possède beaucoup d’ingrédients pour séduire : suspens, énigmes, fantômes, chasse au trésor… Cette adresse peu invitante et la trame du récit paraissent plutôt macabres, mais ne vous y fiez pas! L’humour, l’habileté de l’auteure et la forme utilisée en font la lecture la plus rafraichissante que j’aie faite depuis que je chronique cette rubrique en litté-rature jeunesse! Ce qui surprend dans ce roman est qu’il se compose uniquement d’échanges de lettres entre les personnages clés habitant au manoir de Livid City : une écrivaine fantôme aux manières précieuses, un écrivain grincheux, mais bien en vie, et un adolescent abandonné par ses parents. À eux trois, ils forment une famille cocasse et éloquente qui fait avancer l’histoire au fur et à mesure de ses « discussions ». Quelle occasion amusante pour vous de créer un partage de courrier en classe! S’y ajoutent des correspondances de personnages secondaires et des extraits de journaux. Je lève mon chapeau au traducteur qui a su conserver la subtilité de l’auteure dans les noms que j’ai pris plaisir à déchiffrer. Mes préférés : Bree O’Shoffour (boulangère), Claire Komdel-Hodrosch (avocate), Gemma C. Vossoux (banquière), et la fameuse Adèle I. Vranstock (fantôme), qui m’a posé un défi, je l’admets. Dans ce tome, un défunt s’est amusé à rédiger son testament sous forme de limericks (un poème court de forme A/A/B/B/A). On vous propose même en annexe la démarche pour écrire les vôtres. En classe, tous les types de lecteurs seront mordus! La divi-sion en petits textes plaira aux lecteurs débu-tants. Prenez plaisir à vous en faire la lecture en répartissant les personnages. Distribuez les rôles principaux entre deux enfants et attribuez des petits rôles pour les articles de journaux; vous aurez de quoi faire lire chacun, selon son niveau.D’ici la rentrée, croquez donc les trois tomes de cette lecture divertissante pour vous-mêmes! Bonnes vacances bien méritées!

Sophie, c’est « la nature des choses ». Celles qui sont simples. Les souvenirs figés comme des photos, ceux ramassés au bord de l’eau, les cadeaux « qui n’ont de valeur que celle que donne aux choses l’intention de faire plaisir ». Et c’est dans la nature des choses d’aimer les histoires de Vigneault. Ce livre est un beau récit d’amitié. Une nar-ration en forme de peinture qui décrit un village, ses gens, ses couleurs. Une fable à lire au retour des vacances pour encore un peu se la couler douce. À lui seul, l’album offre une tonne de possibilités : travailler les descriptions, les prédictions, l’aquarelle, les rimes et les émotions. C’est également une belle introduction à l’utilisation des tirets pour marquer le dialogue. Imprimés en couleur, ils sont faciles à distinguer du récit; idée à réutiliser en écriture pour éviter la confusion dans les textes des élèves. Le CD comprend la narration et neuf chansons inspirantes, mais la raison pour laquelle je redécouvre cet ouvrage édité en 2007, c’est la trouvaille d’un ajout récent : les trousses pédagogiques « À l’école de la Montagne secrète ». Disponibles pour accompagner neuf albums de la collection, les trousses contiennent un matériel incroya-blement complet qui propose des activités d’accompagnement pour le récit comme pour les chansons. On vous y offre les textes entiers à reproduire pour pouvoir les tra-vailler sans atteinte aux droits d’auteur! On touche à toutes les matières et la structure fournit procédure, fiches reproductibles et grilles d’évaluation. Parfois simples pour la 4e année, les activités sont adaptables, surtout en début d’année, question de se remettre en forme! De quoi transformer un petit album en module de travail riche et coloré. Oui, le prix de ces trousses représente un investissement, mais faire entrer Vigneault dans votre classe et mettre ses textes dans les mains de vos élèves, c’est leur faire cadeau d’une portion de patrimoine.

Connaissez-vous déjà ce personnage unique? Sinon, voici Frisson, un écureuil qui habite son petit arbre et ferait tout pour ne pas le quitter. Il aime les routines, la propreté et les cônes de sécurité. Il craint l’inconnu, la noirceur, les étrangers, le bruit, les microbes, les fantômes, les homards… En fait, la liste est longue, mais, vraiment, c’est l’être ago-raphobe et hypocondriaque le plus sympa-thique que je connaisse!Plein de bonnes intentions, très inventif et prêt à tout, il a toujours sous la main une trousse pour affronter ses craintes, que ce soit les abeilles meurtrières ou les invités impré-vus à un anniversaire. Il a une solution à tous les problèmes, surtout ceux qui n’ont aucun risque de se produire. Vous rirez à chaque page en apprivoisant le style absurde de Mélanie Watt auquel vous deviendrez accros! Pour utiliser ces albums légers au 2e cycle, je vous propose d’en présenter quelques-uns dès la rentrée, incluant Frisson l’écureuil se fait un ami qui pourra enclencher une discussion sur les nouvelles rencontres. Les fiches péda-gogiques du site www.scholastic.ca/editions offrent des suggestions pour enrichir vos animations et des activités qui font appel à la créativité (porte-noms, trousses personnelles à créer, etc.). Introduisez les livres au gré des évènements pour que le personnage devienne familier. Lorsque vous arriverez à Frisson l’écureuil se prépare pour Noël, album plus volu-mineux qui contient plus d’une vingtaine de sous-titres, répartissez ces thèmes parmi vos élèves (sans montrer le livre!) et demandez-leur de deviner le contenu du sous-titre pour qu’ils écrivent leur version. Ainsi, certains réfléchiront sur les bonnes façons de décorer, mettre la table ou emballer des cadeaux pen-dant que d’autres préviendront les incidents fâcheux, à la façon Frisson. Partagez vos idées avant de lire l’original!À noter, un album sur l’Halloween est à paraitre à l’automne. On l’attend!

chronique rat de bibLiothèque Sandra thériauLt, 3e cYcLechronique rat de bibLiothèque caroLine tringaLi, 2e cYcLe

kate kliSe43, rue du Vieux-Cimetière (t.3) Jusqu'à ce que la morsure nous sépareillustrations de m. Sarah kliseéditions albin michel jeunesse, 2013 Collection « Witty »

mélanie WattFrisson l’écureuil éditions Scholastic, 2012Collection « Frisson l’écureuil »

FriSSon L’écureuiL un cadeau Pour SoPhie 43, rue du Vieux-cimetière (t.3) JuSqu'à ce que La morSure nouS SéPare

gilleS VigneaUltUn cadeau pour Sophie (album + CD) et trousse pédagogiqueillustrations de Stéphane jorischéditions groupe modulo, 2012Collection « À l’école de la montagne secrète »

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Voici un autre petit roman original, sans prétention. De la même collection que Le chat du cimetière présenté dans une chro-nique précédente, il met en vedette une jeune fille de 12 ans. L’élément surnaturel de cette histoire est la présence de vam-pires et j’ai été agréablement surprise par l’originalité du traitement. Alexandra devient vampire à 12 ans, comme tous les vampires. Son arrière-grand-mère en était une et elle a hérité de cette caractéristique qui se développe au début de l’adolescence. Personne d’autre dans son entourage immédiat n’est un vampire. Elle continue à vivre normale-ment, à aller à l’école, à manger et à dor-mir comme avant. Elle doit seulement apprendre à gérer ses transformations en chauvesouris parfois inopinées et boire un liquide, conçu pour les vampires, qui rem-place le sang. Alexandra déménage avec sa mère et son frère à Los Angeles. Elle doit s’adapter à sa nouvelle école. Elle était très populaire à son école de New York et cherche à retrouver cette popularité. On suit tout au long du livre les efforts qu’elle fait pour se faire accepter. Cet aspect de l’histoire m’a plu, car l’intégration de nouveaux élèves est parfois probléma-tique. L’acceptation de son nouvel état est aussi un aspect intéressant sur lequel on peut travailler en classe quand on traite des différences. Finalement, l’évolution d’Alexandra, qui comprend qu’on ne doit pas toujours se fier à notre première impression pour juger les gens, permet une réflexion très appropriée avec des pré-adolescents. Toutes ces modifications de son comportement se vivent à travers une enquête au sujet de vampires menaçants.

La maLédiction deS cornichonS

chronique rat de bibLiothèque caroLine carLe, 3e cYcLe

Siobhan roWDen

La malédiction des cornichons

éditions albin michel jeunesse, 2013

rUth ameSMauvais sangéditions Scholastic, 2012Collection « noir poison »

mauVaiS Sangcorrida

yann FaStier

Corrida

éditions atelier du poisson Soluble, 2006

Voici un album percutant. Très percu-tant. Six phrases, où tout est dit en peu de mots. Un album qui parle d’intimi-dation et d’agression, à lire seulement quand on connait bien ses élèves. Cet outil permet de parler d’intimidation en classe en faisant un parallèle avec une corrida. Le bourreau est le matador, ses complices représentent les assistants du matador, les témoins sont les spectateurs et la victime, le taureau. On y démontre bien l’importance des complices et des spectateurs dans le phénomène de l’intimidation, toujours uniquement en quelques mots bien choisis.La victime ici est un camarade rondouil-let, donc différent. Autre notion inté-ressante à aborder quand on sait que la différence est toujours prétexte à des moqueries ou à des exclusions.Les images sont simples, presque dépouillées, mais tout aussi parlantes que le texte. Les couleurs attribuées aux personnages représentent leur statut social : intimidateur et complices portent des vêtements violets, les complices ont la peau verte alors que l’intimidateur a la peau blanche, mais porte une casquette. La victime est habillée en noir. Toutes des petites différences qui parlent d’elles-mêmes quand on regarde les dessins. De plus, le bourreau est beaucoup plus petit que sa victime, ce qui démontre bien l’importance de l’attitude et de la confiance en soi dans une telle situation.C’est un album que je trouve très tou-chant, presque difficile à lire. C’est assez violent et la fin laisse beaucoup de place à l’interprétation. Un bon outil, mais à utiliser avec discernement.

Dans mes chroniques, je choisis des romans qui peuvent faire découvrir et apprécier la lecture à des jeunes pour qui cette activité n’est pas une passion. Les enfants qui aiment lire sont faciles à convaincre quand il s’agit de découvrir de nouveaux livres, mais pour les autres, ça prend des romans accrocheurs et pas trop compliqués. La malédiction des cornichons est de ceux-là. Déjà, le titre nous indique que le roman est drôle et l’image nous le confirme. Le père de Barnabé disparait un jour sans explication. Barnabé et sa mère, faute de revenus, doivent emménager chez la grand-mère maternelle qui est à la tête d’une immense entreprise de conser-vation d’aliments dans le vinaigre. En fait, elle conserve TOUT dans le vinaigre. Bar-nabé trouve sa grand-mère étrange, mais sa manie de tout mettre dans le vinaigre l’intrigue énormément.Mamy Lebeurk, la grand-mère en ques-tion, voit en Barnabé l’héritier pour reprendre l’entreprise familiale. Elle l’initie donc aux secrets de Lebeurk inc. Barnabé soupçonne que sa grand-mère est en lien avec la disparition de son père, alors il prend son initiation très au sérieux pour pouvoir enquêter discrètement sur Mamy. Ce roman m’a fait souvent sourire par l’absurdité des situations, de même que par la présence de personnages fan-tastiques. De plus, Barnabé et sa mère sont convaincus qu’il est arrivé quelque chose au papa et ne croient pas qu’il soit parti en les abandonnant, comme le dit constamment Mamy Lebeurk. Cette confiance amène un côté touchant à l’his-toire.Ce roman loufoque plaira certaine-ment à plusieurs garçons!

Page 64: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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SanDra thériaUlt Conseillère pédagogique Commission scolaire de montréal [email protected]

chroniqueS FouinonS enSembLe

mes récentes lectures m’ont amenée à découvrir de nouveaux outils qui me permet-

tront d’enrichir mes ressources professionnelles. Dans cette chronique, j’ai le plaisir

de vous présenter une collection d’albums spécialement conçus pour aider les enfants

en difficulté de lecture ou présentant des troubles d'apprentissage comme la dyslexie

et... pour tous ceux qui apprennent à lire! Je vous parlerai aussi d’un matériel didac-

tique de la maison d’édition Chenelière Éducation qui propose des activités variées

ne nécessitant ni matériel spécialisé ni feuille de travail, que Des stratégies drôlement

efficaces. Monsieur Louis Laroche, collaborateur de la revue Vivre le primaire, en a fait

l’adaptation pour le Québec. Pour terminer, je vous présente un livre de l’auteure

connue Adrienne Gear qui s’intitule Stratégies de lecture de textes courants. J’espère que,

comme moi, vous saurez apprécier ces ouvrages et trouverez une façon de les intégrer

à votre pratique au quotidien. Bonne lecture!

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Vous découvrirez dans cet ouvrage des

stratégies efficaces pour inciter les élèves

à réfléchir tout en lisant les textes cou-

rants de tout genre. Les enseignants

trouveront dans ce volume des leçons et

des idées pour enseigner cinq stratégies

cognitives et métacognitives aux élèves,

tout en les soutenant dans leur compré-

hension des textes courants. Les élèves

pourront mieux repérer les éléments d’in-

formation du texte, améliorer leur com-

préhension en se posant des questions

signifiantes et en faisant des inférences

pertinentes. Ils pourront déterminer les

éléments importants et l’idée principale

de toute variété de textes courants. Il leur

sera possible de faire des liens avec leur

vécu, avec d’autres lectures et avec leurs

connaissances antérieures, et ils seront

en mesure de transformer leur façon

de penser à partir de ce qu’ils auront

lu. Des leçons bien conçues, faciles à

suivre et qui contiennent des suggestions

pour appuyer efficacement l’application

des cinq stratégies présentées. En lien

avec chaque stratégie, il y a des listes de

suggestion de lecture pour les jeunes

lecteurs autant que pour les plus âgés.

Cet ouvrage propose aux enseignants

du primaire 20 stratégies issues de

la recherche sur le développement

du cerveau et sur les styles d’appren-

tissage. L’auteure fait appel à des

approches approuvées, telles que l’en-

seignement réciproque, l’apprentissage

coopératif, la pédagogie par pro-

jets et la pédagogie par résolution de

problème. Chaque chapitre présente

de façon claire et simple une stra-

tégie d’enseignement qui aidera les

enseignants à rendre l’apprentissage

plus actif en se servant, par exemple,

d’organisateurs graphiques, de toiles de

mots, en suscitant la participation des

élèves dans leur apprentissage à l’aide

de la musique, du rythme, en proposant

des exercices de visualisation et d’ima-

gerie mentale guidée. Avec plus de 200

activités variées, les élèves retiendront

mieux ce qu’ils auront appris et amé-

lioreront certainement leur rendement

scolaire. Cet ouvrage a été merveilleuse-

ment adapté pour le Québec. Ainsi, on

y trouve des pistes qui correspondent à

la réalité québécoise.

Dans ce livre, qui fait partie d’une col-

lection, chaque détail a été étudié pour

que les enfants en difficulté de lecture

puissent enfin prendre plaisir à lire.

La longueur des lignes est courte et

la couleur du fond est beige. Les mots

difficiles à déchiffrer sont coupés par

syllabes de différentes couleurs. Un

lexique apparait en bas de page pour

expliquer les mots compliqués. La

taille des caractères et des interlignes

est plus importante qu’habituellement.

Il y a peu de ponctuation. Les illustra-

tions sont placées face au texte, pour

ne pas interférer avec la lecture. Elles

sont importantes pour ces lecteurs

qui redoutent l’écrit. Ce livre original,

facile à lire seul devrait permettre à

tous ces jeunes lecteurs de prendre

petit à petit confiance en eux. Ainsi, ils

pourront devenir de plus en plus auto-

nomes en lecture malgré les difficultés.

Connectez-vous sur le site http://

lecture.auzou.com pour plus d’infor-

mations, d’explications et d’outils

concernant l’utilisation de cet ouvrage

et la lecture en général.

deS StratégieS PédagogiqueS drôLement eFFicaceS

marCia l. tate

Des stratégies pédagogiques drôlement efficaces

Chenelière éducation, 2013

aDrienne gear

Stratégies de lecture de textes courants

éditions modulo, 2011

StratégieS de Lecture de texteS courantS

maLo et Le baobab magique

aUDrey jaCqmin

Malo et le baobab magique

éditions philippe auzou, 2010

Collection « Délie mes mots »

chronique FouinonS enSembLe Sandra thériauLt

Page 66: AQEP ViVre le primaire, volumE 26, numéro 3, été 2013

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contribuer à la promotion et à la valorisation de la −profession enseignante;

s’impliquer dans le développement de la −profession enseignante et du système éducatif;

être un agent de changement dans son milieu; −

développer son rôle d’acteur social en tant −qu’enseignant(e);

participer aux consultations du ministère de −l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) et du Conseil supérieur de l’éducation (CSE);

profi ter des retombées des actions du Conseil −pédagogique interdisciplinaire du Québec (CPIQ) et du Carrefour national de l’insertion profession-nelle en enseignement (CNIPE);

participer à divers projets de recherche et contribuer −à l’avancement du domaine de l’éducation au primaire.

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PPPooooouuuurrr rreeecceeevvooiirr llaa rreevvuuee VViivvrree llee pprriimmaaiiirreeeeeeeetttt pppprroofifi tteerr ddee ddiiffff éérreennttss aavvaannttaaggeess......

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