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J PCdiatr Pu-&iculrure 2003 ; 16 : 179-8 1 0 2003 Editions scientifiques et mCdicales Elsevier SAS. Tous droits ~&WV& PgRINATALOGIE approche mokulaire de la prise en charge des immobilismes fQtaux et hypotonie nkonatole G. Viot Praticien hospitcdier de g&&ique mbdicole, service du professeur Cobrol, matemit Port-Royal, Paris, France L es progrts r&cents de la genetique moltculaire ont permis d’individualiser plus de 3 000 maladies monogeniques, de proposer un diagnostic ante- natal de certitude pour plus de 300 d’entre elles. Orient.6 en prenatal par les don&es de l’imagerie, le genhicien peut apporter, a I’aide des techniques de biologie mokculaire, la certitude a I’echelle du gene dun diagnostic suggere sur signes d’appel. Le pronos- tic de I’affection reconnue guide la conduite a tenir pour la grossesse. En postnatal, ce sont les don&es de l’examen clinique qui orientent le gentticien vers la recherche de telle ou telle affection genetique, permet- tant de cibler les etudes moleculaires. La diminution des mouvements fcetaux, ressentie par la mere ou constatte tchographiquement, est un motif classique de consultation en gtnttique prenatale. Les causes en sont diverses, pouvant etre rattachees B l’environnement fcetal (oligoamnios, compression par une masse uterine.. .), ou etre secondaires a une anomalie de developpement du fcetus (pathologie musculaire primitive, anomalie du dtveloppement cerebral, denervation d’origine centrale ou peripheri- que.. .). La decouverte d’une immobilite foetale &ant le plus souvent tardive, I’amniocentese est l’approche communtment utilisee pour obtenir de I’acide desoxy- ribonuckique (ADN) fcetal et permettre de mener a bien I’analyse moleculaire. Seules les affections gentti- ques repondant aux cridres de I’article L 162-16/12 du Code de Sante publique (c’est-B-dire celles d’une particuliere gravite, non curables a la naissance) et pouvant relever d’un diagnostic moltculaire de certi- tude sont abordees ici. JOURNAL DE PtDlATRlE ET DE PUkRlCULTURE no 3 - 2003 & ,j incipales affections g&dtiques pouvant se r&der par une immobilit6 foetale dystrophie myotonique de Steinert dons so forme congbnitole La myotonie de Steinert est une affection autosomique dominante a penttrance variable. Elle s’explique par des mutations instables du gene DMPK (19~13.2) caracttrisees par une expansion de repetitions trinu- cltotidiques CTG. La severitt de I’atteinte clinique depend du nombre de repetitions, les expansions de triplets CTG Ctant en effet responsables dune diminu- tion de la transcription du gene par disruption de la chromatine ou anomalies de la mtthylation. Ainsi, les individus normaux ont entre 5 et 37 repetitions CTG. Les personnes modertment atteintes presentent entre 50 et 80 repetitions alors que les formes de revelation anttnatale ont toujours plus de 800 repetitions CTG. Si la gravite de la symptomatologie est clairement lite Q la taille de l’expansion, les correlations phtnotype- genotype ne sont pas parfaites. Les patients porteurs de 37 a 50 repetitions CTG sont dits premutes. Ces alleles premutes sont trts instables, particulierement dans la lignee germinale male. L’estimation du nombre de triplets se fait parpolyme- rase chain reaction (PCR) triplets et/au Southern-Blot. 179

Approche moléculaire de la prise en charge des immobilismes fœtaux et hypotonie néonatale

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Page 1: Approche moléculaire de la prise en charge des immobilismes fœtaux et hypotonie néonatale

J PCdiatr Pu-&iculrure 2003 ; 16 : 179-8 1 0 2003 Editions scientifiques et mCdicales Elsevier SAS. Tous droits ~&WV&

PgRINATALOGIE

approche mokulaire de la prise en charge des immobilismes

fQtaux et hypotonie nkonatole G. Viot

Praticien hospitcdier de g&&ique mbdicole, service du professeur Cobrol, matemit Port-Royal, Paris, France

L es progrts r&cents de la genetique moltculaire ont permis d’individualiser plus de 3 000 maladies monogeniques, de proposer un diagnostic ante-

natal de certitude pour plus de 300 d’entre elles. Orient.6 en prenatal par les don&es de l’imagerie, le genhicien peut apporter, a I’aide des techniques de biologie mokculaire, la certitude a I’echelle du gene dun diagnostic suggere sur signes d’appel. Le pronos- tic de I’affection reconnue guide la conduite a tenir pour la grossesse. En postnatal, ce sont les don&es de l’examen clinique qui orientent le gentticien vers la recherche de telle ou telle affection genetique, permet- tant de cibler les etudes moleculaires.

La diminution des mouvements fcetaux, ressentie par la mere ou constatte tchographiquement, est un motif classique de consultation en gtnttique prenatale. Les causes en sont diverses, pouvant etre rattachees B l’environnement fcetal (oligoamnios, compression par une masse uterine.. .), ou etre secondaires a une anomalie de developpement du fcetus (pathologie musculaire primitive, anomalie du dtveloppement cerebral, denervation d’origine centrale ou peripheri- que.. .). La decouverte d’une immobilite foetale &ant le plus souvent tardive, I’amniocentese est l’approche communtment utilisee pour obtenir de I’acide desoxy- ribonuckique (ADN) fcetal et permettre de mener a bien I’analyse moleculaire. Seules les affections gentti- ques repondant aux cridres de I’article L 162-16/12 du Code de Sante publique (c’est-B-dire celles d’une particuliere gravite, non curables a la naissance) et pouvant relever d’un diagnostic moltculaire de certi- tude sont abordees ici.

JOURNAL DE PtDlATRlE ET DE PUkRlCULTURE no 3 - 2003

& ,j incipales affections g&dtiques

pouvant se r&der par une immobilit6 foetale

dystrophie myotonique de Steinert dons so forme congbnitole

La myotonie de Steinert est une affection autosomique dominante a penttrance variable. Elle s’explique par des mutations instables du gene DMPK (19~13.2) caracttrisees par une expansion de repetitions trinu- cltotidiques CTG. La severitt de I’atteinte clinique depend du nombre de repetitions, les expansions de triplets CTG Ctant en effet responsables dune diminu- tion de la transcription du gene par disruption de la chromatine ou anomalies de la mtthylation. Ainsi, les individus normaux ont entre 5 et 37 repetitions CTG. Les personnes modertment atteintes presentent entre 50 et 80 repetitions alors que les formes de revelation anttnatale ont toujours plus de 800 repetitions CTG. Si la gravite de la symptomatologie est clairement lite Q la taille de l’expansion, les correlations phtnotype- genotype ne sont pas parfaites.

Les patients porteurs de 37 a 50 repetitions CTG sont dits premutes. Ces alleles premutes sont trts instables, particulierement dans la lignee germinale male.

L’estimation du nombre de triplets se fait parpolyme- rase chain reaction (PCR) triplets et/au Southern-Blot.

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11 est important de noter qu’il persiste tout au long de la vie une instabilite mitotique B laquelle sont rattaches l’htttro&Cite de la taille des amplifications dans les differents tissus et le caractere evolutif de l’affection.

Le nombre de triplets CTG chez l’enfant n’est pas forctment identique B celui de son parent atteint en raison de l’instabilite des mutations. Ainsi, l’enfant peut presenter un nombre de triplets inferieur B son parent atteint. On parle alors de contraction, comme cela est rapport6 chez 6,4 % des descendants d’indivi- . dus malades. A noter que ce processus de contraction survient de faGon quasi exclusive dans les gametes males. Le nombre de triplets peut $tre transmis B l’identique ou subir une expansion. Si ces amplifica- tions sont frtquentes au fil des generations, les ampli- fications extremes conduisant aux formes de r&elation anttnatale surviennent quasiment toujours dans les gametes maternels (selection contre les spermatozoi’des avec expansion extreme ?).

La dtcouverte dune diminution des mouvements fcetaux, de pieds bots avec hydramnios doit conduire a rechercher une myotonie de Steinert chez le foetus et sa maman. Apres la naissance, les enfants porteurs dune forme congenitale presentent classiquement une hypotonie severe, une dipltgie faciale ainsi qu’un retard des acquisitions psychomotrices pour 60 a 70 % d’entre eux.

amyotrophie spinale de type I Werdnig Hoff mann

Cette affection autosomique recessive, caracteriste par la degtntrescence des neurones moteurs de la come anterieure de la moelle, est responsable dune paralysie musculaire progressive avec amyotrophie. Le gene S&W responsable de cette maladie se situe sur le bras long du chromosome 5 (5q12.Zq13.3) et comporte une copie centromerique en miroir.

Cette affection gtnetique est secondaire, dans plus de 90 % des cas, a une deletion homozygote de la copie telomtrique du gene. Dans la moitit des cas de SMA de type I, d’autres genes voisins du gene S&W sont Cgalement emportes par la deletion, comme le gene NAIP (Neuronal Apoptosis Inhibitory Protein). Cela rend compte, au moins en partie, de la stverite du tableau clinique des SMA de type I.

Les autres cas de SMA de type I non d&tees s’expliquent par des mutations ponctuelles du gene SMN.

Le diagnostic repose sur la mise en evidence dune deletion de l’exon 7 du gene SMN par PCR fluores- cente et par analyse de segregation de marqueurs parentaux.

syndrome de Prader-Willi

Ce syndrome est secondaire a I’absence physique ou fonctionnelle de la region 15ql l-q13 d’origine pater- nelle. Cette region, qui contient le gene SNRPN, peut etre absente par microdtlttion (75 % des cas), par disomie uniparentale maternelle (20 % des cas). 11 s’agit alors principalement d’heterodisomies secondai- res a une non-disjonction en premiere division de meiose. D’autres mecanismes plus rares peuvent tgale- ment rendre compte de ce syndrome, comme des mutations du centre d’empreinte, des petits marqueurs surnumtraires ou des translocations avec point de cassure passant par cette region du genome.

La mise en evidence du mecanisme de survenue de ce syndrome est importante pour permettre une tva- luation adaptee du risque de recidive en cas de nou- velle grossesse. Les microdeletions sont diagnostiquees grace aux techniques de cytogenetique moleculaire (hybridation in situ), les disomies uniparentales par techniques d’haplotypage en biologie moltculaire. Les mutations du centre d’empreinte se traduisent par des profils de methylation anormaux.

Outre ces etiologies (( classiques )), de nouvelles enti- t&s explorables en anttnatal peuvent &re la cause dune sequence d’immobilisme fcetal. 11 s’agit par exemple des dystrophies musculaires congenitales. Ce groupe htttrogtne d’affections de transmission autosomique recessive (muscle-eye-brain disease, myopathie de Fukuyama, myopathie a mtrosine) associe une fai- blesse musculaire, des contractures articulaires, des anomalies cerebrales. Les formes s&&es peuvent avoir une revelation antenatale et conduire a rechercher une mutation dans certains genes comme dans le gene FKRP par exemple.

Les myopathies myotubulaires par mutations du gene MTMI peuvent egalement (( parler )) d&s la ptriode anttnatale, tout comme les myopathies a Nemaline.

Enfin, certaines malformations ctrtbrales peuvent conduire a une sequence d’akinesie fcetale (lis- senctphalies, holoprosencephalie.. .) et l’analyse mole- culaire est, la encore, guidte par les don&es radiogra- phiques et anatomopathologiques (etude du gene doublecortine, du gene SHH.. .).

En conclusion, les etiologies des sequences d’akintsie fcetale sont variees, mais il est indispensable d’essayer d’etiqueter leur origine pour permettre une estimation du risque de recidive en cas de nouvelle grossesse. Le travail du gtntticien ne se conceit pas saris la collabo- ration etroite avec les obstetriciens, les Cchographistes, les pediatres, les radiologues, les cytogentticiens et les biologistes moleculaires, la dtmarche diagnostique imposant une organisation en reseaux de competences.

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PERINATALOGIE

I

ur en savoir plus

Myotonie de Steinert :

- Roses A et al. Myotonic dystrophy. In : Rosenberg, Prusiner, DiMauro, Barchi editions. The molecular and genetic basis of neurological disease. Boston, Butte- rworth-Heinemann, 1993, 633.

Amyotrophie spinale de type I :

- Melki et al. sMapping of acute (type I) spinal muscular atrophy to chromosome 5q 12-q 14. Lancet 1990,336 : 27 l-273.

- Burglen L et al. SMN gene deletion in arthrogryposis multiplex congenital-spinal muscular atrophy associa- tion. J. C/in. Invest. 1996, 98 : 1 130- 1 132.

Syndrome de Prader-Willi : - Aughton D et al. Physical features of Prader-Willi

syndrome in neonates. Am. J. Dis. Child. 1990, 144 : 1251-1254.

- Holm V et al. Prader-Willi syndrome : consensus dia- gnosis criteria. Pediatrics 1993, 9 1 : 398-402.

Dystrophie musculaire cong&itale :

- Brockington M et al. Mutations in the fukutin-related protein gene (FKRP) cause a form of congenital muscular dystrophy with secondary laminin alpha-2 deficiency and abnormal glycosylation of alpha-dystro- glycan. Am. J. Hum. Genet. 2001, 69 : 1 198-l 209.

Myopathie myotubulaire :

- Barth P and al. X-linked myotubular myopathie-a long term follow-up study. Europ. J. Paediatr. Neural. 1998, 2 : 49-56.

- Buj-Belle A et al. Identification of novel mutations in the MTMl gene causing severe and mild forms of X- linked myotubular myopathy. Hum. Mutation. 1999, 14 : 320-325.

Myopathie 6 NBmaline :

- Ryan M et al. Nemaline myopathu : a clinical study of 143 cases. Ann. Neural. 200 1, 50 : 3 12-320.

- Sanoudou et al. Clinical and genetic hetrogeneity in nemaline myopathy- a disease of skeletal muscle thin filaments. Trends. Molec. Med. 2001, 7 : 362-368.

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