Upload
airs
View
248
Download
1
Embed Size (px)
DESCRIPTION
AIRS Edition 01 Revue de l'Association ART IN REIMS
Citation preview
A I R SA R T I N R E I M S
E D I T I O N 0 1
E X T R A B R U T
Quel point commun y a-t-il entre le champagne et l’art ? Tous deux sont bons quand ils sont bruts ! Si la réponse à cette devinette est évidente, elle a nécessité plus d’un siècle de constats, d’observations, de révélations.
L’Art « brut », qualifié ainsi par le peintre Jean Dubuffet, en 1945, entre désormais de plain-pied et par la grande porte dans la très officielle histoire de l’art : en France, le sculpteur André Robillard vient d’être nommé Chevalier des arts et des Lettres par la ministre de la culture. Il demeure certes encore délicat, pour nombre de membres de l’Institution, d’admettre que la création peut être l’affaire d’autodidactes inspirés, parfois illettrés. C’est cependant une réalité : durant l’aventure moderne, de l’Impressionnisme à l’Abstraction, les chefs-d’œuvre ont jailli de pinceaux davantage formés sur le tas que passés au tableau noir. Et les arts « primitifs » ont constitué la source d’inspiration privilégiée des acteurs essentiels de cette période.
Résultat ? À présent l’élite classique des artistes en herbe prend toujours le chemin de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts. Mais nombre de créateurs en puissance débarquent de tous horizons, inspirés par des prédécesseurs audacieux, désormais identifiés et valorisés : les Bruts. Ceux-ci, descendus des hauts plateaux où ils étaient bergers, montés des vallées où ils taillaient la vigne, ayant vécu en prison ou étant mort en hôpital psychiatrique, ont imaginé dans une solitude radicale des créations stupéfiantes. Indépendants des us, coutumes et mondani-tés, il s’agissait pour eux, fondamentalement, de communiquer afin de survivre.
Les œuvres de ces chamanes occidentaux figurent dans des collections historiques désormais accessibles au public, comme celle de l’Hôpital Sainte-Anne à Paris (1950) ; et aussi, aux cimaises de prestigieux musées : la visionnaire Collection de l’art brut de Lausanne (1976) ou le syn-thétique LaM de Villeneuve d’Ascq (2010). Et même, grâce à la récente donation Darger, le Musée d’art moderne de la ville de Paris (2013) !
Cet automne, à Reims, sont donc présentées des œuvres Brutes historiques, et des créations Brutistes récentes. Certains préfèrent plutôt qua-lifier ces dernières de Singulières, Hors-les-Normes ou encore Naïves. Qu’importe le flacon, l’ivresse est bien au rendez-vous.
Voici du solide, du sincère, de l’humain. De l’originalité, de la poésie, de la fantaisie aussi. Du graphisme virtuose, de la couleur audacieuse, des matières sensuelles. Voici de l’art tout chaud, très pétillant. Extra.
Françoise Monnin
Rédactrice en chef du magazine Artension et auteur de L’Art brut (Scala éditions 1997)Paris, octobre 2015
E D I T O
A I R S*
E D I T E U R / D I R . D E P U B L I C A T I O NChristophe François Lehalle
/
R E D A C T E U R E N C H E FAlexis Jama Bieri
/
D I R E C T E U R A R T I S T I Q U EJulien Jacquot
/
D E S I G N G R A P H I Q U EA-0.fr
/
C O N T A C T P R E S S EPeggy Leoty
/
I N F O R M A T I O N S
www.ARTINREIMS.com+
Facebook.com/ARTINREIMS
N U M E R O 0 1
Le Manège de Petit Pierre - collection La Fabuloserie © photo Jean-François Hamon 5
REIMSLE BON COINPOUR S’IMPLANTER
leboncoin.fr a ouvert,à 40’ de Paris,
un pôle d’expertise et de conseil en publicité locale
avec 80 positionsà partir de 2015
Antoine JOUTEAUDirecteur Général
www.investinreims.com
S O M M A I R E*
C O U V E R T U R EAndré Petit - Sans Titre - 19 décembre 1968
Gouache sur papier - 67X50 cm
/E D I T O
Françoise Monnin
/
L A C O L L E C T I O N A L E X A N D R E D O N N A TInterview de Alexandre Donnat
/
L ’ O U T S I D E R A R T F A I R À P A R I S E T N Y CInterview de Becca Hoffman
/
L A F A B U L O S E R I EInterview de Sophie Bourbonnais
/
L ’ E X P O S I T I O N H E N R Y D A R G E R A U M A M D E P A R I S
Interview de Choghakate Kazarian
/
L A C O L L E C T I O N D ’ A R T B R U T D U L A M D E V I L L E N E U V E D ’ A S C Q
Interview de Savine Faupin
/
L A C O L L E C T I O N S A I N T E A N N EAnne Marie Dubois
/
T R A D U C T I O NT H E O U T S I D E R A R T F A I R
Interview de Becca Hoffman
*
N U M E R O 0 1
5 Michel Nedjar, titre attribué Poupée-masque, 1979-1980
Collection LaM Villeneuve d’Ascq ©Michel Nedjar, photo Bernard Philip
L A C O L L E C T I O N A L E X A N D R E
D O N N AT
Né en 1981 en région parisienne, Alexandre Donnat fait
figure de jeune homme dans le monde des collection-
neurs. Des éléments de la collection d’Alexandre Donnat
ont déjà été exposés en Europe, notamment en 2014 lors
de l’exposition Mycélium à l’Abbaye d’Auberive, organi-
sée par Laurent Danchin.
Quelle est votre définition actuelle de l’art brut ?
Je suis collectionneur, mon approche de la notion n’est donc pas
académique et ne relève pas de la définition bornée. Elle est de
l’ordre du sentir, de l’instinct. L’art brut est une notion polémique
à laquelle je suis attaché car il s’agit d’une expression de Dubuffet,
et qu’on peut l’entendre en son sens littéral. Ce qui est brut est
ce qui vous prend aux tripes, ce qui vous touche de façon directe,
sans recours à quelque médiation. L’art brut n’est pas conceptuel,
il n’est pas un jeu avec l’histoire de l’art. Il est l’expression directe
de certains créateurs et se construit en marge de l’art contempo-
rain. Cette définition de l’art brut attachée à la sincérité de l’auteur
me permet de réagir viscéralement à l’instar d’un historien de l’art
qui étudie les distinctions entre art brut, art singulier, art naïf…
Comment analysez-vous l’évolution de la définition de
l’art brut et Singulier et son succès ?
L’artiste brut est libre, il survient, il surgit hors cadre. Lorsqu’il
crée, il répond à une nécessité vitale. Il ne cherche pas à être vi-
sible, ni à s’inscrire dans un plan de carrière comme les artistes
contemporains. Nous avons besoin d’authenticité. Le succès de
l’art brut est lié à l’apparition d’un art spontané qui vient rompre
avec le temps de l’art conceptuel que le grand public ne compre-
nait pas. L’art brut est un succès populaire qui résulte d’un long
processus. Il y a d’abord eu des psychiatres et des psychanalystes
qui se sont intéressés aux productions de leurs patients. Ensuite,
Dubuffet a fédéré des artistes en marge autour de lui. Les critiques
et les historiens d’art se sont alors emparés du phénomène. Des
pièces ont progressivement été présentées au public suscitant des
vocations de collectionneurs qui ont fait rentrer les œuvres d’art
brut dans le marché de l’art.
Comment découvrez-vous les artistes et trouvez-vous
les œuvres d’art brut ?
C’est du temps et beaucoup de rencontres avec des artistes, des
galeristes et des historiens d’art. Je suis curieux, ouvert, les liens
se tissent vite, une rencontre en entraîne une autre. Aujourd’hui,
étant donné le succès de l’art brut, les œuvres sortent dans les
galeries, les salles des ventes, mais les œuvres de qualité se font
rares sur le marché, parce qu’elles restent dans les collections.
Beaucoup d’œuvres me sont proposées, c’est une chance, parce
que j’ai la possibilité de choisir les œuvres les plus fortes.
Quels rapports entretenez-vous avec les artistes? Et les
I N T E R V I E W
x
O O
O E U V R E S E X P O S É E S P O U R A R T I N R E I M S À L ’ H Ô T E L P O N S A R D I N
D U 2 A U 2 6 N O V E M B R E 2 0 1 5
A . D O N N A T
Collection Alexandre Donnat 5
A . D O N N A T
5 Collection Alexandre Donnat
A . D O N N A T
Alexandre Donnat 5
œuvres ?
Lorsque l’on collectionne, il y a quelque chose de névrotique, on
cherche à accumuler toujours plus, je suis donc envahi. J’aime
vivre parmi des objets chargés d’expressivité. Les œuvres font
part d’un émerveillement sur le monde, c’est la trace d’une hu-
manité. Ma collection fait partie de mon bagage, elle reflète ma
sensibilité comme mes amitiés.
La valeur montante des œuvres d’Art Brut, et d’Art Sin-
gulier, est-elle le signe que l’Art brut et singulier sont
bien ancrés dans l’histoire de l’Art comme le sont le
cubisme, le surréalisme, impressionnisme, le pop… ?
Dès qu’on parle de valeur économique, il y a des fantasmes. Les
records de vente qui atteignent des sommets concernent seule-
ment quelques artistes : Lesage, Darger… Il y a cependant une
augmentation des prix pour l’ensemble des œuvres d’artistes
bruts. Les collectionneurs d’art contemporain reconnaissent la
puissance et l’esthétisme de ces œuvres. Je continue de penser
que l’art brut est quelque chose à part car les créateurs n’ont
jamais voulu intégrer un marché. Ces choses se font à l’insu des
artistes...
Pouvez-vous nous parler de votre collection : Vous
l’avez débutée très jeune...
Oui en effet, j’ai débuté cette collection en 1996 à l’âge de 15 ans,
suite à ma rencontre avec Pierre Callewaert qui m’a initié à l’art,
au beau, à la poésie. Callewaert a évolué aux côtés d’Utrillo, j’ai
donc pénétré son entourage. L’Abbé Coutant, proche de Chais-
sac, était l’ami de jeunesse de Callewaert. Ces rencontres ont
orienté mon regard vers l’art brut qui m’a tout de suite fasciné.
Je ne suis donc pas parti de catégories de l’histoire de l’art et ne
suis pas guidé par un thème ou un médium. Je suis porté par
l’intuition, l’œuvre doit me plaire, me toucher sur le champ, ou-
vrir quelque chose en moi et m’émerveiller. J’ai alors accumulé
les œuvres et suis entouré d’amis qui partagent ma passion, dont
certains ont collaboré au catalogue de l’exposition de ma collec-
tion à Art In Reims. Etre entouré de Laurent Danchin, Françoise
Monin, Jean-Charles Melman et Jean-Claude Volot pour cette
1ère publication me rend euphorique !
Vous collectionnez des œuvres de Jaber. Qu’appréciez-
vous particulièrement chez cet artiste et dans son tra-
vail ?
L’univers de Jaber est unique, identifiable entre tous, par ses
couleurs primaires et ses symboles répétés : des poissons, des
souris, des arbres. L’œuvre, comme l’homme, est porteuse de
joie. Jaber est un personnage qui fait le saltimbanque sous vos
yeux, chante, joue de la musique avec son corps. Je suis sensible
à cette gaîté, à son sens du non-sens. Je l’ai rencontré pour la
première fois dans l’atelier d’Emmanuelle Tournois, dite Zouille,
dont le travail est également visible dans l’exposition.
Si vous deviez mettre en avant 3 artistes d’art brut,
quels seraient-ils?
C’est difficile de répondre. Une collection c’est très sentimental et
j’aime toutes les pièces que j’ai accumulées.
Quels seront les artistes que vous exposez à Art In
Reims ?
Il y a une vingtaine d’artistes exposés. Certains sont des figures
renommées de l’art brut comme Jaber, André Robillard, Pierre
et Raymonde Petit, Janko Domsic. D’autres ont bénéficié jusqu’à
présent d’une moins grande visibilité, notamment Jean-Charles
Sankaré ou encore Michel José dit Serviteur.
x
TEXTE / AJB
A . D O N N A T
H . D A R G E R
Regard sur les détails architecturaux Art-Déco présents sur les façades
des commerçants du centre-ville de Reims
LCL, 25 rue Carnot 10/30 novembre 2015
Ex
po
sit
ion
PH
OTO
GR
AP
HIQ
UE
L ’ O U T S I D E R A RT F A I R À
PA R I S E T N Y C
INTERVIEW DE BECCA HOFFMAN, DIRECTEUR DE
L’OUTSIDER ART FAIR
L’outsider art fair est une foire consacrée à l’art outsi-
der. Née dans un premier temps à New York où elle est
devenue une institution pour les passionnés d’art brut,
elle bénéficie depuis 2013 d’une édition parisienne.
Quelle est votre définition actuelle de l’art brut ?
Pour moi ce sont des œuvres d’art crées par des autodidactes qui
les ont réalisées pour eux-mêmes. Comme Dubuffet l’a dit en 1949
dans L’Art Brut Préféré aux arts culturels : «leurs auteurs y tirent
tout de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique
ou de l’art à la mode. De l’art donc où se manifeste la seule fonc-
tion de l’invention, et non celles, constantes dans l’art culturel, du
caméléon et du singe.»
Comment analysez-vous l’évolution de la définition de
l’Art Brut et Singulier et son succès ?
Le débat des termes et définitions dure depuis des années. Mais
les œuvres des autodidactes sont de plus en plus reconnues par-
tout dans le monde et donnent de nouvelles perspectives au dia-
logue dans le monde de l’art contemporain qui avait tendance à
devenir insulaire. Depuis les 5 dernières années il y a eu un im-
portant développement de l’art brut et outsider avec notamment
la Biennale de Venise en 2013, le Hayward Gallery’s «Alternative
Guide,» l’exposition Henry Darger au Musée d’Art Moderne de
la Ville de Paris, la grande donation d’œuvres d’outsider art au
MOMA de New York et l’exposition de Judith Scott au Brooklyn
Museum.
Comment trouvez-vous les artistes et les œuvres d’art
brut ?
Le plus souvent ce sont les artistes ou les œuvres qui arrivent à
nous, de plus en plus par l’intercession d’un ami ou d’un membre
de la famille de l’artiste qui voit en lui quelque chose de spécial
alors que cet artiste n’a pas lui-même songé à vendre ou montrer
ses œuvres.
Quels rapports entretenez-vous avec ces artistes?
Nous interagissons dans la mesure où il est nécessaire de les re-
présenter, comme avec tout autre artiste.
La valeur montante des œuvres d’Art Brut, et d’Art Sin-
gulier, est-elle le signe que l’Art brut et singulier sont
p
I N T E R V I E W
A R T F A I R
Outsider Art Fair 2015 5
bien ancrés dans l’histoire de l’Art comme le sont le
cubisme, le surréalisme, l’impressionnisme, le pop… ?
Je pense que la valeur de l’art brut continue à augmenter grâce à
la visibilité grandissante des œuvres qui à son tour créé de plus en
plus de demandes. Et il y a beaucoup moins d’œuvres d’art brut
que d’art contemporain.
Pouvez-vous nous parler de l’Outsider Art fair ? Quel en
est l’origine et le fil directeur ?
L’art fair a été fondée en 1993 à New York. Notre société, Wide
Open Arts, en a pris les commandes en 2012, puis nous avons pro-
duits notre 1ère édition New Yorkaise en Janvier 2013. Ce fut un
grand succès, avec d’importantes retombées presse. Ensuite, nous
avons décidé de donner une plus grande ampleur à la Foire en
l’exportant à Paris qui était un lieu logique avec l’histoire de Jean
Dubuffet, la Halle Saint Pierre, la Collection d’art brut de Sainte
Anne, Maison Rouge, la Collection ABCD…
Depuis cette année, nous organisons la Foire à l’Hôtel du Duc qui
est l’ancien hôtel particulier du Duc de Morny, situé à proximi-
té de l’Opéra. Nous y présentons des galeries du monde entier :
États-Unis, Europe, Japon, et pour la première fois, des galeries
d’Australie, de Russie, de Hongrie, et du Canada. Ces galeries sont
rejointes par une douzaine de galeries Françaises et Parisiennes.
Sur combien de m² s’étend l’art fair à Paris et à New-
York ?
La Foire de Paris occupe un espace de 1000m² et celle de New
York un espace de 2300 m² au Metropolitan Pavillon à Chelsea.
Combien d’artistes y sont représentés ?
A New York, il y a 51 galeries et à Paris 37 galeries présentées. Cer-
taines galeries montrent un seul artiste et d’autres en montrent
plusieurs.
Quelles sont les similitudes/différences entre les 2 évé-
nements ?
La Foire de New York a débutée il y a 23 ans et attire par consé-
quent un important public qui la connaît déjà bien, qui est deux
fois plus nombreux qu’à Paris. L’édition Parisienne de la Foire
présente beaucoup plus de galeries Françaises et de partout en
A R T F A I R
George Widener 5
A R T F A I R
5 Shinichi Sawada
Europe que l’édition New Yorkaise alors qu’à New York il y a de
nombreuses galeries provenant des Etats Unis.
Quelle est l’artiste qui vous a fait vous intéresser à l’art
brut ?
Je me souviens de l’exposition «Disasters of War: Francisco de
Goya, Henry Darger and Jake and Dinos Chapman.» qui a eu lieu
en 2000 au PS1 MOMA. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser
à l’univers d’Henry Darger et à l’art brut.
Si vous deviez mettre en avant 3 artistes d’art brut,
quels seraient-ils?
Il s’agirait de Susan Te Kahurangi King, George Widener et Shi-
nichi Sawada qui sont trois artistes qui font des œuvres magni-
fiques et dont la notoriété grandit dans le monde l’art.
P
Outsider Art Fair Paris : 22 – 25 octobre 2015
/
outsiderartfair.com
TEXTE / AJB
A R T F A I R
Susan Te Kahurangi King 5
L AF A B U L O S E R I E
INTERVIEW DE SOPHIE BOURBONNAIS
Au milieu des années 70, l’architecte Alain Bourbonnais
réfléchit à un lieu qui, à partir de sa collection apparen-
tée à l’art brut et de la nécessité de la mettre en espace,
soit à même de rendre compte du caractère hors-normes
des œuvres hors-réseaux qu’il collectionne. La Fabulo-
serie, ouverte en 1983, offre un cadre singulier pour une
collection hors-normes. Le terme de « maison-musée
» indique d’emblée le caractère anti-institutionnel du
lieu que Dubuffet qualifia d’ « Anti-Beaubourg décentra-
lisé ». Plus de 100 créateurs sont aujourd’hui exposés en
permanence à La Fabuloserie.
Quelle est votre définition actuelle de l’art brut ?
Le terme « Art Brut » a d’abord été inventé par jean Dubuffet pour
nommer SA collection, de son vivant. C’était un terme protégé
que nul n’avait le droit d’utiliser. Il a d’ailleurs suggéré à Alain
Bourbonnais de nommer « art-hors-les-normes » les productions
présentées dans sa galerie parisienne l’Atelier Jacob (1972-1982).
Depuis le décès de Jean Dubuffet, l’appellation « Art Brut » est
utilisée par tous, non sans quelques dérives. Jean Dubuffet, dans
ses nombreux écrits, en particulier dans Asphyxiante Culture
publié en 1968, a défini l’art brut, je ne pense pas qu’il y ait de
définition “actuelle” plus probante.
Comment analysez-vous l’évolution de la définition de
l’Art Brut et Singulier et son succès ?
L’art singulier témoigne de la reconnaissance de l’art brut dans le
milieu muséal. Cette expression est apparue à la suite de l’expo-
sition « Les Singuliers de l’Art » organisée en 1978 au MAM de la
ville de Paris, pour laquelle, Alain Bourbonnais, avait prêtée plus
de 300 œuvres issues de sa collection. Néanmoins, cette expres-
sion d’art singulier ne saurait aujourd’hui se référer à l’art brut
défini par Jean Dubuffet, même si elle est le symptôme de l’intérêt
croissant porté à l’art brut et ses apparentés.
Ou trouvez-vous aujourd’hui les œuvres d’art brut pour
compléter votre collection ?
Par le bouche-à-oreilles principalement et des personnes qui s’y
intéressent et nous mettent sur des pistes.
Quels rapports entretenez-vous avec les artistes ?
s
I N T E R V I E W
F A B U L O S E R I E
Mario chicho - collection La Fabuloserie 5
F A B U L O S E R I E
5 Objet en bois d’Emile Ratier - collection La Fabuloserie © photo Jean-François Hamon
F A B U L O S E R I E
Ignacio Carles-Torla - collection La Fabuloserie 5
Les rapports sont réguliers et forts chaleureux avec les créateurs
qui suivent notre aventure depuis l’Atelier Jacob. Ils ne manquent
aucun événement à La Fabuloserie ou lors de nos expositions
hors-les-murs. Ils font vraiment partie de notre vie depuis une
quarantaine d’années, c’est une sorte de famille élargie que l’on
nomme entre nous « La Tribu Fabulous Band » !
On parle d’artistes, mais les producteurs d’art brut ne
sont généralement pas conscients d’être artistes…
Tout à fait exact, c’est même une des caractéristiques fondamen-
tales de l’art brut, c’est pourquoi nous lui préférons le terme de
créateur. Ce sont des autodidactes qui se mettent, à un moment
donné de leur vie, à créer, poussés par une nécessité interne
d’exprimer leur propre rapport au monde. Ils se tournent alors
vers les matériaux de leur environnement quotidien, qui ne sont
bien sûr pas une toile, des pinceaux et de la peinture à l’huile: le
maçon va ériger des sculptures en béton dans son jardin, l’ancien
sabotier va fabriquer des objets en bois, celui qui vit en bord de
mer va ramasser des bois flottés, d’autres des racines, des troncs
d’arbres….
Pouvez-vous nous parler de votre collection? Quel fut le
rôle de Dubuffet dans sa constitution et le fil directeur ?
Jean Dubuffet a soutenu Alain Bourbonnais dans son aventure
hors les normes en lui communiquant plusieurs noms de créa-
teurs et en l’encourageant à ouvrir une galerie, l’Atelier Jacob,
puis un musée privé, La Fabuloserie. Dubuffet a joué le rôle de
catalyseur en permettant à Alain Bourbonnais de réaliser son
rêve. A l’appui de la collection d’Art Brut de Jean Dubuffet, Alain
Bourbonnais a pu développer ses recherches en étendant ses
prospections à d’autres champs artistiques marginaux régis par
les critères d’invention et d’authenticité.
Si vous deviez mettre en avant 3 artistes d’art brut,
quels seraient-ils?
Albert SALLE, est un exemple typique de créateur d’art brut.
Retraité de la RATP, il s’installe à Menton à la retraite et se met
à fabriquer des « petits théâtres » animés avec des matériaux
dérisoires (bout de cartons, perles, élastiques de culotte, papier
de chocolat…), puis les installe devant sa porte pour récupérer
quelques sous. Le vandalisme l’entraîne à les céder tous à Alain
Bourbonnais absolument émerveillés par ses créations.
Emile RATIER, paysan du Lot, atteint de cécité, se met à créer
pour échapper à la dépression qui le guettait. Emile Ratier fait
partie des adresses données par Jean Dubuffet à Alain Bourbon-
nais en 1972 pour la création de l’Atelier Jacob. Ce dernier, ac-
compagné de sa famille, rendra régulièrement visite à Emile Ra-
tier entre 1972 et 1977 et acquerra au fil des ans toute son œuvre.
Ces visites étaient l’occasion de repas pantagruéliques dans la
tradition du sud-ouest. Jean Dubuffet qualifiera ces expéditions
de « bain de l’art brut », de « baptême par immersion ». Fasciné,
Alain Bourbonnais lui consacra un court-métrage
Giovanni PODESTA, d’une famille paysanne de l’Italie du Nord,
il devient employé dans une usine de céramique. Parallèlement à
son métier, purement alimentaire, Podesta s’était mis à peindre et
à créer des tableaux et des petits objets en plâtre peint, surchar-
gés d’écriteaux portant divers messages moralisateurs d’inspira-
tion anarchiste et religieuse: il en couvre les murs de son loge-
ment HLM. Il décore également le mobilier de sa salle-à-manger.
Comme dans une église baroque, dominaient l’or, l’argent, la cou-
leur rouge, mais cela sur des supports de pacotille : bois, cartons,
bouts d’étoffes, papiers de chocolat.
Ces 3 exemples sont emblématiques, car ils illustrent un des
fondamentaux de l’art brut, à savoir des personnes exemptes de
culture artistique et fabricants de poésie à partir de matériaux
dérisoires.
s
La Fabuloserie 1, rue des Canes 89120 DICY
/
www.fabuloserie.com
TEXTE / AJB
F A B U L O S E R I E
La Fabuloserie - le tunnel 5
F A B U L O S E R I E
La Fabuloserie - l’Atelier 5
H . D A R G E R
« Henry Darger, 1892-1973 », au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 2015 5
L ’ E X P O S I T I O N H E N R Y D A R G E R
A U M A M D E PA R I S
INTERVIEW DE CHOGHAKATE KAZARIAN, COMMISSAIRE
DE L’EXPOSITION
Suite à un don exceptionnel de 45 œuvres de la succes-
sion Darger en 2012-2013, le Musée d’Art moderne de la
Ville de Paris a consacré du 29 mai au 11 octobre 2015
une exposition à l’une des figures mythiques du XXe
siècle : Henry Darger (1892-1973). Complétée par des
prêts d’institutions internationales, l’exposition Henry
Darger a recréée le monde imaginaire de l’artiste recon-
nu aujourd’hui comme l’un des représentants majeurs
de l’art brut. Autodidacte et longtemps resté en marge
du monde de l’art, Henry Darger a créé un monde sin-
gulier et étrange, mêlant imaginaire, récit historique et
culture populaire américaine dans une œuvre unique.
Quelles est votre définition actuelle de l’art brut ?
Je ne fais pas de distinctions.
Comment analysez-vous l’évolution de la définition de
l’Art Brut et Singulier et son succès ?
Je ne crois pas que la notion ait beaucoup changé, même si des
querelles de chapelles existent. Quant à sa réception : elle n’est
pas nouvelle et existe depuis le surréalisme, Dubuffet...
La valeur montante des œuvres d’Art Brut, et d’Art Sin-
gulier, est-elle le signe que l’Art brut et singulier sont
bien ancrés dans l’histoire de l’Art comme le sont le
cubisme, le surréalisme, l’impressionnisme, le pop… ?
C’est une fausse impression, car même un artiste comme Darger,
considéré comme le plus cher dans l’art brut, a une côte très infé-
rieure à beaucoup d’artistes de niveau et de célébrité équivalentes.
Venons-en à votre exposition consacrée à Henry Dar-
ger. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet?
L’exposition a pour origine un don de Kiyoko Lerner, veuve de Na-
than Lerner, découvreur de Darger auquel il louait une chambre.
Comment avez-vous conçu le parcours, quelle en a été
la logique ?
L’exposition ouvre avec une salle documentaire qui immerge le
visiteur dans une reconstitution de la chambre de Darger où sont
projetés deux documentaires (un sur la chambre, l’autre sur sa
vie). Le visiteur peut ainsi revivre la découverte de l’œuvre, à la
manière de Nathan Lerner qui, en vidant la chambre de Darger
a découvert son œuvre. Commence ensuite l’exposition à propre-
q
I N T E R V I E W
H . D A R G E R
« Henry Darger, 1892-1973 », au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 2015 5
ment parler en suivant un parcours thématique et chronologique
(les œuvres ont été datées à cette occasion). J’y ai introduit une
narration qui reprend le schéma général du roman de 15 000
pages.
Les artistes d’art brut tels que Henry Darger sont-ils
une référence pour des artistes des générations sui-
vantes et une source d’inspiration ?
Dès le départ (sa découverte par l’artiste Nathan Lerner), Darger
intéresse ses pairs : artistes, écrivains, musiciens, etc. On peut
dire de lui que c’est un artiste pour artistes, attirés par la radica-
lité de son œuvre et d’une vie sans concessions. Disons que Darger
incarne l’artiste idéal.
Quelle est l’œuvre ou l’artiste qui vous a fait vous inté-
resser à l’art brut ?
Horace Pippin et Louis Michel Eilshemius. C’est donc une histoire
plus américaine, liée à l’outsider art, qu’européenne.
q
TEXTE / AJB
H . D A R G E R
« Henry Darger, 1892-1973 », au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 2015 5
Reims Bioeconomy ParkSohettes / Val des Bois
Dédiés À L’INNOVATIONET AUX AGRO-RESSOURCES
Aménagé par
Contact :03 26 50 66 88
www.reims.cci.fr
46 ha
Le parc d’activités Sohettes est cofinancépar l’Union Européenne
© C
ham
pagn
e C
réat
ion
- R
EIM
SPARTENAIRE DE VOS IMPRIMÉS
REIMS - PARIS - GAUCHY - VALENCIENNES - LAON - HIRSON
LA FORCE D’UN GROUPE AU SERVICE DE LA QUALITÉ
SITE DE REIMS26-30 rue du Dr Schweitzer
03 26 50 65 65
SITE DE PARIS19 rue Lambrechts01 47 88 02 21
PARTENAIRE DE VOS IMPRIMÉS
REIMS - PARIS - GAUCHY - VALENCIENNES - LAON - HIRSON
LA FORCE D’UN GROUPE AU SERVICE DE LA QUALITÉ
SITE DE REIMS26-30 rue du Dr Schweitzer
03 26 50 65 65
SITE DE PARIS19 rue Lambrechts01 47 88 02 21
L A C O L L E C T I O N D ’ A RT B R U T D U
L A M D E V I L L E N E U V E
D ’ A S C Q
INTERVIEW DE SAVINE FAUPIN, CONSERVATRICE EN
CHEF EN CHARGE DE L’ART BRUT AU LAM
La collection de L’Aracine, telle qu’elle a été donnée au
Musée d’art moderne Lille Métropole couvre un large
champ historique puisque les œuvres les plus anciennes
datent de la fin du siècle dernier. La collection est com-
posée d’œuvres sur papier ; elle comprend également
des sculptures sur pierre ou sur bois et des assemblages,
ainsi qu’un ensemble de peintures sur toile. Sur les
conseils de la Direction des Musées de France, L’Aracine
a proposé, en 1995, à Lille Métropole d’accueillir dans
son Musée d’art moderne son importante collection
d’art brut constituée depuis 1982. Une exposition dé-
ployant largement la collection a été présentée au musée
en 1997 et, en 1999, la Communauté Urbaine de Lille a
accepté cette donation. Depuis, le LaM présente chaque
année une exposition monographique ou thématique en
lien avec la collection d’art brut.
www.musee-lam.fr
Quelles est votre définition actuelle de l’art brut ?
C’est un art qui se démarque car c’est une forme de pratique sans
barrières ni frontières. C’est quelque chose qui nous interpelle
car il y a une multiplicité de pratiques et d’origines de personnes
qui arrivent à se projeter au-delà d’une difficulté de vie avec une
capacité de création très inventive. C’est un art qui interroge les
autres arts et nous pose des questions sur le geste, le pourquoi, le
contexte de la création.
Comment analysez-vous l’évolution de la définition de
l’Art Brut et son succès ?
Il y a toujours eu un intérêt pour cet art, mais l’art brut n’a été
découvert qu’au XXe siècle, car sans doute que cela n’était pas
possible avant. Les œuvres ont existé, mais n’ont pas été conser-
vées parce qu’on ne les voyait pas forcément. Les surréalistes déjà
montraient ce type d’œuvres qui créent des tensions et des sur-
prises, même si elles n’étaient pas nommées en tant qu’Art brut.
C’est Jean Dubuffet qui a défini ce terme d’art brut.
Ensuite, le marché de l’art s’est intéressé à l’art brut, ainsi que les
musées, comme le LaM.
f
I N T E R V I E W
L A M
Auguste Forestier, Soldat 3, 1935-1949 - collection LaM Villeneuve d’Ascq ©DR, photo Dubart Cécile 5
L A M
L A M
5 Aloïse (Aloïse Corbaz, dit), Où vas-tu Seigneur Dieu, vers 1958-1960, collection LaM Villeneuve d’Ascq © DR, photo Dubart Cécile
L A M
Pouvez-vous nous parler de votre collection?
La collection provient du don de l’association L’Aracine qui s’était
installée à Neuilly-sur-Marne de 1982 à 1996 pour compenser le
départ de la collection Dubuffet en Suisse. 3 500 œuvres avaient
été réunies. A la fermeture de l’association, la collection a été don-
née au LaM en 1999. Avec cette collection le LaM voulait monter
l’art brut aux côtés de l’art moderne et contemporain en faisant
dialoguer les œuvres. Le musée s’est agrandi en 2010 pour pré-
senter l’art brut sur une surface de 900 m² équivalente à celle
de l’art moderne ou de l’art contemporain. Avec les acquisitions,
les dons et les dépôts, la collection d’art brut du LaM atteint au-
jourd’hui les 4000 œuvres.
Ou trouvez-vous aujourd’hui les œuvres d’art brut pour
compléter votre collection ?
Les réseaux sont bien structurés. Il y a régulièrement des ventes
d’œuvres d’art brut. Nous avons des propositions de galeristes,
de collectionneurs, de familles qui se séparent d’œuvres, de bro-
canteurs, d’artistes eux-mêmes et de ventes d’ateliers. Ainsi, par
exemple, lors de la vente de l’atelier Breton en 2003, le LaM a
acquis plusieurs œuvres d’art brut.
Si vous deviez mettre en avant 3 artistes d’art brut,
quels seraient-ils?
Aloïse : Il s’agit d’une œuvre fabuleuse faite dans un contexte
d’hôpital qui n’est pas le lieu de l’atelier, mais avec une projection,
une technique personnelle très belle. Elle a transfiguré son monde
dans une œuvre généreuse et joyeuse, infinie et qui étonne.
Auguste Forestier : Il a créé des personnages qui étaient des sortes
de jouets, avec une capacité d’invention dans les formes à partir
de matériaux trouvés à l’hôpital. Avec son travail, il se propulse
dans un ailleurs, tout en restant sur place.
Augustin Lesage : C’est un Spirit qui est obligé de répondre à une
voix qu’il entend en 1972 et qui lui dit de devenir peintre. Il va
alors créer un monde imaginaire et fabuleux, des œuvres impres-
sionnantes et belles, tout en continuant son travail de mineur. Il
est devenu un ambassadeur de la peinture Spirit dans le monde.
Quels rapports entretenez-vous avec les artistes ?
Nous les entretenons avec des rencontres, des discussions, nous
enregistrons les témoignages, afin de leur donner une place et les
écouter. Par exemple, André Robillard est venu passer un mois
au LaM pour le spectacle de ses 80 ans. Avec d’autres, nous dis-
cutons sur la manière de présenter leurs œuvres. En venant au
musée, ils ont la satisfaction de voir leurs œuvres montrées et de
voir d’autres œuvres.
F
www.musee-lam.fr
TEXTE / AJB
5 Lam Villeneuve d’Ascq © photo DR
H ô t e l P o n s a r d i nd u 2 a u 2 6 n o v e m b r e 2 0 1 5
w w w . a r t i n r e i m s . c o m
CCI REIMSEPERNAY
A R T I N R E I M SA I R S
a r t b r u t&
a r t s i n g u l i e r
L A C O L L E C T I O N S A I N T E - A N N E
La Collection Sainte-Anne, précédemment nommée col-
lection du Centre d’Etude de l’Expression, a une histoire
longue, complexe et exemplaire. L’hôpital qui l’abrite,
s’inscrit dans une histoire psychiatrique, artistique et
culturelle. L’hôpital Sainte-Anne, comme centre artis-
tique ou comme “Cité des Arts” n’est pas chose récente.
Dans les années 1930 il fut un lieu de rencontre pour des
psychiatres reconnus et pour des psychanalystes pion-
niers. Les concepts qu’ils apportaient étaient l’occasion
de débats entre psychiatres, écrivains et artistes liés au
mouvement surréaliste. Dans ce contexte culturel et
artistique, deux expositions fondatrices eurent lieu à
Sainte-Anne. Même si elles sont différentes dans leur
conception et dans leur organisation, elles se rejoignent
quant à leur importance et à leurs conséquences.
L’exposition de 1946 : Œuvres exécutées par les malades
mentaux
Cette exposition avait un objectif artistique - malgré son intitulé
- et elle s’inscrivait dans la ligne de l’intérêt que les surréalistes
portaient aux productions artistiques des malades mentaux.
Montée à Sainte-Anne au sortir de la guerre, elle a été conçue
par des personnages différents et complémentaires. Elles présen-
taient des œuvres soigneusement conservées par des institutions
et des psychiatres. 178 œuvres furent réunies. Cette manifesta-
tion posait la question des liens entre création et folie, en mettant
en évidence des points de vue contradictoires. C’était aussi pour
cet hôpital parisien, l’occasion de retrouver son rôle artistique et
pionnier en matière de réflexion culturelle. Cette exposition eut
un vrai retentissement médiatique soulignant les analogies avec
les œuvres contemporaines. Enfin cet événement marquait le
début d’une longue tradition d’expositions artistiques au sein de
l’hôpital Sainte-Anne. Elle fut déterminante dans l’initiative des
psychiatres qui ont eu l’idée d’organiser l’exposition suivante en
1950.
L’exposition de 1950 : Exposition internationale d’art
psychopathologique
Elle fut décidée dans le programme préparatoire du 1er congrès
mondial de psychiatrie qui se tint à Paris en septembre 1950,
sous la présidence du professeur Jean Delay. Le but de cette
nouvelle exposition était selon Robert Volmat : « de rassembler
des œuvres significatives d’intérêt scientifique, intéressant les
techniciens et de donner l’occasion à un public plus étendu de
percevoir la valeur esthétique et par suite humaine de l’expres-
sion chez les aliénés ». Il est important de noter que les idées des
psychiatres étaient encore hésitantes - voire ambivalentes - entre
une conception psychopathologique des œuvres des malades et
un plaisir esthétique, voire une volonté humaniste. L’organisation
de cette exposition a nécessité un appel aux collections françaises
et étrangères. 2000 œuvres réalisées par 350 malades furent ainsi
x
S A I N T E A N N E
O O
O E U V R E S E X P O S É E S P O U R A R T I N R E I M S À L ’ H Ô T E L P O N S A R D I N
D U 2 A U 2 6 N O V E M B R E 2 0 1 5
Jean Janès, Sans titre, 17 mai 1963, Gouache sur papier, 67 x 50 cm . Inv. n°0769 ,Collection Sainte-Anne 5
S A I N T E A N N E
5 Edda Marcos, Sans titre, Sans date, Gouache sur papier, 21,7 x 27,3 cm . Inv. n°0578, Collection Sainte-Anne
6 Oannès , Sans titre, Sans date, Huile sur papier, 32 x 24 cm. Inv. n°0483, Collection Sainte-Anne
S A I N T E A N N E
S A I N T E A N N E
5 Jean Janès , Sans titre, 19 février 1963, Gouache sur papier, 67 x 50 cm . Inv. n°0770, Collection Sainte-Anne
exposées. Dans nombreux articles de presse commentant cette
exposition on relève de manière récurrente, une confusion entre
folie et génie, entre maladie et propension à être créatif. D’autres
articles plus rares, traduisent en revanche une vraie passion pour
cet art singulier qui est mis en relation avec à l’art contemporain.
Des débuts remarquables
Cette exposition fut le point de départ de la constitution de la col-
lection hospitalière appelée maintenant Collection Sainte-Anne.
En effet à l’issue de ce congrès, une grande partie des œuvres ex-
posées a été donnée au Département d’art psychopathologique.
Cette unité crée par Delay et Volmat, au sein de la Clinique des
Maladies Mentales et de l’Encéphale (CMME), avait pour but de
regrouper les activités artistiques de l’hôpital. Elle avait une fonc-
tion thérapeutique et une fonction de conservation des œuvres
de patients. Ce Département fut transformé en 1973 en une asso-
ciation dénommée Centre d’Etude de l’Expression (CEE). Cette
entité gère, étudie et valorise, depuis ce moment-là la Collec-
tion Sainte-Anne. Les dons de 1950 furent suivis d’autres dons
d’œuvres, conservées par des psychiatres privés ou par des ins-
titutions publiques. Depuis près de 60 ans, cette collection s’est
considérablement enrichie.
LA COLLECTION ACTUELLEMENT
Depuis 1994, le Centre d’étude de l’expression, s’est engagé dans
3 réformes. La création d’une réelle réserve pour la conservation
des œuvres, la redéfinition de la Collection en 2 corpus différents
et des projets pour sa valorisation. Les œuvres dispersées dans dif-
férentes caves de l’hôpital ont été réunies, classées, inventoriées.
Par ailleurs des contraintes organisationnelles et des considéra-
tions historiques ont amené à organiser la Collection en 2 cor-
pus distincts. Le même statut ne pouvait être accordé à toutes les
œuvres ; elles avaient été créées à des époques différentes, dans
des contextes variables, avec des intentionnalités singulières, par
des malades ayant un rapport toujours personnel à la création et à
l’art. Les intérêts artistiques, historiques voire scientifiques furent
privilégiés.
Le fonds muséal
Il est constitué d’œuvres historiques provenant des dons initiaux
de collections françaises et étrangères. Les œuvres les plus an-
ciennes datent de la fin du XIXe siècle. Par goût, par hasard ou
sur l’incitation de leur entourage, leurs auteurs se sont adonnés
au dessin ou à la peinture. Peut-être en ont-ils tiré un soulage-
ment, peut-être en ont-ils conçu beaucoup de plaisir. Certains
n’avaient pas de culture artistique préalable, d’autres au contraire
connaissaient parfaitement les règles de l’art. Tous ont su trans-
mettre leur émotion, leur souffrance, leur imagination, leurs réfé-
rences, leurs attachements, leur talent. Il ne s’agit nullement de «
curiosités », mais d’œuvres qu’il est possible d’inscrire dans des
champs référentiels très variés. Depuis une vingtaine d’années,
des artistes contemporains et des patients devenus artistes ont
aussi volontairement fait don de leurs œuvres à ce fonds muséal.
Le fonds scientifique
Il est beaucoup plus important en nombre et est constitué
d’œuvres réalisées, pour 90% d’entre elles dans les ateliers théra-
peutiques de Sainte-Anne ou d’ailleurs, ce qui explique la quantité
remarquable de ce fonds. Ces œuvres ne sont pas destinées à être
exposées pour des raisons éthiques. Il s’agit d’un corpus d’étude
ouvert aux chercheurs.
La Collection Sainte-Anne, n’est ni une collection d’art brut, ni
une collection d’art psychopathologique, ni un cabinet de cu-
riosités, ni une Collection d’art des fous, ni une collection d’art
contemporain, mais une collection hospitalière singulière. Un
grand nombre d’œuvres ne porte pas les stigmates d’une patho-
logie. Il est possible au contraire de repérer à quel courant artis-
tique ou culturel elles sont susceptibles d’être rattachées. Elle est
un patrimoine historique et artistique qui ne doit pas être margi-
nalisé. En ce sens il est important que ces œuvres puissent être
présentées, montrées et mises en scène.
x
ANNE-MARIE DUBOIS
Praticien hospitalier à la CMME Centre d’Etude de l’Expression
Responsable scientifique de la Collection
Christian Croizé-Pourcelet, Sans titre, 9 août 1968, Gouache sur
papier, 67 x 50 cm. Inv. n°0779, Collection Sainte-Anne 5
S A I N T E A N N E
PH
OTO
GR
AP
HIE
+ G
RA
PH
ISM
E P
ELLE
TIE
R-D
IAB
OLU
S.C
OM
WWW.INTER-ACTIF.NETREIMS • TROYES • ROISSY CDG
1FRÉQUENTER DESGENS AGRÉABLES
2ÊTRE ACCOMPAGNÉ
3FAIRE DE BONNES
AFFAIRES
Une autre idée de la Promotion Immobilière
celle de l’Art de VivreDisponibles du T2 au T5 en Hyper Centre REIMS
HABITER OU INVESTIR
commercialisation et renseignements
03 26 49 50 [email protected]
documents et photos non contractuels - crédit photo shutterstock
T H E O U T S I D E R A RT F A I R I N
PA R I S & N Y C
ENGLISH VERSION
What is your definition of Raw Art?
Raw Art and Outsider Art represent artworks created by self-
taught individuals for themselves.
As Dubuffet wrote in his pamphlet, entitled «Raw Art Preferred
to the Cultural Arts,» in 1949, «these artists draw all from their
own collections and not clichés of classic or fashionable art. An
art therefore where uniquely the function of invention manifests
itself, and not those, constant in Cultural Art, of the chameleon
and monkey.»
How would you describe the evolution of the Outsider
Art and Singular Art definitions, as well as the success
of this form of art?
A debate about the terms and definitions has been going on for
years. But the most important thing is that the works of self-
taught artists are getting increasingly known around the world.
These artworks have opened a dialogue in the world of contem-
porary art, which is becoming rather insular. Over the last five
years, we saw a remarkable development of Raw Art and Outsi-
der Art, particularly through to the Venice Art Biennale 2013, the
Carnegie International, the Hayward Gallery’s «Alternative Guide
to the Universe, « the Henry Darger exhibition at the Museum of
Modern Art, a large donation of Outsider Art works to the Me-
tropolitan Museum of Art, and the Judith Scott exhibition at the
Brooklyn Museum.
How do you discover Outsider artists and artworks,
given that they are not referenced?
It usually happens through a friend or a family member of the
artist who recognizes the special talent of the artist. That per-
son usually helps the artists, who do not think about selling or
showing their works.
What kind of relations do you have with the artists?
We interact as much as needed to represent them, as we would
with any artist.
Does the increase in value of Raw Art and Singular Art
works mean that they have become a well-rooted art
movement in the history of art such as cubism, surrea-
lism, impressionism, pop art, etc.?
I think that the value of Raw Art works is increasing because of
they are gaining more and more visibility, which in turn creates
more and more demand. And there are also fewer works of Raw
Art than of Contemporary Art.
Could you talk about your art fair? What is its history?
The Fair was created in New York in 1993. Our company, Wide
Open Arts, bought the Fair in 2012. In January 2013, we produced
our first edition in New York. It was a great success and there was
a lot of press coverage. Then we decided to expand the Fair and
to launch it in Paris. Considering the history of Jean Dubuffet, the
Halle Saint Pierre, LAM, the Collection de l’art brut, the Maison
Rouge, the abcd collection and many more institutions, it was a
logical step for the Fair.
In the last two years, the Fair was held in a hotel near the FIAC,
but this year we have moved it to a new location, the Hotel du
Duc, which is the former mansion of the Duke de Morny, near
the Opera House. This new venue will allow the Fair to increase
the number of participating galleries to 37 from 25. For the first
time, we will have galleries from Australia, Russia, Hungary and
Canada. A dozen galleries from France as well as galleries from
other European countries, the United States and Japan will also
participate in the Fair.
How big is the area of the Fair in Paris and in New York?
The Paris Fair will be held at the Hotel du Duc, a former mansion
of 1,000 square meters near the Opera House. In New York, the
Fair is held at the Metropolitan Pavilion in Chelsea, over an area
of 2,300 square meters.
p
T R A D U C T I O N
How many artists will be represented? And how many
artworks will be exhibited?
It depends. In New York, we will accommodate 51 galleries and in
Paris, 37 galleries. Some galleries are exhibiting only one artist,
and other galleries are showcasing many artists.
What are the similarities/differences between the two
events?
The New York Fair was launched 23 years ago, thus there are visi-
tors who are familiar with the event, which is twice as big as the
Paris Fair. The Paris Fair was launched in 2013 in a hotel which
we had rented entirely over the past two years. This year, we will
be holding the Fair in a former mansion. At the Paris Fair, there
are more French and European galleries than in New York, where
there are many galleries from all over the United States.
Which artist drew you to become interested In Raw
Art?
Like many people, I was at first interested in the works of Henry
Darger. I remember the exhibition in 2000 at PS1 MOMA - «Di-
sasters of War: Francisco de Goya, Henry Darger and Jake and
Dinos Chapman.» That’s when I started to be interested in the
world of Henry Darger.
If you had to highlight three Raw Art artists, which
ones would you choose, and why?
Susan Te Kahurangi King, George Widener, and Shinichi Sawada
are three artists who are creating magnificent works and who are
becoming more and more famous in the art world.
P
Outsider Art Fair New York : 21 – 24 janvier 2016
/
outsiderartfair.com
TRADUCTION / BECCA HOFFMAN
A R T F A I R
Outsider Art Fair 2015 5
P U B
R E S I D E N T I E L - C O M M E R C I A L - C U L T U R E L
A R C H I T E C T E S D P L G & H M O N P
R E I M S / P A R I S
P L A N D A . f R
jjmm
. PL
ANDA . Architecture . Design . DPLG . HMONP . www.plan
da.fr
.
P L A N D A A R C H I T E C T E S