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AHMED AKKACHE LA RÉSISTANCE

ALGÉRIENNE DE 1845 À 1945 (ESSAI), SNED,

ALGER, 1972

Après la reddition de l’Emir Abdelkader, en 1847, et la défaite des principaux

chefs de la résistance, Bou Maaza, Ben Salem et Ahmed Bey de Constantine, la

conquête de l’Algérie semblait terminée. « La guerre sérieuse, comme disait

Bugeaud, était finie ». Les généraux français pouvaient célébrer leur victoire.

Mai un an à peine après l’emprisonnement de l’Emir, le feu se rallumait aux

quatre coins du pays, sous la direction de chefs nouveaux, souvent inconnus,

sortis du peuple. La longue guerre de dix-sept ans qui venait de se terminer

n’était en réalité que la première étape d’une lutte séculaire qui n’allait prendre

fin qu’en 1962 dans les you-you victorieux et les chants de l’indépendance.

Il est sans doute peu d’exemples, dans l’histoire de l’humanité, d’une résistance

aussi acharnée et d’une opposition aussi intransigeante à la domination

étrangère. A peine l’incendie semblait-il éteint quelque part qu’il se rallumait

ailleurs, encore plus violent. A peine un combattant était-il tombé qu’un autre se

levait à sa place.

Que d’hommes valeureux, cachés sous l’anonymat émouvant de surnoms

populaires : Bou Baghla, Bou Borma, Bou Choucha, ou abrités modestement

derrière un nom prestigieux à force d’être simple : Si Ahmed, Si Kaddour,

Boucif ou Arezki, ont préparé tout au long de la nuit coloniale, sans cesse

illuminée de l’éclat des sabres et des lueurs fulgurantes des fusils, les chemins

du 1et Novembre 1954.

Résistant pied à pied à la pénétration française défendant avec acharnement la

moindre parcelle de leurs terres, s’insurgeant contre les spoliations, refusant les

impôts écrasants et les corvées humiliantes, jamais ces combattants intrépides

n’ont accepté de se soumettre. Ni la terreur militaire, ni les enfumades du Dahra,

ni le massacres des prisonniers enchaînés d’Aïn Yagout, ni les têtes de

combattants découpées et exposés aux yeux des foules, ni les atrocités

permanentes qui constituent le plus clair de l’œuvre française de « pacification »

n’ont pu avoir raison de leur volonté inébranlable.

Le peuple algérien peut être fier de cette épopée de plus d’n siècle. Des rives de

la Méditerranée aux montagnes lointaines du Hoggar, des vertes cerisaies de

Tlemcen aux collines fauves de N’gaous, des générations entières ont lutté et

souffert pour la liberté et la justice.

On trouvera dans les pages qui suivent une brève énumération des principaux

faits d’armes qui illustrèrent leur résistance héroïque, liste certainement très

incomplète, mais que les jeunes chercheurs algériens, interrogeant

scientifiquement les vestiges du passé, auront sans aucun doute à cœur de

reconstituer bien mieux que ce modeste travail.

1848

Soulèvement de nombreuses tribus dans le Sud Oranais, les Aurès, et les Ziban.

Au cours d’un combat près de Biskra, les Français perdent 30 tués et 105

blessés. Dans la région de Tlemcen les tribus Bni Snouss refusent de payer

l’impôt et subissent une répression impitoyable.

Les habitants de l’Ouarsenis, du Titteri et du Dahra refusent également de payer

et chassent les caïds qui leur sont imposés par les troupes françaises. Les

M’zaïa, dans la région de Bougie font de même.

A Palestro un bataillon français est attaqué et son chef, le capitaine Castex, tué.

Le caïd Ben Yahya, des Oulad Bellil et son goum de 14 cavaliers sont attaqués

et tués par les Beni Yala.

1849

Les combattants de l’Oasis de Zaâtcha, dans les Ziban soutiennent un siège

héroïque de plusieurs semaines. Ayant succombé sous le nombre ils sont

littéralement exterminés par les troupes françaises.

Des scènes horribles ont lieu : les têtes des combattants sont coupées et exposées

sur les remparts. Des femmes sont massacrées avec leur enfant au sein.

Après de violents combats le village de Nahra dans l’Aurès est complètement

rasé par Canrobert, et tous ses habitants tués.

Bou-Saâda s’entoure de barricades et résiste avec l’appui des Oulad Ferradj et

des autres tribus de la région.

Le refus de payer les contributions de guerre s’étend dans tout le pays, et les

troupes françaises procèdent, après des accrochages sanglants, à l’enlèvement de

troupeaux et de biens dans l’Ouarsenis, les Nementcha et le Dahra.

En Kabylie, on signale l’insurrection des Oulad Soltan et des Oulad Ameur, qui

tuent leurs caïds.

Un nouveau chef de partisans, nommé Boucif, organise des incursions en

territoire occupé. Après une mêlée sanglante, qui coûta plusieurs morts à

l’ennemi, il est lui-même tué : sa tête, son cheval et ses armes sont envoyés à

Alger.

1850

De nombreux caïds et cheikhs, installés par les forces d’occupation, sont

attaqués et tués par les gens de leur tribus. On en signale plusieurs dizaines en

divers points du pays, plus particulièrement en Kabylie chez les Beni

Mellikeuch et les Beni Yala.

Des compagnons de l’Emir Abdelkader, réfugiés au Maroc, rentrent e Algérie et

se livrent à de nombreuses incursions autour de Tlemcen, Marnia, Nedromah. Ils

sont aidés par d’importants contingents des Beni Snassen, des Beni Drar et des

Mezaouir. De nombreux accrochages ont lieu avec les troupes du général de

Mac-Mahon.

LA REVOLTE DE BOU BAGHLA

Sous la conduite d’un chef des tribus Maatka, surnommé Bou Baghla, les

montagnards du Djurdjura et des Babor opposent une résistance acharnée à

l’armée française, qui entreprend une véritable guerre d’extermination pour la

conquête de la Kabylie.

Chaque village se transforme en forteresse, et fait payer chèrement leurs

atrocités aux occupants. Malgré le blocus, l’interdiction des marchés et la

construction de nombreux postes militaires, la guerre fait rage pendant plusieurs

années.

Dans sa correspondance, le maréchal de Saint Arnaud explique de la façon

suivante les méthodes de pacification utilisées : « j’ai laissé sur mon passage un

vaste incendie. Tous les villages, environ deux cents, ont été brûlés, tous les

jardins saccagés, les oliviers coupés ».

Signalons durant la même année, d’importants combats dans le Guergour,

marqués par l’héroïsme de la qalâa des Beni Abbas (57 tués et blessés chez les

Français), à Djidjel (28 tués et blessés), dans la vallée de la Soummam, chez les

Zouaoua du Djurdjura, etc…

Le Chérif Bou Baghla se montre un excellent homme de guerre. Habile,

courageux, connaissant parfaitement la montagne, il organisa un mouvement de

résistance tel que l’armée française dut mobiliser à certains moments près de

80.000 soldats pour en venir à bout. Non seulement le Maréchal de Saint -

Arnaud, mais aussi le général Pélissier, le général Camou, le général Cuty furent

envoyés successivement contre lui.

Mais rien n’empêchait l’armée des insurgés de recevoir constamment de

nouveaux contingents des tribus de la région. Voici comment par exemple un

officier français raconte le ralliement des Flissa à l’insurrection et les combats

qui s’ensuivirent.

« Aïn Faci, le 15 octobre 1851.

« Ce que nous devions le plus craindre vient d’arriver. Les Flissa, au moins pour

la plus grande majorité, viennent de passer au Chérif…

« Les nouvelles étaient bien vraies : entre 9 et 10 heures j’étais à Tizi-Ouzou, où

l’on m’avait envoyé, quand j’entendis les obus et la fusillade.

Comme vous devez le supposer, j’arrivai bientôt sur le lieu du combat et

j’aperçus Bou Bar’la avec son infanterie, sa cavalerie, et tout cela en ligne, à une

lieue et demie du pied des montagnes.

« Le Chérif avait du monde, beaucoup de monde. Son intention était de passer

chez les Flissa. On était sorti pour l’en empêcher, on ne fut pas en force pour le

rejeter dans la montagne des Maatka. Aussi opéra-t-il son mouvement sous nos

yeux, bannières déployées, musique en tête.

« …La fusillade entamée assez chaudement, employait presque un tiers de notre

infanterie, y compris notre réserve, et nos escadrons n’étaient pas encore rentrés

de Dellys. Les choses en étaient donc là, Bou Bar’la paradait devant nous depuis

deux ou trois heures quand, tout à coup, nous l’avons vu remonter avec tout son

monde vers les Maâtka. Je ne m’expliquais pas trop ce mouvement, quand j’ai

reçu la nouvelle que M. le colonel Bourbaki, sans doute prévenu que nous

avions Bou Bar’la sur les bras avec tout son monde, était en train de brûler les

Azids des Maâtka du côté de Bor’ni… ».

« Signé : Pechot »

C’est évidemment avec des méthodes de ce genre, destinées à affamer et à

détruire les populations, que les troupes coloniales menaient la guerre. Quoi

qu’il en soit on signale des combats successivement à Dra El Mizan, Bordj

Menaiel, Tizi-Ouzou, dans l’Oued Isser, le Sebaou, et dans bien d’autres régions

encore tout au long des années 1852 et 1853 ;

1852

Insurrection des Beni Drar et des Beni Snassen dans l’ouest Oranais. Violents

combats contre les troupes du général de Montauban.

Insurrection des Harrakta dans l’est constantinois.

Le Siège de Laghouat

Soulèvement dans le Sud Algérien, autour de Laoughouat, Messaâd et les Oulad

Sidi Cheikh.

Le Chérif de Ouargla Mohamed Ben Abdellah prend la tête du mouvement.

La population de Laghouat, assiégée et bombardée, soutient une lutte héroïque

et se bat maison par maison. Les Français perdent des centaines d’hommes dont

un général, un commandant et plusieurs officiers.

L’occupation de Laghouat devait ouvrir à la colonisation les portes du Sud. «

Pour avoir la paix dans le Tell, déclare un général français, il faut être maître du

Sahara, sinon il faut s’attendre à y avoir renaître des orages. »

1853

Pour avoir « soutenu la rébellion » les sept villes de la confédération du M’zab

sont placées sous le contrôle de l’armée. Dans une proclamation à leurs

habitants le général Pélissier déclare :

« Depuis deux ans vous nourrissez nos ennemis dans votre pays, vous leur

donnez à boire et à manger ; vous les encouragez dans leur entêtement et leur

révolte ».

Mohamed Ben Abdellah et son principal lieutenant Ben Nacer Ben Chohra

reparaissent dans le Sud à la tête d’une centaine de cavaliers. Des accrochages

ont lieu tout au long d’une ligne de 400km, de Metlili à Ouargla.

En Kabylie un dirigeant de grand prestige se joint à l’insurrection. Il s’agit de Si

El Hadj Amar, chef de la Zaouia de Si Abderrahman Bou Ghobrine, des

Guechtoula, qui va devenir en quelques années plus tard la puissante confrérie

des Rahmanya, dissimulant sous les apparences d’une secte religieuse une vaste

organisation de résistance.

Si El Hadj Amar, qui soutenait secrètement Bou Baghla et cachait dans sa

zaouia les combattants blessés ou recherchés, évita de justesse l’arrestation par

les troupes françaises et se réfugia dans les Beni Ouassif. Voici comment un

auteur français parle de lui :

« Il était brave, savait manier un cheval et, quoique marabout, faisait crânement

le coup de feu lorsqu’il s’agissait de combattre pour la guerre sainte. Aussi

plaisait-il énormément aux Kabyles, qui ne faisaient rien sans le consulter et

suivaient l’impulsion qu’il leur donnait. Son seul défaut à leurs yeux était de ne

pas parler leur langue.

Il ne s’exprimait en effet qu’en arabe. Si El Hadj Amar donna un grand essor à

l’ordre religieux dont il était le chef, et recruta un grand nombre de Khouan,

même en dehors de la Kabylie. Les progrès de notre domination poussait

d’ailleurs vers lui tous les mécontents ». (1)

1. N.ROBIN, in « Revue africaine » N° 159 (1883) p. 12

1854

COMBAT DANS LE SUD

Soliman Ben Djellab de Touggourt, entre en insurrection et occupe Ngouça avec

l’aide de Mohamed Ben Abdellah.

Les Oulad Amelkhoua se joignent à eux et détruisent un convoi français sur les

bords de l’Oued Djedi, récupérant ses armes et 150 chameaux.

Une colonne de 250 cavaliers sous les ordres du colonel Devaux est écrasée à

Maghaïer, au Sud de Biskra.

Le 29 Novembre une gigantesque bataille de cavaliers et de fantassins, mettant

en ligne 6.000 combattants, s’engage à Meggarin, dans l’Oued Souf. Les

Français avouent : 10 morts et 38 blessés. Mais dans une lettre de Mohamed Ben

Abdellah à la tribu des Attia ont trouvé les précisions suivantes :

« Les Français (que Dieu les extermine) ont envoyé contre nous trois

colonnes…Nous nous sommes rencontrés avec eux le samedi 10 de rabiet’tani,

nous nous sommes battus, et très rudement. Dieu nous a rendus victorieux, nous

les avons détruits ; nous avons tués environ 300 soldats, le camp est resté en

notre pouvoir. Les armes, la poudre, les chameaux sont à nous.

« Les Français (que Dieu les confonde) ont été tellement secoués…, qu’ils ont

perdu la tête et l’esprit. Les Kabyles des Zouaoua se battent avec eux aux portes

d’Alger, en sorte qu’ils sont bloqués ».

1855

Après de longues années de résistance Bou Baghla est tué. Sa tête, découpée à la

scie, est exposée sur un poteau à Bordj Bou Arréridj, où la foule vient se

recueillir. Mais la mort du Chérif n’entraîne qu’un ralentissement provisoire de

la guerre. Très vite de nouveaux combattants se lèvent, et en particulier une

femme admirable, Lalla Fatma, qui devient l’âme de la résistance dans le

Djurdjura.

1856

LE DJURDJURA INSURGE

Nouveau soulèvement général dans les montagnes Kabyles, du Sebou aux

Babor. Le général Randon est chargé de la répression avec plus de 25.000

soldats.

La plupart des caïds sont tués ou se sont ralliés à l’insurrection. Le Bordj de

Boghni est incendié.

1857

Des combats sanglants, comme celui d’Icherriden, marqué par une bataille

légendaire, se déroulant dans tout le Djurdjura. Les troupes françaises brûlent,

détruisent et massacrent sans pitié tout ce qu’ils trouvent sur leur chemin.

Mais les insurgés répondent avec héroïsme, et les pertes colonialistes sont

énormes. Par exemple, dans un seul combat contre les Beni Iraten les Français

avouent 67 tués et 445 blessés.

Encouragés par Lalla Fatma, des moussebiline, volontaires de la mort, se font

les uns aux autres dans les retranchements montagneux et se battent jusqu’au

dernier homme.

L’insurrection se rallume dans l’Aurès, Le Belezma et la région de l’Oued El

Kebir.

Mohamed Ben Abdellah organise des groupes de partisans chameliers chez les

Chaamba et les Touareg. Ils font des coups de main sur certaines Oasis, en

partant d’Aïn Salah.

1859

LA REVOLTE DES BENI SNASSEN

Important soulèvement dans l’ouest Oranais autour des Beni Snassen, des

Angad et des Mehaïa.

Ces grandes tribus des confins algéro-marocains, stimulées par la présence de

nombreux réfugiés, n’ont jamais été soumises. Elles attendent depuis longtemps

le signal de la revanche sur les colonialistes, signal que doit donner un

personnage légendaire : Moul Es-saâ (le Maître de l’heure) venu de l’ouest.

Elles croient le trouver en la personne de Si Mohamed Ben Abdellah, ennemi

irréconciliable des Français, qui prêche la reprise de la guerre. Reconnu aussitôt

par El Hadj Mimoun Ould Bachir, chef des Beni Snassen, et Bou Beker, chef

des Mehaïa, le nouveau chef engage les hostilités, qui embrasent toute la région

de Tlemcen, les Oulads Mensour, les Beni-Mengouch, les Msirda, les Achache,

les Oulad Sidi Medjahed,etc...

Une colonne dirigée par le commandant Bachelier est détruite. Des accrochages

violents se succèdent pendant plusieurs mois dans toute la région, depuis

Ghazaouet, sur la côte, jusqu’à Sebdou.

On signale à la même époque un nouveau soulèvement dans l’Aurès, sous la

direction de Si Saddok Ben El Hadj.

1860

La lutte s’étend dans tout le nord Constantinois, autour de l’Oued El Kebir, les

régions de Collo, Mila et Djidjelli. Les tribus du Hodna se soulèvent contre le

général Desmarets.

Dans le même temps les tribus chaâmba entrent en insurrection et attaquent des

colonnes françaises.

Les villes du Mzab se révoltent, et le colonnel Margueritte est aussitôt dépêché

pour y « rétablir l’ordre ».

Les Oulads Sidi Hadjrès, dans la régio de Sou El Ghozlane, organisent des

nombreux attentats des colons et des militaires.

1861

Djelfa est encerclée et attaquée en pleine nuit par un important groupe de

partisans dirigé par Taïb Ben Chandougha. Plusieurs soldats et colons français

sont tués. Le lendemain les colonialistes arrêtent 7 notables et les fusillent

sommairement en plein centre de la ville.

Mohamed Ben Abdellah livre bataille aux contingents du caïd Ali Bey près de

Rouïssat (Ouargla). Abandonné par 400 goumiers du Souf, qui tournent leurs

armes contre lui, Ali Bey est écrasé. Ouargla est libérée.

Les Algériens se dirigent sur Guerrara, capitale du Mzab, où un combat a lieu.

Quelques mois plus tard, à Blad Er Rmel, sur la route du Touat, Mohamed Ben

Abdellah est capturé, par suite de la trahison de Bou Beker Ben Hamza. Interné

d’abord à Oran, ce grand combattant de la résistance algérienne est transféré

ensuite à la citadelle de Perpignan. Rentré à Annaba, il souleva la ville en 1871,

puis se réfugia en Tunisie, dans le Djebel Lakhdar, où il mourut en 1877.

1864

INSURRECTION DES OULAD SIDI CHEIKH

Début, dans le sud algéro-oranais, de la grande insurrection des Oulad Sidi

Cheikh, qui s’étend rapidement dans le nord du pays, où l’incendie se rallume

dans presque toutes les régions que les Français croyaient avoir soumises.

Le détachement du colonel Bauprêtre, commandant supérieur de Tiaret, tombe

dans une embuscade à Aouinet Bou Bekr et est complètement détruit. Les

contingents Harrar qui l’accompagnent s’insurgent.

Des garnisons et des colonnes françaises sont attaquées et subissent de lourdes

pertes dans le Tell Oranais, le Bas-Chéliff, la région de Sétif.

Les forces d’occupation engagent 100.000 hommes dans les activités de

répression. C’est une véritable guerre, qui va durer plus de 20 ans et s’étendre

progressivement jusqu’aux confins les plus éloignés du Sahara.

A nouveau les moissons et les villages sont brûlés par les colonialistes. L’Oasis

d’El Abiod Sidi Cheikh résiste admirablement et finit par être rasée. Le général

Yousouf enlève des dizaines de milliers de moutons et de bœufs aux tribus

nomades.

Les tribus du Djebel Amour se soulèvent.

Les Oulad Chaïb les suivent, à Boghar, et détruisent un peloton de Spahis.

Plusieurs convois français sont attaqués. Une grande bataille a lieu à Tadjmout.

Les habitants du Ksar Ben Hammad attaquent et détruisent le poste de Chellala.

Peu à peu les grandes tribus du sud, le Larbaâ, les Oulad Naïd, les Chaâmba se

joignent aux Oulad Sidi Cheikh, dirigés par Si Lala, Si Mohamed et Ben Nacer.

Les villes du Mzab leur envoient des fantassins et du ravitaillement. Tous les

postes entre Boghar et Djelfa sont détruits.

1865

Si Mohamed livre combat aux troupes du général Deligny à Garet Sidi Cheikh.

Il est mortellement blessé. Son frère Si Ahmed Ben Hamza prend la tête de la

résistance. Des accrochage ont lieu avec les troupes du colonel Margueritte.

A Sour El Ghozlane quatre Algériens accusés d’attentats sont exécutés sur la

place du marché « pour donner l’exemple ». La population leur rend hommage.

Des centaines de guerriers Chaâmba entrent en campagne dans la région de

Metlili.

Si Ahmed attaque Géryville, défendue par le colonel Colomb. Un officier

français raconte à ce sujet : « Nos troupes n’échappèrent à un désastre que grâce

à l’énergie de leur chef…Toutefois le succès fut chèrement payé : 42 hommes,

dont un officier, furent tués, et 54 blessés. »

1867

EMEUTES POPULAIRES

Les destructions permanentes, les incendies de moissons et les vols de troupeaux

organisés par les colonialistes, joints aux effets d’une grande sécheresse, se

traduisent par une famine terrible. Des émeutes ont lieu. Des fermes de colons

sont attaquées.

L’évêque d’Alger écrit un journal français : « Depuis plusieurs mois un grand

nombre d’arabes ne vivent plus que de l’herbe des champs ou des feuilles des

arbres qu’ils broutent comme les animaux…On les voit presque nus, à peine

couverts de haillons, errer par troupes sur les routes, dans le voisinage des villes

d’où on a été obligé de les éconduire pour éviter des désordres de toute

espèce…Ils enlèvent ceux de nos colons qui sont obligés de garder leurs fermes

le fusil à la main » (1)

Un important détachement armé, dirigé par Bouazza Ould Larbi, livre combat

dans la région de Marnia : plusieurs tués et blessés

1868

Manifestations populaires à Ghardaïa : 70 personnes tuées

Si El Ala et un nouveau chef insurgé, Si Kaddour, parcourent la région entre El

Goléa et Laghouat, à la tête d’importants détachements.

Bou Azza Ould Larbi reconstitue une armée en territoire marocain et opère

plusieurs incursions en Algérie. Grâce à l’aide volontaire de la population, ses

djounoud bénéficient d’une solde journalière et de vivres en nature.

1869

Dirigés par Si Kaddour Oulad Hamza et Si El Ala, les Oulad Sidi Cheikh

attaquent dans le Djebel Amour et remontent jusqu’aux sources de la Mina.

Tiaret, Frenda et Aïn Mahdi sont menacés, ainsi que les régions de Boghar et de

Djelfa.

Combats de cavalerie sur les bords du Chott Ech Chergui. Des Algériens

réfugiés au Maroc rentrent pour participer à la lutte. Les routes et les lignes

télégraphiques entre Géryville et Frenda sont coupés par les insurgés. Aïn Mahdi

est libérée et fournit 500 chameaux à l’insurrection.

Sid El Ala, à la tête de 4000 soldats, attaque les troupes du colonel Sonis et leur

inflige de lourdes pertes à Oum El Debdeb. Les Algériens font preuve d’un

courage admirable. « Malgré les vides qui se creusent dans cet amas de

cavaliers, dans cette cohue en délire, malgré les selles qui se vident de leurs

cavaliers, malgré les pentes qui s’encombrent de cadavres…, les rebelles ne

songent point à déserter. Vingt fois ils reviennent à la charge, soit en masse, soit

en échelons ». (Colonel Trumelet)

1870

Un jeune Saharien « presque imberbe, vêtu d’une gandoura verte et armé

seulement d’un pistolet », surnommé Bou Choucha, rassemble un important

détachement de partisans et parcourt la campagne. Un engagement militaire a

lieu sur les rives de l’Oued Sebseb.

Manifestations populaires à Laghouat

Les Oulad Sidi Cheikh attaquent des colonnes françaises entre Mecheria et

Béchar.

Combats dans le sud-ouest du Sahara pour la conquête des Oasis du Guir.

(1). Lettre de l’évêque Lavigerie à l’illustration 1868

1871

LA GUERRE DE 1871

Les spahis Algériens de Aïn-Guettar refusent de se faire embarquer par la

France. Ils désertent leurs unités, se joignent aux tribus de Hanencha et attaquent

avec elles la ville de Souk-Ahras.

Les populations du massif de l’Edough et de l’Oued El-Kebir, dans le nord

Constantinois, celles des Nementcha et de Tébessa dans l’Est, celles des Oulad

Sidi Cheikh dans le sud oranais, se joignent au mouvement.

Puis c’est le tour de la Kabylie, dirigée par le Bachagha Mohamed Mokrani, et

de la puissante confrérie des Rahmania, animée par le Cheikh El Haddad de

Seddouk, qui achèvent à donner à l‘insurrection une dimension nationale. C’est

en effet une véritable guerre de libération qui s’engage, la plus importante

depuis la reddition de l’Emir Abdelkader. Après le constantinois et les massifs

kabyles, la Mitidja, la région de Sour El Ghozelane, le Chenoua jusqu’à

Cherchell, et tout le nord du Sahara sont touchés.

Ce qu’on appelle d’ordinaire « l’insurrection Kabyle » est donc en réalité une

puissante insurrection nationale anti-colonialiste, où des paysans expropriés, des

Khammès, et des montagnards côtoient des ouvriers des villes, des chefs

féodaux et des membres de confréries religieuses. La révolte atteint son point

culminant en Avril 1871.

Des villes importantes comme Bordj-Ménaïl, Palestro et Boudouaou, sont

libérées. Tizi-ouzou, El-Milia, Dellys sont assiégées. Les Français sont obligés

de replier leurs garnisons et d’évacuer la plus grande partie de la Kabylie et du

Constantinois. La mort de Mokrani, le 5 mai, n’empêche nullement les combats

de se poursuivre et même de se développer.

Les villes de Béjaïa et de Djidjel sont attaquées au mois de Juin, Cherchell au

mois de juillet par les Beni Menacer, habitant du Zaccar, qui arrivent même à

contrôler la voie ferrée Alger-Oran. Bou Sââda et M’sila sont libérées au mois

d’Août.

La reddition du Cheikh El Haddad, le 13 juillet, après une bataille sanglante à

Icherriden, et l’écrasement des Oulad Sidi Cheikh, portèrent un premier coup au

mouvement. Mais c’est surtout l’arrivée d’importants renforts militaires rendus

disponibles par la fin de la guerre franco-allemande et l’écrasement de la

Commune de Paris, qui permirent de réprimer l’insurrection.

Il faut néanmoins plusieurs mois encore aux forces colonialistes pour venir à

bout des derniers combattants, dirigés par Boumezrag, frère de Mokrani,

d’abord dans les monts du Bou Taleb, dans le Hodna, puis chez les Oulad Naïl

et dans l’Oued Righ, à Touggourt, et enfin à Ouargla, le 20 janvier 1872.

La répression fut à la mesure de la peur immense qu’avait éprouvée la

colonisation : exécution sommaire par centaines, incendies, destruction,

accaparement de plus d’un million d’hectares de terres, amendes énormes de

plusieurs dizaines de millions de francs-or imposées aux populations, etc…

Mais la guerre, en dépit de cette répression sauvage, avait laissé dans le pays des

souvenirs impérissables. Longtemps bien longtemps après la fin des derniers

combats, les meddahs et les mères de Kabylie chantaient encore aux enfants les

exploits héroïques de leurs ainés, et notamment le sacrifice extraordinaire de ces

2000 moussebiline de Larba Nath Iraten qui, après avoir psalmodié la prière des

morts, montaient en vagues successives à l’assaut des remparts du camp

français, offrant généreusement leur vie pour détruire cette « épine douloureuse

plantée au cœur du Djurdjura ».

Boumezrag et certains de ces campagnons se retrouvèrent quelques années plus

tard au bagne de Nouvelle-Calédonie où une institutrice française, déportée

après la Commune de Paris, parle d’eux en ces termes : « Un matin, dans les

premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous

blancs des Arabes déportés pour s’être eux aussi, soulevés contre l’oppression

…Ils étaient simples et bons, et d’une grande justice…Hélas, il en est qui sont

toujours en Calédonie et n’en sortiront probablement jamais » (1)

L’un des rares qui en soient sortis, Boumezrag, se retrouva en 1885 à Paris où il

participa aux obsèques de Victor Hugo : Hommage symbolique d’un grand

combattant de la liberté à un poète ennemi de l’injustice.

1. .Louise Michel : la Commune, Histoire et souvenirs t.II, p. 148.

1872

LA RESISTANCE DU SAHARA

A peine finis dans le nord les combats reprennent au Sahara. On signale des

opérations militaires à Biskra, où reparaissent Ben Nacer et Bou Choucha, qui

attaquent les troupes du général de la Croix à Tamesquida et Aïn Et Thaïba.

De violents combats ont lieu à Hassi Berkaoui et Chabet El Hamid (sud

Constantinois). Les Français reprennent difficilement Touggourt et Ouargla.

1873

Bou Choucha est prisonnier près de Timimoun par les troupes du général

Gallifet et envoyé enchainé à Alger. On apprend alors qu’il est natif du Djebel

Amour, Douar Erricha et qu’il s’appelle Mohamed Ben Toumi Brahim.

Condamné à mort, il est aussitôt exécuté.

El Goléa est occupée après une vigoureuse résistance. Toute la population est

contrainte d’évacuer la ville.

1876

Les nomades Bou Azid se soulèvent sous la conduite du Cheikh Mohamed Ben

Yahya, entrainent les populations des Ziban et occupent l’Oasis d’El Amri. Plus

de 5000 combattants donnent l’assaut au camp du général Carteret, qui subit de

lourdes pertes et ne peut se dégager qu’avec l’appui de renforts venus de

Constantine et de Bou Saâda.

1878

Vive agitation populaire dans le sud algérois. On signale plusieurs attentats

dirigés contre des caïds ou des renégats.

1879

Une nouvelle insurrection éclate dans l’Aurès : des soldats français étant venus

arrêter le prédicateur Mohamed Ameziane Ben Abderahmane, surnommé Bou

Borma, la population s’y oppose, protège le Cheikh et tue les soldats. Aussitôt

les Oulad Daoud, les Beni Bou Slimane et les Lehala se soulèvent et tuent leurs

caïds. Le Bordj de Taga et attaqué et incendié par une foule de « montagnards

armés de sabres, de bâtons et de vieux fusils ».

1881

Nouveau soulèvement des Oulad Sidi Cheikh dans le sud oranais sous la

direction de Bou Amama.

Les populations sahariennes s’opposent farouchement à la pénétration française.

A Géryville le lieutenant, chef du bureau arabe, est tué par des résistants qu’il

voulait arrêter : aussitôt les Harar Cheraga se soulèvent et envoient des

contingents à Bou Amama, qui se dirige vers les régions de Tiaret, Saïda et

Frenda, où il fait incendier les chantiers d’exploitation de l’alfa.

L’envoi de troupes françaises en Tunisie, où l’occupation coloniale commence,

stimule les insurgés, qui contrôlent la région pendant deux ans.

Plus au sud l’escorte militaire de la mission Flatters est attaquée et détruite dans

la région d’Aïn Salah.

Troubles sanglants au M’Zab. Les Français décident l’annexion de toutes les

Oasis de la confédération.

1890

LES « HORS LA LOI »

De nouvelles formes d’action apparaissent. L’implantation coloniale est devenue

si pesante, le nombre d’Européens dans le Tell si grand, les brigades de

gendarmerie, les bureaux arabes et les postes militaires si nombreux, que la

résistance est obligée de se fractionner en petits groupes, tout en s’organisant

plus efficacement pour éviter la répression. On assiste alors à un accroissement

spectaculaire du nombre des attentats. Des maquis se constituent dans les

régions montagneuses.

Les colons européens exigent le retour à la responsabilité collective, c'est-à-dire

à la répression de populations entières en cas d’attentats individuels. Ils se

plaignent de ce que leurs bestiaux sont volés, leurs récoltes incendiées et leurs

vignes coupées par des « bandits indigènes », qui se permettent même

quelquefois de « faire les vendanges avant eux ».

1893

Le conseil général d’Alger demande des mesures spéciales contre les « forçats

indigènes évadés et cachés dans les forêts de Kabylie », qui sont au nombre d’un

millier et qui créent « un véritable état insurrectionnel ».

Pour avoir une idée de ce que sont ces prétendus « bandits » il suffit de signaler

qu’un de leurs chefs, nommé Abdoun, est un paysan condamné à mort pour

avoir tué l’amin collaborateur du village. Evadé de Cayenne et revenu en

Kabylie, il tient le maquis pendant plusieurs années. Blessé et arrêté, il fut à

nouveau condamné à mort, pour avoir commis personnellement …32 meurtres

du même genre.

Le député français Jonnart déclare à ce sujet : « le brigandage est le vivant

témoignage d’un malaise social : on aura la sécurité en Algérie quand on aura

cessé d’exploiter l’indigène ». Ce qui ne pouvait évidemment être qu’un vœu

pieux.

1894

Des opérations militaires sont engagées en Kabylie contre un important groupe

de maquisards commandés par Arezki El Bachir. Parmi les « Hors la loi » tués il

y a des jeunes gens de 17 ans.

1895

Une donnée statistique officielle relève que le nombre des attentats commis

durant cette année en Algérie contre les personnes et les biens des Européens

s’élève au total impressionnant de 8.389. (1)

Voici à titre d’information le nombre des attentats commis durant les années

précédentes :

1886---2623

1887---3961

1888---4998

1889---5632

1890---5014

1891---5327

1892---6557

1893---7568

1894---9397

Ainsi, en l’espace de quelques années, le nombre des attentats officiellement

recensés a plus que triplé dans le pays.

(Chiffres cités par C.R.AGERON, in « Les musulmans algériens et la France », t. I, p.553)

1899

La résistance du Sahara continue, on signale des accrochages dans les Oasis du

Touat.

Dans le Tidikelt l’escorte militaire de la mission Flamand est attaquée.

1900

Accrochages aux confins algéro-marocains.

1901

Révolte à Miliana : excédé par les exactions des colons les habitants du Zaccar

se soulèvent sous la direction du chef de zaouia Yagoub et de son adjoint Hadj

Ben Aïcha. 125 paysans sont arrêtés et transférés en France pour être jugés

devant une cour d’assises : 17 d’entre eux meurent en prison.

1902

Combats violents dans le Hoggar où les Touareg s’opposent avec acharnement à

la pénétration française.

1903

Résistance des Ajjeur dans la région de Djanet et le Tassili.

1908

CONTRE LA CONSCRIPTION

Effervescence dans le Hodna et le Belezma : les Oulad Sahnoun attaquent des

caïds de la grande famille féodale des Bengana.

1910

Début d’un important mouvement de résistance contre la conscription

obligatoire que les autorités coloniales veulent imposer au pays. De nombreuses

tribus jurent de ne pas livrer leurs enfants à l’armée française.

1911

Le mécontentement populaire s’exprime par « l’exode de Tlemcen », départ

massif des familles de la ville vers la Syrie. Cet exemple est suivi à Sétif, Bordj

Bou Arréridj, Alger, Tébessa. La population redoute de voir les jeunes gens

mobilisés et envoyés au Maroc où la France s’apprête à voir asseoir sa

domination.

1912

Sous le mot d’ordre « nous ne donnerons pas nos enfants » des manifestations

éclatent à Souk-Ahras, Khenchela, Beni Bou Yagoub. Des recrues sont libérées

par la foule à Nedroma, Sebdou et Oum El Bouaghi. D’autres jeunes mobilisés

désertent et prennent le maquis, à Collo et Aïn Touta.

Des centaines de notables signent des pétitions à Alger, Blida, Médéa, Sétif. Une

délégation est même envoyée à Paris où un paysan déclare :

« Je supporte des impôts écrasants, je suis de toutes les corvées, je suis humilié,

l’usure une ruine, la colonisation me refoule…Et aujourd’hui on me demande de

donner le seul bien qui me reste : mon enfant ! »

1914

Le jour même de déclaration en Europe l’état de siège est proclamé en Algérie,

où des troubles éclatent : les Algériens refusent d’être utilisés comme chair à

canon.

A Barika, Tébessa, Mascara, les convois de recruteurs sont attaqués à coup de

pierres. A Batna 34 recrues des douars Seggana et Sefiana sont libérés par la

foule et désertent. Partout ailleurs des centaines de jeunes gens sont déclarés

insoumis et se réfugient dans les montagnes.

Les incidents les plus graves ont lieu en Oranie, où les Beni Chougrane prennent

les armes (monts de Mascara) pour s’opposer à la conscription. C’est une

véritable révolte, marquée par des accrochages sanglants. Pour la réduire le

général Labit, à la tête de plusieurs milliers de soldats, met la région à feu et à

sang.

En Kabylie un rapport officiel signale l’apparition de maquis, formés de

déserteurs et d’insoumis : 142 arrestations sont annoncées dans les régions de

Dra El Mizan et Azeffoun. Un autre rapport signale des attentats et des attaques

de ferme dans les régions de la Calle, l’Edough et Souk-Ahras où « des groupes

audacieux, bien armés, opèrent dans un massif forestier et montagneux des plus

propices à l’embuscade et riche en retraite inaccessibles ».

1915

Profitant de la guerre en Europe la confrérie des Senoussia déclenche une

insurrection générale au Sahara. Fondée par Mohamed Ben Ali Ben Senoussi,

natif de l’Hillil, près de Mostaganem, cette secte s’est établie au cœur du désert,

étendant ses ramifications sur le Sud Tunisien et surtout la Libye.

Les premiers combats eurent lieu dan la région de Djanet, dont la garnison

française fut assiégée durant 18 jours par Soltan Ahmoud, chef des Ajjeur, qui

prenaient ainsi leur revanche. Encadrés de guerriers chaâmba et de méharistes

déserteurs les insurgés tuent ou capturent toute la garnison. Ils détruisent

également plusieurs petits détachements opérant dans la région.

1916

Révolte des tribus de l’Aurès qui refusent, comme les Beni Chougrane, de se

laisser utiliser dans la guerre impérialiste. A Aïn M’lila et Aïn Fakroun la foule

des paysans libère les jeunes incorporés. A Bernelle un convoi est attaqué, 4

soldats français sont tués et 68 conscrits libérés. A Khenchela et Tébessa la

population fait la grève pour protester contre le paiement des impôts. De

nombreux soldats chaouia désertent leurs unités et se réfugient dans les

montagnes. Des accrochages ont lieu près de Barika avec des détachements de

Zouaves et de Spahis (10 morts).

Dans le Belezma on signale un important soulèvement sous la direction de

Benali Bennoui, un paysan du douar Tilatou. Le sous-préfet de Batna et

l’administrateur d’Aïn Touta sont tués par les Oulad Aouf. Un rapport

administratif français parle même, en termes assez obscurs, de la proclamation

d’une « république » dans la région. Il s’agit vraisemblablement d’un premier

territoire libéré, sur lequel nous n’avons malheureusement pas d’autres

témoignages. Toujours est-il que plusieurs fermes de colons, des gares, des

maisons forestières, sont attaquées et incendiées en même temps que des postes

militaires.

Durant la même année un important groupe de maquisards se manifeste près de

Ténès en tuant deux gendarmes et en brûlant des fermes de colons : 248

arrestations sont opérées par une colonne française envoyée dans la Dahra.

1917

Insurrection générale des Touaregs du Hoggar, sous les ordres de Si Mohamed

El Abed.

D’importants détachements armés, commandés par des chefs comme Khaoucen

ou l’aménokal Bou-bakeur Ag Allegoui parcourent les immenses régions

comprises entre Tamanrasset et Ouargla. Toutes les patrouilles françaises qu’ils

rencontrent sont capturées ou détruites. Ce qui fait écrire au général Meynier

dans un rapport : « Dans tous ces petits combats de détails nos pertes en

hommes sont sérieuses. D’assez nombreuses armes sont enlevées et servent à

équiper de nouveaux insurgés ». Précisons que parmi les armes ainsi récupérées

on compte plusieurs mitrailleuses et même 2 ou 3 canons de 80m \ m .

Ce qui explique l’importance des combats d’In Amejen, où les Français avouent

13 tués, Aïn El Hadjadj (18 tués et 12 prisonniers) Oued Ehan, où l’adjudant

Lenoir est abattu d’une balle en plein front ainsi que tous ces soldats, etc …

Au début de la même année on signale que le Père de Foucauld est tué à

Tamanrasset avec les 3 méharistes qui lui servait de gardes du corps. Des

groupes de Touaregs armés rayonnent désormais sur tout le Sahara central,

poussant même des reconnaissances jusqu’au Mali, au Niger et au Tchad pour

inciter les populations à la révolte.

Le danger est tel, pour les arrières du colonialisme, que le gouvernement

français prélève sur le front allemand d’importants renforts de troupes, qui vont

aller combatte, sous les ordres du général Laperrine, ceux qui dans les rapports

officiels commencent à être appelés des « fellagas ».

On trouve en effet ce mot, pour la première fois semble-t-il, dans le texte suivant

du général Meynier relatif à la situation au Tanezrouft : « c’est ainsi qu’un

détachement de dix méharistes se déroba devant une patrouille ennemie de

même effectif, et qu’un autre fut pris et désarmé par les fellaga dans les environs

de Tinfouchaye, sans avoir esquissé de résistance » (in « Revue africaine »,

tome LXXXIII, page 257)

1918

De nouveaux accrochages ont lieu au Sahara, où les troupes françaises essuient

des échecs cuisants. Les insurgés réussissent à capturer et à détenir des

prisonniers de guerre. Un rapport militaire signale par exemple qu’une colonne

commandée par le maréchal des logis d’artillerie Lapierre, capturée après une

poursuite mouvementée de 150 km dans le désert, ne fut libérée qu’en 1919.

Conclusions

On peut dire que c’est seulement entre 1918 et 1920 que se termine,

provisoirement, la phase de résistance armée active qui s’était ouverte avec

l’agression colonialiste de 1830. Cette longue guerre presque ininterrompue de

90 ans a coûté à la France des pertes matérielles énormes et des sacrifices

humains que certains auteurs évaluent à 200.000 hommes. (1)

Quant au peuple algérien, malgré les incendies et les destructions massives,

malgré les massacres que le maréchal Bugeaud lui-même n’hésite pas à

présenter comme « l’unique moyen de gagner une guerre de cette nature », il est

resté aussi farouchement indomptable qu’aux premiers jours.

Sa résistance extraordinaire a fait durant près d’un siècle l’admiration du monde.

Au point que les plus grands penseurs socialistes de l’époque saluent avec

enthousiasme « ces tribus arabes et kabyles qui apprécient l’indépendance par-

dessus tout et pour qui la haine de la domination étrangère est un principe plus

cher que la vie elle-même. (2)

Dépossédés de leurs terres, écrasés d’impôts, refoulés sauvagement par la

colonisation vers les montagnes, les steppes et es déserts, les fils des insurgés

ajoutent maintenant à leur soif de liberté la puissance explosive de leurs

revendications sociales. Ils tirent la leçon de leurs échecs. L’Emir Khaled

organise à partir de 1920 un noyau de mouvement de libération. Les premiers

partis politiques et les premières organisations syndicales apparaissent. Les

villes prennent le relais des campagnes. Les Oulamas se substituent aux Khouan

des Zaouias.

La résistance populaire n’est pas détruite. Mais comme ces Ouads du désert qui

s’enfoncent brusquement dans le sable pour ressurgir on ne sait comment,

quelques kilomètres plus loin, elle a pris des formes nouvelles. On la voit éclater

particulièrement le 8 mai 1945, à l’occasion de la défaite du fascisme, sous

forme de grandes manifestations pour l’indépendance, réprimés par le sang par

le colonialisme.

Certes on enregistre toujours de 1920 à 1945, des actions de maquisards isolés,

des attentats contre des colons, des policiers ou des caïds, mais ces actions

s’intègrent désormais à de puissantes manifestations populaires, des grèves

ouvrières et paysannes, des luttes de travailleurs émigrés ou de soldats enrôlés

dans l’armée française, mouvement irrésistible de larges masses du peuple dans

lequel se prépare les conditions de la grande insurrection victorieuse de 1954.

(1)Lacoste -Nouschi -Prenant : « L’Algérie, passé et présent », page. 328

(2) Marx- Engels : texte sur le colonialisme, p. 217.

Etudes syndicales publiées par I.N.E.R.S

Comité de rédaction

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(U.G.T.A)

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-Rachid Bouchemat