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Delattre Ludivine
Administration d'un placebo antalgique et
authenticité de la relation soignant-soigné
UE 3.4.S6
Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6.S6
Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles
Directrice de mémoire :
Christine Le Friant Galan
Promotion 2014-2017
IFSI CHU DE NANTES 27/04/2017
« L'intérêt du placebo réside dans le fait qu'il contraint la
science médicale à sortir d'elle-même, il l'irrite par son
efficacité, il lui fait se souvenir du contexte dans lequel
elle travaille» François Roustang (2000)
Remerciements
Je remercie Christine Le Friant Galan pour m'avoir accompagnée tout au long de ce
travail de fin d'étude, toujours avec bienveillance, disponibilité et précieux conseils.
Merci également à ma famille, qui m'a soutenue pendant ces trois années d'étude,
qui ont cru en moi et m'ont encouragée sans cesse.
Merci à tous les soignants rencontrés au cours de mes stages ou de mes entretiens,
qui ont partagé avec moi leurs savoirs et leur riche expérience, qui m'ont encouragée dans
mes projets, donné confiance en moi et aidée dans ce travail.
Merci à mes amis de la formation pour m'avoir accompagnée sur ces trois années
autant dans le travail que dans la détente.
Enfin, un merci particulier à Isabelle et Anne, parce qu'elles sont des personnes
exceptionnelles, qui sont une constante source d'inspiration, de joie et de rire dans mon
quotidien.
Sommaire
1. Introduction...................................................................................................1
2. De la situation d'appel à la question de départ..............................................2
2.1 Description......................................................................................................2
2.2 Motivation, questionnement............................................................................3
2.3 La question de départ......................................................................................4
3. Méthodologie.................................................................................................5
4. De la douleur à la plainte...............................................................................6
4.1 Qu'est ce que la douleur...................................................................................6
4.1.1 Douleur aiguë et douleur chronique..........................................................7
4.1.2 Douleur organique et douleur psychogène................................................7
4.2 Écouter la plainte et y répondre.......................................................................8
5. De la plainte à une réponse possible par un placebo ?..................................9
5.1 Qu'est ce que le placebo ?..............................................................................10
5.1.1 Distinction placebo, effet placebo, effet nocebo................................................11
5.1.2 Comment ça marche ?........................................................................................12
5.2 Analyse soignante de l'administration d'un placebo..................................................14
5.2.1 Rôle des perceptions soignantes de la douleur..................................................14
5.2.1.1 Argument test diagnostic............................................................................15
5.2.1.2 Argument « psy ».......................................................................................16
5.2.1.3 Argument « abus »......................................................................................17
5.2.2 Rôle du contexte institutionnel...........................................................................19
6. Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation
soignant-soigné................................................................................................20
6.1 Approche conceptuelle de l'authenticité....................................................................20
6.1.1 Définition de l'authenticité.................................................................................20
6.1.2 Attribut de la congruence...................................................................................21
6.1.3 Attribut de la confiance......................................................................................22
6.2 Résultats de l'authenticité de la relation soignant-soigné..........................................23
6.3 En quoi l'administration d'un placebo antalgique peut-elle influencer l'authenticité
de la relation soignant-soigné ? ......................................................................................24
6.3.1 Effet nocebo ou effet placebo sur la relation soignant-soigné?.........................24
6.3.2 La posture infirmière comme facteur déterminant.............................................25
7. Problématisation .........................................................................................27
8. Conclusion...................................................................................................28
9. Références...................................................................................................29
10. Annexes........................................................................................................I
Annexe I : Guide d'entretien.............................................................................II
Annexe II :Retranscription des entretiens.......................................................IV
Annexe III : Grille d'analyse des entretiens.................................................XXI
1. Introduction
Placebos en intra-veineux ou en comprimés, capsules ou gélules vidées avant
administration...le recours au placebo est décliné à visées variées: antalgique, anxiolytique,
sédative et même anti-hypertensive... Dans certains services hospitaliers, il est
régulièrement utilisé, comme j'ai pu en faire le constat en stage et au cours de discussions
avec mes collègues. Mystérieux au regard de la science, il fait prendre conscience des
capacités inexplorées du corps humain à s'auto-guérir. Cette ressource soulève néanmoins
des questions à la fois juridiques, déontologiques et éthiques. Des interrogations qui sont
appuyées par le fait que cette thérapie semble mal encadrée: aucune consigne
institutionnelle ne guide sa bonne pratique, et les lois restent floues quant à leur utilisation
hors du contexte de la recherche clinique. L'usage du placebo est aussi discret que
controversé. Les médecins ont chacun leur politique d'administration des placebos, lorsqu'
ils font ce choix. Que le placebo dérange ou qu'il interpelle, il est actuellement l'objet de
nombreuses recherches pour évaluer l'ampleur de son efficacité et pour comprendre les
facteurs qui conditionnent son résultat sur le patient. A l'heure ou la médecine voudrait
rendre la population plus actrice de sa santé et de plus en plus autonome dans les décisions
concernant les traitements médicaux, quel sens a le placebo et comment l'administrer ?
Au milieu de cette polémique, il y a l'infirmier qui est parfois dans la position
d'administrer un placebo, que ce soit sur prescription du médecin ou de sa propre initiative
avec accord du médecin. Une position qui pourrait ne pas être très confortable. Est-elle si
facile à adopter ?
L'administration des médicaments et leur connaissance étant au cœur du métier
infirmier, le placebo peut remettre en question certains dogmes de notre profession : le
recueil du consentement du patient, le respect de son autonomie et de sa dignité, ainsi que
le devoir d'information que nous avons auprès d'eux. Le recours aux placebos interroge
également la relation soignant-soigné, dans son authenticité et dans le lien de confiance qui
semblent être deux concepts clé de l'alliance thérapeutique recherchée.
Touchant à l'actualité médicale, l'éthique et la science, ce travail de fin d'étude va
s’intéresser à l'influence de l'administration d'un placebo antalgique sur l'authenticité de la
relation soignant-soigné.
1
2. De la situation d'appel à la situation de départ
2.1 Description de la situation :
Ma situation se déroule en service de dermatologie. Madame G est entrée depuis
une semaine dans le service pour une angiodermite nécrotique de la malléole gauche. Cet
ulcère est connu pour être particulièrement douloureux. Dès son arrivée, une prise en
charge antalgique est mise en place, à base de morphiniques, ainsi qu'un spray anesthésiant
sur la plaie avant les pansements. De plus une cathéter péri-nerveux est installé sur sa
cuisse gauche, pour endormir les nerfs en amont de la plaie grâce à un anesthésiant. A
chaque tour, une évaluation numérique de la douleur est demandée à madame G.
Cependant, il s'avère très difficile de discerner le vrai du faux dans le discours de cette
patiente. Elle dit n'avoir pas mal à la plaie, mais cependant avoir des douleurs de type
rhumatologiques à l'épaule, puis revient sur ce qu'elle dit « Ah si j'ai mal à la plaie,
finalement je veux bien un médicament ! » Elle exprime qu'elle n'a pas mal quand son
visage semble crispé, et inversement qu'elle a mal quand son visage est apaisé. De plus,
elle n'arrive pas à évaluer clairement sa douleur. Physiquement, si on observe la
communication non verbale de cette patiente, les douleurs semblent bien apaisées : elle
marche facilement, n'a pas le visage crispé en dehors des pansements, elle dort
bien...Cependant son expression du visage est très inquiète, une part d'angoisse jouerait-
elle un rôle majeur dans ses évaluations numériques de la douleur? Ceci est discuté dans
l'équipe, tout le monde est perplexe face aux évaluations de la douleur de madame G et la
réponse antalgique qui lui est administrée. Un anxiolytique est donc introduit dans son
traitement. Madame G semble en effet moins anxieuse depuis la prise de cet anxiolytique.
Pourtant lors des évaluations de la douleur, elle demande encore des antalgiques. Un soir,
alors qu'elle avait déjà eu tout ce qu'il était possible de lui donner comme antalgique sur sa
prescription, l'infirmière de nuit décide de lui administrer un placebo. Il se présente sous
forme d'un comprimé rose assez gros. Le résultat est positif : madame G est très satisfaite
de ce nouveau comprimé et dit que cela a bien soulagé sa douleur. Le lendemain, je suis
du soir. A nouveau au tour de 20h, madame G cote sa douleur à 7 et grimace. Je ne peux
plus lui donner de paracétamol à cause d'une cytolyse hépatique diagnostiquée la veille,
2
mais je peux lui administrer une interdose d'antalgique de palier 3. Je préviens l'infirmière
qui m'encadre, elle me répond d'essayer plutôt le placebo. Mal à l'aise, je propose le
comprimé rose à ma patiente. Je ne savais pas comment le lui présenter car je ne savais pas
ce que lui avait expliqué ma collègue de nuit. Madame G ne le reconnaît pas au début et
m'interroge, j'essaye de cacher ma gêne et j'essaye d'être convaincante : « C'est le même
médicament que vous avez eu quand vous aviez mal hier, celui que ma collègue de nuit
vous a donné», et elle s'écrie « Ah oui, il a été très efficace ! ».
Surprise , je me suis sentie un peu comme une usurpatrice et j'avais un sentiment de
« trahison ». Néanmoins le placebo antalgique était en effet plus efficace que tous les
autres antalgiques mis en place depuis le début de son hospitalisation.
2.2 Questionnement et motivation pour ce choix :
Cette situation a fait émerger les questionnements suivants :
– Il s'agit d'une patiente cohérente et consciente, ne devons-nous pas recueillir son
consentement pour tout soin ? Avais-je respecté son autonomie et son droit à
l'information ?
– Cet acte était-il légal ? Quelle est la législation qui encadre le placebo et la pratique
infirmière ?
– Aurions-nous pu mettre d'autres solutions en place avant de lui administrer le
placebo ? A quel moment décider d'administrer un placebo? Quels sont les critères
pour valider cette décision ? Quel est le dilemme éthique que pose cette situation ?
– Un placebo peut-il être efficace si le patient en est informé ? Comment fonctionne
le placebo ? Quelles sont les indications thérapeutiques du placebo, ses effets
indésirables et ses précautions d'emploi ? Peut-il nuire à la santé du patient ?
– Le placebo peut-il influencer la relation de confiance soignant-soigné ? L'effet
placebo est-il influencé par cette même relation de confiance ? L'infirmier reste t-il
authentique lors de cette administration ?
– Comment concilier mes valeurs/principes éthiques, professionnels et
déontologiques avec l'administration de ces médicaments ? Qu'en est-il de ma
responsabilité infirmière ?
3
A l'issue de mon stage, j'ai continué à réfléchir à cet épisode car, pour la première
fois dans ma pratique professionnelle, je me suis sentie mal à l'aise sur un ordre moral. Ma
première question a été : « Est-ce éthique ? » Voici le dilemme: le placebo a un puissant
effet antalgique sur cette patiente ce qui représente donc un bénéfice important pour elle,
mais, en lui donnant, je lui mens, ce qui représente une atteinte à son droit à l'information,
à son consentement et à son autonomie.
En outre, j'ai choisi cette situation car elle m'a beaucoup interrogée. J'aimerais
mieux comprendre les enjeux relationnels et éthiques lors de l'administration d'un placebo.
2.3 La question de départ :
Parmi les thématiques qui se sont détachées de mon questionnement, le concept
d'authenticité est interrogé. Je choisis donc d'orienter mon travail pour répondre à la
question suivante :
En quoi l'administration d'un placebo antalgique prescrit peut-elle influencer
l'authenticité de la relation soignant-soigné ?
J'inscris ma recherche dans le cadre des placebos à visée antalgique, car au cours de
mes premières investigations et de ce que j'ai observé, cette indication justifie le plus
souvent le recours au médicament placebo. En effet, nous verrons en quoi le caractère
complexe de la douleur peut inviter à administrer ce traitement.
4
3. Méthodologie :
De la situation d'appel, j'ai dégagé un questionnement dans lequel plusieurs
thématiques se sont détachées. J'ai choisi d'orienter ma recherche sur la question de
l'impact de l'administration d'un placebo antalgique sur la relation soignant-soigné. Mon
travail est une analyse thématique qui traite la question à travers l'exploration des concepts
suivants : douleur, placebo ( effet placebo, effet nocebo), authenticité, confiance, relation
soignant-soigné. Pour cette phase conceptuelle, je me suis appuyée sur la lecture
d'ouvrages et d'articles de recherches ( cf bibliographie ). Puis après avoir étudié ces
concepts théoriques, j'ai effectué des entretiens exploratoires auprès de trois infirmières
diplômées d'état. L'analyse de ces savoirs théoriques et empiriques, ainsi que le vécu des
infirmières m'a permis de construire le raisonnement qui va être argumenté tout au long de
ce travail. Cela m'a amenée à poser des hypothèses et une question de recherche.
Les infirmières interrogées lors des entretiens exploratoires exercent dans des
services très différents les uns des autres : l'infirmière A est consultante dans l'équipe
mobile de la douleur et est spécialisée dans les prises en charges antalgiques, son
expérience est riche car elle a exercé dans de multiples services avant de se consacrer aux
consultations douleurs. Au regard de son parcours, elle a une expertise poussée des soins
relationnels. L'infirmière B exerce au service des urgences, où la prise en charge antalgique
est également omniprésente. L'infirmière C exerce dans une structure de géronto-
psychiatrie. Il s'agit donc de soins de longue durée, où le relationnel prend une autre
dimension. Ces trois approches étaient donc complémentaires.
Les limites de ces entretiens sont le faible échantillon d'infirmières interrogées.
C'est pourquoi les différents thèmes ne sont peut-être pas exploités dans leur entier. De
plus, le sujet soulevant des débats éthiques, leurs opinions étaient parfois contradictoires, et
il était difficile de traiter leurs informations de façon neutre et objective.
Pour répondre à ma question de départ, je vais premièrement exploiter le concept de
la douleur pour en comprendre la complexité et les enjeux de sa prise en charge. Après
avoir développé en quoi le placebo représente une potentielle réponse à la plainte de la
douleur, j'analyserai son influence sur l'authenticité de la relation soignant-soigné. Pour
finir, je dégagerai des hypothèses et une question de recherche.
5
4. De la douleur à la plainte :
4.1 : Qu'est ce que la douleur ?
« Pas d'idées générale sur la douleur.
Chaque patient fait la sienne, et le mal varie,
Comme la voix du chanteur, selon l'acoustique de la salle. »
Alphonse Daudet, La Doulou (1930)
Ces quelques vers résument toute la complexité du concept de douleur, car elle
s'exprime en effet sous des formes très différentes, subjectives, multifactorielles , variantes
et changeantes selon chacun. On peut donc dire que chaque douleur est unique et cela peut
expliquer pourquoi elle donne temps de fils à retordre au corps médical. En effet, malgré
les nombreux outils d'évaluation et les nombreux traitements de la douleur, il est parfois
difficile de la soulager de façon satisfaisante, ce qui peut se répercuter sur le plan physique,
psychique, social et même professionnel des personnes qui en souffrent.
L'International Association for the Study of Pain (IASP) propose en 1979 la
définition suivante : « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle
désagréable en lien avec un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrit en termes d'un
tel dommage ». L'expression « expérience » renvoie en effet à un vécu subjectif et
individuel. Le soignant, qui est extérieur à cette douleur, va donc difficilement pouvoir
accéder à une pleine compréhension de la sensation du patient. Comme l'appuie
l'infirmière A au cours de notre entretien, le patient a sa propre expertise de sa maladie et
de sa douleur, à laquelle nous n'avons pas accès. De plus les adjectifs « sensorielle et
émotionnelle » admettent que des émotions accompagnent ces sensations physiques et vont
influencer la façon dont elles sont ressenties et vécues. L'infirmière A souligne l'importance
de questionner les émotions associées à la douleur car cela va bien sûr orienter la prise en
charge thérapeutique et relationnelle. D'après C. Chauffour-Ader et M-C Daydé (2012, p.
33), les émotions prédominantes en douleur aiguë sont la peur et l'inquiétude. Tandis que
lorsque la douleur persiste au long court, elle peut faire naître de la tristesse. C'est pourquoi
la douleur chronique peut être associée à un syndrome dépressif. La reconnaissance de ces
6
émotions va permettre de mieux comprendre et aborder la plainte du patient, et de trouver
d'autres stratégies thérapeutiques que les antalgiques ( médicamenteux ou non ) pour une
prise en charge plus globale et efficace. Exemple : la prise en charge de l'angoisse par des
anxiolytiques peut diminuer la douleur, comme cela a été essayé dans ma situation d'appel.
On observe également le recours aux exercices de respiration pour apaiser, etc. (infirmière
A).
4.1.1 Douleur aiguë et douleur chronique :
Comme je viens de l'évoquer, on distingue la douleur aiguë de la douleur chronique.
La durée dans le temps est l'un des critères principaux sur lesquels on se base pour les
discerner. Une douleur ponctuelle et arrêtée dans le temps va donc être qualifiée de douleur
aiguë tandis qu'on qualifie une douleur qui dure plus de trois mois comme chronique.
Néanmoins, comme l'explique C. Chauffour- Ader et M-C Daydé (2012, p.54 ) on ne peut
pas qualifier une douleur de chronique, si elle dure car sa cause persiste : ce sera alors une
douleur aiguë qui persiste. Tandis que si la cause première a été traitée mais que la douleur
persiste quand même, elle devient alors en elle-même la pathologie et il s'agit bien de
douleur chronique. Elle relève d'un mécanisme biopsychosocial bien plus complexe que la
douleur aiguë qui, elle, est généralement causée par une lésion tissulaire ( traumatisme
brutal ou progressif). Selon la Société Française d'Étude et de Traitement de la Douleur
( SFEDT, n.d. ), la douleur aiguë a une finalité de signal d'alarme, tandis que la douleur
chronique perd cette finalité, elle est en elle même la maladie. Dans le cadre d'une douleur
aiguë, la prise en charge sera alors le traitement de la cause organique associé aux
antalgiques. Tandis que pour la douleur chronique, elle « doit être appréhendée selon un
modèle bio-psycho-social, sa prise en charge reposant d’abord sur une démarche
évaluative puis sur un traitement, souvent multi-modal, dont l’objectif est réadapatif . »
4.1.1.1. Douleur organique et douleur psychogène :
Si on reprend la fin de la définition de la douleur par l'IASP : « (…) en lien avec un
dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrit en termes d'un tel dommage. », on mesure
un facteur important : il n'y a pas toujours de lésion qui justifie la douleur. Et pourtant, elle
est bien existante. C. Chauffour-Ader et M-C Daydé ( 2012, p.33) aident à analyser cette
7
définition : la lésion peut ne pas être visible au premier examen clinique ( « réelle ou
potentielle »), ou bien elle peut ne pas exister ( « ou décrit en termes d'un tel dommage »).
Ainsi, cette dernière notion induit le concept de douleurs psychogènes : « qui trouvent leur
origine dans des dysfonctionnements psychiques. La plainte somatique se substitue à une
plainte psychologique qui ne peut se dire. ». Il est donc possible que le patient exprime une
émotion plus profonde à travers sa plainte douloureuse, comme de la peur, de l'angoisse ou
de la tristesse.
On verra plus tard que cette notion de douleur psychogène joue un rôle dans
l'utilisation de médicaments placebo, c'est pourquoi il est important de l'expliquer
préalablement pour mieux comprendre ce phénomène.
4.2 Écouter la plainte et y répondre :
La douleur est le quotidien de nombreux patients. Ces plaintes sont banales dans la
vie professionnelle d'une infirmière et pourtant il n'est pas toujours aisé d'y apporter une
réponse adaptée. Notre rôle est défini en ces termes dans le décret n°2016-1605 du 25
novembre 2016 portant sur le code de déontologie des infirmiers :
« Art. R. 4312-19. – En toutes circonstances, l’infirmier s’efforce, par son action
professionnelle, de soulager les souffrances du patient par des moyens appropriés à son
état et l’accompagne moralement. L’infirmier a le devoir, dans le cadre de ses
compétences propres et sur prescription médicale ou dans le cadre d’un protocole
thérapeutique, de dispenser des soins visant à soulager la douleur. »
Par ailleurs, le droit des patients quant à la prise en charge de la douleur est énoncée
dans la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades : "toute personne a le
droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toutes
circonstances prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les professionnels de santé
mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne
jusqu’à la mort." (article L 1110-5)
A ce jour, la prise en charge de la douleur représente un objectif prioritaire. Selon le
Ministère des Affaires sociales et de la Santé (n.d.) : « L'évaluation et la prise en charge
de la douleur constituent un véritable enjeu de santé publique en tant que critère de
qualité. » Dans cette optique, depuis 1998, les plans de lutte contre la douleur sont lancés à
8
l'échelle nationale et quatre se succèdent. Le dernier projet est le plan 2013-2017 détaillé
dans la Conférence nationale de santé- avis du 17.09.13 sur le projet de programme
national douleur ( 2013-2017). Les moyens jusqu'ici mis en place au cours de ces plans de
lutte contre la douleur sont entre autres des formations pour les soignants, l'instauration des
équipes mobiles de la douleur au sein des centres hospitaliers, l’approfondissement des
outils d'évaluation et de traitement de la douleur.
Dans la formation infirmière, initiale ou continue, l'accent est mis sur l'évaluation et
la prise en charge de la douleur. Si on reprend la définition de la douleur de l'IASP ( 1979),
toute plainte douloureuse du patient doit être considérée comme une douleur, que l'on ait
des doutes sur l'existence d'une lésion tissulaire ou non, que l'on pense l'avoir déjà traitée
ou non. Le soignant doit accueillir la plainte de façon neutre et bienveillante et tout mettre
en œuvre pour soulager cette douleur, même si certains paramètres peuvent échapper à sa
compréhension.
5. Le placebo, une réponse possible à cette plainte ?
Après l'analyse du concept de la douleur, il est plus facile de comprendre pourquoi
l'antalgie est l'indication principale d'un médicament placebo. La douleur est en effet
influencée par d'autres facteurs que la simple lésion tissulaire, comme le facteur
émotionnel, environnemental, social, culturel...sur ces autres facteurs, le placebo va
pouvoir agir et changer les paramètres psychiques qui entrent en compte dans la perception
de la douleur. Les trois infirmières que j'ai interrogées témoignent de l’efficacité quasi
systématique des placebos dans le cadre de l'antalgie. Selon Jean-François Marmion
( 2009, p. 21), plus de 80% des sujets selon les études sentent diminuer ou disparaître la
douleur après l'administration d'un placebo antalgique. Cette efficacité justifie t-elle son
utilisation, au regard des enjeux éthiques et relationnels énoncés précédemment ? Avant
d'aborder la sixième partie qui considérera directement l'impact de l'administration d'un
placebo sur l'authenticité de la relation soignant-soigné, je souhaite développer comment,
quand et pourquoi ce médicament est administré.
9
5.1 Qu'est ce que le placebo ?
Selon Philippe Duval (2015, p.20 ), étymologiquement, placebo signifie « je
plairai » en latin. Ce serait donc un traitement pour plaire au patient ou pour répondre à
son désir de recevoir un soin, si on le prend au sens strict de son étymologie. Aujourd'hui,
on peut néanmoins étayer son rôle et mieux le comprendre. D'après l'institut de bioéthique
de Zürich (2009), plusieurs typologies de placebos sont à distinguer :
• placebo pur : « substance ou méthode inerte (sucre, solution salée). »
• placebo impur : « substance ou méthode avec effet physique ou pharmacologique
connu, mais dont l'action n'est pas démontrée comme probante dans ce dosage ou
cette situation spécifique. »
• intervention placebo : « intervention simulant un effet thérapeutique ou
diagnostique simulé dont l'effet spécifique ne peut encore être démontré. »
Un placebo est donc un traitement théoriquement inefficace, et qui pourtant dans la
pratique a obtenu des résultats. Difficile d'appuyer cette affirmation par des chiffres, car on
ne peut pas encore évaluer l'effet placebo de façon satisfaisante. D'après Sébastien Tubau
(2011), l'effet placebo serait évalué autour de 30% pour n'importe quel traitement, et peut
atteindre 60-70% pour les céphalées et les dépressions. Ces chiffres font écho aux études
de Henry K Beecher, en 1955 et de H. Haas et ses collègues en 1959 :
« H.K Beecher étudie 1052 patients issus de quinze études et obtient toutes
pathologies confondues une moyenne de 32% d'effet placebo. Ces résultats sont confirmés
par H.Haas, quelques années plus tard, à partir de 1400 cas issus de 96 articles. Il trouve lui
aussi une moyenne de l'ordre de 30% (…) les améliorations dans le domaines de la douleur
pouvant aller jusqu'à 60%. » ( Jean Brissonet, 2015, p.35)
De nombreux paramètres peuvent biaiser les résultats, comme la guérison
spontanée. Néanmoins, la situation que j'ai décrite en première partie peut témoigner d'une
étonnante efficacité là ou d'autres traitements actifs avaient échoué. De nombreuses
anecdotes viennent appuyer cette théorie. Sans parler de celles lues dans la littérature pour
mes recherches, les trois IDE interviewées ont chacune relaté des expériences où les
médicaments placebo ont fait leurs preuves. Par exemple, l'infirmière A raconte qu'un
patient s'était fait prescrire des patchs de Fentanyl transdermique ( antalgique palier 3) par
10
son médecin. A la consultation suivante, il décrivait qu'il était très soulagé par ce
traitement, qu'il n'était plus algique. En auscultant son patient, le médecin s'est rendu
compte qu'il avait appliqué les patchs sans les ouvrir, ce qui les rendait complètement
inefficace... et pourtant, le patient était soulagé, rien qu'en étant convaincu d'avoir reçu un
traitement puissant.
Les chiffres énoncés ci-dessus correspondent à l'effet placebo, à ne pas confondre
avec le placebo. Ces différents concepts étant étroitement liés, il convient donc de les
démêler.
5.1.1 Distinction placebo, effet placebo et effet nocebo :
Nous avons vu précédemment que le placebo est la substance ou la méthode
inactive ou non prouvée comme probante. Selon Philippe Duval (2015, p.21) « l'effet
placebo désigne quant à lui l'ensemble des effets non inhérents à la substance active d'un
médicament et qui participe à l'amélioration de l'état du patient ». Cet effet placebo peut
donc être étendu non seulement à l'objet placebo ( traitement inactif) mais aussi à tous les
traitements actifs ( médicamenteux ou non ), à l'environnement, aux interactions...en
somme, à tout ce qui fait lien dans la relation du patient avec ce qui lui est extérieur. Selon
J-F Marmion (2009, p.21) , l'aspect du placebo, son prix, son nom, sa voie d'administration
jouent un rôle dans l'effet placebo. Par exemple la voie injectable fonctionne mieux que la
gélule, ainsi que le fait de porter un nom compliqué comme « Paracylxeromytynxol »
plutôt que « dodo-ronflette » (pour les somnifères ). La couleur compte aussi : bleu pour
les somnifères, rouge pour les excitants, blanc pour les analgésiques, marron pour les
laxatifs. Le goût a plus d'effet de préférence si il est amer plutôt que sucré, ainsi que le prix
doit être de préférence élevé. De même, si il est recommandé par un docteur, cela aura plus
d'effet que par une infirmière dont l'autorité médicale est moindre. Autant de facteurs qui
ajoutent à la crédibilité d'un médicament efficace, selon la représentation sociale que l'on
s'en fait. « L'industrie pharmacologique a en tout cas pleinement intégré l'effet placebo
dans la commercialisation de ses produits, dont les détails ne sont pas laissés au hasard »
ajoute J-F Marmion.
L'effet nocebo, c'est le revers de la médaille. Étymologiquement il signifie « je
nuirai » (J-F Marmion, 2009, p.22). Selon Patrick Lemoine, qui s'est intéressé de très près
11
au placebo et en a publié le livre « Mystères du placebo » ( 1996), un patient sur quatre en
serait sujet. Il explique que l'effet nocebo peut aller jusqu'à intoxiquer, créer des effets
secondaires ou même créer une accoutumance à un produit complètement neutre comme le
placebo. Ce phénomène est favorisé par l'anxiété : « faire tester un produit neutre à des
patients sans leur préciser de quoi il s'agit, ni quels effets ils peuvent produire,
déclencherait des symptômes ex nihilo dans plus de 80% des cas. » (propos recueillis par J-
F Marmion, 2009, p.22) Il mentionne une étude italienne qui affirme qu'entendre un
discours désobligeant ou menaçant majore le taux de cholécystokinine, hormone impliquée
dans la perception de la douleur. Une étude florentine démontre qu' un « médicament pour
la prostate provoque l'impuissance chez 31% des hommes auxquels on a exposé les
désagréments possibles sur leur libido, mais 9,6% chez ceux qui n'en sont pas avertis » ( P.
Lemoine, 2009). De la même manière que l'esprit peut convaincre le corps d'aller mieux
(effet placebo), il peut créer l'effet inverse. A l'instar de l'effet placebo, l'effet nocebo n'est
pas propre qu'au médicament placebo mais à toutes les autres thérapeutiques. Il fonctionne
de la même manière que l'effet placebo, et serait également très influencé par le discours
médical qui accompagne le traitement, ainsi que son contexte d'administration, son aspect,
etc. Si on devait le définir : « il s'agit d'un effet négatif qui va annuler ou réduire les effets
pharmacologiques d'une substance. (…) Il n'est pas lié au médicament pris, mais
principalement à l'attente du patient, découlant lui même de l'attente du médecin vis-à-vis
du traitement qu'il prescrit. » ( propos de P. Lemoine, recueillis par J-F Marmion 2009,
p.22 ). Cette définition appuie sur un point qui semble crucial concernant le placebo, l'effet
placebo et l'effet nocebo : tout se joue autour des attentes du patient, de la façon dont il est
conditionné à répondre au traitement. Il semble que quelque chose se trame au sein même
de la relation soignant-soigné.
5.1.2 Comment ça marche ?
Nous avons déjà amorcé des clés de compréhension pour saisir le fonctionnement
du placebo, de l'effet placebo et de l'effet nocebo. Néanmoins, il est compliqué de dépasser
le stade des hypothèses. La science explique difficilement avec exactitude les mécanismes
psychologiques et biologiques engendrés par le phénomène placebo. Des facteurs ont été
clairement identifiés : le contexte de prescription et les croyances du médecin et du
12
malade. La confiance soignant-soigné semble être un point clé. Il faut que le patient soit
convaincu par le traitement et par les compétences du soignant, et cela implique de la
confiance .
Biologiquement, John Levine et ses collaborateurs (1978) nous mettent sur le
chemin du rôle des endorphines, qui sont des substances endogènes ( produites par notre
propre corps). Elles sont sécrétées par le cerveau. Lorsque l'on prend un antalgique
placebo, les espoirs placés dans ce traitement augmentent la sécrétion d'endorphines. Ces
hormones sont analogues à la morphine. Les morphiniques et les antidépresseurs activent
les même régions cérébrales que leur placebo. Selon J-F Marmion (2009, p. 23) :
« notre humeur, notre moral, notre anxiété modifient notre système immunitaire ou
endocrinien...aussi bien pour l'atténuation de la douleur que pour la disparition d'une
verrue, le placebo servirait d'accélérateur à des processus de guérison spécifiques gérés par
le cerveau, qui produit naturellement, mais en quantité moindre, les éléments nécessaires à
notre rétablissement ( antalgiques, antibiotiques...). »
Par ailleurs, tous les sujets ne répondent pas de la même manière au placebo. On va
distinguer les placebo-répondeurs des placebo-résistants. Cette aptitude à coordonner ses
ressources conscientes et inconscientes pour s'auto-guérir dépendrait apparemment d'un
facteur génétique ce qui explique pourquoi tout le monde ne répond pas de la même
manière au placebo. Kathrin Hall et Ted Kaptchuk nomment « placebome » l'ensemble
des dispositions génétiques concernées. Patrick Clervoy (2015, p. 55) explique leurs
travaux :
« Ils ont recensé les paramètres biologiques engagés dans le phénomène placebo.
Sur les quatre voies possibles : dopaminergiques, sérotoninergiques, opioïde et opioïde
endogène, ils font remarquer que la diversité des réponses placebos chez les patients est
corrélée aux variations de la voie dopaminergique. Cinq gènes codant des enzymes et leur
localisation chromosomique ont été identifiés. (…) Elle émet l'hypothèse que l'aspect
variable de la sensibilité au placebo entre une personne et une autre est lié au
polymorphisme du gène codant la cathecol-O-méthyltransférase. Les gènes incluent deux
substances : la valine ( VAL) et la méthionine( MET). Les personnes dont le gène associe
les séquences MET/MET ont de meilleures dispositions pour répondre à un effet placebo ;
alors que celles dont le gène associe la séquence VAL/VAL sont plus réfractaires. Nous
savons que les premières ont un taux de dopamine disponible nettement supérieur aux
13
secondes. L'explication de ces différences est probablement dans cette variation de
dopamine disponible .»
5.2 Analyse soignante de l'administration d'un placebo antalgique :
Les placebos sont administrés dans des contextes particuliers, bien souvent pour des
patients jugés « difficiles ». C'est ce qui ressort dans toutes mes lectures de recherche ainsi
que dans mes entretiens exploratoires et dans ma propre expérience. Le placebo répond à
une plainte qui n'est souvent pas prise au sérieux, ou qui rend les soignants perplexes. Dans
cette partie, nous allons analyser quel rôle joue la perception soignante de la douleur et du
placebo, ainsi que le rôle du contexte institutionnel dans l'administration d'un placebo
antalgique, en s'appuyant particulièrement sur l'analyse des entretiens exploratoires ( cf
annexes) ainsi que sur les articles de recherches de Wälti-Bolligera, M. (2011), « Placebo
et soins professionnels, réflexions et positionnement infirmier », et de Baty, C., Fondras, J.
C., Abitbol, G., Bloch, F., Cesselin, F., Hamdam, O., ... & Zerbibi, E. (2004), « L’utilisation
de placebos dans le traitement de la douleur: résultats d’une enquête préliminaire en milieu
hospitalier. »
5.2.1. Rôle des perceptions soignantes du placebo et de la douleur
Les études menées au sein de ces articles de recherches montrent une conception
parfois erronée et péjorative de l'effet placebo par les soignants, ce qui explique pourquoi
les placebos sont utilisés majoritairement pour les patients dont on remet la plainte en
question. Nous verrons par la suite comment cela peut se répercuter ou non sur la relation
soignant-soigné, et plus particulièrement sur l'authenticité de cette relation et le lien de
confiance.
En effet la méconnaissance des mécanismes du placebo invite les soignants à
penser que l'effet placebo n'existe que pour les douleurs psychogènes , tandis que pour les
« vraies » douleurs, dont la lésion tissulaire est attestée, la croyance est que cela ne sera pas
efficace. Nous avons pourtant démontré que l'effet placebo peut se manifester autant pour
les problèmes organiques que psychologiques, car le corps se modifie biologiquement
après administration d'un placebo et déclenche des mécanismes d'auto-guérison.
14
Il convient de préciser que je ne souhaite pas faire de généralité en parlant des
soignants, et que ce qui va être avancé sont des hypothèses et non des vérités attestées.
Au cours de mes recherches j'ai rencontré des avis très divergents sur le placebo et
l'effet placebo, et nos discussions ont montré des connaissances plus ou moins
approfondies de ces traitements. Cela montre qu'on ne peut pas faire de généralités sur les
pratiques d'administration de placebos, ainsi que sur les connaissances et les perceptions
soignantes qui y sont associées. Je note également que la formation au diplôme d'état
infirmier ne propose pas de cours sur le phénomène placebo, bien que l'on soit pourtant
quelquefois amené à l'administrer. Pour ces raisons, les placebos et l'effet placebo sont
peut-être sous-estimés ou méconnus... dans tous les cas, mal encadrés.
Voici les trois principales situations qui peuvent motiver l'administration d'un
placebo antalgiques :
5.2.1.1. L'argument du test ou du diagnostic :
Dans cette situation, le placebo est administré soit pour dépister un terrain « psy »,
soit pour vérifier si la douleur est réelle ou pas. La « réalité » de la douleur, est le centre du
problème. Selon Jean-Claude Fondras ( 2015, p.75) :
« Une idée simpliste voudrait qu'une « vraie douleur » soit une douleur produite par
une lésion organique évidente. Contre ce type de douleur, le placebo serait inefficace donc
illégitime. (…) Inversement, une autre idée simpliste voudrait que le placebo ait un intérêt
dans des douleurs à composante psychogène qui seraient ainsi de « fausses douleurs ». La
vraie douleur, serait celle d'une maladie bien visible, volontiers grave, elle mériterait alors
un « vrai médicament ». La « fausse douleur », de son côté pourrait recevoir un autre
traitement sous forme d'un faux médicament ».
Ici, on espère avoir la preuve d'une douleur attestée. Comme le souligne l'auteur, les
soignants peuvent avoir une conception erronée de la douleur. Il y aurait plusieurs degrés
de « légitimité » de la douleur. La lésion tissulaire attesterait la réalité de la douleur tandis
que seraient infériorisés la composante psychogène et les autres facteurs qui influent dans
le ressenti de la douleur.
L'infirmière B explique administrer principalement le placebo dans le cadre du test.
Le contexte du service des urgences n'y est probablement pas anodin. En effet, c'est un
15
service de diagnostic : il s'agit de connaître rapidement la cause du problème et la suite de
la prise en charge. Savoir si la douleur est d'origine organique ou non est donc très
important. Elle mentionne les situations de personnes dépendantes aux drogues qui
réclament de la morphine. Dans ces situations, administrer un placebo permet de savoir si
une douleur réelle se cache derrière la demande ou si cela est réclamé à cause de
l'addiction. De même, elle explique, à l'instar de l'infirmière C, qu'il arrive que la plainte du
patient ne soit pas cohérente avec les signes cliniques ( pas de faciès douloureux,
tachycardie, sueurs, ou mouvements altérés...), dans ce cas, administrer un placebo permet
de savoir si la plainte est sérieuse ou non, ou si il s'agit uniquement d'anxiété. Le résultat
positif d'un placebo sera donc interprété comme la confirmation des soupçons.
Si le placebo fonctionne bel et bien dans tous les cas, cette administration pose
problème car le résultat aboutirait à un faux diagnostic.
5.2.1.2. L'argument « psy » :
Dans cette situation, il ne s'agit plus de soupçonner le patient, mais d'attribuer la
plainte au caractère angoissé, anxieux, insomniaque, psychosomatique, hypocondriaque,
ou hystérique du patient ( C. Baty et al. 2004 ). Ici, le seul but du placebo est de faire du
bien, de soulager, apaiser et/ou rassurer. L'infirmière B et l'infirmière C relatent également
avoir administré des placebos dans cette intention. Cela fait écho à ma propre situation
d'appel. Une fois que le premier placebo est efficace, la continuité de son administration se
justifie par cette indication. On pense en effet avoir diagnostiqué un terrain « psy ».
L'intention est réellement bienveillante, et il n'y plus de méfiance du soignant comme pour
les situations du test diagnostic.
Dans cette indication, le placebo prend peut-être la place d'alternatives moins
« nocives » pour la relation soignant-soigné. Quand cela est possible, les trois infirmières
disent préférer privilégier le relationnel plutôt que d'administrer un placebo. Les solutions
qu'elles envisagent sont l'écoute, l'hypnose...des techniques qui tournent autour de la
relation ou d'alternatives non médicamenteuses. L'infirmière A ajoute qu'il est important de
questionner les émotions associées à la douleur pour adapter le traitement au plus près des
besoins du patient. Par exemple, s'il est anxieux, on peut associer un anxiolytique au
traitement antalgique.
16
Des avis contraires se manifestent dans les entretiens, au sujet de la bienfaisance de
cette indication. L'infirmière B va par exemple expliquer que dans tous les cas, le placebo
ne peut pas faire de mal, dans le sens où, n'ayant aucun principe actif, il ne peut pas nuire.
Pourtant nous avons vu qu'il peut provoquer un effet nocebo. Le contexte du service des
urgences peut expliquer ce raisonnement, car la prise en charge ne dure que très peu de
temps, rarement plus d'une journée. On ne peut donc pas créer d'effet d'accoutumance au
placebo, et un traitement plus adapté est très rapidement mis en place. C'est sur la relation
que des effets négatifs sont appréhendés, comme l'infirmière B le fait également remarquer.
5.2.1.3. L'argument « abus » :
Dans cette situation, le placebo est utilisé pour éviter un surdosage ou une
surconsommation. Cela s'applique notamment dans le cadre d'un traitement à base de
morphiniques. Les morphiniques peuvent effectivement entraîner une accoutumance voire
une dépendance, ainsi que de nombreux autres effets indésirables ( constipation, nausées,
hallucinations, etc...). Lors des traitements antalgiques, on craint également l'insuffisance
hépatique qui peut survenir au long terme, ou moyen terme si le foie est déjà fragilisé par
une autre pathologie.
Cet argument fait écho à ma situation d'appel. La patiente présentait une
insuffisance hépatique due à une très forte consommation d'antalgiques de palier 1 et 3
dans un contexte de plaie chronique ( ulcère). Cela a alarmé les soignants sur sa
surconsommation de médicaments, ses plaintes nombreuses et répétées n'étant jamais
soulagées de façon satisfaisante.
De plus, la situation « abus » peut consister à considérer la plainte comme abusive
et infondée. On estime que le patient réclame plus que ce dont il n'aurait réellement besoin.
Cela peut conduire le soignant à une « fatigue mentale» face aux plaintes répétées. Le
placebo semble représenter une alternative qui permet de soulager le patient, sans donner le
sentiment au soignant de le faire surconsommer un médicament potentiellement nocif à
fortes doses.
Ce cas de figure admet le soupçon d'une composante psychogène à la plainte. Si les
doses prescrites ne suffisent pas, ici le soignant pense que les plaintes sont exagérées ou
anormales. L'infirmière C invoque cet argument également :
17
« J'ai aussi déjà donné des placebos antalgiques après avis médical sur une patiente
extrêmement demandeuse, ayant des troubles cognitifs importants et des antécédents
psychiatriques. La patiente demandait à peu près toutes les minutes qu'on s'occupe d'elle
(...) les demandes étaient inadaptés et, si ça n''était pas un antalgique, c'était autre chose.
Les placebos fonctionnaient pour elle, elle avait l'impression d'être écoutée et je pense que
ça la rassurait. »
L'indication dans le cadre d'un « abus », peut révéler une prise en charge qui est
globalement inadaptée ou incomplète. Premièrement, on peut questionner les outils
d'évaluation de la douleur. Est ce que mon outil est adapté à la personne ? Quels outils
utiliser pour évaluer de façon fiable la douleur ? Dans un second temps, ce cas de figure
indique peut-être que le traitement est inapproprié. En effet, si les doses prescrites ne
suffisent pas pour soulager la douleur, il serait nécessaire de revoir le traitement antalgique
( essayer une autre thérapeutique ou modifier la posologie). Ce raisonnement est appuyé
par l'infirmière A :
« C'est à nous de trouver les leviers, même si parfois les situations sont
compliquées. Il y a quelque chose dans la prescription ou dans l'éducation thérapeutique
qui doit être amélioré alors. Bien sûr, il y a des mésusages, mais je ne crois pas que le
placebo soit la clé pour une solution. Par exemple, si c'est de l'angoisse, on va pouvoir
proposer au patient des médicaments pour apaiser. Si c'est de la fatigue on va plutôt
favoriser le sommeil... on va creuser plus loin la cause qui crée la complication et on va
travailler avec le patient. »
Ses propos mettent en lumière le pouvoir de l'éducation thérapeutique. Si on relie
les connaissances relatives à l'effet placebo et son discours, on peut émettre cette
hypothèse : il possible de potentialiser les effets d'une substance active en expliquant au
sujet son action et en l'informant des effets positifs attendus. Alors, en plus de l'action
chimique du médicament, il est possible que son efficacité soit augmentée grâce aux
mécanismes neurobiologiques que le patient va faire fonctionner, par la force de sa
conviction. « On fait de la communication thérapeutique, en leur disant que c'est un
médicament qui devrait les soulager », « on les guide », complète l'infirmière B, en
parlant cette fois ci des placebos. Si cela fonctionne pour les placebos, cette technique peut
être d'autant plus exploitée pour les traitements actifs. Le concept de communication
thérapeutique consiste à « conditionner » le sujet à recevoir les effets attendus du
18
médicament. Le terme « conditionner » est ici utilisé dans une intention bienveillante, et
non pas au sens de la manipulation.
5.2.2 Rôle du contexte institutionnel :
Outre les arguments soignants mis en avant pour justifier l'administration d'un
placebo, il semble que le contexte institutionnel joue un rôle dans cette décision.
Lors de ma recherche d'entretiens infirmiers, j'ai contacté des cadres de différents
services pour leur soumettre le thème de mon travail de fin d'étude et leur demander d'en
informer leurs équipes infirmières. Certains m'ont répondu que le placebo n'était pas
administré dans leurs services car ce n'était pas leur politique de soins. En effet, il semble
que cette pratique soit répandue dans certaines unités ou structures et pas dans les autres.
Rappelons que l'infirmière doit avoir la prescription du médecin pour donner ce
médicament. Donc dès lors qu'un médecin se positionne contre cette thérapeutique,
l'ensemble des patients de l'unité qu'il prend en charge en seront dispensés. Selon deux des
infirmières interrogées ( la troisième ne se prononce pas), l'usage du placebo fait souvent
l'objet d'une concertation d'équipe.
En discutant avec les infirmiers d'un service de psychiatrie intra-hospitalier, cela a
été confirmé. Voici l'anecdote qu'ils m'ont relatée : un médecin de garde avait prescrit des
placebos antalgiques à une patiente. Cette pratique n'était pas courante dans le service mais
les infirmiers qui étaient alors en charge de la patiente ne s'y sont pas opposé. Le
médicament a été efficace. Le médecin référent, à sa reprise de service, a découvert cette
prescription et a été très mécontent. Il a immédiatement remplacé les placebos par de vrais
antalgiques. Cet épisode aurait déclenché des débats houleux au sein de l'équipe médicale
et paramédicale, ainsi que des tensions entre les deux médecins.
Deux des infirmières qui ont participé aux entretiens évoquent également le facteur
de la charge de travail. Elles reconnaissent en effet qu'il existe des alternatives à
l'administration d'un placebo antalgique, telles que l'entretien relationnel, l'écoute, les
exercices de respiration et autres moyens non médicamenteux. Cependant, cela demande
du temps dont elles ne bénéficient pas toujours. On peut donc émettre l'hypothèse que la
charge de travail donnée aux infirmières peut favoriser le choix d'administrer un placebo.
L'une d'elle précise que cela permet aussi à la personne de se sentir écoutée et rassurée.
19
D'après C.Baty et al. ( 2004), la nuit est un contexte qui favorise le recours aux
placebos. Les patients seraient pendant la nuit plus douloureux, anxieux, seuls, ou
insomniaques. De plus, « l'infirmière ne dispose pas de prescripteurs ou d'autres
interlocuteurs. Elle peut se déclarer anxieuse ou démunie, situation propice à utiliser le
placebo comme gage d'attention porté au plaignant, plutôt que rien ».
Enfin, les institutions ne disposent pas toutes des mêmes recours pour la prise en
charge de la douleur. Il existe en effet des Équipes Mobiles de la Douleur ( EMD) et des
Équipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP), le Comité de Lutte contre la Douleur, des
formations individuelles, la disponibilité d'un psychologue pour consulter dans les
services... autant de moyens qui permettent une prise en charge meilleure de la douleur.
Ces moyens sont malheureusement développés de façon inégale sur l'ensemble des lieux de
soins.
6. Administration d'un placebo antalgique et authenticité de la relation
soignant-soigné
Nous avons démontré que la relation soignant-soigné joue un rôle dans l'effet
placebo. Cependant, cette même relation est-elle mise en danger par l'administration d'un
placebo ? Puisque cela implique à priori le mensonge, qu'en est-il de l'authenticité de la
relation soignant-soigné ? Il convient de se pencher sur la signification du concept
d'authenticité, de le relier à son rôle dans la relation, à la posture soignante et enfin au
placebo.
6.1 Qu'est ce que l'authenticité ?
6.1.1. Définition de l'authenticité
D'après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (n.d.),
l'authenticité est « une valeur profonde dans laquelle un être s'engage à exprimer sa
personnalité. » Cette définition implique d'être dans un rapport de vérité avec soi même et
20
avec les autres. Cela rejoint les propos des trois infirmières interrogées : « être soi même
et laisser l'autre être lui-même » (infirmière A), « ne pas mentir » ( infirmière b).
Selon Margot Phaneuf (2002) « Il s’agit de la capacité de l’aidant(e) de demeurer
strictement lui/elle-même au cours de la relation avec l’aidé. Grâce à l’authenticité, la/le
soignant(e) reste transparent(e), spontané(e) et ouvert(e), ne cherche pas à présenter une
façade artificielle et ne se prétend pas être l’expert(e) de la situation de l’autre. »
Les trois infirmières interrogées ont rejoint ces définitions avec leurs propres mots.
Pour chacune d'elles, l'authenticité semble être importante et faire partie intégrante de leurs
valeurs professionnelles. Elles l'expriment explicitement et implicitement à travers le ton
employé et l'implication dans l'élaboration de leurs réponses. De plus, pour elles
l'authenticité ça serait aussi : accepter ses limites et ses faiblesses, ne pas jouer un rôle ou
faire semblant d'être quelqu'un que l'on n'est pas, respecter l'autre dans son individualité,
respecter l'expertise de chacun.
La troisième infirmière mentionne : « être en accord avec ses actes, savoir
pourquoi on les fait ». En approfondissant la recherche, cette définition semble convenir au
concept de congruence, étroitement liée avec l'authenticité.
6.1.2. Lien avec la congruence
« Une personne authentique manifeste un certain degré de congruence entre ce
qu’elle pense, ressent et exprime. La congruence est la manière d’être de l’infirmière qui
manifeste une certaine adéquation entre ce qu’elle ressent, ce qu’elle pense, ce qu’elle dit
et ce qu’elle fait, et entre son comportement verbal et son comportement non verbal. En
agissant ainsi, elle crée une harmonie entre ses émotions, ses pensées et ses actions. Cette
harmonie interne lui permet d’exprimer ce qu’elle pense de manière thérapeutique ou de
faire ce qu’elle croit approprié afin de faciliter une prise de conscience chez l’aidé ou une
évolution de la relation qu’elle entretient avec lui. » ( Margot Phaneuf, 2002)
Puisque les valeurs de l'infirmier sont impliquées dans la prise de position face au
placebo, on peut questionner également la congruence de l'infirmier par rapport à ses
valeurs éthiques ( relatives aux règles morales ) et déontologiques ( règles et devoirs
moraux d'une profession) . Si la congruence est un attribut de l'authenticité, alors il faut
21
aussi comprendre l'authenticité de la relation soignant-soigné comme le respect des valeurs
du soignant et du soigné.
L'authenticité de la relation renvoie bien à la nature de la relation elle-même. Elle
questionne sa qualité à travers le respect de l'être de chacun, avec ses valeurs, ses
croyances et son expertise.
6.1.3. Lien avec la confiance
Margot Phaneuf ( 2002) ajoute à propos de l'authenticité : « Cette capacité est
essentielle à l’établissement du climat de confiance et de simplicité nécessaire à la
création d’une saine alliance thérapeutique entre l’aidant(e) et l’aidé. » Elle fait donc le
lien avec le concept de confiance. Dans le phénomène placebo, nous avons démontré que
la confiance du patient envers son soignant est primordiale. Selon le Centre National de
Ressources Textuelles et Lexicales ( n.d.) la confiance est la « croyance spontanée ou
acquise en la valeur morale, affective ou professionnelle d'une autre personne, qui fait que
l'on est incapable d'imaginer de sa part tromperie, trahison ou incompétence. » En effet,
sans cette croyance, le mécanisme placebo s'annule.
Cette phrase pointe le problème moral de l'administration d'un placebo. La
confiance du patient y est « trompée », car il pense prendre une substance active qui ne l'est
pas. L'infirmière A explique que cette pratique est très nocive pour la relation de confiance
soignant-soigné : « Quand le patient comprend la supercherie, il ne va pas être bien ! C'est
une vision à très court terme. Je règle là le problème, mais dans 24h ou 48h qu'est ce qu'il
en adviendra ? » En effet, lorsqu'il apprend le stratagème, il comprend qu'on lui a menti.
Comment peut-il alors faire confiance à tout le reste de la prise en charge ? Comment peut-
il croire les informations données et suivre nos conseils ? L'infirmière B qui travaille aux
urgences, explique que le patient n'est pas toujours informé d'avoir reçu un placebo. Doit-
on lui dire ou non ?
Cette question pointe le problème du médicament placebo : il est commercialisé et
prescrit, malgré les lois relatives au droit à l'information du patient. De plus, d'après le
nouveau code de déontologie infirmière remis à jour 25/11/2016 : : « Art. R. 4312-10 :
L’infirmier ne peut pas conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme
salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.
22
Toute pratique de charlatanisme est interdite »
Cet article ne définit pas précisément ce qui est considéré comme du charlatanisme.
Pour respecter cette règle de notre code de déontologie, il semblerait pertinent de définir
officiellement le placebo, de reconnaître son efficacité avérée ou non, et de l'encadrer
juridiquement. Lors de mes recherches, je n'ai pas trouvé de documents officiels encadrant
cette prescription, sauf dans le cadre de la recherche clinique ( on cherche à montrer
l’efficacité d'un médicament actif, en analysant les résultats d'un échantillon qui reçoit des
placebos et un échantillon qui reçoit le médicament actif). Dans cette situation, la personne
est informée des conditions et signe une charte de consentement. En ce qui concerne
l'utilisation des placebos dans le traitement de la douleur, la loi laisse planer le mystère.
6.2 Résultats de l'authenticité de la relation soignant-soigné :
Si on reprend les propos de Margot Phaneuf ( 2002) « Cette capacité est essentielle
à l’établissement du climat de confiance et de simplicité nécessaire à la création d’une
saine alliance thérapeutique entre l’aidant(e) et l’aidé. », elle met en lumière le concept
capital de l'alliance thérapeutique.
L'alliance thérapeutique c'est une « collaboration active, où le patient et le soignant
travaillent ensemble, basée sur une appréciation partagée des problèmes et un accord sur
les solutions possibles. » ( CUNGI.C, 2009). La collaboration implique la participation
active du patient. Il s'agit d'un lien entre le soignant et le soigné ou chacun s'engage à
travailler ensemble pour soigner le patient. Pour cela, le soignant doit établir un climat de
confiance avec le patient, et cela passe par l'investissement mutuel de toutes les ressources
disponibles pour aider à la guérison. Il y a les ressources de la médecine, et surtout les
ressources du patient lui-même. Selon Carl Rogers ( n.d.) « Tout individu possède le
potentiel pour trouver sa propre réponse à ses difficultés ». Or, le soigné est fragilisé par la
blessure ou la maladie, et requiert l'aide du soignant pour y faire face. L'alliance
thérapeutique permet de mobiliser les ressources du patient tout en lui apportant une aide et
un accompagnement bienveillant.
Le rôle du principe d'authenticité dans la relation soignant-soigné est donc de
favoriser l'alliance thérapeutique. C'est grâce à cette alliance qu'on obtient un projet de
23
soins au plus proche des besoins du soigné, et qu'il devient acteur de sa santé.
L'histoire de la médecine montre une évolution dans le lien soignant-soigné. Nous
avons évolué d'une médecine « paternaliste », où le patient s'en remet complètement au
corps médical et paramédical, à une médecine où le patient à un droit d'information, de
décision et d'action. Nous l'aidons, le conseillons, l'informons et l'accompagnons, mais
c'est lui qui est acteur de son projet de soins. En somme, l'alliance thérapeutique favorise
l'autonomie du patient. Aujourd'hui, le respect de l'autonomie de la personne soignée est un
principe fondamental de notre profession.
6.3 En quoi l'administration d'un placebo antalgique prescrit peut-elle
influencer l'authenticité de la relation soignant-soigné ?
6.3.1. Effet placebo ou nocebo sur la relation soignant-soigné?
Les trois infirmières interrogées se rejoignent dans leurs réponses à cette question :
l'authenticité est dans l'intention. Si l'intention est authentique et bienveillante, alors la
relation l'est aussi. L'infirmière B explique « En fait, on est authentique dans le sens où on
essaye vraiment de les aider, on espère vraiment que ça les soulage : l'intention est
authentique. » On peut appuyer ces propos avec ceux de l'infirmière C : « Si j'ai bien
compris avec le médecin que c'est la solution la meilleure pour un patient dans une
situation donnée, je serais plus authentique dans l'administration car je serais en accord
avec cette action. »
Donc, si l'on considère que le placebo représente un bénéfice pour le patient, et que
cela est animé par une intention réellement bienveillante, alors la qualité de la relation
soignant-soigné est préservée. Le bien-être du patient reste la finalité de ce soin. Lors de
l'administration d'un placebo, le patient est respecté dans ses croyances et ses valeurs, c'est
d'ailleurs ces dernières qui activent l'effet placebo. Le placebo apporte un sentiment
d'écoute et rassure, comme le relate l'infirmière C. Il soulève cependant d'autres questions
éthiques, relatives à au respect de l'autonomie par exemple. Néanmoins, ce que l'on peut
retenir, c'est qu'il est important de rester en accord avec ses principes lors de tout soin, et
que la bienveillance doit accompagner nos intentions et nos actes.
24
Selon notre code de déontologie (25/11/2016) :
« Art. R. 4312-33. – Dans le cadre de son rôle propre et dans les limites fixées par
la loi, l’infirmier est libre du choix de ses actes professionnels et de ses prescriptions qu’il
estime les plus appropriés. « Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter
ses actes professionnels et ses prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité et à la
sécurité des soins. « Il tient compte des avantages, des inconvénients et des conséquences
des différents soins possibles. »
Par cette loi, l'infirmier(e) a le droit, et même le devoir, de faire les soins qu'il/elle
juge appropriés. Devant la prescription d'un placebo, il a le droit de refuser ou d'accepter
d'administrer ce médicament. Ainsi, il peut rester en accord moral avec ses actes, et soigner
toujours dans un intention positive.
Pour conclure sur ce sujet et appuyer l'analyse précédente, voici les propos de
l'infirmière A :
« Est ce qu'on est toujours authentique ? Est ce qu'on a besoin d'être toujours
authentique ? Est ce que l'authenticité dans le soin c'est important ? Est ce que au fond, ce
qui ne compte pas plutôt c'est l'intention positive ?(...) Le placebo, il ne vaut mieux pas
que le patient le sache si on veut que ça marche. C'est l'intention positive, quoi. Est ce
qu'on peut être un bon soignant sans être authentique 100% du temps ? Moi je crois que
oui. (…) Dans l'authenticité il y a aussi une question de valeur. C'est à dire, est ce que je
suis en accord avec mes valeurs ? Si je suis en accord avec ce que je fais par rapport à
mes valeurs, je suis authentique. »
La relation soignant-soigné peut subir un effet nocebo lors de l'administration d'un
placebo, quand le patient sent dans la posture du soignant que lui même n'est pas en accord
avec ce médicament. Tandis que s'il sent le soignant convaincu de la bienfaisance de ce
médicament, alors ce sera un effet placebo.
6.3.2. La posture professionnelle comme facteur déterminant
« Comme son nom l'indique, la posture professionnelle regroupe les savoirs
professionnels (connaissances, concepts, valeurs, expériences...), les pratiques
professionnelles (comportements, rôles...) et la posture (attitude, opinions...). Pour la
définir autrement, la posture professionnelle est l'acquisition de nombreuses valeurs,
25
associant savoir, savoir-être et savoir-faire. Le soignant est dans un processus d'évolution
constant et ininterrompu qui lui permet de se construire et de progresser dans sa relation
avec la personne soignée. » Christelle Corcelle, 2012.
D'après cette définition, la posture professionnelle est donc un tout ( connaissances,
valeurs, expérience, comportement, attitude, opinion). Je pense qu'elle répond au besoin
profond de chacun de donner du sens à son métier, d'être cohérent entre nos valeurs, notre
discours et nos actes. Elle va se manifester à travers l'image et l'être ( savoir-être, savoir
faire) que l'on renvoie à nos patients, nos collègues et à nous même.
Cette posture professionnelle a un impact direct sur nos soins et la relation
soignant-soigné. Elle est comprise par le patient, à travers notre communication verbale et
non verbale. Lors de l'administration d'un placebo, c'est la posture professionnelle qui va
finalement influencer ou non l'authenticité de la relation soignant-soigné. Selon l'infirmière
A « il ne faut rien changer. Il faut mettre en avant la posture dans laquelle on est d'avoir
une intention positive. » L'infirmière C explique : « Il faut être convaincu soi-même que
cela peut fonctionner. Être assuré, expliquer le produit comme si c'était réellement utile,
éviter au plus possible de mentir en rentrant dans des détails compliqués. Plus insister sur
l'effet que ça doit avoir car cela n'est pas un mensonge. ». L'infirmière B appuie : « Il ne
faut pas leur mentir non plus, de toute façon ils le sentiront bien, (…) on sera tous pas bien
et ça n'améliorera pas la relation. Il faut leur dire « on essaye de vous aider », c'est une
réalité, on essaye. »
Pour conclure sur cette partie, c'est donc la posture professionnelle qui détermine le
résultat placebo ou nocebo sur la relation soignant-soigné lors de l'administration d'un
placebo antalgique. Étant une novice en soins infirmiers, je pense que j'ai été dérangée par
le fait d'administrer un placebo antalgique car j'ai besoin de m'affirmer davantage dans ma
posture professionnelle. La relation avec ma patiente a été détériorée, non parce qu'elle ne
me faisait plus confiance, mais parce que je ne me faisais plus confiance : je n'étais pas
convaincue de la bienfaisance de mon acte et je suis entrée dans un rapport avec la patiente
qui me mettait mal-à-l'aise. La relation était devenue fausse. Désormais, je connais mieux
le phénomène du placebo et ses effets. Si je suis à nouveau en face de cette prescription, je
saurai comment me positionner, selon la situation et les enjeux qu'elle soulève.
26
7. Problématisation
Mon raisonnement m'a amenée à formuler une réponse possible à la question de
départ. Nous avons compris le phénomène du placebo, puis analysé son fonctionnement
pour traiter le symptôme complexe qu'est la douleur, ainsi que ses situations
d'administration et l'influence qu'elle peut avoir sur l'authenticité de la relation soignant-
soigné. Ce raisonnement a abouti aux hypothèses suivantes :
La relation soignant-soigné reste authentique dès lors que chacun est dans la
sincérité de ses intentions et en accord avec ses croyances, valeurs et actions. L'authenticité
de la relation est dans les limites du soin : le bien du patient est la finalité de tout soin et il
n'est donc pas toujours pertinent de questionner cette authenticité. C'est plutôt l'intention
positive et la juste posture professionnelle qui créé une relation soignant-soigné de qualité,
grâce à l'obtention de la confiance du patient.
Nous avons différencié le placebo de l'effet placebo. Ce dernier présente un intérêt
plus congruent avec le respect de l'autonomie du patient et son droit à l'information.
L'effet placebo est en réalité présent non seulement dans les médicaments placebos mais
aurait sa part d'efficacité dans tous les traitements ( difficile à évaluer mais qui serait de
30% selon certaines études ). En se penchant sur les mécanismes de l'effet placebo, nous
avons montré que la relation soignant-soigné serait elle-même source d'effet placebo. En
effet, la conviction du soignant et son « discours thérapeutique » positif jouent un rôle
majeur dans le phénomène du placebo. On peut donc émettre également l'hypothèse que
l'effet placebo serait le reflet de la qualité de cette relation et du lien de confiance. D'après
Sebsatien Tubau (2011) « c'est le rapport humain qui possède en lui-même tous les
germes de la guérison ». Il semble qu'il y ait une carte à jouer avec la « communication
thérapeutique ». Ainsi , l'éducation thérapeutique, que l'on pratique déjà au quotidien,
favorise non seulement l'autonomie du patient, mais active peut-être aussi l'effet placebo.
Comment potentialiser l'effet placebo d'un traitement antalgique par le pouvoir de
la relation soignant-soigné?
27
8. Conclusion
« le médecin se prescrit lui-même, et il n'y a pas de posologie au remède médecin »
Michaël Blint
Le phénomène du placebo éclaire la différence entre le soin et la guérison : les
médecins, infirmiers et autres soignants ne guérissent pas le patient, ils le soignent. C'est le
patient qui se guérit, nous l'aidons et l'accompagnons seulement. J'ai souvent entendu, au
cours de mes stages, ces propos soignants concernant les patients résignés ou peu
coopératifs : « on ne peut pas le sauver si lui-même n'en a pas envie ». Désormais cette
phrase prend sens. Même si cela peut être frustrant pour le soignant, nous avons besoin que
le patient veuille guérir, et qu'il y croie. C'est lui qui a les plus grandes ressources. Ce
travail m'a permis de mieux comprendre l'importance de la posture professionnelle dans le
soin, ainsi que la force d'une relation soignant-soigné de qualité. En effet, au delà de
l'alliance thérapeutique, il semble que cette relation aide le patient à mobiliser ses
ressources et à se guérir. On lui donne confiance en nous, et en lui. Puis, inconsciemment,
son corps répond. En tant que future infirmière, j'accorderai beaucoup d'importance à
expliquer, informer et éduquer les personnes soignées à leur santé, car c'est eux qui
réalisent le travail de guérison, pas nous. Notre rôle se limite à apporter les moyens,
accompagner, soutenir, aider et conseiller. Le placebo et l'effet placebo n'ont pas encore
révélé tout leur mystère, mais ils nous montrent que les rapports humains sont un soin à
part entière.
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Références:
● Ouvrages :
1. Lemoine, P. (1996). Mystère du placebo (Le). Odile Jacob. Consulté le 15/11/2016
2. Formarier, M., & Jovic, L. (2012). Les concepts en sciences infirmières. Mallet conseil. Consulté le
15/11/2016
3. Blay, M. (Ed.). (2006). Dictionnaire des concepts philosophiques. Larousse. Consulté le 15/11/2016
4. MARGOT, P. (2002). Communication, entretien, relation d’aide et validation. Consulté le
12/03/2017
5. Chauffour-Ader, C., & Daydé, M. C. (2008). Comprendre et soulager la douleur. Wolters Kluwer
France. Consulté le 20/03/2017
6. Muller, A., Metzger, C., Schwetta, M., & Walter, C. (2011). Soins infirmiers et douleur. Elsevier
Masson. Consulté le 20/03/2017
● Articles :
1. Wälti-Bolligera, M. (2011). Placebo et soins professionnels, réflexions et positionnement
infirmier. In Bioethica Forum (Vol. 4, No. 2, pp. 51-55). Consulté le 15/11/2016
2. Baty, C., Fondras, J. C., Abitbol, G., Bloch, F., Cesselin, F., Hamdam, O., ... & Zerbibi, E. (2004).
L’utilisation de placebos dans le traitement de la douleur: résultats d’une enquête préliminaire en
milieu hospitalier. Douleur et analgésie, 17(1), 17-23. Consulté le 15/11/2016
3. Demarez, J. P., & Jaillon, P. (2009). Éthique, réglementation et placebo. La Lettre du
pharmacologue, 23(1), 13-19. Consulté le 15/11/2016
4. Philippe Duval, Osterman G.,Aulas J-J., Brissonet J., Gross J-F., Benedetti F., Lemoine P., Clervoy P.,
Rutherford B., Lejeune C., Boussageon R., Fondras J-C., Janssen T., Crocq L., Queneau P. et Cady S.
(2015). Dossier : Qu'est ce qui guérit ? L'effet placebo. Sciences Psy, 5 (1), 21-107. Consulté le
27/03/2017
5. Jean-François Marmion (2009). Le placebo, pourquoi il soigne. Sciences Humaines n°210, 20-25.
Consulté le 27/03/2017
● Sites internet :
1. http://www.cnrd.fr/Actualites-et-recommandations.html
2. http://leplacebo.unblog.fr
3. https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/poulain.pdf
4. https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/placebo_clud_lourdes_cbc.pdf
5. http://www.cnrtl.fr/lexicographie/confiance
6. http://rechercheensoinsinfirmiers.com/2014/05/03/les-sept-concepts-de-la-relation-daide/
29
7. http://www.sfetd-douleur.org/definition
8. http://social-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/douleur/article/la-
douleur
9. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_proj_prog_douleur_1709_env_av_260913_rel_jol.pdf
10. http://www.ifsi-ifas-lorient.fr/download/1346914598.pdf
11. http://espacerenaissance.files.wordpress.com/2011/03/dessin_placebo-ee327.jpg
30
Annexes
31
Annexe I
Guide d'entretien
• Le placebo antalgique prescrit :
➢ Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?
➢ Dans quelle situation faites-vous recours au placebo ?
▪ Pour vous, quels sont les critères réunis pour administrer un placebo ?
▪ ex : le patient est angoissé ? le patient est cohérent/délirant ? Le patient
demande un médicament mais n'a pas de prescription ? La cause de la
douleur est organique ou psychogène ? )
➢ A quelle fréquence avez-vous recours au placebo ?
➢ Que ressentez-vous pendant l'administration d'un placebo ? Changez-vous votre
posture professionnelle et comment ?
➢ Que surveillez-vous après l'administration d'un placebo ?
➢ Quels sont les résultats immédiats généralement obtenus de par votre
expérience après l'administration d'un placebo antalgique ?
➢ Pensez-vous qu'il y ait des alternatives au placebo ? Y avez-vous eu recours?
Cela a t-il eu les mêmes résultats ?
• Authenticité de la relation soignant/soigné :
➢ Comment définissez-vous l'authenticité ?
➢ Que représente pour vous ce concept dans votre métier ? Comment intégrez-
vous l'authenticité à votre posture infirmière ?
➢ Comment pensez-vous que l'authenticité de l'IDE influence la relation soignant-
soigné ?
➢ Comment conciliez-vous l'administration d'un placebo avec l'authenticité?
• Relation de confiance soignant-soigné :
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➢ Au regard de votre expérience et de votre posture infirmière, l'administration
d'un placebo fait-elle évoluer ou changer la relation soignant-soigné ?
▪ En quoi cela peut-il altérer ou renforcer le lien de confiance avec le patient ?
➢ Quelle posture adoptez-vous lors de l'administration d'un placebo pour
maintenir ou instaurer ce lien de confiance ?
• Questions générales :
➢ Pouvez-vous m'expliquer votre parcours ?
➢ Depuis combien de temps officiez-vous dans ce service ? Pourquoi avez-vous
choisi ce mode d'exercice ?
33
Annexe II
Retranscription des entretiens
• Infirmière A de l'équipe mobile de la douleur :
Moi : Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?
IDE : Ben euh, d'abord, je n'aime pas trop les placebos. Cette pratique là comme ça
euh...c'est juste euh.... Un placebo en fait c'est euh, pour moi quelque chose de très positif,
l'effet placebo. C'est à dire que effectivement quand on administre un médicament, et bien
il y a des fonctions psychiques qui se mettent en route qui euh.. plus ou moins importantes
selon les situations etc, ou au contraire, cet effet placebo c'est quelque chose qu'on va
pouvoir exploiter pour améliorer l'antalgie. Ce n'est pas quelque chose de forcément
négatif. Faut savoir que on est tous sensible au placebo, et donc l'effet placebo, dans
l'efficacité d'un médicament, il est de 10% - 90%.
– 90% c'est la part de l'effet placebo ?
– Et bien oui, ça peut ! Par exemple je me souviens quand j'avais fait mon DU
douleur, le médecin avait été chez un patient auquel il avait administré des patchs
de fentanyl transdermiques. Et à la consultation suvante, il revoit le patient qui lui
dit « oh lala depuis vos patchs ça va beaucoup mieux ». Le médecin il dit « très
bien, déshabillez-vous je vais vous examiner ». Et là, et bien il voit que le patient et
bien il n'a pas bien mis ses patchs de fentanyl en fait. Il n'avait pas, ouvert le patch.
Depuis 15 jours, il mettait les patchs sans que ça fonctionne ! En fait, il a mis en
route un effet placebo, c'est à dire que le médecin, en lui disant ça, il l'a déjà guérit
en lui disant « jvais vous donner un médicament efficace et très très bien pour ce
que vous avez, et ça va aller comme ça ». Et du coup, l'effet placebo, il existe bah je
pense pas que avec les antalgiques mais avec plein d'autres indications parce qu'il
est associé bah je pense à des croyances, à ce qu'il va comprendre de ce qu'il lui
arrive, de ce qu'on lui fait, et euh je pense que n'importe qui d'entre nous, pourrait,
dire que une douleur baisse avec un comprimé, une gélule euh...une fausse gélule !
N'importe qui ! C'est pas réservé à une spécificité de patients. C'est pas réservé, et
c'est ça qui est très agaçant dans cette façon de faire, c'est vraiment qu'on dit celui
34
là voilà, rien ne fonctionne on va lui donner un placebo. C'est vraiment que le point
que vous avez mis en exergue. Ensuite, voilà, quelque part, on vérifie, que le
patient est bien sérieux dans sa plainte. Je trouve que c'est insupportable.
– D'accord. Du coup, pour vous, dans quelle situation on pourrait faire recours au
placebo ? Sur quels critères on se base au niveau de la situation du patient ou de ses
symptômes pour prescrire un médicament placebo ?
– Dans mon parcours d'équipe mobile j'ai croisé des prescriptions de placebos, que
ça soit par bouche ou même en intraveineux des fois hein ! Y en a qui disent bah
oui on va vous faire de la morphine en intraveineuse et voilà... bah en fait c'est de
l'eau. Euh....au fond, est ce qu'on est beaucoup plus avancé ? Moi je ne sais pas en
quoi ça fait euh... en quoi ça fait avancé le schmilblick. Je ne saurais pas trop
répondre à cette question en fait. Est ce qu'il y a vraiment une indication ? Moi je
ne crois pas. Peut-être que, en effet dans les situations ou l'infirmière elle ne peut
donner le prochain médicament que dans quatre heures par exemple, elle dit bah là
oui faut attendre quatre heures, et là à ce moment le patient veut absolument
quelque chose et là ça pourrait nous aider mais bon... l'infirmière du coup elle peut
distribuer à ce moment là...mais à un moment donné, on est obligé d'expliquer au
patient... enfin ce n'est pas prendre le patient au sérieux quoi. Dans l'esprit du
prescripteur ou de la personne qui donne le placebo, voilà : il met en doute la
plainte du patient. Et c'est une façon de vérifier... moi non franchement ya même
pas d'indications. Fin je ne sais pas...je ne crois pas ! Et franchement je vais vous
dire ce que j'ai vu. On met une seringue de physio, une seringue de physio et une
PCA de moprhine. Et on dit bah oui bah le patient il est content comme ça. Sauf,
que ça dure que quelques heures que le patient il est content ! Et quand il comprend
la supercherie, ah bah à un moment donné il ne va pas être bien ! A un moment
donné je trouve que... je trouve que c'est un truc qui est terrible!C'est une vision à
très court terme. C'est à dire, voilà, ya une plainte, je dois la satisfaire, donc
comment je peux faire je n'y arrive pas, donc euh...je propose un placebo on verra
bien. C'est de la vision à court terme. Je règle là le problème. Mais dans 24h ou
dans 48h qu'est ce qu'il en adviendra ?
– Donc si j'ai bien compris, vous, dans vos consultations douleur, vous ne prescrivez
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jamais ce recours là quoi.
– Non ! Jamais, non. A vrai dire, les placebos, les médicaments placebos, je ne sais
pas ce qu'il y a écrit dessus, je ne sais pas si on pourrait. Je sais qu'en hospitalier
voilà, il y en a de plusieurs couleurs euh... Je ne sais pas si on pourrait les prescrire
en dehors de l'hôpital. Je ne crois pas. En tout cas nous on ne fait jamais ça.
– Qu'est ce que vous surveillez après l'admnistration d'un placebo ?
– C'est juste l'EVA quoi. C'est la douleur. Et puis ya l'effet nocebo aussi. Quand le
patient il n'est pas satisfait du médicament et qu'il va faire le rejet d'autres
antalgiques derrière voilà quoi.. Et qu'on aura beau lui expliquer les effets du
médicament et tout bah rien n'y fait le patient il ne reviendra pas de dessus. Moi,
franchement, je militerai pour utiliser l'effet placebo pendant l'administration des
médicaments. C'est à dire que le rôle de l'infirmier ou de l'infirmière dans un
service, moi je vois trop de trucs décapsulés dans un petit bocal là... le patient, alors
qu'il savait très bien se débrouiller chez lui, il arrive à l'hôpital et il ne sait plus
quels sont ses médicaments. Il dit bah voilà je prends ce qu'on me donne. Alors
c'est vrai ya le patient qui se met un peu tranquillement dans une position un peu
passive, et puis ya aussi le fait que le médicament n'est très souvent pas expliqué.
Pourquoi tel médicament a changé ou, y avait tel médicament à la maison mais
aujourd'hui ya ça. Et je trouve qu'il y a vraiment un travail à faire dans
l'accompagnement du patient et donc dans une forme d'éducation thérapeutique. Et
souvent par exemple même le paracétamol, bah les patients ils disent bah je prends
ça chez moi et c'est vrai que c'est banalisé le paracétamol comme médicament ! Il
est en vente libre et tout le monde en a chez soi, en prend un peu tout le temps...et
moi je dis souvent, le paracétamol c'est un super médicament, et là j'appuie
vraiment sur l'effet placebo, sur le levier, pour dire bah détrompez-vous, peut-être
que vous le prenez comme ça à la maison, mais ça va marcher aussi dans cette
situation là. Au contraire l'effet placeboi c'est quelque chose qui doit nous aider et
renforcer notre confiance hein, plutôt que tu vois le prendre comme quelque chose
va bah briser la confiance. Je trouve.
– Donc si je reprends ce que vous dites, plutôt que d'administrer un placebo, il
faudrait plutôt optimiser le pouvoir placebo de chaque médicament dans le discours
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qu'on donner à chaque dispensation :
– Exactement ! Voilà moi je trouve que voilà. On sait que ça existe, mais ce n'est pas
l’apanache d'une partie de la population, ou de profils voilà de gens un peu plaintifs
voilà...ce n'est pas l'apanache que de gens comme ça, c'est l'apanache de tout le
monde ! Tout le monde peut répondre à un placebo. C'est ma vision.
– Quelles alternatives vous proposeriez à la place de ce recours là ?
– Je pense à tout ce qui est autour de la conversation. C'est à dire voilà, faire exprimer
au patient ou la patiente cette douleur là maintenant. Est ce que la dernier
médicament a été efficace ? Combien de temps ? Est ce qu'il y a eu d'autres choses
qu'elle a expérimenté elle-même à la maison qui ont pu la soulager ? Quelles
émotions peuvent être associées à la douleur hein ? C'est vrai que c'est intéressant
de travailler si c'est de l'anxiété euh... bah je comprends que ça soit utiliser dans ces
cas là. Je pense que c'est la seule indication qu'on pourrait éventuellement justifier
c'est ça. C'est votre situation ou on était dans une impasse de thérapeutiques
antalgiques. Moi j'aurais tenté une approche plutôt autour des émotions associées à
la douleur, en en fonction de ça, soit c'est quelque chose de très inquiétant qui
inquiète aussi l'infirmière et dans ce cas là vaut mieux appeler le médecin de garde
tant pis, et si ça inquiète beaucoup la patiente mais peut-être moins l'infirmière. Je
resterais sur du non-médicamenteux, du froid, du chaud, de la conversation des
choses comme ça. Essayzr de la détendre, de la respiration...des choses comme ça.
Après je conçois que dans certaines situations c'est compliqué. Mais le placebo ça
reste quelque chose qu'est assez facile finalement. C'est assez facile voilà. Moi je
prioriserais plutôt favoriser la relation plutôt que de la perdre.
– Pour vous, qu'est ce que l'authenticité ?
– L'authenticité, c'est que le patient soit lui-même, et que moi je puisse être moi-
même aussi. Donc, qu'il puisse exprimer des choses si il a besoin de les exprimer, et
que moi je sois aussi en capacité de dire les choses. Par exemple bah là
effectivement je vous ai donné un médicament il y a une heure, ça ne semble pas
tout à fait efficace, qu'est ce qu'on peut faire euh ? Qu'est ce que je peux faire là,
maintenant ? Je pense que c'est ça pour moi l'authenticité, chacun peut...et puis
aussi ya la place de chacun aussi. C'est à dire que moi voilà, je suis soignante, j'ai
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des connaissances en santé, sur sa maladie, les traitements possibles, leur efficacité
etc, je connais bien l'hôpital, j'ai de l'expérience professionnelle, dans mon domaine
donc j'ai des connaissances que lui n'a pas voilà, ça pourrait me donner, ça pourrait
me mettre en position de supériorité...mais en même temps, il y a lui, qui vit les
choses de façon spécifique de son côté, qui vit sa maladie, qui la connaît, il a son
expertise à lui aussi à laquelle nous on n'a pas forcément accès. C'est quand même
lui qui connaît son corps, les manifestations habituelles...donc je pense qu'il faut
quand même être prudent, voilà....essayer, autant que faire se peut, dans ce monde
qui n'est pas toujours idéal hein, avec des patients qui parfois en effet se mettent
dans un position un peu de passivité, qui sont là « je m'en remets à vous, faites ce
qui est bon pour moi » et même temps, dans une certaine authenticité c'est
considérer l'autre comme un individu à part entière avec son expertise, l'expertise
de son corps et de ses sensations et ça on n'a pas nous, tout soignant qu'on est. En
matière de douleur euh, on doit être vraiment à l'écoute des gens, on voit bien que
ya un ptit peu de tout, ya des gens qui sont très précis dans la description de leur
douleur, qui décrivent bien où, comment, quelle intensité, et d'autres ça va être
moins clair. Par exemple un monsieur qui avait été hospitalisé en pneumo, qu'avait
du mal à respirer et tout ça, puis finalement il avait un cancer de l'oesophage, mais
en fait dans sa façon de décrire...fin...il était certainement expert, mais dans sa
façon de décrire ses douleurs, ses sensations bah ça n'a cessé de mettre les
soignants sur des mauvaises pistes, des fausses pistes.
– C'est à dire ?
– Bah en fait c'était pas clair, c'était une plainte digestive puis une plainte de douleur
à la jambe puis autre chose, enfin on ne savait plus trop quoi. Mais bon quand
même c'est le patient qui reste expert et l'authenticité c'est aussi être à l'écoute de
cette expertise et que chacun ...chacun soit soi-même. Et si le patient il n'a pas
envie de me parler et bien voilà je n'insiste pas, c'est aussi ça l'authenticité c'est ne
pas forcer l'autre à être ce qu'il n'est pas.
– Comment pensez-vous que l'authenticité va influencer la relation soignant-soigné ?
– Ya peut-être un truc dans l'authenticité c'est aussi la disponibilité à l'autre quoi.
C'est que voilà on s'être engueulé avec ses collègues, avoir des soucis personnels
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etc et se présenter dans la chambre du patient avec peut-être un manque de
disponibilité du au fait qu'on est préoccupé par ailleurs, l'authenticité là ça voudrait
dire qu'on explique au patient bah là je suis indispo, et même temps si je dis ça je
suis authentique et même temps voilà ça peut influencer ma relation dans le
mauvais sens ou je vais perdre un peu le lien avec mon patient. La disponibilité à
l'autre ça va dans l'autre sens aussi. Par exemple hier j'ai été voir une dame pour
une consultation douleur et elle était extrêmement nauséeuse, ça n'allait pas bien du
tout...bon...elle était indisponible pour d'autres choses ce n'était pas le bon
moment... pour être authentique faut débloquer un peu ce truc là....peut-être que
j'embrouille un peu les choses non ?
– Non non je trouve que ça a du sens je vois là où vous voulez en venir.
– Bon ce qui est sur c'est que la relation dans notre profession, c'est quand même
quelque chose de très important. Souvent les professionnels, ils ont choisi un métier
comme ça, pour ça. C'est vraiment quelque chose d'important, après...ça s'apprend.
Quand on est professionnel bah on peut avoir un carcan un ptit peu de professionnel
c'est à dire euh...bah moi la première d'ailleurs hein. Je vais m'abriter derrière cette
carapace un peu parfois. C'est de dire euh ah oui vous avez mal blabla, vous n'avez
pas trop le moral, bah oui mais moi je suis infirmière donc bah je n'ai pas
forcément trop le temps non plus. Je ne vais pas questionner ou ouvrir des portes
que je ne saurais pas forcément refermer derrière.Parfois l'authenticité c'est euh...est
ce que je peux dire des choses sur moi ? Au patient ? Est ce que c'est professionnel
de livrer mes propres soucis ? Ya un truc dans l'authenticité, sans doute dans la
limite du soin, de la relation soignant-soigné qui limite l'authenticité. C'est à
débattre !
– D'accord. Pour en finir sur l'authenticité, est ce que pour vous c'est possible de la
concilier avec l'administration d'un médicament placebo ? Ou pas ?
– Je ne sais pas...peut-être que dans l'authenticité, alors ya aussi le non verbal. Ya ce
qu'on dit, ya ce qu'on montre...ya une certaine posture. Je pense qu'il faut faire
attention à ça, parce que c'est vrai que le corps dit beaucoup de choses en fait
hein...par exmple si je suis pressée, le fait que je ne vienne pas m'assoir dans la
chambre du patient, la rapidité de mes gestes, et bah le patient il va comprendre que
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je suis préssée sans que j'aie à lui dire. C'est authentique aussi. Après voilà, moi-
mêl par exemple quand je vais dire que le paracétamol c'est un super médicament,
j'ai besoin moi-même d'être convaincue par ce que je dis. Pour ça j'ai du mal à
donner un placebo, ça me dérange parce que je ne suis pas convaincue. C'est
difficile là d'être authentique. Je pense qu'il y a des choses dans l'authenticité qui
sont du non verbal et que ça peut nous trahir. Donc pour moi ce n'est pas
compatible. Après voilà...est ce qu'on n'a toujours besoin d'être authentique ? Est ce
qu'on est toujours authentique ? Est ce que l'authenticité dans le soin c'est
important ? Et est ce que derrière finalement ce qui ne compte pas plutôt ça serait
l'intention positive ? C'est peut-être aussi qu'il faut interroger. De la même manière
que ce n'est pas forcément bon pour la relation de parler de ses problèmes perso
pour justifier son indisponibilité, alors que c'est ça être authentique, bah le placebo
vaut mieux pas que le patient le sache si on veut que ça marche. C'est l'intention
positive quoi. Est ce qu'on peut être un bon soignant sans être authentique 100% du
temps ? Moi je crois que oui. Ya des situations ou on va exécuter des
tâches....finalement dans l'authenticité ya aussi peut-être une question de valeur.
C'est à dire est ce que je suis en accord avec mes valeurs ? Si je suis en accord avec
ce que je fais par rapport à mes valeurs, bah voilà, je suis authentique ya pas de
problème. Mais si je ne suis pas en accord, ya toutes les chances que...bah faut se
connaître quelque part.
– Au niveau de la relation de confiance soignant-soigné, l'administration d'un placebo
la fait-elle évoluer ou changer ? Tout à l'heure vous disiez que ça finirait forcément
par se savoir et que ça ruinerait la relation de confiance c'est ça ? Est ce que vous
voulez compléter ou rajouter quelque chose ?
– Bah je pense que selon la posture adoptée, la confiance peut être maintenue. Dans
le non verbal et le verbal, si dans ma posture le patient sens que c'est bon pour lui, il
ne va pas perdre confiance. Souvent comme la vérité ne lui ai jamais dite ce lien de
confiance peut rester tel quel. Si l'infirmière n'a pas de problème avec ça il n'y a pas
d'impact. Après pour moi c'est plutôt une question d'éthique mais bon.
– Justement quelle posture adoptez-vous pendant l'administration d'un placebo pour
maintenir ce lien de confiance ?
40
– Bah faut rien changer je pense. Faut mettre en avant la posture dans laquelle on est
d'avoir une intention positive. Après moi comme je vous ai dit je ne suis pas trop
pour et je l'ai peu fait donc je ne peux pas trop vous dire. Pour moi on doit faire
avec le patient, pas contre lui ou dans son dos. C'est à nous de trouver les leviers,
même si parfois on va être dans des situations compliquées avec déjà beaucoup
d'antalgiques à côté mais qui ne suffisent pas. Ya quelque chose dans la prescription
ou dans l'éducation thérapeutique qui doit être améliorée alors. Bien sur il y a des
mésuages, mais je ne crois pas que le placebo ça soit la clé pour une solution. Par
exemple si c'est de l'angoisse, on va pouvoir proposer plutôt d'autres médicaments
pour apaiser etc, si c'est de la fatigue et bien on va favoriser le sommeil, enfin voilà,
on va aller creuser plus loin la cause qui créé la complication et on va travailler
avec le patient. Avec sa volonté et son consentement bien sur.
– Pour vous il faudrait donc faire un meilleur usage des médicaments plutôt que de
donner des placebos.
– Ouais ! Je pense qu'il y a quelque chose à faire avec l'effet placebo, en orientant et
en conseillant le patient vraiment on peut améliorer considérablement sa
satisfaction et l'efficacité des traitements. C'est ça qu'il faut retenir. Mais bon c'est
intéressant de s’intéresser au placebo ! Parce que bah moi aussi je suis un peu
euh.. .j'ai étudié un peu ça mais plutôt dans le sens comment exploiter ça plus que
ça n'est fait aujourd'hui ? Et du coup je pense que c'est plutôt ça mon
questionnement aujourd'hui. C'est vraiment intéressant de comprendre et d'exploiter
le pouvoir du conscient et de l'inconscient ! Donc oui c'est peut-être un peu plus
chronophage de bien expliquer au patient ses traitements et pourquoi il les prend,
mais ça lui sera aussi beaucoup plus bénéfique et à la maison je pense qu'il saura
beaucoup gérer sa maladie et ses douleurs et donc revenir moins souvent à l'hôpital.
Souvent je vois les patients, je vois les cupules avec parfois les médicaments qui
ont été triés, mais bon je ne vois pas le temps ou on leur explique. Donc ouais je
pense qu'il vaudrait mieux optimiser ça.
– Moi aussi c'est une observation que j'ai faite en stage. Et parfois les médecins
prescrivent des choses sans même les expliquer au patient, et parfois sans non plus
l'expliquer à l'infirmière, ce qui fait que parfois elle ne va même pas pouvoir
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expliquer elle-même au patient, pourquoi il a ce médicament.
– Ouais ! Alors là on soulève une autre pierre c'est la question du lien entre le
médecin et l'infirmière qui donne, c'est à dire que, devrait y avoir plus de
concertation aussi. Que l'infirmière puisse demander bah il prenait ça, t'as changé
ça dans la prescription pourquoi et qu'est ce que je vais lui dire...alors que souvent
c'est fait de façon mécanique et du coup au bout de la chaîne c'est le patient à qui
personne ne va expliquer les changements dans son traitement. Donc ouais ya peut-
être aussi quelque chose à travailler là-dessus. A la fois qui touche à l'effet placebo
et à l'éducation thérapeutique.
– Du coup pour contextualiser un peu l'entretien, pouvez-vous m'expliquer votre
parcours d'infirmière ?
– J'ai passé mon diplôme d'état en 1985, ensuite j'ai exercé un petit peu dans les
services de chir et en post-bloc, puis par le hasard j'ai fait du bloc opératoire. En 90
j'ai fait ma formation d'infirmière anesthésiste et en 2003 du coup j'ai fait mon DU
douleur. Pendant dis ans à peu près j'ai fait de l'anesthésie et de l'équipe mobile
douleur et puis jusqu'en 2013 où là j'ai quitté l'anesthésie et j'ai fait de l'équipe
mobile douleur et des consultations douleur. Entre temps je me suis formée à
l'hypnose et aux thérapies brèves.
– C'est quoi ?
– C'est un petit peu tout qui tourne autour d'une approche solutioniste pour aider le
patient à voir un petit peu les choses différemment, je ne suis pas psychologue
mais... en tout cas cette formation là m'a apporté beaucoup de choses en terme de
savoirs..savoir-êtres ? Je ne sais pas...en terme d'entretien infirmier.
Infirmière B des urgences :
Moi : Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?
IDE : Alors, c'est un...une thérapeutique non active, qui permet de soulager un patient,
euh...voilà.
– D'accord. Dans quelle situation faites-vous recours aux placebos ?
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– Alors j'ai du...c'est....on a quand même pas mal de toxicos chez nous, ou d'addict
aux drogues, et quand on a doute, sur le fait que leur douleur est réelle ou pas, ou si
viennent, parce que généralement c'est des patients qui viennent réclamer de la
morphine, donc nous le placebo il est vraiment utiliser à cette, dans ce cadre de là,
pour savoir si il s'agit d'une douleur réelle ou si c'est juste le fait de se dire « j'ai de
la morphine et du coup je me sens mieux ». Ya ça, et euh, parfois, aussi c'est arrivé
pour des patients qui demandaient des médicaments pour les détendre. Patients
hyper anxieux, on leur dit oui on va vous donner quelque chose et du coup...après
nous ça reste en...nous c'est en IV, on n'a pas de médicaments, en fait de comprimés
placebos aux urgences. Vraiment, en fait on fait....on fait des seringues d'eau en fait.
Sérum phy ou eau PPI.
– C'est prescrit généralement ou c'est votre initiative ?
– C'est en accord avec le médecin. Voilà on leur dit et vraiment c'est en accord bien
sur avec le médecin. Après...prescription je sais pas parce que je ne suis pas sure
que y ait des prescription euh...c'est plus en accord verbal avec le médecin. Après,
pour autant, je pense que c'est tracé sur l'ordinateur, on doit marqué....voilà, pour
savoir si ça a été efficace aussi. Dès fois ça...ça n'a pas d'effet non plus hein...
– Donc à quelle fréquence vous avez recours aux placebos vous ?
– Alors, c'est pas hyper régulier...pff, mais par exemple il y en a eu un ya deux
semaines tu vois....euh, je ne sais pas. Déjà le problème c'est que moi je suis à
temps partiel donc je ne suis forcément pas tout le temps là, après je dirais aller
euh, une fois tous les deux mois ou on te pose la question et ou tu le fais quoi.
Après ça c'est que moi, sachant qu'on est une méga grosse équipe aux urgences.
D'emblée sur des grosses douleurs on a tendance à donner de la morphine, et après
quand on se dit euh...ça ne colle pas. En fait la clinique ne colle pas, ou ils ne sont
pas tachycardes alors qu'ils sont censés être hyper douloureux et qu'ils réclament de
la morphine, en fait ya pas de cohérence entre le discours du patient et les signes
cliniques. C'est plus là ou on va tenter le coup et on va se dire, bah c'est plus ça en
fait.
– D'accord. Est ce que c'est efficace quand vous donner les placebos généralement ?
– Ouais. Ouais, c'est ça qu'est surprenant, en fait. Surtout, bah en fait, c'est ça qu'est
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un peu frustrant tu vois ! C'est compliqué du coup euh..la communication derrière.
Tu dis au patient bah vous êtes soulagés c'est très bien, mais parfois le médecin il
va dire bah on ne vous a pas vraiment donné la dose euh... ou parfois ils ne le disent
même pas hein...bah très bien vous êtes soulagés...voilà.
– D'accord, ok. Quand vous administrez un placebo, quelle posture professionnelle
vous adoptez et comment ? Est ce que vous avez un certain ressenti ?
– Non, c'est, alors c'est un peu le même discours. Vous leur dites, alors.. ce qu'on fait
ici, c'est vraiment pour la douleur qu'on s'en sert le plus, alors on leur dit : « jvais
vous donner un médicament contre la douleur, peut-être que ça ne suffira pas, on
verra si on vous donne quelque chose d'autres mais on va laisser à ce médicament
là son temps d'action et après on verra pour une alternative. Donc c'est le même
discours que pour la morphine ou un autre antalgique. Je vous passe quelque chose,
si ça ne va pas mieux on reavisera. Mais ça devrait vous soulager. Après, on fait de
la communication thérapeutique aussi hein. En leur disant, ça devrait vous soulager,
c'est un médicament qui devrait vous soulager vous allez voir vous allez ressentir
des choses... donc on dirige aussi un peu mine de rien. Mais voilà, après...c'est la
même posture je pense que quand on donne sciemment une thérapeutique plus
active.
– D'accord. Est ce que vous pensez que il y aurait des alternatives peut-être au
placebo ?... ou non ?
– J'en sais rien. J'en sais rien parce que le problème c'est que souvent c'est utilisé pour
les patients qui ne sont pas en mesure de communiquer euh... qu'on une
communication verbale, euh, tu vois sur leur ressenti réel..euh, c'est une vraie
douleur en fait ce qu'ils ont hein, jpense que c'est une douleur qu'ils ressentent
vraiment, sauf que ce n'est pas des douleurs physiques qui peuvent être traitées par
un médicament. Voilà. A partir de là euh je sais pas. J'avoue que le placebo il... c'est
un peu ce qu'ils disaient en règle générale sur l'homéopathie pour les gamins quoi.
T'en a plein qui critiquent, qui disent voilà c'est du pipo et tout...mais en même
temps ça ne fait pas de mal. Voilà c'est plus..ça ne peut pas faire de mal. Donc à la
limite ça ne peut être que un truc positif. Après une alternative euh... je ne sais pas.
Moi je trouve que c'est quand même un choix, pas mal. Après le problème c'est que
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ici ça prendrait du temps une autre alternative. Ça serait un moment d'écoute ou de
l'hypnose...je pense que l'hypnose c'est un truc qui pourrait marcher sur les trucs
comme ça, mais sauf que ça prend du temps, et nous ici on n'a pas ce temps là.
Donc euh...
– ça s'entend bien sur. Alors après j'ai fait deux thèmes, un sur l'authenticité de la
relation soignant-soigné et un autre sur la relation de confiance. Comment vous
définissez vous l'authenticité ?
– Euh...ne pas mentir ? Ne pas euh...être clair en fait et dire les choses en... en
appelant un chat un chat.
– D'accord ok.
– Et clairement du coup la relation n'est plus du tout authentique !
– Voilà alors du coup au final la question c'est comment vous conciliez
l'administration d'un placebo avec l'authenticité de la relation soignant-soigné ?
– Bah en fait...je crois que c'est très psycho, fin très psy en règle générale. C'est parce
que leur dire qu'on ne va pas leur donner une thérapeutique active c'est les mettre
en échec d'emblée. C'est l'effet même du placebo c'est leur dire on va vous donner
quelque chose pour vous soulager et du coup ça va marcher. Donc en fait tu les
diriges vers hein...et leur dire que tu ne vas pas leur donner ce qu'ils demandent, au
final, et bah ça va les mettre dans de la frustration, donc augmente la douleur, et ça
a un effet boule de neige. En fait, on est authentique vraiment dans le sens on
essaye vraiment de les aider, on leur dit, on va vous donner quelque chose, on
espère vraiment que ça les soulage. C'est vrai ! Certes ce n'est pas le médicament
que eux veulent, car ils estiment que ce n'est pas celui là qui leur fait du bien, mais
ça reste une...on est authentique dans le sens ou on veut aider quand même.
– L'intention est authentique quoi.
– C'est ça, l'intention est authentique. La thérapeutique n'est pas celle demandée par
le patient. En même temps le patient qui...c'est pas à lui de choisir sa thérapeutique
logiquement non plus, ça c'est du domaine médical quoi. Ouais je dirais que
l'intention est authentique c'est pas mal ça !
– Au niveau de la relation de confiance soignant-soigné, au regard de votre
expérience et de votre posture infirmière, l'administration d'un placebo fait-elle
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évoluer ou changer la relation soignant-soigné ?
– Je pense que nous on a un regard différent quand même. Parce que après... pareil, je
reste dans le contexte des urgences ou on a pas forcément le temps de faire de la
psychologie ou de l'accompagnement, et que du coup on a l'impression, ou que
certains ont l'impression, des fois de perdre son temps avec quelqu'un qui n'a pas de
réelles douleurs physiques alors que d'autres en ont et que du coup on n'a pas le
temps d'aller faire de la morphine ou un autre médicament à quelqu'un d'autre. Je
pense que consciemment, ou inconsciemment, ça fait changer la relation soignant-
soigné, parce qu'on a l'impression que eux ne sont pas authentiques avec nous.
Et...l'authenticité elle marche dans les deux sens, donc du coup que eux là on a
l'impression que c'est bon quoi. Arretez c'est de l'eau qu'on vous a donné, à un
moment donné, d'un coup vous avez plus mal...donc tu vois ça marche dans les
deux sens. N'oublie pas que logiquement, on est censé avoir confiance en nos
patients aussi.
– D'accord je comprends...Bon je pense que vous avez répondu un peu déjà à cette
question : quelle posture adoptez-vous pendant l'administration d'un placebo pour
maintenir ou instaurer ce lien de confiance ?
– C'est toujours un peu la même chose hein, tu vois tu dis les choses hein. Tu dis que
tu leur donnes quelque chose qui est censé les aider. Après, t'en a qui vont
demander ce que c'est. Après tu leur répond un peu ce que tu veux. T'en a jpense
qui veulent de la morphine, qui viennent pour ça en fait et du coup tu leur dis qu'on
essaye autre chose. Tu ne leur dis pas forcément ce que c'est. Après faut pas leur
mentir non plus hein, de toute façon ils le sentiront bien et euh... tu vois tu seras
agacé enfin on sera tous pas bien et c'est toujours la même chose. Cela n'améliorera
pas la relation mais euh...ouais c'est leur dire « on essaye de vous aider ». C'est une
réalité, on essaye.
– Voilà je pense c'est bon concernant le placebo j'ai l'essentiel. Maintenant j'ai des
questions plus sur vous pour remettre dans un contexte.
– Ouais !
– Euh est ce que vous pouvez m'expliquer votre parcours ?
– Je suis diplômée depuis 2004 euh...un parcours surtout d'urgences euh... un gros
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moment que je ne fais quasiment que ça. Pendant un an, un an et demi ou j'ai boué
pas mal, j'ai fait pas mal d'intérim et là je suis aux urgences depuis 2006.
– pourquoi ce choix des urgences ?
– Euh bah j'ai commencé infirmière pompiers pendant mes études d'infirmière, et du
coup c'est ça qui m'a donné envie. Parce que ça bouge, tu vois de tout, tu...euh, j'ai
fait de la cancéro un peu pendant mes études d'infirmière et je revenais en pleurs
tous les soirs à la maison, je m'attachais trop aux patients. L'avantage ici, et
l'inconvénient, c'est qu'on n'est là que sur un court temps, et que...on a des histoires
dures aussi hein mais voilà, c'est plus facile de s'en détacher. On en connaît pas leur
vie de famille, leur vie personnelle... voilà quoi.
– Bon, merci !
Infirmière C en service de géronto-psychiatrie :
Moi :Pour vous, qu'est ce qu'un placebo ?
IDE : C'est un produit qui peut ressembler à un traitement médicamenteux mais qui en
réalité ne possède pas les molécules chimiques reconnues de ces traitements
médicamenteux. Ils n'ont donc pas d'action rééelle (au sens qu'ils n'ont pas les molécules
nécessaires pour induire une réaction chimique) mais peuvent avoir un effet psychologique
voire psychosomatique.
Moi : Dans quelle situation faites-vous recours au placebo ?
IDE : Dans ma pratique je l'ai très peu utilisé. La première fois était sur une patiente
schyzophrène connue (elle est restée 1an et demi dans mon service) très angoissée par
moment, ayant des début de troubles cognitifs. Cette situation s'est déroulée il y a un
certain temps déjà, mais de ce que je me rappelle de la situation : le médecin avait
sucessivement prescrit des antalgiques de palier 1, 2, 3, nous faisions des échelles
numériques de la douleur à chaque administration, et la patiente avait des antalgiques
palier 3 (morphiniques) prescrit en si besoin. Elle avait tendance à le réclamer sans avoir
de faciès douloureux, elle cotait sa douleur à 8 systématiquement (avant ou après
l'administration des traitements, quels que soient les paliers), il y avait parfois des pleurs
associés mais nous avions beaucoup de mal à dicerner si c'était lié à une douleur ou plutôt
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à des angoisses (car même le fait de prendre une tension artérielle pouvait la faire pleurer,
car le fait de la toucher était extremement angoissant pour elle). Sur avis médical nous
avons donc essayé de lui donner de l'eau sucrée en lui disant que c'était de la morphine, et
cela fonctionnait parfois. J'ai aussi déjà donné des placebo antalgiques après avis médical
sur une patiente extrêmement demandeuse, ayant troubles cognitif importants (troubles
mnsésiques, troubles du jugement...) + antécédents psychiatriques (anxiéte et depression)
en secteur d'URCC (Unité de réadaptation cognitivo comportementale), la patiente
demandait à peu près toutes les minutes qu'on s'occupe d'elle, ce qui est un peu compliqué
lorsqu'on a un service à gérer. Je précise que les demandes étaient inadaptés et que si c'était
pas un antlagique qu'elle réclamait, c'était autre chose. Les placebo focntionnait pour elle,
elle avait l'impression d'être écoutée et je pense que ça la rassurait.
Moi : A quelle fréquence avez-vous recours au placebo ?
IDE : Très peu. C'est exceptionnel.
Moi : Que ressentez-vous pendant l'administration d'un placebo ? Changez-vous votre
posture professionnelle et comment ?
IDE : Je ne me sens pas très à l'aise d'avoir à mentir à un patient. J'essaye d'avoir l'air
assurée et naturelle afin que le patient soit confiant avec le produit.
Moi : Que surveillez-vous après l'administration d'un placebo ?
IDE : Je surveille si ça a bien l'effet escompté, la diminution de la douleur dans mon cas :
échelle numérique ou EVA, posture du patient (position antalgique ou non...), échelle
algoplus, faciès...
Moi : Quels sont les résultats immédiats généralement obtenus de par votre expérience
après l'administration d'un placebo antalgique ?
IDE : Le patient se sent écouté et rassuré. Sa demande vis à vis de la douleur disparaît. Si
ça ne disparaît pas il faut que le médecin soit appelé pour mettre en place d'autres actions.
Moi : Pensez-vous qu'il y ait des alternatives au placebo ? Y avez-vous eu recours? Cela a
t-il eu les mêmes résultats ?
IDE : Pour des patients angoissés ou ayant des troubles cognitifs les alternatives sont de
mettre en place des actions relationelles plus importantes, d'en parler avec le psychiatre, la
psychologue, les collègues...
Moi : Comment définissez-vous l'authenticité ?
IDE : Le fait d'exprimer quelque chose en accord avec soi même, ses valeurs, ce que l'on
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pense.
Moi : Que représente pour vous ce concept dans votre métier ? Comment intégrez-vous
l'authenticité à votre posture infirmière ?
IDE : Pour être authentique dans le soin, il faut comprendre l'acte qu'on réalise et être en
accord complet avec. Si le médecin me demande d'administrer un traitement mais que je ne
comprend pas pourquoi, la posture hostile que j'aurais vis à vis de cela ne sera pas
rassurant pour le patient. Je pense que pour être authentique il faut savoir ce que l'on fait et
pourquoi, il faut donc questionner le médecin si jamais on ne comprend pas pourquoi il
prescrit tel ou tel médicament.
Moi : Comment pensez-vous que l'authenticité de l'IDE influence la relation soignant-
soigné ?
IDE : Ça l'influence parce que dans la communication le langage paraverbal est important.
Si l'IDE n'est pas authentique, ne croit pas en ce qu'il fait, le patient va le ressentir. S'il
comprend que l'IDE lui ment, la relation sera dégradée car il n'y aura plus de confiance.
Moi : Comment conciliez-vous l'administration d'un placebo avec l'authenticité?
IDE : J'ai du mal à la concilier mais si j'ai bien compris, avec le médecin, que c'est la
solution la meilleure pour un patient dans une situation donnée, je serais plus authentique
dans l'administration car je serait en accord avec cette action.
Moi :Au regard de votre expérience et de votre posture infirmière, l'administration d'un
placebo fait-elle évoluer ou changer la relation soignant-soigné ?
IDE : J'ai peu d'expérience donc ce ne sera pas représentatif. Pour moi la relation n'a pas
changé car le patient a pensé que le placebo a fait son effet. La confiance était toujours
présente, je pense. Le patient s'est senti écouté. Il faut allier ça avec tout le travail
relationnel derrière, présence, bienveillance, écoute active, questionnement pertinent pour
permettre aux patients d'exprimer leur problématiques...
Moi : Quelle posture adoptez-vous lors de l'administration d'un placebo pour maintenir ou
instaurer ce lien de confiance ?
IDE : Il faut être convaincu soi-même que cela peut fonctionner je crois. Etre assuré,
expliquer le produit comme si ça était réélement utile, éviter au plus possible de mentir en
rentrant dans des détails compliqués. Plus insister sur l'effet que ça doit avoir car cela n'est
pas un mensonge.
Moi : Pouvez-vous m'expliquer votre parcours ?
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IDE : Diplomée en 2013 puis depuis 3an et demi je travaille dans un clinique privée, dans
laquelle j'ai travaillé 6 mois en gérontopsychiatrie, et depuis j'alterne entre le service de
SSR gériatrique et l'URCC.
Moi : Depuis combien de temps officiez-vous dans ce service ? Pourquoi avez-vous choisi
ce mode d'exercice ?
IDE : À la base je voulais faire de la psychiatrie, mais au vu des circonstances
économiques (pas beaucoup de postes dans la région d'où je viens), j'ai pris ce qui était
libre (c'était une création de poste). Finalement la gériatrie m'a énormément plu car c'est
assez complexe surtout en tenant compte des intrication neurologiques / psychiatriques, et
c'est une spécialité de l'établissement dans lequel je travaille.
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Annexes III
Grille d'analyse
Thème Sous-thème IDE 1
Le
médicament
placebo
Définition « L'effet placebo c'est quelque chose de très positif, mais le
placebo pour moi c'est une pratique insupportable. On
peut exploiter l'effet placebo pour améliorer l'antalgie, on
est tous sensible au placebo, et donc l'effet placebo dans un
médicament, il serait de 90%. » Elle raconte l'exemple d'un
patient à qui on avait prescrit des patchs de fentanyl. Il les
avait mal mis en oubliant de d'ouvrir les patchs, ce qui les
empêchaient donc de fonctionner, mais cela il l'ignorait. A
la consultation suivante, le patient dit que ça va beaucoup
mieux ! « En fait il avait mis en route un effet placebo,
c'est à dire que le médecin, en lui disant « je vais vous
donner un médicament efficace et très très bien pour ce
que vous avez, et ça va aller beaucoup mieux comme ça »,
il l'a déjà guérit en fait ».
Situation
d'administrati
on et
fréquence
« Est ce qu'il y a vraiment une indication ? Moi je ne crois
pas. (...) Le placebo n'existe pas que pour les antalgiques
mais pour plein d'indications je pense. Parce qu'il est
associé à des croyances, à ce qu'il va comprendre de ce
qu'il lui arrive, de ce qu'on lui fait...n'importe qui d'entre
nous pourrait dire qu'une douleur baisse avec une fausse
gélule. Ce n'est pas réservé à une spécificité de patients,
c'est ça qui est très agaçant dans cette façon de faire. (…)
Quelque part, on vérifie que le patient est bien sérieux
dans sa plainte. (…) Dans mon parcours d'équipe mobile,
j'ai croisé des prescriptions de placebos, que ça soit par la
bouche ou en intra-veineuse. (…) Au fond, est ce qu'on est
beaucoup plus avancé ? Je ne sais pas en quoi ça fait
51
avancé le schmilblick. Peut-être, en effet dans les situations
ou l'infirmière ne peut donner le prochain médicament que
dans quatres heures et que le patient veut absolument
quelque chose...mais à un moment donné, on est obligé
d'expliquer au patient...enfin ce n'est pas prendre le patient
au sérieux. Dans l'esprit du prescripteur qui donne le
placebo, il met en doute la plainte du patient. C'est une
façon de vérifier. Quand le patient comprend la
supercherie, il ne va pas être bien ! C'est une vision à très
court terme. Je règle là le problème, mais dans 24h ou 48h
qu'est ce qu'il en adviendra ? »
Résultats et
surveillance
« on surveille l'EVA, la douleur. »
Ressenti
pendant
l'administrati
on et
changement
de posture
éventuelle
« Je militerais pour utiliser l'effet placebo pendant
l'administration des médicaments. Je vois trop de trucs
décapsulés dans un petit bocal là...le patient, alors qu'il
savait très bien se débrouiller chez lui, il arrive à l'hôpital
et il ne sait plus quels sont ses médicaments. Il prend ce
qu'on lui donne. Alors c'est vrai qu'il se met un peu dans
une position passive, et il y a aussi le fait que le
médicament n'est très souvent pas expliqué. Et je trouve
qu'il y a vraiment un travail à faire dans
l'accompagnement du patient et donc dans une forme
d'éducation thérapeutique. Par exemple la paracétamol
c'est banalisé. Moi je dis souvent « le paracétamol, c'est un
super médicament, détrompez-vous, peut-être que vous le
prenez comme ça à la maison, mais ça va marcher aussi
dans cette situation là. » Et là j'appuie sur l'effet placebo,
sur le levier. »
Alternative
possible
envisagée
« Il faudrait plutôt optimiser le pouvoir placebo de chaque
médicament dans le discours qu'on donne pendant la
dispensation. Ce n'est pas l'apanache de profils un peu
52
plaintifs, c'est l'apanache de tout le monde ! Tout le monde
peut répondre à un placebo. C'est ma vision. »
« Il y a tout ce qui est autour de la conversation : faire
exprimer au patient cette douleur là maintenant. Est ce que
le dernier médicament a été efficace ? Combien de temps ?
Est ce qu'il y a eu d'autres choses expérimentées à la
maison qui ont pu la soulager ? Quelles émotions peuvent
être associées à la douleur ? (…) Dans une situation
d'impasse comme la votre, je resterais dans du non
médicamenteux. Du froid, du chaud, de la
conversation...des choses comme ça. Essayer de détendre,
de la respiration...Le placebo c'est la solution facile quoi.
Moi je prioriserai plutôt la relation plutôt que de la
perdre. »
Authenticité
de la relation
soignant-
soigné
Définition et
rôle dans la
relation
« L'authenticité, c'est que le patient soit lui-même, et que
moi je puisse être moi-même aussi. Donc qu'il puisse
exprimer les choses si il a besoin de les exprimer, et que
moi aussi je sois en capacité de dire les choses. Et puis il y
a la place de chacun aussi. C'est à dire que moi, je suis
soignante (…) j'ai des connaissances et de l'expérience que
lui n'a pas. Ça pourrait me mettre en position de
supériorité. En même temps, lui il vit les choses de façon
spécifique de son côté, il vit sa maladie, il la connaît, il a
son expertise aussi à laquelle on n'a pas forcément accès.
(…) l'authenticité c'est considérer l'autre comme un
individu à part entière avec son expertise, l'expertise de
son corps et de ses sensations, et ça on ne l'a pas nous,
tout soignant qu'on est. Etre à l'écoute de cette expertise
et que chacun soit soi-même. Et si le patient n'a pas envie
de me parler et bien je n'insiste pas, c'est aussi ça
l'authenticité, c'est ne pas forcer l'autre à être ce qu'il
53
n'est pas.(...)
Ya peut-être un truc dans l'authenticité qui est dans la
disponibilité à l'autre aussi (…) se présenter dans la
chambre du patient avec peut-être un manque de
disponibilité dû au fait qu'on est préoccupé par ailleurs,
l'authenticité là ça voudrait dire qu'on explique au patient
bah là je suis indispo, et en même temps si je dis ça, ça
peut influencer la relation dans le mauvais sens, je vais
peut-être perdre un peu le lien avec mon patient.
Ce qui est sur, c'est que la relation dans notre profession,
c'est quand même quelque chose de très
important...après, ça s'apprend. Parfois on peut avoir
notre carcan de professionnel, une carapace derrière on va
pouvoir s'abriter « vous avez mal, vous n'avez pas le
moral, je suis infirmière donc je n'ai pas trop le temps non
plus », c'est à dire que je ne vais pas aller questionner
ouvrir des portes que je ne saurai pas forcément refermer
derrière. Est ce que c'est professionnel de dire des choses
sur moi ? De livrer mes propres soucis ? Ya un truc dans
l'authenticité, sans doute dans la limite du soin, de la
relation soignant-soigné. »
Comment
concilier
placebo et
authenticité
Dans l'authenticité, ya aussi le non verbal, il y a une
certaine posture. Il faut faire attention à ça aussi parce que
le corps dit beaucoup de choses en fait. Par exemple si je
suis pressée, le fait que je ne m'assois pas dans la chambre,
la rapidité de mes gestes, le patient va comprendre sans
que j'ai à lui dire. C'est authentique aussi. Après moi-même
quand je vais dire que le paracétamol c'est un super
médicament, j'ai besoin d'être convaincue par ce que je dis.
Pour ça j'ai du mal à donner un placebo, ça me dérange
oarce que je ne suis pas convaincue. C'est difficile là
54
d'être authentique. Je pense qu'il y a des choses dans
l'authenticité qui sont du non verbal et qui peuvent nous
trahir. Donc pour moi ce n'est pas compatible. Après
voilà...est ce qu'on est toujours authentique ? Est ce
qu'on a besoin d'être toujours authentique ? Est ce que
l'authenticité dans le soin c'est important ? Est ce que au
fond ce qui ne compte pas plutôt c'est l'intention
positive ? De la même manière que ce n'est pas forcément
bon pour la relation de parler de ses problèmes perso pour
justifier son indisponibilité, alors que c'est ça être
authentique, le placebo vaut mieux pas que le patient le
sache si on veut que ça marche. C'est l'intention positive
quoi. Est ce qu'on peut être un bon soignant sans être
authentique 100% du temps ? Moi je crois que oui. (…)
Dans l'authenticité il y a aussi une question de valeur.
C'est à dire, est ce que je suis en accord avec mes
valeurs ? Si je suis en accord avec ce que je fais par
rapport à mes valeurs, je suis authentique, ya pas de
problème.
Relation de
confiance
soignant-
soigné
Impact de
l'administrati
on d'un
placebo sur la
relation de
confiance
« L'effet placebo, c'est quelque chose qui doit nous aider
à renforcer notre confiance tu vois, plutôt de le prendre
comme quelque chose qui va briser la confiance.(...)
Je pense que selon la posture adoptée, la confiance peut
être maintenue. Dans le verbal et le non verbal, si le
patient sent que c'est bon pour lui, il ne va pas perdre
confiance. Souvent, comme la vérité ne lui ai jamais dite
ce lien de confiance peut rester tel quel. Si l'infirmière n'a
pas de problème avec ça, il n'y a pas d'impact. Après pour
moi, c'est plutôt une question d'éthique. »
Posture
adoptée pour
« Je pense qu'il ne faut rien changer. Il faut mettre en
avant la posture dans laquelle on est d'avoir une
55
maintenir la
relation de
confiance
intention positive. Après moi, comme je vous l'ai dit, je ne
suis pas trop pour donc je ne peux pas trop vous dire. Pour
moi on doit faire avec le patient, pas contre lui ou dans
son dos. C'est à nous de trouver les leviers, même si
parfois les situations sont compliquées. Il y a quelque
chose dans la prescription ou dans l'éducation
thérapeutique qui doit être améliorée alors. Bien sur il y a
des mésusages, mais je ne crois pas que le placebo soit la
clé pour une solution. Par exemple si c'est de l'angoisse,
on va pouvoir proposer au patient des médicaments pour
apaiser, si c'est de la fatigue on va plutôt favoriser le
sommeil..enfin voilà, on va aller creuser plus loin la cause
qui créé la complication et on va travailler avec le patient.
Avec sa volonté et son consentement.
Je pense qu'il y a quelque chose à faire avec l'effet
placebo, en orientant et en conseillant le patient on peut
améliorer considérablement sa satisfaction et l'efficacité
de ses traitements. Ça m’intéresse plutôt dans le sens,
comment exploiter ça plus que ça ne l'est fait aujourd'hui ?
C'est vraiment intéressant de comprendre et d'exploiter le
pouvoir du conscient et de l'inconscient ! Donc oui c'est
peut-être un peu plus chronophage de bien expliquer au
patient ses traitements et pourquoi il les prend, mais ça lui
sera aussi beaucoup plus bénéfique et à la maison je pense
qu'il saura beaucoup mieux gérer sa maladie et ses
douleurs et donc revenir moins souvent à l'hôpital. Donc
oui, je pense qu'il faudrait optimiser ça.
On peut soulever une autre pierre aussi, c'est le question
du lien entre le médecin et l'infirmière qui donne c'est à
dire qu'il devrait y avoir plus de concertation aussi.
Parfois l'infirmière n'a même pas d'informations sur les
56
changements de prescription et donc n'est pas en mesure
d'expliquer au patient. C'est fait de façon mécanique et au
bout de la chaîne il y a le patient. Donc oui il y a peut-être
quelque chose à travailler là-dessus, à la fois qui touche à
l'effet placebo et à l'éducation thérapeutique. »
Thème sous-thème IDE 2 IDE 3
Le médicament placebo
Définition « thérapeutique non active
qui permet de soulager un
patient »
« c'est un produit qui peut
ressembler à un traitement
médicamenteux mais qui en
réalité ne possède pas les
molécules chimiques
reconnues de ces traitements
médicamenteux. Ils n'ont
donc pas d'action réelle ( au
sens qu'ils n'ont pas les
molécules nécessaires pour
induire une réaction
chimique) mais peuvent
avoir un effet psychologique
voire psychosomatique.
Situation
d'administrati
on et
fréquence
Utilisé beaucoup avec les
patients toxicomanes qui
réclament de la morphine,
pour vérifier si la douleur
est réelle ou bien si c'est
simplement pour être rassuré
par le fait d'avoir eu de la
morphine.
Ou bien pour détendre les
patients hyper anxieux qui
réclament des
« Dans ma pratique je l'ai
très peu utilisé. La première
fois était sur une patiente
schizophrène connue, ayant
des débuts de troubles
cognitifs, très angoissée par
moment.Cette situation s'est
déroulée il y a un certain
temps déjà, mais de ce que
je me rappelle de la
situation : le médecin avait
57
médicaments.
Quand il y a des
incohérences entre la
clinique du patient et son
discours. Ex : il dit être très
douloureux, mais n'est pas
tachycarde. Quand la
« clinique ne colle pas ». Il
s'agit d'un moyen de vérifier
si le patient est vraiment
douloureux.
Les placebos sont
administrés principalement
en IV aux urgences
« seringues d'eau ».
Toujours en accord avec le
médecin et tracé sur le
logiciel de soins.
Impossible de dire la
fréquence, mais pour elle
seule qui est à temps partiel,
environ une fois tous les
deux mois.
successivement prescrit des
antalgiques de palier 1, 2, 3,
nous faisions des échelles
numériques de la douleur à
chaque administration, et la
patiente avait des
antalgiques palier 3
(morphiniques) prescrit en si
besoin. Elle avait tendance
à le réclamer sans avoir de
faciès douloureux, elle
cotait sa douleur à 8
systématiquement (avant ou
après l'administration des
traitements, quels que
soient les paliers), il y avait
parfois des pleurs associés
mais nous avions beaucoup
de mal à discerner si c'était
lié à une douleur ou plutôt
à des angoisses (car même
le fait de prendre une tension
artérielle pouvait la faire
pleurer, car le fait de la
toucher était extrêmement
angoissant pour elle). Sur
avis médical nous avons
donc essayé de lui donner de
l'eau sucrée en lui disant que
c'était de la morphine, et
cela fonctionnait parfois.
58
J'ai aussi déjà donné des
placebo antalgiques après
avis médical sur une
patiente extrêmement
demandeuse, ayant troubles
cognitif importants (troubles
mnésiques, troubles du
jugement...) + antécédents
psychiatriques (anxiété et
dépression) en secteur
d'URCC (Unité de
réadaptation cognitivo
comportementale), la
patiente demandait à peu
près toutes les minutes qu'on
s'occupe d'elle, ce qui est un
peu compliqué lorsqu'on a
un service à gérer. Je précise
que les demandes étaient
inadaptés et que si c'était
pas un antalgique qu'elle
réclamait, c'était autre
chose. Les placebo
fonctionnait pour elle, elle
avait l'impression d'être
écoutée et je pense que ça la
rassurait. »
Résultats et
surveillance
C'est généralement efficace.
Elle évoque la frustration
que cela lui procure.
Pas efficace
systématiquement mais
souvent. « Je surveille si ça
a bien l'effet escompté, la
59
diminution de la douleur
dans mon cas : échelle
numérique ou EVA, posture
du patient (position
antalgique ou non...),
échelle algoplus, faciès...Le
patient se sent écouté et
rassuré. Sa demande vis à
vis de la douleur disparaît.
Si ça ne disparaît pas il faut
que le médecin soit appelé
pour mettre en place
d'autres actions. »
Ressenti
pendant
l'administrati
on
« c'est compliqué la
communication derrière »
quand il faut dire au patient
qu'il a eu un placebo. Parfois
les médecins ne le disent
même pas. Pendant
l'administration même,
méfiance envers le patient «
l'authenticité ça va dans les
deux sens » Sentiment que le
patient n'est pas honnête
dans sa plainte. « on a
l'impression des fois de
perdre son temps avec
quelqu'un qui n'a pas de
réelles douleur physiques
alors que d'autres en ont et
que du coup on n'a pas le
« Je ne me sens pas très à
l'aise d'avoir à mentir à un
patient. J'essaye d'avoir l'air
assurée et naturelle afin que
le patient soit confiant avec
le produit. »
60
temps d'aller faire de la
morphine ou un autre
médicaments à quelqu'un
d'autre »
Pas de changement de
posture, même discours que
pendant l'administration d'un
autre médicament. « on fait
de la communication
thérapeutique, en leur
disant c'est un médicament
qui devrait vous soulager ».
Alternative
possible
envisagée
« on n'a pas le temps de
faire de l'accompagnement
ou de la psychologie ». «
après le problème c'est que
ça prendrait trop de temps
une autre alternative. Ça
serait un moment d'écoute
ou de l'hypnose (…) sauf
que nous on n'a pas ce
temps là. » « Le placebo ça
ne peut pas faire de mal, ça
ne peut être que un truc
positif ».
« Pour des patients
angoissés ou ayant des
troubles cognitifs les
alternatives sont de mettre
en place des actions
relationelles plus
importantes, d'en parler
avec le psychiatre, la
psychologue, les
collègues... »
Authenticité de la relation soignant-soigné
Définition et
rôle dans la
relation
« ne pas mentir. Être clair
et dire les choses en
appelant un chat un chat. »
« Pour être authentique dans
le soin, il faut comprendre
l'acte qu'on réalise et être en
accord complet avec. Si le
médecin me demande
d'administrer un traitement
61
mais que je ne comprend pas
pourquoi, la posture hostile
que j'aurais vis à vis de cela
ne sera pas rassurant pour
le patient. Je pense que pour
être authentique il faut
savoir ce que l'on fait et
pourquoi, il faut donc
questionner le médecin si
jamais on ne comprend pas
pourquoi il prescrit tel ou tel
médicament. Ça l'influence
parce que dans la
communication le langage
paraverbal est important. Si
l'IDE n'est pas authentique,
ne croit pas en ce qu'il fait,
le patient va le ressentir. S'il
comprend que l'IDE lui
ment, la relation sera
dégradée car il n'y aura plus
de confiance. »
Comment
concilier
placebo et
authenticité
« leur dire qu'on ne va pas
leur donner une
thérapeutique active c'est les
mettre en échec d'emblée,
l'effet même du placebo c'est
leur dire que ce qu'on leur
donne va les soulager et du
coup ça va marcher. Donc
on les dirige. Leur dire que
« J'ai du mal à la concilier
mais si j'ai bien compris,
avec le médecin, que c'est la
solution la meilleure pour un
patient dans une situation
donnée, je serais plus
authentique dans
l'administration car je serais
en accord avec cette
62
tu ne vas pas leur donner ce
qu'ils demandent, ça va les
mettre dans de la
frustration, donc
augmenter la douleur, et ça
va avoir un effet boule de
neige. En fait, on est
authentique dans le sens où
on essaye vraiment de les
aider, on espère vraiment
que ça les soulage :
l'intention est authentique.
La thérapeutique n'est pas
celle demander par le
patient, mais cette décision
revient au domaine médical
et ce n'est pas à lui de
choisir logiquement. »
action. »
Relation de confiance soignant-soigné
Impact de
l'administrati
on d'un
placebo sur la
relation de
confiance
« consciemment ou
inconsciemment, ça fait
changer la relation
soignant-soigné, parce
qu'on a l'impression que
eux ne sont pas
authentiques avec nous
(…) l'authenticité elle
marche dans les deux
sens ». Cette phrase traduit
un l'impression que le
patient veut duper
l'infirmière. « N'oublie pas
J'ai peu d'expérience donc
ce ne sera pas représentatif.
Pour moi la relation n'a pas
changé car le patient a
pensé que le placebo a fait
son effet. La confiance était
toujours présente, je pense.
Le patient s'est senti écouté.
Il faut allier ça avec tout le
travail relationnel derrière,
présence, bienveillance,
écoute active,
questionnement pertinent
63
que logiquement, on est
censé avoir confiance en nos
patients aussi ».
pour permettre aux patients
d'exprimer leur
problématiques...
Posture
adoptée pour
maintenir la
relation de
confiance
« tu ne leur dis pas
forcément ce que c'est.
Après, faut pas leur mentir
non plus, de toute façon ils
le sentiront bien, tu seras
agacé, on sera tous pas bien
et ça n'améliorera pas la
relation. Il faut leur dire
« on essaye de vous aider »,
c'est une réalité, on
essaye. »
« Il faut être convaincu soi-
même que cela peut
fonctionner je crois. Être
assuré, expliquer le produit
comme si ça était réellement
utile, éviter au plus possible
de mentir en rentrant dans
des détails compliqués. Plus
insister sur l'effet que ça doit
avoir car cela n'est pas un
mensonge. »
Thème Sous-
thème
Lien avec notion ou
concept
Réflexion personnelle
Ajout théorique
Le médicament
placebo
Définition Il s'agit d'une thérapeutique
« non active ». Il peut se
présenter sous différentes
formes comme l'IDE 2 le
fait remarquer avec les
seringues d'eau. Dans la
littérature, on observe
également que les formes
injectables peuvent être en
effet plus efficaces. Les
infirmières ne citent pas le
fait que l'effet placebo des
placebos est dépendant
également de sa couleur,
A travers le discours des
IDE et notamment de
l'IDE 1, on distingue déjà
le placebo de l'effet
placebo. L'IDE 3 va en
parler sous les termes
d' « effet psychologique
voire psychosomatique »,
que l'on peut relier à la
définition d'effet placebo.
Notion que la simple
prescription médicale, le
médecin lui-même fait
effet placebo outre la
64
son prix, sa forme...
Néanmoins l'IDE 2
approuve l’efficacité des
seringues d'eau.
Notion que le placebo est
dans le but de soulager de
soulager un patient.
prise de la thérapeutique
active ou non. Dans le
discours des trois
infirmières, on observe
déjà des dissensions, l'une
affichant clairement son
hostilité au médicament
placebo, les autres restant
dans la neutralité. Cela
confirme que cette
pratique fait débat et peut
mettre dans une position
inconfortable certaines
IDE vis à vis de leur
principes.
Situation
d'adminis
tration et
fréquence
On distingue plusieurs
situations d'administrations
notamment pour les
infirmières 2 et 3. Il y a la
remise en question de la
plainte. En effet, le placebo
sert alors de vérification de
la plainte lorsque celle ci
n'est pas claire ou n'est pas
cohérente avec les signes
cliniques. On remet en
doute la plainte du patient.
La deuxième situation est
celle de l'apaisement des
angoisses. Dans ces cas, on
sent le patient angoissé et
J'observe chacune des
infirmières relient
l'administration des
placebos avec des patients
qu'on pourraient dire
« difficile » . L'IDE 1
identifie clairement le
problème et souligne que
pourtant tout le monde est
réceptif au placebo et
présente de l'effet placebo,
mais qu'on donne ce
médicament surtout à un
profil particulier de
patient : anxieux,
incohérent dans son
65
le placebo est là pour
apaiser, il signifie que la
plainte a été écoutée et
entendue, donc on fait
semblant de donner un
antalgique pour en fait
avoir un effet anxiolytique.
La troisième situation est
celle de l'abus. Le/la
patient(e) réclame un
médicament, en a déjà eu
beaucoup, il y a une très
grosse demande, le placebo
sert donc à « éviter les
abus » de médicaments.
Ces trois situations, on les
retrouve également dans
l'article « Utilisation des
placebos dans le traitement
de la douleur, résultats
d'une enquête préliminaire
en milieu hospitalier », qui
décrit exactement cela.
discours, « plaintif ».
La notion de « pas le
temps » est également
évoqué. Dans le cas des
patients très demandeurs,
le placebo représente une
solution rapide. L'IDE 3
souligne que lorsqu'on a
un service à gérer, il est
parfois compliqué de
trouver une autre solution
car elle serait
chronophage. Seule une
IDE 2 semble très à l'aise
avec l'administration des
placebos. Pour elle, il
s'agit bien surtout d'une
technique de test
diagnostic et de gain de
temps dans sa pratique.
Résultats
et
surveillan
ce
Le placebo est
« généralement efficace »
ou « souvent efficace »
dans le cadre de la douleur
selon les IDE 2 et 3. Cela
est appuyé par les
différents articles, qui
complètent néanmoins
Pour l'efficacité, les IDE
témoignent qu'elles
accompagnent
l'administration d'un
discours particulier. Elles
vont « conditionner » le
patient à répondre
favorablement au placebo
66
qu'un patient n'est pas
systématiquement réceptif
ou de la même manière, il
y aurait un rôle du contexte
général et de
l'environnement qui appuie
cette efficacité ou non. Il
est très difficile de prédire
l'éfficacité d'un placebo, et
d'en déterminer les
facteurs.
en faisant elle même
preuve de conviction et
d'intention positive ( cf
IDE 1, 2 et 3). Il y a donc
quelque chose qui semble
se jouer dans la relation
même, qui favoriserait
l'effet placebo.
Ressenti
pendant
l'administ
ration
Dans les trois discours, on
ressent un malaise plus ou
moins appuyé relatif à
l'administration des
placebos. L'IDE 1 prend
clairement position contre
et qualifie son ressenti vis-
à-vis de cela par
« insupportable », l'IDE 2
témoigne d'un certain
malaise lorsqu'il s'agit de
lac communication avec le
patient après
l'administration : lui ou
non, et comment ? L'IDE 3
exprime l'expression « pas
à l'aise » mais appuie sur
l'importance d'avoir de
l'assurance pour que ça soit
efficace.
Parmi les trois discours, il
y a une gêne qui intervient
à différentes temporalités
de l'administration d'un
placebo : pendant et/ou
après. En effet, c'est le
mensonge au patient qui
dérange, même si cela est
justifié par l’efficacité du
médicament. Il y a
visiblement un réel
enthousiasme pour l'effet
placebo mais le
médicament placebo lui-
même met mal à l'aise et
pose question à toutes les
infirmières en terme de
communication.
Comment avoir l'un sans
l'autre ?
67
Alternativ
e possible
envisagée
Dans les trois discours, le
relationnel est mentionné.
Tout ce qui est de l'ordre de
la conversation, de l'écoute,
aller questionner les
émotions reliées à la
douleur. En effet, dans la
définition de la douleur, il
y a le rôle des émotions
associées qui vont jouer un
rôle. Et si on soulage ces
émotions on peut peut-être
modifier la sensation
douloureuse.
Bien que pour les trois
infirmières le relationnel
semble l'alternative la plus
évidente, deux d'entre elles
soulignent le manque de
temps. Par ailleurs, il
semble qu'il y a une carte à
jouer avec un
accompagnement plus
rapproché, une forme
d'éducation thérapeutique.
L'IDE exprime qu'on peut
appuyer l'effet placebo
d'une substance active en
la réexpliquant au patient
et en « vantant » ses
qualités et son efficacité.
En effet, c'est une notion
que l'on retrouve dans mes
recherches théoriques.
L'effet placebo est dans
toutes les thérapeutiques
mais dépend beaucoup
de la façon dont elles
sont présentées et
administrées, du
contexte, de
l’environnement général
et de la qualité de la
relation soignant-soigné.
Le relationnel semble
68
avoir une importance
capital dans la réponse
qu'un patient va donner
à n'importe quelle
thérapeutique, active ou
non active. Dans quelle
mesure, cela est
impossible à déterminer,
mais pourtant les trois
témoignages le
soulignent par
expérience ainsi que
articles auxquels je me
suis référée dans mes
recherches théoriques.
Authenticité de la
relation soignant-
soigné
Définition
et rôle
dans la
relation
« être soi même et laisser
l'autre être lui même »,
« ne pas mentir », respecter
l'autre dans son
individualité, respecter
l'expertise de chacun, le
patient avec son sensations
et sa propre expertise de sa
maladie, l'infirmière avec
ses connaissances et son
expérience propre
également. Respect mutuel
de l'expertise de chacun.
« disponibilité à l'autre ».
Etre en accord avec ses
actes, savoir pourquoi on
Pour chacune des
infirmières, l'authenticité
semble être très
importante, semble faire
partie intégrante de leurs
valeurs professionnelles.
Elles l'expriment
explicitement et
implicitement à travers
leur ton et l'implication
dans l'élaboration de leurs
réponses. L'authenticité ça
serait aussi respecter ses
faiblesses comme le dit
l'IDE 1, ne pas être
quelqu'un que l'on n'est
69
les fait. Ceci résume les
trois discours des IDE.
Dans la définition du
concept on peut relier avec
l'attribut de congruence, de
transparence, de vérité.
pas, faire semblant d'avoir
des compétences que l'on
n'a pas.
L'IDE 1 fait remarquer que
l'authenticité est dans la
limite du soin. Parfois,
pour le bien du patient, on
peut l'écarter. Les IDE
relient l'authenticité à la
vérité. Mais elles
soulignent que on peut être
authentiques dans la vérité
de ses intentions, la vérité
de ses convictions et de sa
posture soigante.
Comment
concilier
placebo et
authentici
té
Pour cette question je n'ai
pas de références
littéraires. Je me base
seulement sur les entretiens
exploratoires.
Les trois IDE soulignent
que l'authenticité se situe
dans la vérité de ses
intentions. On est
également authentique si
nos actes sont en accord
avec nos valeurs. En
l’occurrence, l'intention
c'est la volonté de soulager
le patient, et cette volonté
elle est authentique. On
peut donc être authentique
en administrant un
placebo, si cela ne dérange
pas l'administrateur sur le
plan éthique et qu'il le fait
70
dans une réelle intention
positive.
Relation de
confiance soignant-
soigné
Impact de
l'administ
ration
d'un
placebo
sur la
relation
de
confiance
Idem que ci-dessus. Le travail relationnel
d'écoute, de bienveillance,
fait qu'on peut maintenir le
lien de confiance, que
celui-ci n'est pas
forcément impacté par
l'administration d'un
placebo. Si le patient se
sent écouté et sent
l'intention positive de
l'infirmière, alors la
confiance est maintenue.
C'est l'avis des IDE 1 et 3.
Néanmoins, l'IDE 2 pense
que le lien de confiance est
modifié dans le sens plutôt
du soignant. L'efficacité
du placebo peut confirmer
les doutes envers la plainte
du patient et donc rendre
le soignant frustré et
méfiant.
Posture
adoptée
pour
maintenir
la relation
de
confiance
Idem que ci-dessus. Ne rien changer dans la
posture que celle arborée
d'habitude. « Mettre en
avant la posture dans
laquelle on est d'avoir une
intention positive. » Être
convaincu soi-même que
71
cela peut fonctionner, ne
pas s'enfoncer dans le
mensonge mais plutôt
appuyer la vérité de ses
intentions qui est celle de
soulager la douleur.
Notion de discours
thérapeutique. « Il y a
quelque chose à jouer dans
l'éducation thérapeutique »
( IDE 1).
72
Résumé
Énigmatique au regard de la science, le médicament placebo soulève la question dela capacité du corps à s'auto guérir par la force du conscient et de l'inconscient.Aujourd'hui, il est encore impossible d'évaluer correctement ses pouvoirs thérapeutiques,d'où le malaise qui ébranle le corps médical quant à son utilisation. Son usage se fait doncdiscret et soulève des débats.
Au milieu de cette polémique, il y a l'infirmier qui est parfois dans la positiond'administrer un placebo, que ce soit sur prescription médicale ou de sa propre initiativeavec accord du médecin. Cette position peut être inconfortable, comme je peux entémoigner, car c'est en effet la situation qui a appelé ce thème de recherche. J'ai administréun placebo antalgique chez une patiente douloureuse. Cet épisode a entraîné unquestionnement riche et de nombreuses recherches. Mon travail de fin d'étude est uneanalyse thématique de la question suivante : en quoi l'administration d'un placeboantalgique prescrit peut-elle questionner l'authenticité de la relation soignant-soigné ?
Le but de ce travail est de comprendre les enjeux relationnels lors del'administration d'un placebo, ainsi que le ressenti soignant face à cette pratique malencadrée.
Reposé sur des recherches théoriques et le recueil de données empiriques lorsd'entretiens avec trois infirmières, ce travail examine la question en suivant leraisonnement clinique de l’apparition du symptôme à la réponse thérapeutique, jusqu'àl'analyse de la posture professionnelle et son impact relationnel. Ainsi, la notion dedouleur est d'abord abordée, ce qu'elle représente et les objectifs de prise en charge. Puis ilest examiné la question d'une possible réponse placebo à cette plainte douloureuse, avantde confronter cette réponse placebo avec la notion d'authenticité de la relation soignant-soigné. Pour finir, la problématisation met en évidence les hypothèses suivantes ainsiqu'une question de recherche :
La relation soignant-soigné reste authentique dès lors que chaque parti est dans lasincérité de ses intentions et en accord avec ses croyances, représentations et valeurs.L'authenticité est dans les limites du soin : le bien du patient est la finalité de tout soin et iln'est donc pas toujours pertinent de questionner cette authenticité.
L'effet placebo est en réalité présent non seulement dans les médicaments placebosmais aurait sa part d'efficacité dans tous les traitements ( difficile à évaluer mais qui seraitde 30% selon certaines études ). La relation soignant-soigné serait d'ailleurs elle-mêmesource d'effet placebo et inversement, l'effet placebo serait le reflet de la qualité de cetterelation et du lien de confiance. Comment optimiser l'effet placebo d'un traitementantalgique par le pouvoir de la relation soignant soigné?
Mots clefs : placebo, douleur, authenticité, confiance, congruence, relationnel.
73