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- 272 - ACTES DU COLLOQUE DU 18 SEPTEMBRE 2009 « QUELLES MOBILITES POUR UN DEVELOPPEMENT DURABLE EN ALSACE ? ACTE 1, LES ENJEUX » P ROGRAMME Objectifs et calendrier de la démarche Mobilités et développement économique Les enjeux de la mobilité Débat avec la salle Synthèse des travaux Appel à contribution Conclusion du colloque

ACTES DU COLLOQUE DU 18 SEPTEMBRE 2009Débat avec la salle Synthèse des travaux Appel à contribution Conclusion du colloque - 273 - ... au travers des transports scolaires et de

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A C T E S D U C O L L O Q U E D U 1 8 S E P T E M B R E 2 0 0 9

« QUELLES MOBILITES POUR UN DEVELOPPEMENT DURABLE EN ALSACE ?

ACTE 1, LES ENJEUX »

PROGRAMME

� Objectifs et calendrier de la démarche

� Mobilités et développement économique

� Les enjeux de la mobilité

� Débat avec la salle

� Synthèse des travaux

� Appel à contribution

� Conclusion du colloque

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Jean-Pierre LAVIELLE, Président de la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie d’Alsace

Mesdames, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à ce colloque, autour du thème « Quelles

mobilités pour un développement durable en Alsace ? ». Je salue en particulier parmi vous le

président de la CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, Jean-Louis HOERLE, Mesdames et Messieurs les

Maires présents aujourd’hui, Mesdames et Messieurs les Conseillers régionaux et conseillers

généraux. Je souhaite remercier tout particulièrement le Président Gérard Fellmann de la CCI de

Colmar Centre Alsace qui nous accueille dans cet espace au CREF. Je salue également Georges

Lingenheld, Président de la Commission de l’Aménagement du Territoire et des Transport de la CCI

de Strasbourg et du Bas-Rhin, car c’est à son initiative que cette réflexion a vu le jour. C’est donc

un peu grâce à lui que nous sommes ensemble aujourd’hui pour parler mobilité et transport, deux

sujets qui nous concernent tous, et ceci pour quatre raisons. En premier lieu, en tant que parents

au travers des transports scolaires et de l’organisation de l’éducation et de la formation. En

deuxième lieu, en tant que citoyens à travers l’aménagement de l’espace et de l’urbanisme et

parce que les choix concernant l’organisation et les modes de mobilités induisent des conséquences

à long terme sur les rythmes sociaux et sur le devenir de notre environnement. En troisième lieu,

en tant qu’actifs pour les relations domicile-travail ou les déplacements professionnels. En

quatrième lieu, enfin, en tant que consommateurs ou producteurs au travers de l’aménagement

des infrastructures de communication qui permettent les échanges économiques. Il est donc assez

naturel que les mobilités et les transports fassent débat. C’est la raison pour laquelle le législateur

a organisé l’obligation de tenir un débat public autour de chaque décision d’aménagement en

infrastructures de transport. Et nous avons tous, à un titre ou à un autre, participé à ce type de

débat. Je vous signale d’ailleurs qu’à l’heure actuelle, un débat de cette nature se déroule au sein

du CESA. D’autre part, il y a deux jours, nous étions un certain nombre d’entre nous à Freiburg, en

Allemagne pour discuter dans le cadre de la région trinationale métropolitaine Bade-Wurtenberg,

Alsace et Suisse du Nord-Ouest des problèmes d’infrastructures, qui sont évidemment très

importantes, et, en particulier, de tout ce qui concerne le fret et le fluvial -qui sont des problèmes

majeurs qui, pour l’instant, sont un petit peu en rade-. J’ajouterai aussi, comme vous le savez, que

c’est un problème national puisque le Gouvernement a décidé de débloquer sept milliards d’euros

pour les infrastructures de fret ferroviaire au niveau national. J’espère d’ailleurs qu’il y en aura une

partie qui retombera sur l’Alsace, en particulier sur l’aménagement de la voie ferrée entre Belfort et

Besançon qui reste à mettre au gabarit B1 si l’on veut que nos conteneurs des ports de Strasbourg,

Mulhouse et Colmar puissent être mis sur des trains sans passer par la route pour aller à Nancy.

Vous le voyez, ce sont des problèmes très importants et d’actualité. Mais aujourd’hui je vous parle

au nom de tous les organismes qui ont participé à la préparation de ce colloque et qui ont accepté

de s’associer dans une démarche innovante d’écoute, de dialogue et de compréhension des enjeux

et des priorités de l’autre. Je remercie et je salue les représentants de ces dix organismes qui sont

là aujourd’hui et qui portent la réflexion commune. En initiant une démarche de réflexion sur les

mobilités et les transports en Alsace, les Chambres de Commerce et d’Industrie, les Chambres

d’Agriculture, la Chambre de Métiers, l’Automobile Club, Alsace Nature et la Fédération Nationale

des Associations d’Usagers des Transports d’Alsace ont voulu aller au-delà des débats habituels

inscrits dans la législation, c’est-à-dire formuler et communiquer leur vision sur les devenirs

possibles des mobilités et des transports en Alsace en prenant du recul par rapport aux problèmes

particuliers posés par telle ou telle infrastructure, en prenant en compte le mieux possible

l’ensemble des aspects du débat. Afin d’introduire les réflexions et d’apporter une première pierre

aux débats, nous avons collectivement, en tant qu’usagers des transports et des infrastructures,

établi un document qui rassemble les données de diagnostic disponibles et sur lesquelles les

initiateurs de cette démarche sont d’accord. Vous l’avez dans vos dossiers. Nous sommes satisfaits

d’avoir pu établir ce document, non exhaustif et imparfait, et nous sommes aujourd’hui davantage

conscients de la difficulté à mesurer la mobilité et à partager un même vocabulaire. Les chiffres ont

confirmé que l’espace alsacien est soumis à de fortes pressions liées à la densité de la population,

à l’extension des zones urbanisées, au morcellement par les infrastructures et les activités.

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Ils ont également confirmé que notre réseau d’infrastructures était de bon niveau, proche des

moyennes nationales, et que des projets inscrits dans les différents documents de planification

viendront l’améliorer encore. Ils nous ont appris que le trafic de marchandises évoluait peu, voire

stagnait. J’ajouterai qu’il est même en train de régresser -je lisais récemment que l’entreprise

SCHMIDT s’était vue supprimer la possibilité d’utiliser le fret ferré alors que l’on veut le développer-

. Ces chiffres nous ont, enfin, appris que le trafic de voyageurs, lui, était en forte évolution sur la

route mais aussi sur le rail. Nous savons tous que les TER, en Alsace, fonctionnent bien et qu’ils

ont une progression en terme de clientèle qui ne cesse de croître. Cette mobilité permet, en même

temps, de rapprocher les concitoyens, et, je dirai, de pouvoir faire, au niveau de notre région, des

liaisons sans problème avec Strasbourg. Le colloque d’aujourd’hui a pour objet de mettre en

évidence la pluralité des enjeux de la mobilité et son rôle dans le développement économique,

grâce à un débat contradictoire auquel nous avons invité de nombreux experts. Il marque

également la première étape de la démarche que nous avons imaginée car il est pour nous

l’occasion de faire appel aux acteurs des territoires concernés par la mobilité afin qu’ils nous

fassent part de leurs réflexions et de leurs questionnements dans des contributions libres qu’ils

pourront nous faire parvenir. Nous nous sommes en effet donné pour ambition de regrouper dans

un Livre Blanc l’expression et la communication des attentes de tous les usagers de transports en

Alsace et d’éclairer ainsi les choix futurs des autorités organisatrices des transports. Avant de

donner la parole à Martial BELLON, qui nous accompagne dans notre démarche et qui va animer

cette rencontre, je souhaite remercier très sincèrement pour sa présence Monsieur Rémy

PRUD’HOMME, économiste et professeur émérite à l’université Paris XII, qui nous a fait le grand

honneur d’accepter de participer à notre débat contradictoire.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Monsieur le Président, bonjour Mesdames et Messieurs et merci d’être parmi nous. Le Centre

Alsace est le point de ralliement de la mobilité en Alsace aujourd’hui. Vous l’avez compris, nous ne

sommes pas dans un colloque d’experts qui parlent à des experts. Ce colloque a pour objet

d’éclairer et d’alimenter vos réflexions dans la mesure où, le Président LAVIELLE vient de l’indiquer,

vous allez tous être, en qualité de représentants des usagers des transports et des déplacements

en Alsace, invités et j’y reviendrai à la fin de cette réunion, à contribuer à cette démarche et à faire

part de vos réflexions. Nous veillerons à faire preuve de pédagogie dans le cadre des échanges

prévus cet après-midi qui, et je peux d’ores-et-déjà vous assurer que cela sera le cas, seront

contradictoires. J’invite tout de suite Monsieur PRUD’HOMME à me rejoindre. Rémy PRUD’HOMME

est professeur émérite d’économe à l’université Paris XII, ancien directeur adjoint à

l’environnement de l’OCDE. Il a beaucoup voyagé, notamment en Amérique du Sud pour le compte

de la Banque Mondiale. Il a enseigné au MIT. Monsieur PRUD’HOMME a rédigé plusieurs

publications sur les transports dont, en 2007, le rapport pour le Conseil d’Analyse Economique qui

s’intitule « Infrastructures de transport, mobilité et croissance ». Monsieur PRUD’HOMME devait

débattre aujourd’hui avec Monsieur Michel DUBROMEL, que nous connaissons bien dans notre

région. Je dois l’excuser de son absence et vous dire qu’il est vraiment désolé de ne pas être parmi

nous aujourd’hui mais il y a une importante réunion sur l’avenir du fret ferroviaire à la SNCF et,

comme vous le savez, Monsieur DUBROMEL est administrateur de la SNCF. Cette réunion a été

initiée il y a quelques jours seulement. Monsieur DUBROMEL m’a chargé de vous dire qu’il suivrait

avec attention notre démarche. Monsieur WOESSNER, qui devait conclure nos travaux en fin de

journée, a accepté de débattre avec Rémy PRUD’HOMME. Monsieur WOESSNER est géographe et

enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg. Il a lui aussi publié, en 2007, un ouvrage qui

s’intitule « L’Alsace, territoire en mouvement » et en 2008 un autre livre sur « La France et

l’aménagement des territoires ».

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Nous sommes donc en présence de deux universitaires, un économiste et un géographe qui vont

échanger sur la mobilité, la croissance économique et la manière dont il faut poser aujourd’hui ces

différents sujets. Je me tourne vers vous, Monsieur PRUD’HOMME pour vous demander comment

vous abordez la problématique des transports.

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Tout d’abord, je vous remercie et je remercie les organisateurs de m’avoir invité ; ils ont eu des

mots aimables, peut-être excessifs, en ce qui me concerne. Je vais essayer de mettre sur la table

le peu de choses que je sais et, du reste, plus je travaille dans ce domaine, plus je m’aperçois que

ce que je ne sais pas est bien plus important que ce que je sais. Pour répondre à votre question, je

dirais deux ou trois choses. La première est qu’il est dangereux de parler de transports au

singulier. Il n’y a pas un marché du transport, il y en a une bonne dizaine. Tout le monde connaît la

distinction entre les transports de personnes et les transports de marchandises ; on connaît aussi

la distinction entre transport urbain et transport inter-urbain. En les croisant, cela fait déjà quatre

catégories mais à l’intérieur de chacune de ces catégories il y a des sous-marchés qui sont

totalement distincts les uns des autres. Si vous prenez le transport urbain de voyageurs, qui est

l’une de ces quatre catégories, entre les transports de personnes de centre-ville à centre-ville d’un

côté et les transports de personnes de banlieues à banlieues, il n’y a pratiquement rien de

commun. L’une des plaies de la France, est qu’un trop grand nombre des personnes qui

s’expriment et qui réfléchissent - journalistes, hommes politiques, chercheurs- habitent dans un

coin de Paris centre et travaillent dans un autre coin de Paris centre et s’imaginent un peu

rapidement que l’ensemble des Français ont exactement les mêmes problèmes de déplacement

qu’eux. Cela est une erreur très grossière qui explique un certain nombre des généralités que l’on

voit trop souvent. On pourrait dire la même chose pour les transports de personnes à longue

distance entre l’homme d’affaires qui se déplace pour la journée et le ménage d’ouvriers qui va

passer ses vacances à Palavas-les-Flots ; il s’agit bien de transport à longue distance mais ce sont

deux types de transports qui n’ont rigoureusement rien à voir. Il y a donc beaucoup de dangers à

parler « du » transport. Il faudrait toujours employer le pluriel. C’est difficile et moi-même, dans la

suite de l’après-midi, je risque de commettre le pêché de généralisation mais du moins ai-je

conscience qu’il s’agit d’un pêché. Le second point est que le transport est beaucoup plus que ce

que l’on voit, à savoir des marchandises ou des personnes qui se déplacent, qui vont d’un point à

un autre. Ca, c’est ce que l’on voit. Mais il y a tout ce que l’on ne voit pas et que le terme de

logistique décrit assez bien, en amont et en aval du transport : le stockage, le suivi, l’emballage…Il

y a toutes sortes d’activités qui sont une partie intégrante de la fonction du transport, partie qui

prend de plus en plus d’importance par rapport au transport stricto sensu. Je dirai même que, de

nos jours, c’est la seule partie dans laquelle on gagne de l’argent parce que la concurrence dans le

transport stricto sensu est telle que les profits sont dérisoirement faibles. C’est dans la logistique,

qui a une véritable importance économique, que se jouent beaucoup des enjeux. Il faut garder cela

à l’esprit et c’est difficile parce que l’on pense d’abord à ce que l’on voit, aux déplacements. Il faut

faire un effort pour penser à tout ce que l’on ne voit pas. Voilà peut-être deux points généraux

pour commencer.

Martial BELLON, animateur du colloque

Cela veut-il dire, Monsieur PRUD’HOMME, que vous avez le sentiment que celles et ceux qui ont

aujourd’hui autorité pour piloter l’avenir n’ont pas toujours le regard global qu’il conviendrait

d’avoir ?

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Rémy PRUD’HOMME, économiste

C’est exactement ce que je veux dire. Je pourrais ajouter un troisième point : les données dont on

dispose sur les transports sont très souvent insuffisantes. Elles sont presque toujours exprimées en

quantités physiques, en tonnes-kilomètres ou en voyageurs-kilomètres. Les transports sont l’un

des très rares secteurs où l’on mesure encore l’activité en quantités physiques. Autrefois, il y a

cinquante ans, on mesurait l’activité économique d’à peu près tous les secteurs en quantités

physiques, en tonnes de céréales, en tonnes d’aciers, en mètres de coton. On a totalement

abandonné cela dans tous les domaines. On s’exprime en valeur, en argent, soit en chiffre

d’affaires, ce que les gens achètent, ce qu’ils paient, soit en terme de valeur ajoutée. Il n’y a plus

guère que les transports dans lesquels la majorité des données publiées sont des données en

quantités physiques. On compare le transport et son évolution en tonnes-kilomètres, en multipliant

des tonnes et des kilomètres sans la moindre référence à la vitesse, à la qualité du suivi, à la

flexibilité, à toutes sortes de valeurs qui font que dans la réalité, le prix payé pour une tonne-

kilomètres et pour une autre tonne-kilomètres peut varier de un à cent.

Martial BELLON, animateur du colloque

Vous avez pour habitude de dire que c’est un secteur dans lequel des gens de bonne foi peuvent

être en désaccord profond, parce qu’ils ne parlent pas de la même chose.

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Les trois raisons que je viens d’indiquer conduisent nécessairement à ce genre de difficultés et

beaucoup de gens ont du mal à s’entendre lorsqu’ils parlent de transport parce que l’un pense au

problème qu’il a pour aller à son travail dans le centre de Paris et l’autre aux difficultés qu’il

rencontre pour transporter des sacs de ciment d’un endroit à un autre. Il s’agit de choses

totalement différentes et ce qui est vrai pour l’un va être faux pour l’autre. La mauvaise qualité des

statistiques, en dépit des efforts faits par les statisticiens, ne rend pas le dialogue et la

compréhension faciles. Il faut donc être prudent, il faut être modeste, il faut écouter le point de

vue des autres, chercher à comprendre de quoi ils parlent, savoir comment ils ont mesuré ce qu’ils

sont en train de décrire si l’on veut s’entendre et progresser dans la compréhension des problèmes.

C’est la première condition pour arriver à trouver des solutions ou des débuts de solution.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur WOESSNER, comment vous, de votre point de vue, abordez-vous cette problématique

des transports ?

Raymond WOESSNER, géographe

Je vais commencer par un petit biais par rapport à votre question, veuillez m’en excuser, et je

rebondis tout de suite sur ce qu’à dit Monsieur PRUD’HOMME. Monsieur PRUD’HOMME a évoqué des

marchés ou des usages distincts mais, en réalité, très souvent, les gens qui ont des visions ou des

problèmes séparés se retrouvent sur la même infrastructure. De ce fait, les choses se compliquent

davantage encore. Tous les automobilistes pestent contre les camions sur les autoroutes, les TER

klaxonnent parfois derrière un train de fret, il y a déjà eu des empoignades sur le Rhin entre les

bateaux de touristes et les transporteurs au passage des écluses. On retrouve cela dans les villes

avec le partage de la voirie : que donne-t-on au tramway, que donne-t-on aux bicyclettes, que

donne-t-on aux piétons… ?

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En fait, on est face à un problème d’essence systémique, c’est-à-dire qu’effectivement le transport

lui-même est la partie immergée de l’iceberg et tout ce qui est en amont ou en aval et qui est

caché, comme le rappelait Monsieur PRUD’HOMME, joue un rôle structurant par rapport à ce que

l’on peut observer. Il est vrai que les systèmes de mesure sont terriblement défaillants par rapport

aux problématiques que l’on rencontre. Nous essayons, en géographie en particulier, de replacer le

phénomène transport dans une atmosphère plus générale, en essayant de voir quels sont les jeux

d’acteurs qui sous-tendent cette activité, qu’ils souhaitent le faire prospérer ou le réduire. En

amont de ces jeux d’acteurs, il y a ce que l’on peut appeler la contrainte extérieure, série de

phénomènes qui viennent de très loin dans le cadre de la production d’idées notamment et qui ont

un impact très fort sur les politiques de transport. Le développement durable est une notion qui

n’est pas née en Alsace, ni même en France ou en Europe, mais à l’ONU. C’est une manière de voir

et de faire qui, aujourd’hui, remplace le modèle précédent fondé sur la « modernité », c’est-à-dire

fondamentalement la route comme mode de transport hégémonique. Ainsi, il y a des

emboîtements qui se font dans des jeux d’échelles, le petit dans le grand, le grand dans le très

grand, et des idées qui en entraînent d’autres qui, elles-mêmes, finissent par produire ou non du

transport. Nous sommes dans des systèmes complexes, ce qui signifie que c’est plus que

compliqué. Lorsque c’est compliqué, on arrive à désosser et à comprendre comment cela

fonctionne. La complexité c’est l’imprévisibilité, c’est-à-dire que l’on n’arrive pas exactement à

savoir ce qui va arriver, car il y a tellement de facteurs, qui ont l’air innocents ou qui sont

dormants, mais qui, brusquement, se réveillent, remettent en cause ce que l’on a échafaudé et

amènent vers d’autres scénarios de croissance ou de décroissance.

Martial BELLON, animateur du colloque

Je voudrais vous poser une question à tous les deux par rapport à cette complexité : avez-vous le

sentiment que le citoyen ait son mot à dire, son rôle à jouer ? Comment peut-il participer à cette

réflexion ?

Raymond WOESSNER, géographe

Cela dépend évidemment du système de gouvernance. Dans les années des Trente Glorieuses,

l’Etat était légitime sur tout et lorsqu’il prenait des décisions, parfois un peu inspiré par des lobbies,

cela suivait derrière. Aujourd’hui, il y a une remise en cause de la légitimité de l’Etat par des

mouvements citoyens qui se sont emparés de thématiques comme la subsidiarité, qui ont des

stratégies très locales parfois et qui ne sont pas toujours entièrement honnêtes parce qu’ils

refusent, justement, de voir l’ensemble du système, avec des phénomènes un peu NIMBY –ne

faites pas ça chez moi, faites le ailleurs-. Les citoyens sont entrés dans le jeu, surtout des

associations qui sont très performantes avec souvent des cadres au chômage qui se réinvestissent

ou des jeunes retraités pleins de sève. Vous savez qu’une petite bête comme le hamster a réussi à

bloquer un projet d’autoroute du côté de Strasbourg. On peut aller très loin quand on est citoyen,

quand on est organisé, quand on est efficace pour, en quelque sorte, valider ses idées et cela

passe souvent par des aspects juridiques.

Martial BELLON, animateur du colloque

Le citoyen a aussi un rôle important, Monsieur PRUD’HOMME : il paie.

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Rémy PRUD’HOMME, économiste

La question de savoir si le citoyen a ou doit avoir un rôle important sont deux questions distinctes.

Que le citoyen ait un rôle important c’est un fait d’abord parce qu’au moins les transports de

personnes l’intéressent au premier chef. Deuxièmement parce qu’il faut bien que quelqu’un paie les

transports et c’est en effet le citoyen soit en tant qu’utilisateur soit plus généralement comme

contribuable qui paie. Il est donc tout à fait naturel qu’il ait quelque chose à dire. Je mettrai tout de

même un bémol à la tendance générale à s’appuyer sur la démocratie directe, sur le citoyen, sur

les associations. Je ne nie pas du tout la somme de bonnes volontés et la somme d’idées positives

produites par les associations, mais je suis parfois un peu inquiet de voir se développer le rôle

donné à des associations qui ne sont pas élues, qui ne doivent rien au suffrage universel, dans

lesquelles il y a des gens auto-désignés, des gens qui ne représentent pas toujours l’ensemble des

intérêts –on sait bien que les animateurs des associations sont un échantillon de la population

relativement peu représentatif qui laisse tout de même de côté une grande partie des citoyens

français-. Même si ces gens cherchent à parler au nom de l’intérêt général, il y a tout de même des

cas où leur intérêt personnel n’est pas sans colorer leur attitude. Enfin, ces associations, pas

toujours et pas dans tous les cas, ont une capacité à dire non bien plus grande qu’une capacité à

mettre quelque chose sur la table. Il ne faut donc pas aller trop loin dans cet appui sur les

associations. Il y a les élus et les fonctionnaires qui ont, de l’intérêt général, une vision mieux

informée et, je dirais, peut-être moins orientée. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas prendre

dans les associations la somme tout à fait considérable d’intelligence, de connaissance, de

surveillance, de bonne volonté. Mais je pense qu’il faut, là aussi, être prudent.

Martial BELLON, animateur du colloque

Nous donnerons tout à l’heure la parole aux associations. Cela veut-il dire, Monsieur WOESSNER,

que ces enjeux de transport et, plus globalement, d’aménagement du territoire, doivent rester

entre les mains d’experts qui parfois, dit-on, instrumentalisent les élus ou au contraire être mis sur

la table de manière plus large ? Quel est votre avis sur cette question ?

Raymond WOESSNER, géographe

Je crois qu’il n’y a pas à décider là-dessus, les choses se font toutes seules. Il y a des évolutions

très fortes dans la société. Il y quand même une autre manière de concevoir la démocratie qui est

apparue avec le développement durable et la politique européenne de subsidiarité selon laquelle

c’est l’unité la plus petite qui doit décider, finalement. Il est vrai que cela peut déboucher sur des

excès assez impressionnants et l’intérêt général devient assez difficile à définir aujourd’hui. Tant

que l’on était sur des logiques de croissance, de péri-urbanisation, de consommation de produits

fossiles qui ne coûtaient pas grand-chose, on pouvait voir comment faire pour satisfaire les

aspirations de la plupart des gens. Mais aujourd’hui il y a une fragmentation de la société en

groupes extraordinairement différents qui ont des visions complètement opposées de l’intérêt

général. A la limite, il n’y a plus d’intérêt général mais des rivalités entre des groupes particuliers

d’intérêts qui se fondent sur de la fabrication d’idées avec une espèce de dérives des continents

entre elles, c’est-à-dire que chacun va de plus en plus dans une direction. On a l’impression que

l’on arrive de moins en moins à concilier des intérêts divergents. En conséquence, au minimum, les

projets prennent du retard, au maximum ils ne se font plus, ce dont certains se féliciteront alors

que d’autres seront fort malheureux.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur PRUD’HOMME, un mot pour conclure cette première partie.

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Rémy PRUD’HOMME, économiste

Je voulais souligner le fait que le domaine des transports est particulièrement marqué par la

technologie, qui augmente à une vitesse tendant à s’accélérer. Au cours des trente ou quarante

dernières années, nous avons vu apparaître les TGV, qui sont un mode de transport nouveau par

rapport au train, nous avons vu apparaître les autoroutes qui sont un mode de transport nouveau

sur lesquelles on va deux ou trois fois plus vite, on a vu apparaître les avions à réaction, des

systèmes de télépaiement, des voitures qui rejettent dix fois moins de la plupart des polluants –

pas de tous, hélas-. Ces progrès absolument considérables dans tous les domaines redéfinissent à

chaque fois les termes des choix. On rentre alors dans des choses qui sont relativement

compliquées : comprendre ce qu’offrent les technologies déjà aujourd’hui, c’est difficile, mais

comprendre ce qu’elles vont offrir dans quinze ou vingt ans c’est encore plus difficile. C’est là où il

est un tout petit peu illusoire de croire que le citoyen peut jouer un rôle essentiel parce qu’il a tout

de même beaucoup de peine à concevoir, à imaginer, à comprendre et encore plus à projeter ce

que peuvent être les technologies qui, pourtant, dans la plupart des cas, vont apporter des

réponses à un grand nombre de problèmes que nous nous posons.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Monsieur PRUD’HOMME. Vous venez de nous engager sur une question elle aussi

fondamentale : de votre point de vue, Monsieur WOESSNER, le progrès technologique est-il encore

d’actualité ? Peut-il faire progresser ?

Raymond WOESSNER, géographe

La notion de progrès a aujourd’hui beaucoup de plomb dans l’aile parce que dans la vision

moderniste, plus de technologie équivaut à plus de progrès et donc une vie meilleure, plus de

pouvoir d’achat, etc…Or, aujourd’hui, il y a des contestations assez radicales de cette idée là.

Regardons des indicateurs comme le PIB qui sont remis en cause un peu partout et l’émergence de

calculs d’indice du bonheur, par exemple, qui sortent complètement de l’idée que plus de

technologie égale plus de progrès. Là aussi, il est difficile d’y voir clair. En matière d’aménagement

du territoire, il y a des articulations très fortes entre la vitesse, le coût et les aménagements. Par

exemple, par rapport aux années 1980/1990, rapporté au pouvoir d’achat, le prix de l’énergie

pétrolière a beaucoup baissé. Dans le même temps, il y a une véritable explosion de la péri-

urbanisation avec des gens allant habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail. En Alsace,

nous sommes particulièrement ravageurs là-dessus ; cela fait longtemps que l’on ne parle plus de

la première ou de la deuxième couronne de la CUS mais de la troisième et de la quatrième.

Aujourd’hui, avec l’augmentation du prix de l’énergie, les gens qui habitent loin et qui ont souvent

un petit revenu parce qu’ils cherchent un terrain ou logement peu cher, se retrouvent ou vont se

retrouver dans les années à venir dans des situations très difficiles. Il y a un mal-être sur cette

question de technologie. A part l’exception du train à grande vitesse en Europe, on s’aperçoit

qu’ailleurs les vitesses n’augmentent plus. Le Concorde est enterré depuis longtemps et il n’y a

aucun projet d’un MAG II dans le civil. Il est désormais question d’autoroutes apaisées, c’est-à-dire

d’autoroutes sur lesquelles la vitesse est réduite de façon à pouvoir acheminer des flux plus

considérables car lorsque l’on baisse la vitesse, les voitures roulent plus serrées et il est donc

possible d’augmenter le trafic. Cela a aussi un effet sur les émissions de CO2 et le bruit. Il y a donc

là aussi de fortes remises en cause. C’est un peu le paradoxe de la technologie aujourd’hui : nous

en avons besoin parce que nous nous en sortirons uniquement en innovant et, en même temps, la

technologie fait l’objet de défiance.

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Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Messieurs pour ces propos par définition limitatifs pour poser le débat. Je voudrais

maintenant vous interroger sur la question du développement économique et de la mobilité. A

partir des réflexions et des études que vous avez menées, avez-vous une affirmation sur la

contribution de la mobilité au développement économique ?

Rémy PRUD’HOMME, économiste

J’ai, en ce qui me concerne, un avis simple, partagé par beaucoup d’économistes : la mobilité,

définie au sens d’abaissement des coûts de transport ou d’amélioration des performances du

système de transport, contribue positivement au développement économique. Ceci est vrai à la fois

du transport de marchandises et du transport de personnes et, parmi le transport de personnes, du

transport urbain comme du transport inter-urbain. L’idée n’est pas neuve et remonte à Adam

Smith qui expliquait que l’abaissement des coûts de transport, qui en son temps tenait

essentiellement des canaux que l’on trouvait en Angleterre, était un facteur très important du

développement économique. Les mécanismes en sont bien connus : le transport met de l’huile

dans les rouages des mécanismes économiques. L’abaissement des coûts de transport permet

d’élargir les marchés ; en élargissant les marchés, il permet la spécialisation, il permet

l’abaissement des coûts de production, du fait d’économies d’échelle, qui eux-mêmes se cumulent

et contribuent à augmenter encore les marchés et donc à permettre des abaissements des coûts. Il

permet aussi de stimuler la concurrence -s’il n’y avait pas de transports il y aurait à chaque endroit

un seul producteur-. L’amélioration des coûts de transport fonctionne très exactement, du moins

en matière de commerce international, comme l’abaissement des barrières douanières. On se

souvient bien de tout ce que la Commission a expliqué lors de la création du marché commun. Il y

avait un rapport célèbre dit « les coûts de la non-Europe » qui expliquait ce que nous allions

gagner à avoir un marché unifié. On peut discuter la question de savoir si toutes ces promesses se

sont réalisées ou non, mais foncièrement, l’argumentation était correcte. Le fait d’abaisser les

barrières douanières, tarifaires et non tarifaires, d’augmenter le commerce entre les différents pays

européens était un facteur d’amélioration de la productivité, donc du développement économique.

L’abaissement des coûts de transport joue exactement le même rôle que cet abaissement des

barrières douanières. Il permet davantage de commerce avec tous les avantages proprement

économiques que cela rapporte. Je crois qu’il n’y a pas beaucoup de doutes là-dessus. On peut

discuter de l’ampleur ou des modalités économiques mais foncièrement, l’amélioration de la

mobilité est un facteur important de développement économique. Cela est vrai au niveau

international et la grande croissance que l’on a connue au cours des dix dernières années –excepté

la dernière- a été accompagnée et causée en partie par un accroissement encore plus rapide du

commerce international. Ce qui est vrai au niveau international est vrai à l’intérieur des régions

d’un pays. On peut dire en effet la même chose au niveau d’une agglomération en considérant le

marché de l’emploi. L’un des facteurs de la productivité d’une agglomération c’est la taille du

marché de l’emploi, c’est-à-dire le nombre d’emplois auquel chaque personne en moyenne peut

physiquement accéder en un temps et à un coût raisonnable. Plus le champ de choix d’emplois des

individus est important et, corrélativement, plus le champ de choix des entreprises pour trouver les

personnes dont elles ont exactement besoin est important, mieux cela vaut pour la productivité de

l’agglomération. On peut montrer cela avec des chiffres. L’ajustement du marché de l’emploi se fait

d’autant mieux que les déplacements à l’intérieur d’une agglomération peuvent se faire rapidement

–c’est essentiellement une affaire de vitesse. Donc, tout ce qui freine la vitesse a un coût

économique. Il peut y avoir d’autres justifications en terme de sécurité ou de CO2 mais il faut bien

savoir qu’il y a un coût à payer.

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Martial BELLON, animateur du colloque

Considérez-vous, Monsieur PRUD’HOMME, comme le pensent certains acteurs, que la croissance et

le développement économique sont intimement liés au développement des infrastructures ou, au

contraire, que cette corrélation n’est pas avérée ?

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Vous avez raison de poser la question parce qu’il y a bien trois concepts : le développement

économique, la mobilité, les infrastructures. L’amélioration des infrastructures n’engendre pas

nécessairement une amélioration de la mobilité, un abaissement des coûts de transport. Cela n’est

pas très difficile à comprendre. Si l’on a une route qui est au trois quart vide, l’élargir et faire une

troisième voie ne va servir strictement à rien et ne va pas contribuer à l’amélioration de la

productivité. On peut donc parfaitement avoir des investissements en infrastructures qui n’auront

pas d’effets sur la croissance économique. En revanche, il n’y a pas de doute que beaucoup

d’investissements en infrastructures vont permettre d’améliorer la mobilité et d’abaisser les coûts

de transport. Ces investissements vont avoir un impact sur la productivité. Mais les exemples

d’investissements qui n’ont pas eu d’impact sur le développement économique sont très nombreux.

On pense par exemple au Creusot qui dispose du TGV depuis maintenant vingt ans et cela n’a

engendré pratiquement aucun développement local autour du Creusot. Ainsi, croire qu’une

infrastructure, à elle toute seule, va engendrer du développement économique, est une erreur. Ce

qui est vrai, c’est que beaucoup d’infrastructures sont susceptibles d’améliorer les conditions de

transport, mais pas toutes. C’est la raison pour laquelle il faut se donner le mal de regarder les

infrastructures les unes à la suite des autres. Considérer que si l’on investit massivement dans les

infrastructures cela va nécessairement porter des fruits n’est pas vrai. Il y a de mauvais

investissements qui sont un frein au développement économique et il y a de bons investissements

qui sont un coup d’accélérateur au développement économique. Il faut se donner le mal de les

regarder les uns à la suite des autres, de faire des analyses, pas nécessairement faciles à réaliser,

mais qui peuvent être faites de façon à ne réaliser que les bons investissements, d’autant plus que

les poches du contribuable ont beau être profondes, surtout par les temps qui courent, il y a un

moment où l’on va en toucher le fond.

Martial BELLON, animateur du colloque

Partagez-vous cette analyse, Monsieur WOESSNER, notamment sur le lien entre les mobilités et la

croissance économique ?

Raymond WOESSNER, géographe

De ce point de vue, nous sommes sur la même ligne. En géographie, on parle souvent des effets

structurants des infrastructures de transport. Il y a effectivement des endroits où la construction

d’une gare TGV ou d’un port fluvial ne produit strictement aucun effet. Cela signifie que, somme

toute, une infrastructure de transport est une opportunité qui s’offre aux acteurs d’un territoire. Si,

aujourd’hui, une région n’a pas d’autoroute qui ne soit pas congestionnée, elle est hors jeu et

condamnée, dans le contexte français, à partir à la dérive. Il faut des infrastructures mais ce n’est

pas parce que l’on a des infrastructures que l’on a du développement économique. Nous disposons

d’analyses intéressantes faites par exemple concernant les autoroutes. Dans beaucoup d’endroits,

lorsqu’une nouvelle autoroute est prévue, on réalise par exemple des zones d’activités à proximité

d’un échangeur en considérant que l’autoroute va stimuler la croissance économique. Dans

beaucoup d’endroits et, malheureusement, pas seulement du côté du Creusot, ces zones d’activités

peinent à se remplir.

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Il y a souvent des effets d’aubaine : une entreprise localisée un peu plus loin saisit cette occasion

pour s’agrandir un peu, se rapprocher de l’autoroute et, pour finir, se délocalise, quitte une

commune au profit d’une autre. Finalement, lorsque l’on regarde des indicateurs un peu plus

larges, on s’aperçoit que l’autoroute n’a pas apporté grande chose. Une étude récente sur l’A39,

l’autoroute qui longe le Jura et qui a maintenant une douzaine d’années d’existence, montre que

les effets sont proches de zéro sur la croissance économique. Il appartient donc aux acteurs de

s’emparer de la problématique, de se mettre en ordre de bataille, de surmonter leurs différences,

leurs divergences et de trouver un compromis acceptable pour fixer ou développer une activité.

Mais si un territoire n’a pas de projets par ailleurs, il ne se passera finalement rien. Une

infrastructure moderne, rapide, puissante peut même contribuer à démantibuler un territoire. On

constate que ce sont les métropoles qui profitent le plus de la modernisation des infrastructures de

transport et qu’il y a un transfert massif à l’intérieur d’un territoire depuis des régions qui, jusque

là menaient leur vie au profit des métropoles. Je terminerai en précisant que, si l’on va jusqu’au

bout de la logique présentée par Monsieur PRUD’HOMME, il faut prendre en compte la division

internationale du travail dans laquelle l’Asie et la Chine sont devenues les ateliers du monde. Dans

ce jeu là, certaines villes ont parfaitement compris que leur avenir ne résidait pas dans

l’amélioration des performances des transports, sauf peut-être pour les voyageurs et les flux

télématiques, et qu’il valait mieux se tourner vers des activités économiques dans lesquelles les

transports jouent un rôle absolument négligeable. Je pense bien sûr à nos voisins bâlois qui sont

en train de laisser tomber la chimie, source de transports physiques puissants et qui se tournent

vers les biotechnologies. La région bâloise se spécialise de plus en plus dans les activités

financières ou dans le marché de l’art contemporain qui n’existait pas à Bâle il y a vingt ans. En

allant au bout de ce raisonnement, on abandonne l’industrie et on privilégie des fonctions de type

tertiaire supérieur.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur WOESSNER, Michel DUBROMEL m’a indiqué, lorsque nous avons préparé ce débat, qu’il

ne partageait pas l’idée de lien entre mobilité et développement économique. Il prenait l’exemple

de l’Irlande et du Portugal où des fonds européens importants ont été investis pour développer

notamment des infrastructures. Pour Monsieur DUBROMEL, il n’existe pas de corrélation avérée

entre PIB, mobilité et infrastructures. Cela veut-il dire qu’il y a des modèles différents selon les

territoires et qu’il faut regarder ces sujets de manière différenciée selon l’endroit où l’on se trouve ?

Raymond WOESSNER, géographe

Cela est évident. Il y a toute une typologie de territoires. Au sommet, il y a les métropoles –

Strasbourg est péniblement une métropole- au premier rang desquelles, en Europe, Paris et

Londres. Il y a ensuite des villes moins importantes, qui essayent de se raccrocher à ce jeu

métropolitain puis tout un univers qui prend les évolutions contemporaines de plein fouet parce

que leur développement est un peu dans l’esprit d’Adam Smith, c’est-à-dire dans la division

internationale du travail ; cet univers est à la recherche des meilleurs coûts de production, des

transports efficaces et peu chers… Mais, finalement, tout cela est balayé par les pays émergents

qui sont imbattables sur les coûts de production, sans doute pour longtemps encore. La réponse à

votre question est donc nuancée : il faut des infrastructures de transport mais, encore une fois, ce

ne sont que des opportunités.

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Rémy PRUD’HOMME, économiste

Tout cela serait balayé encore plus s’il n’y avait pas de transports efficaces. C’est l’histoire de deux

individus qui campent et il y a un ours qui arrive. L’un des deux met ses chaussures et l’autre lui

dit : « mais tu crois que l’ours ne court pas plus vite que toi ? ». « Non, répond l’autre, mais moi je

vais courir plus vite que toi ». On est donc dans la relativité. Chaque territoire doit essayer d’être

aussi efficace que possible. Ceci m’amène à dire que dans la France d’aujourd’hui, je vois une vraie

menace pour le développement économique dans l’augmentation des coûts de transport et, d’une

certaine façon, dans une moindre efficacité des systèmes de transport. J’ai été très frappé par les

chiffres publiés l’an dernier sur la mobilité à Lyon et à Lille. Tous les sept ou huit ans sont réalisées

des enquêtes sur la mobilité dans les grandes agglomérations de France. Nous disposons donc de

chiffres décrivant l’évolution entre 1998 et 2007 dans ces deux villes. On constate, dans ces deux

villes, à peu près la même structure d’évolution : une forte évolution des transports en commun,

de l’ordre de plus quinze pour cent et une forte diminution des déplacements en voiture, du même

ordre de grandeur. Les analystes se félicitent de ces résultats. Mais comme en 2000, les

déplacements en voiture représentaient quatre à cinq fois plus que les transports en commun, il y

a une diminution de la mobilité totale, de l’ordre de dix pour cent. Il y a donc, dans de grandes

agglomérations françaises, une diminution importante de la mobilité, en moins de dix ans, la

mobilité étant définie ici comme le nombre de déplacements motorisés par adulte. Ceci ne peut pas

ne pas affecter négativement l’efficacité de l’agglomération de Lyon et de Lille. Il y a peut-être des

justifications de type environnemental : la qualité de la vie ou le bilan carbone de ces deux villes se

sont peut-être améliorés et peut-être cela justifie-t-il la perte d’efficacité économique. Mais

l’efficacité économique, c’est tout de même le salaire des gens. L’un vaut-il l’autre ? La question

mérite d’être posée. La légèreté avec laquelle beaucoup d’élus, de fonctionnaires et d’associations

se félicitent unanimement de cette évolution m’apparaît un peu dangereuse.

Martial BELLON, animateur du colloque

Voilà un point d’éclairage que vous adressez à l’assistance et que les uns et les autres devront

méditer à l’occasion de la rédaction de leur contribution.

Je vous propose d’aborder maintenant le sujet suivant de nos échanges. On ne peut pas ne pas

parler de politiques des transports, politique avec un « s » : la politique européenne, la politique

nationale, les politiques territoriales. Ces politiques sont-elles importantes, Monsieur Prud’homme ?

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Avant toute chose, ces politiques sont justifiées. Tous les économistes, y compris les plus libéraux,

sont d’accord pour dire que le marché est un instrument merveilleux mais qu’il y a tout une série

de cas -techniques, cela n’a rien à voir avec des choix politiques- dans lesquels le marché

fonctionne mal. C’est ce que l’on appelle les pannes du marché. Il se trouve qu’il y a beaucoup de

pannes de marché dans le domaine des transports. C’est une réalité technique que personne ne

peut nier. Lorsqu’il y a ces pannes de marché, on ne peut pas faire confiance au marché seul pour

conduire à une solution efficace. Il est donc, a priori, tout à fait légitime qu’il y ait des interventions

–on peut se poser la question de l’échelle de ces interventions ; échelle nationale, régionale,

départementale, de la ville ou du quartier ?- soit en termes de prix, de subventions ou de taxes,

soit en termes de quantités, d’interdictions ou d’obligations. Le premier point est donc que le

principe même de politique des transports n’est pas vraiment discutable.

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Martial BELLON, animateur du colloque

Mais n’avez-vous pas le sentiment que ces politiques, parce qu’elles poursuivent souvent des

objectifs différenciés, sont parfois contradictoires dans leur application ? C’est, en tous les cas, le

sentiment d’un certain nombre d’acteurs.

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Une politique se définit par des objectifs et des instruments. Le problème des politiques de

transports est qu’elles poursuivent un grand nombre d’objectifs. On peut essayer de les lister, car

cet exercice n’est pas inutile. Le premier objectif qui me vient à l’esprit –et il n’y a pas de

classement dans la liste des objectifs que je vais énoncer- est d’améliorer la mobilité, d’abaisser le

coût des transports. Tout le monde est favorable à cet objectif. Le deuxième objectif est de

protéger l’environnement, ce qui a d’ailleurs un double sens : réduire les pollutions locales et

réduire les émissions de gaz à effet de serre. Un troisième objectif assigné aux politiques des

transports sera de contribuer à l’aménagement du territoire, de faire en sorte que les espaces qui

sont les plus éloignés des grands courants et des grandes agglomérations ne soient pas

abandonnés à eux-mêmes mais puissent au contraire être reliés. C’est également un objectif avec

lequel beaucoup de gens seront d’accord. Un quatrième objectif, est d’essayer de faire tout cela en

minimisant les dépenses publiques. Quel que soit le niveau de gouvernement –Etat, région,

département, commune-, l’argent n’étant pas infini, il faut donc essayer d’avoir des politiques aussi

bon marché que possible. Le cinquième objectif est un objectif de redistribution. Il s’agit de faire en

sorte que les politiques suivies, qui ont toutes des conséquences différentes selon les individus,

améliorent la redistribution des revenus plutôt que de la détériorer. Cela fait cinq objectifs. Il y en

a d’autres. Tous ces objectifs sont légitimes. Malheureusement, dans un grand nombre de cas, ils

sont contradictoires. Or, ni les politiques ni la société n’aiment ces contradictions. Il faut du

courage pour les confronter et pour admettre qu’il y a un choix à faire entre la qualité de

l’environnement et le revenu des gens. Il faut avoir le courage de mettre ces contradictions sur la

table. C’est ce à quoi doivent s’employer les fonctionnaires et les techniciens -et les universitaires,

du reste-. Les politiques feront les choix. Il leur appartient de décider s’il faut préférer une politique

qui augmente un peu les inégalités mais qui va contribuer à l’environnement ou, au contraire, s’il

faut préférer une non amélioration de l’environnement dès lors que cela permet de voir une société

un peu plus égalitaire. Mais il ne faut pas chercher à croire que tout va nécessairement dans le

même sens. Je me souviens que la DATAR nous avait demandé une étude pour savoir si la

politique d’aménagement du territoire suivie allait dans le sens de la politique de l’environnement.

Après une analyse, nous sommes arrivés à la conclusion que dans certaines situations, tel était le

cas, mais dans la plupart des situations, il y avait une contradiction.

Martial BELLON, animateur du colloque

Je vais maintenant me tourner vers Monsieur WOESSNER : selon vous, avons-nous, en France, une

politique des transports claire et lisible ?

Raymond WOESSNER, géographe

Elle peut être difficilement claire dans la mesure où il y a une superposition, une imbrication des

échelles selon les acteurs. Donc, a priori, cela paraît toujours un peu embrouillé. Au sommet, il y a

l’Union Européenne qui, depuis la conférence d’Esse, en 1994, a impulsé une proposition de

politique, notamment en établissant des cartes de grands corridors de transport à travers l’Europe

et a pointé des maillons manquants à réaliser.

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Cette politique a produit quelques effets. Par exemple, entre Copenhague et Malmö, le pont routier

et ferroviaire sur l’Oresund ou en Grèce avec le financement par des fonds européens du nouvel

aéroport d’Athènes. Cependant, dans l’ensemble, il ne s’est pas passé grande chose. Cela tient au

fait que nous ne sommes pas dans un système fédéral. L’Europe propose mais ensuite les Etats

disposent. Il y a même parfois des concurrences entre les projets européens. Par exemple, en

Autriche, on aménage un axe Vienne-Venise pour concurrencer un autre axe européen Budapest-

Venise par Trieste et damner le pion aux Slovènes. Il y a donc une grande lacune, consubstantielle

au fonctionnement même des institutions européennes. Cela dit, l’Europe pousse dans le sens du

durable, de l’intermodal et essaye de faire passer des idées en faveur de transports moins

polluants en particulier. A l’échelle française, il y a eu quantité de schémas soit sectoriels –les

autoroutes, les TGV- et, en 2002, un schéma national des transports résultant d’une concertation

assez longue –un peu ce que l’on essaye de faire ici, c’est-à-dire de partir de la base-. Ce schéma

des transports a été immédiatement mis dans un placard et plus personne n’en a jamais entendu

parler. Cela interroge le fonctionnement de la chose politique. Dès lors que l’on fait un schéma, on

se lie les mains. En l’absence de schéma, on peut faire un peu ce que l’on veut.

Martial BELLON, animateur du colloque

Dans ce cas, que devrait être, selon vous, une bonne politique des transports ? Le Grenelle de

l’Environnement a-t-il contribué à faire avancer le sujet ?

Raymond WOESSNER, géographe

Effectivement, la dernière étape, c’est le Grenelle, qui a fait toute une série de propositions

intéressantes. Cependant, là aussi on découvre certaines bizarreries. Par exemple, selon le

Grenelle, il ne doit plus y avoir de construction d’autoroutes en France, sauf, éventuellement, des

autoroutes péri-urbaines. Immédiatement, Monsieur BORLOO a supprimé, sauf erreur de ma part,

les projets d’autoroutes urbaines de Toulouse et de Bordeaux. Plus récemment, en Haute-Saône,

un élu important devenu ministre a déclaré qu’on allait réaliser une autoroute entre Langres et

Vesoul alors que cela est, en principe, « interdit » par le Grenelle de l’Environnement. Donc, à la

question de savoir si la France est dotée d’un plan, la réponse est négative.

On agit au coup par coup, en faisant du bricolage, des avancées puis des reculs. Cela exaspère

souvent les territoires. Dans notre région, nous avons l’exemple du canal à grand gabarit entre le

Rhin et la Saône. Depuis trente ou quarante ans le projet est avancé, retiré, remis. On en parle à

nouveau aujourd’hui. Je trouve qu’il y a une perte d’énergie fabuleuse.

Martial BELLON, animateur du colloque

Prenons le territoire alsacien. Les acteurs se sont quand même accordés sur beaucoup de sujets,

notamment sur le développement du ferroviaire. Je ne dis pas que d’autres régions ne l’ont pas fait

mais nous étions précurseurs. Les institutions ont démontré qu’elles peuvent travailler ensemble.

Quel est votre regard sur les politiques territoriales en Alsace ?

Raymond WOESSNER, géographe

Le TER constitue une grande réussite. Ce qui est intéressant, c’est le fond de la gouvernance. Il y a

eu un transfert de compétence de l’Etat vers la Région qui a trouvé un bon périmètre, la

géographie faisant que l’Alsace est une colonne vertébrale avec une grosse étoile autour de

Strasbourg, une étoile plus modeste mais importante autour de Mulhouse et un embryon d’étoile

autour de Colmar. Ce sont les lignes de force à la base du réseau inter-urbain, elles-mêmes

guidées par la topographie.

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C’est un très beau terrain d’expérimentation. Par ailleurs, nous avons une densité importante de

population, ce qui favorise l’utilisation des transports en commun. Il y a eu une rencontre entre

une décision heureuse en terme de gouvernance et un territoire qui s’y prêtait bien.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur PRUD’HOMME, je vous ai entendu vouloir répondre mais je voulais aussi vous demander

de vous exprimer sur les coûts. Ce sont des sujets sur lesquels vous avez beaucoup travaillé. On

ne peut pas parler de politiques des transports sans parler coûts et financements.

Rémy PRUD’HOMME, économiste

En effet, mais de ce point de vue là, et dans la logique de ce que je disais précédemment, le

Grenelle de l’Environnement est un bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire. On a défini une

politique des transports avec, en vue, un seul des cinq objectifs que j’énonçais, à savoir la

réduction du CO2. La réduction du CO2 est un objectif tout à fait désirable, bien entendu, auquel

j’adhère tout à fait mais, ce faisant, on a fait une série de mesures supposées contribuer à réduire

le CO2, sans s’occuper ni de l’impact que cela allait avoir sur la mobilité, ni du coût de ces mesures,

ni des répercussions en terme de redistribution, ni de l’impact sur l’aménagement du territoire.

C’est, à mon avis, exactement ce qu’il ne faut pas faire : prendre un objectif dans un domaine qui

doit en avoir plusieurs et tout définir en fonction de cet objectif. Alors peut-être dans le passé

avons-nous tout fait en fonction d’un objectif de mobilité, négligeant ainsi les autres objectifs et

que l’on a eu tord. C’est une proposition qui n’est pas totalement déraisonnable. Mais à l’heure

actuelle où règne le dieu CO2, on justifie n’importe quoi par une toute petite réduction des

émissions de CO2. Cela m’apparaît conduire à des gaspillages absolument considérables. En

particulier, parce que tout cela engage des dépenses publiques importantes. Actuellement, on

affecte des sommes énormes à des projets sans la moindre analyse économique, sans savoir si cet

argent est justifié. Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, la réalisation de 2 000 km de

lignes TGV a été adoptée sans la moindre idée de ce que cela allait coûter, sans savoir si cela allait

avoir une justification économique quelconque, sans la moindre idée de l’impact que cela allait

avoir sur la redistribution, sans la moindre interrogation sur les effets que cela peut avoir sur la

mobilité. Interdire des autoroutes, c’est certainement, dans un grand nombre de cas, diminuer la

mobilité et donc porter un coup au développement économique. Si on l’assumait, à la rigueur,

peut-être pourrait-on le comprendre. Mais ça n’est pas ce que l’on fait, puisque l’on continue à dire

que l’emploi et la compétitivité de la France sont des priorités tout en prenant des mesures qui

vont contre ces objectifs qui sont également légitimes. Je ne dis pas qu’il faut sacrifier l’un ou

l’autre de ces différents objectifs. Je n’ai pas de qualification pour réaliser ces choix qui

appartiennent aux élus. Encore faudrait-il que les éléments de choix leur soient proposés et qu’ils

se prononcent en connaissance de cause, ce qui n’est pas le cas et ce qui n’a pas été le cas

concernant le Grenelle.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur WOESSNER, en conclusion de ce point, est-ce le dieu CO2 qui doit primer ou est-ce le

dieu finances publiques ou est-ce le karma aménagement du territoire ?

Raymond WOESSNER, géographe

Je suis tout à fait d’accord avec Monsieur PRDU’HOMME. On est parti de la notion de

développement durable, qui fonctionne sur trois piliers. C’est un compromis entre la croissance

économique, l’équité sociale et le respect de l’environnement. Dans le cadre du Grenelle de

l’Environnement, on est parti bille en tête sur le respect du CO2.

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Martial BELLON, animateur du colloque

Probablement, Messieurs, parce que l’on n’en avait pas assez tenu compte les années passées.

C’est ce que pensent certains acteurs.

Raymond WOESSNER, géographe

Ce sont des justifications un peu rétroactives, a posteriori. Cela n’est pas sérieux.

Martial BELLON, animateur du colloque

Poursuivons maintenant notre cheminement pour aborder la question du report modal, qui est l’un

des piliers des politiques nationales. Est-ce un bon sujet, Monsieur PRUD’HOMME ?

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Un bon sujet n’est pas forcément la même chose qu’un bon objectif. Et bon objectif ne veut pas

dire objectif réalisable. Que le report modal, c’est-à-dire une part moindre de la route et une part

plus importante du fer, pour simplifier, ait de grands avantages, à peu près tout le monde est

d’accord là-dessus. Encore faut-il que le report modal soit quelque chose de faisable. En vérité, les

possibilités d’obtenir de force un report modal sont moindres que ce qui est généralement

examiné. Pour le comprendre, il faut revenir à ce que je disais précédemment sur les différents

marchés du transport. Il y a des sous-marchés pour lesquels un report modal est possible dans une

certaine mesure mais il y en a beaucoup pour lesquels aucun report modal n’est possible. Il faut

prendre secteur après secteur. Dans le secteur des déplacements de personnes sur de longues

distances, qui correspond essentiellement au tourisme et aux vacances, l’idée du report modal

n’est pas une idée très réalisable. Vous n’imaginez pas que quelqu’un qui habite Valenciennes et

qui va passer ses vacances dans un camping de Palavas va prendre le train avec sa tente, sa

gazinière, sa table pliante et débarque à la gare de Montpellier. C’est totalement inconscient de

suggérer cela, c’est totalement impossible. Si vous rendez impossible ce déplacement en voiture,

parce que vous allez réduire sa mobilité en augmentant par exemple le prix de l’essence, cette

personne ne va pas se reporter sur le fer mais rester chez lui à Valenciennes. Il n’y a tout

simplement pas de possibilité. En ce qui concerne les déplacements de banlieues à banlieues, par

exemple, qui ne peuvent guère se faire qu’en automobile ou s’ils sont plus courts, à bicyclette ou à

moto, dire que l’on va développer les réseaux de transports en commun n’est pas une proposition

faisable. Dès lors que la densité devient trop faible, trop peu de gens utiliseront ce service. De

plus, la multiplicité des destinations de banlieues à banlieues est telle qu’il n’est pas possible

d’avoir un réseau efficace, sauf à avoir un réseau aussi dense que celui de Paris centre qui permet,

en effet, d’aller à peu près de n’importe où à n’importe où. Tout ce que l’on pourra faire pour des

transferts modaux pour les déplacements de banlieues à banlieues restera limité. Ici ou là il y a

quelques nœuds avec un peu plus d’activités et d’emplois et où l’on peut imaginer qu’un tram ou

bus puisse jouer un rôle important. Mais les marges de manœuvre dont on dispose sont

extrêmement réduites. Il en est de même pour le fret. Une grande partie des transports de

marchandises sont des transports sur des distances assez courtes. Dans une agglomération comme

Strasbourg, la part des déplacements de marchandises internes à l’agglomération est plus

importante que la part des déplacements externes à l’agglomération. Tous ces déplacements

internes à l’agglomération se font évidemment en camion. Personne n’imagine sérieusement qu’ils

puissent se faire en train. L’idée que l’on puisse augmenter de cette façon là la part du fret est

complètement irréaliste. Quand je lis dans la presse que l’on va dépenser sept milliards d’euros

pour doubler le fret ferroviaire, je me dis que c’est un rêve absurde.

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En l’an 2000 déjà Monsieur GAYSSOT nous proposait de doubler le fret en dix ans et de le tripler en

vingt ans. Les dix ans ne sont pas tout à fait écoulés mais le fret ferroviaire a diminué de trente ou

quarante pour cent. Et cela n’est pas faute d’y avoir affecté un certain nombre de milliards. Croire

que sept milliards vont suffire est une plaisanterie. D’ailleurs, la direction de Fret SNCF est la

première à le savoir et à le dire ; elle ne cache pas qu’elle voudrait réduire l’importance du wagon

isolé, c’est-à-dire des colis ou envois relativement peu importants. Il ne suffit donc pas d’être

volontariste parce que cela est bien et que cela va réduire les émissions de CO2 – de façon tout à

fait négligeable, d’ailleurs- pour que cela soit possible. Il y a donc dans le report modal une part de

rêve, une part de mythe. Quand bien même on doublerait le fret ferroviaire, dans la mesure où il

représente cinq ou six pour cent du trafic routier, cela aurait pour effet de réduire de six pour cent

le trafic routier, c’est-à-dire par grand-chose. Le report modal dans ce domaine est donc

premièrement impossible et deuxièmement n’aurait qu’un impact relativement faible. Cela ne veut

pas dire qu’il ne faut pas essayer d’identifier les créneaux dans lesquels le fret ferroviaire peut

jouer un rôle. Le fret express, qui consiste à utiliser des TGV au départ de Roissy la nuit, est

économiquement raisonnable même si, probablement, cela ne fera pas plaisir aux gens qui

habitent le long des voies ferrées et qui entendront passer des TGV en pleine nuit. Toutefois, ces

créneaux qui doivent être exploités, qui méritent d’être exploités ne produiront pas d’effets

majeurs. Si l’on arrive déjà, grâce à cela, à réduire la décroissance actuelle du fret ferroviaire, ce

sera une bonne chose. Mais il y a une série de facteurs généraux qui jouent contre le fret

ferroviaire. Le fret ferroviaire est pertinent pour des marchandises lourdes, pesantes, transportées

sur de longues distances. Or, l’évolution de l’économie ne donne pas à ces produits là une

importance croissante. Nous constatons, au contraire, un allègement des produits, une

miniaturisation -on parle désormais de nanotechnologies- un éparpillement du territoire grâce à

l’aménagement du territoire, toutes choses qui jouent objectivement contre le fret ferroviaire. Il

faut regarder les choses telles qu’elles sont et ne pas se leurrer avec des rêves et des mythes.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Monsieur PRUD’HOMME pour la clarté de vos propos. Cela veut-il dire, Monsieur WOESSNER,

que la cause serait perdue, qu’en dépit de quelques améliorations il y aura toujours autant de

camions sur la route ? J’exprime là ce que pensent beaucoup de gens. Où peut-on penser qu’il soit

possible d’améliorer les choses dans ce domaine ? L’ouverture à la concurrence, par exemple,

peut-elle être une perspective d’espoir ?

Raymond WOESSNER, géographe

En Allemagne, depuis la libéralisation du fret ferroviaire, le transport de marchandises par train a

augmenté en volume et repris des parts de marché au détriment de la route, et, plus encore, du

fluvial. On peut toujours imaginer et trouver des solutions pour remettre en cause les situations au

fil de l’eau. La voiture et le transport routier de marchandises demeurent dominants dans un

scénario au fil de l’eau. Mais avec des organisations parfois un peu astucieuses et compliquées –il

faut du systémique, il faut se mettre ensemble et inventer des règles-. Je pense, par exemple, au

fret ferroviaire aux Etats-Unis qui avait, dans les années 1980 quasiment disparu. Depuis, une

série de petites sociétés régionales de fret sont apparues, qui ne se font pas concurrence mais

travaillent ensemble. Le fret ferroviaire américain a ainsi repris vigueur avec l’apparition de hubs.

Il y a donc toujours des marchés à trouver et à gagner mais il faut des opérateurs qui jouent le

jeu. Or, en France, nous n’en sommes absolument pas là. Nous sommes restés dans l’ancien

monde dans lequel un opérateur peut tyranniser ses clients, ce qui est quand même un comble, en

lui imposant ses vues. Je pense qu’effectivement il y a des places à prendre. L’exemple que vous

donniez concernant CAREX sur le fret express est assez intéressant.

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L’Aéroport de Roissy est la première plate-forme aéroportuaire en Europe en terme de fret. De

même, pour les marchandises « lentes », les ports européens jouent un rôle considérable. A partir

de là, il est possible d’imaginer de l’acheminement par voie ferroviaire ou fluviale sur des plates-

formes d’éclatement modales d’arrière pays. Dans ces conditions, le camion termine le trajet. De la

même façon, le ferroutage entre le Luxembourg et Perpignan, mis en service il y a deux ans, voit

ses trafics se développer après un démarrage difficile. Il y a une culture à acquérir et, même si cela

est plus compliqué, il y a peut-être plus que des niches de marché.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Messieurs. Je vais maintenant vous demander de conclure, en pensant à aider les acteurs

locaux à rédiger leur contribution à horizon vingt ou trente ans. Quels conseils leur donneriez-

vous ?

Raymond WOESSNER, géographe

C’est à la fois très simple et très compliqué.

Il faut créer un territoire, c’est-à-dire qu’il faut faire émerger un jeu d’acteurs, une communauté de

travail avec des gens qui ont des intérêts divergents mais qui, au fond, ont un intérêt partagé

d’une manière ou d’une autre. Il faut se fixer un projet : quel territoire voulons-nous ? Si l’on ne

fait rien, le camion s’impose et je ne suis pas convaincu que cela soit actuellement la meilleure

solution. Il faut rassembler les forces vives, la société civile, sans avoir de préjugés les uns par

rapport aux autres. Cela suppose, de la part d’absolument tous les acteurs, de l’humilité et, un

sentiment assez rare, de la confiance. Il s’agit pour les acteurs –puissance publique, collectivités,

entreprises, société civile- de construire un jeu qui permette de propulser le territoire vers l’avant

et de réussir.

Martial BELLON, animateur du colloque

C’est l’objectif de la démarche initiée par les partenaires, vous l’avez bien compris. Votre

conclusion, Monsieur PRUD’HOMME ?

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Ma conclusion est qu’il faut réfléchir, analyser, regarder, faire fonctionner ses méninges sans

prendre ses désirs pour des réalités, sans se laisser embarquer par les modes ou les passions. Il

faut travailler et je conclurais en citant Goya qui, dans l’un de ses dessins, dit « le sommeil de la

raison engendre des monstres ».

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Messieurs. Avant que vous ne nous quittiez, nous allons peut-être laisser la parole à celles et

ceux qui souhaitent vous interpeller.

Mylène LAROCHE, Association « Passe Me Prendre », covoiturage

Je voulais simplement noter trois éléments. Je ne suis pas d’accord avec Monsieur PRUD’HOMME

lorsqu’il dit que les associations ne représentent pas tout le monde. En revanche, je trouve que les

idées devraient également venir des élus. Monsieur WOESSNER, vous disiez que l’on travaillait

actuellement sur des autoroutes apaisées.

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Je suis toujours étonnée de voir qu’il faut mettre plus de voitures sur les routes et pas plus de

monde dans les voitures. Au niveau du report modal, pourquoi ne pas travailler sur le covoiturage ?

Georges LINGENHELD, Président de la Commission de l’Aménagement du Territoire et des

Transports de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin

Ce débat est très intéressant, mais si je devais donner une note à chacun des deux intervenants, je

dirais qu’on est à égalité. Nous allons quitter ce soir cette réunion sans avoir trouvé de solutions.

Que faire demain de notre mobilité en Alsace ? Je crois que c’est cela qui est important. J’ai

cependant retenu deux choses. Aujourd’hui, il faut plutôt avoir un certain pragmatisme. Ceci est

important. Nous ne sommes pas en train d’opposer les différents modes de transport, au contraire.

C’est la logique qui l’emporte. Le canal de Panama ou celui de Suez ont été créés il y a plus d’un

siècle. Ces infrastructures ont été réalisées de façon logique et pragmatique parce qu’elles évitaient

de grands détours. Aujourd’hui, il est important de faciliter les différents modes sans obliger les

gens à utiliser l’un ou l’autre des modes. Concernant le fret ferroviaire, lors du colloque qui s’est

déroulé il y a deux jours à Freiburg sur les transports, les Allemands, autant que les Suisses qui

sont plutôt très avancés en matière ferroviaire, ont indiqué qu’ils connaissent la même

problématique de création d’infrastructures ferroviaires que routières parce que les gens sont

encore plus opposés à de nouvelles lignes ferroviaires qu’à de nouvelles routes. Mais, par ailleurs,

les Allemands indiquaient que le fret ferroviaire connaissait une diminution de trafic de vingt-six

pour cent. Cela signifie que là encore, la logique amène à privilégier la route. Certains trafics ne

peuvent être acheminés que par la route.

Luc HUBER, Alsace Nature

Je salue le niveau d’expertise de Monsieur PRUD’HOMME mais ce qui me gêne un peu, c’est que, à

la virgule près, vous auriez pu tenir à peu près le même discours dans les années 1960. Chaque

fois que l’on parlait de report modal, c’est-à-dire, de solutions qui orientent les mobilités vers

quelque chose de durable, vous avez fait preuve de circonspection. En fait, vous n’y croyez pas

vraiment. Il y a des représentants allemands et suisses à la table ronde qui va suivre, qui diront

certainement qu’ils ont augmenté les coûts des transports et je ne pense pas qu’ils aient voulu

sacrifier leur économie. J’avais également une question concernant les propos de Monsieur

PRUD’HOMME concernant les associations et qui indiquait, au début de son intervention, que les

gens étaient parfois de mauvaise foi. Il est sûr que dans les associations il y a aussi des gens de

mauvaise foi comme il y a des gens de bonne foi. On peut dire que chez les élus aussi il y a des

gens de mauvaise foi. Alors, lorsqu’il y a un débat, une controverse sur une infrastructure, la

solution ne serait-elle pas de faire appel à un arbitre indépendant ? Dans le cadre du projet de

contournement autoroutier strasbourgeois, nous avons demandé une expertise indépendante qui a

été accordée par le Préfet et payée par les services de l’Etat. Mais le jour où les conclusions de

l’expertise ont été présentées, on a tout fait pour l’enterrer. Nous nous posons donc aussi la

question de savoir parfois où se situe la mauvaise foi.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur PRUD’HOMME, je vous invite à répondre rapidement.

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Rémy PRUD’HOMME, économiste

Je n’ai, en aucune façon, dit que les associations ou leurs membres étaient de mauvaise foi. Ils

sont plutôt parfois de foi, et c’est ce que l’on peut leur reprocher. A aucun moment je n’ai parlé de

mauvaise foi. Je suis tout à fait pour le covoiturage. Plus il y en aura, mieux cela vaudra. Mais c’est

une affaire de choix des individus. Le covoiturage permet d’économiser et de l’argent et du CO2 et

des embouteillages. Il diminue un peu la qualité de déplacement pour les gens, mais s’il y a des

personnes qui sont prêtes à cela, je m’en réjouirai beaucoup. Ensuite, un participant demandait

pourquoi et comment des gens ont fait le canal de Panama et le canal de Suez ? La réponse est

simple : c’est parce qu’ils pensaient qu’ils allaient y gagner beaucoup d’argent. Il n’y avait pas

d’Etat pour financer ces infrastructures qui ont été réalisées par un groupe de capitalistes. Dans un

certain nombre de cas, le canal de Panama en particulier, ce système n’a pas bien fonctionné et les

investisseurs ont été obligés de demander des financements à l’Etat. Concernant les exemples de

l’Allemagne, des Etats-Unis ou d’autres pays, il faut rester prudent lorsque l’on extrapole. Il est vrai

qu’aux Etats-Unis, le fret ferroviaire joue un rôle très important – et fonctionne sans subvention,

alors qu’en France, le fret ferroviaire doit être subventionné à hauteur de soixante-dix pour cent-.

Mais il faut analyser le type de fret ferroviaire ; c’est essentiellement du charbon, transporté sur de

très longues distances, de vieux trains qui vont lentement. Et l’on est dans un pays qui a la taille

d’un continent. Cela ouvre probablement des questions pour des trafics allant de Brest à

Vladivostok, pour lesquels le fret ferroviaire est certainement meilleur que le recours aux camions.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur WOESSENER, quelques mots sur le match nul décrété par Monsieur LINGENHELD entre le

géographe et l’économiste ?

Raymond WOESSNER, géographe

Là n’est pas la question. En ce qui concerne la question du covoiturage, nous pourrions faire

beaucoup de covoiturage si tout le monde partait à peu près du même endroit pour aller à peu près

au même endroit, et en même temps. La difficulté est bien sûr liée à la complexité des mobilités,

au fait que les déplacements ne sont pas synchronisés dans la journée et que chacun fait un tas de

choses différentes en même temps. Ce sont des freins sérieux au covoiturage. Si l’on veut avancer,

évidemment il faut être raisonnable, mais il faut aussi s’autoriser des coups de folie, faire confiance

à ses intuitions pour faire apparaître des idées nouvelles. Prenons l’exemple du phénomène comme

le « trottibus » qui paraît complètement saugrenu et, à la limite, incongru. Ces sortes d’autobus

virtuels avec des parents emmenant les enfants à l’école et des arrêts virtuels commencent à

fonctionner. Cela évite que les parents prennent leur voiture mais cela suppose, au départ, une

idée déjantée. Bill GATES disait que la déviance d’aujourd’hui serait la norme dans vingt ans.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci beaucoup, Messieurs, de vous être prêtés à ce jeu. Nous passons maintenant à la table ronde

des experts. Vont me rejoindre :

− Monsieur Ueli BALMER, Chef Adjoint à la section politique des transports à l’Office fédéral du

développement territorial,

− Monsieur Olivier DELEU, Délégué Général de l’association TDIE –Transport, Développement,

Intermodalité, Environnement- qui regroupe l’ensemble des acteurs de la mobilité durable en

France, à savoir les grandes collectivités territoriales –conseils régionaux et conseils

généraux-, les gestionnaires de réseaux et les grands opérateurs publics et privés de

transport, que ce soit pour le transport de marchandises ou pour le transport de voyageurs,

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− Monsieur Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE, ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées,

qui a été l’un des coordinateurs de l’étude « Transport 2050 » en 2006 à l’ancien Conseil

Général des Ponts et Chaussées, devenu aujourd’hui CGED, et préside le Comité Transport du

CNISF – Conseil National des ingénieurs et scientifiques de France-. Monsieur PAUL-DUBOIS-

TAINE prépare un rapport, dont il ne nous dira rien aujourd’hui, vous le comprendrez, sur les

nouvelles mobilités et usages de l’automobile en France pour le Centre d’Analyse Stratégique,

− Monsieur Philippe DUONG, directeur du bureau d’études SAMARCANDE qui travaille sur

l’économie des échanges et l’interface avec la société et les territoires, professeur associé en

logistique au CNAM. Pour y avoir réalisé un certain nombre d’études, Monsieur DUONG

connaît bien l’Alsace,

− Monsieur Marc PEREZ, chef adjoint du département études générales, responsable des études

France dans le cabinet TTK à Karlsruhe,

− Monsieur Roland RIBI, ingénieur des transports et urbaniste issu des Ecoles Polytechniques

de Suisse et de Lausanne, est suisso-français dans la mesure où son bureau d’étude est à la

fois à Genève et à Strasbourg. C’est un cabinet d’urbanisme, de transport et de planification

qui intervient sur le territoire du bassin du Rhin Supérieur.

Je vais d’abord me tourner vers vous, Monsieur DUONG. Vous êtes vous aussi économiste, vous

avez un regard tout à fait particulier notamment sur l’économie des échanges puisque vous

intervenez beaucoup sur les problématiques de logistique. Comment voyez-vous les choses ?

Philippe DUONG, SAMARCANDE

Mon accord est total sur le fait que les échanges et les mobilités ont été et sont un vecteur

extraordinaire de développement économique. Tous les exemples historiques nous le montrent.

J’irai même peut-être plus loin que le Professeur PRUD’HOMME : les transports ne sont pas

seulement de l’huile dans les rouages mais bien un vecteur de développement économique. La

question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le processus historique que l’on connaît n’en est

pas à sa fin ou, en tous cas, ne connaît pas une très forte inversion. Je suis frappé par les énormes

progrès des transports, qui sont liés à la technologie, à la curiosité des hommes, à l’esprit

d’aventure mais surtout au besoin économique –le transport de marchandises sert à aller chercher

des produits plus loin et moins cher et plus vite, que l’on a pas sur place-. Tout cela s’est fait dans

le cadre d’un monde qui semblait illimité. Or, aujourd’hui, dans le processus de mondialisation dans

lequel nous sommes, avec une globalisation de l’économie de l’ensemble des systèmes, y compris

du système des transports, nous nous apercevons que le monde est limité. Il est limité en espace,

en ressources et presque dans sa survie.

Martial BELLON, animateur du colloque

Cela veut-il dire qu’il faut réguler ?

Philippe DUONG, SAMARCANDE

Je pense que nous sommes aujourd’hui dans le cadre d’un processus de révolution civilisationnelle.

Il y a probablement eu un excès de mobilité auquel il faut peut-être aujourd’hui apporter des

correctifs, tant en ce qui concerne le transport de voyageurs que le transport de marchandises.

Dans le domaine du transport de personnes, je ne suis pas tout à fait d’accord avec le Professeur

PRUD’HOMME sur le fait que la réduction de la mobilité soit nécessairement un vecteur de

stagnation ou de décroissance économique. Je vais prendre un exemple auquel je pensais en

l’écoutant : j’ai mon siège de société dans le 19ème arrondissement de Paris et j’habite dans le

20ème arrondissement.

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Auparavant, le siège de ma société était situé dans le 13ème arrondissement. Je prenais ma voiture

–je n’étais pas, à l’époque, un très bon citoyen- et je passais beaucoup de temps dans ma voiture.

En m’installant à côté de mon domicile, j’ai réduit ma mobilité, j’ai réduit le recours à ma voiture et

le temps nécessaire à me déplacer et, en revanche, j’ai augmenté ma capacité de travail –je suis

moins fatigué, je travaille plus, je suis plus productif-. A l’inverse, mon associée qui habite dans le

13ème arrondissement et venait à pied au bureau prend aujourd’hui les transports en commun, met

une heure et demi au total pour venir travailler et repartir. C’est exactement la même chose que

l’exemple de la pomme de terre qui est épluchée aux Pays-Bas et transformée en frites dans un

autre pays. Quelle valeur supplémentaire a-t-on apporté à la frite en paquet en lui faisant parcourir

trois ou quatre mille kilomètres ? Sa valeur d’usage est-t-elle plus forte que si on l’avait faite à

proximité ? Le gain exprimé dans le supplément de transport apporte-t-il une richesse

supplémentaire ? En terme de mesure du PIB probablement. Je travaille actuellement sur un projet

visant à essayer de reporter sur le fer un trafic de bananes depuis un petit port. Les producteurs de

bananes m’ont fait remarquer que les bananes sont un produit venant de loin, avec des coûts de

transport relativement importants mais non excessifs. Pourtant, ce produit se vend peu cher. A

l’inverse, la pêche, qui est produite en France, dont les coûts de revient et les coûts de transport

ne sont pas nécessairement plus importants que ceux de la banane est vendue deux fois et demi

plus chère. Dans ces conditions, les coûts de transport sont-ils véritablement l’élément

discriminant ? Je crois que la corrélation entre les coûts de transports et le prix des produits n’est

pas aussi évidente que cela. Je pense qu’il y a d’autres logiques en jeu.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Monsieur DUONG. Nous avons commencé à aborder l’origine des mobilités et je souhaiterais

que l’on creuse maintenant les problématiques liées aux origines urbaines. Selon vous, Monsieur

PAUL-DUBOIS-TAINE, comment la structuration des villes -hier, aujourd’hui et demain- a-t-elle

contribué ou contribue-t-elle à davantage de mobilité ? Comment faut-il gérer l’espace public face

aux problématiques que nous rencontrons aujourd’hui ?

Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE, Ingénieur Général Honoraire des Ponts et Chaussées

Comment vont évoluer nos villes demain et quelles mobilités quotidiennes produiront-elles ?

Comment nous déplacerons-nous demain en ville ou dans la vie urbaine –aujourd’hui toute la vie

est urbaine, même si on appelle sa ville péri-urbaine ou village ou bourg dans la mesure où tout le

monde consomme le même type d’équipements et a le même type de vie, mais avec des

catégories de mobilités extrêmement différentes ? Le devenir de nos villes et les conditions de

leurs mobilités vont être différents. Comment peut-on se projeter à vingt ans dans nos villes ?

Finalement, il y a une assez grande inertie de nos villes. Elles se sont développées formidablement

au cours des cinquante dernières années –il y a eu l’exode rural, la construction des grandes

infrastructures et le mouvement de péri-urbanisation que n’avaient d’ailleurs absolument pas

anticipé les ingénieurs et urbanistes qui s’occupaient de la planification des villes et des transports

à l’époque-.Aujourd’hui, nous connaissons un mouvement stabilisé parce que l’exode rural est

largement derrière nous –la population dite agricole ne dépasse pas quatre pour cent des actifs et

diminue très faiblement- et la démographie générale –même si la situation démographique en

France est beaucoup plus positive que celle de beaucoup de nos voisins européens- reste plus

faible que celle que nous avons connu il y a quarante ou cinquante ans avec le baby-boom. Donc,

les villes évoluent peu et non seulement elles évoluent peu mais la répartition entre ville-centre,

périphérie, péri-urbain et rural évolue de façon à peu près concomitante. Lorsque l’on compare les

deux derniers recensements -1999 / 2006- on s’aperçoit que les taux de croissance de ces

différentes catégories de population sont assez proches.

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Le mouvement péri-urbain reste légèrement supérieur, mais les territoires ruraux et les régions

encore très rurales reçoivent autant de population que la moyenne –elles se revitalisent-, le

mouvement de redensification des villes a surtout pour effet de ne pas leur faire perdre de la

population, donc de suivre le mouvement et il y a, ça et là, des périphéries qui s’urbanisent un peu

plus par suite de mouvements démographiques un peu massifs de familles de personnes âgées qui

quittent leur logement et sont remplacées dans le même logement par des familles plus

nombreuses. Ainsi, dans vingt ans, la répartition de nos villes ressemblera beaucoup à celle

d’aujourd’hui.

Martial BELLON, animateur du colloque

Vous voulez dire que l’Alsace n’aura pas beaucoup changé, par exemple ?

Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE, Ingénieur Général Honoraire des Ponts et Chaussées

A mon avis, pas fondamentalement. Il y aura beaucoup de changements, parce qu’en vingt ans les

choses changent beaucoup, mais il n’y aura pas une différence fondamentale dans la répartition de

la population entre l’agglomération de Strasbourg, la périphérie, le péri-urbain et les petites villes

ou bourgs qui font la structure de l’Alsace. Toutes ces formes d’urbanisation devraient recevoir une

population supplémentaire, plus ou moins forte en fonction du dynamisme économique comparé de

l’Alsace et des autres régions européennes et françaises voisines mais il n’y aura pas de différence

fondamentale. Un deuxième facteur va jouer : la baisse des déplacements quotidiens. Comme vous

le savez, le nombre de déplacements quotidiens est très stable -chacun d’entre nous est coincé par

un budget-temps et donc passe son temps quotidien à se déplacer de façon assez constante-.

Globalement, nous avons fait le plein de notre mobilité personnelle. Et si notre mobilité augmente,

elle a plutôt tendance à augmenter sur quelques mobilités occasionnelles pour les loisirs. Cela

n’impacte pas les kilomètres que nous parcourons chaque jour. En revanche, ces kilomètres sont

extraordinairement différents entre l’habitant du centre-ville dont les déplacements se font

beaucoup à pieds et en transports collectifs ou en deux roues et l’habitant de la périphérie qui se

déplace essentiellement en voiture parce qu’il a peu d’alternatives et qu’il fait beaucoup plus de

kilomètres. Peu de mobilité supplémentaire, donc peu de congestion supplémentaire –la congestion

là où elle est, sur la rocade de Strasbourg, ne va pas tellement diminuer, sauf si l’on double cette

rocade par la rocade ouest- mais on ne devrait pas constater beaucoup de changements. Par

ailleurs, les technologies de motorisation des véhicules font d’énormes progrès. Ainsi, a priori tout

va bien. Mais, finalement, au-delà de la question environnementale qui a d’abord guidé nos

réflexions avec peut-être une pensée unique du Grenelle sur l’objectif du CO2, nous allons nous

faire rattraper par la question sociale face au risque de crise de l’énergie. Que se passera-t-il

demain dans nos régions si le coût des carburants routiers passe à deux ou trois euros le litre ?

Cela signifie que l’habitant du centre de Strasbourg a une chance de pouvoir continuer à bénéficier

d’une mobilité à peu près équivalente. En revanche, l’habitant de la périphérie aura une double

peine : l’augmentation de l’énergie et la diminution de la valeur de son logement. Finalement,

derrière cette question anodine de stabilité de l’organisation urbaine se cache une question

redoutable de crise de péri-urbain. Nous avons vécu depuis vingt ans la crise des banlieues, nous

allons vivre, dans les vingt prochaines années, la crise du péri-urbain.

Martial BELLON, animateur du colloque

C’est une bonne transition par rapport à la question que je voulais poser à Monsieur PEREZ qui est,

je crois, un farouche partisan du retour au centre-ville. En ce sens, vous poursuivez la réflexion

d’Oliver PAUL-DUBOIS-TAINE.

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Marc PEREZ, TTK

Personnellement, j’ai choisi le centre-ville parce que je trouve que l’on y a une meilleure qualité de

vie mais c’est vrai que cela n’est pas possible pour tous les revenus. Le problème est que l’on a

encouragé, volontairement et involontairement, avec tous les systèmes d’aide à l’accession à la

propriété, les classes moyennes et défavorisées à aller se loger dans le péri-urbain. On se pose

aujourd’hui la question de savoir si cela était une bonne chose. Je pense également que nous

avons devant nous une crise grave du péri-urbain : on a fait croire aux gens que c’était la bonne

solution d’avoir un logement peu cher, à vingt minutes en voiture du centre ville. Ces personnes

vont se retrouver avec des problèmes financiers énormes, des logements qui perdent de la valeur

et un coût du transport de plus en plus élevé. D’où les nécessités sociales –les politiques

d’environnement sont avant tout des politiques sociales ; l’environnement se débrouillera tout

seul : le jour où il n’y aura plus d’énergie, nous serons obligés de consommer mois d’énergie, de

polluer moins-. La question est de savoir si l’on se prépare progressivement à revenir en arrière,

sur dix ou vingt ans, à favoriser le retour dans les centres urbains des populations habitant en

périphérie.

Martial BELLON, animateur du colloque

Nous sommes sur une réflexion à horizon 2030, cela a été rappelé au début de ce colloque. Cela

veut-il dire que vous conseillez aux acteurs de réfléchir aux possibilités de faire revenir les gens en

ville, de redensifier la ville ?

Marc PEREZ, TTK

C’est pour cette raison que je souhaitais revenir sur la notion de bénéfice collectif de la mobilité. Le

gain de temps signifie-t-il automatiquement un avantage économique ? Toute la théorie

économique considère que le temps, c’est de l’argent et donc qui gagne du temps, gagne de

l’argent. La facilitation des modes de transports a effectivement encouragé les échanges

économiques. Personnellement, je dirige un bureau d’études allemand sur la France. Sans la SNCF

et ses TGV, sans Air France et ses avions, notre marché serait limité au Bade-Wurtenberg et à

l’Alsace. Grâce aux modes de transports rapides, nous pouvons être présents sur toute la France et

au-delà. Il y a vraiment, pour certains types de mobilités, un bénéfice économique. C’est là où

l’idée de segmentation est importante : toutes les mobilités ne sont pas les mêmes. Il y a un

certain nombre de mobilités pour lesquelles la question de la valeur positive du gain de temps est

complètement à remettre en cause. Lorsque le gain de temps ne favorise pas les échanges mais

conduit à étaler dans l’espace des échanges existants, il y a une dédensification de l’espace et, au

final, le système de transport fonctionne moins bien et l’accessibilité est moins bonne. On se

déplace aujourd’hui moins bien à Los Angeles – qui est la ville qui a poussé le plus la notion de

vitesse automobile- que dans une ville telle que Stuttgart, plus compacte, avec un réseau de

transports collectifs performants. Même en voiture, on se déplace mieux à Stuttgart qu’à Los

Angeles. Une ville compacte avec un bon réseau de transports collectifs est performante pour tous

les modes de transports.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur RIBI, peut-on sortir de ce cercle vicieux du développement de nos villes ? Lorsque nous

avons préparé ces échanges, vous m’avez indiqué qu’en Suisse les choses ont été regardées un

peu autrement.

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Roland RIBI, RRA

Il me semble que dans le domaine de la mobilité, on parle beaucoup des effets et assez peu des

causes. L’étalement urbain est une évidence, mais il n’existe que depuis qu’on lui en a donné les

moyens. Ces moyens sont le dysfonctionnement du foncier et la voiture automobile. La ville du

Moyen-Age vivait à l’intérieur de ses murs. L’habitat et l’artisanat étaient localisés dans un même

espace. Avec l’ère industrielle, est apparue la spécialisation de l’espace et des activités, amenant

les usines à s’installer hors des murs de la ville. Elles sont cependant restées en proximité

immédiate avec la création des faubourgs. Les besoins en déplacements ont certes augmenté mais

ils sont restés des déplacements de proximité. Puis, sont venus les premiers transports collectifs,

les omnibus puis les tramways. Cette mutation industrielle s’est accompagnée d’une mutation

sociale : les agriculteurs sont devenus des ouvriers et se sont installés dans les faubourgs, la

pression sur la ville n’a cessé d’augmenter et le prix du foncier a dans un premier temps augmenté

puis explosé. Le foncier est une des ressources essentielles de l’activité humaine : nous avons

besoin de foncier pour habiter mais également pour produire. Ce sont donc des besoins sociaux

essentiels et la charge foncière grève le prix tant du logement que de la production. Il se pose une

question que je dirais à la fois économique ou éthique voire philosophique : comment justifier que

le foncier, qui est une denrée « inextensible » qui nous a été collectivement offerte à la création,

voit son prix augmenter sans qu’aucune valeur ajoutée n’ait été apportée par son propriétaire ? Le

pire est que la valeur du foncier augmente au profit du propriétaire essentiellement grâce aux

investissements en infrastructures de transports des collectivités publiques. Je m’arrête sur ce

sujet qui constitue une prémisse à ce que je voulais vous dire. Enfin, est venue la voiture

automobile, ce moyen extraordinaire de mobilité, dans un premier temps réservé aux riches puis

se popularisant et engendrant un cercle vicieux : on se loge de plus en plus loin, on y trouve

toujours du foncier à un prix encore abordable, les entreprises elles-mêmes s’installent en

périphéries pour s’étendre d’une part, mais aussi pour réduire l’impact du foncier sur la

productivité, voire pour tirer une plus-value immobilière de leur ancien siège et améliorer leur

trésorerie. S’ajoute à cela le phénomène du desserrement urbain. Si, en 1981, à Shangaï, la

moyenne était de trois mètres carrés de surface brute de plancher par habitant, celle-ci est de

cinquante mètres carrés en Suisse actuellement. Cette croissance de besoin individuel invite

forcément à un desserrement. Ainsi les gens s’installent-ils dans les périphéries qui sont non

desservies, mal desservies, voire non desservables économiquement par des transports collectifs,

mais l’emploi et les services restent dans la partie centrale de l’agglomération ; en conséquence,

les flux d’échange entre les périphéries et le centre augmentent, la qualité de la vie, suite à ces

flux qui sont évidemment essentiellement automobiles, se dégrade en ville. C’est une nouvelle

raison pour qu’une partie de la population aille s’installer en péri-urbain, souvent encore plus loin

car le foncier est moins cher et cette spirale engendre un développement qui est l’étalement urbain

dont on parlait. J’ai beaucoup de peine à imaginer que l’on arrive à gérer ce problème avec la

manière dont on aborde les choses aujourd’hui. Je suis assez pessimiste sur la capacité de notre

société à relever ce défi. Il faudrait essayer de transformer ce cercle vicieux en un cercle vertueux.

Je pense que les SCOT commencent à aller dans ce sens là mais pour qui pratique un peu, du

SCOT aux PLU il y a encore un pas parfois politiquement difficile à effectuer.

Martial BELLON, animateur du colloque

C’est la raison pour laquelle nous avons initié cette réflexion collective. Ne perdons pas espoir.

Monsieur DELEU, vous souhaitiez intervenir ?

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Olivier DELEU, TDIE

Nous croyons beaucoup, au sein de l’Association TDIE, qui est une sorte de centre de ressources

entre les élus, les collectivités publiques et les acteurs du monde des transports, à l’intervention de

la politique et des politiques. Il y a un moment où il faut fixer des règles, où il faut impulser des

choses. Je crois qu’il y a une chose qui est passée un peu inaperçue dans la loi Grenelle I, c’est la

disposition qui fixe à l’Etat -et nous sommes un peu à l’origine de cette réflexion- le devoir dans

l’année à venir de réfléchir à une réforme du code de l’urbanisme pour faire en sorte qu’à terme, et

tout en respectant, évidemment, le principe de libre administration des collectivités territoriales,

lors de la création de nouveaux quartiers, de nouvelles zones d’activités d’une certaine dimension,

les transports collectifs correspondant soient prévus. Ainsi, si l’on crée des quartiers en périphérie

des villes et que l’on se dit que désormais il faudra inclure les transports collectifs, il y aura peut-

être moins d’opérations, d’une part parce que le coût induit par les transports collectifs sera

forcément important. Par ailleurs, cela évitera la création de « no man’s land » dans lesquels la

voiture est maître de la mobilité.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur DUONG, à votre avis, quel rôle doivent jouer les acteurs publics sur la problématique de

l’étalement urbain, parce qu’évidemment les acteurs des transports ne peuvent pas tout régler ?

Philippe DUONG, SAMARCANDE

Dans mon domaine, qui est le transport de marchandises et la logistique, je crois que la

problématique est la même. On ne peut pas comprendre la problématique des transports et les

grands enjeux des transports si l’on ne s’intéresse qu’aux transports, c’est-à-dire qu’aux

infrastructures, aux camions et aux trains. Pour qu’il y ait transport, il faut qu’il y ait origine et

destination et les liens qu’il y a entre origine et destination relèvent de problématiques

économiques –qui relèvent en général des entreprises- et de problématiques de localisation. Je

m’arrêterai, puisque c’est votre question, sur la problématique de localisation. Pourquoi y a-t-il

aujourd’hui un système de transport de marchandises très difficile à comprendre et à mettre en

œuvre, notamment pour les modes alternatifs ? C’est d’abord parce que le transport de

marchandises, pour être efficace, productif, rentable, doit s’appuyer sur la massification et sur les

économies d’échelle. Pour qu’il y ait massification et économie d’échelle, il faut que l’on soit

capable techniquement de concentrer les marchandises. Or, depuis des décennies, en France -et en

Alsace comme ailleurs- on a mené des politiques de localisation des activités économiques et, en

particulier, de localisation des activités économiques qui fabriquent des flux de marchandises, de

façon totalement désordonnée. Comme pour l’étalement urbain, l’implantation des activités

économiques s’est faite au gré des opportunités, sans organisation particulière avec une

concurrence effrénée des collectivités entre elles pour accueillir des entreprises. Cela se traduit par

un mitage du territoire, par des localisations éparses -en Alsace plus qu’ailleurs- d’autant plus que

le territoire est plus dense, plus petit et plus industriel qu’ailleurs. Cela pose le problème des

politiques d’aménagement du territoire, d’accueil et de localisation des entreprises. Nous sommes

effectivement dans une société avec une relative liberté et concurrence entre les collectivités pour

accueillir les entreprises. Si l’on continue dans cette voie-là –je ne suis pas particulièrement pour

des règles draconiennes et autoritaires-, si l’on veut parler de développement durable et de

transfert modal, il faut aussi qu’on réalise qu’il faudra modifier fondamentalement les pratiques de

localisation des entreprises et notamment pour favoriser des transferts modaux. Il est impossible

que le transport ferroviaire et encore plus le transport fluvial puissent trouver des conditions de

massification et d’efficacité, si les entreprises et les collectivités territoriales ne modifient pas les

logiques d’implantation.

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Il est vrai que les territoires ont une histoire, mais il faut changer de braquet et je suis

personnellement partisan –et c’est l’une des conclusions que nous avons mentionnées dans notre

rapport sur la prospective fret 2030- d’une vraie réflexion en terme de plate-formisation des

activités génératrices de flux.

Martial BELLON, animateur du colloque

Je crois que les SCOT ont commencé à intégrer ces éléments.

Philippe DUONG, SAMARCANDE

Pour optimiser le transport, pour le rendre plus vivable, plus durable, il faut intégrer les

problématiques de localisation et d’aménagement du territoire.

Martial BELLON, animateur du colloque

Je vous propose maintenant de parler de coûts. Nous avons évoqué ces différents points avec

Monsieur PRUD’HOMME et Monsieur WOESSNER. Je vais me tourner vers Monsieur BALMER.

Pouvez-vous nous rappeler la genèse, les principes et le fonctionnement de la RPLP, au moment où

une taxe de nature « similaire » doit être mise en œuvre en Alsace ?

Ueli BALMER, Office Fédéral du Développement Territorial, Suisse

Tout ce qui a été dit jusqu’ici, en particulier concernant le transport modal, est juste. Nous avons

évoqué les circonstances et les raisons pour lesquelles la route gagne autant de terrain. Mais nous

n’avons pas encore parlé de la vérité des coûts. Les camions qui circulent causent des coûts qu’ils

ne paient pas. Par exemple, lorsque l’on compare la valeur de maisons situées près d’une route

avec beaucoup de circulation avec celle de maisons de même qualité localisées loin d’un axe

routier, on constate que le prix des dernières est beaucoup plus élevé. Cela est directement lié à la

présence de trafic routier. Il en est de même concernant le trafic ferroviaire. En Suisse, nous avons

voulu favoriser un report modal en faveur du rail. L’une des causes pour lesquelles nous n’avons

pas obtenu les résultats que nous espérions est l’absence d’internalisation des coûts externes. Les

coûts d’infrastructures correspondent à la construction et l’entretien des routes. Les coûts externes

sont ceux qui ne sont pas payés par ceux qui les causent : la pollution de l’air, le bruit, les

accidents génèrent des coûts payés par la collectivité. Nous avons essayé d’évaluer ces coûts

externes selon des règles scientifiques. Il est apparu que certains coûts étaient plus ou moins

équivalents à des coûts d’infrastructures. A partir de là, nous avons inclus les coûts externes dans

la redevance poids lourds liée aux prestations. En conséquence, notre taxe est beaucoup plus

élevée que dans les pays voisins. Aujourd’hui, le report modal vers le rail est de l’ordre de quarante

pour cent, soit beaucoup plus que dans les autres pays européens et à peu près le même qu’aux

Etats-Unis. Quels en ont été les effets ? Nous avons constaté que le transport routier est devenu

beaucoup plus efficace. Il y a moins de transports à vide dans la mesure où la concurrence s’est

développée. Nous avons même constaté que les coûts du transport n’ont pas tellement augmenté.

Il faut être conscient que le coût du transport, comparé au coût des produits n’est pas très élevé,

de l’ordre de un à deux pour cent en Suisse. Dès lors, même lorsque l’on augmente le coût du

transport, cela n’augmente pas tellement le prix du produit. Ainsi, l’augmentation du coût du

transport est supportable par l’économie. D’ailleurs, l’économie suisse a continué à exister même

après la mise en place de la redevance. Il faut également être conscient que la vérité des coûts ne

règle pas tout. Il faut prendre en compte d’autres aspects pour comprendre pourquoi le rail a, en

Europe, une part modale aussi faible.

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Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur DELEU, la question des financements est, pour votre association, un sujet devenu crucial.

Olivier DELEU, TDIE

C’est effectivement l’un des sujets sur lesquels TDIE travaille beaucoup. La question du

financement est devenu un sujet extrêmement central de toute politique de mobilité durable. Pour

au moins deux raisons : d’une part parce que les capacités de financement de l’Etat sont

aujourd’hui faibles –même si l’Etat n’est pas le seul intervenant ni même l’intervenant dominant en

matière de financement des politiques de mobilité durable-. Les collectivités territoriales, qui

aujourd’hui ont un rôle d’impulsion et de financement majeur, connaissent des situations

extrêmement tendues. A force de donner des compétences supplémentaires aux collectivités

territoriales, on leur demande de financer beaucoup plus de choses. Le financement est un vrai

sujet sur lequel nous n’avons pas eu le relais que l’on pouvait peut-être espérer recevoir de la part

de l’Union Européenne. Depuis 1994, l’Union Européenne a voulu lancer une politique de très

grandes infrastructures, essentiellement ce que l’on appelle les RTE-T pour donner une impulsion

plus grande à ces grands corridors de fret et de voyageurs. Néanmoins, peu d’infrastructures des

RTE-T ont vu le jour. De plus, on s’aperçoit aujourd’hui que les priorités de l’Union Européenne

n’ont peut être pas été suffisamment importantes ou nombreuses ou n’étaient peut-être pas les

bonnes. Aujourd’hui, la politique de l’Union Européenne dans le cadre des RTE-T concerne

essentiellement du transfrontalier de métropole à métropole. Or, un certain nombre de régions

moins favorisées, parce qu’elles ne sont pas transfrontalières, n’ont pas droit aux fonds européens,

si ce n’est par le biais du FEDER –mais le FEDER lui-même a connu, pour ce qui est de l’Europe

occidentale des baisses très fortes- alors que l’idée que ces régions pourraient elles aussi être

reliées au reste de l’Europe par des infrastructures puissantes est un vrai sujet de péréquation à

l’échelle européenne. Il n’y a pas eu de la part de l’Union Européenne ce relais puissant que l’on

aurait pu attendre, d’autant plus que la politique des RTE-T représente sept milliards d’euros à

l’échelle des vingt-sept pays de l’Europe, pour la période 2007-2013, ce qui est insuffisant à cette

échelle là. Cela signifie qu’il faut s’appuyer sur des financements internes, ceux des collectivités

territoriales et de l’Etat. La rareté des financements a deux conséquences : d’une part, il n’est plus

possible de se passer d’une authentique planification ; d’autre part, nous sommes dans l’obligation

de rechercher de nouveaux financements faute de financements traditionnels. Concernant la

planification, lorsqu’un département adopte un schéma routier sur vingt ans, cela permet de savoir

où l’on va et, globalement, combien on va dépenser pendant cette période. L’Etat ne fait plus de

planification depuis une vingtaine d’années au moins. La dernière fois que l’on a essayé de réaliser

une planification, c’est-à-dire de fixer des objectifs clairs à une politique de mobilité durable, c’était

lors de la loi Pasqua. Les schémas de services collectifs ont été des fourre-tout. A l’inverse, le

CIADT de 2003 a identifié un nombre restreint de projets à réaliser. Aujourd’hui, très

heureusement, la loi Grenelle I prévoit la réalisation d’un schéma national d’infrastructures de

transports. Il faut espérer que ce schéma national comportera des objectifs politiques, ce que l’on

est en droit d’en attendre. Cela pourrait être, par exemple, de prévoir que les capitales régionales

seront, demain, reliées par de la grande vitesse. Je ne sais pas si cet objectif est bon, mais c’est un

objectif qui pourrait trouver sa place dans un schéma. Sur les aspects financiers, je précise

simplement que la loi Grenelle II ouvre des pistes nouvelles de financement des infrastructures.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Monsieur DELEU. Nous poursuivons sur les aspects coûts avec Monsieur PEREZ.

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Marc PEREZ, TTK

Le problème du report modal est qu’il est peu significatif à court terme mais il peut être important

à long terme. C’est donc un travail de longue haleine. Par ailleurs, plus on attend, plus il sera

coûteux de revenir sur le système de transport organisé autour de la voiture et de reporter les

voyageurs et les marchandises sur les transports collectifs. Mais on constate en France une

dialectique du transport pas cher. Or, d’un côté, il y a une inflation de projets et, de l’autre, des

discours politiques où il faut que le transport soit le moins cher possible. Je pense que ce discours

ne permet pas d’avancer. En réalité, nous avons le choix entre un système de transport tel que

celui que nous connaissons et un système de transport plus ambitieux, plus rapide, plus

confortable, plus écologique qui nécessitera des investissements. Ce qui veut dire qu’il faudra sortir

de la dialectique du transport pas cher et avoir une tarification de la route et des transports

collectifs qui augmente. Les transports collectifs dans le Bade-Wurtenberg sont beaucoup plus

chers qu’en Alsace et pourtant l’usage en est supérieur parce que la qualité en est meilleure. Le

report modal peut donc se faire avec un système plus cher, mais de meilleure qualité. Mais il sera

nécessaire de compenser l’augmentation des coûts des transports par une action publique foncière

qui permette aux familles défavorisées de rester ou de revenir dans les centres des villes, dans les

bourgs qui sont bien desservis par des gares périphériques et arrêter toutes ces politiques d’aide

d’accession à la propriété qui, parallèlement au Grenelle I et au Grenelle II, continuent à engendrer

de l’étalement urbain.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur BALMER, quelles sont les conditions nécessaires pour que le report modal fonctionne.

Ueli BALMER, Office Fédéral du Développement Territorial, Suisse

J’ai déjà évoqué l’internalisation des coûts externes, mais ce n’est pas la seule piste. L’autre

élément important est la fiabilité des modes de transport –et non la vitesse. Le producteur qui

attend des marchandises doit être sûr que ses marchandises arriveront à une certaine heure. Si tel

n’est pas le cas, il perd de l’argent. Cela peut le conduire à recourir à d’autres modes que le rail.

Monsieur PRUD’HOMME a indiqué qu’une des raisons du développement du fret ferroviaire aux

Etats-Unis est que les distances sont plus longues. Or, du Nord au Sud de l’Europe, les distances

sont importantes et pourtant le fret ferroviaire peu développé. Cela tient à la complexité du

système, celle-ci étant liée à la pluralité des opérateurs ferroviaires, à l’impossibilité, pour un

chauffeur de train, de rouler dans un autre pays –contrairement à un conducteur routier- et à la

complexité des conditions de transports.

Martial BELLON, animateur du colloque

Selon vous, les acteurs économiques sont-ils prêts, aujourd’hui, à payer les coûts externes ?

Ueli BALMER, Office Fédéral du Développement Territorial, Suisse

L’exemple de la Suisse montre que la mise en place de la redevance ne cause pas de dommages à

l’économie.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur RIBI, vous êtes surpris qu’en France, l’on en soit encore à faire du ferroutage. Pour

quelles raisons ?

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Roland RIBI

J’ai été effectivement surpris de lire dans la presse que l’autoroute ferroviaire entre Perpignan et le

Nord de la France allait être mise en service. Je finissais mes études quand les premiers camions

de ferroutage traversaient le tunnel du Lötschberg, en Suisse, c’est-à-dire il y a une quarantaine

d’années. Certes il ne s’agissait pas de véhicules Modalohr. Ce sont des wagons sur lesquels les

camions sont alignés avec un wagon dans lequel les conducteurs peuvent dormir et traverser la

Suisse. Désormais, on transporte un camion et son chauffeur sur des distances incroyables. On a

amélioré le produit. Le conteneur existe maintenant depuis pas mal de temps. C’est au fond,

comme un usager humain. C’est une pièce qui a des besoins de déplacements permettant de

massifier –l’équivalent d’un voyageur prenant le train-, et de redistribuer avec d’autres moyens.

Ceci est valable sur la longue comme la courte distance. Prenons l’exemple de l’entreprise Mc

Donald, qui n’est pas une entreprise suisse. Mc Donald, en Suisse, distribue tous ses restaurants

avec des conteneurs frigorifiés qui, depuis le lieu de production, sont venus en train. Il existe en

Suisse, comme ailleurs dans le monde, des systèmes très simples qui permettent à un conducteur

de camions de transférer son conteneur du rail à son camion et inversement, seul et en trois

minutes. En fait, il s’agit de tenir compte des besoins et non de la demande. La demande est une

forme de besoin mais elle n’est pas nécessairement pertinente. Je pense que si l’on travaille avec

les producteurs et les distributeurs, et si l’on examine avec eux des solutions, on risque d’avoir

d’autres réponses que si l’on discute avec des transporteurs routiers. Le problème est qu’il y a,

aujourd’hui, un lobby très fort du camion.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur DUONG, n’avez-vous pas le sentiment que l’on risque de mettre à l’écart un certain

nombre de territoires et, pourquoi pas, l’Alsace, qui n’est pas sur un grand axe de fret comme

peuvent l’être la façade Atlantique ou la vallée du Rhône, par exemple ? Ce risque existe-t-il ?

Philippe DUONG, SAMARCANDE

Ce n’est pas un risque mais déjà une réalité pour un grand nombre de territoires. Pas en Alsace,

pas dans la moitié Est de la France mais c’est déjà quasiment le cas pour la moitié Ouest et le

centre de la France. Le risque est même, au-delà, celui d’un abandon partiel voire total du wagon

isolé. Tous les types de trafic ne sont pas accessibles aux modes massifiés, notamment au fer.

Pour certains trafics, le transfert sur le rail est totalement anti-économique. En revanche, il reste

aujourd’hui, dans la masse des trafics qui ne sont pas sur la voie d’eau ou le fer, des trafics qui,

potentiellement, sont capables, avec les moyens dont nous disposons aujourd’hui, d’être

transportés par un mode alternatif et notamment le fer. J’attends aujourd’hui de voir ce qui est

prévu au titre du nouveau plan ferroviaire. Les projets relatifs aux infrastructures ferroviaires sont

déjà programmés depuis un certain temps –les deux seules nouveautés sont l’autoroute ferroviaire

qui, pour moi, n’est absolument pas une solution et le fret express qui ne concerne cependant

qu’une toute petite partie du fret-. Donc, la grande question est de savoir si l’on va effectivement

abandonner, partiellement ou totalement, le wagon isolé et par quoi il sera remplacé : par rien, par

la route ou par autre chose. Je constate que l’opérateur ferroviaire principal –les autres ne font pas

de wagon isolé- a complètement perdu pied commercialement et d’un point de vue logistique vis-à-

vis de ses clients.

Martial BELLON, animateur du colloque

Les opérateurs ferroviaires de proximité sont-ils une solution ?

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Philippe DUONG, SAMARCANDE

Une des pistes à analyser est de voir si dans les régions, les acteurs du fret, c’est-à-dire les

chargeurs, les transporteurs, y compris les transporteurs routiers sont prêts à s’investir pour

mettre en place des offres alternatives, avec ou sans la SNCF, pour développer des projets locaux

de massification de wagons avec des modèles économiques qui ne sont pas ceux du wagon isolé,

du lotissement de la SNCF, qui est un modèle qui a un siècle. Contrairement à ce qui s’est passé en

matière de transport ferroviaire de voyageurs, dans le domaine du fret, la SNCF n’a absolument

pas fait évoluer son modèle économique qui date du début du XXème siècle. On ne peut plus se

contenter de dire que le fret ferroviaire perd des parts de marché et que la situation est

catastrophique –ce qu’elle est réellement-. J’applique le proverbe qui dit que « qui veut tuer son

chien dit qu’il a la rage ». Dès lors que l’on n’est pas capable de trouver un nouveau modèle, de

rentrer dans la logique logistique des chargeurs, de proposer un nouveau modèle qui se base

notamment sur la mutualisation locale, nous n’y arriverons pas. La mise en place d’opérateurs

ferroviaires de proximité sera-t-elle le fait de la SNCF, d’autres opérateurs ou des acteurs locaux ?

C’est la grande question des opérateurs ferroviaires de proximité. Je sais qu’elle est aussi posée en

Alsace, dans un contexte plus favorable pour le fer que dans d’autres régions car il y a plus de

volumes, plus de fret, un meilleur positionnement. Nous sommes dans un climat paradoxal : alors

que le fret ferroviaire va plus mal que jamais, je n’ai jamais rencontré autant de chargeurs,

d’industriels et de transporteurs routiers qui souhaitent faire du fret ferroviaire. Que faut-il faire ?

L’organisation du fret ferroviaire est très compliquée mais je ne suis pas désespéré. Il faut inventer

un nouveau modèle. Je pense que des solutions existent et qu’il faut que nous les trouvions

ensemble.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur DELEU, croyez-vous aux perspectives du fret ferroviaire ?

Olivier DELEU, TDIE

Tout à fait mais à condition d’avoir des infrastructures pertinentes, une planification à vingt ans,

que l’on sache, concrètement, ce qu’est un réseau dédié au fret –aujourd’hui, nous n’avons pas

véritablement de réseau ferroviaire dédié au fret- et que l’on dispose de services ferroviaires. Il est

important que les services soient performants, à défaut de quoi les chargeurs changent leur mode

de transport, que l’infrastructure soit en bon état, que le matériel soit adapté. Les autoroutes

ferroviaires fonctionnent un peu mieux aujourd’hui mais ne sont pas la solution à tout. Je voudrais

revenir sur le report modal voyageur. Il est évident que l’on y croit mais cela n’est pas une religion.

Si le report modal consiste à mettre des autorails, diesels, quasi vides –je ne parle pas du cas de

l’Alsace où cela fonctionne plutôt mieux que dans d’autres régions- à la place d’un bus à haut

niveau de service par exemple, c’est catastrophique en terme de bilan carbone. Il faut donc que le

report modal soit pensé, que l’on fixe des objectifs clairs qui ne soient pas seulement des objectifs

de CO2 mais qui soient aussi des objectifs de CO2. Il faut avoir une vision claire de ce que l’on veut.

Par ailleurs, le report modal ne fonctionne -et cela est vrai pour les marchandises comme pour les

passagers- que si l’on est dans une logique de chaîne. Lorsque l’on prend une voiture ou un

camion, on peut aller de point à point. Avec le tramway, le métro, le fret ferroviaire ou la péniche,

il faut un pré et un post-acheminement, ce qui impose d’entrer dans une logique de chaîne, de

qualité de service, de bon sens.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur PEREZ, l’ouverture à la concurrence pour les voyageurs doit intervenir en France dans

quelques semaines, ce qui signifie qu’un monopole va tomber. Qu’en pensez-vous ?

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Marc PEREZ, TTK

Juste un mot sur le report modal. Le report modal n’est pas possible en grande quantité car nous

sommes dans une situation résultant de choix qui ont été faits il y a cinquante ans. A Karlsruhe, il

a fallu cinquante ans pour mettre en place un réseau de transports collectifs très performant.

Mettre en place des transports collectifs dans les villes françaises pour favoriser le report modal

prendra cinquante ans. Repenser l’urbanisme en France sera aussi un travail de longue haleine.

Pour répondre à votre question, il y a, en Allemagne, des opérateurs ferroviaires de proximité, des

entrepreneurs ferroviaires qui sont à même de gérer la proximité, tant en ce qui concerne les

marchandises que les voyageurs. Même si l’on décide aujourd’hui d’ouvrir le trafic de voyageurs à

la concurrence, il faudra des années pour que se créent des entrepreneurs ferroviaires. Cela ne

veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, mais il convient de rester réalistes. Ce sont nos enfants qui

vont en récolter les fruits. Je précise, par ailleurs, que l’exploitant du tramway de Karlsruhe fait

aussi du wagon isolé, c’est-à-dire du fret de proximité pour alimenter la gare fret de Karlsruhe car

l’opérateur national n’est pas en mesure de réaliser cela de façon économique.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur RIBI, concernant le report modal de voyageurs, vous avez une explication

complémentaire, plutôt d’ordre culturel.

Roland RIBI, RRA

On considère que les Suisses ont une culture du transport public différente de celle des Français. Je

me suis demandé d’où venait cette différence et, finalement, je pense que plus qu’une culture, les

conditions entre nos deux pays sont un peu différentes. La Suisse est un pays très dense, ce qui

permet de développer plus facilement des transports publics et dispose depuis longtemps d’un

réseau de chemins de fer national ainsi que de multiples compagnies régionales qui irriguent tout

le pays. Par ailleurs, la Suisse a mis en place un système d’abonnement permettant de voyager sur

tous les transports publics. Cela existe depuis très longtemps. Il y a une véritable politique tarifaire

favorable au report modal vers les transports publics. Cela donne des résultats époustouflants.

Martial BELLON, animateur du colloque

Je vais maintenant vous demander, Messieurs, de conclure cette table ronde en nous donnant

quelques pistes pour l’avenir. Monsieur PAUL-DUBOIS-TAINE, nous avons, finalement, peu parlé de

la voiture cet après-midi. Quelles sont les perspectives concernant la voiture ?

Olivier PAUL-DEBOIS-TAINE, Ingénieur Général Honoraire des Ponts et Chaussées

C’est la règle des quatre-vingt/vingt, c’est-à-dire que l’on passe quatre-vingt pour cent du temps à

parler de ce qui occupe vingt pour cent de la mobilité, en France en tous cas. Que peut-on attendre

des progrès techniques de la motorisation et de l’énergie ? Il faut décomposer le problème en trois

leviers d’action. Tout d’abord, quelles sont les énergies primaires dont nous disposerons ?

Aujourd’hui, nous disposons du pétrole. Dans vingt ans, nous disposerons encore du pétrole, mais

cela sera plus tendu. Dans quarante ans, cela est moins sûr. Mais nous disposons également de la

possibilité de fabriquer d’autres carburants liquides, les agro-carburants qui sont déjà capables de

compléter ou remplacer les carburants pétroliers. Nous disposons également de l’électricité, qui

n’est pas une énergie primaire mais un véhicule commun à toute une série d’énergies primaires.

Cela explique –en dehors de l’effet de mode- tout le mouvement qui se produit sur le

développement de la voiture électrique.

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Si on arrive à franchir le seuil de crédibilité –il faudra probablement vingt ou trente ans pour

arriver à ce que le parc de voitures électriques soit autre chose qu’une curiosité technique- on aura

la possibilité d’utiliser un tas d’énergies primaires alternatives. Lesquelles ? Nous n’en savons rien

aujourd’hui parce que nous ne savons pas encore ce qui remplacera le pétrole et les énergies

fossiles pour fabriquer l’électricité demain. Il y a un deuxième facteur : l’amélioration technique de

la chaîne cinétique qui permet de passer du puits à la roue. Lorsque l’on parle du pétrole, la chaîne

est l’énergie à dépenser pour passer du pétrole brut au carburant que nous consommons et, bien

sûr, le rendement thermique du moteur. Quelques comparaisons : lorsque l’on a une chaîne

thermique, l’ordre de grandeur du rendement entre l’énergie primaire dépensée et l’énergie

réellement utilisée pour tracter le véhicule est de l’ordre de vingt à vingt-deux pour cent. C’est un

peu meilleur que le rendement de la machine à vapeur qui était de dix pour cent. Mais la chaîne

électrique n’est pas tellement meilleure, car il y a le rendement de la centrale électrique, qui n’est

pas de cent pour cent, il y a le rendement de la transmission de l’électricité sur le réseau de

distribution et il y a le rendement du moteur électrique qui n’est pas de cent pour cent non plus. In

fine, on arrive à vingt-cinq, vingt-six pour cent. Il y a un gain par rapport au moteur thermique

mais le gain n’est pas considérable. En d’autres termes, si l’on utilise un véhicule électrique avec

de l’électricité fabriquée au charbon, c’est calamiteux et il vaut mieux garder le pétrole. Il ne faut

donc pas raisonner comme si toute la planète était alimentée en électricité par des centrales

thermiques comme en France, c’est une erreur majeure à ne pas faire lorsque l’on pense

développement du véhicule électrique. Le troisième élément dont on ne parle absolument pas est

la masse du véhicule. Lorsqu’une voiture ne roule pas à des vitesses énormes – des vitesses

urbaines, par exemple- l’énergie à dépenser pour tirer le véhicule est strictement proportionnelle à

la masse. En d’autres termes, si vous êtes venu avec un véhicule qui pèse une tonne deux cent

kilos et si vous repartez avec un petit véhicule qui rend le même service et qui pèse six cent kilos,

vous économisez cinquante pour cent d’énergie. Il y a là un gisement que personne n’a exploré.

Martial BELLON, animateur du colloque

Quelques mots en conclusion de cette table ronde, Monsieur BALMER, sur l’environnement, l’effet

de serre, la fragmentation de l’habitat. Comment regardez-vous ces sujets là depuis la Suisse ?

Ueli BALMER, Office Fédéral du Développement Territorial, Suisse

Même en Suisse, la plupart des kilomètres sont parcourus en voiture. Dans ces conditions, ces

problèmes sont aussi importants en Suisse. Il y a je crois deux pistes : la première consiste à

imposer des prescriptions techniques des voitures, ce que nous avons adopté et qui a produit des

effets ; la seconde est l’aménagement du territoire. Il faut être conscient qu’il y a une

interdépendance entre la mobilité et l’aménagement du territoire. A ce titre, la réglementation des

sols par l’Etat est inévitable.

Martial BELLON, animateur du colloque

Nous ne pouvons pas conclure de tels échanges sur les transports sans parler des services.

Quelques mots sur ce point, Monsieur DELEU ?

Olivier DELEU, TDIE

Quarante pour cent des Français vivent en milieu rural, c’est-à-dire un petit peu trop loin des

centre villes pour avoir droit à un métro ou un tramway.

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C’est un vrai sujet. Cela signifie que le report modal, une politique durable d’aménagement du

territoire et de mobilités constituent des services qui vont aussi permettre d’améliorer l’usage de la

voiture. Je crois que la voiture va évoluer et que progressivement elle deviendra plus vertueuse,

plus propre. Il faut aussi mieux utiliser la voiture. Par exemple, si le covoiturage continue à être

organisé comme il l’est aujourd’hui –c’est-à-dire essentiellement par l’initiative privée et cela ne

fonctionne pas trop mal-, il ne décollera pas, y compris et notamment en milieu rural. Cela veut

dire qu’il faut lui donner une visibilité et inciter les élus dans les agglomérations, y compris dans les

communautés de communes en milieu rural à mettre au point des systèmes de mutualisation,

d’auto-partage, de covoiturage, à mettre en place des points de ralliement. Il faut que les élus

prennent des initiatives qui ne sont pas des initiatives coûteuses mais qui permettent de faire en

sorte que le système passe de l’artisanat –et ce terme n’est pas péjoratif- à une forme de visibilité

plus grande. J’ajouterai qu’il faut probablement, pour le covoiturage et l’auto-partage, que l’Etat

définisse des critères, une certification de façon à ce que ces services offrent un minimum de

qualités et de sérieux garantis.

Martial BELLON, animateur du colloque

Monsieur PAUL-DUBOIS-TAINE, y a-t-il encore de nouveaux services à apporter en matière de

mobilité ?

Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE, Ingénieur Général Honoraire des Ponts et Chaussées

Nous n’avons pas exploré toutes les pistes intermédiaires entre le transport collectif classique et la

voiture classique. Or, c’est là que sont les marges de liberté, de création et d’invention qui

permettront d’offrir à nos concitoyens une variété d’accessibilité et de mobilité sans attendre deux

générations de modifications de l’urbanisme ou des infrastructures de transport qui seront de toute

façon nécessaires. Il est possible de combiner trois actions, mais celles-ci doivent être très

parfaitement combinées pour que l’usager accepte d’entrer dans de nouvelles formes de mobilité.

La première chose est de proposer d’autres véhicules, des véhicules moins lourds, moins coûteux

parmi lesquels le vélo. Strasbourg est un bon exemple de ville à vélos mais la part modale du vélo

n’est que de dix pour cent, à comparer à Copenhague qui atteint trente-six pour cent et aux

possibilités de faire du vélo pas cher en utilisant la voirie existante. Par ailleurs, il existe des deux

roues ou des quadricycles à moteurs qui permettent de faire la même chose que le vélo mais avec

des portées un peu plus grandes et également avec peu de dépenses. Dans ces deux cas, la

condition est de sécuriser les parcours. Cela relève des élus. Il n’y a aucun obstacle technique mais

il faut une volonté politique d’inverser les codes, notamment les codes de la route qui donnent

priorité à la voiture alors qu’ils devraient donner priorité au vélo. Deuxièmement, il faut que ces

véhicules soient assortis de services. Si je possède une petite voiture qui me satisfait quatre-vingt

quinze pour cent du temps de l’année et que j’ai besoin d’une voiture un peu plus importante

pendant cinq pour cent du temps, et si je ne trouve pas cette voiture, je n’achèterai pas le petit

véhicule et je garderai ma voiture. Troisième condition, il faut que tout ceci soit relié par un

système performant d’information. Connecter dans nos villes, nos villages, dans nos zones péri-

urbaines, nos grandes cités des nouveaux véhicules, des services et des systèmes d’information,

voilà le challenge qui nous est proposé. C’est difficile, il faudra de la concertation mais c’est

faisable.

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Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Messieurs. Nous avons été longs et nous n’avons, finalement, pas tout dit. Je rappelle que

l’objet de cette réunion était d’éclairer la réflexion que vous allez engager maintenant et qui vous

est proposée par les dix partenaires pour collectivement poser les fondements des politiques

publiques des mobilités en Alsace pour les prochaines années. Peut-être souhaitez-vous

maintenant interpeller nos experts ?

Un participant

Il a été mis l’accent sur la notion de chaîne de transport mais je regrette que l’un des modes de

transport que constitue le transport aérien et les interactions entre les différents modes qui ont été

évoqués et l’aérien n’aient pas du tout été mentionnés.

Un consultant vélo

J’allais presque désespérer mais j’ai été content que vous parliez aussi du vélo. Dans le contexte

du développement durable on a cependant oublié le piéton. La mobilité a été définie, au début de

l’après-midi, comme les déplacements motorisés. Mais la mobilité c’est aussi le choix de prendre le

vélo, le choix de faire de la marche à pied. Si l’on parle de report modal, il faut aussi envisager

l’amélioration des conditions cyclables et de la marche à pied en liaison avec les transports publics.

Il faut donc aussi sécuriser ces modes de transport.

Jacques FERNIQUE, Conseiller Régional

J’ai été intéressé de voir qu’entre les deux temps de cet après-midi, il y a eu, et c’est très bien, des

variations notables de tonalités. J’ai entendu au début que le Grenelle était l’exemple de ce qu’il ne

fallait pas faire. Je pense, et je crois que cela a d’ailleurs été dit, que si certains n’ont pas

conscience de la nécessité de donner une priorité importante à la réduction des émissions de gaz à

effet de serre, de toute façon, l’enjeu énergétique nous amènera vers les mêmes objectifs. Par

ailleurs, nous avons connu en Alsace, du report modal brutal, consistant, significatif avec la mise

en service du TGV Est-Européen. Cela a des conséquences notables sur des infrastructures lourdes.

Autre report modal que nous avons salué : le déplacement pendulaire de personnes par le

ferroviaire à l’échelle régionale. Mais d’ici 2013, nos marges d’augmentation en capacité d’accueil

dans notre parc de matériel roulant sont de dix pour cent, pas plus. Il y a là un réel enjeu de

financement, mais les tendances en cours ne nous permettront pas d’y répondre. On parle,

nationalement, de l’objectif TER fois quatre à l’horizon 2030, je crois –ce qui correspond

simplement à la traduction des deux ou trois pour cent de plus par an que l’on observe

actuellement-. En Alsace si les tendances actuelles, de l’ordre de cinq à huit pour cent par an, se

poursuivent, cela nous amène à des enjeux encore plus importants et cela ne va pas être évident.

Monsieur CHAISE, représentant la société STEELCASE

Je voulais simplement parler d’un point qui a été omis : la mobilité virtuelle. Internet bouleverse

nos sociétés, et notamment l’économie. On peut parler aujourd’hui de mobilité virtuelle. Dans notre

entreprise, par exemple, nous avons des sites éparpillés dans différents pays. Nous réduisons de

plus en plus nos déplacements entre nos sites en faisant des réunions virtuelles avec une présence

virtuelle de nos interlocuteurs, par le son et l’image. Cela permet des économies en carbone, en

coûts et aussi en efficacité qui sont considérables. De la même manière, on parle du télétravail. La

majorité des foyers, aujourd’hui, sont équipés d’internet. Dans de nombreuses situations, on

pourrait travailler aussi depuis son domicile. Je pense que dans cette réflexion sur les mobilités, il

faut aussi prendre en compte la mobilité virtuelle.

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Michel CHALOT, Vice-président de la Commission de l’Aménagement du Territoire et des Transports

de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin, transporteur

Concernant la RPLP, vous avez évoqué l’externalisation des coûts internes –ou de l’internalisation

des coûts externes, cela fonctionne dans les deux sens-. Comment avez-vous déterminé le

montant ? Aujourd’hui, pour un kilomètre en Suisse en quarante tonnes nous payons en péage

RPLP quatre-vingt huit centimes. Comment êtes-vous arrivés à ce montant ? Cela a-t-il été imposé

par le législateur, comme ce doit l’être en France, ou ce montant a-t-il été calculé

économiquement ?

Ueli BALMER, Office Fédéral du Développement Territorial, Suisse

Les deux. Nous avons d’abord dû disposer du fondement législatif dans la constitution et dans la loi

RPLP, puis nous avons calculé les coûts selon les règles scientifiques. Ensuite, nous avons divisé le

montant global des coûts externes que l’on peut attribuer aux camions par les kilomètres-tonnes

parcourus. Nous avons ainsi obtenu un chiffre par kilomètre et par tonne. Pour un quarante tonne,

on multiplie ce chiffre par quarante.

Rémy PRUD’HOMME, économiste

Deux mots sur l’internalisation des coûts externes comme moyen d’engendrer le report modal. Je

suis tout à fait favorable à l’internalisation des coûts externes. Je ne connais pas la situation de la

Suisse, mais j’ai regardé la situation de la France. Dans le cas de la France, le transport routier

paie la totalité de ses coûts, y compris tous les coûts externes. Il n’y a aucun doute là-dessus. En

revanche, le transport ferroviaire paie juste la moitié de ses coûts internes. Ainsi, la vérité des prix

se traduirait en France par le doublement des prix ferroviaires et engendrerait un report modal à

l’envers.

Martial BELLON, animateur du colloque

Je voudrais, Mesdames, Messieurs que nous remercions nos experts qui se sont prêtés au jeu

d’essayer d’être le plus pédagogique possible sur un sujet éminemment complexe. Merci

maintenant à Christophe KIEFFER de synthétiser nos échanges de cet après-midi.

Christophe KIEFFER, Directeur du Conseil Economique et Social d’Alsace

C’est une situation un peu difficile de réaliser une synthèse après avoir entendu autant d’experts.

L’introduction par le Président Jean-Pierre LAVIELLE a donné le contexte d’une démarche de

réflexion et d’écoute qui se veut innovante et a pour objectif de mettre en évidence la pluralité des

enjeux. Nous avons bien compris que le colloque d’aujourd’hui s’intègre dans un process en cours

dont la finalité est la publication d’un Livre Blanc. Monsieur LAVIELLE a rappelé l’intérêt qui pousse

les partenaires à s’intéresser à la question des mobilités et des transports : nous sommes tous

parents, actifs, citoyens, consommateurs et, à ce titre, mobiles. J’ai retenu, et compris je l’espère,

du débat entre Rémy PRUD’HOMME et Raymond WOESSNER la nécessité de penser les transports -

système complexe parce que les transports et les mobilités sont pluriels, au sens propre comme au

sens figuré, et qu’il est particulièrement difficile de prendre du recul dans ce domaine, y compris

d’un point de vue purement intellectuel, dans la mesure où la fonction transport s’insère dans un

ensemble d’activités physiques, économiques, en amont et en aval-. J’ai également retenu que

nous disposons de très peu de données de bonne qualité, qu’il y a une défaillance des systèmes de

mesure.

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En toute hypothèse, le transport n’est que la partie immergée d’un iceberg beaucoup plus

structurant qui s’organise en amont et en aval. Par rapport à cela, un certain nombre de questions

et de fondamentaux ont été posés : la place du citoyen, la question de la démocratie participative,

des compétences des différents acteurs, etc. Ce qui est clair c’est que, sans doute, les transports

sont au centre de l’évolution de la société avec un vrai problème de définition de l’intérêt général,

de nos objectifs et finalement, de notre mode de vie. On est clairement dans une démarche où la

question des modes de vie est prégnante : que voulons-nous, comment fonctionnons-nous ? A ce

titre, la notion de la vitesse est intervenue à plusieurs reprises renvoyant aux problématiques de la

technologie et de l’accélération que le philosophe Paul VIRILLO reprenait sous le terme de

« dromologie », néologisme signifiant discours sur la vitesse. Avec la question de la place du

progrès, de l’articulation du coût/vitesse/équipement, de la périurbanisation, nous sommes

véritablement sur des enjeux de modes vie. Dans le même temps on constate qu’en matière de

transport, la course à la vitesse s’est arrêtée, c’est-à-dire qu’elle s’est déplacée, et cela, c’est

totalement post-moderne, vers le champ de la technologie, des techniques de communication

autres et des TIC. Autre point important du débat, la contribution de la mobilité au développement

économique : amélioration des performances, du transport de personnes et des marchandises, « le

transport met de l’huile dans les rouages », a indiqué l’un des intervenants. Tout ce qui freine la

vitesse a un coût économique. Il n’y a cependant pas de corrélation absolue entre mobilité et

développement économique : les infrastructures de transports sont une condition nécessaire au

développement, c’est une opportunité qui s’offre en tant que tel. Mais il n’est pas certain que cela

suffise. On peut alors s’interroger sur un raisonnement a contrario : peut-il y avoir développement

économique dès lors qu’il n’y a pas d’infrastructures ? A-t-on, en Alsace raté un certain nombre

d’opportunités, sommes-nous en train de les rater ? Autre débat…A partir de là, petit débat sur ce

que signifie la diminution des mobilités d’un point de vue économique : que prend-on en compte en

terme de mobilité ? Nous sommes sur des questions d’efficacité économique mais d’autres

interventions, au cours de l’après-midi, ont expliqué que l’efficacité économique n’était pas

uniquement liée à la mobilité : le télétravail, la réduction des distances entre le domicile et le

travail sont des exemples de solutions qui permettent de réduire la mobilité sans perdre en

efficacité économique. Cette complexité, et c’est la deuxième partie du débat, a pour conséquence

de rendre les politiques de transport difficiles. C’est toute la question de l’arbitrage entre de

nombreux objectifs légitimes et contradictoires en matière d’infrastructures de transport. La

question du courage politique a été posée. On a compris que, du point de vue des intervenants, le

Grenelle de l’Environnement n’a pris en compte que l’objectif de réduction des émissions des

transports alors que les enjeux sont multiples. Troisième sujet : le report modal. Il a été relevé que

l’Alsace est marquée par un vrai succès du report de la voiture vers les TER. En matière de fret, il y

a une actualité criante et le débat technique qui s’en est suivi a montré que cela mériterait sans

doute une ou plusieurs journées de réflexion. Au cours de la table ronde, les échanges ont montré

que l’on a fait le plein de mobilité. Certes les mobilités sont un vecteur de développement

économique, encore plus en situation de mondialisation, mais on est aujourd’hui en quelque sorte

dans une phase post-moderne de la mobilité. Désormais la question est : quelles mobilités

quotidiennes demain ? Finalement, la périurbanisation a fait son œuvre, les formes d’urbanisation

sont en cours d’achèvement et il faut maintenant traiter d’autres questions plus importantes :

celles du coût de l’énergie et des impacts sociaux afférents. Cette problématique se retrouve de

façon tout à fait pertinente dans les analyses du phénomène de périurbanisation : quel signal

donne-t-on aux populations péri-urbaines qui subissent à la fois l’augmentation du coût de

l’énergie et la dévalorisation de leur bien immobilier ? Cela renvoie aux questions d’organisation

des transports, de l’urbanisation, des infrastructures. Sur ce point, il est rappelé que la récente loi

Grenelle de l’Environnement a le mérite d’imposer l’organisation en amont de l’accessibilité des

nouveaux quartiers ou zones d’activités. C’est bien l’une des questions essentielles.

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On pourrait donner quelques exemples en Alsace de zones d’activités économiques ou de secteurs

qui ont été pensés avant la découverte des transports en commun et qui continuent d’ailleurs de se

développer très largement. La question, centrale, du financement des infrastructures de transport

a fait l’objet d’un débat relativement technique sur lequel je ne reviendrai pas : les pouvoirs publics

sont dans une situation tendue et la question de l’appréciation de la réalité des coûts a été posée

lors des échanges sur la détermination des coûts externes. Pour conclure, on a enfin parlé de la

voiture. J’ai compris que finalement, les choses allaient s’améliorer pour la voiture en tant que telle

avec des perspectives de remplacement des énergies fossiles et d’améliorations techniques. La

voiture est somme toute incontournable. Ceci est apparu en conclusion de la table ronde, ce qui a

constitué une bonne illustration de toutes les contradictions du sujet : lorsque la voiture ne sera

plus polluante, ce sera parfait mais nous n’aurons résolu qu’une toute petite part des questions et

en tout cas pas celle de l’engorgement des réseaux. Le covoiturage, dont nous avons parlé, est

cependant une solution et nous disposons de toute une série de pistes intermédiaires entre les

usages classiques de la voiture et des transports publics. Il reste des marges…Finalement, l’après-

midi aura été placé sous le signe de l’incertitude quant à l’avenir. Mais il faut positiver : à partir du

moment où les déplacements ne sont plus source de liberté, c’est dans l’incertitude que nous

trouverons notre liberté.

Martial BELLON, animateur du colloque

Merci Monsieur KIEFFER pour la qualité de cette synthèse. Quelques mots, avant d’inviter le

Président LAVIELLE à conclure cet après-midi, pour vous rappeler d’abord que les dix représentants

des partenaires de la démarche, dont les noms sont projetés11, travaillent ensemble depuis six

mois au sein du Comité Technique de cette démarche à la fois sur le document synthétisant les

données disponibles en matière de mobilités en Alsace et remis aux participants –et je vous incite

vivement à en prendre connaissance car c’est la première fois que ce travail de diagnostic est

réalisé en région- et sur la préparation de ce colloque. Je peux témoigner du travail collectif et de

l’écoute des uns et des autres. Vous l’avez compris, s’il en est terminé pour les intervenants

d’aujourd’hui, cela ne fait que commencer pour vous. Nous allons vous demander un travail très

sérieux dans les deux mois à venir. Je voudrais en dire quelques mots. Je vous rappelle que les dix

partenaires souhaitent produire un Livre Blanc sur les mobilités et les transports en Alsace. Bien

entendu, chacun d’eux va produire une contribution mais, au-delà, il vous est lancé un appel à

contribution, à vous tous, représentant des usagers des transports en Alsace, que vous soyez

représentant d’une commune ou d’une intercommunalité, d’une organisation patronale ou d’un

syndicat professionnel, d’une organisation syndicale de salariés, d’un organisme socio-économique,

d’une institution publique ou parapublique, d’une association de consommateurs ou

d’environnement, d’un laboratoire de recherche, d’une structure de formation scolaires ou

universitaires, etc. Vous avez tous la légitimité pour exprimer vos attentes et la manière dont

doivent, selon vous, être construites les politiques publiques à l’horizon 2030. Nous vous

demandons de vous exprimer en trois parties : votre avis sur le constat, c’est-à-dire sur les

éléments figurant dans le document de synthèse qui vous a été remis, les orientations que vous

estimez souhaitables sur les mobilités et, enfin, vos propositions concrètes sur les transports et les

déplacements. Ces contributions seront reçues jusqu’au 20 novembre 2009. Le second colloque de

cette démarche, qui la clôturera, aura lieu le 17 décembre à Strasbourg, à l’ENA.

11 Le Comité Technique de la démarche est composé de Max MONDON (FNAUT), Luc HUBER (Alsace Nature), Christian SCHOLLY (L’Automobile Club), Annie DURAND (Chambre d’Agriculture du Haut-Rhin), Dominique METREAU (Chambre d’Agriculture du Bas-Rhin), Jean-Pierre DOERFFER (Chambre de Métiers d’Alsace), Jean PERRIN (Chambre de Commerce et d’Industrie Colmar Centre Alsace), Fabrice LEGROS (Chambre de Commerce et d’Industrie Sud Alsace Mulhouse), Tania DESFOSSEZ (Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin), Maryse DEMISSY (Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie Alsace)

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Vous l’avez compris, le 17 décembre ce ne seront plus des experts qui interviendront mais vous,

les acteurs alsaciens dans la mesure où vous aurez, pendant ces deux mois, contribué à cette

réflexion et vous viendrez témoigner à l’occasion de ce colloque du 17 décembre. Ce colloque verra

l’expression des acteurs mais aussi des partenaires de la démarche dans la mesure où, en dehors

de l’introduction et la conclusion du Président LAVIELLE, ils ne se sont pas exprimés sur le fond

aujourd’hui. Le Livre Blanc, qui regroupera les contributions, et que nous espérons volumineux,

sera officiellement remis aux représentants de l’Etat et des collectivités territoriales. Je voudrais

rappeler que le Livre Blanc constitue bien une contribution collective des acteurs du territoire et

non un catalogue de revendications. Je crois que les propos de cet après-midi nous ont bien

montré la direction dans laquelle il s’agissait de travailler. Merci à tous.

Jean-Pierre LAVIELLE, Président de la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie d’Alsace

Je voudrais remercier les intervenants et les participants à ce colloque. Je pense qu’une réunion est

bonne lorsqu’on en sort en ayant l’impression d’être plus intelligent qu’avant. C’est, je crois, le cas

de cette réunion. J’étais, il y a deux jours, à une réunion à Freiburg qui était totalement différente

mais toujours sur les transports et au cours de laquelle nous avons étudié les goulots

d’étranglement à l’échelle du Rhin Supérieur. C’était une réunion très pragmatique. Aujourd’hui il

s’agissait davantage d’une réunion de réflexion. J’espère que, comme moi, chacun d’entre vous

aura appris énormément. A partir du moment où l’on échange des idées, on s’enrichit, et c’est cela

le point positif. N’oubliez pas de nous faire parvenir vos réflexions avant le 20 novembre. Nous

nous retrouverons le 17 décembre à l’ENA où sera présentée la synthèse de ces travaux. Merci

beaucoup pour votre participation à ce colloque. La Chambre de Commerce et d’Industrie de

Colmar Centre Alsace vous invite maintenant à partager le verre de l’amitié.