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Les connaissances et les compétences : le management de l’intangible
Sarhan ABDENNADHER*
Résumé
Dans un contexte mondial caractérisé par la complexité, les économies de la plupart des pays
se trouvent confronter à une concurrence sans équivoque à cause de leur recours, par choix ou
par obligation, à l’ouverture sur les marchés internationaux. Dans ces conditions, les
entreprises sont désormais appelées à miser sur leurs ressources humaines pour pouvoir
préserver leur pérennité et assurer leur croissance. Cette ressource demeure inimitable et
représente le facteur clé de succès stratégique de toute entreprise étant donné que chacune
possède une main-d’œuvre propre à elle, ayant des caractéristiques et des qualités bien
déterminées. Dans ce sens, le capital humain constitué par les connaissances et les
compétences est considéré comme déterminant dans le développement stratégique de
l’entreprise.
Dans cette contribution, nous traitons d’un point de vue théorique, à travers une revue de
littérature ciblée, l’importance des actifs intangibles et le mode de management avec lequel ils
doivent être gérés afin qu’ils puissent contribuer efficacement à la réussite de l’entreprise.
Mots-clés : connaissance, management des connaissances, compétence, management des
compétences.
*Assistant-docteur en Sciences de gestion à l’université de Sfax, Tunisie.
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Les connaissances et les compétences : le management de l’intangible
Résumé
Dans un contexte mondial caractérisé par la complexité, les économies de la plupart des pays
se trouvent confronter à une concurrence sans équivoque à cause de leur recours, par choix ou
par obligation, à l’ouverture sur les marchés internationaux. Dans ces conditions, les
entreprises sont désormais appelées à miser sur leurs ressources humaines pour pouvoir
préserver leur pérennité et assurer leur croissance. Cette ressource demeure inimitable et
représente le facteur clé de succès stratégique de toute entreprise étant donné que chacune
possède une main-d’œuvre propre à elle, ayant des caractéristiques et des qualités bien
déterminées. Dans ce sens, le capital humain constitué par les connaissances et les
compétences est considéré comme déterminant dans le développement stratégique de
l’entreprise.
Dans cette contribution, nous traitons d’un point de vue théorique, à travers une revue de
littérature ciblée, l’importance des actifs intangibles et le mode de management avec lequel ils
doivent être gérés afin qu’ils puissent contribuer efficacement à la réussite de l’entreprise.
Mots-clés : connaissance, management des connaissances, compétence, management des
compétences.
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1. CONNAISSANCE ET COMPÉTENCE : DEUX CONCEPTS INTIMEMENT LIÉS
Dans un contexte de plus en plus mondialisé, la concurrence entre les entreprises ne cesse de
s’exacerber à la fois sur le plan national qu’international. Dans ces conditions, chaque
entreprise doit posséder les compétences nécessaires pour qu’elle puisse exercer ses activités
avec une garantie de succès. Ces compétences sont scindées en deux principaux domaines1:
- La capacité de gestion : comprend toutes les procédures permettant à une entreprise de
travailler et de développer ses activités de manière efficace,
- La gestion des ressources humaines : concerne la gestion de la ressource la plus importante
de l’entreprise.
Dans ce nouveau paradigme de l’économie mondiale désormais fondée sur la connaissance
(Bares, 2011), toute entreprise désirante préserver sa pérennité et assurer sa croissance, se
trouve devant la nécessité de développer ses atouts en misant sur ses ressources, et
principalement ses ressources humaines. À ce propos, Wernerfelt (1984) définit les ressources
d’une firme comme les actifs tangibles et intangibles associés de manière semi permanente à
la firme et qui peuvent être pensés comme une force ou une faiblesse. D’ailleurs, le résultat du
progrès technique, de la globalisation et des mutations politiques et sociales, entraînera des
modifications dans la relation employeur-salarié du point de vue de la motivation, des
compétences et du partage du coût de la formation (Schiopoiu Burlea et Domnisoru, 2005).
Selon De La Fuente et Ciccone (2002), les connaissances et les compétences constituent le
capital humain d’un individu. Ces derniers sont accumulées tout au long de la scolarité, des
diverses formations reçues et des expériences vécues. Edvinsson et Malone (1997) définissent
le capital humain comme la combinaison des connaissances du personnel, de son talent, de
son esprit d’innovation et de ses capacités. De sa part, Bontis (1999) propose une
classification du capital humain en trois catégories :
- Les compétences : talents, savoir-faire, capacités, etc.,
- Les attitudes : motivation, qualités managériales des dirigeants, etc.,
- L’agilité intellectuelle : capacité à innover, entreprendre, faire partager, etc.
2. DÉFINITION DES CONCEPTS
2.1. La connaissance
Dans la littérature d’inspiration schumpéterienne, les connaissances ont été prises en compte,
mais souvent de façon sous-jacente (Corbel et Simoni, 2012). Elles seront ensuite plus
1 http://www.medinnoall.eu/sites/medinnoall.eu/files/Francais_0.pdf
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directement mobilisées pour les situer à l’interface entre les services recherche et les
différentes phases de l’innovation, conceptualisée dans ce cas comme un processus
comprenant de multiples boucles d’interaction (Corbel et Simoni, 2012).
En effet, « innovation » et « connaissances » sont deux termes qui peuvent être associés, et ce,
à cause de l’expression « économie de la connaissance », traitant pleinement de la
problématique de l’innovation, qui est symptomatique de l’association qui est faite entre les
deux termes (Corbel et Simoni, 2012). Habib (2008) affirme que les processus d’innovation
renvoient, avant tout, aux mécanismes complexes d’apprentissage et de production de
connaissances. Ce processus innovant se présente comme un processus de transformation de
connaissances allant de la création à la mise en application de ces connaissances (Drucker,
1993 ; Amidon, 2001 ; Harkema et Browaeys, 2002 ; Du Plessis, 2007 ; Tödtling et al., 2009).
Face aux défis que lui pose l’économie mondialisée, tous les pays qui en ont les moyens
considèrent que « l’avantage concurrentiel des nations » passe par la recherche, entre autres,
par la connaissance (Godet et al., 2010). Mezzourh et Nakara (2008) définissent quatre étapes
qui caractérisent la création de connaissance :
- La socialisation, correspond au maillage de connaissances tacites entre elles, pour obtenir
des connaissances tacites ;
- L’extériorisation qui transforme la connaissance tacite en explicite ;
- La combinaison qui correspond au maillage de connaissances explicites, dans le but de créer
de nouvelles connaissances explicites ;
- L’intériorisation qui intègre la connaissance explicite en connaissance tacite.
Selon Roper et al. (2008), la connaissance peut venir de l’intérieur comme de l’extérieur de
l’entreprise, et qu’il ne faut négliger aucune source de connaissance. Les auteurs définissent
cinq sources différentes de connaissances : R & D interne, relations à la clientèle, relations à
des fournisseurs ou à des consultants, liens horizontaux (concurrents ou joint venture),
relations avec des universités ou des centres de recherche publics.
La connaissance est donc de deux types2:
- La connaissance interne : il s’agit de toutes les informations et les connaissances de
l’entreprise qui sont stockées de manière à ce qu’elles soient consultables par tout travailleur
à tout moment.
2 Ibid.
4
- La connaissance externe : elle fait référence au transfert de connaissances, qui couvre une
typologie large et variée, y compris le transfert des connaissances, le personnel, la
technologie et des projets spécifiques.
En ce qui concerne la connaissance interne, il serait intéressant de distinguer entre
« information » et « connaissance ». Dosi (1988), en s’intéressant aux processus de création et
de diffusion des savoirs, propose de réserver à l’information les caractéristiques des flux de
messages et aux connaissances la condition d’une production subjective de la part de l’agent.
2.2. La compétence
Selon Beyou (2006), la compétence est la capacité à résoudre un problème dans un contexte
professionnel donné, de façon à répondre aux exigences de l’organisation. Elle se présente
comme une forme d’intelligence de l’action qui permet de faire front, en temps réel, à des
situations productives complexes (Billet, 2005). De sa part, Cabin (1999) définit les
dimensions de la compétence de la façon suivante :
- Elle est latente et ne s’exerce que dans une situation donnée ;
- Elle n’est pas un état ou une connaissance possédée, mais un processus dynamique. Ainsi la
compétence désignera tout autant la capacité à réagir à un imprévu, à improviser qu’un
ensemble figé ;
- Ce processus dynamique et situé résulte de l’interaction entre plusieurs types de savoirs : des
connaissances et des savoir-faire, mais aussi des savoir-être, des fonctionnements cognitifs.
Pour Sveiby (2000), la compétence dépend de l’environnement dans lequel elle se trouve, et
elle est constituée des éléments suivants:
- La connaissance explicite : elle suppose la connaissance de fait. Elle est essentiellement
acquise par l’information (généralement dans le cadre d’une formation particulière) ;
- L’aptitude : c’est le savoir faire. Elle est acquise par la formation et la pratique, et suppose
une capacité effective (physique et intellectuelle) ;
- L’expérience : acquise par une réflexion sur les erreurs et les réussites passées ;
- Les jugements de valeur : ce sont des perceptions qui agissent comme des filtres (conscients
et inconscients) dans l’apprentissage de chaque personne ;
- Le réseau social : constitué des relations de l’individu avec d’autres dans un environnement
et une culture transmise par tradition.
Pour De Terssac (1996), la compétence est considérée comme une notion intermédiaire qui
permet de penser les relations entre le travail et les savoirs détenus par les individus. Dans
cette même lancée, Pesqueux (2005) distingue entre trois niveaux de compétences :
5
- Le niveau élémentaire des compétences spécialisées (savoirs spécialisés, savoir-faire
individuels, connaissances individuelles etc.),
- Le niveau intermédiaire des compétences fonctionnelles (R & D, production etc.),
- Le niveau supérieur des compétences inter-fonctionnelles (développement de produits et de
services, service aux clients et usagers, gestion de la qualité, etc.) et des compétences
générales d’ordre stratégique (processus de coordination, processus de décision, structures
d’incitations, gestions de la performance etc.).
Sanchez et al. (1996), de leur part, définissent la compétence comme étant la capacité à
soutenir le développement coordonné de ressources afin d’aider la firme à atteindre ses
objectifs. Certes, la compétence est individuelle, mais la performance économique est
collective (Billet, 2005). À ce propos, De La Fuente et Ciccone (2002) distinguent trois
composantes essentielles de compétences :
- Les compétences générales (alphabétisation, calcul de base, capacités d’apprentissage, etc.),
- Les compétences spécifiques liées aux technologies ou aux processus de production
(programmation informatique, entretien et réparation des pièces mécaniques, etc.),
- Les compétences techniques et scientifiques (maîtrise de masses organisées de
connaissances et de techniques analytiques spécifiques).
3. LE MANAGEMENT DES COMPÉTENCES ET DES CONNAISSANCES
3.1. Le management des compétences
Désormais, dans ce contexte chaotique et imprévisible, la performance de l’entreprise dépend
de son potentiel de création et de genèse des compétences distinctives permettant de
diversifier son portefeuille de projets, d’accéder à de nouveaux marchés et d’en définir les
règles de jeu concurrentiel (Gannouni, 2005). Ainsi, la performance peut être la résultante
d’un ensemble de facteurs dont le plus récurant est la motivation associée à la compétence des
personnes (Laalai, 2005).
En effet, les entreprises qui désirent progresser doivent suivre le développement des
compétences des ressources humaines, parce que la mobilisation et la valorisation de leur
potentiel nécessitent des méthodes applicables qui se caractérisent par les éléments suivants
(Schiopoiu Burlea et Domnisoru, 2005) :
- Souplesse : à mesure que les procédures et les formalités en vigueur sont perçues comme
étant utiles et nécessaires pour la réalisation de l’activité et comme encourageantes pour le
développement des idées et des nouveaux objectifs des salariés.
6
- Responsabilité : dans quelle mesure les salariés se sentent suffisamment libres pour prendre
les décisions qui regardent leur activité ? Et comment peut-on les encourager à en assumer
les risques ?
- Standardisation des résultats : dans quelle mesure les critères de performance et les objectifs
fixés par les managers peuvent-ils être élevés et ambitieux de façon à stimuler et améliorer
les performances des salariés ?
- Implication : dans quelle mesure les salariés sont-ils prêts à fournir un effort supplémentaire
pour l’entreprise quand la concurrence devient de plus en plus forte ?
Si l’on regarde certains discours sur la compétence, on peut constater que la gestion des
compétences en tant que modèle intégrateur permet aux individus confiance, appartenance et
coopération (Boyer et al., 2005). Selon Dejoux (2008), les thèmes prioritaires pour
l’organisation en matière de gestion des compétences sont les suivants :
- Mieux gérer les compétences clefs,
- Améliorer la mobilité professionnelle,
- Anticiper les nouvelles organisations du travail,
- Améliorer les expertises spécifiques des métiers,
- Anticiper les nouvelles organisations du travail,
- Améliorer le transfert de compétences.
Pour Thévenet et al. (2012), la recherche de talents correspond, entre autres, à la recherche de
compétences qui sont déterminantes pour la réussite de l’entreprise, et qui nécessitent une
gestion spécifique. La notion de compétence renvoie au savoir-faire et au savoir-agir tandis
que la notion de talent renvoie au savoir faire mieux que les autres (Plane, 2003). Darvorgne
(2002) stipule que ces personnes clés se caractérisent non seulement par une maitrise des
activités qui leur sont confiées, mais par leur implication permanente dans la création de
valeur.
Dans la littérature s’intéressant au management des compétences, on distingue les théories
suivantes :
La théorie du management par les ressources
Elle est apparue en management stratégique à la suite des travaux de Pfeffer et Salancik
(1978). Selon la théorie du management par les ressources (Resource-Based View), les
entreprises qui investissent dans le développement des ressources humaines créent des
compétences en adéquation avec l’environnement de l’entreprise. Le modèle des compétences
fondamentales de cette théorie accorde une place centrale à des notions telles que le savoir
organisationnel, l’apprentissage organisationnel et donc la production et la gestion des savoirs
7
(Pesqueux, 2005). Dans le cadre de cette théorie, Sainty (2001) souligne que les compétences
sont vues en tant que processus de management et éléments organisationnels construits autour
de la connaissance et des savoir-faire individuels. Les compétences apparaissent comme le
stade ultime d’une chaîne qui part des données produisant les informations qui produisent les
connaissances qui produisent les compétences, données, informations et connaissances
constituant, à ce titre, des ressources particulières mises en œuvre au sein d’une organisation
apprenante (Pesqueux, 2005). Ainsi, la notion de connaissance est considérée comme une des
composantes de la compétence, et par la suite la gestion des compétences regroupe un
ensemble de méthodes dont l’apparition précède celle de la question du management de la
connaissance (Pesqueux, 2005).
La théorie du management par le cœur de compétence
Cette théorie a été proposée par Prahalad et Hamel (1990). Un cœur de compétence (core
competencies) doit se construire à travers un processus d’apprentissage et d’amélioration
continue (Pedon et Schmidt, 2003). Selon cette théorie, l’objectif est de refonder l’entreprise
en trouvant les racines de son avantage compétitif ancrées dans ses cœurs de compétence
(Prahalad et Hamel, 1990) ; c’est-à-dire dans ses cœurs de métier et dans ses activités de base
(Paulré, 2000).
La théorie des capacités dynamiques
Pour ce qui concerne la théorie des capacités dynamiques, Sainty (2001) souligne qu’elle
cherche à mettre en lumière d’autres formes de compétences qui relèvent plus d’une
méthodologie pour mettre en adéquation l’ensemble des ressources et compétences avec le
contexte, et arriver, par des intentions, des stratégies de mouvements, à faire que les capacités
organisationnelles soient pertinentes par rapport à son environnement. Arrègle (1996)
distingue quatre catégories de capacités dynamiques :
- L’apprentissage permettant de créer des compétences stratégiques (distinctives) à partir de
l’expérience organisationnelle,
- L’innovation qui utilise les compétences stratégiques actuelles pour en créer de nouvelles
par combinaison avec celles-ci,
- L’identification des aptitudes (en constante évolution),
- La préservation des compétences stratégiques.
3.2. Le management des connaissances
Dans le but d’accroître sa performance globale, l’entreprise a intérêt à accorder une place de
plus en plus prépondérante au management des connaissances qui, tout en développant les
8
compétences collectives, veille à préserver les savoirs et les savoir-faire. Dans cette
perspective, Kogut et Zander (1996) proposent qu’une firme peut être comprise comme une
communauté sociale spécialisée dans la création et le transfert rapide et efficace de la
connaissance. Le management des connaissances, afin de permettre un développement
adéquat des compétences individuelles et une meilleure amélioration du climat de travail,
nécessite un effort continu d’apprentissage des outils mis en place et un bon plan de
motivation du capital humain. Certes, ce management des connaissances varie d’une
entreprise à une autre étant donné qu’elles n’ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes pratiques
(Juillet, 2006). D’ailleurs, malgré une reconnaissance certaine dans les théories et en pratique,
le management des connaissances ne dispose toujours pas de définition consensuelle pour le
qualifier (Goria, 2006).
Selon Prax (2003), le management des connaissances cherche à concevoir les moyens pour
identifier, analyser, organiser, mémoriser ou partager les connaissances en tentant d’inciter
tous ceux qui disposent de savoirs et de savoir-faire à les communiquer et à les combiner pour
créer de la valeur. Cette gestion des connaissances peut se présenter comme un ensemble de
moyens et de méthodes destinés à mieux utiliser les savoirs et les connaissances
potentiellement accessibles à une organisation dans l’objectif d’améliorer ses capacités de
mémorisation, d’apprentissage, de collaboration et d’innovation à travers une meilleure
gestion de ses actifs intellectuels et informationnels (Goria, 2006).
Buck (1999), en militant pour un bon management des connaissances individuelles et
collectives, fait le lien entre connaissances et compétences, et ce, afin d’assurer la pérennité
des compétences dans l’entreprise. En effet, le management des connaissances permet à
l’entreprise de mieux percevoir ses éléments de connaissances et les considérer comme une
nouvelle capacité méritant d’être intégrée à son développement.
Selon Fahey et Prusak (1998), les péchés du management des connaissances sont :
- Ne pas avoir une compréhension claire et partagée du concept de connaissance,
- Mettre l’emphase sur les stocks de savoirs au détriment des flux,
- Considérer les connaissances comme un objet gérable indépendamment des acteurs,
- Ne pas réaliser que le premier objectif du knowledge management est de créer un sens
partagé de l’environnement de travail,
- Ne pas accorder d’attention à la dimension tacite de la connaissance,
- Instaurer une différence entre les créateurs de connaissance et les gens d’action,
- Brider le raisonnement et la pensée,
- Se focaliser sur le passé et le présent et non le futur,
9
- Ne pas reconnaître l’importance de l’expérimentation,
- Substituer l’interface technologique au contact humain,
- Chercher immédiatement à mesurer la connaissance.
Certes, le management des connaissances est une activité qui permet aux organisations d’être
innovantes, performantes et plus compétitives, par la surveillance d’une part de
l’environnement externe afin de décrypter les signaux faibles de l’environnement pour aller
plus vite que ses concurrents, et d’autre part par le suivi et la surveillance des changements
internes qu’elles doivent opérer pour s’adapter, évoluer et innover (Baaziz, 2012).
En effet, en matière de management des connaissances et selon la littérature, nous pouvons
distinguer les théories suivantes :
La théorie du management par les connaissances
En se basant sur la théorie du management par les connaissances (knowledge-based view),
Grant (1996) souligne l’importance d’intégrer « organisationnellement » les connaissances
dans la mesure où il met en exergue les intérêts des processus favorisant la diffusion et
l’intégration des connaissances entre les acteurs de l’organisation. Cette théorie se fixe
comme objectif l’apprentissage organisationnel pour mieux transformer des connaissances en
compétences et réduire des phénomènes liés à l’opportunisme et aux limites cognitives des
acteurs engagés dans une situation de gestion (Sainty, 2001). Elle stipule que les
connaissances stratégiques d’une entreprise sont celles qui lui permettent un avantage
compétitif durable. En effet, une entreprise qui obtient un avantage compétitif durable est
celle qui a su gérer de façon optimale des connaissances dites stratégiques (Kogut et Zander,
1992), est alors considérée comme performante. Mais il faut tout de même reconnaître que le
caractère stratégique des connaissances est difficile à reconnaître puisque les critères
définissant ce caractère sont trop abstraits et généraux pour être opérationnalisés et donc mis
en œuvre dans les organisations afin d’identifier les connaissances à gérer (Metais, 2002).
La théorie de création de connaissances organisationnelles
La théorie de création de connaissances organisationnelles (organizational knowledge
creation) a été proposée par Nonaka (1994). Dans cette théorie, l’entreprise est vue comme
une entité créatrice de connaissances (Nonaka et Takeuchi, 1995).
4. LES COMPÉTENCES COLLECTIVES ET LES CONNAISSANCES
ORGANISATIONNELLES
Selon Tarondeau (2002), les actifs intangibles traduisent des concepts comme les capacités,
connaissances et compétences. En ce sens, ces actifs constituent plutôt une compétence
10
qu’une ressource. Hamel et Prahalad (1990) distinguent une compétence d’une ressource par
le fait que les compétences ne se dégradent pas par l’usage, mais croissent par apprentissage.
La compétence n’est pas donc constante, elle est susceptible d’évoluer grâce aux échanges qui
peuvent s’effectuer dans le cadre de relations professionnelles. Elle est déterminée par : le
type d’organisation du travail, les moyens mis en place, les normes, la culture
organisationnelle, etc., et bien évidemment par la personne elle-même (ses attitudes, sa
potentiel d’évolution, ses caractéristiques, etc.). D’une façon générale, la production de
compétence peut s’effectuer par l’intermédiaire d’une formation, à laquelle s’ajoutent
l’expérience des situations de travail et la validation par le contexte réel au travers des
dispositifs nécessaires mis en place (Thierry, 1995).
En effet, les actifs intangibles regroupent les compétences individuelles et collectives des
acteurs, c’est-à-dire leurs capacités à développer et à mobiliser l’ensemble des ressources de
l’entreprise et de son réseau (Grant, 1991 ; Teece et al., 1997) à travers des routines
organisationnelles qui traduisent elles-mêmes l’accumulation de connaissances. Pour Prax
(2000), la compétence est un ensemble de connaissances, de capacités d’action et de
comportements structurés en fonction d’un but et dans un type de situation donnée. Rahouti
(2007) rejoint Prax (2000) et considère que la compétence ne peut se réaliser que dans
l’action. Pour lui, elle se présente comme la capacité des personnes à mettre en œuvre les
savoirs et les savoir-faire constitutifs des connaissances de l’entreprise dans des conditions de
travail données (le poste de travail, un rôle déterminé, une mission spécifique, etc.).
Durand (2001), quant à lui, distingue trois dimensions de la compétence :
- La construction et le déploiement au sein de l’organisation d’une stratégie ;
- L’organisation, dans ses deux dimensions que sont la structure organisationnelle et les
processus ;
- La mobilisation, c’est-à-dire la capacité à doter l’ensemble des ressources humaines d’une
volonté commune d’avancer dans le même sens.
Ainsi, la compétence présente toujours une dimension collective car elle possède une
dimension socioculturelle intrinsèque (Le Boterf, 1994). Elle est donc par essence collective,
elle est le fruit de connaissances actionnées, confrontées et combinées. La connaissance
demeure le produit d’acteurs situés et d’une intersubjectivité collective dynamique
(Granovetter, 1992 ; Tsoukas, 1996). Cela implique que l’organisation favorise les
interactions sociales et la mise en commun des connaissances. De Terssac (1996), en
définissant la compétence comme une notion intermédiaire qui permet de penser les relations
11
entre le travail et les savoirs détenus par les individus, avance qu’elle reposerait plus
spécifiquement sur trois idées :
- Celle de la caractérisation de toutes les qualités, les croyances, les motivations, les cultures,
etc. ;
- Celle de l’importance de l’organisation des savoirs ;
- Celle du déclassement des critères de l’évaluation professionnelle des personnes.
Selon Durant (1999), les compétences relèvent de trois dimensions que sont la connaissance
(le savoir), la pratique (le savoir-faire) et le comportement (savoir-être). Il avance que ce sont
ces deux dernières dimensions qui recouvrent les compétences les plus aisées à appréhender
en particulier pour ce qui concerne les processus organisationnels et les aspects liés à la
culture de l’entreprise.
Guilhon et Trepo (2000) reviennent à l’idée d’action collective qui crée des compétences
collectives à travers la mobilisation de connaissances. Une compétence est en effet moins
ferme, plus fluide qu’un savoir qui se réfère à un état de l’art, c’est-à-dire à un ensemble
d’éléments objectifs qui permette de se reconnaître dans l’univers des connaissances et aussi
de qualifier les éléments d’un métier (Pesqueux, 2005). La compétence est donc définie
comme un ensemble de connaissances engagé dans un processus de production, agissant dans
une organisation, elle est composée des produits de l’interaction des individus de même
métier ou de métiers différents (Guilhon et Trepo, 2000). Il en résulte que la compétence
collective constitue donc à la fois le contexte et le résultat d’un processus continu
d’apprentissage organisationnel. Elle apparait ainsi non seulement comme l’objet de
l’apprentissage, mais aussi et surtout comme un acteur principal dans le processus. Dans ce
sens, la perspective stratégique de la compétence offre une représentation de l’organisation
venant mettre en avant l’aspect collectif de l’organisation sur la base de la référence à des
compétences internes dans le but de changer les règles du jeu concurrentiel dans le sens de
l’obtention d’un monopole provisoire que l’on espère le plus durable possible (Pesqueux,
2005). Ainsi, la compétence collective constitue l’accumulation et la transformation des
connaissances à travers un système de gestion potentiellement productif de nouvelles
compétences stratégiquement bénéfiques pour l’entreprise par un processus d’apprentissage
organisationnel. De ce fait, le plan de développement des compétences doit permettre la
consolidation des capacités individuelles et la satisfaction des exigences stratégiques de
l’entreprise (Schiopoiu Burlea et Domnisoru, 2005).
Si les entreprises existent et si donc les hiérarchies semblent l’emporter si souvent sur le
marché, c’est qu’elles ont cette capacité unique de se doter de routines, de connaissances et de
12
savoir-faire accumulés, en un mot de compétences, que les rendent plus performantes que
d’autres dispositifs, et en particulier plus performantes que le marché (Durand, 1999). La
performance est alors le résultat de ce système de ressources, idiosyncrasique et inimitable, et
dépend de la capacité de chaque firme à développer et combiner ses ressources afin de
construire et d’exploiter des compétences (Sanchez et al., 1996). En effet, la gestion des
compétences devrait fatalement conduire à une amélioration de la performance soulignant
ainsi le rôle du management dans l’engagement des salariés dans leurs tâches (Pesqueux,
2005).
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