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Cycle être juif au XXIe siècleComment peut-on êtreun juif laïque B.Ebenstein 4

Monde - ÉconomieGéostratégie des États-Unis M.Muller 3Sommes-nous sur la bonne voie ? J.Lewkowicz5

Histoire / MémoireUn répit pour les rougesII. 1 942-1947 L.Laufer 6Le juge Falcoà Nuremberg M.Delranc-Gaudric 5Roumanie. . . Judéocidedes années 1941 -1944 F.Mathieu 8

BrèvesLa bombe H (page 3) -Antisémitisme (page 4)...

Billets d'humeurL'insulte -Aurore, l'Europe et la souveraineté fran-çaise J.Franck 2Du bon usage du paravent H.Levart 3

LittératureLes traces d'Égypte S.Braibant 6Patrick Modiano dans l'ombrede Franz Kafka G-G.Lemaire 6

CultureModigliani - Soutine J-P.Jouffroy 7Cinéma Rengaine - Renoir LL 7

MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide

La PNMaborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. La PNMse prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

ISSN : 0757-2395Le N° 5,50 €

PNM n° 301 – Décembre 2012 – 31e année

De la place Yasser Arafat à Ramallah auxruelles de ruines de la bande de Gaza, la

foule palestinienne asavouré dans la liesse etl’unité, jeudi 29 no-vembre, l’accession dela Palestine au rang d’« État non-membre »des Nations unies.Par 138 voix pour, neufvoix contre et quaranteet une abstentions,l’Assemblée généraledes Nations Unies a massivement soutenu ladémarche palestinienne, en dépit des pressionsaméricaines et des bombardements israéliens,une semaine plus tôt, contre la population dupetit territoire de Gaza assiégé.La démarche procède d’un constat : la négocia-tion devait conduire, en cinq ans au plus*, à lacoexistence entre deux États indépendants, Is-raël et Palestine, sur la base du droit internatio-nal dont il s’agissait de négocier les modalitésd’application. Mais, les dirigeants israéliensl’ont répété de la tribune de l’ONU à celle du

Etat palestinien, étape historiqueIsabelle Avran

congrès américain : ni État palestinien dans lesfrontières de 1967, ni partage de Jérusalem

pourtant destinée à de-venir capitale des deuxÉtats, ni reconnaissancedes droits des réfugiés,mais annexion des «grands blocs de colo-nies ».En intensifiant les faitsaccomplis, unilatéraux,de la colonisation, illé-gale. Et de la déposses-

sion. Dans un tel contexte, reprendre desnégociations directes ne revenait qu’à soumettrel’édification de l’État palestinien au bon vouloirde la puissance occupante, qui en prohibe l’avè-nement…La France, à l’ONU, a finalement voté pour...Une victoire du bon sens comme de la mobilisa-tion citoyenne, laquelle revendique dans lemême mouvement la fin de l’impunité israé-lienne, obstacle à la paix.Succès historique, donc, en ce jour anniversairedu plan de partage de la Palestine.

D’autant que le texte adopté stipule une admis-sion de l’État de Palestine, encore « non-membre », « sans préjudice des droits acquis,privilèges et rôle de l’OLP à l’ONUen tant quereprésentante du peuple palestinien », et luipermet de poursuivre Israël devant la Cour Pé-nale Internationale.Pour autant, ce succès ne demeure encorequ’une étape, tant que le peuple palestinien nejouit pas pleinement de son droit à l’autodé-termination, et que persistent l’occupation etl’exil forcé.Le 30 novembre, Tel-Aviv a de nouveau auto-risé, par dépit et défi, la construction de troismille nouveaux logements dans les colonies.Dans l’intérêt des deux peuples, palestinien etisraélien, de la paix, la mobilisation est donc ap-pelée à s’intensifier pour que le droit l’emportepleinement sur la loi du plus fort. ■

30 novembre 2012

* NDLR Date théorique : septembre 1998 (après les accordsd'Oslo) devenue en pratique mai 1999 (après la première miseen application des accords d'Oslo, qui n'a débuté qu'aprèsl'assassinat par un colon de plusieurs fidèles à la mosquéed'Hebron en 1994).

28 NOVEMBRE 2012Poignée de mainhistoriqueentre lesecrétairegénéral del'ONU,Ban Ki MoonetMahmoudAbbas,présidentdel'ÉtatdePalestine

©APUN

71 e anniversaire des fusillades du 15 décembre 1941 (à lire en page 2)

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2 PNM n° 301 – Décembre 2012

Cérémonies du 71 e anniversaire des fusillades du 15 décembre 1941de Caen, Chateaubriant, Fontevraud, Mont Valérien et d'hommage aux fusillés et massacrés de Villejuif

vous invitent aux

PARRAINAGE(1 0 € po u r 3 mo i s )

J ' OFFRE UN ABONNEMENT À :Nom et Prénom .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Téléphone .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Courriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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1 934-1 993 : quotidienne en yiddish, Naïe Presse(clandestine de 1 940 à 1 944)

1 965-1 982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1 982 : mensuelle en français, PNM

éditées par l'U. J.R.EN° de commission paritaire 061 4 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZ

Rédacteur en chefRoland Wlos

Conseil de rédactionClaudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,

Nicole MokobodzkiAdministration - Abonnements

Secrétaire de rédactionTauba-Raymonde Alman

Rédaction – Administration1 4, rue de Paradis7501 0 PARIS

Tel : 01 47 70 62 1 6Fax : 01 45 23 00 96

Courriel : luj [email protected] : http: //uj re.monsite. orange.fr

(bulletin d'abonnement téléchargeable)Tarif d'abonnement :

France et Union Européenne :6 mois 28 euros1 an 55 eurosEtranger (hors U.E. ) 70 euros

IMPRIMERIE DE CHABROLPARISL

aPresse

Nouvelle

Magazine

–ISSN

:0757-2395

#UnBonJuif etc.

On se souvient des propos vio-lemment antisémites apparus

sur TWITTER*, induits par le hash-tag #Un bon juif c’est. . . . En saqualité de Garde des sceaux,Christiane Taubira a rappelé queces messages sont punis par la loi.L'UEJF et le MRAP avaient immé-diatement réagi. Qu'ils en soientremerciés. En raison de l’ampleurdes protestations suscitées par cesmessages et au terme de négocia-tions avec l’UEJF, TWITTER a retirédes messages antisémites.

Se garder de baisser la garde. . .

* Se référer au communiqué de l’UJREdu 18 octobre 2012 publié dans la PNMn° 300.

Précision

Le 15 octobre 1997

Szyfra Mokobodzkinous a quittés

Pour ses enfants, sa famille,ses proches, ses amis,

son souvenir reste toujours vivant.

Aurore Martin est citoyenne française. Elle est membred'une association autorisée en France (Batasuna).

Elle n'a commis aucun délit, aucun crime.Cette association milite pour l'indépendance des Basques.Elle est illégale en Espagne. A la demande du gouverne-ment de Monsieur Rajoy, la police et la justice de notrepays ont arrêté Aurore Martin et l'ont livrée à une puis-sance étrangère. Elle risque douze ans de prison.En principe, la France n'extrade pas ses citoyens. Mais ceprincipe, comme d'autres, est bafoué par les réglementa-

Aurore, l'Europe et la souveraineté française

L'insulte

Monsieur Netanyahou est en visite officielle enFrance flanqué du Président de la République. Il

profite de l'hommage aux victimes de Mohamed Merahpour endosser sa tenue de sergent recruteur. Il appelle "lacommunauté israélite de France à s'installer en Israël. "Dans la fougue de sa campagne électorale, il insulte lepays qui le reçoit en tentant de débaucher une partie de sapopulation.

Il y a mieux. La représentante du Crif enMidi-Pyrénées, Madame Yardeni, légitimecette grossièreté d'État. Elle trouve normalecette ingérence, Monsieur Netanyahou ayant pour mis-sion de réunir les Juifs en Israël.Que diraient Monsieur N. et Madame Y. si un olibrius in-vesti de hautes fonctions s'adressait aux citoyens de Tel-Aviv en les sommant de quitter un État qu'il qualifieraitde belliciste et théocratique ? ■ 1 er novembre 201 2

par Jacques Franck

Billets d'humeurRaphaël Feigelson, son père,

Patrick Feigelson, son frère,Mila Feigelson, sa belle-sœur,

Les familles Goutaine, Majerowicz,Minkowski, Milgram et Neuhof

ont la grande douleurde vous faire part du décès de

Laurence A. Feigelsonsurvenu le 1 er octobre 2012,

à l'âge de 59 ans, à la suite d’unelongue bataille contre le cancer.

Les obsèques ont eu lieu le3 octobre 2012 au cimetière

parisien de Bagneux

Famille Feigelson

Vie des associations

Recherche Économe*

Le Club Laïque de l'Enfance Juive(CLEJ) recherche, pour sa colo-

nie de vacances de Corvol l'Or-gueilleux dans la Nièvre, un ou uneéconome pour les séjours deprintemps et juillet 2013. Vous pensezavoir le profil ? Annick Inspektor([email protected]) vousfournira la définition de poste ettoutes précisions utiles.

* L'économe gère les équipes de service,l’alimentation, l’hygiène, la lingerie et leménage des colonies de vacances dePâques et de Juillet. L’équipe de servicecomprend, selon la colonie, de 5 à 8 per-sonnes recrutées localement. Les repassont servis pour 60 personnes à Pâqueset 120 en juillet.

Nous avons la tristessed'apprendre la disparition

le 27 novembre

d' Éric Israelewiczdirecteur du journal Le Monde

dont le père a été un généreuxdonateur de notre presse.

©RaphaelLabbé

tions européennes. La notion de "mandat européen" passeavant la protection due à son peuple par un État souverainet démocratique.Nous ne jugeons pas l'association basque. Là n'est pas laquestion. Mais il est inadmissible qu'une de nos compa-triotes, au nom de l'Europe, soit chassée de son pays oùelle n'est coupable d'aucune infraction aux lois françaises etremise au bon vouloir d'un pays étranger.Aurore Martin doit revenir immédiatement chez elle. ■

17 novembre 2012

Communiqués

Le conflit israélo-palestinien évolue de façon graveL’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide considère qu’il faudra,tôt ou tard, respecter le droit des Palestiniens à disposer d’un État

souverain, seule manière d’assurer la sécurité des deux peuples. Or, on apprenait cematin que cent attaques israéliennes avaient frappé le territoire de Gaza. Celles-cifaisaient suite à un ensemble d’incidents, dont un attentat ciblé contre un responsablemilitaire palestinien, causant sa mort. Le conflit israélo-palestinien évolue à nouveaude façon grave. Certes, Israël revendique, ce que l’UJRE ne conteste pas, le droit de sedéfendre. La question est de faire en sorte qu’Israël n’ait pas besoin d’exercer ce droit.Or, c’est la politique inverse que ses gouvernements mènent depuis 1967 par le refusd’une solution négociée et réaliste, fondée sur les résolutions de l’ONU. ■ 15/11/2012

L'UJRE ne participera pas au rassemblement "unitaire"organisé aujourd'hui par le Crif

• Précisément parce que nous voulons assurer la paix et la sécurité de l'Etat d'Israël,• Précisément parce que nous voulons que ses voisins palestiniens partagent le climatde paix et de sécurité auquel tous aspirent légitimement,• Précisément parce que nous voulons que des négociations s'engagent pour la paix,qui s'éloigne du fait de la politique du gouvernement israélien,Notre Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide pense que ces objectifs nepeuvent être atteints que par la satisfaction des droits du peuple palestinien, garantis parles résolutions de l'ONU, ce qui exclut l'actuelle agression israélienne probablementinspirée par un contexte électoral*. L'appel du Crifn'est donc pas unitaire et nous nepouvons y participer. ■ 20/11/2012

* NDLR Les prochaines élections législatives se tiennent le 22 janvier 2013

Association pour le souvenir des fusillés du Mont-Valérien et de l'Ile-de-France

Vendredi 14 décembre de 9h30 à 17h à la mairie de Paris

Colloque "REPRESSIONS EN 1942" organisé par l'ANFFMRA et l'amicale deChateaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt avec le concours de la Ville de Paris, du Muséede la Résistance Nationale de Champigny et du Dictionnaire des fusillés et exécutés enFrance. .Inscription : 01 42 70 01 17 ou [email protected]

Samedi 15 décembre 2012 à 11h à la Stèle de la Place des fusillés*

Cérémonie organisé par Mme Claudine Cordillot, maire de Villejuif, l'Union Localedes Anciens Combattants de Villejuif, l’Association Nationale des Familles de Fusilléset Massacrés de la Résistance Française et de leurs Amis (Anffmrfa), les familles desfusillés de Caen du 15 décembre 1941 , le Comité du Souvenir des Fusillés du MontValérien et de l’Ile de France, l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt,l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide

* Angle Avenue Jean Jaurès et rue Le Bigot de Villejuif, M° Paul Vaillant-Couturier ligne n°7

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3PNM n° 301 – Décembre 2012

Le meuble destiné à s’habillerou se déshabiller a donné, aufiguré, son nom à la dissimu-

lation. C’est ainsi que les médiasfont grand cas de la soi-disant popu-larité de Manuel Valls, ministre del’Intérieur. Celui-ci, tout heureux decomparer son énergie à celle de Sar-kozy, se targue d’être le garant de lalaïcité française. Or, en infractionavec la règle républicaine, il ne cessede béatifier et de canoniser à toutcrin. Après une cérémonie religieuseà la cathédrale de Troyes, il s’estrendu au Vatican, en tant que re-présentant du gouvernement, célé-brer la sainte mémoire d’un mis-sionnaire colonial à Madagascar.Les racines chrétiennes de la Francesont de retour. Les preux chevaliersde l’humanisme, Kouchner, BHL etGlucksmann, appellent en commun àune intervention militaire en Syrie.L’Irak et la Libye ne leur suffisentpas. Mais c’est pour protéger lapopulation locale, disent-ils.Qu’allons-nous imaginer ? Piller lesrichesses des anciennes colonies ?Quelle idée saugrenue ! Bien aprèsla proposition des députés du Frontde Gauche, François Hollande vientde reconnaître comme crime d’Étatle massacre du 17 octobre 1961 . En-fin ! Seulement il y a un hic. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Dé-fense, inaugure une stèle pouraccueillir les cendres du général Bi-geard, le tortionnaire d’Algérie.Interrogé, notre homme trouve nor-mal que ce bourreau soit inhumé au-près de ses compagnons d’armes dela guerre d’Indochine.Les jeunes musulmans sont sévère-ment éCoppés, accusés durant leRamadan, de retirer le petit pain auchocolat de la bouche des collégiens.Cette année le Ramadan a eu lieupendant les vacances scolaires. Lescollèges étaient donc fermés. L’andernier également.Arnaud Montebourg, ministre duRedressement productif, a expliquéla progression des pays émergentspar le fait qu’ils n’ont pas l’Europesur le dos. Alors, pourquoi la ratifi-cation du Pacte budgétaire au pas decharge ? S’affubler d’une marinièren’est pas la solution idéale à la dés-industrialisation du pays. Une im-mense affiche publicitaire présenteun jeune homme, chemise ouverte,

Du bon usage du paravent

Sur le bloc-notes de

Henri Levart

la poitrine ornée d’un cœur et del’ inscription « J’aime ma boîte ».Dommage qu’en retour les boîtesn’aient pas le même penchant pourles salariés victimes des licencie-ments boursiers.Le choc de la compétitivité, des mil-lions de chômeurs se le prennent enpleine figure. Le sens donné à la ri-gueur, dans quel sens se dirige-t-il :celui du monde du travail ou desmarché financiers ? Pierre Moscovi-ci, ministre de l’Économie, s’est ditchoqué à l’annonce de la fermeturede PSA-Aulnay. Personnalité aucœur si sensible, mais vice-présidentdu prestigieux Cercle de l’Industriecomptant 41 PDG ou Directeurs gé-néraux et dont le président senomme Philippe Varin. Qui est Phi-lippe Varin ? Le président du direc-toire de Peugeot SA, tout aussichoqué d’apprendre la fermeture deson usine.Sur le plan international, le prix No-bel de la paix décerné à l’Union eu-ropéenne relève de l’amnésievolontaire. Y a-t-il eu des troupeseuropéennes en Afghanistan ? Y a-t-il eu soutien à l’ invasion US en Irak? Y a-t-il l’ impunité accordée auxdirigeants de l’État d’Israël pourl’abandon du peuple palestinien ? Lachancelière Angela Merkel ainauguré un Mémorial en l’honneurdes 500 000 gens du voyage ex-terminés par les nazis, situé non loinde ceux consacrés aux juifs et auxhomosexuels. L’un des rescapés y afait allusion à la chasse aux Romsactuellement en cours. « La pour-suite de pratiques d’hier » comme lecaractérise le président national duSecours catholique. Mais, à proposdu monument commémoratif, com-ment comprendre la justice alle-mande renonçant à poursuivre– faute de preuves ! – huit anciensWaffen SS coupables d’avoir partici-pé à l’exécution de 560 civils ita-liens ? Bien étrange mansuétude.Dans cette société, ce monde en proieà l’arrogance, à la démence, à la bar-barie des puissances d’argent, n’aban-donnons pas nos rêves, nos folies,comme nous y invitait Jean Ferrat.Un économiste a posé cette judi-cieuse question : « sortir de la crisedu capitalisme ou sortir du capita-lisme en crise » ?La réponse va de soi. ■

Le 28 octobre dernier, lors du dé-bat électoral avec Mitt Romney,Barack Obama a affirmé :

« L'Amérique demeure l'unique nationindispensable. Le monde a besoin d'uneAmérique forte » ; avec la fin de laguerre d'Irak, avec le « processus detransition en Afghanistan », il est pos-sible « de porter à nouveau notre atten-tion sur des alliances et des relations quiont été négligées durant une décennie ».Après cette pétition de principe, Obamaa immédiatement mis l'accent sur sonobjectif central, fondamental :« commencer à reconstruire l'Amé-rique ».Et, en appui à cette prospective, « nousavons ramené nos importations d'hy-drocarbures au niveau le plus bas de-puis deux décennies, parce que nousavons développé l'exploitation de pétroleet de gaz naturel. »Il est, toutefois, un constat qu'Obama aévité de faire : l'échec du « nation buil-ding », l' « édification d'États » dont lerégime serait à l'image du régime états-unien, cher àW. Bush.La crise systémique capitaliste a entraînéune aggravation drastique des déséqui-libres macro-économiques US : unedette publique de 16.000 milliards dedollars (près de 100% du PIB), un défi-cit budgétaire prévu en 2013 de près de1 .000 milliards de dollars, un budgetmilitaire et sécuritaire de près de 800milliards de dollars (dont 52,6 milliardspour la CIA et consorts et 55,6 milliardspour la sécurité intérieure), soit près dela moitié des dépenses mondiales dansce domaine.À cela il faut ajouter un chômage réeld'au moins 10% et près de 50 millionsde citoyens dépendant des « foodstamps » US (tickets d'alimentationsdistribués par l'État).La stratégie d'interventions armées tousazimuts pour tenter de maintenirl' « imperium » sur les peuples, a faitfaillite, avec ses guerres « contre-insur-rectionnelles » dont le dernier chantre endate, le général Petraeus, grand admira-teur du général Bigeard, a été contraint àla démission sous couvert d'un minable« désordre sentimental ».Dans le même temps, la tentative defaire faire le sale travail par les autres,comme en Libye – « une innovation »selon les stratèges en chambre, clientsdes studios audio-visuels – a échoué la-mentablement tout en aggravant lesrisques d'explosions dans le Sahel et leMaghreb. L'alternative mise en avantserait désormais la « guerre des drones »– ces bombardiers téléguidés dontObama fait un usage de plus en plus dé-mesuré (10,4 milliards de dollars de do-

Après l'élection d'Obama

Géostratégie des Etats-Unispar Michel Muller

tation en 2013) –, elle a démontré sadangereuse inefficacité, semblable àcelle des attentats terroristes.De ces différents éléments, il semble quedeux tendances lourdes de la nouvellestratégie états-unienne – qui reste à dé-finir officiellement – s'esquissent : ellessont fondées sur le fait que la crise éco-nomique ne permet plus de « tout faire,n'importe où et n'importe quand » et surles limites du développement cancéreuxdes dépenses militaires :• En premier lieu, il s'agirait de laisserles déséquilibres (comme notamment auMoyen-Orient et sans doute en Afrique)à la discrétion des protagonistes et den'intervenir que si « les intérêts desÉtats-Unis sont mis en danger ». D'où larecherche d'un bien illusoire statu quoévolutif au Proche-Orient, avec toutefoisdeux lignes de force : l'alliance straté-gique avec le régime de Tel-Aviv et lechoix d'empêcher à tout prix le projetd'arme nucléaire prêté à Téhéran.• L'autre nouveau vecteur a une portéegéostratégique : l'exploitation de gaz etde pétrole de schiste – délétère pour lesécosystèmes nord-américains – conduiraà terme à l'autosuffisance des États-Unis,l'affaiblissement du lien avec les pétro-monarchies du Golfe et à la dévalorisa-tion de l'intérêt « vital » de cette régionpour les États-Unis.Alors que Tel-Aviv risquait de mettre lefeu aux poudres en bombardant Gaza,Obama consacrait toute son attention au(trop lent) processus démocratique encours en Birmanie, étape d'une tournéeen Asie. La Chine, détentrice d'une partessentielle de la dette US mais aussi tri-butaire du marché nord-américain, est,selon les experts de Washington, le nou-veau centre en devenir du monde, à côtédes deux autres pôles « en déclin »,l'Europe et, à moindre titre, la Russie.L'hégémonie US en Asie – la « CôteOuest » des États-Unis – doit être éta-blie, dit-on au Département d'État, avecle renforcement du « jeu » avec Pékin,par un transfert des capacités navales USdans les mers asiatiques et l'Océan Paci-fique, et le développement du libre-échange.Quel que soit le nouveau président desÉtats-Unis, disait-on à Wall Street avantle scrutin de novembre, sa politique ex-térieure n'aura que peu d'originalité car ilne peut que se soumettre à la loi « natu-relle » du marché !Une bien sombre perspective s'il n'yavait l'aspiration croissante des peuples,même si elle est encore balbutiante ici etlà, à prendre en main leur vie.Une donnée fondamentale que le« marché » ne peut prendre en comptecar ce serait sa fin. ■

La bombe H , c'étai t i l y a soixante ans

Le 1 er novembre 1952, un îlot du Pacifique était pulvérisé par l’explosion dela première bombe H qui était un millier de fois plus puissante que celle

d’Hiroshima, plus puissante en fait que la totalité des explosifs utilisés pendanttoute la Seconde guerre mondiale. Quel enjeu ? « Si nous n’avions pas mis aupoint la bombe H, déclare l’un des pères de la bombe, il y a fort à parier qu’au-jourd’hui nous parlerions tous russe. Je n’ai aucun regret ». Neuf mois plustard, l’URSS faisait exploser sa première bombe H.La course aux armements thermonucléaires était lancée qui devait durablementgrever les budgets au détriment des populations civiles.

Mond e

Vu sur Guysen TV (30 novembre 2012)

Le rapport 2012 sur la pauvreté et les disparitéssociales en Israël vient d'être publié : « Des enfants plus

pauvres et des banques plus riches en Israël. »

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4 PNM n° 301 – Décembre 2012

Cycle - Qu ' est-ce qu ' être j u i f au XXI e s i ècle ?

Après les réponses déjà publiéesde personnalités plus connuesque moi, je tente à mon tour

d’expliciter ce que d’aucuns présententcomme une anomalie, une contradictiondans les termes, une monstruosité.L’ambiguïté des mots permet bien desinterprétations. Je pourrais m’en tirerpar la pirouette d’André Wurmser « Jeserai juif tant qu’il y aura un antisémitepour me le reprocher ». C’est un peucourt, tant les définitions diffèrent dejuif (du latin judaeus, déjà frappé d’uneconnotation péjorante) et de laïque (est-ce le a-religieux, voire athée, ou re-streignant la religion à la sphère privée,hors d’un affichage public ?).Le Statut des juifs d’octobre 1940 nefait pas dans la nuance : « Est juifceluidont les parents sont juifs », sans soucide l’exercice d’un culte, de la nationa-lité (membre du peuple juif) ou de lacitoyenneté (comme nation réputéeétrangère sous l’Ancien Régime). Au-delà des textes, il y a l’arrière-plan ra-ciste. Depuis le 19e siècle, des théori-ciens élaborent la thèse d’une « racejuive », implantée, à l’ instar de certainspeuples nomades, au cœur des sociétéseuropéennes et y introduisant deséléments pervers de dissolution, deperte des valeurs nationales, cherchant às’approprier les leviers de commande.Quant à l’antijudaïsme, de type reli-gieux, il évoque les « croqueurs d’en-fants chrétiens », dont les fêtes, commele sabbat, sont diaboliques, et qu’ilconvient d’exterminer, de convertir deforce, ou d’extirper du corps social parle bannissement. A cet égard, il y a bienpeu de temps que la prière de malédic-tion contre les juifs a été retirée du ca-non pontifical. Certes, pour la plupartdes chrétiens, les juifs sont des témoinspuisque Jésus-Christ est né juif ! Qu’il aété circoncis et que leurs textes sacrésde l’Ancien Testament sont communsavec ceux des églises chrétiennes. Apropos de la circoncision, une incursiondans l’iconographie du petit Jésus duMoyen Âge à l’âge moderne, montreque les peintres l’ont bien représenté nusur les genoux de sa mère, mais avec unsexe doté d’un prépuce. Il faut croireque celui-ci lui est revenu après que,Messie et fils de dieu, il a prêchél’évangile nouveau et séparé ses dis-ciples des juifs restés fidèles à leur an-cienne foi.. .Et moi, dans cet embrouillamini de sens ?Je suis né de parents juifs, originaires dela communauté juive de Buczacz, enGalicie orientale, alors rattachée àl’Autriche-Hongrie, puis à la Pologneentre les deux guerres, enfin à l’Ukrainedepuis 1945. Leurs parents y étaientnés, et leurs aïeux, si j’en crois lespierres tombales Ebenstein et Antler,entassées pêle-mêle près du dépôt desordures ménagères, telles que je les aivues sur place en 2002. Me voilà doncjuif, fils et petit-fils de juifs, astreint auport de l’étoile jaune à compter de juin1942 en zone occupée (je ne l’ai portéequ’une seule fois, l’arborant, jeuneinnocent, comme la Croix d’honneurqu’on m’attribuait parfois à l’école). à

ce titre, d’autant que mes parents étaientapatrides (ayant quitté la Pologne depuisplus de cinq ans, ils avaient perdu leurnationalité) je suis bon pour l’exclusionou la chambre à gaz (vu mon âge, c’estlà que j’aurais abouti si je n’avais échap-pé par miracle à la rafle du Vel’ d’Hiv).Mes parents sont arrivés en Franceavant leur mariage (ils étaient fiancés enPologne), mon père en 1930 avec uncontrat de mineur de fond dans le com-binat Arbed, sur le filon des mines defer de Lorraine et Luxembourg, mamère en 1931 avec un statut d’étu-diante. La famille de ma mère sembleavoir été pratiquante : j’ai encore unephoto de mon grand père Antler avec sakippa, sa lévite et sa barbe de prophète.Celle de mon père l’était moins, voirepas. Une photo de mon grand-pèrepaternel me le montre en habit euro-péen, glabre, les cheveux courts.Maska, la sœur aînée de ma mère, etson mari, sionistes de gauche, s’instal-lèrent au Kibboutz de Beth Alfa en Pa-lestine en 1925. Au moins, eux étaientlogiques : juifs sous le mandat anglais,ils pouvaient espérer la création d’unétat du peuple juif. Le frère aîné de mamère, Maurice, après un séjour en Pa-lestine d’où il fut expulsé pour activitéscommunistes vint en France et en 1937,s’engagea dans les Brigades internatio-nales en Espagne. Commissaire poli-tique de son unité, il fut fusillé par lesfranquistes en 1938, lors de la bataillede l’Ebre. Son épouse, Sonia Zaidman,médecin, disparut pendant la Retirada(peut-être exfiltrée en URSS comme lecorps médical des Brigades, dirigé parle Dr Rouquès).Ni l’un, ni l’autre n’étaient pratiquantsdu judaïsme. Mon oncle par alliance,Maurice Weissland, jeune communistefrançais, compagnon de Francine Fro-mond, fut arrêté et fusillé au camp deRouillé (Vienne) sous le nom de Veze-lande, qu’il avait maintenu face à sesbourreaux, afin de mourir non en juif,mais en Français.Mon père était laïque, « assimilant »comme on disait. Il trouva logique des’engager contre les nazis en 1939, dansla Légion étrangère, puis de passer deDunkerque à Londres et d’intégrer lesForces Françaises Libres dès 1940 pourun périple dont il ne revint miraculeuse-ment qu'en 1946, avec le grade de sous-officier, fin de sa carrière militaire.Quant à ma mère, échappant à la rafledu 16 juillet 1942, elle se cacha chezune brave femme de Créteil. Elle a tou-jours voté communiste mais est restée,par tradition, « une juive du Yom Kip-pour », n’allant à la synagogue qu’aujour du Grand Pardon. Mécanicienne enfourrures chez des petits artisans juifs,elle lisait la Naïe Presse, se rendait à lakermesse organisée à l’Hôtel Modernepour la CCE, et faisait plusieurs séjoursen Israël chez sa sœur où elle faillitm’emmener pour une installation défi-nitive en 1949. Elle se sentait pleine-ment juive, parlant le polonais, le yid-dish et l’hébreu, cuisinant les recettestraditionnelles, mais pleinement inté-grée à la société française.

Alors, qui suis-je ? Un juif par filia-tion ? Mais trahissant l’endogamie ri-tuelle, me voilà marié à une non-juive,avec des enfants demi-juifs (et que diredes petits enfants ?).Élu local en Haute-Vienne depuis 1964,dans une région qui, si elle a caché denombreux juifs persécutés, n’en comp-tait guère parmi les habitants, j ’ai vécu,exercé comme enseignant, en citoyenfrançais (quoique naturalisé fort tard,juste avant le conseil de révision). Mili-tant communiste, à un rang plus mo-deste qu’Henri Malberg, HenriKrasucki ou Charles Fiterman, je mesuis reconnu dans les luttes sociales etpolitiques de mon parti. Il est vraiqu’ayant de la famille proche en Israël,je me suis senti plus sensible, peut-êtrepar là, à une solution durable et équi-table du contentieux entre Israël et lesPalestiniens.Mes parents se sont séparés peu aprèsma naissance, puis j 'ai été caché dansune famille chrétienne non pratiquante,je n’ai donc jamais parlé yiddish ou po-lonais. Ma famille de Pologne a étéanéantie durant le génocide nazi, mecoupant de tout contact avec une filia-tion ashkénaze.Recueilli en 1945 par l’UJRE dans unemaison d’enfants tenue par des ré-sistants communistes et anciens dépor-tés, j ’y ai reçu une éducation non reli-gieuse, ouverte, progressiste, huma-niste, fidèle à la mémoire des com-battants de la Résistance.Je suis donc un juif laïque (ni honneur,ni indignité), fidèle aux héros, martyrset victimes qui m’ont précédé. Je nesuis donc pas de ceux qui ont changéleur nom pour faire disparaître leur ori-gine. Je ne suis pas venu à une pratiquereligieuse que certains de mes compa-gnons de jeunesse ont entreprise, l’âgevenant.Cela dit, je suis admiratif devant l’ im-mense richesse de la culture juive, enlittérature, en peinture, en musique. Leprix Nobel de littérature, Samuel JosephAgnon, est d’ailleurs natif de Buczacz.Cette culture est à la fois spécifique etuniverselle et concourt à l’ambitiond’une humanité meilleure.La Nation française s’est constituée detoutes les origines, religions, langues,immigrations diverses ; juif laïque jen’en suis qu’une des composantes, niplus ni moins. Et si je suis fidèle à laPNM, que mon père diffusait quand elleparaissait en yiddish et s’appelait NaïePresse, c’est que son esprit correspondà ce que je ressens, comme juif engagépolitiquement à gauche, comme Fran-çais dans une République que je sou-haite fidèle à la laïcité, à la liberté et auprogrès humain.Afin que selon la formule de KarlMarx, face aux diverses formes de ra-cisme, de chauvinisme et de haine, «l’homme puisse enfin émerger de sapréhistoire ». ■

* Agrégé de l’Université, conseiller général

honoraire de la Haute-Vienne (25 ans de

mandat), adjoint au maire de Limoges.

Une question récurrente pour les lecteurs de la PNM

Comment peut-on être un juif laïque ?parBernard Ebenstein*

Antisémitisme dans leprétoire lyonnais

ÀLyon, "capitale de la Résistance"*,l'extreme droite fascisante sévit

autour de l'Université Lyon III. Il y aquelques jours, c'est dans le prétoirequ'un avocat a osé demander la récusa-tion d'un juge au motif qu'il pourraitêtre juif et donc, manquer d'impartialitédans une affaire où le père de la préve-nue serait également juif. Le parquet aentamé des poursuites, limitées par uneloi de 1881 qui exonère les avocats dudélit de diffamation concernant les pro-pos tenus dans les prétoires. L'Ordredes avocats de Lyon annonce la saisinedu Conseil de discipline à l'encontre dece confrère.* Citation du général de Gaulle

Le Jobbik proposede recenser les juifs

Depuis des années, la PNM dénoncel’incitation à la haine raciste en Hon-

grie, pays qui a livré sans trop d’étatsd’âme plus d’un demi-million de juifs auxnazis. Élie Wiesel a renvoyé ses décora-tions et dénoncé la réhabilitation d'anciensnazis. Le président du Congrès juifmon-dial a demandé au Premier ministre, ViktorOrban de « prendre des mesures efficacescontre ceux qui font campagne contre lesRoms, les juifs et autres minorités. »Le 26 novembre Marton Gyöngyösi, par-lementaire influent du parti fascisant Job-bik, devenu en 2010 la troisième forcepolitique de Hongrie, a demandé « le re-censement des personnes qui ont des an-cêtres juifs ». Sa proposition a faitscandale. Recul de l’auteur : il visait ceux-là seuls qui ont la double nationalité, thèmesensible s’il en fut en Hongrie. Désaveu dugouvernement, du président du Parlement,de son vice-président socialiste qui a arbo-ré l’étoile jaune : « Je ne suis pas juif, a-t-ildit, mais si vous découvriez le contraire,j’en serais fier ». Le parti DK (Coalitiondémocratique) réclame la dissolution duJobbik et invite la presse et les élus desautres partis à le mettre en « quarantainepolitique ».Débusquer les juifs qui ont magyarisé leursnoms, il y a belle lurette que cela se fait. Laproposition du Jobbik est à considérer à lafois comme une provocation et commeune tentative de légaliser sa politique.Rappelons que la Hongrie est membre del’Union Européenne et que compte peut luiêtre demandé de ses actes. ■

Hongri e

Colombes, stade Yves du Manoir.Une plaque rappelle la mémoire des

antinazis allemands et autrichiens ras-semblés dans ce stade par une opérationanalogue à celle du billet vert :"De septembre à décembre 1939, environ20 000 Allemands et Autrichiens, réfugiésen France et ayant fui le régime naziparce qu'antifascistes, intellectuels oujuifs, furent rassemblés au stade de Co-lombes avant d'être dirigés vers descamps d'internement sur tout le territoire.Parmi eux, certains s'engagèrent tout aulong de la guerre au service de la France,d'autres furent déportés dans les campsde la mort nazis. Rendons leur hommageet soyons vigilants à ce que l'esprit defraternité nous réunisse toujours au seinde la République". ■

Le saviez-vous ?

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5PNM n° 301 – Décembre 2012

« Il y a en Franceun noyau révolutionnaire indestructible. »

Marcel Pauldont nous célébrons cette année le 30e anniversaire de la mort

« Lorsque une cause nous paraît juste, il faut lutterpour elle, quels qu'en soient les risques pour soi. »

Marie-Claude Vaillant-Couturierdont nous célébrons cette année le 100e anniversaire de naissance

L i t t é r a t u r eLes souvenirs du juge Robert Falco,l’un des deux juges français duTribunal Militaire International

de Nuremberg, viennent de paraître,illustrés par des croquis de Jeanne Falco,son épouse présente au procès. Parmiceux-ci, un très beau portrait aucrayon d’Elsa Triolet, qui as-sista quelque temps aux au-diences en tant que journaliste.C’est grâce à sa famille, ainsiqu’au Mémorial de Caen oùsont déposées ces archives quenous pouvons prendre connais-sance de ce document capital.Le témoignage du juge Falco,qui, conseiller à la Cour deCassation, fut révoqué sous Vichy en rai-son des lois antisémites, outre son grandintérêt historique, frappe par sa conver-gence avec celui d’Elsa Triolet, dans sonreportage La Valse des juges. Ayant par-ticipé, dès le départ, à la mise en place dustatut du Tribunal et de son organisation,il est bien placé pour en voir tous lesproblèmes, tous les écueils et toute l’im-portance, en fin de compte. Il souligne lapauvreté des moyens matériels et hu-mains mis à disposition par la France, encomparaison avec ceux des États-Unisnotamment. Il évoque le Grand Hôtel, oùse donnent des soirées dansantes et,comme Elsa Triolet, son « impressionétrange de luxe et de gaîté dans cet es-pèce de palace militaire international oùl’on ‘fox-trotte’ après dîner au son d’unjazz (…), la roue du destin a heureuse-ment tourné mais l’occupation sibruyamment joyeuse au milieu d’un pays

en ruine (…) a quelque chose d’un peutroublant » (p.48).Il relève également la procédure anglo-saxonne « un peu étrange », pour unFrançais, de l’accusé-témoin (p. 81).Mais, bien sûr, son témoignage porte sur

l’ensemble du déroulement duprocès, de façon chronolo-gique, montrant les accusés lesuns après les autres, évoquantles plaidoiries, les réquisitoires,révélant les délibérations duTribunal et les désaccords surune notion fondamentale : celledu complot (« conspiracy »),ainsi que sur les peines à ap-pliquer aux accusés. Le juge

français Donnedieu de Vabres, qui avait« participé en 1935 au congrès de l’aca-démie juridique allemande, présidée parHans Frank, l’un des 23 accusés à Nu-remberg » et « traversé le régime de Vi-chy sans encombre (…) commentant parexemple la législation répressive du ré-gime de Vichy, ou encore les textes sur le‘Statut des Juifs’ » (Préface, p. 14-15),apparaît comme pesant dans le sens d’uneforte atténuation de la notion de complotainsi que des peines de certains accusés.Robert Falco note (p. 42) que « LesRusses, auxquels rien n’échappe, au-raient protesté contre sa nomination » etqu’ « Un entrefilet paru dans le journal‘Le Populaire’ est intitulé ‘Un nazi jugeau tribunal de Nuremberg’». À la lecturedes dessous du procès, l’on comprendmieux l’amertume exprimée par ElsaTriolet et son impression que « l’on nefait pas ce qu’il faut », « Pourquoi ne fait-

on pas ce qu’il faut ? » demande-t-elledans La Valse des Juges.Le juge Falco, dans sa conclusion, note ladiversité des opinions concernant ceprocès « approuvé dans l’ensemble par lapresse anglo-saxonne bien que certainesfeuilles américaines l’aient trouvé tropdur à l’égard des généraux. Les journauxsoviétiques (…) sont élogieux pour l’en-semble du jugement. Les journaux fran-çais d’extrême gauche par contre, plussévères que leurs amis moscovites, criti-quent en termes véhéments la faiblesse dutribunal ». Et il termine sur des interro-gations positives, montrant qu’il a con-science de l’importance historique deNuremberg : « Mais par-delà ces opi-nions passagères, quel sera, sur notre ju-gement, le jugement de l’Histoire ?Considérera-t-elle, comme certains leprétendent, qu’il constitue un pas consi-dérable fait dans le domaine du droit pé-nal international ? (…) est-il téméraired’espérer qu’il soit cependant considérédans l’avenir comme un jalon utile sur lechemin rocailleux au bout duquel l’hu-manité parviendra peut-être un jour àdonner des assises légales à la paix ? »(p. 165). Il est intéressant et utile de lirece livre, qui nous plonge, de façon sivivante, dans l’atmosphère de l’immédiataprès-guerre. ■

* Robert Falco, Juge à Nurem-berg - Souvenirs inédits du pro-cès des criminels nazis, ill.J.Falco, préf. A.Wievorka, intro.G.Mouralis, historien, chargé derecherches au CNRS, Éd. Arbrebleu, Nancy, 2012, 176 p., 20 €.

Le juge Falco à Nuremberg parMarianne Delranc-Gaudric

Il y a trente ans,Aragon nous quittait,laissant derrière lui uneœuvre impressionnante,unanimement saluée

aujourd'hui.Nous reviendrons dans lesprochains numéros surquelques aspects de ses

créations. PNM

Elsa Triolet © Jeanne Falco

Est-il possible de répondre auxbesoins sociaux de la popula-tion française sans copier la

politique allemande actuelle menéedepuis dix ans ? A cette questionFrançois Hollande, pendant la cam-pagne électorale, semblait répondreoui. Le moyen en était la renégocia-tion du traité budgétaire conclu entreNicolas Sarkozy et Angela Merkel.Or, ce traité est resté ce qu’il était et ilentraîne la France dans un cycle dé-flationniste dont on voit déjà les ef-fets négatifs dans plusieurs pays.En effet, comme le Président l’a dé-veloppé dans sa conférence de presse,il s’agit de développer la capacité àexporter, conçue comme le seulmoyen susceptible de restaurer lacroissance, l’emploi et de permettre ledésendettement. Ces objectifs seraientatteints par une diminution des res-sources dont disposent les ménages– c’est-à-dire, pour l’essentiel, lessalariés –, par la croissance de la

TVA et de la CSG, afin de confier cesressources aux entreprises. On espère,sans garantie, que le patronat en feraun usage conforme aux objectifsénoncés. Or, l’expérience des trentedernières années de ces pratiques a eucomme résultat pauvreté, chômage etendettement.On dit : « Le coût du travail est tropélevé. » Mais cette notion n’est pasclaire et on oublie l’existence des in-térêts et dividendes versés, lesquelsont doublé au cours des dernières an-nées. Ce rançonnement explique l’in-suffisance de créations d’emplois,d’investissement et d’innovation res-ponsable de celle des exportations.La généralisation à l’Europe du ger-manisme économique, actuellementmise en œuvre, avec la complicité deFrançois Hollande, ne peut entraînerles différents pays que dans un cyclesans fin de baisse du pouvoir d’achat,entraînant le chômage, puis l’endette-ment public, puis l’austérité et à nou-

veau la baisse du pouvoir d’achat. Or,ceci, anticipé par les agences de nota-tion, les amène à abaisser la « note »des pays concernés, rendant leur en-dettement encore plus lourd.

Non à l'austérité

Il faut, au contraire, privilégier le ren-forcement de la demande intérieure àla France afin d’établir un débouchésolide à notre industrie et. entre au-tres, n'aider les entreprises en diffi-culté que si elles sont tournées vers lacréation d’emplois et la satisfactiondes besoins populaires. L’endette-ment public doit être racheté par laBanque Centrale Européenne (BCE).On doit empêcher la délocalisationdes profits en mettant fin à laconcurrence fiscale entre États euro-péens aboutissant à une absurdecourse au moins-disant. Ainsi pourra-t-on à la fois faire face aux consé-quences des actuels déficits et envisa-

ger une croissance des servicespublics si utiles au développementéconomique et social général.Toute autre orientation ne peut gé-nérer que le mécontentement popu-laire. La question est celle du statutindépendant de la BCE. Celui-ci luipermet d’échapper à tout contrôle dé-mocratique. Cela donne à la BCE lapossibilité de prêter à un taux quasi-nul aux acteurs du marché financier(les banques, pour l’essentiel), les-quelles prêtent, à leur tour, aux États àdes taux leur assurant un profitconfortable.Certes, le rachat des dettes des Étatsfait courir un risque inflationniste,mais celui-ci est quasi nul si l'on tientcompte, à l'inverse, du choc défla-tionniste dont souffrent l’ensembledes économies européennes, du faitde la baisse du pouvoir d’achat dessalariés européens. ■

Sommes-nous sur la bonne voie ?par Jacques Lewkowicz

Économ i e

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6 PNM n° 301 – Décembre 2012

Patrick Modiano est sans doute le plus paradoxal de nos écrivains. Et cela sauteaux yeux avec plus d’évidence maintenant que le Nouveau Roman est un objetd’étude. Tout en écrivant des livres qui ont toutes les apparences du roman

traditionnel, avec son style particulier, sa touche singulière, rien n’étant choquant,étrange ou expérimental, Modiano n’en est pas moins un auteur expérimental. L’Herbedes nuits*, qui vient de paraître, en est encore une fois la démonstration. L’incipit et cequi suit l’annoncent sotto voce : « Pourtant je n’ai pas rêvé. Je me surprends quelquesfois à dire cette phrase dans la rue comme si j’entendais la voix d’un autre. Une voixblanche. » Notre narrateur tente de se réapproprier son passé. Des noms, des lieux, desévénements, qu’il recoud peu à peu les uns aux autres sans jamais parvenir à reconsti-tuer un récit complet. Tout semble tourner pour lui autour de la figure d’une femme,Dannie R., qu’il a connue à la cafétéria de la Cité universitaire.Fasciné, il tente de savoir qui elle est et la suit dans ses déplacements en différentspoints de Paris. Plus il la fréquente, mieux il connaît ses amis, ses relations, et moins ilcomprend. En fait, en dépit de ses supputations et des rares explications qu’elle luifournit, elle lui échappe complètement.Une partie du voile sera levé à la fin quand Langlais, un fonctionnaire du quai deGesvres, désormais à la retraite, lui donne un dossier qui lui apprend que cette femmeinsaisissable avait plusieurs identités et menait des agissements suspects. Mais ces ré-vélations ne dissipent pas tout le mystère, ni surtout le récit qu’il a pu élaborer au fil dutemps et cette relation intense de sa propre vie.Cette manière de narrer une histoire qui a un début arbitraire, presque abrupt, et pasvraiment de conclusion, ces errances se traduisant par une pérégrination sans fin ausein de la mémoire du narrateur, laquelle ne cesse de recomposer tous les élémentsdont il dispose pour reconstituer un puzzle devenant sa vérité, mais qui reste toujours

une fiction indéchiffrable, rappelle l’esprit des nouvelles et des romans de Franz Kaf-ka, souvent inachevés, mais aussi souvent inachevables. Il y a entre ces deux créateursun lien profond, même si leur époque, leur culture et leur écriture différent beaucoup.Cet inachèvement si caractéristique de l’œuvre de Kafka est le principe fondateur decelle de Modiano. Avec ce dernier, l'on éprouve le sentiment, étrange, déroutant, que leroman se construit à mesure qu’on le lit. Il se construit, mais ne fait que révéler tout cequi n’a pu s’y accomplir. En se construisant, il se déconstruit aussi. Et pourtant, l'on ypuise une jouissance dans la lecture qui est rare. Kafka nous offre le même plaisir,même quand ses récits tournent court ou restent en suspens. C’est que l’un commel’autre, chacun à sa manière, sait que l’esprit humain fabrique une histoire à partir de sapropre histoire de celle des autres, et qu’il n’a de cesse de se métamorphoser, à mesureque le cours des choses l’entraîne dans le temps de cet imaginaire qu’on peut croireêtre une réalité. En décrivant ce mécanisme mental, ils ont touché à ce qu’il y a de plusambigu, de plus beau, de plus tragique et de plus confondant dans la représentation quel’on se fait de notre monde.L’Herbe des nuits est tout à fait crédible. Et pourtant, cette affaire est tout à fait ab-surde. Mais elle charrie des réminiscences, le Paris d’une certaine époque, avec ses pe-tits cafés cachés et ses hôtels borgnes, sa géographie secrète, à nulle autre comparable,qui sont à la fois poétiques et crédibles. Des vessies et des lanternes, Modiano connaît

tous les secrets. Et comme l’auteur du Procès, il s’enfonce dans une quêteabsurde sur des chemins improbables. Cette damnée vérité n’est qu’unfaux-semblant grâce auquel quelqu’un (l’auteur, le narrateur, le lecteur)peut vivre et ensuite mourir, en connaissance de causes qui ne sont quedes leurres. ■* Patrick Modiano, L'Herbe des nuits, Éd. Gallimard, 1 92 p., 1 6.90 €

Patrick Modiano dans l'ombre de Franz KafkaparGérard-Georges Lemaire

Littérature

Le bruit de nos pas*, c’est celui quel’on fait quand on quitte la maison,

quand on y revient, quand on la traverse,quand on piétine le jardin et que l’onpasse d’une baraque à une autre, quandon va d’un pays à l’autre,d’un continent à l’autre.Ces mouvements inces-sants occupent le romande Ronit Matalon, néedans un morceau de fa-mille émigrée en Israël après avoir quittél’Égypte, poussée à l’exil par les soubre-sauts du Proche et du Moyen Orient.En minuscules chapitres, l’écrivaine tissela chronique au quotidien d’une mère, deses trois enfants (dont l’auteure la plusjeune), de leur grand-mère, et d’un mari-père-gendre absent/présent, en partanceperpétuelle depuis l’abandon du Caire.

Cet homme qui ne voulait pas venir s’éta-blir en Israël reste habité par l’Égypte, lesfrémissements de la gauche égyptienne,voire du mouvement communiste, sortede commis voyageur de la Révolution,comme une grande partie des fils et desfilles des juifs d’Égypte nés dans la pre-mière moitié du XXe siècle. Ceux-là necomprenaient d’ailleurs pas cette foiaveugle dans le sionisme, non pour desraisons idéologiques mais pratiques. CetteJérusalem rêvée parce qu’inaccessible,c’était pour eux le train de 9h48 à la garecentrale du Caire. Ce géniteur, hommemystérieux et quelque peu paranoïaque,est préoccupé par le sort des sépharades,citoyens de seconde zone en Israël, mêmesi ceux qui venaient d’Égypte passaientsouvent pour aristocrates auprès des com-munautés venues duMaghreb.

L’entrée en guerre des U.S.A ouvreune parenthèse de courte durée dansla chasse aux Rouges.

La question de l’intervention ou de la neu-tralité envers Hitler divise isolationnistes etinterventionnistes, mais l’attaque japonaisecontre la base navale de Pearl Harborconvainc les États-Unis d’entrer en guerreau lendemain de l’agression, le 8 décembre1941 . L’Union soviétique devient alorsl’alliée des États-Unis et le communismen’est plus, pour l’heure, l’ennemi. C’estautour des soutiens à la République espa-gnole et à la lutte antifasciste qu’apparais-sent les principaux clivages qui ressurgironten pleine Chasse aux sorcières.Dès 1936, les artistes s’impliquent dans lesoutien à l’Espagne républicaine dont PaulRobeson, Dashiell Hammet, Lilian Hell-man, la strip-teaseuse burlesque GypsyRose Lee, la scénariste Dorothy Parker,

Ernest Hemingway ou le chanteur folkWoody Guthrie. Willi Münzenberg, quiimpulse et dirige au Komintern la politiquedes fronts antifascistes, voit dans la capitaledu cinéma un lieu crucial pour la construc-tion et le rayonnement de sa stratégie. Il dé-lègue à Otto Katz (alias RudolfBreda, aliasAndré Simone) le soin de cette mission.Otto Katz a mené dans sa jeunesse la vie debohème, il a côtoyé Kafka et, ami deBrecht, a travaillé au côté d’Erwin Piscator.Il s’appuie d’abord sur l’immigration alle-mande et recrute ainsi pour l’HollywoodAnti-Nazi League, Fritz Lang, Billy Wilder,Ernst Lubitsch, Marlene Dietrich. Si le Particommuniste américain compte, depuis sacréation en 1919, peu de membres, l’Holly-wood Anti-Nazi League rassemble de 4 000à 5 000 membres, bien au-delà de la coloniedes immigrés allemands ou des intellectuelscommunistes. La Ligue publie un journal

de propagande, Hollywood Now. Parmi sesrangs militent de nombreux artistes juifs :les acteurs Edward G. Robinson (né Ema-nuel Goldenberg à Bucarest), Paul Muni(né Meshilem Meier Weisenfreund en Gali-cie) et qui débuta dans le théâtre yiddish,John Garfield (Jacob Julius Garfinckle), Ju-dy Holiday (Judith Tuvim), Lee J Cobb(Jacob), Lauren Bacall (Weinstein–Perske), Paulette Goddard (Pauline Levy),Howard da Silva (Silverblatt), les composi-teurs Aaron Copland, Leonard Bernstein, lejazzman Artie Shaw (Arthur Jacob Ar-shawsky), mais aussi des non juifs telsJames Stewart, James Cagney, Joan Ben-net, Ginger Rogers, Fredric March, GretaGarbo, Charlie Chaplin, John Ford. Dans levivier de l’Hollywood Anti-Nazi League, onretrouvera la plupart des victimes de laChasse aux sorcières. Celle-ci fera d’Hol-lywood sa cible emblématique.

Alors que lesLigues de dé-cence dénon-cent la déca-dence d'Holly-wood sous lejoug du complotjuif et commu-niste, l’affaireRosenberg in-carnera le tra-gique exempledes effets decette propagande nauséabonde, marquantl’entrée dans la Guerre froide.Voyant un espion communiste derrièrechaque haut fonctionnaire, journaliste, ci-néaste et intellectuel de la côte Est, le séna-teur Mac Carthy lance sa délirante « Chasseaux sorcières ». ■■■ (à suivre).

U.S.A. - HollywoodII . 1942-1947Un répit pour les Rouges par Laura Laufer

Ce "poster nazi", d'époque,donne une idée de la vio-lence qui s'est exercée àl'encontre des artistes juifsde Hollywood...

(Suite du n° 299)

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Histoire - Mémoire

Les traces d’Égyptepar Sylvie Braibant

La nostalgie ne hante pourtant pas lerécit de Ronit Matalon. La vie plus fa-cile, les rumeurs chaotiques de la ville,les parfums des jasmins ou des roseséchappés du pays voisin, et pourtant silointain, ne sont pas causes de lamenta-tions ou de larmes mais de saveurs, rêve-ries heureuses ou de sourires, de mots,d’expressions en arabe sans équivalentdans aucune autre langue.Les roses, plantées, arrachées, replantéesdans le minuscule jardin par “la mère”,personnage pivot du livre, signent un en-racinement/déracinement toujours renou-velé, un désir d’être et de ne pas y être.Le bruit de nos pas, c’est aussi celuiqu’entend toujours l’auteure longtempsaprès la disparition de ceux qui compo-saient le phalanstère quelque peu hysté-rique d’une famille ballottée parl’histoire et au sein de laquelle beaucoupd’amour et de tendresse circulaient.Ronit Matalon, alors que ses aînés sontnés au Caire, a vu le jour en Israël. Lestraces d’Égypte, apportées par les pas ou

les mots, se sont tout de même ancréesdans sa vie, son écriture, ses engage-ments, son parcours professionnel, cedésir si cher aux juifs d’Égypte, telsHenri Curiel et ses amis, de jouer lespasserelles entre Orient et Occident.Elle fut pendant plusieurs années la cor-respondante du quotidien Haaretz enCisjordanie et à Gaza, juste avant queYitzhak Rabin et Yasser Arafat ne seserrent la main et scellent les accordd’Oslo en septembre 1993. « L’un deseffets de l’écriture de Matalon est detordre le lien d’airain entre les deuxdouleurs israéliennes : celle que l’on in-flige et celle dont on souffre » écrivaitRichard Eder, critiqueauNew YorkTimes.

* Ronit Matalon, Le bruit

de nos pas, traduit de

l’hébreu par Rosie Pin-

has-Delpuech, Éd Stock,

Paris, 466 p., 22,90 €

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7PNM n° 301 – Décembre 2012

En cette période de vœux, vouspouvez manifester votre so-

lidarité à Mumia Abu-Jamal en com-mandant au MRAP* les timbres à 0.60 €

émis par La Poste à son effigie (15 € les 10, 25€ les 20, 35 € les 30, le surcoût est reversé à la dé-

fense de Mumia) ou en offrant le CD "Paroles et musique de Mumia"(5 € ou 7 € port inclus). ■* Écrire à "Solidarité Mumia, MRAP" au 43 Bd Magenta 75010 Paris. Vous pou-vez aussi adhérer au Collectif Unitaire National de Soutien à Mumia Abu-Jamal et voustenir au courant de ses activités en consultant son site : http://mumiabujamal.com

Le coffret "Tout Varda" 22 DVD, 36 films, longs et courts, 1 20 €

Offrir Varda, c’est offrir le bonheur, titre d’ailleurs d’un deses très beaux films. Artiste aux facettes multiples, AgnèsVarda surprend toujours par une écriture où l’association desidées et des images crée à merveille une poésie très person-nelle souvent ludique, parfois grave, toujours intelligente.Les films d’Agnès Varda ressemblent à des voyages où nous

embarquons, complices, et dont nous sortons plus riches. Un cinéma qui nousaide à ouvrir les yeux sur le monde, un cinéma beau, sensible, drôle et émou-vant. Indispensable à tous ceux qui aiment le cinéma. ■ LL

MonABCD des histoires d'animaux de Claudine Pardo SisterLivre-CD, Éd. Gründ, 110 p., 1 2,95 €

Est-ce d'avoir contribué à la rédaction de la PNH au temps de sesétudes ? L'auteur (des textes et des illustrations) nous transmet iciune fraîcheur, un sens de l'amitié, de la solidarité et du bien vivre

ensemble qui se déclinent de A comme Abeille à Z comme Zèbre, en autantde petites fables racontées, en passant, par des animaux d'ici et d'ailleurs quise croisent au Grand Café.. . A lire et écouter, avec enfants et petits-enfants,pour apprendre comment toujours garder humour et confiance. ■

Le petit clown à l'étoile de Jacques KambÉd. Jeunesse l'Harmattan, 1 24 p., 1 2,50 €

Le narrateur, personnage principal, est un jouet, petit clown arti-culé offert à Micha, un petit garçon juif de six ans. Cela se passependant les années noires de l'Occupation. Le clown, à qui l'on adonné le nom d'Azoye, est en réalité un jouet qui a la faculté devoir et d'entendre tout ce qui se passe autour de lui. Tout au longdu récit, il devient l'émouvant témoin de la vie de tous les jours,

au sein d'une famille en butte aux persécutions organisées contre les juifs. ■

Rengainede Rachid Djaidaniavec Slimane Dazi,

Sabrina Hamida, Stéphane Soo Mongo,Hocine Ben

Ce conte urbain d’une histoired’amour à la Roméo et Juliette au

dénouement heureux nous donne desraisons d’espérer dans une génération qui saura trouver la voie pour dépasser lesdogmes imposés par le communautarisme et résoudre bien des contradictions.Sabrina, née dans une famille maghrébine musulmane, a quarante frères ! Elle aimeDorcy, jeune noir né dans une famille chrétienne. Ils veulent se marier. Le grand frèrede Sabrina, Slimane entend s’opposer à cette union de toutes ses forces et par tous lesmoyens. Il démarche auprès de ses frères pour trouver des alliés dans ce but. Le filmdécrit surtout le parcours de Slimane et l’évolution de son personnage plutôt que la re-lation Dorcy Sabrina.Le tournage a duré neuf ans, preuve d’une belle ténacité de Rachid Djaidani dans sondésir de réaliser. Le travail de montage, la manière de filmer en très gros plans, l’im-provisation et la vérité du jeu des acteurs donnent une grande impression de prise sur levifmais créent de l’intensité. Le film témoigne aussi d’une culture née dans une géné-ration d’enfants d’immigrés qui secoue nos traditions de langage et d’écriture par soninventivité, sa forte énergie, témoins d’une capacité de création neuve. RENGAINE estun film singulier et d’un style déjà très personnel. ■

Chronique

de

Laura La

ufer

Cycle "Mémoire de cinéma"* animé et présenté par Laura Laufer,un mardi par mois - Une place achetée - une place offerte Venez à deux ! -

Séance suivie de débat, le 11 décembre à 20h.30LES FEMMES DE LA NUIT de Kenji Mizoguchi

Information au 01 40 83 19 73 www.cac-le-rex.fr* Cinéma municipal LE REX. 364 avenue de la Division-Leclerc. 92290 Châtenay-Malabry

RenoirdeGilles Bourdos

avec Michel Bouquet, Vincent Rottiers, Christa Théret, Romane Bohringer

Ce film évoque les dernières années d’Auguste Renoir, souffrant de rhumatismes ar-ticulaires très invalidants, et le retour du front, pour convalescence, de son fils Jean

blessé, en 1915, à la jambe, dans la maison familiale des Collettes à Cagnes-Sur-Mer.Le titre du filmRENOIR évoque le seul nom de famille des Renoir sans autre précision.Nous en verrons trois. Michel Bouquet, remarquable – mais faut- il le préciser, s’agis-sant d’un de nos plus grands acteurs ? – y incarnePierre-Auguste le peintre, Vincent Rottiers avecsensibilité joue le rôle de Jean, le futur grand ci-néaste, le jeune Thomas Doret celui de Coco quideviendra céramiste. Tous ceux qui connaissent lebeau livre que Jean Renoir a consacré à son pèreretrouveront ici des personnages familiers. Ainsi,celui de Gabrielle (Romane Bohringer), entrée dansla famille comme nourrice de Jean et qui y fait uneapparition. Andrée Heuschling (Christa Théret),« rousse et bien en chair » selon les mots de Jean,fut le dernier modèle du peintre. Elle deviendra lapremière femme de Jean et le poussera à devenircinéaste. Le film représente aussi ce que Jean disaitdes Collettes dans ses souvenirs, une maison tou-jours remplie de présences féminines, des do-mestiques aux modèles du peintre.Le film de Bourdos, classique dans la forme, choisit une belle lumière pour restituer cemonde des Renoir et se laisse voir avec plaisir, et même émotion. ■

Culture

Ils ont été amis. Ils étaient tous lesdeux des « montparnos ». Ils étaienttous les deux juifs. Leur peinture

n’a pourtant rien à voir, bien que Sou-tine ait présenté son copain à son mar-chand Zborovski. Cela s’explique-t-il ?Peut-être pas : il n’y a pas de compa-raison possible.Amedeo Modigliani est né à Livournele 12 juillet 1884. Maurice de Vla-mynck disait de lui « C’est un aristo-crate ». Modigliani revendiquait haut etfort sa culture italienne et récitait de sapuissante voix grave les vers de la Di-vine comédie de Dante dans les rues deMontparnasse. Mais aussi, quand il seprésentait, clamait-il : « Modigliani,jew ». Il était fier d’être juif. D’une li-gnée juive. Sa peinture est d’un extrême

classicisme moderne. Pi-casso qui fut aussi« montparno » aimaitcela au point de lui ache-ter deux toiles. Modi-gliani est un homme desvilles. Il meurt de la tu-berculose à la fin du moisde janvier 1924. Soutineporte son deuil.

Chaïm Soutine empâte volontiers sestableaux contrairement à Modiglianiqui lisse volontiers la matière et lui ap-plique une feuille de papier journal enfin de travail pour l’empêcher de briller.Soutine est né dans un shtetl* lituaniende quatre cents habitants qu’il quitteaussitôt qu’il le peut pour la ville, aprèsune dure expérience du respect villa-geois pour l’interdit de la représentationdonné par la loi hébraïque : il est rouéde coups par le fils du boucher dont il

Modigliani - Soutinepar Jean-Pierre Jouffroy

fait le portrait. La boucherie l’occuperaplus tard avec ce bœuf écorché qu’ilpeindra si longtemps que les voisins seplaindront de l’odeur.Modigliani est voluptueux, Soutine estexpressionniste jusque dans ses pay-sages. Il est violent mais ne tire pas surla corde chromatique comme Vla-mynck. Pourchassé pendant la dernièreguerre comme juif, réfugié en province,il meurt d’une perforation de l’ulcère del’estomac dans une clinique parisiennele surlendemain de son opération, le 9août 1943. Il avait juste cinquante ans.Deux vies brèves. Mais frères en pein-ture, l’un séfarade, l’autre ashkénaze,tous deux survivent glorieux, en-semble dans l’histoire de la peinture enFrance. ■* Shtetl [yiddish] : petite bourgade juived'Europe centrale.

NDLR : Si vous n'avez pu voir l'exposition"Modigliani, Soutine et l'Aventure deMontparnasse" de la Pinacothèque de Pa-ris, vous pouvez encore, jusqu'au 21janvier 2013, découvrir au musée de l'O-rangerie les vingt-deux tableaux rassem-blés par l'exposition Chaïm Soutine(1893-1943) l'ordre du chaos.Information : 01 44 77 80 07 [email protected]

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8 PNM n° 301 – Décembre 2012

Élie Rozencwajg, ÉCRIS, PAPA, ÉCRIS[Shrayb,

tatechi, shrayb]préf. Itzkhok Nibors-

ki,traduit du yiddish par

Batia Baum,228 pages

dont un album photosde 20 pages,

25€ + 4€ de portUne description des fêtes juivesquasi ethnologique, un regard mali-cieux d'adulte, caché à Bruxellespendant l'Occupation, sur son en-fance au shtetl à la fin du XIXesiècle ! Élie n'aura décidément passatisfait au désir de son père : fonder"une lignée de rabbins". . . Si l'éduca-tion religieuse qu'il a reçue se perpé-tue.. . elle ne passe plus par lui. Dansla veine d'un récit de Sholem Alei-khem, il nous donne à comprendrepourquoi il a transmis à ses enfants. . . une éducation libre et laïque. ■

En juin 2011 , le président de laRépublique roumaine, TraianBasescu – sujet de deux tentatives

avortées de destitution, l’une en 2007, laseconde cette année – avait à l’occasiondu soixante-dixième anniversaire del’invasion de l’Union soviétique par lesarmées hitlériennes déclaré dans unentretien télévisé que si alors, il avait étéchef de l’État roumain, il aurait engagél’armée roumaine aux côtés de la Wehr-macht contre l’Union soviétique, puisquevoyant dans l’Allemagne nazie un« allié ». Le ministère russe des affairesétrangères [russe] avait alors appelé« l’Europe civilisée » à réagir. Celle-ci,que l’on sache, avait baissé pudiquementles yeux.En juillet 2003 déjà, son prédécesseur,Ion Iliescu, avait, lors d’une visite en Is-raël, considéré le génocide roumain, lemeurtre de 300 000 Juifs et Tsiganes,comme une bagatelle au regard, dans lamême période historique, de la persécu-tion des communistes, dont son proprepère avait été victime, et, prenant pré-texte de la situation économique de laRoumanie, refusé l’indemnisation desvictimes juives de la dictature fascisted’Antonescu entre 1941 et 1944, dépos-sédées de leurs propriétés notammentimmobilières.Ce faisant, il confirmait ce qu’il avaitperpétré en 1995, lors de son premiermandat présidentiel : la saisie des biensdes Juifs par le régime fasciste roumain,ultérieurement nationalisés par le régimecommuniste. Dans la même période, leministre de l’information, Vasile Dancu,avait déclaré qu’à l’intérieur des fron-tières roumaines, il n’y avait pas eud’« holocauste », tout juste quelques ac-tions isolées des responsables politiquesde l’époque. Les déclarations d’Iliescuau quotidien israélien « Haaretz » avaientalors provoqué un geste de mauvaisehumeur du gouvernement israélien etune vague de protestation internationale,qui avaient entraîné la mise en place parle mémorial Yad Vashem de Jérusalemd’une commission d’historiens présidéepar Élie Wiesel, chargée d’enquêter surle judéocide roumain.Jusqu’à peu, le Parlement, le gouverne-ment, les médias et la majorité des histo-riens roumains ont défendu à qui mieuxmieux la thèse de la non-participationd’une Roumanie, pourtant alliée de l’Al-lemagne nazie, au génocide des Juifs etdes Tsiganes, illustrant à l’envi le mythed’une innocence nationale.Pour les uns comme pour les autres, lemaréchal dictateur Ion Antonescu avait,en dépit des pressions allemandes, sauvéles juifs, notamment en les déportant enTransnistrie*, au lieu de les livrer auxAllemands qui les auraient envoyés dansles camps d’extermination. Autres fables: le régime Antonescu aurait contribué àce que les institutions juives, notammentdans les camps, continuent à fonctionner,et ledit régime aurait favorisé l’émigra-tion des Juifs vers la Palestine, le futur

État d’Israël ; enfin, l’Allemagne et laHongrie auraient été seules responsablesdu judéocide européen.Dans ces conditions, on ne s’étonnerapas des résultats d’un sondage effectuéen octobre 2007 pour le compte del’Institut d’Études de l’Holocauste :Si 65% des personnes interrogées avaientrépondu avoir connaissance d’un géno-cide perpétré dans cette région euro-péenne, 27% déclaraient n’en avoirjamais entendu parler, et seul un tiers despersonnes interrogées disaient savoir quele régime Antonescu s’était rendu cou-pable de crimes contre les juifs.Or, la réalité n’a surtout pas été celleainsi popularisée et déformée. Avec lemeurtre de plus de 280 000 juifs et11 000 tsiganes, la Roumanie vient endeuxième position – certes loin derrièrel’Allemagne – dans la hiérarchie del’horreur.Dès 1940, le régime Antonescu adopteune législation inspirée des « lois de Nu-remberg » de 1935, notamment celles« sur la citoyenneté du Reich » et « sur laprotection du sang allemand et de l’hon-neur allemand », les premières stipulantqu' « un citoyen du Reich est uniquementune personne de sang allemand ouapparenté et qui, à travers son compor-tement, montre qu'elle est à la fois dési-reuse et capable de servir loyalement lepeuple allemand et le Reich », les se-condes, imposant une série d’interdic-tions visant exclusivement les juifs dontelles restreignent la vie quotidienne.Les lois antisémites roumaines d’août1940 sont le point de départ de mesuresdiscriminatoires prises à travers laGrande Roumanie, État artificiel créé àl’issue du démantèlement de l’empireaustro-hongrois en 1919.Se succèdent concomitamment les dis-criminations publiques, les expropria-tions et interdits professionnels, lespogromes, puis les déportations.L’antisémitisme discriminatoire entrete-nu depuis 1919, sous le couvert d’une« roumanisation » forcenée, prend en1941 , après que la Roumanie, opportu-nément alliée à l’Allemagne nazie, s’estretournée contre l’Union soviétique, laforme d’un antisémitisme de type nou-veau, celui de l’« élimination de masse »,avant même que les nazis aient décrété la« solution finale » lors de la conférencede Berlin-Wannsee du 20 janvier 1942.Des soldats, des policiers, des paramili-taires et des civils roumains, souvent se-condés (et/ou commandés) par des unitésde la Wehrmacht, se livrent dès le 22 juin1941 à une « orgie meurtrière » dans lesvillages, bourgs et villes traversés. Du-rant l’été et l’automne, les pogromes sesuccèdent, en application du programmepervers de « nettoyage ethnique du terri-toire roumain » combiné par Ion Anto-nescu, dont, le 27 juin, celui de Iași, oùplus de 13 000 Juifs sont assassinés etcent vingt-sept synagogues détruites surles cent vingt-huit de la ville. Les 23 et24 octobre, les troupes roumaines et al-

La difficile reconnaissance par les autoritésroumaines du judéocide des années 1941 -1944

par François Mathieu

Roumanie

En cette période de cadeaux,pourquoi ne pas offrir autour de

vous nos parutions que nous feronsparvenir au plus tôt, dès réception devotre réglement, à vous ou à la per-sonne destinataire, sous emballagecadeau.. . Nous sommes aussi à votredisposition au 14 rue de Paradis lejeudi après-midi.

EfraïmWuzek, LarissaWuzek-Gruszow

La compagnie Bot-win - Combattantsjuifs dans la guerred'EspagneÉd. Syllepse, Paris,

2012,250 p., 22 €

1937. Les Brigades internationales.La compagnie juive Botwin, du nomd'un jeune militant communiste po-lonais condamné à mort quelquesannées plus tôt, adopte sur son dra-peau la devise en yiddish, en polo-nais et en espagnol la devise « Pourvotre liberté et la nôtre ». EfraïmWuzek fut l’un d’entre eux. Édité enyiddish à Varsovie, voici près de 50ans, le récit de ces événements qu'ilnous donne à lire constitue un ex-ceptionnel témoignage de premièremain, dont la traduction française estproposée pour la première fois, parla fille de l’auteur, Larissa Wuzek-Gruszow, qui retrace l’ itinéraire po-litique de son père à partir des nom-breux carnets qu’il a laissés. ■

lemandes fusillent, pendent et brûlentvifs plus de 25 000 juifs d’Odessa. Lemême mois, les autorités roumainesinstaurent un ghetto à Czernowitz, an-cienne capitale culturelle et économiquede la Bucovine austro-hongroise, en vuede la déportation des juifs en Trans-nistrie. Elles déportent 57 000 Juifs enquelques mois. La majorité d’entre euxmeurt de faim, de froid et du typhus dansdes camps improvisés, souvent des vil-lages ukrainiens vidés de leurs habitantsd’origine.Les recommandations de la « Commis-sion Élie Wiesel » ont produit quelqueseffets : sur décision du Parlement, uneJournée du souvenir a été instaurée le 9octobre, qui rappelle la déportation en1941 des Juifs roumains dans les ghettoset les camps ; depuis 2006, l’histoire dujudéocide roumain est entrée dans lesprogrammes de la dixième classe des ly-cées ; en 2009, un monument nationalrappelle devant l’ancien Ministère del’Intérieur de Bucarest les victimes rou-maines de ce génocide. Dans ce lieu, lespersécutions et l’assassinat des juifs etdes tsiganes avaient été décrétés et or-ganisés.Mais ces gestes de reconnaissance d’unlourd passé ne sont pas suffisants.Soixante-dix ans après les faits, la Rou-manie n’a toujours pas de Centre de do-cumentation et d’étude des crimesfascistes. De même ses dirigeants poli-tiques ne s’empressent pas de faireavancer les dossiers d’indemnisation desexpropriations des biens juifs.En août 1999, la loi d’indemnisation desvictimes expropriées de l’ère com-muniste de 1990, a été étendue aux vic-times du fascisme. En 2002, unenouvelle loi a autorisé la Confédérationdes Juifs de Roumanie à demander larestitution de mille huit cent neuf biensimmobiliers juifs nationalisés sous l’èrede Ceaucescu, sans considération desmille quarante deux confisqués sous ladictature Ionescu. Une cinquantained’entre eux seulement ont été jusqu’à cejour restitués. Reste que ces chiffres nepréjugent en rien du nombre et de la va-leur des propriétés confisquées entre1941 et 1944, que même une requête dé-posée en 2008 auprès de la Cour deJustice Européenne des Droits del’Homme de Strasbourg n’a pu quantifier.Une descendante d’une famille juivespoliée a pu ainsi déclarer : « Face à lacorruption et à la pratique arbitraire del’appareil judiciaire roumain, le plai-gnant individuel n’a aucune chance. Jeconnais beaucoup de gens concernés quiont déjà renoncé. Il est temps que celasoit un thème de travail du parlementeuropéen.» ■

* La Transnistrie est la région ukrainiennecomprise entre le Boug et le Dniestr, deuxfleuves qui se jettent dans la mer Noire.

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