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Date de la réunion : 17 mars 2016
Date de diffusion : 2 avril 2016
Lieu de la réunion : Siège de la SFEN au 103 rue Réaumur -‐ Paris 2ème.
Rédacteur : Emilio RAIMONDO
Visa : Maurice MAZIÈRE
Participants : Mmes. DUTHEIL (matin), COLAS*, COUNAS, JOUCLAS*, JOUETTE (part. matin) MM. de BARRAU, BLANC, BOIRON, CROCHON, FAUDON*, GAMA, JANCOVICI, JOLLY (matin), LANGUILLE, LENAIL, LE NGOC*, LEROUGE, MATHIEU*, MAZIÈRE, MERCIER*, NAUDET, NIEZBORALA, PERVÈS, POTY, RAIMBAULT, RAIMONDO, RINGOT (matin), SAUVAGE, SCHWARTZ, de SARRAU, SIMON*, SORIN, de TONNAC, YVON. * l’après-‐midi seulement. Diffusion : les membres du comité d’action, les représentants régionaux, les membres, les groupes transverses, les sections techniques, Valérie FAUDON, Isabelle JOUETTE, Boris LE NGOC.
I . Le matin (10h30 – 12h30) et en début d’après-‐midi (14h00 – 15h00):
1. Observations sur le précédent compte rendu. 2. Informations générales et questions d’actualité. 3. Comment intervenir sur la scène médiatique sur les sujets ayant trait au nucléaire ? Quel rôle pour le GR 21 ? (retour d’expérience de sujets récents abordés dans les médias).
4. Tour de table. 5. Examen du programme pour les prochaines journées.
I I. Conférence, l’après-‐midi (15h00).
Retour sur la COP 21, par Jean-‐Marc JANCOVICI
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Pièces jointes au compte rendu : PJ 1 : Bulletin UARGA, par B. LENAIL. PJ 2 : Comparaison France-‐Allemagne J.-‐M. GAMA. PJ 3 : Interview de P. F. CHEVET. PJ 4 : J.REPUSSARD dans les Echos. PJ 5 : Lettre " Fessenheim notre énergie" FSH. PJ 6 : Redémarrage des réacteurs japonais. PJ 7 : Livre de Michel GAY. PJ 8 : Lettre de J.-‐B. LÉVY aux salariés EDF. PJ 9 : Article IFRAP sur EDF. PJ 10 : EDF dans les Échos. PJ 11 : Présentation sur Fukushima par JPP. PJ 12 : Note de 2011 sur les essais nucléaires. PJ 13 : Informations D.VIGNON sur cuve EPR.
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1. Réunion du matin
1.1. Observations sur le précédent compte rendu Dans le dernier compte rendu (page 15, § f) il est écrit : « Fin 2013, le stock existant de déchet HA était de 3150 colis (6% de l’inventaire) et de 42700 colis MAVL (24% de l’inventaire) ».
Cette phrase doit être remplacée par « Fin 2013, le stock existant était de 3200 m3 pour les HA soit 32% de l'inventaire en volume et 44.000 m3 pour les MAVL, soit 60% de l'inventaire. »
1.2. Informations générales et questions d’actualité
Maurice MAZIÈRE signale des documents à connaître ainsi que quelques sujets d’actualité :
• Un excellent éditorial de Bernard LENAIL est paru sur le site de UARGA ; il revient sur l’année 2015 et aborde la situation dans le domaine nucléaire avec les différents sujets chauds du moment (programme EPR, situation de l’ASN, EDF et l’ANDRA etc.). Pour plus de détails se reporter à la PJ 1.
• Un document préparé par Jean-‐Michel GAMA sur les échanges d’électricité entre la France et l’Allemagne, évoqué lors de la dernière réunion, a fait l’objet d’une diffusion restreinte. Compte tenu de son intérêt, il sera joint au présent compte rendu après avoir été révisé pour tenir compte de quelques commentaires (voir PJ 2).
• Les électriciens allemands (RWE, EoN) demanderaient à l’État une indemnité de l’ordre de 17 Md d’euros pour compenser l’arrêt de leur réacteur, décidé par le gouvernement pour la sortie du nucléaire.
• À lire également, l’interview de Pierre Franck CHEVET (voir PJ 3) dans le journal « Libération » où il explique, notamment, qu’un accident peut arriver en Europe. À ce sujet les participants s’étonnent sur la façon dont cette annonce a été faite car cette information a été immédiatement reprise par les opposants pour dramatiser la situation. La position affichée par EDF, sachant que le risque zéro n’existe pas, est de dire que tout est fait pour que, en cas d’accident, il n’y ait pas de conséquences à l’extérieur de l’enceinte de confinement.
• L’interview ci-‐dessus et les demandes de fermeture de la centrale du BUGEY par nos voisins Suisse de la ville de Genève ou de celle de FESSENHEIM par les Allemands du Bade-‐Wurtemberg ont mis le feu aux poudres dans les médias ces derniers jours. Cela a conduit la SFEN à être présente dans différentes émissions ; ainsi Isabelle JOUETTE, Maurice MAZIÉRE et Jean-‐Pierre PERVÈS ont ils été sollicités pour défendre la bonne cause. Si vous souhaitez voir ou revoir ces différentes interviews, voici les liens correspondants :
o Isabelle JOUETTE sur § France 5, émission « C dans l’air » : http://www.france5.fr/emissions/c-‐dans-‐l-‐
air/videos/fermer_ou_pas_fessenheim__07-‐03-‐2016_1080308 § RTL : Podcast non encore en ligne. § France-‐Inter : http://www.franceinter.fr/emission-‐le-‐telephone-‐sonne-‐le-‐
nucleaire-‐made-‐in-‐france-‐les-‐raisons-‐de-‐la-‐crise.
o Jean-‐Pierre PERVÈS sur BFM Business : § http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/l-‐epr-‐est-‐il-‐un-‐danger-‐pour-‐
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edf-‐0703-‐770874.html § http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/faut-‐il-‐fermer-‐la-‐centrale-‐nucleaire-‐
de-‐fessenheim-‐769554.html
o Maurice MAZIÈRE sur : § Public Sénat : http://www.tv-‐replay.fr/programmes-‐tv/public-‐
senat/nc/date/1.html . Il faut ensuite sélectionner l'émission "Sénat 360" diffusée le 07/03 qui dure deux heures. Le débat commence au bout d'1h35' et dure 30 minutes.
§ BFM : http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/fukushima-‐la-‐france-‐est-‐elle-‐a-‐l-‐abri-‐de-‐la-‐meme-‐catastrophe-‐nucleaire-‐773983.html
À noter que la SFEN a préparé un argumentaire en réponse aux Allemands qui reprochaient, lors de l’incident survenu le 9 avril 2014 (fuite d’eau dans la partie non nucléaire de l’installation ayant endommagé des systèmes électriques de sauvegarde et conduit à la mise à l’arrêt du réacteur) d’avoir utilisé du bore pour l’arrêt du réacteur, comme s’il s’agissait d’une procédure exceptionnelle, alors que cela est normalement prévu dans les règles d’exploitation.
• Encore une interview, celle de Jacques REPUSSARD dans les échos (voir PJ 4), parti récemment à la retraite de l’IRSN ; il est revenu, notamment, sur deux sujets en adoptant une position plus souple que celle qu’il avait en activité. Cela concerne notamment les déchets TFA, qu’il convient de mieux définir et la stratégie adoptée lors de l’évacuation de la zone autour de Fukushima qu’il juge aujourd’hui excessive.
• Un autre document fort intéressant est présenté, la lettre de l’association « Fessenheim notre énergie » qui fait état du nombre d’années de vie perdues chaque année en Europe à cause de la surmortalité (5 millions d’années) due aux énergies fossiles et en particulier aux rejets des centrales à charbon en Allemagne. (voir PJ 5).
• Autre document, fourni par Bertrand BARRÉ, qui nous informe sur les perspectives de
redémarrage des centrales au Japon où la bataille va se situer sur le plan juridique (voir PJ 6).
• À signaler le livre de Michel GAY sur le « Nucléaire heureux » ; Francis SORIN l’a parcouru et considère que c’est un bon support pour un large public non spécialiste (voir en PJ 7, copie d’un courriel en faisant la promotion).
• Sur la situation chez EDF, de nombreux articles ont traité du sujet ces derniers jours, on retiendra
particulièrement : o La lettre de Jean-‐Bernard LÉVY aux salariés (PJ 8). o Un article de l’IFRAP (PJ 9). o Un article d’Éric LEBOUCHER dans Les Échos (PJ 10).
• Le dossier sur Fukushima préparé par le GR 21 est utilisé par la SFEN ; le Figaro aurait accepté d’en faire la publication en plusieurs épisodes. Ce dossier n’est pas confidentiel mais ne sera pas publié dans la RGN. Il a été diffusé à tous les adhérents de la SFEN à jour de leur cotisation. Le résumé qui en avait été fait peut être diffusé largement.
• Jean-‐Pierre PERVÈS a bâti une conférence sur ce sujet qu’il a déjà eu l’occasion de présenter. Il nous fournit une copie à toutes fins utiles (voir PJ 11)
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1.3. Comment intervenir sur la scène médiatique sur les sujets ayant trait au nucléaire ? Quel rôle pour le GR 21 ? (retour d’expérience de sujets récents abordés dans les médias).
Ce sujet est abordé à la suite d’affirmations douteuses, entendues lors d’émissions récentes (C’dans l’air sur France 5) sur les retombées radioactives des essais nucléaires français dans le Pacifique. C’est à la faveur de la visite de François HOLLANDE dans cette région que ce sujet a été remis en perspective dans les médias. Alain LANGUILLE nous informe qu’il dispose, sur ce sujet, d’une présentation faite par Alain BARTHOUX (décédé) à la SFEN/PACA en 2011 ; ce document nous est parvenu hors réunion (voir PJ 12). Sur ce sujet, Maurice MAZIÈRE rappelle que la SFEN n’est pas légitime pour intervenir dans le domaine du nucléaire militaire pour lequel elle dispose en outre de très peu d’information. En revanche on peut s’étonner que ni le CEA ni l’état major des armées via le SIRPA (Service d’information et des Relations Publiques des Armées) n’aient réagi compte tenu des affirmations choquantes qui ont été proférées lors de cette émission. Un échange de vues est engagé sous l’impulsion de Bernard LEROUGE qui s’interroge sur le bien fondé de créer une association dans laquelle nous pourrions nous exprimer plus librement. Après discussion il apparaît qu’il existe déjà avec l’AEPN et SLC (Sauvons le Climat) des possibilités de moyens d’expression et qu’une telle initiative demanderait des moyens et une organisation que nous n’avons pas. Isabelle JOUETTE, Directrice du pôle communication de la SFEN se joint à nous pour conclure ce débat. Elle rappelle que la SFEN a un bureau, un conseil d’administration et des sponsors qui définissent la conduite à suivre en termes de communication et qu’elle prône un comportement légitimiste dans ce domaine compte tenu du caractère de société savante de la SFEN. Pour ce qui est du GR 21 il est tout à fait admis et même souhaité que ses travaux soient publiés et diffusés par la SFEN dès lors qu’ils s’inscrivent dans sa politique de communication. Il est également entendu que les membres du GR 21 conservent à titre personnel leur liberté de parole pour intervenir auprès des médias ou d’autres institutions.
1.4. Tour de table. Jean-‐Paul CROCHON : Demande pourquoi on ne parle pas des difficultés rencontrées avec l’EPR et avec le RJH1 , quelles sont les raisons des dérapages de coût et de planning ? Il demande si quelqu’un de compétent ne pourrait pas venir nous faire un exposé sur le sujet. Après discussion deux noms sont cités sur un tel sujet : Yannick D’ESCATHA pour le RJH (Maurice MAZIÈRE et Jean-‐Pierre PERVÈS vont tenter un contact) et Cécile AUGIER, directrice du SEPTEN pour l’EPR (Jean-‐François SAUVAGE s’occupe du contact). Alain LANGUILLE : Nous informe de la tenue d’un colloque « Quelles énergies pour demain » à Aix en Provence, organisé par le groupe régional PACA le 18 mars. Jean-‐François SAUVAGE : Nous annonce la triste nouvelle de la disparition de Pierre TANGUY, bien connu par de nombreux membres du GR 21.
1 Réacteur Jules Horowitz
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Philippe RIMBAULT : Nous informe qu’il est impliqué dans un programme de soutien à l’autorité de sûreté irakienne, le Radiation Protection Center (RPC) dépendant du ministère de l’environnement. Ce programme couvre les aspects réglementation, procédure d’autorisation, contrôle en liens avec le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs ainsi que la réhabilitation des sites nucléaires, en Irak. Il fait suite au programme de démantèlement (2006 – 2013) de ces installations, piloté par l’AIEA, financé par les USA et présenté à la 57ème Conférence Générale de l’AIEA le 18 septembre 2013. Le programme EC de trois ans est financé par la Commission Européenne. Le Consortium en charge du programme est constitué de l’ANDRA, de SUJB (république tchèque) et LEI (Lithuanie). Françoise DUTHEIL : A entendu parler de réacteurs à « lit de galets »; les participants lui confirment que c’est une technologie qui avait, en effet, été envisagée dans le passé mais qu’il n’y a pas grand chose de nouveau sur le sujet aujourd’hui. Francis SORIN : Nous dit un mot sur le projet CIGEO pour lequel on observe une période de stand by en 2016. Le parlement devait se saisir du sujet pour traiter du problème de la réversibilité notamment. Le projet de loi semble prêt et devrait être porté par Yves LE DEAULT mais le gouvernement est hésitant à ajouter ce problème à tous ceux qu’il a déjà en ce moment et à remettre le sujet sur la table avant les élections de 2017; Jean-‐Michel GAMA : Nous informe sur un article paru dans l’Humanité Dimanche sur la reprise du nucléaire dans le monde, article que l’on peut retrouver sur leur site en suivant le lien ci-‐après : http://www.humanite.fr/la-‐relance-‐mondiale-‐du-‐nucleaire-‐civil-‐exige-‐des-‐garanties-‐internationales-‐de-‐surete-‐601709 Jacques BLANC : Voudrait connaître les raisons de l’éboulement survenu sur le site de Bure et ayant fait une victime. Il lui est répondu qu’il s’agit en fait d’un accident du travail sur un front de taille comme on en trouve sur tous les chantiers de Génie Civil et qu’il ne remet pas en cause la stabilité de la couche d’argile dans laquelle il est prévu de créer les galeries où seront stockés les colis de déchet. Maurice MAZIÈRE : Demande des informations sur la convention de la SFEN qui s’est tenue la veille (le 16 mars) et à laquelle il n’a pu assister. Jean-‐Pierre PERVÈS et Jean-‐Pierre SCHWARTZ qui étaient présents ont apprécié cette journée organisée par la SFEN autour du thème de l’innovation dans le nucléaire. Notamment la matinée a été fort intéressante avec des interventions remarquées d’AREVA et d’EDF, ainsi qu’une présentation commune d’Airbus et de DAHER autour d’une collaboration innovante pour la réalisation d’un avion électrique qui a réussi à traverser la Manche. L’après midi a été consacré à des tables rondes sur les thèmes de l’innovation et des collaborations internationales.
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1.5. Examen du programme pour les prochaines réunions :
Sujets déjà retenus :
• 21 avril : L’AP 1000 par Julie GORGEMANS (Westinghouse). • 19 mai : Une analyse sociotechnique du programme français de réacteurs à neutrons rapides,
par Claire LE RENARD (EDF R&D) le titre de son exposé reste à ajuster. Jean-‐François SAUVAGE fera un petit exposé sur les rapides au cours de l’après midi.
• 16 juin : Un sujet à retenir parmi les possibilités suivantes : o Le stockage de l’énergie par Jean-‐Paul HULOT (sujet confirmé hors réunion pour le mois
de juin). o EPR nouveau modèle ou ATMEA o Eolien offshore par ALSTOM/GE (contact à prendre par M. MAZIÈRE) o Le nucléaire en Inde par le conseiller nucléaire.
À noter que le sujet proposé par Pierre DUFAUD sur « Les réacteurs enterrés » n’a pas été jugé pertinent par les participants.
Autres sujets envisagés, pour 2016 :
• L’ENTSOE et la problématique des réseaux, impact de l’intermittence sur l’architecture des réseaux.
• Tchernobyl, 30 ans après, se rapprocher de l’IRSN. • Le transport nucléaire. • Un sujet sur l’Uranium proposé par Bruno COMBY et Jean-‐Pierre de SARRAU qui proposent des
orateurs possibles. • Le projet CIGEO. • Un sujet sur l’innovation en matière nucléaire aux États Unis par un représentant de Ed/Th
(l’énergie du Thorium, Maurice MAZIÈRE s’informe sur ce sujet). • Les réacteurs à sel fondus par un représentant du CNRS.
Hors réunion : À la suite d’une question posée par JP de Sarrau, sur la déclaration de PF Chevet relative à la cuve de l’EPR de Flamanville, Dominique VIGNON nous a apporté les éléments de réponse copiés sur la PJ 13.
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2. Conférence de l’après midi :
Retour sur la COP 21 par Jean-‐Marc JANCOVICI
2.1. Les émissions de CO2 et l’objectif de la COP 21 La série de courbes ci-‐après, que l’on peut approximer par une droite, représente les émissions cumulées des gaz à effet de serre de l’humanité entre 1850 et 2100 sur l’axe des abscisses, et l’élévation de température globale qui en résulte, sur l’axe des ordonnées. À fin 2015 (courbe noire) les hommes ont émis 2000 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, provenant pour environ :
• 700 du charbon • 600 de la déforestation • 500 du pétrole • 200 du gaz
L’intersection entre cette valeur d’émission (2000 ) et les droites, montre que nous avons déjà signé pour une élévation de température de plus de 1°C en 2100, par rapport à 1850.
Il faut savoir que le « forçage radiatif », autrement dit le « supplément d’effet de serre » réchauffe l’atmosphère mais aussi les océans. En fait, quand on prend en compte le supplément d’énergie renvoyé vers le sol par le supplément d’effet de serre, quelques pourcents seulement contribuent à l’augmentation de la température de l’atmosphère alors que 90% contribuent au réchauffement de l’océan. Il suffit que la répartition qui s’opère entre l’océan et l’atmosphère bouge un tout petit peu, pendant quelques années pour n’importe quelle raison (un processus d’enfouissement de chaleur qui se fait un peu plus ou un peu moins, la banquise qui gèle un peu plus ou un peu moins) et on obtient en apparence le résultat d’une atmosphère qui ne se réchauffe plus. Et c’est une illusion d’optique car cela veut dire que l’océan se réchauffe à vitesse accélérée avec une petite partie qui correspond à la chaleur latente de
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fusion de la glace. Il ne faut pas confondre la température moyenne de l’atmosphère et la totalité de l’énergie supplémentaire rajoutée dans le système climatique. Mais il y a une hystérésis dans le système climatique, entre le fait de rajouter du CO2 dans l’atmosphère et la température d’équilibre du système, laquelle n’est pas atteinte instantanément. En imaginant qu’il n’y ait plus du jour au lendemain d’hommes sur terre, cela n’empêcherait pas la température moyenne de la planète de continuer à monter pendant les décennies à venir. Cela veut dire qu’aujourd’hui nous avons déjà signé pour une augmentation de la température de plus de 1°C (la marge d’erreur correspond à l’intersection entre la ligne verticale et le nuage de courbes qui donne de 0,7°C à 1,5°C). La valeur de 2°C, retenue par la COP 21, est un objectif politique et non scientifique car les scientifiques ne peuvent faire des comparaisons qu’avec ce qui s’est passé avant.
Si on veut tenir l’objectif de 2°C d’ici à la fin du siècle, cela veut dire qu’il faut faire avec le budget carbone restant, soit 1000 milliards de tonnes de CO2 (3000 Mds de tonnes en 2100 moins les 2000 déjà relâchées) avec une population de plus de 7 milliards de personnes.
Pour évaluer l’énormité de l’effort à faire, il suffit de le comparer à celui que nous avons fait en 1 siècle et demi (de 1850 à aujourd’hui), période au cours de laquelle nous avons « consommé » le double de notre crédit CO2, avec une population bien moindre (1,5 à 7 milliards de personnes).
Pour montrer, d’une autre façon la difficulté du problème, reportons nous au graphique ci-‐après qui donne les émissions potentielles de CO2 liées aux réserves prouvées de combustibles fossiles par zones géographiques sur la planète en milliard de tonnes (données BP).
On relève, entre autre :
• Pour les États Unis, 30 milliards de tonnes de pétrole qui une fois brûlées produisent 100 milliards de tonnes de CO2.
• Toutes les réserves de gaz des pays de l’ex Union Soviétique qui une fois brûlées produisent plus de 100 milliards de tonnes de CO2.
• Toutes les réserves de pétrole du Moyen orient donnent 300 milliards de tonnes de CO2.
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• Tout le charbon de l’Asie / Pacifique nous donne encore 600 milliards de tonnes de CO2. Ce total fait déjà 1000 milliards de tonnes qui est notre budget restant jusqu’en 2100 et on n’a pas tout brûlé. Et si on veut être sérieux, sur les 2°C, on a droit à quelque chose entre 700 et 1000 milliards de tonnes car il y a une marge d’erreur dans le nuage de courbes. À noter que « Nature » a publié un arbitrage différent, pour garder les 2°C on aurait encore droit aux 2/3 des réserves de pétrole, 30% du gaz et 20% du charbon ; on peut faire la combinatoire mais il faut tenir dans le budget de 1000 milliards de tonne de CO2.
On se reportera à la planche suivante sur laquelle figurent les scénarios d’émission de CO2 tels qu’on les trouve dans le rapport du GIEC. Dire qu’il reste 1000 milliards de tonnes de CO2 à partir de maintenant jusqu’en 2100, c’est dire que l’intégrale de la courbe d’émission a été prescrite avec une borne supérieure de 1000 milliards. Cela signifie qu’en pratique, dans tous les scénarios d’émissions, le seul avec lequel on ait le droit de jouer c’est le scénario du bas. C’est le seul qui ait une intégrale qui soit compatible avec l’ordre de grandeur ; cette courbe du bas montre que les émissions planétaires doivent être divisées par trois entre aujourd’hui et 2050. Pour faire cette baisse de manière gérée, il faudrait commencer la diminution demain matin (en gros il faudrait se mettre en économie de guerre). L’orateur ne croit pas, une seule seconde, qu’on va y arriver dans le contexte actuel où chacun fait ce qu’il veut et où on discute pendant des années avant de se mettre d’accord sur de réelles mesures contraignantes.
Autre question, peut-‐on échapper à ce scénario ? La réponse est non, il faut juste savoir quand se produira le pic de production des combustibles. L’orateur rappelle, qu’à partir d’un stock de départ donné, ce qui est le cas des combustibles fossiles, mais aussi de tous les métaux extractibles sur terre, on a un cumul de l’extraction dans le temps qui passe par un maximum absolu et, selon lui, ce maximum est très proche.
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Tous les combustibles fossiles vont passer par un pic dans leur extraction annuelle, comme tout ce qui sort de la croûte terrestre. Il y a un certain nombre d’éléments pour lesquels le pic n’est pas loin (or, lithium..). Le fait que les émissions vont décroître un jour est donc une absolue certitude, le seul débat, c’est de savoir si on va provoquer cette décroissance et la gérer ou bien si on va attendre que cela se passe à l’occasion d’un autre processus qui sera subi et qui pourra déclencher des confrontations voire des guerres. L’orateur insiste sur les échelles de temps caractéristiques du problème qui échappent tout à la fois aux mandatures politiques (quelques années), aux horizons stratégiques (une dizaine d’année) des sociétés et même aux générations humaines (entre 20 et 30 ans). Sur la planche suivante nous avons la mise en perspective d’un certain nombre de courbes, la première représente les émissions de CO2 qui montent, passent par un pic, entre maintenant et dans un siècle, puis redescendent. Remarque : il faut savoir que la substitution parfaite entre les énergies fossiles est une vue de l’esprit ; il y a une spécialisation des énergies fossiles, passer du charbon au pétrole est possible mais il y a des forces de frottement, il y a des pertes et des délais. On ne passe pas instantanément d’une énergie à l’autre. Sur ce graphique, on voit que ce n’est pas au moment où on passe le pic d’émissions que la concentration de CO2 se stabilise. Il faut attendre que les émissions descendent pendant encore longtemps avant de voir la concentration de CO2 se stabiliser. Il faudrait même que les émissions deviennent négatives d’ici un siècle pour voir la concentration de CO2 dans l’air rester à peu près stable. Tout ceci ne tient pas compte de possibles boucles de rétroaction dont le système climatique pourrait nous gratifier (par ex. relargage du carbone des sols sous l’effet de la chaleur, relargage de carbone des écosystèmes sous l’effet des incendies, relargage des stocks d’hydrates dans le permafrost, etc.). Ces boucles de rétroactions vont accentuer le phénomène.
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Ce n’est pas au moment où la concentration de CO2 se stabilise que la température moyenne va baisser, elle continue à croître très lentement. (Cette température reste un marqueur de la déstabilisation, de la perturbation (comme notre fièvre est un marqueur du fait qu’on est malade). Le rattrapage thermique de l’océan va se faire sur des milliers d’années comme la montée du niveau des mers, et toutes les villes côtières seront un jour ou l’autre menacées. Le Groenland va commencer à fondre et, jusqu’à la prochaine entrée en glaciation qui est prévue, la fonte continuera car ce processus présente des rétroactions positives*. Le Groenland qui fond, c’est 6 m d’eau en plus, mais cela va mettre quelques siècles ou milliers d’années ; mais toutes les villes côtières finiront par être inondées. Cette situation va se produire à un moment où on sera en décrue énergétique, donc sans avoir les moyens d’aller reconstruire nos villes ailleurs. Tout ce que l’on a fait avec de l’énergie abondante en bétonnant à vitesse accélérée, avec une main d’œuvre pas chère, on ne pourra plus le faire une fois que l’énergie abondante ne sera plus au rendez-‐vous. * La fonte en faisant baisser le sommet de la calotte expose celle-‐ci à des températures plus élevées ce qui amplifie sa fonte ; une partie de la banquise fond et est remplacée par de l’eau de mer, l’albédo de la banquise est considérablement plus élevé que l’albédo de l’eau de mer, cela réchauffe l’espace environnant et la calotte fond encore plus.
2.2. Comment tenir l’objectif de la COP 21 ? Pour voir si nous pouvons atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour respecter les 2°C, objectif de la COP 21 d’ici la fin du siècle, l’orateur propose un exercice en s’appuyant sur l’équation de KAYA*. * Yoichi Kaya, un économiste de l'énergie Japonais, dans son ouvrage Environment, Energy, and Economy : strategies for sustainability. L’équation de Kaya comporte les termes suivants : CO2 = Émissions mondiales de gaz à effet de serre ; TEP = Énergie en tonne équivalent pétrole PIB = Produit Intérieur Brut ; POP = Population mondiale Tous ces termes sont liés les uns aux autres ; sans population il n’y a pas de PIB, etc. Pour construire l’équation partons de l’égalité : CO2 = CO2
• Multiplions et divisons par TEP, soit : CO2 = (CO2/TEP) x (TEP) • Multiplions et divisons par le PIB, soit : CO2 = (CO2/TEP) x (TEP/PIB) x PIB • Et, enfin multiplions et divisons par la population, soit :
CO2 = (CO2/TEP) x (TEP/PIB) x (PIB/POP) x POP
Ou encore : Émissions de CO2 = Contenu en gaz carbonique de l’énergie x intensité énergétique de l’économie x Production par personne x Population.
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Le problème à résoudre pour tenir les objectifs serait de diviser par 3 les émissions de CO2 d’ici 2050, examinons donc sur quels termes de cette égalité on peut jouer pour y parvenir. Le terme POP (population), on le voit difficilement baisser, il devrait même augmenter de quelque 25% selon les démographes. Cela complique notre affaire car il ne faudra plus diviser les autres termes par 3 mais par 3,75. Peux-‐t-‐on réduire le PIB* ? Si on imagine une croissance (avec l’aide de M. DRAGHI) de 2% pour les 35 prochaines années, le PIB mondial va doubler (1,0235 = 2). Ce qui complique encore plus notre réduction par 3 (qui devient 3,75 x 2 = 7,5). Peut-‐on réduire les termes restants de notre équation par 7,5 ? *L’orateur explique qu’un début de réduction des PIB des pays de l’OCDE a commencé et c’est ce qui explique d’ailleurs la montée des populismes un peu partout. Nous sommes, dans nos démocraties, en inversion de tendance et les promesses qui sont faites ne peuvent plus être réalisées en se basant sur une croissance qui ne reviendra pas.
Peut-‐on augmenter l’efficacité énergétique de l’économie (c’est à dire réduire le terme TEP/PIB) ? Sur le papier oui, mais si on regarde le passé pour savoir ce dont on a été capable dans ce domaine, on constante qu’en 50 ans on a augmenté notre efficacité énergétique de 30% ; et sur les 15 dernières années celle-‐ci est restée pratiquement constante, malgré les NTIC2 et les progrès faits dans quelques domaines. Enfin, que peut-‐on faire sur le contenu en gaz carbonique de l’énergie (terme CO2/TEP) ? Regardons encore le passé ; sur les 50 dernières années l’amélioration n’a été que de 10% et a été nulle sur les 15 dernières années. À l’évidence, l’objectif sera difficile à tenir ; pour y parvenir, on ne peut guère jouer que sur le terme PIB, qu’il faut réduire drastiquement.
2 Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
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Sobriété ou pauvreté ? Partant de l’hypothèse que la production est égale à la consommation et, sachant que le PIB est égal à la valeur de la somme des revenus ou encore à la valeur de la somme des produits disponibles à la consommation finale, deux options se présentent :
• Soit les gens diminuent délibérément leur consommation pour diminuer la quantité d’énergie consommée et donc les émissions correspondantes, l’orateur appelle cela la « sobriété ».
• Soit ce terme sera réduit contre la volonté des gens et l’orateur appelle cela de la « pauvreté ». La sobriété, par exemple, c’est quand je ne prend plus ma voiture, je reste chez moi un jour par semaine, du coup ma voiture dure 25% de temps en plus. Les constructeurs de voitures en vendront moins, la sobriété est donc récessive. La pauvreté, par exemple, c’est quand je n’ai pas les moyens d’acheter une voiture alors que j’aimerais bien en avoir une. L’efficacité, par exemple c’est quand, toutes choses égales par ailleurs, une voiture ne consomme plus que 4 litres/100 au lieu de 8. Disons encore que la sobriété maintien la paix sociale, la pauvreté non ! Le retour en force du charbon
Sur les 15 dernières années, ce qui a caractérisé l’approvisionnement énergétique dans le monde ce ne sont pas les renouvelables mais c’est l’envol du charbon, comme cela est montré sur le graphique ci-‐après, qui couvre la période 2000 – 2014, en donnant « le surplus de consommation mondiale par type d’énergie ».
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On observe que le charbon a augmenté 35 fois plus que le solaire et 10 fois plus que l’éolien. Revenons au fait qu’il faut diviser les émissions mondiales par 3 d’ici 2050.
Nous avons trois énergies fossiles qui ne sont pas du tout assimilables :
• Le pétrole, il se stocke et se transporte très facilement à température et pression atmosphérique. C’est un produit très mobile au niveau mondial. C’est une énergie mondiale avec un marché mondial.
• Le gaz est une énergie régionale et se transporte beaucoup plus difficilement que le pétrole. Il faut que deux régions se mettent d’accord, l’une durablement productrice et l’autre durablement consommatrice ; elles établissent un contrat de long terme et un gazoduc reliera les deux régions (cas du gaz russe). Il y a également le cas du GNL (gaz naturel liquide) qui se transporte en bateau comme le pétrole mais cela ne représente que 8% du gaz mondial échangé.
• Le charbon est une énergie domestique, seulement 15% du charbon passe une frontière. Il y a seulement 8 pays qui possèdent 90% du charbon mondial. Il est impossible de régler le problème du changement climatique si ces huit pays ne sont pas d’accord pour arrêter de consommer du charbon (les USA, la Russie, la Chine, l’Inde, le Kazakhstan, l’Allemagne, l’Australie et l’Afrique du sud). Et une chose est sûre, ce n’est pas avec des éoliennes et des panneaux solaires que l’on réussira à remplacer le charbon.
Le graphique suivant donne le pourcentage des émissions mondiales en 2014 par type d’activité. Par exemple 21% des émissions planétaires viennent des centrales à charbon. Ce sont ces émissions que nous devons diviser par trois. On peut le faire de deux manières, ou bien on prend chaque morceau du camembert et on le réduit des deux tiers d’ici 2050, ou bien on peut supprimer complètement certains morceaux du camembert.
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Remarque en passant : La voiture électrique, dans le monde, est une manière de passer du pétrole au charbon et au gaz mais absolument pas une manière de se passer du CO2. Quand un constructeur fabrique des voitures électriques c’est pour le monde entier y compris pour la Chine où, à puissance et masse comparable, une voiture électrique fait plus de CO2 qu’une voiture à pétrole, car le contenu en CO2 du kWh de charbon est bien plus élevé que le contenu de CO2 du kWh de pétrole.
Quelques commentaires ou questions sur certains de ces secteurs :
• On voit que la partie « cimenterie » et « reste de l’industrie » qui est principalement la production d’acier représente presque 15%. Ces deux éléments entrent dans les constructions en béton ; peut-‐on continuer à fabriquer des logements en béton pour tout le monde ?
• Le transport aérien semble ne pas représenter beaucoup (2%), mais compte tenu du faible nombre de personnes qui prend l’avion, cela fait très lourd en bilan carbone par personne.
• Pour l’agriculture, dans les pays occidentaux, 80% de ce que l’on cultive sert à nourrir les animaux. En France les deux tiers de l’empreinte carbone d’un Français, pour la partie alimentation (fromage, yaourt, glace et viande), viennent du cheptel bovin. Faut il réduire notre consommation de viande bovine ?
• La déforestation est aussi liée à l’agriculture pour aménager de nouvelles surfaces cultivables et à la consommation de viande (un steak à chaque repas ça ne peut pas durer).
Où peut-‐on baisser et à quelle vitesse ? Pour l’orateur il y a deux « incontournables » :
-‐ Commencer par moins manger de viande. -‐ Supprimer le charbon dans la production électrique.
Pour le reste on peut discuter, mais on ne peut pas résoudre le problème sans réduire ces deux incontournables. Manger des œufs et du poulet cela divise par 4 ou 5 les émissions par rapport au fait de manger du bœuf, cela divise aussi par 3 ou 4 la quantité de végétaux qu’il faut mobiliser pour faire de la viande. Pour le charbon, si on regarde l’intensité capitalistique la plus basse (€/kWh investi permettant de réduire au maximum la quantité de CO2 associée) qui permet de se débarrasser du CO2 dans la production électrique, c’est à dire là où il y a le moins de capitaux à mobiliser pour remplacer le charbon et produire le moins de CO2 il se trouve que c’est le nucléaire qui arrive en tête parce que les modes intermittents et fatals ont une intensité capitalistique considérablement supérieure à celle du nucléaire à production électrique identique, compte tenu des moyens de production complémentaires ou de stockage qu’il faut additionner pour obtenir un même niveau de production. Autres remarques générales et à caractère sociologique de l’orateur :
• En général le climat et le nucléaire ne se marient pas bien dans le discours public ; quand on est un militant pro-‐climat on est antinucléaire et, quand on est pro-‐nucléaire, en général on est aussi un grand positiviste et les gaz de schiste conviennent.
• Des gens qui diraient « je suis pour la solution au changement climatique, je prends le vélo, je ne mange plus de viande et je suis pour le nucléaire » c’est une sous espèce extrêmement rare en France.
• Le militant nucléaire, en général, dit « il faut que le PIB augmente, j’ai le droit de prendre l’avion, laissez-‐moi manger de la viande et je ne vois pas pourquoi on n’irai pas voir ce qu’il y a comme gaz de schistes dans le sous –sol ».
• Les antinucléaires sont jeunes et beaux alors que les pro-‐nucléaires, en France, sont vieux et grisonnants et on a juste pas envie de les écouter. Si vous voulez qu’on s’occupe sérieusement du
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nucléaire, il faut des jeunes et de préférence beaux ou/et féminins ! Que trouve-‐t-‐on dans l’accord de Paris au regard de tous les éléments ci-‐dessus ?
On trouve l’objectif de 2°C qui était déjà dans l’accord de Copenhague en 2009. On trouve le « Fonds vert » et la clause de « dommage » qui étaient aussi déjà à Copenhague. La seule chose qui n’était pas à Copenhague, et qui fait que Paris a été qualifié de succès, c’est que les gens sont sortis d’accord en disant on signe tous.
Selon l’orateur, si on veut que le problème avance, il faut que les 15 puissances dominantes du monde s’entendent sur ce qu’il convient de faire et les autres pays suivront. « Ce ne sont pas les « Small Islands States » qui vont expliquer à Donal TRUMP, ce qu’il doit faire »
On a aussi des engagements sur le fait que les émissions vont continuer d’augmenter. Aujourd’hui le monde émet un peu plus de 50 milliards de tonnes-‐équivalent CO2 de gaz à effet de serre par an et, quand on additionne tous les engagements que les États ont pris jusqu’en 2030 suite à la COP 21, on constate que les émissions augmentent, comme on peut le relever sur le graphique ci-‐dessous.
Or, pour respecter les 2°C, il faudrait commencer la réduction des émissions demain matin. Il faudrait passer d’une croissance de 2% à -‐3% par an, cela conduit pas mal de monde à dire que les 2°C, il faudra les oublier.
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Enfin, comment ont évolué les émissions de CO2 par $ de PIB pour deux zones, l’une ayant ratifié KYOTO et l’autre pas.
En Europe, qui a ratifié l’accord, les émission de CO2 /par dollar de PIB ont été divisées par 3 depuis 1965 (600 à 200). Aux États Unis, qui n’ont pas ratifié l’accord, on constate la même réduction (900 à 300).
Le fait de ratifier l’accord n’a pas eu d’incidence sur ce paramètre, cela veut que le vrai déterminant est ailleurs.
Tous les pays de l’OCDE ont vu leur production industrielle croître jusqu’en 2007, la décroissance s’est amorcée dans tous ces pays (sauf la Corée du sud) à partir de 2008.
Le vrai déterminant est dans des notions énergétiques planétaires et dans des évolutions technologiques planétaires. Si on veut agir sur l’efficacité énergétique, les déterminants ne se situent pas au niveau de ce qui sera décidé par les États.
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Dans le diagramme ci-‐dessous, nous avons l’énergie consommée dans le monde en abscisse, et la production industrielle en dollars constants en ordonnée. Il y a pratiquement une relation linéaire entre ces deux paramètres. L’énergie consommée correspond à une production donnée, et l’inverse est vrai : pour une production donnée on a une consommation d’énergie correspondante.
On a le même diagramme, ci-‐dessous, pour la relation « énergie consommée/PIB en $ constant » pour le monde, de 1965 à 2014. C’est parce qu’on a de l’énergie que l’on transforme des matières premières, que l’on construit, que l’on consomme et que l’on obtient du PIB.
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Ce qui compte ce n’est pas la demande énergétique mais sa disponibilité; la demande ne peut augmenter que si la disponibilité augmente, on peut alors la consommer. Et, c’est parce que la disponibilité est orientée à la baisse dans les pays de l’OCDE, notamment à cause du plafonnement de la production de vrai pétrole, que l’on voit une baisse de la production industrielle dans les pays de l’OCDE, accompagnée d’une vraie récession physique et d’une fausse récession économique (car on compense avec de l’inflation d’actifs). Selon l’orateur, la vraie grosse crise est pour dans moins de deux ans et c’est la baisse du prix du pétrole qui l’annonce.
2.3. Questions / réponses et discussion Question : Le camembert qui donnait la répartition des émissions de CO2 au niveau mondial, il doit y avoir le même régionalement, par exemple en France, mais une baisse en France, même importante, est loin de faire le compte ! Réponse : Tout le monde doit montrer l’exemple et le mimétisme est quelque chose qui marche, le partage de conviction, cela compte. De plus, en Europe nous sommes dos au mur car l’approvisionnement en combustible fossile est en train de décroître et les émissions de CO2 sont en train de décroître aussi. L’approvisionnement européen en énergie est passé par un maximum en 2006, avant le Grenelle de l’environnement. Nous sommes déjà passé par un maximum de disponibilité énergétique parce que cela fait deux siècles que l’on tape dans les mines de charbon européennes. La production européenne de charbon a été divisée par 2,5 depuis 1985 et les importations de charbon en Europe, sur les trente dernières années, sont à peu près constantes en valeur absolue. Tout cela fait que la consommation décline et le CO2 en provenance du charbon baisse. Le pétrole conventionnel a arrêté d’augmenter en 2005 dans le monde, depuis 2006 l’approvisionnement des importateurs historiques est contraint à la baisse. Donc l’Europe, depuis 2006 a un approvisionnement de pétrole à la baisse et cela est vrai aussi aux USA. Tout le monde s’est retourné en 2006 et les pays qui étaient fortement dépendants du pétrole dans leur MIX primaire (l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce par exemple) ont plus souffert que les autres. La récession dans ces pays vient directement de ce problème énergétique, et c’est ce qui expliquerait aussi la récession aux USA qui a précédé la crise des « subprimes » fin 2007.
Moins de pétrole = moins de PIB = endettement = crise financière ; et c’est ce qui nous attend dans moins de deux ans. Le gaz baisse aussi depuis 2005 en Europe parce que la mer du nord (60% du gaz européen) est passée par son pic en 2005. Si on ajoute la baisse du nucléaire en Europe, tout cela baisse. Les EnR constituent quelque chose de marginal et, en plus, il faut savoir que pour remplacer un système comme celui de la France, par exemple (75% nucléaire, 15% hydraulique, 10% de divers) par un système 100% éolien plus stockage (scénario ADEME), le besoin en capital est multiplié par un facteur 10 à 20. Donc, là où ça coûte 300 Mds d’euros pour reconstruire le parc nucléaire à neuf, il faudrait compter entre 3000 et 6000 Mds d’euros pour le 100% éolien, donc cela ne se fera pas. Et, selon l’orateur les Allemands vont caler avant d’aller au bout. Tout baisse et cela continuera, le produit industriel français passe par un maximum en 2007 et c’est pareil pour les autres pays européens, sauf pour les Allemands qui se maintiennent grâce à leur solde exportateur de 200 Mds d’euros par an.
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Question : Le problème n’est pas en Europe pour les émissions de CO2 ! Réponse : Tout le monde devra s’y mettre, si l’Europe ne fait pas cet effort on court des risques politiques. On va vers une situation extrêmement déstructurante ou bien on gère ou bien ce sera le désordre.
Question : Des gens proposent de basculer au gaz pour remplacer le charbon et émettre moins de CO2. Réponse : Depuis 2005 le vrai pétrole n’augmente plus dans le monde et la disponibilité européenne en pétrole est orientée à la baisse de manière subie depuis cette date. Au niveau européen, la commission ne sait pas qu’il y a un problème sur le pétrole, que l’énergie est le premier facteur de production qui compte pour la formation du PIB, elle ne comprend pas que moins d’énergie, quel que soit son prix, cela fait moins de PIB et vice versa. Elle ne sait pas que la concurrence aval tue les investissements de long terme.
Question : Les pro-‐nucléaires français souhaitent en faire davantage et ainsi créer un îlot de croissance française, pourquoi cela serait-‐il un rêve ? Réponse : C’est un rêve parce que l’on ne dépend pas que de l’électricité, nos habits viennent d’on ne sait où, nos maisons comportent des matériaux qui viennent de la pétrochimie, pas nécessairement française etc. L’orateur ne croit pas que de mettre du nucléaire partout va éviter la décroissance, par contre cela peut l’amortir, la rendre gérable et nous permettre de rester maître de notre destin ; donc, il faut le faire. Faire du nucléaire en démocratie, cela ne dépend pas que des ingénieurs, il faut vendre le projet aux gens qui votent et obtenir une majorité. Comment les convaincre ? En donnant des explications, mais sur les médias on n’a pas le temps de les donner ? Sur les médias on peut vendre que de la sympathie (d’où l’intérêt de faire appel à des jeunes) ou des arguments d’autorité, mais pas des explications. On doit discuter avec les corps intermédiaires qui ont davantage de temps. Si on veut répondre technico économiquement à la question ; avec de l’électrification et du transfert d’usage que peut-‐on faire ? On peut assez facilement en quelques dizaines d’années se débarrasser du gaz et du fuel dans le chauffage. En faisant un MIX d’isolation et de passage à la pompe à chaleur et aux réseaux de chaleur. Mais on ne pourra pas remplacer tous les combustibles fossiles, par de l’électricité, dans la production industrielle (métallurgie et pétrochimie notamment). Cela veut dire que la résolution du problème du changement climatique ne pourra pas se faire sans la baisse de la consommation des produits manufacturés (on commence d’ailleurs à observer cette tendance chez les jeunes qui n’achètent plus de voiture, partagent beaucoup de services, font de la colocation etc. = sobriété). Dans le domaine des transports, supprimer le pétrole ce n’est pas possible, il faut viser la réduction drastique de la consommation et arriver à des voitures qui consomment 2 litres aux 100 km, avec éventuellement, des mesures fiscales d’accompagnement très incitatives (efficacité et sobriété).
Remarques :
• Il faut savoir que quand on passe d’un mode de production centralisé, de type nucléaire ou charbon, au photovoltaïque la consommation d’acier par kWh est multipliée par 50.
• L’orateur nous recommande d’aller voir le site http://science-‐and-‐energy.org ou le spécialiste des batteries (Fabien PERDU) a fait un exposé montrant qu’en quelques générations de batteries on allait consommer toutes les réserves mondiales de Lithium si on mettait des batteries pour faire de l’intermittent plus batterie, ou des véhicules électriques partout dans le monde.
Question : Le fait de fixer un prix du CO2 est ce que cela a un impact ? Réponse : Ce n’est pas suffisant mais cela aide. Il faut savoir que le prix du CO2 peut être fixé de deux manières :
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• De manière explicite en prenant le prix du CO2 dans des exemples concrets. • Implicite, quand par exemple, on subventionne l’éolien en France et que l’on calcule le coût de la
tonne de CO2 évité, ça coûte très cher ! Le prix explicite fait peur car il est explicite justement, et donc on se rend compte, quand on recalcule des prix implicites qu’ils sont entre 1 et 3 ordres de gardeur au-‐dessus du prix explicite. Si on regarde le prix implicite du développement du photovoltaïque en France, la tonne de CO2 évitée coûte entre quelque milliers d’euros et plus l’infini. Quand on calcule le prix implicite à la mise en place d’un tramway, on trouve environ 500 euros pour la tonne de CO2 évitée (la tonne de CO2 dans le cadre européen est à 7 euros). Il faut savoir que 100 euros la tonne de CO2, cela équivaut à une variation de 50$ sur le baril de pétrole. Quand le pétrole entre 2000 et 2007 est passé de 10$ à 140$ le baril, on s’est pris 200 euros/tonne de CO2, en plus, sur le litre de carburant. En résumé, on ne réglera pas le problème avec des prix explicites mais avec des prix implicites, donc de la réglementation.
Question : À la COP 21, il a été demandé que chaque pays signe une feuille de route … il paraît qu’un seul pays a signé ce sont les Îles FIDJI, avec une date limite du 22 avril de cette année ? Réponse : En fait il y aura une cérémonie de signature à New York, aux Nations Unies le 22 avril, c’est à ce moment là que les pays vont signer. Et ce n’est pas la France seule qui signe mais l’Europe, le problème c’est que l’on n’arrive pas à mettre les objectifs en cohérence. Dans le monde en croissance, depuis plus d’un siècle, les organisations ont été bâties en silos, chaque silo gérant son budget sans se préoccuper des autres silos. Dans un monde sans croissance ou pire, dans un monde en contraction, dès lors que l’on veut donner plus à certains il faut savoir à qui on va donner moins. Dans un monde contraint, on est obligé de jouer collectif. D’ailleurs cela se remarque dans les pays du nord, qui ont été marqués par la contrainte physique plus forte (rigueur du climat, environnement difficile etc.). Ces pays ont une attitude plus collective que les pays du sud qui ont eu une contrainte physique moindre (climat plus sympathique, environnement agréable, etc) et ont de ce fait des comportements moins collectifs. Les États-‐Unis qui se sont construits sur une corne d’abondance perpétuelle, est le pays le plus individualiste et le moins collectif. Quand on dit qu’aujourd’hui on est en décrue subie d’approvisionnement pétrolier en Europe, les gens ne le croient pas car le prix est devenu bas vers 30$ le baril. L’orateur affiche alors un graphique, qui montre l’absence de lien entre le prix et le volume de pétrole consommé. On peut manquer de pétrole avec un prix bas.
Question : Par quoi est déterminée la production alors ? Réponse : La production est déterminée par la plus forte des contraintes : tant qu’il y a du pétrole dans le sous-‐sol, elle est déterminée par les investissements que l’on fait et l’envie du consommateur d’en acheter. Mais, selon l’orateur, aujourd’hui dans les pays de l’OCDE, c’est la production qui pilote la consommation et non l’inverse ; il s’en suit un débat sur ce point qui ne semble pas faire l’unanimité.
Question : Que pensez-‐vous du projet « Hinkley – Point » aujourd’hui ? Réponse : « Je pense que c’est un gros risque de contre référence ». Dans un livre, écrit en 2002, l’orateur écrivait déjà que la concurrence aval dans l’électricité ferait plus de mal au nucléaire que Greenpeace. Plus le facteur de risque perçu par l’investisseur augmente, plus le coût du capital augmente et plus le prix du kWh augmente. Fallait-‐il faire HP ? Il aurait fallu préalablement transformer la garantie publique des Anglais, en abaissement du coût du capital car à 95 ou 100 euros/MWh ce n’est pas sérieux. L’orateur pense même qu’HP aurait dû être construit avec un modèle de génération II, moins cher.
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Question : Pourquoi 95 ou 100 $/MWh ce n’est pas sérieux, car les prix sont bien plus bas ? Réponse : Oui les prix sont à 26 $/MWh et vont rester bas tant qu’il n’y aura pas une partie des capacités qui auront fait faillite (et, « le grand défi d’EDF c’est de ne pas faire partie du lot »).
Question : Vous ne parlez pas du stockage du CO2. Réponse : Il faut se baser sur des choses dont on est sûr que cela va marcher. Le stockage du CO2 devrait être financé à 100% par l’Europe pour les industriels qui souhaitent mettre en place des démonstrateurs grandeur nature, avec l’assentiment de la population environnante.
Question : Et la méthanation ? Réponse : « Avec 20% de rendement, je ne miserai pas un euro sur cette solution ».
« Tu ne peux pas résoudre un problème avec l’état d’esprit qui l’a engendré ». Albert Einstein.
À l’issue de plus de deux heures d’exposé et de discussion, le Président du GR 21, remercie l’orateur dont on rappelle le dernier ouvrage paru, dans lequel on retrouvera certains des thèmes évoqués dans ce compte rendu.
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Prochaine réunion le jeudi 21 avril à 10h30. L’AP 1000 par Julie GORGEMANS (Westinghouse).