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P A T R I M O I N E X X e S I è C L E DU monuments historiques et objets d’art du Languedoc-Roussillon DIRECTION RéGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES Jean Balladur et la Grande-Motte L’architecte d’une ville monuments objets duo Ministère de la Culture et de la Communication

3 BalladurGdeMotte Web

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3 BalladurGdeMotte Web

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    monuments historiques et objets dart du Languedoc-Roussi l lond i r e c t i o n r g i o n a l e d e s a f f a i r e s c u l t u r e l l e s

    Jean Balladur et la Grande-Motte

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    p a t r i m o i n e d u x x e s i c l e

    Direction rgionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon (drac-l.-r.)Diffusion gratuite - Ne peut tre venduisbn : 978-2-11-099544-5

    Jean Balladur et la Grande-Motte

    Larchitecte dune ville

    monuments objetsduo

    Cre par la direction rgio-nale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon (conser-vation rgionale des monuments historiques), la collection Duo propose au public de dcouvrir des chantiers de restauration dupatrimoine monumental et mo-bilier, des difices labelliss Patrimoine du xxe sicle ou encore des immeubles et objets dart protgs au titre des mo-numents historiques, dans len-semble de la rgion.

    La Grande-Motte, station balnaire cre par la Mission Racine damnagement du littoral du Languedoc, a reu en 2010 le label Patrimoine du xxe sicle. Destine devenir la cit des vacances des classes moyennes des annes 1970, elle est luvre dun architecte, Jean Balladur (1924-2002), qui fut charg de concevoir dans son intgralit lurbanisme et larchitecture de cette ville nouvelle. Au moment o des grands ensembles slevaient partout en France dans la verticalit des tours et des barres, Jean Balladur proposa des solutions formelles si diffrentes, que le succs de la Grande-Motte fut demble considrable. Alors quil tait fortement critiqu par ses confrres architectes, il sut, grce son charisme et sa dtermination, mener bien le projet initial : crer sur le sable, en utilisant le bton, matriau peu coteux, faonn avec une immense varit, une ville verte qui est La cit balnaire du xxe sicle.

    p a t r i m o i n e xxe s i c l e

    Jean Balladur et la Grande-Motte. Larchitecte dune villemonum

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    Tous les titres de la collection sont disponibles laccueil de la drac et tlchargeables sur son site : www.languedoc-roussillon.culture.gouv.fr

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    Le Label Patrimoine du xxe sicle a t cr en 1999 par le ministre de la culture et de la communication dans le cadre dun ensemble dactions en faveur du patrimoine architectural et urbain de ce sicle.Il a pour objectif de signaler et de faire connatre au public les productions remarquables de cette priode qui prsentent un intrt patrimonial en tant que tmoins dune volution technique, conomique, sociale, politique et culturelle de notre socit.Sans incidence juridique ni financire, ce label est attribu par le prfet de rgion, aprs examen en Commission rgionale du patrimoine et des sites. Il est matrialis par une plaque signaltique dont le logo a t dessin par Patrick Rubin, Agence Canal. Les immeubles du xxe sicle protgs au titre des monuments historiques et les ensembles reprsentatifs des crations du xxe sicle situs en zone de protection du patrimoine urbain et paysager (zppaup) bnficient galement de ce Label Patrimoine du xxe sicle.

    p a t r i m o i n e xxe s i c l edu

  • Couverture :La tour Fenestrelle.Page prcdente :Chemine de la grande pyramide.

    Texte

    Michle FranoisCharge dtudes documentairesdrac Languedoc-Roussillon

  • monum

    entsobjets

    duo

    Jean Balladuret La Grande-Motte

    Larchitecte dune ville

    p a t r i m o i n e xxe s i c l edu

  • 7 Prface - Jean Balladur et la Grande-Motte

    Fonde sur le sable voil quelque quarante ans, la Grande-Motte jouit aujourdhui dune renomme internationale.

    La cration dune ville balnaire devenue exemplaire de larchitecture et de lurbanisme du xxe sicle en France peut tre considre comme un exploit : celui dun homme, Jean Balladur, architecte en chef et urbaniste du projet, et celui dune poque, les annes 1965-1970, qui entreprenait dambitieux programmes nationaux pour le dvelop-pement et lamnagement des rgions franaises.

    Les dtracteurs de cet urbanisme qui a modifi de faon considrable le paysage ctier languedocien ont t nombreux et farouches parmi les tenants de larchitecture moderne et parmi les Languedociens attachs leur littoral sauvage. Reconnatre lintrt patrimonial dune ville comme la Grande Motte naurait pas t envisageable il y a quelques annes. La sensibilisation larchitecture du xxe sicle mene depuis 1999 par le Ministre de la culture et de la communi-cation a fortement modifi le regard port sur celle-ci. Cependant, le Label Patrimoine du xxe sicle est gnralement attribu des difices isols. A la Grande-Motte, la Direction rgionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon, qui a pris linitiative en 2009 de proposer la municipalit une labellisation, a souhait que ce soit la ville de Jean Balladur toute entire qui la reoive. Ce projet a t accueilli avec enthousiasme par la Ville.

    Les pages qui suivent proposent aux Grand-Mottois, aux touristes de passage, aux amateurs clairs de porter un regard nouveau sur cette architecture audacieuse et de participer sa conservation et sa transmission aux gnrations futures.

    Didier DeschampsDirecteur rgional des Affaires culturelles

  • 9Arte dangle au sommet de la grande pyramide : la ville verte stend ses pieds.

    Page suivante :Dessin de la grande pyramide (1972), extrait de Jean Balladur, 1974.

    Prface - Jean Balladur et la Grande-Motte

    La Grande Motte daujourdhui est la reprsentation de la Ville de demain. Elle est harmonieuse. Elle est attirante. Elle est agrable vivre. Mais comme seul lavenir est porteur de vie, elle sy engage pleinement.

    Avec le Label Patrimoine du xxe sicle, octroy lensemble de la ville de La Grande Motte, patrimoine rime avec modernit. Par ce prestigieux label, cest galement luvre du concepteur de notre ville, Jean Balladur, qui est mise lhonneur.

    Visionnaire et artiste, il a su crer partir de rien, sur les bords de la Mditerrane, dans un crin de verdure, une ville nouvelle quil a pens dans sa globalit.

    La Grande Motte est une ville hors du commun o ont t exploites toutes les possibilits artistiques du bton. La Grande Motte, aujourdhui, a la maturit et la notorit pour faire de son architecture unique un atout.

    Cest la raison pour laquelle La Grande Motte participe activement, aux Journes Europennes du Patrimoine en se donnant voir dans son ensemble de Ville monument.

    Lquipe municipale a dcid de sengager dans une politique volontariste de protection, de promotion et de dveloppement du patrimoine architectural qui sappuie sur lide de valoriser et faire connaitre cette architecture si remarquable, qui fonde notre identit.

    Stphan RossignolMaire de la Grande MotteConseiller rgional

  • 11 Introduction - Jean Balladur et la Grande-Motte

    Cre ex-nihilo dans le cadre de lamnagement du littoral du Languedoc-Roussillon mis en uvre par la Mission Racine dans les annes 1960, la ville de la Grande-Motte peut tre considre la fois comme le seul exemple de ville balnaire du xxe sicle (compare aux nombreuses stations balnaires du xixe sicle, de Deauville Arcachon) et comme une ville nouvelle, uvre intgrale, conue et ralise avec un soin constant par un architecte en chef, Jean Balladur (1924-2002), dont cest luvre de trente ans.

    Si le Label Patrimoine du xxe sicle na aucune incidence juridique, son attribution devrait permettre dattirer un regard patrimonial sur un urbanisme et une architecture long-temps dcris, dont les qualits sont dcouvrir par la popula-tion comme par les diles et les gestionnaires. Lhomognit initiale pense par Jean Balladur allait du vgtal au mobilier urbain et chaque dtail architectural, sculpt ou color.

    La Grande-Motte compte 8 000 habitants permanents, 120 000 lt. Cest une ville balnaire qui est aujourdhui une ville tout court avec sa population de rsidents lanne forme dune part de retraits dautre part dactifs travaillant sur Montpellier ou Nmes. Ses habitants le constatent, cest une ville facile et agrable vivre au quotidien, preuve de la russite de cette cration de toute pice partir de 1967.

    Lhistorien de lart Jean-Yves Andrieux, dans la Revue de lart, remarque en 2009 que la ville accde prsent au statut de patrimoine, tant il est vrai que les pyramides de la Grande-Motte sont entres peu ou prou dans limaginaire des Fran-ais. Son volution implique des transformations mais res-pectueuses de la cration dorigine.

  • 12Jean Balladur et la Grande-Motte

    Lhistoire du balnaire

    Les cits balnaires franaises, cration du xixe, ont suscit lintrt des historiens dans les annes 1990, avec la mise en uvre dune enqute thmatique sur le balnaire initie par lInventaire gnral (Revue de lArt 1993 n101 larchitecture des bains de mer : un patrimoine marginalis ).Depuis le milieu du xixe sicle, plus de 750 stations balnaires ont t cres sur les ctes franaises, elles sont localises plus de 70 % sur les rivages de la Manche et de lAtlantique et pour 30 % au bord de la Mditerrane.Les travaux de Bernard Toulier montrent quil sagit dune sorte dexprience de laboratoire mene sur un territoire vierge que des voyageurs, le plus souvent des artistes, ont contribu faire connatre. Les cits balnaires du xixe sicle, Deauville, Arcachon, sadressent aux la clientle lgante et aise du Second Empire et de la Belle Epoque.Le dveloppement balnaire au xxe sicle en Languedoc sadresse un tout autre public : les classes moyennes.

    Le contexte des Trente Glorieuses

    La socit de consommation prend vritablement son essor pendant les Trente Glorieuses (1945-1975). Ds les annes 1950, la hausse du pouvoir dachat des mnages, la rduction du temps de travail, la gnralisation de la voiture permet chacun de se tourner vers les loisirs. Les pouvoirs publics d-veloppent alors loffre de tourisme sur le littoral languedocien puis aquitain et, paralllement, en haute montagne.Dans les annes 1955-1960, cest lpoque du tropisme so-laire de la priode gaulliste.Les pouvoirs publics souhaitent matriser un dveloppement touristique qui semble de toute manire inexorable.

    Lamnagement du littoral languedocien

  • 13 Jean Balladur et la Grande-Motte

    Jusque l, autour du Golfe du Lion, le tourisme stait dvelopp sur les littoraux dune faon spontane en fonction des conditions naturelles, les pouvoirs publics se contentant daccompagner ce mouvement sans vraiment modifier le bourgeonnement d-sordonn des centres balnaires qui se dveloppait dune fa-on linaire en tche dhuile partir du front de mer (Palavas). Autour de ces stations anciennes, se dveloppait sur les plages un habitat prcaire de baraques et de camping sauvage.

    La volont stratgique des amnageurs est de capter les flux de touristes venus dEurope du Nord et qui, passant par le Langue-doc-Roussillon sans sy arrter, partent vers la Costa Brava ou la Cte dAzur. Il sagit aussi de diversifier lconomie rgionale beaucoup trop spcialise autour de la viticulture, aux yeux des technocrates.

    Le projet damnagement du littoral languedocien conu ds 1959 est gard secret, on utilise la Compagnie du Bas Rh-ne-Languedoc de Philippe Lamour, socit dconomie mixte cre par lEtat en 1955. Plus connue sous le sigle BRL, cel-le-ci a pour objectifs damener leau du bas Rhne dans la rgion et de dvelopper des cultures autres que la vigne, avec ses stations de pompage et dlvation, canaux dirrigation, barrages, centres dexprimentation de cultures. Elle va pro-cder de nombreux achats de terres en bordure de la cte : par son intermdiaire pendant deux ans, 1 200 hectares sont achets dans la plus grande discrtion (avec pour raison offi-cielle dassainir, de reboiser).

    Lorsque la mission Racine voit le jour en juin 1963, elle achte au grand jour 3 000 hectares supplmentaires mais lachat discret des 1 200 hectares judicieusement choisis a t es-sentiel. Avec la dclaration dutilit publique, lEtat cre des

  • 14Jean Balladur et la Grande-Motte

    zones damnagement diffr (zad) o il dispose dun droit de premption qui sexerce aux prix valus par ladministration des domaines.

    La Mission Racine

    La mission est lorigine de la cration des stations balnai-res de la Grande-Motte et du Cap dAgde (Hrault), Gruissan et Port Leucate dans lAude, Port Barcars et Saint Cyprien dans les Pyrnes-Orientales et Port-Camargue dans le Gard.

    Lorganisation

    La mission interministrielle damnagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon, connue sous le nom de mission Racine, est une structure administrative cre le 18 juin 1963 par lEtat pour conduire de grands travaux dinfras-tructure en vue de dvelopper le littoral dans les dparte-ments du Gard, de lHrault, de lAude et des Pyrnes-Orien-tales. Cette mission tait rattache la datar, la Dlgation lamnagement du territoire et laction rgionale, cre le 14 fvrier 1963 par le gnral de Gaulle et Georges Pompidou, avec Olivier Guichard sa tte.

    La mission interministrielle est confie Pierre Racine, conseiller dEtat, directeur de lena de 1969 1975. Elle a fonctionn de 1963 1983. Son organisation est novatrice car elle fait collaborer cinq grands ministres : construction, travaux publics, conomie et finances, agriculture, intrieur, plus le commissariat gnral au plan et le prfet de la rgion de programme Languedoc-Roussillon. Lide de Pierre Ra-cine est de passer outre les problmes administratifs et poli-tiques locaux. La mission, compose de dix-sept personnes, est place sous lautorit directe du Premier ministre, dont

  • 15 Jean Balladur et la Grande-Motte

    La visite du gnral de Gaulle sur le chantier de la Grande-Motte, le 24 octobre 1967. Depuis la droite, devant la maquette, Pierre Racine et Jean Balladur.

    Racine bnficie de la confiance absolue. Elle va se compor-ter, selon le mot de son prsident, comme un commando au sein de ladministration franaise . Avancer vite et de faon homogne est son objectif : dote de 3 milliards de francs, elle va organiser la cration de 500 000 lits touristiques sur le littoral languedocien, projet trs ambitieux mme lchelle mondiale. Cest donc une opration dEtat de grande enver-gure, mene tambour battant.

    Il sagit de rpartir laccueil dun million destivants sur des units touristiques spares entre elles par des espaces in-terdits lurbanisation. Le principe damnagement est le suivant : sur les 180 km du littoral languedocien, entre des secteurs naturels protgs, seront prvues 6 Units Touristi-ques et les ports ncessaires au dveloppement de la naviga-tion de plaisance alors en pleine expansion. La Grande-Motte et Carnon, Le Cap dAgde, lembouchure de lAude, Gruissan, Port Leucate, Port Barcars. Seule lopration de lembou-chure de lAude ne sera pas ralise (diffre sine die), celle de Saint Cyprien rajoute par la suite.

  • 16Jean Balladur et la Grande-Motte

    Lquipe de la Mission

    Compose de fonctionnaires, dingnieurs et darchitectes, elle mne des enqutes approfondies sur les conditions climatiques, la flore, la faune, la circulation routire, la na-vigation et tous les aspects techniques mais aussi psycho-logiques de lamnagement touristique. Les architectes-urbanistes, rassembls autour de Georges Candilis sont Jean Balladur, Jean Le Couteur, Raymond Gleize, Edouard Hartan, Pierre Lafitte, Henri Castella, Elie Mauret qui tra-vaillent ensemble llaboration du projet global.

    Il sagit donc dinventer quelque chose de nouveau. Lqui-pe labore une vritable doctrine sur le tourisme popu-laire et lamnagement littoral : la ville de loisir du Plus Grand Nombre . Crer un esprit de vacances grce une abondance dquipements de loisirs, pour que le vacancier puisse vivre au contact de la nature, dgag des contraintes urbaines.En somme, des villes nouvelles voues au repos et aux loisirs sportifs ou ludiques pour le plus grand nombre.

    Le plan damnagement choisi est bas sur des principes simples : alternance des zones urbaines et naturelles, densit btie proportionnelle la capacit daccueil des plages, ports de plaisance moins dune journe de navigation lun de lautre avec des abris moins de 2 heures et une place importante rserve au tourisme social.Le plan durbanisation dintrt rgional ou puir est adopt en 1964. Deux stations sont dclares prioritaires : la Grande-Motte et Leucate-Barcars, deux conceptions architecturales diffrentes, aux rsultats opposs : lune exemplaire, lautre un chec malgr le village grec de Candilis.

    Georges Candilis (1913-1995) architecte cosmopolite dorigine grecque, marxiste, est alors une personnalit reconnue sur le plan international, il a une grande exprience des programmes de vacances en Mditerrane. Il la-bore une doctrine qui influence toute lquipe.

    Architectes en chef de station et date de dbut des travaux

    Georges Candilis Leucate-Barcars, 1968

    Jean Balladur La Grande-Motte, 1967Port-Camargue, 1970

    Jean Lecouteur Cap dAgde, 1970

    Raymond Gleize / Edouard Hartan

    Gruissan, 1970

    Pierre Lafitte / Henri Castella embouchure de lAude (non ralise)

  • 17 Jean Balladur et la Grande-Motte

    Le plan durbanisme dintrt r-gional ou puir 1969 dfinit lam-nagement, articul sur lUnit Touristique (cercle en rouge) : chaque ut regroupe plusieurs stations anciennes, rattaches une station entirement nouvelle, qui comporte tout ce qui est in-dispensable au tourisme : routes, eau, ports de plaisance, zones de promenade, quipements de sport, distractions... Une voie lit-torale express, situe un ou deux kilomtres du littoral, relie les stations nouvelles aux an-ciennes (extrait de Techniques et Architecture, nov. 1969).

    Le plan densemble approuv, les conditions doivent tre mises en place. Les quipements gnraux tout dabord : - les infrastructures routires : autoroute A9, voies express rejoignant le littoral- les quipements en eau grce la prsence du canal du bas Rhne.- les boisements (sur la Clape, la Gardiole).- lasschement des marcages.- la dmoustication de ce littoral alors infest de nues dinsectes.

    Le rle de chacun des partenaires est clairement dfini par la Mission : lEtat soccupe des infrastructures, les col-lectivits groupes au sein de socits dconomie mixte soccupent de la viabilisation et des travaux dquipements publics, les promoteurs privs des logements et des instal-lations sportives.

    Laccueil dans la presse est extraordinaire : un numro spcial de Match en 1963 marque les esprits avec une pro-jection en lan 2000 trs spectaculaire, les titres provoquent lbahissement du public : on parle de nouvelle Floride, de Californie.

    Leucate Barcars

    La Grande-Motte Port-Camargue

    Cap dAgde

    GruissanEmbouchure de lAude

    Saint-Cyprien

  • 18Jean Balladur et la Grande-Motte

    Paris, immeuble 24, rue Cortam-bert, extrait de Jean Balladur, 1974.

    Cousin issu de germain du ministre du mme nom.

    Critiqu pour son style baroque en contradiction avec la mode des annes 70, Jean Balladur est un architecte huma-niste, reconnu pour ses qualits de culture, dloquence et de plume. Il a eu la chance extraordinaire de raliser le rve de tout architecte-urbaniste : matriser de A Z la cration de cette ville, tre lauteur dune uvre totale, comme Le Corbu-sier Chandigarh et Niemeyer Brasilia.Balladur (comme Le Couteur Agde) a montr un attache-ment viscral sa station. Sa passion pour la cration urba-nistique ne sest pas dmentie, il a suivi lvolution de la Gran-de-Motte avec dtermination, possdant de 1972 1996 un appartement au Delta, lune des premires pyramides, o il passait des vacances avec sa famille. Il a souhait tre enterr dans le cimetire quil a lui-mme construit.

    Lhomme et larchitecte : sa carrire

    Jean Balladur est n Smyrne (aujourdhui Izmir en Turquie) en 1924, il est dcd Paris en juin 2002. Il effectue ses tu-des secondaires Paris, puis entreprend des tudes littrai-res en khgne. Il reoit lenseignement de Jean-Paul Sartre, grce auquel il collabore la revue Les Temps modernes avant que des divergences politiques ne le sparent du philosophe.Admissible en 1943 lEcole normale suprieure, il interrompt ses tudes pour participer la Rsistance.A la Libration, en octobre 1945, il sinscrit lEcole des beaux-arts dans latelier dHenri Expert. Il obtient son dipl-me en 1954. Il suit paralllement un court stage dans lagence de Le Corbusier mais est dabord sduit par lesthtique des architectes du Bauhaus, et notamment par luvre de Mies van der Rohe.

    Jean Balladur

  • 19 Jean Balladur et la Grande-Motte

    Il entre comme chef dagence dans le cabinet Benjamin Le-beigle en 1949. Cest aux cts de celui-ci, dont il est lassoci en 1953-1954, que larchitecte ralise ses premiers projets inspirs par lesthtique du Bauhaus : immeuble de la Caisse centrale de rassurance rue de la Victoire (1955-1957), hpi-tal Claudius-Regaud pour lInstitut Curie, 26 rue dUlm (vers 1960-1962) Paris, villa Besson en fort de Chantilly.En 1963, il est nomm architecte en chef dans le cadre de lamnagement du littoral du Languedoc-Roussillon, notam-ment pour les stations balnaires de La Grande-Motte et de Port Camargue. Le chantier de La Grande-Motte, ville cre ex-nihilo, occupe lagence (Jean Balladur assist de son fils Gilles et de Jean-Baptiste Tostivint son associ) pendant trente ans.Sinspirant dOscar Niemeyer (il visite Brasilia en 1962), il uti-lise, dans ce contexte, toutes les possibilits plastiques du b-ton. La prsentation de ses premires pyramides en 1968 lui vaut dtre accus de trahison par les tenants du dogme moderne : il est exclu du comit dorientation de LArchitecture daujourdhui. Sa dmarche, qui cherche quilibrer tourisme et habitat, concilier structures daccueil et sites naturels, est proche de celle dun visionnaire.Paralllement, il ralise dautres oprations, pour des com-manditaires publics ou privs et participe aux concours pour le Centre Georges-Pompidou et le ministre des Finances.De multiples fonctions officielles compltent sa carrire : prsident du Syndicat des architectes de la Seine, vice-pr-sident de la Confdration des architectes franais, membre du conseil rgional dIle-de-France de lOrdre des architectes, architecte du ministre de lEducation nationale, titulaire de la chaire darchitecture lcole nationale des Ponts et Chaus-ses de 1957 1977.

    Paris, la tour Scor la Dfense.

  • Jean Balladur et la Grande-Motte 20

    Pierre Pillet le paysagiste et Jean Balladur larchitecte, en 1992.

    Conscient de la ncessaire sensibilisation du public et en particulier des jeunes larchitecture contemporaine, il a tra-vaill au ct du caue de lHrault la rdaction du livre La Grande-Motte cit des dunes et particip des rencontres avec les lves dans les coles et collges.

    uvres de Balladur en Languedoc

    Bziers. Le grand ensemble de la Devze a t conu par Jean Balladur vers 1960 : cest une vaste opration dur-banisme de 230 hectares comportant un ensemble de lo-gements structurs en nids dabeille spars par un grand mail plant. A lest du mail, 3 tours ferment la composition et ouvrent sur le parc de la Gayonne, loppos, un espace commercial est group autour de lglise. Plus au sud un petit centre commercial organis en toile clate regrou-pait la mairie annexe et la police (en cours de dmolition). La dernire phase du projet, prvue en pyramide, na pas t ralise.

    Bziers. Le stade de la Mditerrane (1989) symbole triom-phant du rugby, visible depuis lautoroute, devait aussi para-chever la zac de Montimaran, suite logique et complmentaire du quartier de la Devze, qui trouvait sa touche finale dans cet ouvrage imposant et emblmatique.

  • 21 Jean Balladur et la Grande-Motte

    Le groupe Balladur en 1976 avec les diffrents intervenants (sadh, lus).

    Le chef dquipe

    Parmi ses collgues architectes en chef de station, il est le seul simpliquer au point de venir toutes les semaines, le vendredi matin, pendant trente ans pour une runion de coor-dination runissant vingt personnes dont les deux architectes languedociens, Pierre Dezeuze et Paul Gineste, ses collabo-rateurs demeure la Grande-Motte, le paysagiste Pierre Pillet, employ par brl, les ingnieurs, secrtaires

    L agence Balladur se runit dans des bungalows instal-ls lentre de la ville sur le site de la Petite Motte (prs du boulodrome), toujours visibles droite quand on arrive de Montpellier. Il a donc imprim une marque sensible la ville, la diffrence des stations comme Port-Barcars et Gruissan o Candilis et Gleize sont peu prsents sur le chantier. Jean Balladur a su communiquer son quipe sa vision globale et dtaille de la station.

  • 22Jean Balladur et la Grande-Motte

    la construction de la Grande-Motte

    Jean Balladur a expliqu ses ides, ses choix, son travail dans un ouvrage passionnant et extrmement bien crit auquel il a donn le beau titre de La Grande-Motte : larchitecture en fte ou la naissance dune ville publi en 1994. On y retrouve les tapes de sa cration, il y exprime aussi sa passion pour le travail accompli avec son quipe.

    En aot 1962, Jean Balladur reoit une lettre lui annonant quil va faire partie dune quipe darchitectes laquelle le Ministre se proposait de confier lamnagement du territoire du littoral, il est charg de lunit touristique Grau-du-Roi-Palavas . Au retour de ses vacances dans le Var, il sarrte en famille sur les lieux. A la vue de cette tendue de plages et dunes entre le pont des Abmes et Carnon, il reoit un choc, doute de pouvoir construire l ce quon attend de lui : une ville. Il est frapp par les lments ltat brut avec lequel il devra composer : la puissance de la mer, la platitude du paysage et la force du vent.

    En 1966, il prsente son projet damnagement de la station la mission. Ce projet est sous-tendu par un humanisme et une approche personnelle de lurbanisme de vacances. Il a fait sienne la doctrine sur le tourisme populaire : pour lui larchi-tecture de loisir doit tre loppos de celle des villes do viennent les vacanciers, il prconise lutilisation de formes tonnantes pour leur procurer la dtente.

    Il veut installer les estivants dans une nature matrise :-le vent : on arrte pas le vent, dit-il, on peut le peigner par des constructions judicieusement disposes -le soleil : pour lui le paradis terrestre tant un jardin, il veut des ombrages obtenus par un couvert vgtal dense

    Le sable dragu ltang du Po-nant est utilis pour remblayer des sols du Levant, en 1966.

    la Grande-Motte davant la station Une langue de sable sur la com-mune de Mauguio, entre le plan deau et la mer au sud, ltang du Ponant au nord-est et ltang de lOr au nord-ouest. Une plage en pente douce, oriente plein sud, stend sur 4 kilomtres. Depuis le xixe sicle, le site est occup par trois fermes : la Haute Plage, la Petite Motte, la Grande-Motte o une dune un peu plus leve que les autres (5 mtres) a donn son nom la proprit.En 1962, au Grand Travers, un lotis-sement a t construit, symbole de lurbanisation sans programme auquel lEtat veut mettre un terme.

  • 23 Jean Balladur et la Grande-Motte

    Le site de la Grande Motte en 1965.

    Varit des formes dhabitatcapacit daccueil calcule pourempcher la promiscuit : 25 m2 par lit,43 000 lits distribus par quart : 1/4 campings et villages familiaux,1/4 logements collectifs,1/4 habitat individuel,1/4 htels.

    -la mer : une promenade en bord de mer loigne de toute circulation

    Il soppose la prise en compte exclusive des problmes de circulation et de stationnement des voitures : jestimais que mon devoir tait de bien loger des hommes, des femmes et des enfants plutt que des voitures .

    Il dtermine la position dune voie primaire , limite dun parcours raisonnable pour aller pied la mer, quil estime 600 m. Au-del de cette zone protge des embruns par le quartier du Levant et ses pyramides, pourra se dvelopper un habitat individuel de villas avec jardins.

    Les campings sont installs dans la seule zone dj pourvue darbres, une peupleraie plante aprs le grand gel de 1956.Le village familial (Village Vacances Familles ou vvf) est im-plant dans le quartier du Ponant, les htels dissmins dans le centre ville.

    Pour une surface dassiette de 750 hectares dont 450 ha de terres et 300 ha dtang, il labore le plan masse de la station, et le rglement durbanisme, dfinit les principes dimplanta-tion et les gabarits, avec des fiches pour chaque lot.

  • Jean Balladur et la Grande-Motte 24

    Il dcoupe des parcelles btir en tendant lemprise pu-blique jusquau ras des faades afin de matriser les planta-tions et les circulations.

    Il tablit aussi le vocabulaire formel : pour donner la station le style souhait, il a le droit dtre larchitecte dopration de 10% des hbergements projets, titre de dmonstration. Si chaque constructeur (promoteur) a le choix de son architecte dopration, tout projet doit lui tre soumis en tant quarchi-tecte en chef et recevoir son visa.

    Ds le 1966, cest le dbut des travaux : creusement de ltang du Ponant pour en faire un espace nautique : le sable prlev servira la plate-forme sur laquelle on tablira le site du Levant. En 196, le port dune superficie de 17 ha est creus. Ce quon y prlve sera dpos sur le sol du futur site du Couchant.Ce travail titanesque est ralis en 1 an : le 22 juillet 1967 le port est inaugur. Charles de Gaulle vient visiter le chantier le 24 octobre 1967. Les deux premires pyramides sont habites ds juillet 1968.

    1967 : le port est creus, la voirie est trace au Levant, le quartier des villas a reu son implantation en placettes et les campings sont prvus dans la zone plante de peupliers.

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    Dbut 1968 : les 2 premires pyramides slvent.

    la Grande-Motte est une ville compose, organise en es-paces distincts : au sud autour du port le quartier du Levant, quadrill, dense, lest le quartier du Ponant avec le vvf autour de ltang du Ponant, au nord le secteur des cam-pings et le quartier des villas, louest spar par la zone technique portuaire le quartier du Couchant, aux formes courbes.

    La ville parc

    Limage particulire de La Grande-Motte provient de la sym-biose entre le bti et le vgtal. Larchitecture est enclave dans une vgtation omniprsente qui hirarchise les espa-ces extrieurs et donne la ville une cohrence globale.Jean Balladur a voulu que les vacanciers arrivant aprs des heures de voiture (sans clim lpoque !) aient limpression de pntrer dans une fort. Son souhait tait de crer une ville-parc. Lintrt du couvert vgtal est galement clima-tique : les arbres joints aux pyramides attnuent les effets du vent.

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    Unit des essences retenues, lar-geur des cheminements, implan-tation vgtale publique jusquen limite des parcelles prives : les-pace piton constitue un havre de fracheur.

    Une passerelle franchit la voie primaire, au milieu de la vg-tation trs dense du parkway (tissu continu despaces verts reliant les quartiers, articul deux par-cours pitons).

    Pour arriver ce rsultat qui est une des singularits de la ville et son atout majeur en terme de cadre de vie, un prver-dissement a t pens ds lorigine. Une tape demandant patience et soins constants, o la prsence de leau du canal du bas Rhne disponible volont a t capitale. Convaincre de consacrer un budget important la vgtalisation du site ne fut pas facile, il fallait un effort dimagination et une vision long terme.Le choix des vgtaux tait de premire importance, Pierre Pillet, tout jeune paysagiste, a propos Jean Balladur des essences rustiques, locales, calculant les plantations en fonction de la taille des vgtaux adultes.

    Toute une palette, trs tudie, a t valide par larchitecte pour crer lcrin de verdure dans lequel il voulait dvelop-per sa ville. Pour obtenir le rsultat escompt, les planta-tions (grce aux ppinires de la compagnie du bas Rhne) ont t entreprises bien en amont des constructions. Ctait trs novateur lpoque en France alors quaux Etats-Unis on avait lhabitude de voir des arbres dj grands sur un terrain compltement nu o est seulement dessine la voirie : cest ce qua prconis Balladur.La Grande-Motte dispose dune grande diversit despaces verts : parcs, jardins publics, aires de jeux (terrains de tennis et de football paysagers) et jardins privs non clos en pied dimmeuble. Les fonctions des espaces verts sont varies : zones crans, accompagnements de voirie ou parcs (lAl-le Cavalire ou promenade des vents, parcs du Couchant), jonctions pitonnires, front de mer, plaines de jeux, rives de ltang du Ponant.

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    Articulation inter quartiers, laxe du Ponant forme une grande perspective dont la composition est bien lisible au sol : un espace central large, 2 lignes de platanes, encadres par 2 cheminements pitons, dune largeur totale de 6 m 40.

    Volontairement dissocies du tra-fic routier, les alles du Couchant permettent de rejoindre la mer dans une atmosphre de calme.

    Lessence dominante, le pin pignon, est plante en masse et en alignement. Le reste de la palette vgtale est adapt aux embruns sals : tamaris, oliviers de Bohme, blanquettes, pit-tosporum et chalefs en premire ligne. Puis des platanes, des peupliers blancs et des aulnes feuilles en cur en deuxime ligne. Ds que les vents sals sont coups par un cran vg-tal, ou par lurbanisation, la palette vgtale senrichit.

    Enfin comme Pierre Pillet le souligne, les vgtaux exotiques ou colors nont t prvus que pour une utilisation en ac-cent dans les secteurs sensibles et trs frquents de la ville. Les palmiers ne sont pas capables de rsister au fort gel qui peut survenir en Languedoc. Leur multiplication ne correspond pas la palette dorigine spontane ou rustique voulue par lquipe.

    Aujourdhui, cette vgtation omniprsente empche parfois de bien voir les btiments, noys dans la verdure : cest le rsultat recherch. La valeur patrimoniale des espaces verts de cette ville nest pas encore compltement perue par ses habitants permanents alors que les touristes y sont extrme-ment sensibles.Lentretien des pins par une taille intelligente (claircisse-ment des couronnes) permet de dgager la ramure et de laisser passer la lumire, il nest pas toujours ncessaire de couper ces sujets qui ont atteint leur taille adulte et remplis-sent la fonction qui leur a t assigne : procurer de lombre. Noublions pas que la vision de dpart du lieu tait celle dune tendue de dunes tenues par un vieux tamaris et une vg-tation dunaire doyats, juliettes des sables, etc...

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    A lentre est de la ville, la passe-relle des Abmes.

    Cheminements et voirie

    Mes rflexions sur les erreurs manifestes de lurbanisme contemporain des grands ensembles et des villes nouvelles () mavaient convaincu quun hyginisme primaire et la prise en compte exclusive des problmes de circulation et de stationne-ment des voitures avaient tu lchelle humaine de ces nouvelles cits.Ici, pas de boulevard de bord de mer comme ctait lhabitude dans les anciennes stations balnaires du xixe sicle.Lchelle voulue par Balladur pour calibrer la voirie de la Grande-Motte est celle du Paris dHaussmann, en particulier du boulevard Saint-Germain ou des arcades de la rue de Ri-voli qui lui ont inspir les proportions quil donne aux voies et aux traverses pitonnes sous les immeubles.

    A partir de la voie primaire (situe 600 m de la mer), lac-cs aux plages se fait par des voies secondaires se terminant par des parcs de stationnement une centaine de mtres des plages ou du port.

    Le rseau viaire est ainsi compos :- des voies primaires (avenue du Gnral Leclerc et de Lattre de Tassigny) double sens avec un terre-plein central trs large permettant des plantations en foule donnant une im-pression de boisement naturel et constituant un bon cran visuel : cest le parkway lamricaine.-des voies secondaires sans terre-plein central mais plantes de part et dautre distribuent les quartiers.-les voies pitonnes sont une des spcificits de la Grande-Motte : tout un rseau de passages pitons avec des passerelles

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    La passerelle des escargots.La passerelle des lampadophores.

    au-dessus des voies primaires traverse la ville, depuis les quartiers des campings ou des villas jusquaux plages. Ces chemins forment un circuit indpendant du rseau routier.

    La prsence de zones arbustives disolation des pitons le long des rues rend le cheminement extrmement apaisant, Balla-dur souhaitait en effet que les mres occupes avec leurs pous-settes puissent se sentir en scurit en se promenant avec des enfants jouant au ballon : celui-ci nirait pas sur la rue.

    Les promenades du bord de leau sont celles du front de mer im-plantes sur lancienne route dpartementale larrire du cor-don de dunes et celle de ltang du Ponant et de la Canalette.Rserver une place aussi consquente aux espaces verts na pas t tche facile pour larchitecte-urbaniste, il a du lutter contre les promoteurs et investisseurs pour imposer sa vision et obtenir une vritable trame verte dans la ville.

    Les circulations

    La notion dun espace commun de circulation est prgnante dans la ville. Celle-ci est parcourue par un tissu de promena-des, cheminements, passerelles liant les diffrents quartiers.La promenade des vents, circulation entre ltang du Ponant et le port est une sorte de poumon vert. Jean Balladur a voulu crer une Alle Cavalire le long de laquelle schelonnent quatre placettes qui ont pour thme les vents de la rgion.

    La traverse de la voie primaire se fait par des passerelles permettant aux pitons et cyclistes de circuler sans jamais interfrer avec le trafic automobile.

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    La passerelle Saint-Jean, symbo-lique du culte du soleil dans cette cit balnaire. Jean Balladur a dress un grand pylne len-tre de la ville rgl sur lhorloge du ciel : le jour du solstice dt, les rayons du soleil traversant lellipse suprieure tracent un cercle parfait sur le tablier de la passerelle.

    Dest en ouest, on trouve la passerelle des Abmes, la passerelle des escargots, la passerelle de la Saint-Jean et la passerelle des Lampadophores. De chacune delles, le passant peut apprcier les tendues vgtales et architecturales qui soffrent lui.La passerelle de la Saint-Jean est la premire cre en 1971 : Jean Balladur a imagin un hymne au soleil par un savant travail sur les lignes qui se recoupent. Cest un signal en hauteur perc dune ellipse o, le jour du solstice dt, lorsque le soleil est au znith, ses rayons pas-sent travers louverture elliptique et dessinent une sphre parfaite au centre de la passerelle.Les passerelles des escargots avec leurs luminaires penchs comme des antennes ont t construites en 1974.Les deux autres passerelles ont en outre une fonction symbo-lique dentre de ville : A lest, vers Le Grau-du-Roi, la passerelle des Abmes ou des monstres date de 1982. Ces tranges cratures protgent la ville des mfaits de lextrieur. A louest, celle des lampado-phores spare La Grande-Motte du Grand Travers. De hautes silhouettes de plus de 4 m se dressent, brandissant des tor-ches charges dclairer le promeneur. Cest Michle Goalard qui a cr ces personnages en 1987 avec sa technique de b-ton moul par coffrage en ngatif du polystyrne.

    Sur le plan architectural, elles ont la caractristique dtre trai-tes en courbes sinueuses pour leurs rampes daccs qui se dissimulent dans la vgtation. Seule leur partie arienne est rectiligne et gnralement place en diagonale par rapport la voie. Les passerelles dentre de ville ont reu un traitement particulirement soign, avec tout un travail sur les formes et lpiderme du bton, qui se prsente la fois rude, agressif, et caress par les jeux de lumire du soleil levant ou couchant.

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    La sculpture intgre

    Le souhait de Jean Balladur de faire participer la sculpture la composition urbaine est trs prcoce : ds 1966 il de-mande de jeunes artistes de sintgrer fortement son travail. Commence alors une grande aventure de cration laquelle participent Michle Goalard, Albert Marchais et Josphine Chevry. Il crit en 1974 : Ici chaque uvre na de sens que par rapport luvre qui la prcde et celle qui la suit, comme un mot dans une phrase .

    Josphine Chevry, la demande de Jean Balladur, installe des peignes dans les dunes, crant un vnement artistique qui sert renforcer et remodeler la dune au Point Zro.

    Michle Goalard, peintre et sculpteur en milieu architectu-ral, intervient tout dabord au Point Zro, puis cre avec Al-bert Marchais les patios sculptures du vvf, les jardins de la Grande Pyramide, le jardin cosmique du Couchant, les deux sculptures fontaines de la place de lHomme, enfin la passe-relle des Lampadophores ( lentre ouest de la ville).

    Albert Marchais imagine les poteaux porteurs de la salle polyvalente (thtre de verdure), sculpte la Dame de la Motte devant le bassin de la pyramide Delta, les fontaines et jeux denfants du vvf, le jardin est de la Grande Pyramide et devant celle-ci 19 figures de proue : la Navigarde (quai Robert Fages). Il ralise sur la faade de lhtel Frantel (Mercure) une fresque rouge et bleue qui a t dtruite ain-si que la frise intrieure du palais des Congrs, elle aussi malheureusement disparue.

    Michle Goalard est galement la coloriste-conseil de lagen-ce Jean Balladur : pour la grande pyramide (animant tous les

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    halls avec des couleurs glorieuses quelle voulait la hauteur de larchitecture), le collge, lcole primaire.Pour le Couchant, Jean Balladur lui demande de trancher avec la dominante blanche du Levant : elle propose une pa-lette de bleu, rouge, vert et un mauve parme.

    Les teintes dorigine ont souvent disparu mais les couleurs des stores imposes par les fiches de lot sont respectes.

    Pages prcdentes :A. Marchais et M. Goalard sur le patio aux fontaines du vvf, 1969.La douche la fontaine de la place de lHomme.

    Au vvf, actuellement Blambra club, le patio aux fontaines o leau a t remplace par des galets.

    Ci-dessus :Extrait du book de Michle Goalard, montrant les tapes de la cration de ses sculptures en bton : rali-sation dun coffrage en polystyrne, dans un entrept du port, puis cou-lage du bton sur place.

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    Les figures de proues, en bton brut, devant la grande pyramide.

    Michle GoalardNe le 29 septembre 1936 Caux, Hrault. Etudie la peinture et la sculpture lEcole nationale des Beaux-Arts de Montpellier Ensei-gne le dessin lAcadmie Char-pentier, Paris de 1961 1964.

    Travaux intgrs lArchitecture partir de 1965 :

    1967 : Grenoble, Lyce Jean Bart, Sculpture (bton projet) 1968 : La Grande-Motte, H-rault point 0 espace de M-ditation Mur-Sculpture. C.E.S. Rutiliano Port-Boyer, Nantes Loire Atlantique. Sculpture en acier corten et Mur Sculpture 1970 : Nantes, Cit Scolaire Les Bourdonnires. Sculpture pierre claire de Poitiers 1971 : Port Camargue, Jardin sculpt, en collaboration avec A. Marchais 1972 : Mamers, Sculptures b-ton color 1975 : Paris, faade acier color Institut de la Tour 1977 : Compigne, 3 peintures murales C.E.S. 1980 : Vedne en Vaucluse, Espace sculpt 1981 : La Grande-Motte, 2 Sculp-tures-Fontaines 1982 : Bezons, 3 sculptures bton de bauxite, coffrage ngatif du polystyrne 1983 : Roquevaire, 4 sculptures bton blanc, coffrage ngatif du polystyrne 1985 : Vedne en Vaucluse, 4 ponts pitonniers, b-ton de bauxite, coffrage 1987-1988 : 12 Porteurs de lampes pour une passerelle La Gran-de-Motte 1989-1990 : Coloriste Conseil et Suivi de chantier - r-novation hpital Curie - Paris, Agence Jean Balladur 1991-

    1992 : Projets : Grand ensemble de sculptures Valence-Drme. Amnagement du Rond-Point N 532, Hommage la Rsistance 1995 : 2 peintures murales, Ins-titut Curie, Paris 1996 : Seize petits bronzes pour deux portes dentre Socit Concorde, Paris 1994-2002 : Coloriste Conseil, Rnovation Lyce Voltaire, Paris. Agence Balladur.

    Albert MarchaisN en 1935, tudie la peinture et la sculpture lInstitut dArt, Paris.

    Travaux lis lArchitecture :

    Animation sculpture dans des tablissements scolaires : Tou-louse, Nantes, Dieppe.

    1970 : Sculpture la Dame de la Motte, La Grande-Motte 1971 : Jardin sculpt, Port Camargue 1974 : Sculpture, lyce, Aix-de-Provence 1976 : La Grande-Motte, figures de proue 1979 :Port Camargue, sculpture Signal, lhomme oiseau 1980 : Sculp-ture en marbre devant la tour scor, Paris-la-Dfense 1984 : Sculpture, Direction Tlcom, Grenoble 1992 : Sculptures, ex-position internationale, Madrid.

    Autres artistes 1976 : Yves Loyer pour la grande figure penche du Monu-ment aux morts (jardin du souve-nir) 1995 : Ilio Signori sculpture et porte-chandelles en bronze de lglise Saint-Augustin 1998 Jacques Loire, matre-verrier, ra-lise les vitraux de lglise.

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    Le Point Zro en 1969. Au 1er plan, les amnagements de J. Chevry pour conforter la dune. Sur la queue du poisson, le Mur Sculp-ture de M. Goalard.

    Les constructions publiques

    Le Point Zro

    Comme lindique son nom, cest la fois llment de dpart du projet urbain et laltitude et cest partir de l que Jean Balladur a organis le plan de la ville.Le Point Zro a t construit en 1967 peu aprs le creusement du port pour rpondre une demande de visibilit de la sta-tion en construction. En effet, les curieux, attirs par les arti-cles de presse et la publicit, venaient en nombre pour voir quoi ressemblerait cette villgiature du futur. Il fut dcid de construire un ensemble de locaux destins laccueil. Le Point Zro constitue lquipement public principal de la plage ct est : parkings, services de plage (cabines de dshabillage, dou-ches et poste de surveillance de baignade), commerces, jeux denfants, jardins, terrasse publique protge des vents par un mur-sculpture, ainsi que poste, gendarmerie, cole et bureaux sont installs dans une structure en forme de poisson.Il sappuie la dune originelle (aujourdhui ampute de moi-ti). Construit sur un arc de cercle, ouvert vers lest (vers la colline de Ste lhorizon), il prend la forme dun poisson. Son dos est un voile pliss de bton brut de dcoffrage, la fois insolite et trs plastique. Fortement articul, il sapparente autant une sculpture qu un btiment. Les ouvertures des-sines par les poteaux encadrent le paysage vers louest. Une verticalit douce est donne par la tour ronde qui abritait la gendarmerie. Lextrmit vers la mer est traite en vigie, au sommet de laquelle officiait le surveillant de baignade. Laccs la plateforme suprieure par un escalier extrieur (aujourdhui interdit daccs) permettait datteindre un espace de calme et de repos, face la mer, protg du vent par un mur. Ds ltape de conception du projet, Jean Balladur a de-mand Michle Goalard dy crer un mur-sculpture, quelle a appel Mur des mditations .

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    Les plis de bton du ct oriental du Point Zro se dtachent sur le

    sable de la dune originelle.

    Lanimation en 1969.

    Les matriaux utiliss pour les sols mlent plaques de bton et pierre rouge du Salagou, jouant sur les couleurs pour des-siner des motifs.Ds lt 1968 cet espace, conu galement comme lieu culturel, lien entre architecture et sculpture, a accueilli dans le jardin du Point Zro une exposition Sculptures finance par la Socit damnagement du dpartement de lHrault, runissant des uvres de Giacometti, Csar, Richier, Arp, Stahly Dans le catalogue de lexposition Balladur crit : le public se trouve dans les meilleurs conditions, la Grande-Motte pour souvrir aux uvres des sculpteurs renomms Il nest pas in-diffrent que ce soit dans le cadre architectural et naturel dun amnagement de plage que se situe cette exposition... Le des-tin de la sculpture ne peut tre quaccidentellement le muse Sa vocation profonde est lespace vcu quotidiennement par les hommes cest--dire la Ville, cest--dire lArchitecture. Cest donc un bonheur pour la sculpture comme pour larchitecture que ces arts se retrouvent nouveau.

    Prs du Point Zro, les dunes de la plage sont amnages en pay-sage sculpt pour conforter et fixer la dune. Le sculpteur Jos-phine Chevry y plante et pose des lments en bton prfabriqus qui sont en mme temps une animation pour les baigneurs.On voit sur un reportage de 1973 que le grand espace libre situ entre le poisson et les pyramides tait muni dune passerelle installe quelques dizaines de centimtres dusable sur laquelle pouvaient circuler cyclistes et pitons.

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    Lancienne gendarmerie au Point Zro.

    La mairie, faade sud.

    Labandon des bassins, remplis de terre, et de lentretien des jardins a peu peu modifi laspect initial de ce lieu qui tait prvu comme ludique et culturel la fois. Le Point Zro a subi une dsaffection assez complte en raison des vols commis dans les parkings, et du fait que les services municipaux qui y taient installs ont gagn le centre ville. Devenu le point oriental extrme de la station, il a t abandonn et dtrior (devenant salle des jeunes en 2000). Le mur sculpture nest plus accessible et les cabines de bains (la queue du poisson) ont t dmolies ct plage. La dune originelle a t en partie dtruite pour crer un cheminement vers le nouvel espace loti pris sur les parkings arbors. Le ramnagement actuel de cet espace par Antoine Garcia-Diaz a modifi les lieux de faon substantielle, leur donnant un aspect plus minral, par destruction de la Tamarissire dorigine et lemploi de granits et de matriaux polis qui contredisent le langage du bton et de la pierre rouge.

    Jean Balladur, la fin de sa vie, souhaitait que le Point Zro puisse tre rhabilit et devenir un lieu de mmoire de la station.

    La place des trois pouvoirs

    La place des trois pouvoirs, nomme ainsi en rfrence la place du mme nom construite par Oscar Niemeyer Brasilia, voque les pouvoirs politique, spirituel et culturel. Cest le centre civique de la station. Le parvis est une place minrale dote dune fontai-ne en fond de scne. Autour delle sarticulent la mairie, lglise et la salle polyvalente, composant un ple urbain structurant.

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    Amnagement de la place des Trois pouvoirs : croquis en pers-pective de la place, JeanBalladur 1979.

    Le traitement dune des faces de la salle polyvalente en gra-dins transforme la place en lieu de manifestations.Jean Balladur a expliqu quil avait d batailler au conseil municipal pour garder le principe de son ide de dpart, cer-tains voulant y voir un square, dautres une place du march (projet rcurrent jusqu aujourdhui).

    Au sol, est dessin un labyrinthe par alternance de dalles de marbre rouge et blanc, au centre duquel la municipalit a fait sceller une plaque commmorant la cration de la commune (dtache du territoire de Mauguio) le 1er octobre 1974.

    Lhtel de ville

    Inaugur en 1982, son avant-corps est centr sur la place.A ltage, la salle des mariages est volontairement place en po-sition centrale. De part et dautre se trouvent le bureau du maire et la salle du conseil municipal. Jean Balladur a voulu marquer par louverture elliptique centrale, incluant laccueil et la salle des mariages, la place donne aux administrs en dmocratie.Les bureaux administratifs sont inscrits en retrait de ce corps de btiment, leur faade plus sobre est rythme de manire fonctionnelle avec des baies verticales.

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    Vue du ct occidental, lignes courbes, oculus et clocher.

    Le clocher.

    Lintrieur.

    Lglise Saint-Augustin

    Sa premire pierre pose en juillet 1975 est visible au centre de lglise, sa conscration a eu lieu en 1976.Place sous le signe de la parabole, mtaphore vanglique et formelle, elle est compose de trois paraboles qui slvent pour senlacer, dessinent le clocher et les lieux sacrs, int-rieurs et extrieurs. Jean Balladur, familier des messes dt dites en plein air, a cr une glise extrieure ombrage par des pins. Le clocher suggre laccueil permanent. Plac au centre de ldifice, il laisse le ciel se dcouper sur la courbe de bton blanc et dvoile la cloche. Celle-ci, date de 1606, provient de lglise des Pnitents de Montagnac, replaant ainsi la ville nouvelle dans lhistoire.

    Lespace intrieur de lglise est trs ouvert, agrandi par lap-port de lumire des grandes baies ornes de vitraux. Lam-biance ainsi cre est chaleureuse. Une lgre dclivit qui descend vers lautel met en scne lespace du chur.Des uvres dart ont t commandes par les curs succes-sifs pour orner lglise.Les vitraux ont t conus en 1993 par Jacques Loire, matre-verrier de Chartres. Lensemble liturgique (autel en bronze, ambon, cuve baptismale, tabernacle et arbre de lumires) est d au sculpteur ferronnier Jean-Jacques Bris, de Saint-Jean-de-Bruel. La statue de lvque Augustin, en bronze, est luvre du sculpteur Ilio Signori (1995) ainsi que les chan-deliers en mtal figurant les 12 aptres.Les portes latrales ont t dessines par Gabriel Mutte.

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    Btiment du conservatoire de musique, fermant le thtre de verdure au nord : la galerie estscande de piliers en forme dove.

    Les poteaux sculptures dAlbert Marchais et la polychromie de Michle Goalard.

    La salle polyvalente

    Jean Balladur naimait gure cette appellation et lui prfrait celle de salle commune, ddie la fte. Dans les archives de lInstitut franais de larchitecture, elle est dnomme aussi thtre de la nature, mais galement centre culturel et thtre de verdure. Il avait prvu un thtre en plein air couvert dune toile tendue amovible, jouxtant une salle polyvalente dun tage, dont la faade sur la place serait traite en escalier monumen-tal. Sa conception est originale avec deux points forts : - le toit en pente garni de gradins est tourn vers la place, destine servir de scne ;- la structure portante est faite de piliers anthropomorphes sculpts par Albert Marchais. Mon ami le sculpteur, peintre, pote, homme de thtre, Albert Marchais, a imagin le dessin dun coffrage glissant qui a permis de couler les poteaux ils salignent de chaque ct de la salle dans des figures qui les affranchissent des strictes contraintes de la matire. Cette libert fait le bonheur de toute sculpture.

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    La capitainerie : la vigie vue depuis le sud.

    La galerie nord, voquant la cage thoracique de la baleine.

    Cette sculpture intgre si chre Jean Balladur est ici mise en valeur par un travail sur les couleurs chaudes appli-ques sur les murs et les sous-faces du toit, qui fait ressortir les formes des poteaux.La faade arrire (actuel thtre de verdure) utilise lintrieur comme lextrieur un module douverture ovale avec balcons en avance donnant la thtralit voulue la scne aux lignes courbes quelles entourent. Cette faade donne sur une cour qui est borde au nord par un long btiment en rez-de-chaus-se (conservatoire de musique). Le module ovale y est repris en avant des portes fentres qui ont conserv leurs menuiseries dorigine. Le toit de ce btiment tait peint de couleur orange.

    La capitainerie

    Le dveloppement du nautisme est un des phnomnes im-portants des annes 65-70 et laccueil des plaisanciers a t particulirement soign La Grande-Motte. Le btiment de la capitainerie est construit en 1968 : il prend la forme dune baleine, traite en bton et en bois qui semble ouvrir sa gueule

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    Lcole primaire : faade articule dont laspect anguleux est contre-dit par les arrondis des baies.

    Construit en 1985, cet ensemble mlant logements hlm et locaux municipaux (bibliothque, garde-rie) dveloppe des ondulations en hauteur et en faade.

    pour inciter entrer dans le port. Au nord, la succession des piliers courbes de lauvent voque lossature de la baleine. De-puis le quai laccs se fait par une passerelle incline soutenue par les piliers en forme de voile. Le voile de bton symbolisant la voile des bateaux est ici un langage qui parle tous.

    Lcole primaire Andr Malraux

    Construite en 1975 pour remplacer la petite cole installe tout dabord au Point Zro, sa faade est marque par des ouvertu-res lignes courbes. Ses volumes intrieurs sont trs ouverts.

    Le collge

    Edifi plus tardivement il se trouve loign du centre ville, dans la zone des campings. Son entre est plus monumentale que celle de lcole. Un auvent, encadr de piliers en plaques de bton ajoures hautes et courbes, ouvre sur un hall vaste et trs clair. Les espaces offrent lumire, calme et dgage-ment. On y retrouve le rpertoire des formes balladuriennes : les ovales coups, les paraboles tires au sommet dlimi-tant les couloirs, les baies o les lignes droites des menuise-ries viennent raidir les courbes.

    La bibliothque

    Ce btiment un peu cach par la vgtation possde des for-mes intrigantes qui font hsiter entre les oreilles de lapin ou la maison des Barbapapa.

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    Faade principale du palais des Congrs.

    Escalier tournant 2 voles, dont la premire vole est double, montes parallles.

    Le palais des congrs

    Construit en 1983 au nord du port, son emplacement a t choisi pour sa situation gographique : proche du centre et de lentre de ville, il bnficie dun vaste parking.Le programme comporte deux salles : lune de 500, lautre de 200 places, un vaste hall daccueil, une grande salle dexposition. Les salles de congrs ou de spectacle prennent extrieurement la forme de deux galets poss sur le sol. Balladur a tenu ce que lessentiel du btiment soit en rez-de-chausse pour que laccs aux espaces verts environnants ou au port soit facilit.La juxta-position des faades blanches des salles et de celle de lentre en pierre rouge de Lodve au trac orthogonal est spectaculaire.La charpente en lamell-coll est laisse apparente, les rev-tements des murs intrieurs dorigine taient en bois ou en laques, les sols recouverts de moquettes ou de marbre du Lan-guedoc. Un imposant escalier tournant deux voles donne accs la grande salle des congrs, sa rampe en bois, majestueuse, accompagne la monte de ses courbes ondulantes. Pour lhis-torien de lart Jean-Franois Pinchon, cet difice dune rare plasticit la manire dune sculpture de Brancusi ou Calder, semble issu dune BD avant-gardiste de la fin des annes 50 .

    Le cimetire

    Conu par Jean Balladur en 1978, il est organis sur le thme de la pyramide. Son entre monumentale reprend les formes habituelles de larchitecte, qui a galement donn un traitement particulier au sol de la place par un calepinage soign et une alternance de couleurs. Larchitecte y est enterr.

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    La tour Fenestrelle, faade sud-est : cercles, triangles, pilotis en rez-de-chausse. Chaque im-meuble est caractris par des dcoupes de baies et de balcons diffrentes ainsi que par la couleur des stores.

    Sur le quai Charles de Gaulle, lAcapulco, Concorde et Commo-dore ont reu dans leur dcoupe de balcons un clin dil au profil du Gnral.

    Le quartier du Levant

    Balladur a choisi de densifier prs du port un centre ville im-plant sur un trac orthogonal.

    Les pyramides du port

    Le Provence et le Grand Pavois sont les deux premires pyra-mides sorties du sol la stupeur et ladmiration des pionniers de 1968. Elles sont situes chacune une extrmit du quai Georges Pompidou. Le Delta et Le Fenestrelle viennent sin-srer entre les deux.Ces immeubles de 9 tages gradins latraux se terminent en toit-terrasse. Des pilotis dterminent un espace de grande hauteur pour accueillir des commerces en rez-de-chausse.Ces premiers btiments donnent la note de ce que veut Jean Balladur pour lensemble des constructions de la station, il impose des rgles trs prcises.

    En 1966 le cahier des charges pour les immeubles collectifs prcise les points importants de la conception de Balladur :- les passages publics prvus sur le plan masse de la station et que les promoteurs doivent respecter- la transparence rez-de-chausse : le pourcentage de surface du btiment qui dans la hauteur du rez-de-chausse doit tre obligatoirement ralis sur pilots de manire fai-re bnficier les promeneurs de la vue sur les cours-jardins intrieures sapplique la surface demprise au sol les em-placements de ces transparences seront choisis compte tenu de lagrment et des ncessits de protection contre les vents dominants - les matires : lunit du site urbain doit tre trouve dans une discipline trs stricte de la tonalit du matriau ainsi que dans ses qualits de vieillissementil est expressment demand que le parement soit dune tonalit blanche

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    Pourquoi des pyramides ?-pour profiter du soleil : le ga-barit pyramidal prconis par lar-chitecte Henri Sauvage permet des retraits en terrasses prolongeant le dedans au dehors-pour crer du volume entre les Cvennes et la mer : limmeu-ble-tour commun brutalise la na-ture quand celle-ci ne peut pas y opposer la masse de ses reliefs , les silhouettes pyramidales mergent plus naturellement dun sol plat et laniment comme une image des collines absentes -pour crer du paysage sur la plaine languedocienne : un pro-fil pyramidal assure un mouvement continu du sol limmeuble recre un relief artificiel et sassocie mieux un relief horizontal -parce que Balladur est all au Mexique en 1962 : jai vu Teoti-huacan et ses pyramidescest une vocation gomtrique des mon-tagnes qui entourent la plaine de MexicoJe me suis dit que jallais faire un cho des Cvennes sur le littoral

    - les couleurs : lapport de taches de couleurs dans le paysage urbain est rserv exclusivement aux ouvrages de fermetures, volets, stores, bannes Les couleurs sont dtermines par quartier, les menuiseries seront soit conserves dans la teinte naturelle de la matire premire soit peinte en noir, gris ou blanc, lexclusion de toute autre couleur.

    Outre la forme pyramidale, cest lemploi exclusif du bton qui fait la spcificit de cette architecture, en particulier lutili-sation des rsilles de bton. Le souhait de Jean Balladur est de reconstituer une modnature qui redonne un dcor lar-chitecture. Pour lui, la verticalit et la rigueur de lacier et du verre, alors en vogue, manquent de charme.Places au devant des faades ces rsilles servent de pare-soleil et de protection contre le vent : le premier plan des faades leur donne de la qualit et de la profondeur, comme en photographie La dcoupe des rsilles est tudie pour prsenter, encadrer le paysage depuis lintrieur des appartements. De lext-rieur, elles thtralisent les faades grce au jeu des ombres et des lumires qui modlent les espaces des loggias.

    La prsence de stores de couleur unique par immeuble donne la gat souhaite dune architecture de vacances, caractris-tique des annes 70.

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    Le Saint-Clair, faade nord : bor-dure dimmeubles dont la fonc-tion est de briser le vent (extrait de Techniques et Architecture, nov. 1969).

    Les peignes

    Entre le Point zro et le port, se trouvent des immeubles en peigne qui, comme lavait imagin larchitecte, ont permis de modifier le climat et de crer les conditions favorables lpa-nouissement de la vgtation larrire de ce cordon de bton. Par exemple, le Saint-Clair, conu par larchitecte Albert Cane, est un ensemble de trois tours pyramidales de 8 tages relies par des btiments de 3 tages traits avec le maxi-mum de transparence en rez-de-chausse.

    La piscine Neptune (dtruite)

    Cet difice que Jean Balladur a construit en 1972 en bordure de la promenade de la mer prs des immeubles en peigne tait un ensemble de plan ovode de 1000m, compos dun bassin de 25 m, dune pataugeoire et de terrasses ceintures par des commerces. On en voit encore le bar spectaculaire dans sa forme de soucoupe volante pose au milieu de ter-rasses diverses et varies.

    L plus quailleurs, il faut ouvrir lil pour redcouvrir les mille dtails dune architecture faite de parois de bton ajou-res poses en avant des murs, dlimitant maintes circula-tions avec vue sur la mer.

    A proximit, des petits btiments placs en front de mer sont destins recevoir des quipements danimation et procurer de lombre. Raliss en coque monolithe de bton brut de dcof-frage, avec des menuiseries aluminium, ils devaient tre domins par une promenade place 3 m de hauteur. On a donc soign les parties suprieures dont les votains font ressortir le travail du bton. On ne peroit plus aujourdhui de ces amnagements que le petit clocheton signal situ prs de la place de lEpi.

  • 49 Jean Balladur et la Grande-Motte

    La piscine Neptune, partie sub-sistante.

    La grande pyramide, partie est, vue depuis le sommet, avec le jardin de mdailles.

    La grande pyramide

    Cet immeuble locatif de trs vastes dimensions marque la frontire entre le quartier du Levant et du Couchant. Pyra-midal mais adoptant un plan en courbe, il prfigure les formes arrondies des conques du Couchant. Sa silhouette est une vocation inverse de celle du Pic Saint-Loup, que lon aperoit en arrire-plan.Cest une pyramide gradins latraux de 15 tages formant en plan un Y incurv.Une rsille de bton dlimite les balcons, la faade nord pr-sente un aspect plus ferm avec un traitement horizontal marqu : les fentres forment un bandeau linaire arrondi ses extrmits. Une fine ligne de bton relie les terrasses latrales, adoucissant les artes de la pyramide. Elle rappelle un bateau avec sa chemine au sommet.

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  • 51 Jean Balladur et la Grande-Motte

    La grande pyramide, peron cen-tral, pentu 60 degrs.

    La grande pyramide, faade sud, partie ouest. Le jardin de vagues est fait de formes modeles au sable, de petits murets de sout-nement blancs et dun tapis de briques rouges.

    Le hall principal avec ses piliers ronds et leurs linteaux venant se ficher dans des alvoles au plafond est impres-sionnant. Malheureusement les rnovations de peinture ont fait disparatre les couleurs dorigine de Michle Goalard, il ne subsiste rien des rouges glorieux choisis pour les halls.La modnature est riche, base de paraboles toujours, de formes arrondies dcoupant le bton, jusque sur le toit-terrasse dont la chemine offre un amer aux plaisanciers.

    Les deux jardins devant la faade sud sont dus aux sculp-teurs que Balladur avait lhabitude de faire intervenir. Ils ont t raliss au prix dun long et minutieux chantier, associant lquipe douvriers avec les artistes. Le jardin de vagues louest, tout en ondulations de briques a t ralis par Michle Goalard ; lest, le jardin de mdailles parsem de disques de briques est dAlbert Marchais. Celui-ci a galement ralis les figures de proue qui bordent le passage en hauteur le long du quai devant la grande pyra-mide et dtachent leur silhouette fantastique au milieu des haies vgtales.

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    Le Frantel en 1975, avec la pein-ture dAlbert Marchais animant la faade nord.

    Le Frantel, vu depuis le quai dhonneur. La verticalit est compense par un travail sur les horizontales et les rsilles qui dcoupent la faade.

    Lhtel Frantel (Mercure)

    Cest un des rares checs de Jean Balladur. Il na pas russi imposer au commanditaire la forme en pyramide quil lui proposait. Celui-ci refusa de perdre de lespace, voulant un nombre de chambres identique chaque tage. Larchitecte fut contraint de cder aprs une intervention au plus haut niveau.La perspective depuis le quai Georges Pompidou vers la mer est barre par la masse monolithique du mur plein des 9 ta-ges de lhtel. De plus, la disparition de tout le travail des ar-tistes sur la couleur et la ligne, qui attnuait laspect tour appauvrit grandement cet difice : Albert Marchais y avait peint une tonnante fresque rouge et bleue (recouverte sans son consentement en dpit du droit de proprit de lartiste) et Michle Goalard la demande de Balladur avait tudi un ton fonc pour que, dans le soleil comme dans lombre, on ait une impression de bande continue de fentre en fentre . Le talent de larchitecte se retrouve dans la dcoupe des baies, qui de lintrieur transforme en tableau encadr la vue sur le port, le Pic Saint-Loup et la mer.

    Les autres immeubles du Levant

    Ces immeubles construits pour loger rapidement et massi-vement les vacanciers sont construits sur le mme principe : une ossature de poteaux porteurs et des voiles de bton arm. Des lments de faades prfabriqus viennent donner chacun son identit. uvre de divers architectes dopration, chacun est reconnaissable grce une forme et une couleur, le bton blanc crant lunit souhaite par lurbaniste.

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    LEden, formes et couleurs.

    LAcapulco, portique ouvert sur un patio.

    Triangles, cercles, losanges, dcoups selon un angle chaque fois diffrent, servent dlimiter les baies et les loggias ou, dans les constructions les plus modestes, de simple dcoration.On peut citer sur le quai dhonneur lAcapulco, le Commodore et le Concorde, avec lallusion discrte au profil du gnral De Gaulle quadmirait Jean Balladur. Mais aussi la specta-culaire pyramide Babylone par larchitecte Vignal, Europa, Languedoc par Jean-Pierre Agniel, Reymar avec sa mosa-que sous les piliers, Temple du soleil, Voiles Blanches, Grand Voilier, Argonautes, Fidgis, Incas, Imprial II de larchitecte Henri Castella, Amiral avec son hall dentre majestueux et trs nautique.A LEden, situ ct de la Grande Pyramide, Jean Balladur hypertrophie le pignon et dessine des sinusodes.

    On trouve aussi des immeubles collectifs plus modestes : le Magellan pour lequel Jean Balladur a dessin des courbes linfini, mais qui a t ralis en querre, ou le Capricorne dont la rsille continue en faade rappelle les pices dun puzzle.Une infinie varit dimmeubles et de formes se rvle au pro-meneur qui lve les yeux et gomme en pense les devantures et autres vrandas qui masquent les formes et perspectives dessines par les voiles et rsilles de bton.

  • 54Jean Balladur et la Grande-Motte

    Les Jardins de la mer, un pignon sculpt par lombre et la lumire du couchant.

    Le quartier du Couchant

    A loppos du trac rectiligne du Levant, ce quartier, dont Jean Balladur donne le plan masse ds 1973, est irrigu par un r-seau de rues en courbes enroules et inverses. Ici, la formule dense du centre plus urbain du Levant est abandonne.Situ lOuest du port, il articule, autour dun centre com-mercial, des immeubles dhabitation et un ensemble sportif appel la Plaine de jeux.La construction du Couchant sest chelonne jusquen 1986. Malgr des remises en question de lvolution de la ville, en raison des mutations conomiques, le parti de dpart a pu tre conserv et les gabarits fournis par larchitecte ont t suivis.Il propose un systme de logements mixant limmeuble col-lectif et les logements individuels en RDC situs en avant ou autour du collectif. Ces petites villas en rez-de-jardin sont aujourdhui dissimules dans la vgtation et ont lavantage de ne pas gner la vue des appartements situs en arrire.Jean Balladur aimant la symbolique a dclar que ce quar-tier tait le ct fminin de la Grande-Motte en opposition au ct vertical et masculin du Levant. Les formes quil a prconises sont de deux types : les conques de Vnus et les bonnets dvque.

    Il a donn libre court son inventivit, son got pour la plas-ticit des formes.La modnature est plus simple quau Levant, en revanche les pignons des immeubles sont trs souvent traits comme des sculptures, se dtachant sur le ciel et offrant de saisissant jeux dombres et de lumire. Les ombres portes font dcou-vrir sur le bton des motifs supplmentaires et dessinent des formes diffrentes selon les heures de la journe et linclinai-son du soleil. La Grande-Motte apparat ainsi comme une ville extraordinairement photognique.

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    Le Paradis du soleil, le lyrisme de la conque.

    Les conques de Vnus

    Ces formes de faible hauteur, tournes vers la mer, ondu-lent gnralement autour dun jardin quip dune piscine et fournissent des vues chaque appartement et des terrasses nombreuses sur les gradins. Les faades sont ouvertes large-ment vers le sud, plus opaques ct nord.

    Le Paradis du Soleil

    Dessin par Jean Balladur, en 1975, le Paradis du Soleil est un immeuble courbe gradins latraux slevant progressi-vement jusqu 6 tages, prolong par une barre de courbure inverse abritant des maisons individuelles mitoyennes appe-les villas. Sa monumentale faade incurve est anime par les parois des loggias formant des becs.

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    Les Jardins de la mer : plan masse

    et vue dune conque.

    Le Posidon.

    Les Jardins de la mer

    Raliss par Jean Balladur en 1975, les Jardins de la mer sont constitus de deux barres courbes gradins latraux adosses, enserrant, de part et dautre, deux jardins en demi-cercle. Les deux barres stalent largement et ne comptent que 4 tages. Lensemble est complt par 12 maisons en rez-de-chausse groupes. Lensemble est soulign par une ligne de bton, semblable celle qui parcourt les artes de la Grande pyramide. Cette ligne accentue leffet de cour-bure, elle vient semboter sur les lments en avance des balcons, ce qui rend trs visible la technique de construction par plaques de bton prfabriques et assembles.

    Les conques dnommes Bahia, Anmones de mer, Parador par les architectes Gineste et Dezeuze (1983), Belles Plages, Calypso, Cap sud, Flamants roses, Grenadines, Ipanema sont construites selon un schma comparable.

    Les bonnets dvque

    Ils se caractrisent par leur allure lance, leur volume g-nral semble simple mais le traitement en lignes courbes est de rigueur ici encore.Le Posidon a t construit par Jean Balladur en 1981. Il sagit toujours dimmeubles dhabitation gradins latraux mais dans un esprit diffrent. Cette formule est plutt place en arrire des conques de Vnus et slve jusqu 9 tages. Sa particularit est davoir des faades ovales et des profils ventrus.

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    Les boutiques du couchant.

    Le Grand Mottois.

    Dans la mme famille, on remarque le Grand Mottois, les Jar-dins du Couchant, les Marines de Haute Plage, les Marquises.Le Palm Beach a une fonction particulire lextrmit du Couchant : situ de part et dautre de la passerelle des lampa-dophores, plac lgrement de biais, il marque lentre de ville, comme ouvrant le passage larrivant.

    Le centre commercial

    Le centre commercial Les Boutiques du Couchant a t construit en 1980 sur une parcelle irrgulire. Il tait prvu comme un ensemble compos dune partie droite regrou-pant huit boutiques en rez-de-chausse et cinq studios ltage, articule une partie semi-circulaire abritant trois boutiques supplmentaires, un restaurant et une aire de jeux pour enfants. Des alles darcades aux courbes para-boliques longent les boutiques, faisant une haie dhonneur (si lon fait abstraction des commerces envahissants et des b-ches qui cassent les lignes). Elles donnent une grande unit ce lieu avec leurs parties hautes dpassant des toits-terras-ses, semblables des oreilles.

    Au Couchant, les espaces de circulation pitonne sont, outre la promenade de bord de mer, un cheminement qui permet aux vacanciers des campings daccder la mer. Sur ce parcours piton imagin ds le dbut de la station, Jean Balladur a amnag deux places, celle de lhomme et celle du Cosmos (parc du Couchant) et demand Michle Goalard dy crer des sculptures-fontaines et des bassins, en 1980 et 1981.

  • 59 Jean Balladur et la Grande-Motte

    Place du Cosmos : le bassin de la Lune au premier plan, la Terre rouge dans le soleil.

    La place de lHomme et la place du Cosmos

    Depuis la plage, on rejoint par lactuelle avenue du Marchal Juin la place de lHomme (devenue place des anciens dIndo-chine) o des sculptures-fontaines en bton de basalte gris bleu versaient leurs jets en douche pour retirer le sable ou se rafrachir. Au sol, la place est marque par des mosaques mlant les lignes blanches et noires de deux personnages styliss se faisant face.De la place de lHomme, on accde symboliquement la pla-ce du Cosmos. De grande ampleur, son trac est bas sur une rythmique du nombre 7. Le parcours piton est le chemin de lHomme qui traverse le cosmos, il passe par un escalier coupant une demi-sphre rouge, la Terre. Le toboggan repr-sente un cadran solaire. Vers lest, on trouve les anneaux de Saturne et le bassin de la Lune. Ce bassin a reu une mosa-que blanche et bleue. Le calepinage du sol de la place sym-bolise les rayons du soleil. Tout autour des cercles de pins pignons transforment cet espace public en parc, symbolique et reprsentatif de la pense humaniste de Jean Balladur.

  • 60Jean Balladur et la Grande-Motte

    Rsidence Port Ponant, entre thtralise par une rsille de bton ouvrant une arche vers la porte (architectes Paul Gineste, Pierre Dezeuze).

    Schma des placettes.

    Rsidence Super Land, dcor anthropomorphe de la faade.

    Le quartier du Ponant

    Le quartier du Ponant est caractris par la prsence du vvf, lment essentiel dans la pense du tourisme social pour ac-cueillir les classes moyennes. Il est un des premiers chan-tiers de la station ds 1968.Le village de vacances est compos de logements pour jeunes mnages, de gtes (vvf), de rsidences (vvt) autour dun btiment commun comprenant des boutiques, une salle polyvalente, un restaurant, une crche, une salle de jeux et un htel. Une aire de jeux au nord de ltang du Ponant complte le programme.Les sculpteurs y sont intervenus dans lenthousiasme de la jeunesse , dit Albert Marchais, pour animer les patios avec des fontaines en briques, des aires de jeux, des sculptures en acier corten. Avec lutilisation de ce matriau adapt aux conditions atmosphriques maritimes, ils crent un espace fort au bout de la presqule : une figure dresse, le Guetteur accompagne des formes fminines, destines servir de siges.Le Ponant compte un grand nombre dimmeubles de taille moy-enne et de moins grande hauteur que dans les autres quartiers, leur qualit de construction et leur dcor sont moins soigns.

    Noy dans la vgtation, cest un modle de cit-jardin, organi-se autour de placettes. Ce quartier a bnfici dun prverdis-sement lors de la conception du plan de masse. La circulation automobile y est trs limite, et chaque placette est relie au rseau de cheminement pitonnier. Jean Balladur a calcul limplantation des placettes et la disposition des parcelles pour procurer un maximum de confort et dintimit aux habitants.

    Le quartier des villas

  • 61 Jean Balladur et la Grande-Motte

  • 62Jean Balladur et la Grande-Motte

    Le poste de secours du Couchant.

    Le mobilier urbain et le traitement des dtails

    Jean Balladur a eu le dsir dapporter un soin constant et attentif aux trs nombreux dtails qui contribuent au fini, lharmonie, au sentiment de confort et dquilibre de la ville.

    La nature du traitement de sol varie suivant les espaces :-les alles en bton coul sur place en larges dalles-les grandes places ou mails en sol stabilis-les placettes reoivent un traitement plus prcieux : dallage de pierre rouge de Lodve, pierre de Solnophen, pavage granit ou pavs bton autobloquants.

    Lespace commun des circulations entre les immeubles laisse le regard pntrer jusque dans les patios et jardins intrieurs, permet des passages, ouvre les perspectives vers la mer ou les avenues. Participent cette intention, les cltures-pad-docks, simples planches de bois fixes des poteaux bton de faible hauteur, qui marquent les limites de proprit mais narrtent pas la vue. Les blocs de bton en S destins viter de faon douce le stationnement sur les trottoirs, disparais-sent peu peu.

    Le mobilier urbain est partie intgrante de loriginalit de la cit des pyramides, considr comme un tout et dessin par larchitecte lui-mme : les bancs en bois et bton, les lam-padaires taille humaine pour les alles pitonnes, ou plus lancs pour les lieux forts, les fontaines, les transformateurs lectriques en forme de pyramide pointue, les locaux pou-belles, les panneaux daffichage, les postes de secours sur la plage, la station-essence

    Certaines dnaturations dusage amoindrissent la qualit du bti : lobturation des loggias par des vitres ou ladjonction de vrandas est un contresens par rapport leur fonction qui

  • 63 Jean Balladur et la Grande-Motte

    Transformateurs lectriques en forme de pyramide et locaux pou-belles, tous les dtails ont t dessins par larchitecte.

    est dapporter de la fracheur. Ce contresens est aussi visuel puisque les armatures verticales ou horizontales des parois vitres viennent en contradiction avec les courbes dcoupes dans les rsilles de bton.La modification des appuis de balcons, lajout de stores ext-rieurs, qui masquent les loggias ou les ouvertures, annulent les effets de volume et de profondeur et les jeux dombre et de lumire. Laltration des terrasses en gradins peut aboutir une relle modification du profil des immeubles.

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    La grande pyramide, passage au rez-de-chausse sous voiles de bton au profil parabolique, ouvrant sur le jardin de vagues.

    Page suivante :Le Point Zro, passage au rez-de-chausse.

    Jean Balladur et la Grande-Motte - Conclusion

    Il est clair que Jean Balladur a bnfici de conditions parti-culirement favorables : la cration sur un terrain vierge, lab-sence de collectivit locale avant 1974, le soutien sans faille de Pierre Racine ( laissons faire larchitecte en chef, sil ne russit pas, on lui coupera la tte ). Mais cest sa capacit apprhender le projet comme un tout, son talent considrable et lnergie inpuisable quil a consacr sa ralisation qui en ont fait le rsultat que nous voyons aujourdhui et qui est reconnu unanimement, aprs avoir t beaucoup dnigr.

  • 65 Conclusion - Jean Balladur et la Grande-Motte

    Sur le plan esthtique, la station de la Grande-Motte consti-tue, comme le dit Claude Prlorenzo, un catalogue de for-mes inspires . Cest la parabole et la courbe dans tous ses tats, le bton dans toutes ses possibilits, la pleine expres-sion des pleins et des vides magnifis par la lumire et le so-leil du Languedoc. Jean Balladur a fait la dmonstration que le bton ntait pas rserv aux hlm mais pouvait crer un cadre de vacances de qualit.

    Cette architecture dpaysante prconise par le cahier des charges des stations de la Mission Racine est une russite magistrale que Jean-Franois Pinchon compare celle dAvo-riaz, Flaine ou les Arcs pour la mme priode en France.Cependant lintrt pour cette ville exceptionnelle est inter-national. Sa conservation comme uvre darchitecture totale, doit tre laffaire de tous, population, touristes, lus.

    Il est en particulier ncessaire et urgent dtablir un inventaire de lart urbain, comme le font les villes patrimoniales. La ville permanente tendant prendre le pas sur la ville saisonnire, les besoins en terme de zones constructibles sont importants. Il est permis de concevoir une inquitude sur la conservation de luvre conue par Jean Balladur. On sait qu Bziers sa barre de Capendeguy la Devze a t dtruite. Le mur sculpture du Point Zro et les fontaines douches de la place de lHomme, de Michle Galoard, sont en mauvais tat de conservation.

    En 1975, des menaces pesaient sur la poursuite des construc-tions dans lesprit dorigine, une mesure dinscription au titre des sites a donc t prise sur les zones du Levant et du Couchant.En 2010, le Label Patrimoine du xxe sicle prend en compte la totalit de la cration balladurienne, lexception de la zac du golf. Il est conditionn par le respect de la composition dorigine y compris celle des espaces verts.Cest lhritage majeur transmettre au xxie sicle.

  • 1967 transformateurs edf1967 stations de pompage1968 Point Zro1968 capitainerie1968 signal de la jete1968 Provence [ quai G. Pompidou ]1968 Grand Pavois [ quai G. Pompidou ]1968 vvf du Ponant [ rue Sainte ]1968 camping Lorraine Aquitaine [ alle des peupliers ]1969 salle polyvalente [ place du 1er octobre ]1970 Fenestrelles [ quai G. Pompidou ]1971 passerelle de la St Jean1971 Delta [ quai G. Pompidou ]1972 piscine Neptune [ place Paul Valry ]1973 htel Frantel (Mercure) [ rue du Port ]1974 passerelle des escargots1974 la Grande Pyramide [ avenue R. Fages ]1974 Eden [ avenue R. Fages ]1974 Jardins de la mer [ rue des Voiliers ]1975 glise [ place du 1er octobre ]1975 htel Quetzal [ alle des jardins ]1975 Les Jardins de la mer [ rue des Voiliers ]1975 Paradis du Soleil [ avenue du Couchant ]1976 cole A. Malraux [ alle A. Malraux ]1977 Rsidences du Soleil [ avenue du Couchant ]1978 cimetire [ alle des Cyprs ]1979 commerces/all du Couchant [ alle Ml Juin ]1980 cinma et commerces le Forum [ place du Forum ]1981 Posidon [ Couchant ]1981 Belles plages [ Couchant ]1981 Dunes [ Couchant ]1982 passerelle des Abmes1982 mairie [ place du 1er octobre ]1983 palais des congrs [ avenue Jean Bne ]1983 Marquises [ alle des Phniciens ]1984 Escale [ rue des Navigateurs ]1985 Rayon Vert [ rue des Navigateurs ]1987 passerelle des Lampadophores1988 collge Ph. Lamour [ avenue Bois du couchant ]1988 Herms [ rue des Navigateurs ]1988 htel de la Plage [ alle du Levant ]

    Edif ices conus par Jean Balladur dans lordre chronologique de construction

    QUIPEMENTS

    LOGEMENTS

    COMMERCES

    HOTEL

    VILLAGE VACANCES

    CAMPING

    PISCINE

  • 67 Jean Balladur et la Grande-Motte

    1967 transformateurs edf1967 stations de pompage1968 Point Zro1968 capitainerie1968 signal de la jete1968 Provence [ quai G. Pompidou ]1968 Grand Pavois [ quai G. Pompidou ]1968 vvf du Ponant [ rue Sainte ]1968 camping Lorraine Aquitaine [ alle des peupliers ]1969 salle polyvalente [ place du 1er octobre ]1970 Fenestrelles [ quai G. Pompidou ]1971 passerelle de la St Jean1971 Delta [ quai G. Pompidou ]1972 piscine Neptune [ place Paul Valry ]1973 htel Frantel (Mercure) [ rue du Port ]1974 passerelle des escargots1974 la Grande Pyramide [ avenue R. Fages ]1974 Eden [ avenue R. Fages ]1974 Jardins de la mer [ rue des Voiliers ]1975 glise [ place du 1er octobre ]1975 htel Quetzal [ alle des jardins ]1975 Les Jardins de la mer [ rue des Voiliers ]1975 Paradis du Soleil [ avenue du Couchant ]1976 cole A. Malraux [ alle A. Malraux ]1977 Rsidences du Soleil [ avenue du Couchant ]1978 cimetire [ alle des Cyprs ]1979 commerces/all du Couchant [ alle Ml Juin ]1980 cinma et commerces le Forum [ place du Forum ]1981 Posidon [ Couchant ]1981 Belles plages [ Couchant ]1981 Dunes [ Couchant ]1982 passerelle des Abmes1982 mairie [ place du 1er octobre ]1983 palais des congrs [ avenue Jean Bne ]1983 Marquises [ alle des Phniciens ]1984 Escale [ rue des Navigateurs ]1985 Rayon Vert [ rue des Navigateurs ]1987 passerelle des Lampadophores1988 collge Ph. Lamour [ avenue Bois du couchant ]1988 Herms [ rue des Navigateurs ]1988 htel de la Plage [ alle du Levant ]

  • Dessins de Jean Balladur

  • Les Jardins de la mer, (avec J.-B. Tostivint) : perspective.

    Le Magellan : perspective ext-rieure de limmeuble.

    Le Paradis du soleil (avec J.-B. Tostivint) : perspective.

    Les Jardins de la mer (avec J.-B. Tostivint) : perspective avec fem-me aux lunettes de soleil.

    Les Jardins de la mer (avec J.-B. Tostivint) : perspective intrieure du hall dentre.

    La Grande Pyramide : perspective intrieure dune chambre den-fant (9e tage).

    Schma de la palette vgtale.

  • Bibliographie et archives

    Sur lamnagement du littoral du Languedoc-Roussillon (no spciaux)

    Loisirs Languedoc-Roussillon , Urbanisme , no 86, 1965.

    Amnagement touristique du littoral Languedoc-Roussillon , Techniques et architecture, 31e srie, no 2, nov. 1969.

    Sagnes (Jean), Lamnagement touristique de la cte du Golfe du Lion , in Deux sicles de tourisme en France, Presses universitaires de Perpignan, 2001.

    Jouvin (Philippe), La Mission Racine (1963-1983) et 45 ans damna-gement du littoral languedocien, sminaire diren, 25-27 juin 2008.

    Sur Balladur

    Notice biographique sur Archiwebture (Cit de larchitecture et du patrimoine/Archives darchitecture du xxe sicle).

    Jean Balladur (projet laurat, liste complmentaire) , Techniques et architecture, no 2, juil. 1967, p. 145.

    zup de Bziers , Techniques et architecture, no 5, sept. 1968, p. 88.

    Station de La Grande-Motte, Le Grau-du-Roi, Techniques et architecture, no 2, nov. 1969, p. 61-62.

    Station de la Grande-Motte , Techniques et architecture, no 290, dc. 1972, p. 68.

    Jean Balla