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BCH 132 2008 2 Études Rapports É COLE FRANÇAISE D' ATHÈNES BULLETIN DE CORRESPONDANCE HELLÉNIQUE

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VIENT DE PARAÎTRE

Fouilles de Delphes V La céramique protobyzantine de Delphes : une production et son contexte

par Platon PÉTRIDIS

© École française d’Athènes - ISBN 978-2-86958-203-3 40 €

Dépositaire : De Boccard Édition-Diffusion • 11, rue de Médicis • F-75006 Paris • www.deboccard.com

ISBN 978-2-86958-232-3ISSN : 0007-4217

ÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNESDidotou 6 GR - 10680 Athènes

www.efa.gr

BCH132

2008

2 Études

Rapports

ÉC O L E FR A N Ç A I S ED 'AT H È N E S

B U L L E T I N D E C O R R E S P O N D A N C E H E L L É N I Q U E

Dépositaire

DE BOCCARDÉdition - Diffusion

11, rue de Médicis - 75006 PARISwww. deboccard.com

Création graphique de la couverture

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2 Études

Rapports

B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

BCH1 3 22008

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É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

Comité de rédaction : Dominique MULLIEz, directeurCatherine AUBERT, adjointe aux publications

COMITÉ DE LECTURE

Le comité de lecture de l’École française d’Athènes est composé de trois membres de droit et de sept membres désignés par le conseil scientifique sur proposition du directeur. Sa composition actuelle est la suivante (conseil scientifique de l’École française d’Athènes du 27 novembre 2007) :

Membresde droit

- le directeur de l’École française d’Athènes : Dominique MULLIEz

- le directeur des études : Arthur MULLER - le responsable des études sur la Grèce et les Balkans aux époques moderne et contemporaine :

Maria COUROUCLI

Membresdésignés

Sont membres désignés des personnalités scientifiques françaises ou étrangères (mais francophones), reconnues et de dimension internationale. Le choix en est fait de manière à assurer la meilleure représentation possible des champs disciplinaires concernés. Leur mandat coïncide avec la durée d’un contrat quadriennal.

- Olivier DESLONDES, Professeur des Universités, université Lyon 2-Lumière- Emanuele GRECO, Directeur de l’École italienne d’Athènes- Jean GUILAINE, Professeur au Collège de France- Miltiade B. HATzOPOULOS, Directeur de recherche, Directeur du Centre de recherche sur

l’Antiquité gréco-romaine (Fondation nationale de la recherche [EIE] - Athènes)- Catherine MORGAN, Directrice de l’École britannique d’Athènes- Jean-Pierre SODINI, Professeur émérite de l’université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne- Georges TOLIAS, Directeur de recherche en histoire contemporaine, Institut de recherche néo-

hellénique (Fondation nationale de la recherche [EIE] - Athènes)Le comité de lecture fait appel en tant que de besoin à des experts extérieurs.

Révision des normes : EFA, Béatrice DETOURNAy

Traductions en grec : Pavlos KARvONIS

Réalisation en PAO : EFA, Guillaume FUCHS

Photogravure, impression et reliure : n.v. PEETERS s.a.

© École française d’Athènes, 20106, rue Didotou GR - 10680 Athènes www.efa.gr

Dépositaire : De Boccard Édition-Diffusion 11, rue de Médicis F - 75006 Paris www. deboccard.com

ISBN 978-2-86958-232-3 ISSN 0007-4217Reproduction et traduction, même partielles, interdites sans l’autorisation de l’éditeur pour tous pays, y compris les États-Unis.

B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

132.2 2008

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AVIS AUX LECTEURS

Partageant une longue tradition, l’École française d’Athènes et la British School at Athens diffusent auprès de la communauté scientifique le résultat de l’activité archéologique conduite en Grèce et dans certaines régions du monde hellénique. Depuis 1920, l’École française d’Athènes consacre une partie du Bulletin de Correspondance hellénique à la chronique des travaux archéologiques réalisés en Grèce, à Chypre et, selon un rythme bisannuel, dans le Bosphore Cimmérien. De son côté, la British School at Athens compile un bilan annuel similaire, Archaeology in Greece, publié en association avec la Society for the Promotion of Hellenic Studies comme partie constitutive des Archaeological Reports depuis 1955.Chacune des deux institutions avait un double défi à relever : faire face à une documentation croissante, d’une part ; utiliser des outils plus performants pour mieux faire circuler l’information scientifique et en permettre une meilleure utilisation, d’autre part. - L’École britannique a accepté sans hésitation le projet d’un programme commun que lui a proposé l’École française d’Athènes et les deux institutions ont décidé d’unir leurs efforts, pour proposer depuis la fin de l’année 2009 une Chronique des fouilles en ligne consultable sur http://chronique.efa.gr.Outre les articles relatifs à des opérations de terrain ou relevant de l’archéométrie, le second fascicule du BCH ne comprendra donc plus désormais que les « Rapports sur les travaux de l’École française d’Athènes » proposés par les responsables de missions ou de programmes.

AVIS AUX AUTEURS

Depuis la parution du BCH 130 (2006), les tirages à part sont fournis aux auteurs sous format électronique et sont uniquement destinés à une utilisation privée. L’École française d’Athènes conserve le copyright sur les articles, qui ne peuvent donc être mis en accès libre sur quelque base de données ou par quelque portail que ce soit. - L’ensemble de la livraison sera disponible sur le portail Persée trois ans après sa parution (www.persee.fr).

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SOMMAIRE DE LA LIvRAISON

I. Études

Gilles SINTèS

Géographie historique : itinéraires et organisation spatiale de la Thasos antique ...............................................................................................................................................................................................................................................639-665

Laurent LESPEz et Stratis PAPADOPOULOS

Étude géoarchéologique du site d’Aghios Ioannis, à Thasos ....................................................................................................667-692

II. Rapports

RAPPORTS SUR LES TRAvAUx DE L’ÉCOLE FRANçAISE D’ATHèNES EN 2007Les activités de l’EFA : études et formation à la recherchepar Dominique MULLIEz .......................................................................................................................................................................................................................697-706

Grèce

PHILIPPES

Prospection topographique dans la plaine de Philippespar Samuel PROvOST et Georges TIROLOGOS ............................................................................................................................................707-713

THASOS

Les abords Nord de l’Artémision (Thanar). Campagnes 2006-2007 par Francine BLONDÉ, Stavroula DADAKI et Arthur MULLER .................................................................................715-735

Les abords Sud de l’agorapar Jean-Yves MARC ...........................................................................................................................................................................................................................................737-765

ARGOS

L’Aspispar Anna PHILIPPA-TOUCHAIS et Gilles TOUCHAIS ........................................................................................................................767-784

Corrigendum au BCH 131-2, p. 969 ...........................................................................................................................................................................................785

L’agora : terrain Nannopoulospar Anne PARIENTE et Christos PITEROS .............................................................................................................................................................787-802

DÉLOS

L’Aphrodision par Cécile DURvyE, Mathilde DOUTHE, Jean-Sébastien GROS et Frédérique NICOT ........................................................................................................................................................................................................................................803-806

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La terrasse du Grand Temple et le Sanctuaire d’Apollonpar Roland ETIENNE .........................................................................................................................................................................................................................................807-816

L’Agora des Compétaliastespar Claire HASENOHR ....................................................................................................................................................................................................................................817-822

L’atlas, les édifices gymnasiaux, la prétendue Chapelle de Dionysos et l’Artémision par Jean-Charles MORETTI, Lionel FADIN, Myriam FINCKER et Véronique PICARD .......................................................................................................................................................................................................................................823-825

MALIA

Le Bâtiment Pipar Maia POMADèRE ........................................................................................................................................................................................................................................827-834

LATô

Mission géomorphologique et topographiquepar Alexandre FARNOUx et Hélène WURMSER ........................................................................................................................................835-840

Chypre

AMATHONTE

La muraille par Pierre AUPERT, Claire BALANDIER et Pierre LERICHE .................................................................................................841-860

Le palaispar Béatrice BLANDIN, Thierry PETIT et Isabelle TASSIGNON .................................................................................861-865

POTAMIA –AGHIOS-SOzOMENOS

Constitution d’un paysage en Orient médieval par Henri AMOURIC, Isabelle COMMANDRE, Nolwenn LECUyER

et Lucy vALLAURI ....................................................................................................................................................................................................................................................867-874

Albanie

SOvjAN

Étude et prospectionpar Petrika LERA et Gilles TOUCHAIS ...........................................................................................................................................................................875-903

APOLLONIA D'ILLyRIE

Les quartiers au pied de l’acropole et l’agorapar Jean-Luc LAMBOLEy, François QUANTIN, Saïmir SHPUzA, Altin SKENDERAj et Stéphane vERGER .......................................................................................................................................................................905-921

ByLLIS

Le quartier épiscopal, la Basilique E et les carrièrespar Nicolas BEAUDRy, Amélie BERTHON, Jean CANTUEL, Pascale CHEvALIER,Tony KOzELj, Marie-Patricia RAyNAUD et Manuela WURCH-KOzELj ..................................................923-954

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RÉSUMÉ Les recherches géoarchéologiques conduites à Aghios Ioannis permettent de restituer l’environnement d’une petite plaine littorale depuis la fin du Néolithique. Elles soulignent la grande stabilité depuis cette période jusqu’à l’Antiquité tardive, malgré le poids de l’intervention humaine et le développement attesté des pratiques agro-pastorales. L’utilisation intensive du milieu est à mettre au compte des sociétés de la fin de l’Antiquité, mais la mise en culture ne semble pas alors avoir accéléré profondément l’érosion des sols. Il en est en revanche autrement quand le mode d’utilisation du sol (développement des pratiques pastorales) et les pratiques de gestion du milieu (incendies) changent, comme au cours de l’époque byzantine et au début de la période ottomane. Il devient particulièrement réactif et les conséquences directes ou indirectes des incendies sont alors beaucoup plus catastrophiques. Cette étude révèle la grande diversité des réponses environnementales aux interventions des sociétés et la difficulté de définir un modèle de l’évolution de l’environnement et des paysages, même dans une petite île égéenne.

ΠEPIΛHΨH Γεωαρχαιολογική μελέτη της εγκατάστασης στον Άγιο Ιωάννη Θάσου Η γεωαρχαιολογική έρευνα που διενεργήθηκε στον Άγιο Ιωάννη προσέφερε πληροφορίες

πολύτιμες για την ανασύσταση των περιβαλλοντικών αλλαγών σ’ αυτή τη μικρής έκτασηςπαράκτιακοιλάδα,ήδηαπότηνΎστερηΝεολιθικήεποχή.Εκτόςτηςανθρώπινηςδραστηριότητας,ηοποίαμαρτυρείταιαπότησυνεχήχρήσητουχώρουγιατιςανάγκεςτηςβοσκήςτωναιγοπροβάτωνκαιτηςκαλλιέργειαςτόσοκατάτηνπροϊστορίαόσοκαικατάτηναρχαιότητα,τοσυγκεκριμένοερευνητικόπρόγραμμακατέδειξετηδιαχρονικήεκμετάλλευσητηςθέσης.ΕντατικότερηχρήσητηςγηςδρομολογήθηκεμόνοκατάτηνΎστερηΑρχαιότητα,ωστόσοηκαλλιέργειαδεναλλοίωσεποτέσημαντικά το περιβάλλον ούτε ενίσχυσε τις διαδικασίες διάβρωσης. Η συντήρηση κοπαδιώναιγοπροβάτωναλλά και οι φωτιές κατά τηΒυζαντινή καιΠρώιμηΟθωμανική εποχή επέφερανμακροχρόνιες αλλαγές στο περιβάλλον. Το γεωμορφολογικό σύστημα έγινε περισσότεροευμετάβλητο,καιοιάμεσεςήέμμεσεςσυνέπειεςτωνπυρκαγιώνυπήρξανδραματικές.Ηέρευνααποκάλυψε την ποικιλομορφία των περιβαλλοντικών ‘αντιδράσεων’ απέναντι στην ανθρώπινηδραστηριότητα, ενώ αποκάλυψε επίσης την αδυναμία μας να προτείνουμε ένα πειστικό γενικόμοντέλομεταβολώντουτοπίουακόμηκαισεεπίπεδοαυτούτουμικρούνησιούτουΑιγαίου.

SUMMARy Geoerchaeological Study in the site of Aghios Ioannis, Thasos The geoarchaeological research conduct at Aghios Ioannis give information to reconstruct the envi-

ronmental changes in a small coastal plain since the Late Neolithic. Despite the human impact testified by the development of land use by cattle breeding and cultivation since this period and until the Antiquity period, they underline the lasting stability of the area. Intensive land use had begun really during the Late Antiquity period but the cultivation have not deeply altered the environment and enhanced the soil erosion. The development of cattle breeding and fires of the vegetation during the Byzantine and the early Ottoman periods have lastingly changed the environment responses. The geomorphic system become more sensitive and the direct or indirect consequences of the fire activity are more dramatic. This research reveals the high diversity of the environmental responses to human activities changes and demonstrates the impossibility to define a global model of environmental and landscape changes even at the scale of a small Aegean island.

Étude géoarchéologique du site d’Aghios Ioannis , à Thasos

Laurent LESPEz* et Stratis PAPADOPOULOS**

* Ce travail s’inscrit dans le cadre des opérations de sauvetage et de fouilles programmées conduites par la xvIIIe éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques de Kavala (Macédoine orientale, Grèce). Mes remerciements s’adressent également à R. Davidson pour son aide précieuse.

** GEOPHEN-UMR LETG 6554-CNRS, UFR de géographie, université de Caen-Basse Normandie (France) et xvIIIe éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques de Kavala.

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I. InTRODUCTIOn

Aghios Ioannis se trouve au Sud-Est de l’île de Thasos, au Nord de l’Égée (fig. 1). Il s’agit d’une petite baie, qui s’ouvre entre les monts de Babouras à l’Est et de Melissopetra à l’Ouest, à environ 3 km du site d’Aliki, et qui est longée par une petite plaine littorale (200 x 200 m) recouverte par une oliveraie constituée d’arbres multi-séculaires (fig. 2). Elle est située en contrebas des reliefs du cap Babouras définis dans les marbres et les gneiss qui atteignent 300 à 400 m d’altitude.

Fig. 1. — Cartes de localisation et de présentation du terrain d’étude. A. Carte géologique simplifiée de l’île de Thasos. 1 : socle métamorphique du Rhodope ; 2 : terrains néogènes (conglo-mérat) ; 3 : formations quaternaires ; 4 : écoulement temporaire ; 5 : côte rocheuse ; 6 : localisation des bassins versants étudiés. B : Carte du bassin versant d’Aghios Ioannis (équi-distance des courbes de niveau : 4 m) ; 1 : écoulement intermittent ; 2 : Paléochenal Néolithique Final-Bronze Ancien ; 3 : talus, escarpement ; 4 : sols d’érosion sur les marbres et les gneiss ; 5 : sols colluviaux sur les formations pléistocènes ; 6 : formations alluviales holocènes ; 7 : cordon littoral ; 8 : site d’Aghios Ioannis ; 9 : vestiges archéologiques classiques et hellénistiques ; 10 : vestiges archéologiques de l’époque romaine tardive ; 11 : vestiges archéologiques byzantins ; 12 : Transect étudié (fig. 3).

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ÉTUDE GÉOARCHÉOLOGIQUE DU SITE D’AGHIOS IOANNIS, à THASOS 669

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Si l’établissement préhistorique d’Aghios Ioannis n’est connu que depuis les années 1990, les deux tours, l’une ronde, de l’époque archaïque tardive, l’autre quandrangulaire, de la période classique, sont signalées déjà en 1909 par J. F. F. Baker-Penoyre, le premier voyageur qui a visité la baie. En 1930, A. Bon souligne la difficulté d’expliquer la présence de constructions à caractère défensif dans ce lieu isolé et inhabité. Depuis 1983, les fouilles entreprises par l’éphorie des Antiquités classiques et préhistoriques de Kavala ont mis au jour une installation de l’époque romaine tardive et un habitat préhistorique, daté du IVe millénaire av. J.-C.1.

Les recherches archéologiques conduites à Aghios Ioannis au cours des vingt dernières années sont confrontées à plusieurs problèmes géomorphologiques. L’ampleur de l’alluvionnement apparaît exceptionnelle pour un bassin versant d’aussi petite dimension et pose le problème de la reconstitution des paléoenvironnements autour de l’habitat préhistorique. Par ailleurs, la proximité stratigraphique et spatiale de vestiges d’occupation néolithique, classique et romaine tardive pose le problème du calendrier de l’alluvionnement et de son rapport avec les phases d’occupation successives. Au-delà de ces considérations locales, le site d’Aghios Ioannis offre l’opportunité d’étudier le colmatage alluvial d’une petite plaine littorale dans une île où les premières investigations

1. ΑD 38 (1983) [1989], p. 316 ; Str. PAPADOPOULOS, G. ARISTODIMOU, D. KOUyOUTzOGLOU et Ph. MEGALOUDI, « ΗΤελικήΝεολιθικήκαιηΠρώιμηΕποχήτουΧαλκούστηΘάσο:ΗανασκαφικήέρευναστιςθέσειςΆγιοςΙωάννηςκαιΣκάλαΣωτήρος », AEMTH 15 (2001) [2003], p. 55-65.

Fig. 2. — La plaine littorale vue du Nord-Ouest (cl. L. Lespez).

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géomorphologiques montrent l’instabilité historique2 et protohistorique3 des bassins versants, et soulignent la complexité de leur fonctionnement4, bassins où le peuplement pré- et protohistorique est par ailleurs de mieux en mieux connu5.

Les recherches géomorphologiques entreprises ont pu s’appuyer sur les coupes naturelles disponibles le long des trois cours d’eau intermittents qui parcourent la plaine. La sédimentation holocène est visible sur 1 à 2 m d’épaisseur, car le ruissellement principal, mais surtout deux contributeurs latéraux s’échappent au fond d’incisions étroites et profondes (fig. 3) creusées par des écoulements puissants engendrés, au cours

2. G. SINTèS, M. BRUNET, « Phénomènes d’érosion et de remblaiement sur l’île de Thasos (Égée du Nord) », dans M.-F. BOUSSAC (éd.), Morphogenèse en Méditerranée orientale, Topoi 11 (2003), p. 603-613.

3. L. LESPEz, Str. PAPADOPOULOS, « Palaeoenvironmental Study of Prehistoric Sites on Thassos : Preliminary Results of Geomorphological Research », ΑΕΜΤΗ 16 (2003) [2005], p. 47-56.

4. L. LESPEz, D. MALAMIDOU, Str. PAPADOPOULOS et R. DAvIDSON, « Archaeological and Environmental Changes in Northern Greece since the Neolithic : A Multiscalar Approach », dans A. A. CHATzIPETROS, S. B. PAvLIDES (éds), Proceedings of 5th International Symposium on Eastern Mediterranean Geology, Thessaloniki, Greece, 14-20 April 2004, vol 2. (2004), p. 761-764 et L. LESPEz, « Les dynamiques des systèmes fluviaux en Grèce du Nord au cours des 7 derniers millénaires : vers une approche multi-scalaire des interactions Nature/Société », Géomorphologie. Relief, processus, environnement 1 (2007), p. 49-66.

5. H. KOUKOULI-CHRySSANTHAKI, Πρωτοϊστορική Θάσος. Τα νεκροταφεία του οικισμού Καστρί, Δημοσιεύματα του Αρχαιολογικού Δελτίου 45 (1992) ; Str. PAPADOPOULOS, G. ARISTODIMOU, D. KOUyOUTzOGLOU et Ph. MEGALOUDI (supra, n. 1), p. 55-65 et Str. PAPADOPOULOS, D. MALAMIDOU (éds), Δέκα Χρόνια Ανασκαφικής Έρευνας στον Προϊστορικό Οικισμό Λιμεναρίων Θάσου (sous presse).

Fig. 3. — La ravine orientale. Une incision récente d’une profondeur de 1,2 m dans le remblaiement alluvial (cl. L. Lespez).

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de l’été 1998, par un violent orage survenu après un incendie de forêt ayant affecté la totalité du bassin versant6. À cela se sont ajoutées une quinzaine de tranchées et de sondages réalisés à la pelle mécanique dans le cadre des fouilles archéologiques de sauvetage. Le travail de terrain a été complété par un important travail de laboratoire.

Les faciès sédimentaires ont été identifiés par description macroscopique et par des analyses granulométriques réalisées, après destruction de la matière organique, au granulomètre laser (LS 200, Beckman-Coulter) ; des observations des fractions sableuses ont été faites à la loupe binoculaire. Les analyses sédimentologiques ont porté sur les sédiments transportés et déposés aujourd’hui par le cours d’eau afin de comprendre le fonctionnement actuel du système morphogénique pris comme milieu de référence (5 échantillons) et sur les sédiments constituant le remplissage holocène (18 échantillons) afin de déterminer leur mode et leur milieu de dépôt. Cette analyse permet d’identifier cinq groupes de sédiments qui correspondent chacun à des dynamiques hydrosédimentaires différentes (fig. 4). Huit lames minces “grand format” (13 x 6 cm) de sédiments non perturbés pris dans des sédiments colluviaux qui recouvrent le site archéologique ont également été réalisées et ont fait l’objet d’analyses micromorphologiques. Le calage chronostratigraphique des séquences observées est établi à partir de 3 datations par la méthode du radiocarbone et des nombreux jalons archéologiques identifiables dans les séquences sédimentaires.

6. Communication orale de G. Sintès.

Fig. 4. — Image CM des sédiments holocènes et actuels de la plaine alluviale d’Aghios Ioannis. Groupe 1. Alluvions fines : dépôts sablo-limoneux de débordement. Groupe 2. Alluvions sableuses : dépôts sableux de débordement. Groupe 3. Sables de plage. Groupe 4. Alluvions grossières : dépôts sablo-graveleux de chenal. P99 : percentile supérieur.

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II. LE SITE ARChÉOLOGIqUE D’AGhIOS IOAnnIS (fig. 5)

ii. 1. L’instaLLation de L’époque romaine tardive

Pendant la fouille de 1983, deux constructions de l’époque romaine tardive ont été décapées sur la côte orientale de la baie7. En 1998, les fouilles ont été reprises sur la côte occidentale où cinq pièces d’un bâtiment de grandes dimensions ont été identifiées (fig. 6)8. La maçonnerie, les toits en plaques de gneiss et le mobilier des trois bâtiments sont similaires. L’abondante céramique à décor cannelé, une monnaie de Justin II, connue du « Trésor du théâtre » de Thasos9, et une croix en bronze qui présente des parallèles dans les croix en bas relief des colonnes et des chapiteaux et les croix gravées sur les inscriptions d’Aliki, ainsi que les croix des carrières d’Archanghelos-Thymonia10, permettent de dater le grand bâtiment de la seconde moitié du vIe s. apr. J.-C.11. Cette

7. AD 38 (1983) [1989], p. 316.8. La fouille et l’enregistrement du matériel ont été réalisés avec la participation de 25 étudiants des univer-

sités d’Athènes, de Thessalonique, de Jannina, de Komotini, de Cologne et de Fribourg.9. O. PICARD, « Trésors et circulation monétaire à Thasos du Ive au vIIe s. apr. J.-C. », dans Thasiaca, BCH

Suppl. V (1979), p. 442.10. J.-P. SODINI, K. KOLOKOTSAS, Aliki II. La basilique double, ÉtThas X (1984).11. Une pièce de monnaie de Justinien provient de la dernière phase d’occupation des deux bâtiments

fouillés en 1983. La découverte d’un seul exemplaire a alors été considérée comme insuffisante pour dater cette phase : AD 38 (1983) [1989], p. 316.

Fig. 5. — Aghios Ioannis. Les 4 secteurs. NF/BA : Néolithique Final/ Bronze Ancien. RT : Romain Tardif.

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ÉTUDE GÉOARCHÉOLOGIQUE DU SITE D’AGHIOS IOANNIS, à THASOS 673

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Fig. 6. — L’atelier de l’époque romaine tardive.

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construction a probablement été abandonnée au début du siècle suivant, à la suite de la hausse du niveau de la mer, attestée à Aliki12, ou aux tremblements de terre qui ont peut-être entraîné l’abandon d’autres sites côtiers de la même période à Thasos13. La découverte d’un sarcophage portant une inscription témoigne, en outre, de l’occupation des lieux depuis le IIIe s. apr. J.-C.

Deux fragments d’un pressoir d’environ 2 m de diamètre et une pierre de trapetum14, trouvés en surface, suggèrent la présence d’une installation destinée à la production d’huile dans le grand bâtiment de la côte occidentale. Les fouilles récentes dans la partie Sud de ce bâtiment, partiellement érodée par la mer, ont livré des indices sur la position du pressoir, tandis qu’un socle maçonné en pierre, installé dans la partie Nord-Est a été attribué au même atelier. La partie centrale dallée de la construction, où le squelette d’un équidé a été fouillé, était probablement une cour.

Les prospections réalisées dans la plaine qui entoure la baie et sur les collines voisines ont permis de localiser, à une quinzaine de mètres à l’Ouest du bâtiment, une série d’orthostates délimitant la propriété, les vestiges d’une troisième tour sur les collines à l’Ouest de celle-ci, un puits de la période historique au Nord de la baie (fig. 7), ainsi que des ruines de murs de soutènement et d’une rue qui unit les bâtiments à l’Est et à l’Ouest de la baie. Ces prospections ont également livré des indices – céramique et murets ruinés – d’occupation des lieux depuis l’époque archaïque jusqu’à la période romaine et ont ainsi confirmé les résultats des analyses géomorphologiques. La céramique recueillie comprend des coupes de type “Phari” à décor en pointillé15, datées de la fin du vIe et du début du ve s. av. J.-C., et des anses ed’amphores timbrées thasiennes du Ive et du IIIe s. av. J.-C.16. Des tuiles à engobe noir et rouge, qui proviennent probablement d’un bâtiment, non localisé, de l’époque archaïque ou classique, ont aussi été trouvées17.

12. J.-P. SODINI, A. LAMBRAKI, T. KOzELj, « Les carrières de marbre à l’époque paléochrétienne », dans Aliki I, ÉtThas IX (1980), p. 126.

13. Ch. BAKIRTzIS, «ΤισυνέβηστηΘάσοστιςαρχέςτου7ουμ.Χ.αι ; », dans Φίλια Έπη. Mélanges G. E. Mylonas, Βιβλιοθήκη της εν Αθήναις Αρχαιολογικής Εταιρείας 103 (1989), p. 341.

14. M. Brunet date cette pièce de l’époque hellénistique sans néanmoins donner plus de détails : M. BRUNET, « Vin local et vin de cru. Les exemples de Délos et Thasos », dans M.-Cl. AMOURETTI, J.-P. BRUN (éds), La production du vin et de l’huile en Méditerranée, BCH Suppl. XXVI (1993), p. 207.

15. Fr. BLONDÉ, j-y. PERREAULT, C. PERISTERI, « Un atelier de potier archaïque à Phari (Thasos) », dans Fr. BLONDÉ, J-Y. PERREAULT (éds), Les ateliers de potiers dans le monde grec aux époques géométrique, archaïque et classique, BCH Suppl. XXIII (1992), p. 12-40.

16. M. PICON, y. GARLAN, « Recherches sur l’implantation des ateliers amphoriques à Thasos et analyse de la pâte des amphores thasiennes », dans J-Y. EMPEREUR, Y. GARLAN (éds), Recherches sur les amphores grecques, BCH Suppl. XIII (1986), p. 287-309.

17. Communication orale de M.-Fr. Billot.

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ii. 2. L’habitat préhistorique

De la céramique préhistorique a été collectée sur un radius de 50 m autour du bâtiment de la côte occidentale. Les fouilles effectuées entre 1998 et 2005 sur une superficie d’environ 350 m2, divisée en deux secteurs, Nord et Sud (fig. 5), ont permis d’identifier un habitat d’environ 500 m2, daté de la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C.18.

II. 2. 1. L’architecture

Si les plans d’habitations sont difficiles à restituer, plusieurs structures ont été dégagées, dont les plus fréquentes sont des foyers et des fours ronds ou ovales, construits en terre jaune ou rouge sur un soubassement en cailloux (fig. 8). La majorité de ces installations, trouvées en place et souvent en succession stratigraphique, se concentre sur une superficie de 50 m2 dans le secteur Nord (fig. 9). La bordure de certaines d’entre elles a été identifiée. Leur diamètre, le plus souvent de l’ordre de 0,70-0,80 m, atteint 1,30 m dans le secteur Sud (fig. 10). Des poteries de stockage et de cuisson, ainsi que deux banquettes maçonnées en pierres et des grandes plaques en gneiss d’un diamètre d’environ 0,40-1,50 m (fig. 11), qui pourraient avoir servi à la préparation culinaire ou au séchage de fruits et de poissons, semblent être associées aux installations thermiques.

18. Str. PAPADOPOULOS, G. ARISTODIMOU, D. KOUyOUTzOGLOU et Ph. MEGALOUDI (supra, n. 1), p. 55-65.

Fig. 7. — Le puits de l’époque historique.

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Dans la partie occidentale du carré ΓO du secteur Nord, une structure semi-circulaire, d’un diamètre de 1,20 m, définie par des plaques en pierre implantées verticalement dans le sol, a été mise au jour. Sa fonction est incertaine. Dans ce carré, un sol en argile couvrait l’espace entre les structures circulaires et les fours et les foyers. Il s’agit peut-être du sol d’une habitation dont le plan n’a pas été reconnu. Des fosses de stockage, deux trous de poteaux et quelques meules ont également été mis au jour.

Fig. 8. — Secteur Nord.

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Fig. 9. — Secteur Sud.

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Fig. 10. — Secteur Nord : une plaque en gneiss.

Fig. 11. — Secteur Nord : la cabane.

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Au Nord-Ouest du secteur Nord, deux murets, très ruinés, constitués de deux rangées de pierres, délimitent des espaces circulaires, peut-être des cabanes (fig. 12). Le centre d’une de celles-ci est occupé par un empierrement circulaire, qui pourrait avoir servi de base au poteau central. Des cabanes de ce type sont connues à Poliochni et à Myrina, dans l’île de Lesbos19. À Merenta, en Attique, les habitations, circulaires, du IVe millénaire av. J.-C. sont semi-souterraines, creusées dans la roche ou construites en briques crues sur soubassement de pierre20.

La prospection géophysique réalisée en 2005 a montré l’existence d’un fossé dans la partie Nord de l’habitat, que l’interruption des fouilles n’a pas permis d’explorer. Cette prospection et les sondages réalisés le long de la côte n’ont livré aucun indice d’habitation.

19. L. BERNABò-BREA, Poliochni. Citta preistorica nell’isola di Lemnos, Monografie della Scuola Archeologica di Atene e delle Missioni Italiane in Oriente 1, 1 (1964), p. 538. P. AvGERINOU, « ΟοικισμόςτηςΜύρινας.Πρώτεςεκτιμήσεις », dans Chr. DOUMAS, V. LA ROSA (éds), Η Πολιόχνη και η Πρώιμη Εποχή του Χαλκού στο Βόρειο Αιγαίο (1997), p. 274. A. DOvA, « ΜύριναΛήμνου.Οιαρχαιότερεςφάσειςτουπροϊστορικούοικισμού », ibid., p. 289.

20. O. KAKAvOyIANNI (éd.), Αρχαιολογικές Έρευνες στην Μερέντα Μαρκόπουλου (2003).

Fig. 12. — Bols à anses tubulaires.

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II. 2. 2. Les sépultures

À une distance d’environ 70 m au Nord de l’habitat, sur le versant Sud des collines qui entourent le site, deux tombes (fig. 13) sans ossements ni mobilier, partiellement érodées, ont été mises au jour. Leur plan grossièrement pentagonal, le revêtement des parois par des plaques calcaires et, dans un cas, le dallage du sol renvoient à un type de tombe connu du Néolithique Final d’Eubée21, de Kéa et du Dodécanèse22. Néanmoins, en l’absence de mobilier, la datation des deux tombes reste incertaine.

II. 2. 3. L’économie

Tandis qu’une occupation saisonnière du site, du mois de novembre au printemps, pour la production d’huile peut être proposée pour la période romaine tardive, aucun indice de spécialisation économique du site n’est décelé dans les restes archéobotaniques et osseux et dans le mobilier trouvés sur le site préhistorique23. Il semble qu’Aghios Ioannis ait été occupé durant 500 ans environ, de la fin du Néolithique Final jusqu’au début du Bronze Ancien, par une petite communauté paysanne pratiquant l’élevage et une agriculture à petite échelle et tirant profit, peut-être suivant un calendrier saisonnier

21. A. SAMPSON, « Σκοτεινή Θαρρουνίων. Το σπήλαιο, ο οικισμός και το νεκροταφείο » (1993), p. 233.22. J. E. COLEMAN, Keos, I. Kephala. A late Neolithic Settlement and Cemetery (1977), p. 45 ; A. SAMPSON,

H νεολιθική κατοίκηση στο Γυαλί της Νισύρου (1988), p. 64. 23. L’étude des restes botaniques est confiée à Francesca Magaloudi et celle des restes fauniques à Eleni

Psathi.

Fig. 13. — Bols décores à cannelures.

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qui reste à préciser, des ressources alimentaires qu’offrait l’environnement aquatique et montagnard voisin. Un total de 30 échantillons, représentant 225 litres de sédiment, a été traité par flottation. Les restes de blé nu (triticum aestivum), d’orge nue (hordeum vulgare) et de lentilles (Lens sp.) prédominent. Les animaux domestiques, ovicaprins, porc et bœuf, jouent un rôle important dans les restes de faune, qui comprennent aussi des cervidés et le lapin. Les restes marins, dans l’ensemble peu nombreux, comprennent des mollusques, dont la plupart ont été retrouvés près des fours et des foyers.

II. 2. 4. Les activités artisanales

L’essentiel de la céramique, qui est faite à la main, est de couleur sombre. La surface des vases est polie, rarement lissée, même dans le cas des pièces décorées, ou elle ne présente pas de traitement de surface. Le cœur de la pâte, généralement riche en quartz, est le plus souvent noir ou brun foncé, tandis que les parois externes sont rarement grises ou rouges, ce qui suggère une cuisson peu contrôlée à feu vif.

Le répertoire des formes est peu varié et comprend des bols hémisphériques ou évasés à parois presque rectilignes, des jarres destinées au stockage, des tasses à fond rond et pourvues d’une anse surélevée sur le bord, ainsi que des quantités limitées de vases miniatures et de bols peu profonds montés sur quatre pieds, d’un type bien connu du Néolithique Moyen et Récent de Grèce du Nord24. Les vases décorés sont minoritaires et le type le mieux représenté est celui du bol à anses tubulaires sous la lèvre ou légèrement surélevées sur le bord. Ces vases présentent des cannelures peu profondes ou un décor imprimé. Il s’agit peut-être de poteries de fonction particulière. En général, les poteries d’Aghios Ioannis25 se rapprochent de celles de la phase de transition du Néolithique Final à l’Âge du Bronze et des premières phases du Bronze Ancien du Nord-Est égéen : marmite hémisphériques sans pieds, pourvues de deux petites anses sur le bord, grandes jarres ovoïdes décorées en relief, tenons tubulaires à perforation horizontale placés sur le bord et décor de cannelures26.

24. Str. PAPADOPOULOS, D. MALAMIDOU, « Limenaria. A Neolithic and Early Bronze Age Settlement at Thassos, North-East Aegean », dans H. ERKANAL, H. HAUPTMANN, V. SAHOGLU, R. TUNCEL (éds), The Aegean in the Neolithic, Chalcolithic and the Early Bronze Age, Proceedings of the International Symposium at Urla-Izmir Oct. 13-19 1997, Ankara University : Research Center for Maritime Archaeology (Anküsam), Publications 1 (2008), p. 427-445.

25. Str. PAPADOPOULOS,, y. MANIATIS, « ΗΠρώιμηΕποχήτουΧαλκούστηΘάσο:οιαρχαιότερεςφάσεις », dans Chr. DOUMAS, A. GIANNIKOURI et O. KOUKA (éds), The Aegean Early Bronze Age : New Evidence, International Conference, Athens 11-14/4/2008 (sous presse).

26. M. jOHNSON, « Chronology of Greece and South-East Europe in the Final Neolithic and Early Bronze Age », Proceedings of the Prehistoric Society 65 (1999), p. 319-336 ; S. ANDREOU, M. FOTIADIS, K. KOTSAKIS, « Review of Aegean Prehistory, V. The Neolithic and Bronze Age of Northern Greece », dans T. CULLEN (éd.), Aegean Prehistory : A Review, AJA Suppl. 1 (2001), p. 259-327 ; A. G. SHERRATT, « The Pottery of Phases IV and V : The Early Bronze Age », dans C. RENFREW, M. GIMBUTAS, E. ELSTER

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L’activité textile est bien attestée à Aghios Ioannis par un nombre important de fusaïoles, dont certaines portent un décor imprimé, et de pesons cylindriques, ceux-ci trouvés à proximité d’une installation thermique. Il est possible qu’un métier à tisser y ait été installé. La découverte de plusieurs morceaux d’hématite pendant la fouille suggérerait que la teinture des tissus se déroulait sur place. Il est possible que les lissoirs en pierre trouvés pendant la fouille soient liés à cette activité.

Il n’existe aucun indice de la fabrication in situ d’objets métalliques. Les objets trouvés, tous finis, sont peu nombreux et comprennent des aiguilles et une hache miniature. Leur fabrication par martelage, indique l’emploi de méthodes simples, tandis que le travail du cuivre et de l’argent apparaît bien développé à Thasos depuis le Néolithique Final27.

La fabrication d’outils en pierre taillée était fondée sur la collecte du quartz local et beaucoup moins sur l’importation de silex. Nos connaissances limitées sur la taille du quartz et le caractère préliminaire de l’étude de la collection28 ne nous permettent pas encore de discuter de cette activité. Les quantités d’outils en os et en pierre polie recueillies sont infimes. L’absence de haches en pierre doit être signalée.

II. 2. 5. Les datations absolues

Les datations au 14C, réalisées au laboratoire Démocritos sur huit échantillons de charbons de bois et d’os, varient entre 3600 et 3000 av. J.-C.29 et permettent de placer Aghios Ioannis dans l’intervalle chronologique entre le Néolithique Final de Limenaria et le Bronze Ancien de Skala Sotiros, sites ayant également été fouillés à Thasos30. Aghios Ioannis est le seul site du Nord-Est de l’Égée daté de cette période, qui est bien définie en Grèce méridionale. Il est possible que l’absence d’établissements de cette période dans le Nord-Est égéen soit due au caractère limité des recherches archéologiques dans la région et non à l’interruption de l’occupation.

(éds), Excavations at Sitagroi. A Prehistoric Village in Northeastern Greece, vol. 1, Monumenta Archaeo-logica 13 (1986), p. 429-476.

27. Str. PAPADOPOULOS, « Silver and Copper Production in the Prehistoric Settlement at Limenaria, Thasos », dans I. TzACHILI (éd.), Aegean Metallurgy in the Bronze Age, Proceedings of an International Symposium Held at the University of Crete, Rethymnon, Greece, 19-21/11/2004 (2008), p. 59-67.

28. Confiée à Ourania Palli. 29. Y. MANIATIS, Str. PAPADOPOULOS, « Radiocarbon Dating of a Final Neolithic-Early Bronze Age Tran-

sition Period Settlement at Aghios Ioannis in Thassos (North Aegean) », Radiocarbon (à paraître) ; Str. PAPADOPOULOS, y. MANIATIS (supra, n. 25).

30. H. KOUKOULI-CHRySSANTHAKI , D. MALAMIDOU , Str. PAPADOPOULOS, y. MANIATIS , « ΗΝεότερηφάσητηςΠρώιμηςΕποχήςτουΧαλκούστηΘάσο:ΝέαΔεδομένα », dans Chr. DOUMAS, A. GIANNIKOURI, O. KOUKA (éds) (supra, n. 25)e ; Str. PAPADOPOULOS, D. MALAMIDOU (supra, n. 24) éds, p. 427-445.

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III. LE COnTEXTE GÉOMORphOLOGIqUE DE L’hAbITAT DU nÉOLIThIqUE FInAL

iii. 1. un habitat instaLLé sur un soL déveLoppé dans des formations pLéistocènes

Le substrat de l’habitat est constitué par des sédiments sablo-limoneux calcareux ocres à graviers et blocs anguleux (fig. 14). Ils sont issus du remaniement des produits de l’altération développée sur les gneiss ; les marbres, quant à eux, témoignent de processus de versant actifs et, par analogie avec les observations réalisées ailleurs en Macédoine orientale, peuvent être attribués à la dernière période froide du Pléistocène31. Ces formations ont subi une pédogenèse qui s’est traduite par le développement d’un sol brun foncé sableux limono-argileux à gravillons comportant une structure à agrégats anguleux. Les analyses micromorphologiques révèlent un paléosol bien structuré qui comporte de nombreuses cavités racinaires et d’origine biologique. L’horizon supérieur marqué par la faiblesse des traits carbonatés et d’imprégnations argileuses atteste un sol brun rubéfié affecté par des processus de lessivage et d’illuviation. Il s’est vraisemblablement développé au cours de la première partie de l’Holocène et en particulier au cours de l’Optimum

31. L. LESPEz, R. DALONGEvILLE, « Morphogenèse würmienne en Grèce du Nord : le piémont des montagnes de Lékani », dans Géomorphologie. Relief, Processus, Environnement 4 (1998), p. 331-350 ; L. LESPEz, « L’évolution des paysages du Néolithique à la période ottomane dans la plaine de Philippes », dans H. KOUKOULI-CHRySSANTHAKI, R. TREUIL (éds.), Dikili Tash, un village préhistorique en Macédoine orientale 1, Bibliothèque de la Société Archéologique d’Athènes 252 (2008), p. 21-394.

Fig. 14. — Coupe d’Aghios Ioannis. 1 : limons sableux caillouteux ; 2 : site archéologique ; 3 : sables, graviers et galets ; 4 : sables ; 5 : sables et graviers ; 6 : limons sableux à graviers et cailloutis ; 7 : sables limoneux ; 8 : sables limoneux avec lits très riches en charbons et en cendres.

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climatique plus humide (8000-4800 cal. av J.-C.)32 qui constitue une période favorable à ce type de pédogenèse dans la plupart des bassins versants de Grèce du Nord33.

À la surface de ce sol, les niveaux d’habitat apparaissent remarquablement stables à partir du début de l’occupation humaine du Néolithique Final et du Bronze Ancien (3600-3000 av. J.-C.) et jusqu’au début de l’Antiquité (500 av. J.-C.), comme en témoigne la présence de vestiges attribuables au Néolithique Final (3600 av. J.-C.) et du vIe s. av. J.-C. sur le même niveau stratigraphique. Cela résulte de la faiblesse des processus sédimentaires alluviaux et colluviaux et de la poursuite des processus pédologiques dans la partie occidentale de la petite plaine littorale au cours de ces trois millénaires.

iii. 2. une incision suivie d’une fossiLisation rapide des vestiges archéoLogiques

Les niveaux d’occupation subissent ensuite deux profondes transformations. Ils sont d’abord profondément incisés à l’Est par un chenal qui possède un remplissage sablo-graveleux complexe (fig. 1 et 14).

L’ensemble est ensuite recouvert par une formation colluvio-alluviale épaisse de 100 à 150 cm (fig. 3 et 15). Plus épaisse vers l’Ouest et la bordure de la plaine, elle témoigne du rôle prépondérant joué par les apports de versants. Elle correspond à des sédiments sablo-limoneux bruns comportant des graviers et des blocs anguleux. Les analyses micromorphologiques (fig. 15) ne révèlent pas de traits sédimentaires et montrent des sédiments très hétérométriques avec des grains de quartz, de feldspaths et de marbres altérés compris, en moyenne, entre 80 et 800 µm mais pouvant atteindre 3 à 5 mm (fig. 15A et b). Les colluvions comportent parfois une structure polyédrique sub-anguleuse (fig. 15A) mais ils sont le plus souvent caractérisés par de nombreux vides et amas ou agrégats témoignant de sédiments complètement brassés par la faune du sol (fig. 15A et b). Les vides sont souvent caractérisés par des imprégnations micritiques et la présence d’aiguilles de calcites d’origine fongique (fig. 15C). La matrice limono-argileuse ferrugineuse est empoussiérée et ponctuée de microcharbons et de matière organique mélanisée (fig. 15D). Elle est également affectée ponctuellement par une poro- et grano-striation importante.

Ces traits sédimentaires et pédologiques indiquent des sédiments mis en place en masse par des écoulements très chargés venus déposer leur charge dans le fond de vallée. L’importance des traits pédologiques postérieurs à la mise en place des sédiments ne permet pas de dire si celle-ci est liée à un ou plusieurs évènements. En revanche, la présence constante et importante de microcharbons intégrés à la masse basale témoigne

32. M. ROSSIGNOL-STRICK, « Late Quaternary Climate in the Eastern Mediterranean Region », Paléorient 19/1 (1993), p. 135-152.

33. L. LESPEz (supra, n. 33).

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vraisemblablement d’une mise en place contemporaine de périodes d’incendie. Les traits pédologiques postérieurs indiquent une pédogenèse assez longue et témoignent de la succession de périodes humides et d’autres plus sèches qui est à mettre en relation avec une ambiance climatique proche de l’actuelle.

Ces observations soulèvent de nombreuses questions comme celles de la remarquable stabilité des niveaux d’occupation pendant trois millénaires dans un contexte géomorphologique qui paraît ensuite si actif et de la chronologie de mise en place de la formation colluvio-alluviale qui ne peuvent trouver leur réponse que dans une enquête élargie à l’ensemble de la petite plaine littorale.

Fig. 15. — Lames minces des formations colluvio-alluviales (U5). A. Lames minces (vue d’ensemble) montrant la charge grossière (1), des fentes et des chenaux (2) attestant d’une forte bioturbation et des processus pédologiques postérieurs au dépôt. B. Lames minces (vue de détail) montrant la charge grossière (marbres [1] et quartz), l’imprégnation de la masse basale fine par des particules charbon-neuses (2) et des chenaux attestant d’une forte bioturbation (3). C. Lames minces (vue de détail) montrant les imprégnations carbonatées de la plupart des vides (2). D. Lames minces (vue de détail) montrant des particules charbonneuses (2) et l’imprégnation de la masse basale fine par des particules organiques amorphes et des microcharbons.

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IV. Un SySTèME MORphOGÉnIqUE AU FOnCTIOnnEMEnT InTERMITTEnT, MAIS TRèS ACTIF AU COURS DES DEUX DERnIERS MILLÉnAIRES

Les versants entaillés dans les marbres et les gneiss du cap Babouras sont raides et couverts d’une végétation arbustive basse dégradée (Phrygane) piquetée de quelques arbres depuis qu’un incendie a brûlé, il y une dizaine d’années, la forêt de pins qui couvrait l’ensemble du bassin versant. Aujourd’hui, les affleurements de marbres sont souvent nus ou recouverts de lithosols et les rares éléments de couverture pédologique qui persistent se développent sur les affleurements gneissiques profondément altérés. Les basses pentes sont recouvertes par des formations pléistocènes formant de petits glacis qui ont localement été réaménagés en terrasse de culture. Au pied, la plaine alluviale a piégé la sédimentation holocène.

iv. 1. dans La pLaine aLLuviaLe

Dans la plaine, les principales informations sont issues de l’observation systématique réalisée le long des ravines orientales et occidentales et des tranchées et sondages réalisés de part et d’autre du chenal principal.

IV. 1. 1. Le long de la ravine occidentale

La ravine occidentale jouxte le site vers le Nord (fig. 1) et offre l’opportunité d’observer le contact entre les espaces habités au Néolithique et le Nord-Ouest de la plaine alluviale. Les nombreuses coupes entreprises permettent de reconstituer la stratigraphie d’ensemble de ce secteur.

a. À la base, on retrouve les formations pléistocènes constituées de sédiments sablo-limoneux calcareux ocres à blocs anguleux.

b. Elles sont incisées sur 50 à 90 cm par un paléochenal (fig. 1), situé quelques mètres au Sud du chenal occidental, et dont le fond est situé 210 à 250 cm sous le sol actuel. Celui-ci fut d’abord rempli par des lentilles de sédiments fluviatiles grossiers (graviers, blocs) correspondant à des écoulements intermittents assez puissants, avant d’être colmaté par des sables bruns limoneux témoignant de dynamiques intermittentes plus calmes. Ce chenal sert alors de dépotoir pour les populations du site du Néolithique Final et du Bronze Ancien, comme l’atteste la présence de nombreux fragments de céramiques, d’os, de coquillages ainsi que de graviers et cailloux anguleux.

c. L’ensemble est ensuite recouvert par le remblaiement colluvio-alluvial (fig. 16) constitué par des limons sableux bruns qui emballent une fraction grossière souvent anguleuse et dans lesquels s’intercalent des paléochenaux alluviaux

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profonds de 30 à 90 cm et larges d’autant. Ceux-ci contiennent un matériel grossier constitué de sables, de graviers et de galets pouvant aller jusqu’à 20 cm et montrent fréquemment un grano-classement. Ils comportent des fragments de céramique historique d’époque hellénistique et romaine tardive.

d. L’ensemble est recouvert par un sable limoneux, moyen à fin, brun foncé et très homogène qui constitue un dépôt de débordement déposé récemment lors des crues dans la plaine d’inondation.

iv. 1. 2. Le long de la ravine orientale

Plus importante et plus longue que la ravine occidentale, elle présente néanmoins des observations convergentes (fig. 14). Le cours d’eau intermittent à l’origine de la ravine prend naissance sur le versant de la vallée au contact entre un affleurement de marbre sain (pendage 30° de direction 160°N) et de gneiss gris profondément altérés sur plusieurs mètres d’épaisseur. Le chenal actuel reprend en grande partie le tracé de l’écoulement antérieur à l’épisode d’incision identifiable sur le terrain par une traînée d’alluvions grossières, de petits bourrelets de berge et un alignement de pins constituant l’ancienne ripisylve au sein de l’oliveraie. Large de 3 à 4 mètres en général, la ravine incise de 1,5 à 3 mètres les sédiments de la plaine littorale.

a. À la base du remplissage, on observe une fine couche de sables (10 à 40 cm) qui témoigne de l’existence de paléochenaux comblés par des apports alluviaux bien triés par des écoulements calmes. Localement un petit paléosol au sommet de ces alluvions a livré de nombreux charbons de bois qui ont pu être datés par la méthode du radiocarbone (AMS). Ils indiquent une datation à l’époque romaine (1846 +/- 35 BP soit 80 à 250 apr. J.-C., OxA-11308).

b. Mais l’essentiel du remplissage est constitué par des formations colluvio-alluviales identiques à celles qui recouvrent le site et dont l’épaisseur augmente vers l’aval (1 à 2 mètres). Elles sont constitués par des limons sableux bruns qui emballent une fraction grossière souvent anguleuse dans lesquels s’intercalent des paléochenaux alluviaux profonds de 30 à 90 cm qui contiennent un matériel

Fig. 16. — La berme septentrionale des fouilles du site du Bronze Ancien (cl. L. Lespez).

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grossier grano-classé constitué de sables, de graviers et de galets pouvant aller jusqu’à 20 cm. Ces formations témoignent d’abord de l’importance de l’érosion des sols et des formations superficielles qui couvraient les basses pentes entourant la plaine littorale. Elles révèlent ensuite une mise en place par des écoulements torrentiels instables qui ont connus plusieurs défluviations dans la plaine littorale, chaque chenal se remplissant au cours d’une crue.

c. Sur ces formations s’est développé un sol brun assez évolué (décarbonation, illuviations argilo-limoneuse, structure en agrégats pluricentimétriques) qui témoigne d’une longue période où les apports sédimentaires furent peu importants comme l’atteste également les oliviers pluri-séculaires qui s’y enracinent. Cette stabilité n’a pas empêché l’activité torrentielle mais celle-ci n’a plus été accompagnée d’apports sédimentaires notables.

iv. 2. Le Long du chenaL principaL

Les observations reposent sur l’examen des berges vives du chenal actuel et sur plusieurs tranchées dans la partie aval de plaine littorale. Elles permettent de reconstituer précisément la chronostratigraphie du remplissage alluvial.

IV. 2. 1. À l’amont

À l’amont, la plaine littorale correspond à un remblaiement ancien qui possède deux faciès caractéristiques.

a. À la base et au centre de la plaine, des sables fins limoneux bruns se développent sur 30 à 50 cm. Ils comportent de très nombreux microcharbons de bois et, localement, ils montrent un petit épisode de pédogenèse au sommet. Une datation obtenue par la méthode du radiocarbone indique l’époque romaine (1803 +/- 35 BP soit 120-330 apr. J.-C., Oxa-11307).

b. Ces sables sont recouverts par le remblaiement colluvio-alluvial sableux à graviers et cailloutis qui comportent des lentilles alluviales grossières indiquant des paléochenaux. Sur les marges de la plaine, ces formations sont réaménagées en basses terrasses de culture alors que vers l’aval ce remblaiement non protégé est souvent érodé par les écoulements plus récents.

c. Le chenal actuel est incisé de 1 à 1,5 m dans le remblaiement ancien.

d. Il comporte une très basse terrasse alluviale. Développée sur 1 mètre environ, elle montre la succession de lits sableux plus ou moins fins d’une dizaine de centimètres d’épaisseur chacun. Deux sont constitués par un sable fin noir riche en cendres et en microcharbons. Il s’agit de formations alluviales, issues

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de l’érosion des sols des versants et du remblaiement ancien, mises en place par des écoulements éphémères. La présence de lits charbonneux indique un dépôt des sédiments successifs aux incendies ayant parcourus récemment une grande partie du bassin versant et livrant aux alluvions les résidus de la combustion de la forêt de pins qui le caractérisait.

IV. 2. 2. À l’aval

Vers l’aval, le remblaiement holocène se dilate et devient plus complexe (fig. 14).

a. À la base dans l’axe du chenal, une grave grossière, constituée de galets et de blocs, épaisse de plus d’un mètre a pu être observée (U2). Elle témoigne d’écoulements à forte compétence et est vraisemblablement en partie héritée du Pléistocène.

b. Au-dessus repose un sable limoneux fin microlité gris foncé à noir qui possède des caractéristiques d’un dépôt d’écoulement très calmes peut-être mis en place dans une étroite zone humide en arrière du cordon littoral (U3).

c. En rive droite, cet horizon est surmonté par un lit épais de 15 à 30 cm (U4) qui comporte de nombreux charbons de bois dont l’un a pu être daté du début de l’époque byzantine (1244 +/- 34 BP soit 680-880 apr. J.-C, OxA-11306).

d. Un lit de sables grossiers surmonté par des sables limoneux fins recouvre l’ensemble. Ces sédiments épais de 30 cm à 100 cm montrent un colmatage du chenal par des alluvions fines (U4).

e. L’ensemble est ensuite recouvert par les formations colluvio-alluviales dont la puissance peut atteindre localement plus de 2 mètres (U5).

f. Comme à l’amont, le chenal actuel est incisé de 1 à 1,5 m dans le remblaiement ancien.

g. Une basse terrasse alluviale récente, qui possède les mêmes faciès qu’à l’amont, vient s’emboîter dans ce chenal (U6).

iv. 3. sur Le LittoraL

Les observations réalisées vers le littoral sont cruciales pour comprendre les relations entre le remblaiement alluvial et les formations littorales mais également du fait de l’importance des bâtiments construits au cours de l’époque romaine tardive en position littorale. Vers l’Est, le remblaiement holocène possède un faciès identique à celui observé le long de la ravine occidentale. Le bâtiment d’époque romaine tardive situé au bord de la plage est recouvert par le remblaiement colluvio-alluvial principal. En revanche, le mur oriental se développe sur plus de 60 cm de colluvions et doit être plus tardif.

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Vers l’Est, le moulin à huile d’époque romaine tardive se développe sur les formations pléistocènes et en partie sur des formations sableuses à galets. Celles-ci possèdent un faciès caractéristique d’un haut de plage et recouvrent les vestiges du Néolithique Final et de l’époque classique. L’ensemble est ensuite recouvert par le remblai colluvio-alluvial supérieur. Ces observations montrent une courte période de remontée du niveau marin relatif au-dessus du niveau actuel entre le ve s. av. J.-C. et l’époque romaine tardive.

V. L’ÉVOLUTIOn DE LA pLAInE D’AGhIOS IOAnnIS AU COURS DES CInq DERnIERS MILLÉnAIRES : LA MISE En pLACE pROGRESSIVE D’UnE InSTAbILITÉ ChROnIqUE EnTRE RÔLE DES SOCIÉTÉS ET AGRESSIVITÉ DU CLIMAT MÉDITERRAnÉEn

Les observations géomorphologiques réalisées autour du site archéologique et plus généralement dans la petite plaine d’Aghios Ioannis permettent de proposer une reconstitution de l’évolution des paysages au cours des dix derniers millénaires. Du début de l’Holocène et jusqu’à l’époque romaine, la dynamique des milieux est dominée par la stabilité. Les sols bruns rubéfiés se développent sur les formations pléistocènes alors que les cours d’eau sont légèrement incisés dans le fond de la plaine. C’est dans cet environnement sans doute recouvert d’une forêt que s’installent, à Aghios Ioannis, les populations du Néolithique Final. Les paléochenaux faiblement incisés sont colmatés par des sables limoneux qui témoignent alors plutôt de crues « tempérées » et d’apports sédimentaires modestes. Certains, à proximité de l’habitat, servent de dépotoir. Les dynamiques alluviales et colluviales demeurent faibles et l’impact des premières populations sur leur environnement semble avoir été très limité. Cette situation perdure pendant les trois millénaires suivants. La faiblesse de la sédimentation colluviale explique que les populations classiques et hellénistiques qui fréquentaient la plaine aient pu réoccuper les niveaux d’habitat des populations préhistoriques, d’autant que la tendance à l’incision qui se poursuit a dû favoriser l’érosion des parties supérieures du paléosol.

À partir de l’époque romaine, la situation change. Le développement d’un ou de plusieurs incendies est attesté dans l’ensemble du bassin versant. Les sols nus sont sans doute alors plus sensibles à l’érosion mais celle-ci ne se nourrit d’abord que de dépôts fins qui viennent progressivement colmater les chenaux alluviaux. Cette situation d’érosion modérée et de dynamique fluviale modeste ne change guère avec le développement de l’oléiculture au moins au cours de l’époque romaine tardive (IIIe-vIe s. apr. J.-C.). Tout au plus peut-on noter une remontée du niveau de la mer qui pendant quelque temps gagne légèrement sur la plaine littorale. Postérieurement à 680-880 apr. J.-C., l’érosion se généralise dans le bassin versant. Les écoulements temporaires prennent clairement une allure torrentielle alors que les formations colluvio-alluviales partout puissantes de 1 à

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2 mètres viennent ennoyer progressivement l’ensemble de la plaine alluviale et fossiliser les bâtiments de l’époque romaine tardive.

En l’absence d’informations historiques précises, il est difficile de déterminer localement l’utilisation du sol au cours de l’époque byzantine (vIIe - xIve s.) et au début de l’époque ottomane (xIve - xvIIIe s.). Cependant, les informations disponibles à l’échelle insulaire montrent une redistribution du peuplement au profit des espaces montagnards au cours de ces époques34. Les espaces littoraux furent alors caractérisés par le développement des activités pastorales au détriment des cultures. Par ailleurs, l’enrichissement du remblaiement colluvio-alluvial en particules charbonneuses indique que les incendies ont dû se répéter localement, sans doute en relation avec la pratique de l'élevage. Comme le montre la construction de la très basse terrasse à la suite des incendies des dix dernières années, ceux-ci ont dû favoriser les processus d’érosion des sols, de transfert puis de sédimentation dans la plaine littorale selon un modèle souvent vérifié ailleurs35.

Cette évolution cesse à une date qui reste indéterminée, mais sans doute au plus tard au milieu du xIxe s., comme en témoignent les nombreux vieux oliviers plantés sur le remblaiement colluvio-alluvial et l’importance de son évolution pédologique. Au cours des deux derniers siècles, la dynamique est à nouveau à l’incision parce que les stocks de matériaux fins disponibles sur les versants ont été en partie épuisés par les épisodes érosifs précédents, mais sans doute également parce que le développement de l’oliveraie et des terrasses de culture associées favorise la stabilité du système morphogénique. Les écoulements de crue privés de matériel à transporter dépensent donc leur énergie à creuser. Cette situation cesse temporairement suite aux incendies répétés des dix dernières années, comme le montre la construction de la basse terrasse. Mais que surviennent un abat d’eau exceptionnel dans un contexte où les sols sont presque nus et les écoulements torrentiels creusent à nouveau profondément le remblai alluvial, comme le montre la nouvelle rupture intervenue à la suite de l’incendie de 1998, caractérisée par des écoulements peu chargés en matériel détritique qui ont entraîné l’incision des formations antérieures.

34. S. BONIAS, M. BRUNET, G. SINTèS, « Organisation des espaces et cheminements antiques à Thasos », dans Archéologie et Espaces. Actes des Xe rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes, APCDA, Juan-les-Pins, 9-20-21 octobre 1989 (1990), p. 71-86.

35. J. CAMPO, V. ANDREU, E. GIMENO-GARCIA, O. GONzALES, J.-L. RUBIO, « Occurrence of Soil Erosion after Repeated Experimental Fires in a Mediterranean Environment », Geomorphology 82 (2006), p. 376-387.

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VI. COnCLUSIOn

L’instabilité de la plaine d’Aghios Ioannis est principalement historique. Même si les premiers signes d’alluvionnement sont enregistrés à partir du Néolithique Final, l’accélération du phénomène est bien plus tardive et doit dater de l’époque byzantine et/ou du début de l’époque ottomane. Ainsi à l’image de ce qui a été enregistré dans de nombreuses régions de Macédoine orientale36 l’impact des sociétés préhistoriques sur leur environnement semble avoir été modeste et la dégradation est principalement historique. Elle est à mettre au compte des sociétés antique et romaine tardive dont la présence et les activités agricoles (oléiculture en particulier) sont attestées localement par de nombreux vestiges. Les sols nus sont sans doute devenus plus sensibles à l’érosion, mais malgré des épisodes d’incendies, les formes de mise en culture pourraient, dans un premier temps, avoir limité l’érosion des sols. Dans un contexte climatique marqué par des crues méditerranéennes rares mais violentes, il en est en revanche autrement quand le mode d’utilisation du sol et des pratiques de gestion du milieu changent, sans doute au cours de l’époque byzantine. Le développement des pratiques pastorales et des incendies a alors rendu le milieu particulièrement réactif aux abats d’eau parfois impressionnants qui caractérisent le monde méditerranéen. Au cours des deux derniers siècles, le développement de l’oliveraie sur des terrasses de culture entaillées dans les versants a, à nouveau, favorisé la stabilité des piémonts et de la plaine littorale.

Finalement, cette étude contribue à la compréhension de la grande diversité des réponses environnementales aux interventions des sociétés37. Elle montre la spécificité des évolutions locales soumises à des histoires humaines et environnementales différentes et souligne la difficulté de définir un modèle de l’évolution de l’environnement et des paysages qui soit applicable à l’ensemble de l’espace insulaire.

36. L. LESPEz, « Geomorphic Responses to Long-term Land Use Changes in Eastern Macedonia (Greece) », Catena 51/3-4 (2003), p. 181-208.

37. L. LESPEz, « Les dynamiques des systèmes fluviaux en Grèce du Nord au cours des 7 derniers millénaires : vers une approche multi-scalaire des interactions Nature/Société », Géomorphologie. Relief, processus, environnement 1 (2007), p. 49-66.