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Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 1 sur 32
La guerre d'Algérie
__________
Etude de cas, pp. 298-301 – La guerre d'Algérie (1954-
1962)
A) Déroulement et acteurs d'une guerre d'indépendan ce
1) Une guerre de libération nationale
1. Dans quel contexte la proclamation du FLN a-t-el le lieu ? (doc. 1)
Dans la nuit du 30 octobre au 1er novembre 1954, trente attentats presque
simultanés contre des objectifs militaires ou de police sont perpétrés. Ils font
sept morts. C’est la première action du FLN dont le nom dit clairement le
projet indépendantiste, précisé par des tracts diffusés cette nuit-là.
La situation à la veille de la Toussaint 1954 est critique. En effet, l’opposition
des Français d’Algérie a fait échouer les projets de réformes. L’écart
économique et social qui ne cesse de s’accroître entre les communautés et
l’attitude des Européens vis-à-vis des Algériens musulmans accentuent leurs
frustrations, particulièrement celles des musulmans qui sont passés par
l’école française, dispensatrice des idées d’égalité et de fraternité, dont ils ne
voient aucune application dans la réalité.
Les neuf millions d’Algériens musulmans sont de faux citoyens d’une
République qui se veut assimilationniste : ils votent dans un collège séparé
de celui des Européens depuis 1947. Le principe d’égalité, « un homme, une
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voix », n’est pas respecté. L’idée d’indépendance, partagée par une
proportion croissante d’Algériens, apparaît alors comme la seule façon de
dénouer cette contradiction.
À cela s’ajoute la perte de prestige des colonisateurs après leur échec en
Indochine et l’affaiblissement de leurs forces sous les coups des révoltes du
Maroc et de la Tunisie.
2. Quel est l'objectif du FLN ? Comment compte-t-il y parvenir ? (doc. 1)
Les fondateurs du FLN ont une trentaine d’années. Issus des classes
moyennes, ils ont fréquenté l’école française, sans être des intellectuels.
Tous sont issus d’une organisation, le Mouvement pour le triomphe des
libertés démocratiques (MTLD), qui compte dans ses rangs plus de 20 000
militants.
Ce parti est déchiré depuis 1953 par des dissensions qui pour les membres
fondateurs du FLN ont plongé le mouvement national dans « l’impasse ». Les
fondateurs du FLN ne croient plus à l’action politique (grèves, pétitions,
manifestations) et préconisent le recours à la lutte armée pour sortir de la
domination coloniale.
La proclamation du FLN expose les motifs de la guerre puis définit les buts et
les moyens de la lutte. Elle fait fonction de véritable déclaration de guerre et
encourage la réalisation de l’union de tous les Algériens dans et par la lutte
armée contre le « colonialisme ». Le but du FLN est formulé clairement dans
la partie médiane du texte. Si le rejet de la souveraineté française au profit
d’une souveraineté algérienne absolue est très clair, on ne peut pas en dire
autant des principes d’organisation interne du nouvel État. Il paraît en effet
contradictoire de « restaurer » l’État « algérien » de 1830 (accaparé par une
oligarchie turque) en le qualifiant de « démocratique et social » ; de même,
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une autre contradiction apparaît entre les « principes islamiques » et
l’absence de distinction entre les confessions religieuses. Les « moyens de
lutte » sont résumés en une phrase, extrêmement laconique. On peut en
déduire que les « principes révolutionnaires » consistent en un pragmatisme
absolu, faisant de l’efficacité le seul critère du choix des moyens.
2) L'attitude des autorités françaises et des Franç ais
d'Algérie
3. Quelle est la réaction des autorités françaises aux attentats de la
Toussaint ? Comment est-elle justifiée ? (doc. 2 et 3)
L’attitude de la France à l’égard de l’Algérie est l’intransigeance, au titre que
« l’Algérie, c’est la France ». Il n’est pas question de reconnaître un
quelconque état de guerre. François Mitterrand, ministre de l’Intérieur du
gouvernement Mendès-France proclame devant l’Assemblée nationale sa
volonté de maintenir à tout prix l’unité de la République française.
Très vite, il met à disposition du gouvernement général de l’Algérie plusieurs
compagnies de CRS et le gouvernement se montre très ferme dans sa
volonté répressive. Le 5 novembre, le MTLD, suspecté d’être à l’origine des
attentats est dissout, ses responsables arrêtés, des centaines de militants
plongent dans la clandestinité. Des renforts militaires sont acheminés vers
l’Algérie, qui portent les effectifs à 83 000 hommes. La France se lance alors
dans une politique de « pacification » qui se double de tentatives de réformes
administratives, économiques et sociales, tendant à faire de l’Algérie une
province à la personnalité originale, mais de plus en plus française. Tandis
que les réformes n’arrivent pas à convaincre, la France augmente sans cesse
sa présence militaire et donne à l’armée des pouvoirs de plus en plus
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étendus. De 100 000 hommes sur le terrain en juin 1955, l’effectif atteint
381 000 en août 1956. En mai 1955, des réservistes français d’Algérie sont
rappelés sous les drapeaux. Après l’offensive sanglante lancée par l’ALN
dans le Constantinois le 20 août 1955, cette mesure est étendue aux
rappelés métropolitains de la classe 53-2 qui avaient fini leurs 18 mois de
service et que l’on mobilise pour une durée de six mois. En 1956, le
gouvernement Guy Mollet rappelle les réservistes des classes plus
anciennes, soit 88 000 hommes. En fait, le gros des forces en Algérie, plus
de 80 % des effectifs, est composé d’appelés.
4. Quelle image F. Mitterrand donne-t-il des nation alistes du FLN ? (doc.
2 et 3)
Pour évoquer les attentats de la Toussaint, F. Mitterrand emploie le terme de
« terrorisme individuel », refusant ainsi d’y voir les prémices d’un combat
organisé pour l’indépendance. Tout au long de la guerre, d’ailleurs, les
Français choisissent de parler d’ « événements » ou d’« opérations de
maintien de l’ordre », affirmant qu’il n’y a à leurs yeux pas de guerre en
Algérie, c’est-à-dire pas de conflit impliquant une remise en cause de la
souveraineté française sur le territoire algérien. Tout au plus, ils vont
considérer les nationalistes algériens comme des « rebelles », des « hors-la-
loi », en révolte contre l’ordre, identifié à la loi française. La dimension
politique de cette « rébellion » est ainsi absente des mots. Les individus qui y
participent sont renvoyés exclusivement à leurs actions : « terroristes » ou
« fellagha »(= « coupeurs de route ») ou « bandits de grand chemin » (doc p.
309). De leur côté, les Algériens musulmans emploient d’autres termes
aux connotations politiques et militaires : « djoundi » (= « combattants »,
« maquisards »), les hommes de l’Armée de Libération nationale (ALN) sont
présentés comme de vrais soldats. Les terroristes et autres membres du
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FLN ne sont pas distingués : ce sont des militants, qui peuvent devenir des
« martyrs » (« chouhada »). La connotation religieuse n’est pas absente du
lexique du FLN comme en témoigne l’emploi des termes « moudjahid »
(combattant de la foi) ou « djihâd » (guerre sainte).
5. Comment de Gaulle justifie-t-il le changement de politique de la
France en Algérie ? (doc. 4)
Le 16 septembre 1959, de Gaulle invite les Algériens à s’autodéterminer.
Trois options sont proposées : la sécession, la francisation ou bien
l’association, cette dernière ayant la faveur du chef de l’Etat (texte p. 307) .
Le 26 décembre 1959, après une discussion mouvementée avec un membre
de son cabinet militaire, le général de Gaulle consigne les raisons de sa
politique. Il fait le constat de l’échec de la politique répressive de la France
qui s’avère impuissante (malgré l’« écrasante supériorité militaire ») à faire
taire les aspirations des Algériens à l’indépendance et à les rallier à la cause
de l’Algérie française. Pour lui, le processus de décolonisation est un
phénomène inéluctable, quels que soient les territoires concernés. Peut-être
peut-on voir également derrière ses propos le poids de la condamnation
onusienne qui pèse sur la France concernant les événements algériens.
Le tournant de l’autodétermination est fondamental car l’indépendance
est désormais envisageable. À partir de 1960, de Gaulle use d’ailleurs
de formules confortant cette idée : « Algérie algérienne » en mars,
« République algérienne » en novembre et même, en avril 1961, « État
algérien souverain ».
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6. Comment les partisans de l'Algérie française man ifestent-ils leur
mécontentement face à la politique d'autodéterminat ion proposée par
de Gaulle ? (doc. 5)
En Algérie, la politique d’autodétermination proposée par de Gaulle provoque
la stupeur tant elle signifie pour les Français d’Algérie que les voies vers
l’indépendance sont désormais ouvertes. Les chefs militaires pensent qu’ils
sont trahis. Des contacts s’engagent avec les partisans de l'Algérie française.
Le général Massu confie à un journaliste allemand : « l’armée fera intervenir
sa force si la situation le demande. Nous ne comprenons plus la politique du
président de Gaulle ». Son limogeage, peu après, mobilise les groupes
d’opposition. À leur appel, les partisans de l’Algérie française élèvent des
barricades dans le centre d’Alger au soir du dimanche 24 janvier. L’épisode
prend le nom de « semaine des barricades » (jusqu’au 1er février 1960).
Le cliché montre la rue Charles Péguy, alors barrée par quatre séries de
double barricades. Elles sont édifiées à l’aide de pavés enlevés sur la
chaussée, de planches provenant d’un chantier. Elles sont rehaussées par
des sacs de sable pour améliorer la protection en cas d’assaut et atteignent
près de 1,80 mètre. Des drapeaux flottent sur les barricades et une banderole
« vive l’Algérie française » est accrochée à un balcon. À l’intérieur, on
procède chaque jour aux cérémonies de lever et de descente des couleurs.
Les hauts-parleurs (sur le balcon de l’immeuble) diffusent en permanence de
la musique militaire. Le camp est peuplé d’une garnison permanente.
7. A l'aide de la chronologie, expliquez comment se termine le conflit.
(doc. 5)
Les premiers pourparlers entre le FLN et le gouvernement français s’ouvrent
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à Melun le 25 juin 1960. C’est un échec, mais le virage est confirmé par le
discours de de Gaulle du 4 novembre 1960 qui affirme que « l’Algérie aura
son gouvernement, ses institutions et ses lois ». Il annonce un référendum
sur le principe de l’autodétermination en Algérie qui a lieu le 8 janvier 1961.
Le « oui » obtient 72,25 % des suffrages en métropole, 69,09 % en Algérie,
où le « non » l’emporte seulement dans les centres urbains européens. Le
succès de ce référendum démontre aux jusqu’au-boutistes de l’Algérie
française qu’il faut réagir rapidement alors que la France annonce l’ouverture
de nouvelles négociations. Ils créent alors l’Organisation de l'armée secrète
(OAS). Le 11 avril, le chef de l’État confirme sa nouvelle orientation : « la
décolonisation est notre intérêt, et par conséquent notre politique ». Chez les
militaires, le mécontentement grandit et aboutit au putsch des généraux le 22
avril 1961. Le putsch échoue et l’OAS prend la relève. Elle sème la terreur
pour casser le mécanisme des négociations engagées le 20 mai 1961 à
Évian. S’ouvre alors une période de tous les dangers. Le FLN, qui veut
aborder la négociation en position de force multiplie les actions, causant 133
morts entre le 21 mai et le 8 juin alors que l’OAS enchaîne les actions
terroristes.
À la fin de l’année 1961, les négociations buttent sur la question saharienne
et doivent être suspendues ; le climat de violence s’exacerbe.
Quand s’ouvre la nouvelle conférence d’Évian, le 7 mars 1962, les
commandos de l’OAS renchérissent de violence. Un accord de cessez-le-feu,
prenant effet le 19 mars à 12 h est signé à Évian, le 18 mars 1962, entre les
représentants français et les émissaires du Gouvernement provisoire de la
République algérienne (GPRA). Mais la signature des accords d’Évian ne
marque pas la fin de la guerre d’Algérie. L’OAS entame alors une politique de
la « terre brûlée », tandis que les Européens d’Algérie fuient le pays.
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Le 1er juillet, le référendum en Algérie donne 99,7 % de « oui » pour
l’indépendance, reconnue par la Ve République deux jours plus tard. La
proclamation de l’indépendance donne lieu dans tout le pays à des
explosions de joie. Mais à Oran, le 5 juillet 1962 est marqué par des
fusillades et des violences tournées contre les Européens, faisant environ
cent morts dont une vingtaine d’Européens et 161 blessés. L’été 1962 est
aussi celui des règlements de comptes dont sont notamment victimes ceux
qui ont pris les armes au nom de la France, anciens combattants musulmans
et harkis.
Après la proclamation de l’indépendance le 3 juillet, les tensions idéologiques
internes au FLN laissent la place à une course pour le pouvoir et il faut
attendre septembre 1962 pour que l’Algérie se dote d’institutions propres.
B) Une guerre, des guerres
3) Une guerre aux différentes facettes
8. Montrez que la guerre d'Algérie n'a pas seulemen t vu s'opposer les
militaires français aux nationalistes du FLN. (doc. 6, 8, 9 et 11)
L’une des spécificités de la guerre d’Algérie dans le processus global des
décolonisations est qu’elle n’a pas simplement vu s’opposer les militaires
français aux forces nationalistes. La guerre a aussi vu les Algériens
musulmans s’opposer entre eux (docs 6 et 11) . Le doc 6 illustre
l’affrontement très dur des courants nationalistes algériens du FLN et du MNA
(Mouvement national algérien), fondé par Messali Hadj. Ces deux
mouvements, qui partagent le même objectif final, l’indépendance, sont
condamnés à l’affrontement dès lors que chacun affirme être le représentant
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exclusif de l'Algérie indépendante. L’élimination physique de l’organisation
rivale devient donc un impératif, tant en Algérie que dans l’immigration
algérienne en métropole.
En outre, pour détacher les populations musulmanes de l’emprise française
et obtenir leur assistance ou pour punir ceux qui contreviennent à leurs
ordres, le FLN et son bras armé, l’ALN, utilisent souvent la force sous forme
d’assassinats ou de mutilations « pour l’exemple ». Dans ses rangs, le FLN a
recours à l’élimination physique et à la torture contre les traîtres réels ou
supposés. Le document 11 permet d’aborder la question des harkis, ces
Algériens musulmans engagés comme supplétifs dans l’armée française.
Devenus victimes de représailles allant parfois jusqu’au massacre, environ
25 000 d’entre eux se réfugient en France entre juin 1962 et juillet 1963.
Les violences opposent également les membres de l’OAS aux Algériens
musulmans (doc. 8) ; tandis que les actes terroristes du FLN touchent
également les populations civiles européennes (doc. 11) . Les documents
témoignent aussi des violences exercées par les forces de police
métropolitaines sur les Algériens immigrés, suspectés de connivence avec le
FLN.
4) Les violences et les drames humains de la guerre d'Algérie
9. Quelles sont les différentes formes de violence dont la guerre
d'Algérie a été le théâtre ? (doc. 6 à 9)
10. Se sont-elles seulement déroulées sur le sol al gérien ? Justifiez.
(doc. 6 à 9)
Le document 7 illustre la pratique de la torture. Albert Nallet, jeune ouvrier,
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s’engage en faveur des mouvements pour la paix en Algérie dès 1954. Il est
pourtant appelé en Grande Kabylie du 3 mai 1957 au 6 août 1959 et tient
quotidiennement son journal pour témoigner et dire la vérité.
La torture est d’abord utilisée par la police, puis massivement par l’armée.
Ceux qui la justifient mettent en avant la recherche d’informations sur les
troupes armées ou sur les réseaux de soutien aux nationalistes dans la
population. Les coups, les décharges électriques, les étouffements, l’eau
injectée de force dans la bouche sont autant de méthodes utilisées
fréquemment, de même que la pendaison par les pieds et les poings.
Accomplies par des militaires de carrière ou du contingent, les tortures sont
parfois l’occasion de défoulements ; la vengeance, la peur de l’ennemi ou le
racisme (« avec ces gens, c’est comme cela qu’il faut y aller ») y trouvent un
terrain d’expression propice. Mais la torture est aussi pratiquée sans haine
particulière, par des soldats persuadés d’accomplir ainsi leur mission qui est
de gagner la guerre. Le texte montre qu’elle perturbe certains militaires qui
parfois s’en ouvrent à leurs proches, à leur journal ; mais la plupart se taisent.
Officiellement, la torture n’existe pas.
Le document 9 permet d’aborder la question des violences policières à
l’encontre des Algériens musulmans en métropole. La guerre y est portée par
la fédération de France du FLN, qui assure son pouvoir sur l’immigration. En
riposte aux attentats contre la police, Maurice Papon, le préfet de police de
Paris, couvre le massacre du 17 octobre 1961. Les morts se comptent par
dizaines et les blessés, par centaines. Les arrestations sont massives : 11
538, soit la moitié des manifestants. Les violences sont alors commises à
froid et s’expliquent par l’état d’esprit de la police, travaillée par l’extrême-
droite. Cette dernière profite de l’exaspération des policiers face à la
multiplication, depuis septembre, des attentats dont ils sont victimes de la
part des groupes de choc du FLN. Leurs représentants réclament à leur
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préfet, M. Papon, des mesures de protection. Les « Français musulmans
d’Algérie » sont alors soumis à un couvre-feu que le FLN appelle à boycotter
le soir du 17 octobre 1961. Les 20 000 manifestants, qu’ils aient suivi ou non
le « mot d’ordre du FLN », éventuellement sous la contrainte, protestent aussi
contre la situation qui est la leur depuis que la lutte contre le FLN s’est
intensifiée à la fin de l’été et s’est traduite par une « chasse à l’Arabe » se
déclinant en contrôles de papiers, arrestations et gardes à vue abusives,
accompagnées de brimades ou de coups. Avant même le 17 octobre, le
nombre d’Algériens victimes d’homicides, retrouvés sur la voie publique ou
dans la Seine, s’élève anormalement. Ils sont souvent imputés au FLN mais
les policiers, agissant en dehors de leur service, en sont aussi responsables.
Enfin, le document 8 témoigne des actes terroristes perpétrés par l’OAS, née
en 1961. L’organisation terroriste a deux modes d’action : les explosions au
plastic et les assassinats individuels. Les plasticages ponctuent le quotidien
des habitants des villes algériennes pendant plus d’un an. En métropole, les
attentats culminent en janvier et février 1962. L’approche du cessez-le-feu
puis celle de l’indépendance intensifie la violence : l’OAS opte pour une
politique de la « terre brûlée » qui prétend rendre l’Algérie aux Algériens dans
l’état de 1830.
11. Comment se termine la guerre pour les Europé ens d'Algérie ?
(doc. 10)
Depuis 1959, près de 100 000 personnes sont progressivement arrivées en
France. Elles sont 865 000 à débarquer dans les quatre ports méditerranéens
de Marseille, Sète, Toulon et Nice entre avril et septembre 1962, prises entre
le déchaînement de violence de l’OAS et l’imminence d’une indépendance
inquiétante, convaincues de n’avoir le choix qu’entre « la valise et le
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cercueil ».
L’exil de 1962 est un événement tragique pour tous ceux qui l’ont vécu, tant
la perte de la terre natale est ressentie comme un profond déracinement. La
détresse qui l’accompagne est le fruit d’une très longue période de tensions ;
elle s’amplifie encore avec la découverte d’un pays dont ils sont certes
citoyens, mais qu’ils ne connaissent guère, d’où d’ailleurs l’étrangeté du
qualificatif « rapatrié » appliqué aux Européens d’Algérie, le plus souvent nés
en Algérie, parfois de parents ou de grands-parents eux-mêmes nés là-bas.
L’administration est prise de court par cette arrivée massive, mais les
situations se régularisent peu à peu ; les rapatriés reçoivent des subventions
et on leur accorde des prêts spécifiques pour faciliter leur insertion en
métropole. Ils s’installent alors dans la société et l’économie françaises, en
particulier dans les régions du sud de la France.
11. Quelles sont les principales victimes de la gue rre ? (doc. 11)
Officiellement, la guerre d’Algérie a tué près de 25 000 soldats français,
4 500 soldats algériens engagés aux côtés des forces françaises et 4 500
civils européens.
Les chiffres sont beaucoup plus imprécis à propos des victimes algériennes
tuées par les forces de l’ordre françaises. Le FLN revendique un million de
« martyrs » tandis que les autorités françaises estiment les pertes militaires
de l’ALN autour de 150 000 personnes et les pertes civiles autour de 20 000,
en y incluant les victimes algériennes de l’OAS mais sans tenir compte des
plus de 13 000 disparus recensés au 19 mars 1962. Il faudrait également
ajouter à ces chiffres les Algériens victimes de règlements de compte entre
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 13 sur 32
partis nationalistes. Ainsi, le bilan des morts algériens est difficile à établir
avec précision mais les historiens proposent une fourchette située entre 200
et 400 000 morts. Ces pertes, rapportées à la population de l’Algérie pendant
la guerre (près de dix millions de personnes), sont donc, quel qu’en soit le
total exact, particulièrement élevées. Quant aux harkis, tués pendant la
guerre ou après l’indépendance, les estimations s’échelonnent de 30 000 à
150 000.
Introduction
L'Algérie est un territoire rattaché à la France métropolitaine, constitué de
trois départements. En 1954, près d'un million d'Européens y travaillent et y
vivent souvent depuis plusieurs générations. Neuf millions d'Algériens
composent le reste de la population.
La guerre d’Algérie est une guerre de décolonisation qui débute en novembre
1954. Ce conflit est triple : il oppose la France et l’Algérie, ainsi que les
Français entre eux (Pieds noirs contre l’État) et les Algériens entre eux
(Harkis, nationalistes, partisans de la France).
Les mouvements nationalistes algériens se soulèvent face à la détermination
française à rester en Algérie, malgré la contestation qui monte depuis la fin
de la Seconde Guerre mondiale. C’est un conflit asymétrique qui oppose une
armée à une guérilla.
L’armée française, meurtrie par sa défaite en Indochine, est persuadée
qu'elle ne peut compter que sur ses forces et non sur le pouvoir politique qui
a du mal à faire face aux crises.
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 14 sur 32
Les pieds-noirs jouent également un rôle dans ce conflit car nombre d’entre
eux ne veulent pas d’une Algérie algérienne.
Les harkis, enfin, sont des supplétifs algériens pro – français engagés du
côté de la France pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie. Ils sont
considérés par les Algériens comme des traitres.
Pourquoi le souvenir de la guerre d'Algérie est-il toujours
douloureux ?
I. Une guerre qui ne dit pas son nom
II. L'analyse de l'opinion
III. Les mémoires de la guerre
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 15 sur 32
I. Une guerre qui ne dit pas son nom
A) Une difficile cohabitation entre colons et indig ènes
1) Les inégalités entre les deux communautés sont f ortes
Bien que l’Algérie soit considérée comme partie intégrante de la France, les
indigènes n’y ont pas les mêmes droits que dans d’autres départements.
En effet, seuls ont la nationalité française, et les droits inhérents à cette
nationalité, les colons d’origine européenne, appelés « pieds-noirs » tandis
que les 9 millions de musulmans ne sont pas des citoyens à part entière. Ces
derniers sont privés d’une partie de leurs droits civiques : ils votaient au
second collège électoral où leur voix a moins de valeur que celle des votants
au premier collège (les pieds noirs).
Le Code de l'indigénat est en vigueur depuis 1881. En matière pénale, les
indigènes sont assujettis aux lois françaises, mais il leur est ajouté un régime
d'exception. Il comprend des infractions (réunion sans autorisation, départ du
territoire de la commune sans permis de voyage, etc) et des peines
particulières (emprisonnement, amendes, confiscation) et exorbitantes, qui
peuvent être collectives. Ces peines restreignent considérablement les
libertés des indigènes et des confiscations vont permettre l'appropriation de
leurs terres.
En matière civile (état civil, mariage, héritage, etc.), les indigènes dépendent
par ailleurs de la justice musulmane exercée par des cadis (juges
musulmans).
Les indigènes bénéficient d'un droit de vote limité. Ils participent ainsi
notamment à l'élection des collèges musulmans des conseils municipaux.
Ces derniers sont minoritaires au sein des conseils alors que la population
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 16 sur 32
musulmane est le plus souvent majoritaire au niveau démographique. Les
musulmans représentent un cinquième du conseil jusqu’en 1919, puis un
tiers.
2) Le nationalisme algérien se radicalise progressi vement
Le père du nationalisme algérien contemporain, Messali Hadj, fait partie des
membres fondateurs de l'Etoile nord-africaine (ENA) en 1926. Il en prend la
présidence et dénonce l'arbitraire dont est victime le peuple algérien et pose
le problème de l'indépendance nationale dès 1927.
Après la dissolution de l'ENA par le Front populaire en 1937, Messali Hadj
participe la même année à la fondation du Parti du peuple algérien (PPA)
dont il devient le président. Le PPA est interdit à son tour en 1939 et ses
membres entrent dans la clandestinité.
L'autre grande figure du nationalisme algérien est Ferhat Abbas. D'abord
favorable à la politique d'assimilation, il se radicalise dans les années 1930. Il
dénonce notamment le Code de l'indigénat et fonde son parti en 1938,
l'Union populaire algérienne.
La période de la Seconde Guerre mondiale achève de convaincre Ferhat
Abbas que la colonisation est « une entreprise raciale de domination et
d'exploitation ». En 1943, il rédige Le Manifeste du peuple algérien : Ferhat
Abbas revendique une pleine autonomie pour l'Algérie, avec une égale
participation de tous les habitants aux affaires politiques, ainsi qu'une réforme
agraire. Les responsables politiques français font quelques concessions
qu'Abbas et ses amis jugent cependant insuffisantes. C'est pourquoi Abbas
fonde, en 1944, l'Union démocratique du manifeste algérien (UDMA).
Messali Hadj est arrêté à plusieurs reprises, placé en résidence surveillée,
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 17 sur 32
condamné aux travaux forcés en 1941, à nouveau placé en résidence
surveillée. C'est notamment pour obtenir sa libération qu'ont lieu les
manifestations de Sétif en mai 1945.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Algérie espère l’indépendance en
récompense au sang versé pour la République. Le 8 mai 1945, alors qu'on
célèbre la victoire sur l'Allemagne nazie, en Algérie comme en métropole, des
émeutes éclatent, notamment à Sétif, provoquant la mort d'une centaine
d'Européens. La répression menée par l’armée française est très sévère,
faisant plusieurs milliers de morts.
Le général Duval, chargé du rétablissement de l'ordre, dit à cette occasion au
gouvernement colonial : « Je vous donne la paix pour dix ans, à vous de vous en servir
pour réconcilier les deux communautés. Une politique constructive est nécessaire pour
rétablir la paix et la confiance ».
Des historiens, comme Benjamin Stora, pensent que ces événements
marquent le véritable début de la guerre d'Algérie.
Messali Hadj fonde en 1946 le Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques (MTLD) dont sont issus des cadres de la lutte de libération
nationale. Mais, en 1954, le MTLD se scinde en deux fractions : le Front de
libération nationale (FLN) et le Mouvement national algérien (MNA), dont
Messali Hadj conserve la direction.
B) L'intransigeance de la métropole face aux nation alistes
algériens
1) La « Toussaint rouge » et le début de l'insurrec tion
algérienne
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Le 1er novembre 1954, le FLN déclenche une vague d’attentats et lance un
appel à l’insurrection populaire contre les autorités françaises (doc. 1, p.
298).
Dans la nuit du 31 octobre 1954, plusieurs dizaines d'attentats sont commis
sur l'ensemble du territoire algérien, surtout dans le Nord. Il s'agit avant tout
d'atteintes aux biens », symboles de la présence coloniale. Mais un couple
d'instituteurs français figure parmi les victimes. C'est la « Toussaint rouge ».
Ces attentats sont revendiqués par le FLN que dirige alors Ahmed ben Bella.
L'action, sanglante et spectaculaire, n'est qu'un demi-succès, car le FLN n'a
pas assez d'armes, mais elle frappe l'opinion publique et la classe politique.
Le gouvernement français, dirigé par Pierre Mendès-France, attribue les
attentats à quelques individus isolés. François Mitterrand, alors ministre de
l'Intérieur, déclare : « l'Algérie, c'est la France et la France ne reconnaîtra pas
chez elle d'autre autorité que la sienne » (doc. 2, p. 298) .
Le gouvernement réagit immédiatement en renforçant la présence policière
afin de rétablir l’ordre dans les départements algériens. Malgré cela,
l’insurrection s’étend tout au long de l’année 1955.
Le 20 août 1955, 71 civils européens sont massacrés dans plusieurs villages
du Nord-Constantinois, autour de Philippeville. La répression sanglante et
aveugle contre des civils algériens (selon l'historienne Claire Mauss-
Copeaux, plus de 10 000 victimes en dix jours) menée par l'armée française
provoque un basculement.
2) L'engrenage de la guerre
Le FLN, minoritaire au début de la lutte armée en 1954, gagne peu à peu la
populations algérienne à sa cause. Il se dote d'une branche militaire, l’Armée
de libération nationale (ALN), et élimine progressivement les mouvements
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indépendantistes concurrents comme le MNA de Messali Hadj (doc. 6, p.
300).
Les nationalistes algériens organisent des attentats et des embuscades
auxquels l’armée française répond par des « opérations de pacification »,
poursuivant les fellaghas [= traduction algérienne du mot « hors-la-loi »] dans
les zones où sont implantés leurs maquis.
Les combats sont extrêmement violents d’autant plus que les prisonniers ne
relèvent pas des règles internationales de la guerre puisqu’il s’agit
officiellement d’une opération de maintien de l’ordre. Dans les deux camps,
tortures, exécutions sommaires et massacres sont pratiqués (doc. 7, p. 300) .
Mais l’armée française, équipée pour une guerre conventionnelle en Europe,
se révèle incapable de faire face à une guérilla insaisissable qui opère à
partir de ses maquis montagnards, en particulier en Kabylie et dans les
Aurès. Le conflit s’enlise et devient le plus grave problème auquel doivent
faire face les gouvernements fragiles de la IVème République.
En 1956, le nouveau président du conseil Guy Mollet, en visite à Alger, est la
cible de la colère des pieds-noirs qui lui reprochent de ne rien faire contre
l’insurrection. Pour assurer le « maintien de l’ordre » en Algérie, il décide de
faire appel au contingent c’est-à-dire aux appelés faisant leur service militaire
pour que l’on appelle la pacification en Algérie. Désormais, plus de 450 000
hommes sont déployés en permanence dans le pays.
En outre, le Parlement vote la loi sur les « pouvoirs spéciaux » : le
gouvernement est habilité à prendre en Algérie toutes les mesures qu'il
jugera nécessaires. Un ministre résidant, Robert Lacoste, reçoit des pouvoirs
quasi dictatoriaux.
En 1956, des leaders du FLN sont arrêtés après le détournement de l'avion
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dans lequel ils se trouvaient (en violation totale du droit international car il
s'agissait d'un avion marocain).
L’armée reçoit des pouvoirs étendus pour rétablir l’ordre. En 1957, pour
rétablir l'ordre dans une ville secouée depuis l'automne 1956 par une série
d'attentats meurtriers, les parachutistes démantèlent les réseaux du FLN à
Alger en faisant largement usage de la torture.
Pour autant, la situation militaire s’enlise suscitant la colère des pieds-noirs
qui craignent la perte de l’Algérie. Paris en effet envisage de plus en plus
d’ouvrir des négociations avec le FLN.
Le FLN réussit à internationaliser le conflit en recevant l’appui du monde
arabe. L’énorme erreur commise en 1956 par l’attaque franco-britannique
contre l’Egypte de Nasser attire au FLN les sympathies du camp soviétique et
des Etats-Unis. Le début de l’exploitation du pétrole et du gaz naturel au
Sahara attise de nouvelles convoitises.
Jusqu'en février 1958, la France réussit à maintenir à l'ONU la fiction que les
événements d'Algérie sont une affaire de politique intérieure et non une
guerre de décolonisation. Mais lorsque l'aviation française bombarde un
village tunisien, prétextant la présence de troupes FLN dans la région, et fait
78 morts civils, la position de la France devient délicate. Il s'agit d'un acte de
guerre contre un pays membre de l'ONU et les puissances étrangères
condamnent l'attitude de la France. L'ONU aborde plusieurs fois la « question
algérienne » dans ses assemblées générales. La France se retrouve en
position d’accusée aux Nations Unies.
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C) Les conséquences politiques de la guerre d'Algér ie
pour la France
1) La fin de la Quatrième République et le retour d u général
de Gaulle au pouvoir
La guerre d'Algérie entraîne la chute de la IVème République, déjà fragilisée
par la perte de l’Indochine en 1954.
Le 13 mai 1958, alors qu'à Paris, le Parlement a renversé le gouvernement,
une foule d'Européens d'Alger s'empare du siège du gouvernement général,
avec la complicité de l'armée.
Les généraux Salan et Massu annoncent la formation d'un comité de salut
public et demandent le retour de De Gaulle au pouvoir. En des termes à
peine voilés, ils menacent de lancer une action militaire sur Paris, donc de
faire un coup d'Etat.
Le 1er juin, le général de Gaulle, vu par beaucoup comme le seul capable de
maintenir l’Algérie française, est investi président du Conseil, le 3 juin,
l'Assemblée nationale lui vote les pleins pouvoirs pour 6 mois et les pouvoirs
spéciaux en Algérie.
Il fait adopter une nouvelle Constitution qui crée la Vème République
(septembre 1958) et devient président de la République.
2) La Cinquième République met fin à la présence fr ançaise
en Algérie
De Gaulle se rend dès juin 1958 à Alger où il lance « je vous ai compris ».
Cette formule est ambiguë : elle apaise les Européens qui l'interprètent
comme une garantie au maintien de l'Algérie française ; mais elle donne
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aussi de l'espoir aux nationalistes algériens qui pensent pouvoir négocier
avec de Gaulle. Un Gouvernement provisoire de la République algérienne
(GPRA) se forme en septembre 1958 cherchant à représenter les intérêts
des Algériens, et se lance dans une campagne internationale active pour se
faire reconnaître à l'étranger.
En septembre 1959, de Gaulle fait le choix de l’autodétermination de l’Algérie
ouvrant ainsi la porte à des négociations d’indépendance. Pour le président
de la République, la politique d’assimilation est impossible car la population
musulmane s’est détachée de la France (doc. 4, p. 299) .
Par ailleurs, le contexte international de décolonisation rend impossible le
maintien de l’Algérie française. Cela provoque la colère des pieds-noirs et
d’une partie de l’armée française, mais de Gaulle persiste.
Le choix du général de Gaulle suscite en avril 1961 une tentative de putsch
[= coup d'Etat effectué par des militaires] à Alger par une partie des cadres
militaires. Des généraux appellent les militaires à se mutiner contre le pouvoir
politique accusé d'abandonner l'Algérie française.
De Gaulle, vêtu de son uniforme de général, paraît à la télévision, et
prononce un discours appelant les soldats d'Algérie, les Français, d'Algérie
ou de métropole, à refuser le coup d'Etat. Il se saisit des pleins pouvoirs en
vertu de l'article 16 de la Constitution.
Le contingent, qui entend l'appel à l'obéissance et à l'aide du président de la
République à la radio, refuse d'obéir aux ordres des mutins et arrête les
officiers putschistes.
La guerre touche également la métropole. Le 17 octobre 1961, le FLN, qui
exerce une emprise profonde sur la communauté algérienne immigrée,
organise une grande manifestation dans les rues de Paris. Interdite par la
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 23 sur 32
préfecture, elle est réprimée par la police française avec une violence
extrême. Des dizaines de personnes sont massacrées (doc. 9, p. 301) .
Une partie des militaires et des pieds-noirs se réunissent au sein de
l'Organisation armée secrète. L’OAS tente par des attentats d’empêcher
l’indépendance de l’Algérie.
A partir de janvier 1962, l'OAS se radicalise et se lance dans une insurrection
armée. L'organisation pratique la politique de la terre brûlée [= tactique
consistant à pratiquer les destructions les plus importantes possibles, à
détruire ou à endommager gravement ressources, moyens de production,
infrastructures, bâtiments ou nature environnante, de manière à les rendre
inutilisables par l'adversaire].
Le 8 février 1962, à Paris, une manifestation contre l'OAS est violemment
réprimée et fait 9 victimes (la plupart communistes) au métro Charonne.
L'OAS tente à plusieurs reprises d'assassiner le général de Gaulle. C'est à la
suite de l'attentat du Petit-Clamart, en août 1962, que souhaitant renforcer
l'autorité du chef de l'Etat, le général de Gaulle propose de faire élire le
président de la République au suffrage universel direct (la Constitution de la
Vème République prévoyait à l'origine l'élection du président de la République
par 80 000 grands électeurs). Cette modification constitutionnelle est adoptée
par référendum en octobre 1962.
L'indépendance de l'Algérie est acquise à la suite des accords d’Évian en
mars 1962, entraînant l’exil d’un million de pieds-noirs et le massacre de
milliers de harkis, militaires musulmans au service de la France. Le 5 juillet
1962, l’Algérie devient officiellement indépendante. Mais le même jour, à
Oran, une manifestation dégénère et provoque un déferlement de violence
antieuropéenne qui fait plusieurs centaines de morts.
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II. L'analyse de l'opinion
A) L'opinion en métropole
L'opinion métropolitaine devient de plus en plus hostile à cette guerre , qui
peu à peu n'a plus rien à voir avec une simple opération de maintien de
l'ordre, à mesure que les jeunes Français sont appelés pour combattre en
Algérie et que la presse révèle les exactions dont se sont rendus coupables
certains militaires. L'opinion publique découvre
En outre, le Parti communiste français – anticolonialiste par principe et
encore puissant à cette époque – milite pour la fin de la « sale guerre ».
L'usage de la torture est dénoncé par des intellectuels français. Le jeune
mathématicien et militant communiste Maurice Audin, professeur à la faculté
des sciences d'Alger, est arrêté par les soldats français, en juin 1957.
L'armée annonce ensuite son « évasion » et sa « disparition ». En fait, il a
succombé à la torture et l'armée a fait disparaître son cadavre. La
soutenance de sa thèse a lieu en son absence et tourne en manifestation
politique.
Le journaliste Henri Alleg, directeur du journal communiste Alger républicain,
publie en février 1958 La Question, récit des tortures qu'il a subies. Le livre
est interdit par la censure mais circule clandestinement en France comme en
Algérie.
Des intellectuels catholiques, comme François Mauriac et Henri Marrou, qui
dénoncent la torture sont brièvement arrêtés par la police en 1955.
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B) Le rôle de l'armée
Quand commence la guerre d'Algérie, l'armée française est une armée
vaincue.
La guerre d'Indochine s'achève en juillet 1954, après la défaite française de Diên Biên
Phu. Les pertes de l'armée française (des soldats professionnels), après huit ans de
guerre, s'élèvent à environ 100 000 morts.
Même si la plupart des officiers qui la composent sont des héros de la
Libération, ils reviennent d’Indochine meurtris par la défaite. Ils ont pris la
mesure des enjeux d’une guerre coloniale : l’obligation des populations
indigènes à choisir leur camp, la violence de la guérilla, le rôle de la
propagande, l’éloignement voire l’absence de la métropole. Enfin, ils ont été
humiliés par un ennemi moins bien armé, mais qui avait pour lui la
connaissance du terrain.
De cette expérience, les officiers de l'armée française tirent deux
conclusions : une guerre coloniale ne peut être gagnée que par le contrôle
des indigènes, l’armée doit donc être maîtresse du terrain et elle ne peut
compter que sur ses forces et non sur le pouvoir politique.
C'est le refus d'une nouvelle défaite et d'une nouvelle humiliation qui entraîne
la multiplication des exactions (torture, exécutions sommaires, massacres de
civils, déplacements de populations). Ces actes sont justifiés par la nécessité
de gagner la guerre face à un ennemi qui pratique le terrorisme, et par le fait
que les mêmes actes sont commis par l'adversaire.
C'est cette logique – l'armée ne peut compter que sur elle-même et non sur
les civils – qui conduit certains de ces officiers à délégitimer le pouvoir
politique et à choisir la voie de la désobéissance, voire à se mutiner et
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 26 sur 32
rejoindre l'OAS pour les plus déterminés.
Les militaires qui rejoignent l'OAS sont hantés par le souvenir de la guerre
d'Indochine. Ils s'engagent pour le maintien de la souveraineté de la France
en Algérie, pour lutter contre le communisme, pour que tous les morts ne le
soient pas pour rien, pour le respect de la promesse donnée aux populations
indigènes ralliées à la France.
Cependant, de nombreux soldats – y compris des anciens d'Indochine –
restent légalistes et respectueux des valeurs républicaines pour lesquelles ils
combattent.
Les soldats du contingent reviennent souvent marqués par la violence de la
guerre dont ils ont été les témoins ou les acteurs. Rentrés en métropole, ils
n'en parlent que rarement autour d'eux.
C) Le rôle des Européens d'Algérie
L’Algérie est française depuis 1830, elle est devenue une colonie de
peuplement. Aux côtés d’environ 9 millions de musulmans (dont beaucoup
sont attachés à la France), vit 1 million de Français pour qui l’Algérie est leur
terre.
Les massacres perpétrés par le FLN en août 1955 dans la région de
Constantine et la terrible répression qui suit ont une incidence lourde sur la
suite du conflit. De ces événements date la rupture entre la majorité des
Européens et la plus grande partie de la communauté musulmane.
Les pieds-noirs sont dans leur très grande majorité hostile à l'indépendance
et lorsque le général de Gaulle envisage l'autodétermination du peuple
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algérien, ils se sentent trahis par la métropole.
A plusieurs reprises, les pieds-noirs tentent de peser dans le débat politique.
Par exemple, en janvier 1960 ont lieu les journées insurrectionnelles de la
semaine des barricades. Les pieds-noirs s'opposent alors au processus
d'autodétermination retenu par le général de Gaulle. Une fusillade éclate au
cours d'une manifestation faisant 20 morts dont 14 gendarmes chargés de
disperser les manifestants.
En mars 1962, la fusillade de la rue d'Isly (Alger) fait entre 50 et 90 morts et
200 blessés parmi les pieds-noirs venus manifester pacifiquement.
Le 18 mars 1962, le cessez-le-feu en Algérie est proclamé par le général de Gaulle.
L'OAS multiplie alors les attentats et prend le contrôle du quartier européen de Bab el
Oued qui se trouve isolé par les forces de l'ordre. Le 26 mars, une manifestation est
organisée pour que soit mis fin à l'encerclement du quartier par l'armée. C'est alors que
des militaires tirent sur la foule.
Face au désengagement des autorités françaises et en l'absence de mesures
concrètes visant à protéger la minorité politique qu'ils représentaient, de
nombreux pieds-noirs s'engagent dans l'activisme politique [= engagement
politique qui privilégie l'action directe (brave la loi et fait usage de la violence].
Certains rejoignent l'OAS dont la politique de terreur envers les musulmans
nationalistes vaut celle du FLN.
Certains pieds-noirs détruisent leurs biens avant de quitter définitivement
l'Algérie, en signe de désespoir, mais la plupart partent en laissant intacts
leurs patrimoines, leurs cimetières, leur terre natale.
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III. Les mémoires de la guerre
Depuis 1962, la guerre d'Algérie est un enjeu de mémoire en France comme
en Algérie. Soldats français, combattants du FLN, harkis, pieds-noirs, civils
algériens : tous entretiennent des mémoires parfois conflictuelles.
A) La mémoire des Etats
Quel nom pour cette guerre longtemps qualifiée de « guerre sans nom » car
le gouvernement français n'évoquait que des « événements » ? Il faut
attendre le 10 juin 1999, pour que l'Assemblée nationale vote une loi
qualifiant de « guerre » les « événements » algériens de 1954 à 1962, mais il
y a longtemps que les historiens ont adopté l'expression «guerre d'Algérie».
La guerre d'Algérie ne se limite pas à un affrontement entre les nationalistes
algériens aux troupes envoyées par les autorités françaises et aux partisans
de l'Algérie française. La réalité est plus complexe.
En novembre 1954 commence également une deuxième guerre, algéro –
algérienne celle-là. Tous les Algériens ne soutiennent pas le FLN qui en fait
n'a d'influence qu'auprès d'une partie de la population. Certains Algériens
sont en effet favorables au MNA.
Pour faire basculer le plus de monde possible en sa faveur, le FLN n'hésite
pas à user de violence quand la propagande ne réussit pas, en Algérie mais
également en métropole au sein de la communauté immigrée.
La violence sert également au FLN pour éliminer tous ses adversaires
politiques, devenant ainsi le seul interlocuteur des Français. Dans ces
affrontements fratricides, les militants du FLN tuent plus d'Algériens que les
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forces françaises.
Enfin, la troisième guerre est franco – française. Poussant leur engagement
plus loin encore que les intellectuels qui dénoncent les pratiques des forces
de l'ordre. Les « porteurs de valises » aident le FLN à passer de France en
Suisse l'argent de l'impôt révolutionnaire (le FLN prélève 5 à 10 % des
salaires dans la communauté algérienne pour financer sa guerre).
Des pieds-noirs, militants du Parti communiste algérien pour la plupart, se
joignent aux Algériens engagés dans la lutte pour l'indépendance par
anticolonialisme. Ils subissent le même sort que les autres combattants du
FLN lorsqu'ils sont arrêtés : plusieurs d'entre-eux sont exécutés après avoir
été torturés.
A partir de 1956, l’opposition entre pieds-noirs et gouvernement métropolitain
s’accroît jusqu’à dégénérer en un conflit ouvert à mesure que Paris se résout
à l’idée de l’indépendance.
Les partisans de « l'Algérie française », reçoivent le renfort des chrétiens
intégristes et de nostalgiques du régime de Vichy. Ils sont liés par leur rejet
commun de la politique du Général De Gaulle.
L'OAS a recours au terrorisme jusque sur le sol métropolitain et on compte
de nombreux Français parmi ses victimes. De nombreux combattants de
l'OAS sont des militants d'extrême droite. Mais on y compte également des
musulmans qui voient dans l'OAS, que dirigent des chefs militaires
prestigieux, l'ultime chance de ne pas être vaincus par le FLN.
B) Le bilan de la guerre (doc. 11, p. 301)
Du côté français : le bilan officiel s'élève à 25 000 morts français et 4500
harkis. Il faut y ajouter 3000 civils tués avant le 19 mars 1962 et 4500
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disparus après cette date dans l'extrême violence de la fin de la guerre.
Du côté algérien : le FLN annonce 1 million de « martyrs », ce qui est sans
doute surestimé. On peut avancer une fourchette allant de 300 000 à 500 000
morts (sur 8 millions d'Algériens), dont plus de 50% tués par d'autres
Algériens.
Un million de Français d'Algérie, qu'on appelle dorénavant les « rapatriés »,
et quelques dizaines de milliers de harkis arrivent en France qui n'a ni
préparé ni organisé cet afflux. Les harkis sont parqués dans des camps et
abandonnés à leur sort.
Pendant la guerre, environ 210 000 musulmans sont enrôlés par l'armée
française. Parmi eux, des supplétifs, les harkis. Avec l'indépendance, le mot
désigne les « traîtres » en Algérie et, même si les accords d'Evian
garantissent leur sécurité, les harkis sont victimes de représailles dès mars
1962 : entre 10 000 et 150 000 sont tués, souvent dans des conditions
affreuses.
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Conclusion
L'Algérie et la France commémorent en 2012 le cinquantenaire de
l'achèvement de la guerre d'Algérie, mais Français et Algériens ont encore du
mal à regarder ce passé commun en face un demi-siècle après la fin de la
tragédie.
Pourtant, quelques années après l'accès à l'indépendance de l'Algérie, le
cinéma, le premier, ouvre le débat et lève certains tabous avec des films
comme La Bataille d'Alger (1966) ou Avoir vingt ans dans les Aurès, (1972)
qui narre l'affrontement d'un commando avec un groupement de l'ALN. Ces
films militants sont alors sources de polémiques.
En 2005 la sortie du film Indigènes met au grand jour la question de la
reconnaissance des combattants algériens de la Seconde Guerre mondiale
par la société française.
En 2007, le film L'Ennemi intime évoque l'emploi de la torture, les exactions
commises envers les civils pris entre les deux camps (armée française et
FLN) et le doute chez les militaires français dont certains ne peuvent
s'empêcher de penser qu'ils se comportent comme l'occupant allemand qu'ils
ont précédemment combattu.
En 2010, le film Hors la loi de Rachid Bouchareb (le réalisateur du film
Indigènes), relance la controverse autour du massacre de Sétif de 1945.
R. Bouchareb est accusé de présenter une vision manichéenne et pro-FLN des
massacres de 1945.
En 2004 est édité un ouvrage rédigé par les historiens français Benjamin
Stora et algérien Mohammed Harbi : La Guerre d'Algérie, la fin de l'amnésie.
Les auteurs renouvellent les problématiques et décrivent une mémoire
longtemps enfouie. Toutefois, la blessure de cette guerre n'est pas encore
Colonisation et décolonisation / La décolonisation / La guerre d'Algérie Page 32 sur 32
cicatrisée de part et d’autre de la Méditerranée.
A l'heure du 50ème anniversaire de la fin de la guerre, des questions
demeurent sensibles. La polémique sur le bilan des pertes humaines, le sort
réservé aux harkis et à leurs familles en 1962, les querelles entre anciens
combattants sur la date commémorative de la fin des combats sont parmi les
questions qui continuent d’empoisonner les relations franco – françaises et
franco – algériennes un demi-siècle après la fin de cette tragédie.
Des considérations de politique intérieure, dans les deux pays, empêchent
une vision pacifiée et objective de cette tragédie.
En février 2005, le Parlement français adopte une loi insistant sur les « aspects
positifs » de la colonisation (article 4, finalement abrogé). Ce texte est mal reçu en
Algérie où les autorités utilisent le terme de « génocide » à propos de la présence
française en Algérie. En France, un certain nombre d'intellectuels et d'hommes
politiques estiment que la formulation de cette loi est en contradiction avec la réalité
historique et que c'est aux historiens, et pas au législateur, d'écrire l'histoire.