(1971) Sylvie Et Bruno

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  • 8/16/2019 (1971) Sylvie Et Bruno

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  • 8/16/2019 (1971) Sylvie Et Bruno

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    25/06/13 " SYLVIE ET BRUNO "

    2/2abonnes.lemonde.fr/acces-restreint/…/6b69689b636870c595656566649f_2465038_1819218.html

    phrase commune aux deux, ou bien à la faveur des couplets d'une

    admirable chanson qui distribuent les événements propres à chaque

    histoire autant qu'ils sont déterminés par eux : la chanson du jardinier fou.

    Carroll demande : " Est-ce la chanson qui détermine les événements, ou

    les événements la chanson (1) ? " Avec " Sylvie et Bruno ", Carroll fait un

    livre-rouleau, à la manière des tableaux-rouleaux japonais. (Dans le

    tableau-rouleau, Eisenstein voyait le vrai précurseur du montagecinématographique, et le décrivait ainsi : " Le ruban du rouleau s'enroule

    en formant un rectangle ! Ce n'est plus le support qui s'enroule sur lui-

    même ; c'est ce qui y est représenté qui s'enroule à sa surface. " (2) Les

    deux histoires simultanées de " Sylvie et Bruno " forment le dernier terme

    de la trilogie de Carroll, chef-d'œuvre égal aux autres.

    Ce n'est pas que la surface ait moins de non-sens que la profondeur. Mais

    ce n'est pas le même non-sens. Celui de la surface est comme la " radiance

    " des événements purs, entités qui n'en finissent pas d'arriver ni de seretirer. Les événements purs et sans mélange brillent au-dessus des corps

    mélangés, au-dessus de leurs actions et de leurs passions. Comme une

     vapeur de la terre, ils dégagent à la surface un incorporel, un pur " exprimé

    " des profondeurs. Il appartient à Carroll de n'avoir rien fait passer par le

    sens, mais d'avoir tout joué dans le non-sens, puisque la diversité des non-

    sens suffit à rendre compte de l'univers entier, de ses terreurs comme de

    ses gloires.

    (1) Sylvie et Bruno n'est pas encore traduit. On trouve les couplets de la

    chanson du Jardinier dans Lewis Carroll, de Parisot (Seghers) et dans

    l'Anthologie du non-sense, de Benayoun (Pauvert).

    (2) Texte cité dans Change no 1.

    GILLES DELEUZE.