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adalberto
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Caballeros hospitalarios en idioma frances
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HIST O IRE
D Ë S
CHEVALIERS HOSPITALIERS
.'
L> E
S JEAH DE JERUSALEM,
^PPELLEZ DEPUIS
LES CHEVALIERS DE RHO DES,
E T A UJ OÚ R D*H U I
ÇES CHEYALIERS DE MALTE»
Par .M. l'Abbé DE VERTOT,de l*Académie
des Belles Lettes,
TOME TROISIEME;
\*^/ JA PARI S,
^__*>*pKO L 1IN t à la descente du Pont S. Michel, Quai des Augustins,
! : - au Lion d'Or,
Çhez ^ QUILLAU Père & Fils, Im'p. Jur. Lib. de l'Uni^veríìté , rue
i Galande ,-à rAnnonciarioB.
[, DESAÍ NT, rue S. Jean de Beauvais , vis-à-vis le Collège,m ' ni. i ' >
M. DCC. XXV ï.
4VZC APPROBATION £ì'PRIVILEGE DV ROT.
DES
€ H E VÀLIERS HOS FITALIERS
.- DE '.'.,....
UJMIM AN DE Ï1R0SA LEM»
JiPPELLEZ' I>EPV7&
CHEVALIERS &E RBOJDESs?
ETAVjOURJkfHVl
CBEVALIERS DEM A LTR^
LIVRE tfEVVJEME-
Eî^DAlSíT mm Flàeureûxi Sohmai#
triomphok de ladisgrâce
des Cheva^
lièrs de Rhodes, &que
ee Princequ&
necornptoit pour
rien laperte
de í es
soldats, s'applaudiísoit d une conquête
f glorieuse,te Grand Maître, avant
quede {osxys'
Tome ///. A
2. HISTOIRE DE L'ORDRE
duport
de Rhodes, & en exécution du traitéqu'il
venoit de faire avec le Sultan, dépêchades bri-
gantins,des
felouques& des vaisseaux de trans-
portau Commandeur
d'Airasque,Gouverneur du
Château de Saint Pierre, ôc à Perrin du Pont, Bailli
deLango,,
avec ordre d'abandonner les Places où
ils commandoient, d'embarquer incestamment
tous les Chevaliersqui
étoient dans leurs gouver-
nemens, & les habitanssujets
de laReligion, qui
les voudroient suivre p&ï de fè'rendre endiligence
dans liste de Candie , ou il faiípit deflein de s'ar-
rêterquelque
temspour
les attendre, &:pour
re-
cueillir le Prince Amurat fils de Zizim, s'ilpou-
voirs'échaper,
& ceux des habitans de Piste de
Rhodes , qui parla
précipitationde son
départ
n'auroientpu s'embarquer
en même temsque
lui.
Ce Princeaccompagné
de tous ses Chevaliers, &
íuiyi d^n grandnombre de familles Rhodiennes,
mit ensuite à la voile. Sa flotte étoitcomposée
de
cinquante vaisleaux, soitgalères, galiottes,
bri-
gantins&
felouquesde différentes grandeurs : il
montoit lagrande caraque
où il avoit fait entrer
}e.s principaux Commandeurs, & fur-tout les Che-
valiers malades & les biestez ; & onpeut
direque
cegrand
vaisseau en lesportant, portoit
toute la
fortune de l'Ordre.
Il feroit difficiled'exprimer
l'afïliction des ha-
bitans de l'Iste de Rhodes , lorsqu'ils se virent
contraints d'abandonner leurs biens, leurs maisons
& leur patrie.Pendant
quecette
petiteflotte ne
futpas
bienéloignée,
ils avoient tous lesyeux
at-
tachez fur cette Iste -9 mais ils ne l'eurent pas plutôt
VìtLIERS
jÇE L'ISL E-
DE MALTE. L i v. 1X. y
perduede vue, que
la douleur éclatapar
leurs cris
&par
leurs larmes : ce n'étoitpourtant encore
que
le commencement de leurspeines.
Après quelques jours denavigation,
ils furent sur-
pris parune violente tempête qui dispersa
cette
petiteflotte
parmiles Istes de
TArchipel: les ga-
lères fur- tout souffrirentbeaucoup par le défaut
d'un nombre suffisant de forçats & de rameurs.-
Soliman avant ledépart
du Grand Maître, en avoit
tiré tous les esclaves ses íujets, ou de faReligion :•
&: les Chrétiensqui
les a voientremplacez
volon-
tairement, peufaits à cet exercice, troubloient
plutôtle service
qu'ilsn
yétoient utiles. Plusieurs
vaisseauxpar
ressort de latempête,
furent de'ma-t
tez 5 quelques-uns trop chargezcoulèrent bas. Les
malheureux Rhodiens, pour ^prévenirun
pareilac-
cident „ Jetterentdans la mer leurs ballots & leurs
cssets : enfinaprès
avoir lutté contre un íì furieux
orage pendanttrois jours & trois nuits, le vent
diminua, lesvagues s'abaisterent, l'eíperance
com-
mença dereprendre place
dans les coeurs : & les
vaisseauxqui
étoientdispersez, gagnèrent
les uns
aprèsles autres, differens ports
ougolfes
de l'Iste
de Candie.
Le Grand Maîtrequi
montoit lagrande caraque,
s'arrêta à la vue & dans la rade de la ville de Setia -r
d'autres se retirèrent d'abord dans leport
deSpina-
Longa.Comme il
n'yavoit
pasdeux vaisteaux
ensemble ,. ils arrivoient les unsaprès
les. autres •,.
ce fut même cettedispersion qui
les conserva • &
fi les ventspar
leur violence ne les eussentpas
sé-
parez,,ils se seroient infailliblement brisez les uns
A ij;
VlLLllKS-tìE l'ISLt
AD A M.•"^mm
4 HISTOIRE DE L*OHDRE
contre les autres,: & la rencontre d'un vaisseau ad-
roit été aussi funesteque
celle d'un écueil.
Tous cespetits vaisteaux, des differens endroits
où ils s étoient mis àl'abri.4
se réunirent auprèsdu
Grand Maître. On vit arriverpresque
en même
tems le Commandeurs' Airaíque^le Bailli de Lan-
.go"-,tous les Chevaliers
qui ctoient fous leurs or-
dres , & laplupart
des habitans des Istes Sc .des Pla-
ces de laReligion, qui plutôt que
de refter fou£
la domination des Turcs, voulurent suivre la for-
ïtune de leurs Souverains. Après quetout ce
pèu*-
|>lefut
débarqué, le Grand Maître en fit une re~
^ûegénérale.,
& ils'y trouva, hommes, femmes &
cnfans, présde
cinq mille personnes.Mais
parmi
ceuxqui
venoient d'essuyercette rude
tempête.,
Ja plûparïtetoient malades, languissans*& abbatus;:
íousie trouvoient fans vivres, lans subsistance, &
cjúeîques-unsdont on avoit jette les hardes dans
ja mer, àtlemi nuds &ians linge.
Le Grand Maître quiavoit soutenu avec tant
?de fermeté laperte
de ses Etats 3à la vue de ce
^peupledéfòlé , ne put çonte.nir ses larmes : il fit
venir à sesdépens
des Villes voisines des vivres,
des étoffes, êcjusqu'à
de la toilepour
rhabiller
ceuxqui
en avoient befoin. Ce Princejoignant
à
des secours si solides, des discours animezpar
la
charité , les assuraque
l'Ordrepartageroit
totb-
joursavec eux des biens fur
lesquels,leurdit-il ^
lespauvres
avoient toujours lespremiers
droits,.
Lepeuple
nerépondit
à des sentimens si tendre s
& si touchans, que pardes voeux
pourla durée
d'une vie íî bienfaisante ; chacun accourut pouïr
VíLLÏËRSDE LisLE
AD A M.a- " _
DE MALTE. LIV. IX. y
rlai baiser la main j tousl'appelloient
leurpère : & Vl
ce nom si doux aux âmesgénéreuses , fit
plusde A
plaisirà ce
grand homme, quele titre de Prince
$c deSeigneur qui
étoit dû à íadignité..
Il n'avoitpas plutôt débarqué ^proche
de Séria,
qu'ilen avoit envoyé donner avis au Gouverneur &
à laRégence
de liste. Ce 'Gouverneur luidépêcha:
aussi-tôt le noble Paul justinien, pourlui offrir
xous les secours dont ilpourroit
avoir besoin , &
pourl'inviter à íe
transporter avec tout sonpeu-
pledans la Ville
capitale,où il trouveroit des
vivres en abondance. Le Grand Maître, quoique
mécontent de cesRépublicains, ne laissa
pasde
s'y rendre. Le Gouverneuraccompagné
du noble
Dominique Trevisan, Général desgalères
de la
République v desMagistrats
& desprincipaux
de
l'Iste, le furent recevoir à la descente de ion vais-
seau : ils l'aborderent avec degrandes démonstra-
tions decompassion pour
laperte
de Rhodes^
mais fi tardives, quele Grand Maître dans un en-
tretien particulier squ'ileut
depuisavecle Général
desgalères,
neput s'empêcher de lui
reprocher
fa timidepolitique
du Sénat :, qui ayantdans le
sportde Candie plus
de soixantegalères,
avoit vû
prendre Rhodes fansdaigner y jetter le moindre
secours.
Le Général Vénitien nerépondit
à de si justes
plaintes, que parun silence
pleinde confusion;
&pour
éviter de si fâcheusesexplications,
il 1 ex-
horta de rester dans l'Istejusqu'à
ceque Thy
ver ôc
larigueur
de la saison fûtpassée. Mais le Grand
Maître outré de Insensibilité aveclaquelle
ces
A iij
VltLIEB-SDE L'I SL Í;«
ACAM... . I l.l,I 1<-
t HISTOIRE DE L'ORDRE
Républicainsavoient vû la
pertede Rhodes, lui
témoigna quesi-tôt
qu'ilauroit fait racommoder
ses vaisseauxendommagez par
latempête , il con-
tinueroit fa route, &que
son dessein étoit de se
rendre incessamment en Italie, pourdélibérer avec
lePape,
du lieu où l'on fixeroit le Chef-d'Ordre,
& là résidence de laReligion.
Pendantqu'il
faisbit travailler avec une extrê^.
mediligence
à radouber ses vaisseaux , Léonard
Baleífrin, MétropolitainLatin de Rhodes,, arriva
en Candie avec sonClergé
&cplusieurs
habitans;
Soliman les avoit chassez fousprétexte qu'ils
net-
toient ni Rhodiens ni Grecs , &qu'il
ne vouloir
souffrir dans ses Etats aucun Latin. Le Grand Maî-
trequi
révérois la vertu de ce Prélat, le reçut bien,,
luiassigna
unepension
fur le trésor de l'Ordre : &
ce Prélatayant pris, depuis;
l'habit de laReligions
il le nomma,pou*
Frieur del'Eglife,
alors, lapre-
mièredignité Ecclésiastique
de l'Ordre , quilui
donnoit entrée dans lc Conseil, & lapremière
place aprèsle Grand Maître..
Entre differens évenemensqui
s'étoient:paíïez
depuisle
départdu Grand Maître, l'Archevêque
luiapprit que
le GrandSeigneur
avoit donne
des ordres siprécis pour
faire chercher le fils de
Zizim ,, quecet infortuné Prince avoit été bien-
tôt découvert, 8cqu'on
l'avoit amené devant So*
liman avec sesquatre
enfans ,. deuxgarçons
&
deux filles -r quele Sultan
quiavoit tant d'intérêt
deperdre
cette famille, &qiû cependant
évitoit
avec íoin laréputation
de Prince cruel, pour pou-
voir s'en, défaire fous unprétexte plausible ?.
ïui
VlLLÌER.SDE L'ISL E-
ADAM.
DE MALTE. LIV. IX. 7
demanda, comme s'il l'eût ignoré, quelle Religion Vi
ilprofessoit -yque
ce Prince luirépondit
avec beau- D^
coupde fermeté, que
lui & ses enfans étoient'"*
Chrétiens ; que Soliman, fousprétexte
de lepu-
nir d'uneprétendue apostasie , l'avoit fait étran-
gleravec ses deux fils yôc qu'il
avoit fait faire cette
cruelle exécution à la tête de son armée, afin d'ô-
ter à des mécontens , & àquelque imposteur,
le
prétexted'armer quelque jour fous leur nom | &
qu'ensuitede cette exécution, le Sultan avoit en-
voyé les deux jeunes Princestes àConstantinople,
pourêtre enfermées dans le vieux serrail.
v
Les vaisseaux de l'Ordre étant radoubez , le
Grand Maître vers le commencement de M ars
remit à la: voile, J&c ildépêcha
en même tems fur,
unleger brigantindifferens Ambassadeurs vers le
Pape,& vers la
plupartdes Princes Chrétiens,
pourleur faire
part de lapertede Rhodes, &
pour
seplaindre en même-rems d'en avoir été si; géné-
ralement abandonné. Cetteplainte regardoit
en-*
coreplus justement le
Pape,; queles autres Poten-
tats de la Chrétienté -y mais ce Pontife n etoit oc-
cupé que des affaires & des intérêts de l'Çmpe^
reur, & il les conduiíoit avec autant d application
ques'il eût été encore Ministre de ce Prince, On
nepeut exprimer tous les discours
désavantageux
quecette conduite lui attira : on se
plaignoithau-
tement dupeu
de zèlequ'il
avoit faitparoître pour
le secours de Rhodes j &le jour mêmeque
la Ville
fut rendue àSoliman,une partiede l'architrave dé-la.
Chapellede ce
Pontife, étant tombéedansrinstánt
qu'il étoitfiirlepoint d'y entrer, & ce morceau dç,
VltLIERSDE LI S t E-
A D A M.
8 HISTOIRE DE L'ORDRE
marbre ayant écrasé un de ses Gardesqui
lepreJ
eedoit, lepeuple qui
se fait volontiers Tinter-
prêtedes intentions dia Cíeilf,, ne
manqua pas de-
puisde
regardercet accident comme une
puni-
tion de fa tiédeur, M une menace déclarée du cou»
jfòux eelestîe*
Lé Grand Maîtren'ignoroit pas
dequel poids*
âuròit étépour
le faltct de Rhodes ía recomman--
dation, & surtoutl'exemple
de ce Pontife j mais>
eômmé ifprévoyois qu'il
allbii? avoir besoin de
Vàûtòrité^duPape pòúr
maintenir la sienne yiì or-
donna à son Ambassadeur des'expliquer
modeste-1
ment fur lé défaut de ce secours militaire y afin de~
ledisposer
à lu& en accorder d'une autreefpece,,
quine ïur étoit
pasmoins nécefïàire dans íà con*
jbnclure présente.Ce Prince en
perdant Rhodes,•,
venoit deperdre ^non-seulemenít un Etat
puissant
êc souverain^ mais encore le séjour fixe & inde-
pendant dé làReligion 1, lê CheftdOTdre,,lë ©enï.
tre, & còmme le nénqui
unistoit dans le même
lieu de sous son- autorité un sigrand
nombre de
Chevaliers de î^átîòrisdifferentes.Laerainte d'une
dispersion^ généralef
àghott secrètement : il
appré^
hendoir 1queiorfqû'isseróit
arrivé ení Italie ,1a, plu-
partdes Chevaliers nâyant pfes
de couvent ûx&
St déterminé, né se retirassent dans leurs Pays j
ilignòrdît
même eh-^uel'endrôit
ripouvoit
s'é^
tatìir avec le Conseil y;Ôbrtout cepeuplé quisétoit
attaché a fa fortune : Sè. cequi augmentok
son
inquiétude ,;è'èst qu'ilavoit besoin d'un
port pour
Beiferëíee de- fà professi0% ^êè
pour ènvôyèr'ses*
aisseauxèri course.Jlappréheridbitqia'il
ne fé trou^-
vât
VllII-ZfcSDE i/ISLE-
ADAM.
DE MALTE. LIV. IXÌ 9
vát aucun Prince Chrétienqui
lui voulût céder
enpure propriété
une Place ôc unport
dans ses
Etats r &íuppofe qu'il y
en eûtquelqu'un qui
fut
astergénéreux pour
lui fournir unazyle,
il ne
craignoit pas moins qu'ilne
prétendîtdansla fuite
diíposerdes forces de la
Religion pourses inte*
rets particuliers: ou si l'Ordre
rnanquoitde re-
traite, ôcque
la^Religion
n'eûtplias
ce lien conu
mun de concorde, les Chevaliers ne se diíperi
foslènt chacun dans leurs'Eays :.; cequi;
affbiblU
roit làdiseipline de POrdre, ï& a la fin caufèroit
fà destruction & íà ruine. Plein de ces ttistes eòn^
siderations,il en écrivit au
Pape,& il
chargeason -
Amhastadéur d'enobtenir une Bulîè adreífëe atpu*>
lesReligieux
de I'Grdre, auíquelsvik fut
enjoint:
fouspeine
d'excommunication & deprivatiònde
lliabits, de déférer aux ordres du Grand Maître
ôc <kt: Conseil, enquelquendf
oitquil jugeât
à \
proposde fixer fa résidence, Ôt celle du Conseil»
L'Ambassadeur étant arrivé à Rome rendir:
comptéau Pape
de tout cequi
s^etoitpaííe
à la?
défense de Rhodes r suivant iòn instruction il lur
représentalà triste situation de l'Ordre, &: ía juste
:
crainteque
îér Grand: Maître avoit d'une difc
persiott:, plusfuneste encore
parses fuites, que
lée*
pertemême de Rhodes. Le
Papeentra dans les*;
vues du Grand Maître -. Ôcpour
retenir tous lés? <
Chevaliers sous* son obéissance, il lui accorda une
Bulle,,où aprèsavoir relevé avec dé justes éloges*
le zèle & la valeurque
les Chevaliers avoient ìair:
paroître contre les Infidèles, vil leur commandóit :
en vertu de sainte obédience de demeurer unis'*
Tome 111., EL
VJITIIÏÌ'9-I>El/Isl'í*
MO HISTOIRE DE L'ORDRE
sous l'autorité du Grand Maître, Ôc ilmenaçoít"
les réfractaires de tous les foudresde l'Eglisc. Cette
ÇBulle étant expédiée ^ f'Ambaíïadeur renvoyaau
Prieur de Messine pour la rendre au Grand Maî-
crerquiselon son projet
devoit dans peude terns
se rendre dans leport jde cétte Ville.
Il étoit enietíet parti duport
de Candie• mais
apeine
eut4l étéquelques jours en mer, que
les
vents contraires í'oDligerent a relâcher à!' Prasiua,
.autreport 4e cette l|le: delà il se rendit a celle de
Cérigo,autrefois Cythére,ôc consacrée a Vénus,
«quin'est éloignée
de la terre ferme <lé la Morée
^quede
cm(ltnilles. Le vent
paroissant favorable,
les deux caraquesôc les vaisseaux de haut bord
par
son ordreprirent
les devants sous la conduite du
Commandeur Auston de laLangue d'Angleterre,
s'élargirenten
pleine mer, & arrivèrent heureu^
sèment dans leport
de Messine. Mais le Grand
Maître quine vouloit
pas abandonner lepeuple
4e Rhodes, dont laplupart
étoient malades, par-
tit long-tems après, monta une /Galère, ôc avec
unegalioté,
les brigantins,les
felouques & les
petitsvaisseaux remplisde,
tout cepeuple, ;po«r
moins risquer, naviguaterre à terre avec des disk
cuirez extrêmes, entra dans legolfe Adriatique,
êç gagnaenfin leport
de Gallipoli,ville du
Royau-
me de ì^aples, dans legolfe d'Qtrante.
Le grandnombre de malades
quise trouvèrent
íur sa notte, robligerentde s'arrêter
quelquetems
dans cette Place. Pendantqu'il
donnoit toupies
foins pourleur
soulagement,les Chevaliers
qui
áia&s lesgros
vaisseaux de laReligion
l'avoienc
iVrlíJiTERiSJfcEXi SI, E
ADAM.
DE MALTE. Lrv. IX* 'tà-
précédé,étoient déja arrivez à MefTïnej où ils M
avoient trouvé ungrand
nbmbre de Gomman,-D'
deùrs ôc de Chevaliers de différentes Nations, qui
*~
s'y étoient astemhlez avec le secoursqu'ils avoient
espérédé còmduire à Rhodes. Tous ces Chevaliers
ne recevantpoint
de nouvelles du Grand Maître,,
étoient dans de Vivesinquiétudes
: lés unss crài^-
Choient que parle -gros tems
e|ú'navoit fàit,: Ôcpíar
larigueur dé la Jàifon, lés Galères & les
petits vals
féauxn^éùísentpéti^
Corsaires déBatbaiiequ^còùròîènt
ces mérsj aver-
tis dudépart
du Grand Maître & dés richefíesqu'il
portoitavec lui > ne se fustent réunis
pour l'attâ-
quér,&
quecette
petiteflotté niai? armée n'eût
été làproye de ces barbares^ Leur crainte étoit:
d'autant mieux fondée,; queSoliman
ayantobli-
géle Grand Maître avant son
départà relâcher
tous lés eselaves nézí ses sojets ou de íaRéhgion>f
ûny avoit
pasdans
chaqueGalère là m0itié dé:
la chiourme nécéstairepour Voguer. Ç'étÒit rnêU
me ce défaut déquipage , autantque
làrigueur
de la saison, quiavoit fait errer si
long-j-emsle-
Grand Maître jàns ces Mers :: énfîn vers le- corh-
rnenéement dé Mai-il entra avec fapetite
flotte
dans leport
de Méstìhe. Au lieu dupavillon ordi-
naire de POrdre, isrtafbdra au haut du mât dm
vaisseauqu'il
montoit ,v qu'unétendart ou une es-
pècede
bannière, sorlaquéllè Plmage
de là sainte"
Viergeétoit
représentée,tenant son fils mort en-
tre ses bras: & on lisoit autour cesparolesyfDan&
mon extrêmeaffliction,
il efi monunique ejperance ÌZ
JL^FLICTIS. SEESMJEA; REBXîStPignatelli
Comtée
Bi£
Ï>E LS1SIÏ'ÉÍ-ADAM..
«,. TÍIST OIR-E DE L'ORDRE
de Mpnteleon, Vice-Roi de Sicile, l'Aréhevêque"
de Messine, FabricePignatelli frère du Vice-Roi,
• 4& Prieur de Barlette ;, Charles; jefeatre Prieur de
Saint Etienne^ le Prieur de Messine^ les Comman-
=deurs fc^uslesChevalsers^la^o
pie,% toute la Villes pouf ainsi dire, se trouvè-
rent audébarquement
du Crrand Maître. Tout le
•monde avoit lesyeux
attachez ,íur ce; ;yénerable
vieillard j aussi illustrepar fa constance dans ses
malheurs,, ^uecélèbre
parla
gloire c^u'il avoit
fac,quise:à la défense de Rhodes.
Après quele Vice-Roi lui eut fait son
compli-
rrnenty ôcqu'il
lui >eut>même offert de lapart
de
l'Empercurla ville de Messine
pourservir de re-
traite ôcd'entrepôts
à íà flotte, l'ArchevêqueSc
'tous les Grands duRoyaume,
la Noblesse & le
iPeuple, parun triste silence <& conforme à fa for-
tune luitémoignèrent
lapart qu'ils y prenoient.
Maisqui pourroit exprimer
la douleur sincère de
$ous les sGhavaliers pourla
pertede Rhodes, dont
íón arrivée renouvélla le souvenir ?Ceuxqui
étoient
>íur 4epo**>
Ôc ceuxqui débarquoient, fanspou-
voirparler ,,3c feulement par deogndres
embraííè-
mens, secomrnuniquoientleur amictioncpinmu-
aie^ des larmesquoique retçnués par force, éeha-
poient aux plusconstans. Le seul£lsté-Adam plus
rgrand queîà
disgrâce,faisoit voir
parsa fermeté
.qu'ilétoit
dignedune meilleure fortune, lli prit
le
chemin du Palais Prioral, précédé partous lès Che-
valiers , nu tête, dans un triste silence, &qui par
.ces démonstrations de leurrespect
lui fais oient
4Cp|inoítré fjuesU àYoit perdu
son Etat,il n'avoit
'VltlIEKSíPE.r'ISEE
..AirDA M.
VlLLIERSDEL'I S-L E-
APAM.
DE MALTE. LIV. IX.13
pas perduson autorité fur un
Corpsde Noblesse,
capabledans des tems
plus heureux s deconque-
E
*ir une nouveue Iste de Rhodes.~
3Lespremiers
soins du GrandMaître,après
son
débarquement, fut deloger
dans son Palais, ôc
dans ses maisons voisines, les Chevaliers blessez
ôcles malades : il les servoit lui-mime, assisté de
cequi
lui étoit resté de Chevaliers íàins, C'étoit
unspectacle bien touchant de voir ces hommèssi
redoutables les armés a la main., arutnez feule-
ment asorspar
unesprit
dé charités se dévouer
auxplus
vils ministères y porterdes bouillons aux
malades^ faire leurs lits, & neparoître unique^
mentoccupez quede
leursoulagement.
Be ces devoirs de charité ., si ccHifbrmes aupre-
mier institut de POtdré, le Grand Maître toujours
inconsolable de- laperte
de Rhodes, passàà une
íevereinquisition
contre ceux qui avoientété char-
gez d'y conduire du secours : il lesfe citer devant
Je Conseilcomplet pour'rendre
raison de leur re-
tardements ôc ilprotesta hautement que
fanségard
pour personneil
puniroitsuivant la
rigueurdes ïpix,
comme traîtres9ôc comme déserteurs, ceux;cjui
.seroient convaincus de tiédeur ô& de nonchalance
dans l'executiondes ordres dontilsétoientehargez.
Tous ceuxqui
avoient été citez , ôcque
ces
menacesregardoient,
seprésentèrent
devant ce
Tribunal avec cette confiancequ'inspire
seule-
ment l'innoeence ôc la vérité. Le Prieur de Bar-
lette & celui de Saint Etiennequi parurent
les
premiers, remontrèrent qu'outreun amas
prodi-
gieuxde munitions de
guerre ôc de bouche qu'ils
Bnj
i4 HisTÒ IRE DE L'ORD RE
Ì avoientpréparez , soivant les ordres du Grand
'"Martres ils avoient encore de kur
propremouve*
"ment ôc à leurs
dépens^enrôlé deux mille vieujt.
soldats- , ôcengagé
unetroupe
considérable de:
volontaires , Ôc de jeune Noblessepour passes
k
RhodéSimaisque pendantlés cteux derniers mois,,
lés vents avoient été siopiniâtrement
contraires %
ôc la mer siorageuse, quil n'y
avoit eupersonne
astez téméraire pour mettre à la voile *î &qùfòíìï
sçavoit quele Chevalier de
Niëuport,dé là Lan-
gue d'Àrigleterré ^ ancienCapitaine de Miàrinè, &:
&qui
se flâttoit ,r pourainsi dire , de
dompter1&.
rnérpar
facapacité ,-s'étant embarqué
dans ce:
tems-E,: futrepouste par
la violence duvent con-
trélapointé
d'une
avec toute íàchargei
Antoine de Saint Martin, Prieur deCatalogne^
tèpresentade son côté au Conseil , qu'aux pre-
mières nouvelles dusiège,
il avoit armé à sesi dé-
pensun
galliondans
lequelil coiiduisoitaù se-
cours de Rhodes les Chevaliers:d*Arragon ,/de Na-
varre , de Valence &: de Maiorqué , que proche
dé Fîste de Corse, ils avoient étéattaquez pat
une
eseadfe desgalères
du GrandSeigneur „ qui
l'à-
voient foudroyéà
coupsd?artillefie » que
s^étant
approchezde
plus près,ils jettoient continuelle-
mént desgrenades
ôc des feux d'artifice dans son*
vaisseau -, qu'ilsavoient même tenté
plusieursfois
Ifabordage 'y ôcque
ne s'enpouvant pas
rendre les
maîtres, aprèsun combat de six heures, ils se dii-
posoient aymettre le feu avec un brûlot y mais
quela nuit un vent frais étant survenu ^ il; avoit
VlXLIÏRSBEl'IstE-
AOAM.
D E M A L T E. Xi V. IX.ij
íàuvé son vaisseau, quoiquebrisé de
coups de ca-
non , ôc gagn^•Je. port de; S. Boniface dans l'IsteD
de Sas daigne, 4 où avec jbeaucoup depeine
ôc de
périí^ils'étoit rendu à Mestìne.
Le Chevalier d'Aloi fils du Duc dé ce nom,
étant parti dé Cartageneavec lés Chevaliers de
Castille M dePortugal,
eut un sort àpeu prèspa-
j*eil : il sevit investi par une escadre des Corsaires
d'Alger, quile mitent entré deux feux. Son grand
mât fiat j|>batu> ses voiles ôc sescordagesbrisées%
áìreçm M^^^kií^rs coupsde e^non sous eau
fans fe vouloir rendre $ Ôc il etoit résolu de íehru^
lerplutôt que #^
ligiqtìau
pouvoir des Infidèles. Heureusement^ de
ia derniere bordée, il coula à fond Ternirai des
Corsaires : Ôc ces barbarespour íàuv^r leur Ge-.
4*eral ôc ses soldats quiétoient fur son bord, ayant
mis tous leursesquifs
én mer ,1e Capitaine Efpa*
•gnolprofitant du peude relâche
quecet avantage
lui donna, mit à la voile^ ôcgagna l'Iste de Buse,
ou d'Ivica , une des Baléares, où il rétablit ses
agrêts&ses manoeuvresj, ôc d'où il netpit arrivé
dans leport de Messine qu'au commencementde
DécemÉre. Les Chevaliers de Toscane & deLom-
fcardiereprésentèrent à leur tour
qu'ilsdévoient
s'embarquerfur des vaisseaux
que le Commandeur
deTournebon, Prieur de Pise, & d'une illustre Mai-
son de Florence, avoit louez fur son crédit ; mais
<jue ce Chevalierqui
les devoir armer à sesdépens
étant mort subitement,ils s'étoient vus
dépourvus
des fondsnécessairespour continuer cet armement-
c[u a la vérité ils avoient eu recours aux Receveurs
'VlLtlERS
DE l'Is L E-ADAM.
t6 HISTOIRE DE L'ORDRE
de Pise, dé Venise & delà Lombardie -. mais qu'òtìa
avoit été-silong-téms
à ramasserl'àrgent néces-
saire pour fournir aux ftaisde cet armement, qu'ils^,
n'a voientpu
Ce. rendre queles derniers dans le
porc:
de Messine. , :
Enfinle Chevalier d'Àussonvillè- pu de VilîìêtSy,
qui; avoit étédéputé vers les Rois de France ôç:
d'Angleterre,déclara que
s'étant r^ndu/a la Cour
deFrançois premier,
& lui ayant représentéavec
de vives instances lé besoinprenant qùf
Rhodes^
avoit de son secours , cegénéreux Princes lui avoir
répondu > que quoiqu'ilfut
attaqué de tous cp-*
tezpar
lés armées de. terre & de merde-llEmpe^
reur, Ôc du Roi d'Â-ngtèterre, cependantií allpk:
envoyerordre a André Doria, alors Général de*
sesgalères,
de lui en remettre trois dés mieux ar-._
méésyâc quil-pourroittirerde ses Etats lès vivres*
&iès munitions dont il auroit besoin j ques'étanr
acheminé ensuite pour ferendreià Londres auprès;
de Henri V1IL il avoit rencontré ce Prince à Ca-
laisqui
Pavoit reçu froidement, ôc dont il n'avoir
putirer aucune especc de- secours y qu'il étoit revev
nu ensuite •àMarfeilIe y queDoria en
conséquence'
des ordres du Roi fui avoit remis troisgalères,
sçayoir là Ferrare , là Trimouilíé ôc la Doria, sur
lesquelles plusde trois cens Chevaliers dés trois-
Languesde France s'étoiènt
embarquez, ôc qui
menoient à ièurfuite huit cens hommes, toussola,
dáts Ôc bravesguerriers -, que
des deniers de là Re-
ligionil avoitírettétrois vaisséauxmaFchànds
qu'il*
avoit trouvez- dans lé portde Marseille j &
qu'a^
g-è$lés avoir chargez de différentes munitions, ií;
avoit:
VilITERSBEl'IsiE-
~ ' i iáim
DE MALTE. LIV. IX.17
avoit pris la route de Messine, lieu de l'assemblée -.
mais qu'uneaffreuse
tempête quidans le même
E
tems avoit été si funeste à d'autres vaisseaux de la -
Religion,avoit
dispersécette
petite flotte-, que
les vaisseaux detransport
avoientapparemment
coulé bas •.que
lagalère
la Ferrareavoitaussipéri;
quela Doria avoit échoué le
longdes côtes de
Sardaigne , &qu'il n'y
avoitque
la Trimouille
quifût arrivée heureusement dans le
portde
Messinev 1
Tous ces faits ayant été constamment avérez
parle
témoignage& les sermens des Chevaliers^
& même deséquipages
de ces vaisseaux : Dieu soit
a jamais loué , s'écria le Grand Maître y quidam
notre malheur commun y mafait
lagrâce
de connoître
quon ne
powvoiten attribuer la cause a la
négligence
d'aucun de mesReligieux.
Faisant ensuiteapprocher
ses Prieurs & les Grands - Croix;qui
avoient été
mis au Conseil déguerre;;iiles
embrastatendrei.
ment. Ilfalloity leur dit-il,mes chers
frères, pour
rhonmurde laReligion, ^\pomlevûtn', quejefijfe
fairecette
informationyqui justifieraa tous les rPrim-
ces vivions , (dfc>L\lapoJìerm*, quéfiRhodes
dvaitpu
être sauvée parles seules forces
de laReligion , ce
boulevard de la Chrétienté ne seroit pas aujourd'hui
en la,puissance
des Infidèles.^'L :>_
Quelque justes quefussent ces raisons, elles n'a-
doucirentpas
lechagrin
secretqu'avoiént cause à
ees Chevaliers les informations & lésprocédures
criminelles duGrand Maîtrej Laplupart
faífoient
dessein de se retirer incessamment dans leurs Prièu-
rez ôc dans seurs Çommánderiés-4. &plusieurs
siniu-
%ome JJL €
VlLLIERSDE i'is LE-
ADAM.
i8 HISTOIRE DE L'ORDRE
pies Chevaliers, à leurexemple,
se trouvant fans
biens9étoient résolus de retourner chacun dans leur
patrie,ôc de chercher
auprèsde leurs Souverains
une meilleure condition.
Le Grand Martre averti de cetteefpece
de coin-
plot, convoquaune assemblée de tout ce
qu'il y
avoit de Chevaliers à ^Léssinè : ily
fit faire la lec-
ture du Bref duPape, que
le Prieur de Messine lui
avoit remis, par lequelil étoit défendu à tous les
Chevaliers fous degrièves peines,
des'éloigner
de
lapersonne du Grand Maître fans ses ordres &íàns
fapermission expresse.
Il leur dit ensoite qu'après
laperte
de Rhodes, euxseuls,pour
ainsi dire, for-
moi en t leCorps représentatif
de laReligion , ôc
quefi dans une si triste conjoncture ik se
se'pa-
roient, lOrdre s'aneantiroit insensiblement, &
tomberoit peut-êtredans le mépris
des Princes
souverains de la Chrétienté. Il ajouta quaprèsavoir
exposé tant de fois leurs vies en difserentès occa-
sions contre les Infidèles, & fur-toutpour
la dé-
fense de Rhodes, il attendoit justement de l'o-
héissanee qu'ilsavoient vouée aux
pieds des Au-
tels, lapatience nécestairé pour procurer
à la Re-
ligion,avant que
de se séparer,un établissement
qui rémplaçâtléur perte, Ôç quifût reconnu
pour
le Chef-d'Ordre, ôc la résidence de tous les Che-
valiers..; . V.V.-.y.-', :.
Ce diseours, où il fit entrer adroitement de ten-
dres exhortations jointes à lareprésentation
des
ordres du Pape, ôc soutenues de íapropre
auto-
rité , calmèrent les esprits;,;ôc
appaiseréntles méV
contens, Oii né songea plus qu'àcherçherun
port
VïXIERSPE L'ÏS L 1
AD Aw.
DE MALTE. LIV. IX. 19
où laReligion,.suivant
son institut 5 pûtcontinuer
'
les secoursqu'elle
donnoitdepuis
tant dé siécles
aux Chrétiens qui navigeoientdans ces mers.
Le dessein du Grand Maître étoit de se rendre
incessamment à Rome pouren conférer avec le
Pape j mais cegrand
homme n étoitpas
encore à
la fin de sespeines
Ôc de ses travaux.. Une affreuse
pestes'éleva dans Messine • ôc
pouren éviter la
contagion,,il fit rembarquer
les Chevaliers sains,
les blessez, & tous les Rhodiensqui
l'avoient suivi.
Ce nouvelembarquement
se fit avec autant de
précipitation queleûr
départ de Rhodes : il falloit
même éviter un ennemibienplus redoutable, que
lés Turcs -, maismalgré
cetteprécaution ,1a peste
B
seglissa
dans les vaisseaux de laReligion-, plusieurs
Chevaliers en moururent, ôc entr'autrésGrégoire
deMorgut,.
Grand Prieur de Navarre, quis'étoit
signaléau
siègede Rhodes , ôc lés Chevaliers de
Saint Martin Grimault ôcAvogàdre.
Le Grand
Maîtreégalement
malheureux sor terre &sur mer,
Ôcportant, pour
ainsi dire,son ennemi dans son
sein,.*ésoïut, pourle
soulagementdes malades ,,
de chercher un air plussain y ôc avec là
permis-
sion du Viceroi deNaples,
ildébarqua
fa colonie
dans legolfe
deBayes. Après
avoir reconnu le
pays,il
marquaun
camp procheles ruines de
J'ancienne ville de Cumes ., ony
construisitpar
son ordre des cabanes & desbaraques pour
le lo-
gementdes Chevaliers ôc des Rhodiens : ôc de
peurde
surprisede la
partdes Corsaires de Bar-
barie, quirodoient le
longde ces cotes,;il fit en-
tourer cepetit camp
delarges fossez ôc de retran*
Cij:
VlLLIERjDE L'is I E-
ADAM,.
B0s.-r.-3~.-La-
Id. p.-lot-
ÍO H I S T O I R E DE L*0 R D R E
chemens, qu'ilfit
palissaderÔc fortifier
parl'artil-
serie qu'ontira des vaisseaux. Un
promptsuccès
suivit cechangement
d'air v làplupart
dés ma-
ladesguérirent j & après
un mois de scjour dans
un climat si doux Ôc sitempéré,
le Grand Maître
danslimpatience
deconférer mec le Pape au so-
jét d'un endroit convenable pour1-établissement
de son Ordre, aprèslui avoir donné avis de son
départ,se
rembarquaavec fa colonie, ôc arriva
peu de jours aprèsà Civita-Vecchia. Il
envoya
aussi-tôt à Rome le Chevalier de Chevrierepour
baiser de íàpart
les piedsau
Pape,ôc lui demander
en même tems une audience au sujet de la ttiste
révolutionqui
venoit d'arriver dans son Ordre.
Le Saint Père fitpartir l'Evêque
de Cuenca, Pré-
latEspagnol,
ôc de ía famille, pourle féliciter sor
son heureuse arrivée dans ses Etats, Mais au lieu
derépondre
à son empressement,il lui fit dire
par
cetEvêque qu'il
ne lui conscilloitpas
de se re-
mettre si-tôt en chemin, fur-toutpendantlesar-
deurs de la canicule^ qu'ilse
reposât tranquille-;
ment avec ía colonie dans Civita-Vecchia, deque
dans quelquetems > il lui seroit
íçavoirle
jour
qu'il pourroitlui donner audience : prétexté
dont
ce Pontife se servitpour
n'avoirpasle
Grand Maî-
trepour
témoin d'une déclaration deguerre qu'il
devoit fairepublier
solemnellement contre la
France.
Pourrintelligencedece point d'histoire, il faut
fçavoir qu'Adrienne fut
pas plutôtélevé fur la
Chaire de Saint Pierre, qu'àf
exemplede ses
pré-
décesseurs il en avoit donné avis au Grand Maî-
VlLLIERSDE L'Is L E-
Á DAM.
D E MALTE. LÌV. IX. û
trtiôcpar
le même Brésil luimarquoit qu'il
n'a- \
vok été sensible a cette nouvelledignité, que par
D]
le désir d'enempsoyer
toute la considération ad-~
prèsdes Princes Chrétiens
pourles réunir dans
une sainteligue
contré les Infidèles :protestation
qu'illui avoit réitérée
depuis dans toutes ses Let-
tres. Mais eommè si eetté déclaration n'eût été
que purstile
Apostolique,au lieudé fermer une
Croisade contre les Turcs, il venpit de conclure
uneligue entré lui, l'Emperéur, lé Roi
d'Angle-terre; Ôc le Duc de Milan, pour attaquer
les Etats
du Roi très Chrétien, pendant quele Connétable
de Bourbon, sousprétexte
dequelque
mécon-
tentementparticulier, devoit faire soulever une
partie du Royaume. Laligue ayant
étésignée ,
lePape
se rendit àl'Eglifè
de Sainte Marie-Ma- (
jeurele jourdel'Astomption:ily celebrala Messe
pontifícasement, assisté de tout le factéCollège,
ôc onpublia ensoite solemnellement une déclara-
tion deguerre
contre là France. Laplupart dès
Cardinaux n étoientpas
d'avisque
lePape quit-
tât le caractère de Père commun des Fidèles y ôc
plusieurslui
représentèrent qu'ildevoit se .réser-
verpour
faire la fonction de médiateur entreTEm-
pereurôc le Roi de France , mais fa
passion pouf
îa Maison d'Autriche lui fît fermer 1 oreille à de
sijustes considérations : Ôc ce pontife
quoique
très-homméde bien, Ôc très-desinteressé, se dévoua
aveuglément à Tambition d'un Princequi
vou-
loit envahir la France : cequi
fait voirqu'il
ne
suffitpas pour lé
gouvernement,d'avoir des ver-
tusparticulières, &
quedans les
grandes places
Ciij
VlLÍ.IEfcSDE í'iàí E-
ADAM.
:z? HISTOIRE DE L'ORDRE
iì faut degrandes qualkez
ôc degrands
taíensv
jetais soitque Dieu eût voulu
punirce Pontife
dès ce monde de cetesprit départi-,
oucequiest
plusvrai
semblable, quela
longueurde lacéré-
monie l'eûttrop fatigué,
il neput
se trouver à
ungrand repas que
le CardinalPompée Colonne,
à la sortiede-rEglise,',
donna à.tQutlè sacréCollège
ôc aux'Ambassadeurs des Princes, quiétoient en-
trez dans laligue.
La fièvre leprit
en rentrant au
Palais-, il en fut incommodépendant plus
dequku.
ze jours, & ce ne futque
vers levingucinq^du
même mois, & dans u n intervalleque
lui donna
fa maladie, qu'ilfit dire au Grand Maître
qu'il
étoit disposéà le recevoir dans Rome, ôc à lui
donner audience.
Le Grand Maîtreefcortéde tousses Chevaliers,
se mit aussi-tôt en chemin. Anne de Montmorency
Maréchal de France, sonpetit neveu, étoit alors àV
Rome : lè Roi sonmaîtrel'y
avoit envoyé,soit qu'il
ne fûtpas
encore instruit de la démarche duPape,
soit pour l'obligerà se désister de la
ligue.Ce Sei-
gneur François vin tau-devant de son oncle avec un*
superbe cortège,ôc le fut
prendrebien loin de Ro-
me : ôclorsque
le Grand Maîtres'approcha
de cette
Capitaledu monde Chrétien, il trouva à fa ren-
contre l'Auditeur de là. Chambre duPape,
son
Maître d'Hôtel,& lespremiers
Prélats de fa Mai-
son, quivinrent de fa
partlui faire
compliment:;
ils étoient suivispar
les ChevauxLégers
& la Gar-
de Suisse de ce Pontife. On vitparoître
ensuite
Tes familles ôc leséquipages
des Cardinaux ; le.
E)uc de Seíse Ambassadeur derEmpereur
lejpL
WltlERSDB L'I SIE"
ADAM..
B•$ 1,3.
Bofio 1,2,
DE MALTE. LIV. IX. 2/3
griitau
Champde Flore, ôc
Taccompagna jusqu'au
Palais. Le Grand Maîtrepassant
fur le Pont Saint
Ange,ôc dans là Place de S* Pierre, fut salué
plu-
sieurs foispar
toute Fartillerie de la Ville & du
Château. La Noblesse Romaine & tout lePeuple
accouroient pourvoir ce
grand homme, quiavoit
rempliRome & le monde entier de fa
réputation,
ôc de la valeur aveclaquelle
il avoit défendu Rho-
désv Ce fiit avec cécortège nombreux £c magni-
fique , qu'il entra dans se Palais Ôc dansl'aparte-
ment duPape. Ce Pontife
quoiquetrès-affbibli
parfa maladie, quand
il le vit entrer dans la Cham>
fore, se leva de dessus íà chaise -. ils'avança
même
quelques pasau-devant de lui, ôc se Grand Maître
s'étantprosterné pour
lui baiser lespieds,
ilTem-
Drassa tendrement. Il le fit ensuite asseoir au mi-»
lieu des Cardinauxqui
se trouvèrent à cette Au»
dience, ôcaprès
lui avoir ditplusieurs
choses obli-
geantessor là
grandeur de soncourage,
& sor la
valeur de ses Chevaliers, ill'àssiiraqu'iln'oublie-
roit lienpour conserver un Ordre si utile à toute
la Chrétienté. II lecongédia
ensuite enl'àppel-
lant le Héros de laReligion yÔc le
généreuxdé- ',
fenseur de la Foi; titresquil
avoît si justement
méritez, maisqui
coûtèrent moins à ce Pontife,
quen'eussent fait les secours qu'on
lui avoit de-
mandez tans de fois, ôctoujours
inutilement.
Le Grand Maître ne le vitque
cette seule fois ;
la fièvrereprit
auPape,
& devint si violente, que
sentantque la fin de ses jours approche it, il se fit
apporter le saintViatique
: Ôcayant
fait venir dans
fa chambre tous les Cardinaux, il les exhorta dans
VlLLIERSÏ)E LISLE-
AD A».
ri
M?:a,nxxsChriRi A-thlera & fì-
dei Cavìioii-cacacer-ri-mu*
propugn;',-tor. T>ojlL Ï*
p. 2.0.
ÍA. HIST o IRE DE L'ORDRE
les termes lesplus
touchans ôc avecbeaucoup"
d'humilité à lui donner un successeurqui réparât
les fautes qu'il avoit pucommettre dans le Gou-
vernement de l'Eglise. Il mourut lequatorze de
Septembre, âgéde soixante ôc
quatreans. Ses ob-
sèques né furent pas plutôt achevées, queles Car-
dinaux , au nombre de trente-six, entrèrent dans
le Conclave: ôcpeu après
il s'y eíi trouva trente-
neuf. La Garde de ce Conclave fut confiée au
Grand Maître & à ses Chevaliers. Parmi ceux qui
aípiroient à la Tiare, PompéeColonne ôc Julesde
Medicisparoissoient
devoir y prétendrele
plusde
part,La naissance illustre de Colonne,ses richesses,,
Téclat deíàdépense, ses libéralisez y un
génie pro-
preà conduire une
intriguelui avoient
acquis par-
mi les Cardinaux ungrand
nombre departisans,
&
ilauroit été assez habile pourleur
persuader qu'en
contribuant àsonélevation, ils ne travaUsoient cha-
cunque poutseur fortune particulière. D'ailleurs
parlaliaison étroite, & héréditaire dans fa Maison,;
qu'ilavoit avec
TEmpereur,il étoit assuré des Car-
dinaux de la faction deçe Prince. On prétend qu'en
entrant dans le Conclave il ne luimanquoit que
deux voix pourrendre son élection assurée j & il
se stattoit de lesgagner par
sesintrigues
dans le
parti contraire. Cependant Medicis balançoit ces
avantages parle souvenir du feu
Pape î-eon X.
son cousingermain,
dont là mémoire étoit ré-
cente ôc encore très-chere à laplupart
des Car-
dinaux, & surtout à ceux de sa création.
Jules de Medicis avoit toujours passé pourfils
naturel de Julien de Medicis, jusqu'auPontificat
de
VlLLIERSDÉ L'Is L E-
AD A M.
DE MALTE. L'I.V. IX. ty
de Léon X. CePape, qui
n avoitpour objet que
'>
lagrandeur
de sa Maison , le déclaralégitime
sor
ladéposition
d'un frère de fa mère, Ôc lérapport
"
dequelques Moines, qui
certifièrentqu'il y
avoit
eu entre sonpère & íà merè une
promessede ma*
riage: témoignageun
peu soípectdans une afíaire
si délicate. Héntra d'abord dans TOrdré des Che-
valiers dé Rhodes y ôc parse: crédit du
Pape,ilr
en obtint bien-tôt de riches Gommanderies ^dlés>
premières; dignitez..Mais se sentant
plus: propre
pourles
intriguesde la Cour
que pour la guerre y;
ilembrastà TétatEcclésiastique yôc Léon X. le
créa Cardinal en1513.
Il lepourvût depuis
dé là
légationde
Boulogne,,dès Archevêchez de Fso4
rence, d'Ambrun, de Narbonne, ôc de TEvêché
de Marseille. Ce Pontifequi
en vouloir faire Fap*
puide íà Maison, le combla de biens y màis avec
cepouvoir suprême qu'il avoit dans
TEglise;, ssne-
Tenput jamais rastaner. Sous son Pontificat, &
enqualité,
de Cardinal neveu, Medicis eut beau-
coupde
partau Gouvernement : ôc pendant que
Léon neparoissoit occupé que
déses;plaisirs,
lut
seul en apparencesoutenait tout le
poidsdes aE
faires. Il est cependantvrai
quele
Papeavoit dé
bienplus grandes
vûésque
son neveu, plus de
connoissance de ses véritables intérêts, ôcl'esprit
sortoutplus
ferme &plus
décisif; Lui seul formoit
en secret lesprojets
de toutes sesentreprises -, mais
pourautoriser le Cardinal neveu, &
peut-êtrepar
paresséil lui en laissoit rexecution.
Le Cardinaldisposoit
desCharges
& desdigni-
tez de la Cour• ilne se fit aucunepromotion que
Tome lis. D
VlLLIERSDE L'IsLE-
ADAM,! I1- » ! !"
sLé HISTOIRE DE L'ORDRE
parses conseils Ôc à fa recommandation : c'étoit
comme un second Pape ; Ôc aprèsla mort d'Adrien
il étoit entré dans le Conclave suivi de seize Car-
dinaux tous créatures de son oncle, &qui
avantque
d'allerausorutin, prenoientde lui
1-ordrequiís dé-
voient tenir endonnant leurssoíírages>
Leuít deíseiit
étpit de Télevér &r là Çhaité de $. Pies re. Màis là
faction de:Colonnes fbrmoit un obstacleinvin^
ciplè* Pour rater le i£roe^
ces déuxcbmcúrrenàprop
Cardinaux de seûrparti.Colorine mit sor lés rangs
Jácôbaceio Càrdinaidun esprit .borné, mais qui
lui étoit étroitement attaché. Leparti
de Medicis
lui doána aussi-tôt Icxclûsion^ Ôc Colonne faisoit
la mimé manoeuvre àIcgàrd
de ceuxqui
étoient
^ornmez parMedicis.Cette contestation dura
plu-
sieurs jours íànsxpie
l'un voulût céder à l'autre.
Ces deux partisanimez
parseurs chefs, préten-
doient chacun avoir la gloirede ses faire
Papes,
ou du môiìisjque
le Souverain Pontife fut tiré seu-
lement de leur faction^ Sous un calmeapparent,
les négociatsonssecrètes nétoient pas
moins vives:
Colonne ®c Medicis soitpar eux-mêmes, ou
par
leurs émistaires, netoientoccupez qu'à gagner
quelques sofírages,ôc à faire des
conquêtesdans
le parti oppose y mais les Cardinaux dechaque
san-
ction étoient si fidèles à seurs chefs ^ qu'onne vit
pointde transfuges.
Le Cardinal de Medicis, comme s'il eut déses-
péréde
parvenirau Souverain Pontificat, :&
pour
donner lechange
à Colonne, mit sor letapis
des
ïJrsins Cardinal très,papableparson
âgé avancés
y.ÍLtl'ÊRS'DE í/IsLIÏ*
ADÁM.
DÉ MALTE. LIV. IX.27
parson érudition, ôc surtout
parfa
capacitédans
les assaires du Gouvernement -ymais dune MaisonD
011 la haineppur
celle de Colonne étoit héréditai-
re, & ennemi déclaré lui-même du Cardinal Co-
lonne. TOUS les Cardinaux de la faction de Médir
eispar
son ordre lui donnèrent unjour Jeurssuf-
feages j ce fut uncoup
de feudreppurÇpsorui^
i
ilnignoroit pas que
des Úríins, outre les créatu-
res de Medicis,. avoit dans íà faction même des
amisparticuliers , quipourroientse déíàAer de
sonparti pour porter
des 0rsins sor le tí ô ne de
l'Eglise. L'éppuvantele
prit^i^craignoit de Voir
là tiare suria tête d'un homme aussi habile, &qui
<
se servirpit dupouvoir
souverainpour
détruireià'
Maison. Dans la crainte de tornfeet souis ía.domi-
nation, ôcpour s'assurer dé son exclusion, après
avoir tentéinutilement differens moyens , il se vit
réduit à concourir lui-même à sélection dé son
rival: il ostrit de lui dpnner íà voix, &: toutes ces-
ses dont ildiípofoit. Ces deux cfiefe de
partis'a--
bouçherent y il se fit encore difserentesnégocia-
tions danslesquelles Colonne ne
négligea pas ses
intérêts. Medicis parun billet particulier
luipro-
mit laCharge
de Vice-Gta
se, & son Palais quiétoit uil des
plus superbes bâ^
timens de Rome. Colonneaprès
avoirpris
autant
qu'il putses furetez, ait
prochainscrutin lui don-
na sa voix, & luiprocura tous les=; suffrages
de íà
faction. Par la réunion de ces deuxpartis
toutes
les contestations étant finies, aprèsdeux mois ôc
quatre jours quavoitduré le Conclave, le Cardi-
nal de Medicis fut élu d'un commun consente-
Dij
VíI.UERSDE L'Is 11-
AOAM.
Hijt. deí
Conclaves f>
i.p. 16S.
Guichardifí.
. L. If-
2,8 HISTOIRE DE L ORDRE
ment, ôc pritle nom de Clément VII.
Les Cardinaux créatures de Léon X. ôc lepeu-"
pieíurtout
quiíc íouvenoit avec
plaisirde la
gran-
. deur ôc de lamagnificence
aveclaquelle
ce Pon-
tife avoit vécu, aux premières nouvelles de sé-
lection de son neveu firent éclater leur joie. Ils di-
soientque
Rome nepouvoit qu'être
heureuse íous
le Pontificat d'un Prince témoin desgrandes qua-
litez de son oncle, ôc formé de fa main dans le
Gouvernement. Mais personnene
prit plus départ
à son élévation, quele Grand Maître ôc ses Che-
valiers. C'étoit lepremier Religieux
de cet Ordre,
quifût
parvenuau souverain Pontificat ; Ôc dans
la triste conjoncture oû laReligion
se trouvoit,
errante , sens Couvent, fans demeure fixe, ôc fans
ports pourretirer ía flotte , ils
regardoientsélec-
tion d'un de leurs Chevaliers comme un essetpar-
ticulier de la Providence, qui parune
grâcesi écla-
tante àvoit voulu adoucir l'amertume de leurs mal-
heurs. Le Grand Maître sentit moins laperte
de
Rhodes, ôc sous le Pontificat d'un Chevalier de
son Ordre ôc paríà
protectionil se flatta dé trou-r
^ver bléntôt un azyle, Ôc même un nouvel Etat,
oû solvant son Institut &par raport
àl'utiîite corn.
mune des Princes Chrétiens, laReligion pût con-
tinuer ses arméniens ordinaires contre les Infidèles.
De si justes espérancesne furent pas trompées,
&cdepuis
la fondation de l'Ordre, jamais Pape
n'avoittémoigné
tant d'estime , ni une si tendre
affectionpour
les Chevaliers de Saint Jean. Lé
Grand Maîtreaprès
laproclamation qu'un
Cardi-
nal fit de sélection de Clément, ouvrit le Concla-
Vl-LXÌÉRSEJE L'Is L E-
AïMkM.
15 1 3.
íí> Novemb.
DÉ MALTE. LIV. IX. 19
wé, ôc fut le premier quibaisa les
piedsde ce Pon-
tife. Il en reçût des remercimens publiessor le bon
1
-ordre & l'éxactitude qu'ilavoit
appprtezà
segard-
du Conclave : & leClergé
de Saint Pierre de La^ .
transitant renduauprès
du nouveau Pape pour
le porter ài'Egltse pu' il-.I$lla: 'fei^i.-dÌiê^í^ti&sî<çç;-,C)^ï^;.
dinaux , lé Chevalier Julien Ridplfi Prièui d©
Çapoue,ôcAmbassadeur dé l'Órdrey arniédétpu^
téspièces, ôc monté sopérbemént,
leprécèdoit
immédiatement, portantle
grand étendart de la
Religion^ fenctionqu^en qualitéde Chevalier dé
§. Jean ce Pontife avoit exercée à l'éléctson de
Léon X. son cousin.
LePape
ne furpas plutôt
débarrasse de cetté
foule de cérémonies inséparablesdé l'ayénement
au Pontificat, qna la
prièredu Gra*id Maître il
lui accorda une audience enplein consistoire. Cé
Prince Tavoit demandéepour
lui rendrecompte
dusiège
dé Rhodes, ôcpour
faire éclater sor se
premierThéâtre de la Chrétienté tout ce
qui s'é^
toitpasse
à la défense dé cette Place. Le Vice-
Chancelier de l'Ordrequi porta
làparole, expo-
sa dequelle
manière six cens Chevaliers enfermez
dans Rhodes l'avoient défendue pendantsix mois
entiers contre deux cens mille Turcsqui
étoient
aupied
de ses murailles. Ilreprésenta
ensuite le
tonnerre ôc le feu continuel de léur artillerie, les
fortifications ruinées, l'ennemi logéau
pieddes
murailles, des assautsfréquents ,ies Chevaliers
jour ôc nuit aux mains avec les Infidèles, &qui
n'avoient abandonné cette Placequ'après
avoir
perdu presquetous leurs confrères, leurs soldats,
Diij
VlXLIERS-DE l'ISLI-
A D A M,
}9 H IS T O I RE DE L'Ò R DR E
lesplus
braves des Habitans, Jclorsque
l'ennemi
avoitpoussé sestravaux
jusqu'au milieu de la Place,,
ôcque
le terrein même leur manqupit pourse
retrancher &pour combattre.
Cette relation excita en même terns l'admira-
tion Ôc lacompassion
de tout le sacréCollège ; plu-
sieurs Cardinaux au récit de la mort de tant de
Chevaliers qui avoient sacrifie leur vie à la dé-
fense de Rhodes, ne purent retenir leurs larmes j:;
ôc lePape:de concert avec tput le Consistoire:,,
pour conserver un Ordre & unCorps dillustrcs
Guerriers si utises a la Chrétienté>ren attendant
qu'on pût trouver une Iste ou un pprt où ils conti-
nuassent léurs sonctions militaires ,% leurassigna"
pour résidence la ville de Viterhe située àqua-
rante milles dé Rome, dans lé Patrimoine dé S,
Pierre : ôc il consentit queleurs vaisseaux ôc leuts^
galèresrestassent dans [e
portde Ciyita^ Vecchia* -
A cettegrâce, le Saint Père en
ajouta une autre
pleinede distinction pour lOrdre, & très-hono-
rable pour, son Chef : & parun acte particulier du ?
quinze Janvier 15x4* U ordonnaque quand
il tien-
droitChapelle, je Grand Maître auroit la
première
placeila droite du Trône yôc que
dans les cavas
eadesil marcheroit seul, Ôc immédiatement avant
Sa Sainteté : ce Pontife voulutque
cerèglement
fût inféré dans lésregistres
du Maître des céré-
monies; Le Grand Maîtrepénétré
de cesmarques;
de fa bienveillance,- avant sondépart pourViterbe,,
se rendit au Palaispour
l'en remercier , ôc il en
obtintdepuis plusieurs
audiences danslesquelles
illui fitpart
de différentespropositions qu'on
lui
VìLLURSDE L'ISLE-
AD AM.
"%0%£,2..
Id. ibíd.p. 24
*DE MALTE. Liv. IX.
"'$
:avoit faites au sojet d'un établissement fixepoui
son Ordre, ôcqui remplaçât la
perte de l'Iste de
/Rhodes. 11 lui ditque pendant la vacance du S.
Siège, ou lui avoirparlé
dedifserentesplaces en
terre ferme, dont il auroitpû traiter y mais
qup
^en avpitrejette laproposition
fur téquecetté&
tuationi Ué convenpit pas à^son iM
p^fessipnét^
pardévption
s'embaiquPient pourvisiter ses Lieu x
%^ts>^:de défendreenm^
siérisqui navigeoient dans les mers -
o^'André
Vendramino ancienReligieux
de l'Ordre , Sc- Ar-
chevêquede Corfbu lui avoit conseillé de jétter
les yeux sor leport
de la Suda en Candie- ou sor
l'IstedeCerigo, qui appartenoient à la
Républiquede Venise h mais
queSa Sainteté
nignoroit pas
quecette République,semblable à certaines fem-
mes accoutumées à tout souffrir del'emportement
& de la violence de leurs amans, dissimuloit sou-
vent lesoutrages
du Turc h ôcque
dans la crainte
de s'attirer son ressentiment , elle n'oseroit rece-
voir au milieudeses Etats, un Ordre militaireque
le GrandSeigneur régàrdoit
comme sonperpé-
tuel ennemi -y qu'onlui avoit
parléaussi de liste
d'Elbe sor ses côtes de la Toscane , maisque
le
Roid'Eípagne& le Prince de Piombino étant maî-
tres desprincipales
Places de cette Iste, il ne con-
venoit ni à ladignité del'Ordre, ni mème au bien
commun de la Chrétienté, quele Grand Maître
&c le Conseil souverain de laReligion
fussent dans
iadépendance daucunPrmeepartieulier.il ajouta
que quelquesChevaliers
Espagnolsdes
premiers
VìZ-I-I'EToé'
T>ÊX'ÌSí £-;ADAM*
5* HISTOIRE DE L'ORDRE*
de cette Nation, peut-être de concert avec les Mi-
nistresque l'Empereur
tènoit en Italie, lui avoient
proposéles Iflesde Malte ôc du Goze, avec la ville-
deTripoli,.située fur les côtes
d'Afrique, qui ap~
partenoient à cë Prince enqualité
de Roide Sicile y
que Cette derniereproposition, patrapport
à di£
ferensports qu'on
trouvoit dans l'Iste de Malte,,.
ne lui. avoitpas déplu j mais,que l'Empereur
avoit
des vues si fines & si cachées^ qu'il cràignoit que
ceprojet,
enapparence
l'efTét de íàpieté,
nepro-
duisît dans la fuitequelque eípece d'assujettisse-
ment^supposé
mêmeque
iEmpereur
leur accor-
dâtpar
une inféodationpure
&simple
les Isles de
Malte ôc de Goze, ils ne sechargeroient pas
fans
unegrande répugnance
d'une aussi mauvaise Place
que Tripoli,entourée de tous cotez de barbares-
Ôc d'Infidèles, ôcque
ce seroitenvoyer
à la bou-
cherie tous lesChevaliersqu'on y
mettroit engar-
nison.
Cependant malgréces considérations
quin'é-
toient pasfans fondement, le
Pape aprèsavoir
meurement balancé ces differenspartis,
s?arrêta à
la derniereproposition.
Mais comme ilnignoroit
pas que lTmpereurn etoit
pasesclave de sa
parole ,=
fanss'expliquer autrement avec le Grand Maître,
il l'exhorta àprendre
si bien ses mesores , qu'il
échapâtaux desseins secrets de ses Ministres, qui
peut-êtren'avoient en vue
quede faire des Che-
valiers de nouveaux sujets de leur Maître.. L'Iste-
Adam étant arrivé à Viterbe, dépêchaà ce Prince,
enqualité d'Ambassadeur, le Prieur dé Castille,
îàChevalier deMartinengue,
cerexcellentIngé-
nieur
VàlLIlRSDE LÍs LE—
AD-A M..
D E M A L T E; LlV. IX. 33
hieur quiavoit
acquistant de
gloireau
siègede ^
Rhodes, & le Commandeur Bosio, Chapelainde .
l'Ordre y maisque
son habileté dans lesnégocia-
tions avoit rendu recommandabsev Ces Anibassa-
dëurs étant arrivez à Madrid ou so trouvoit alors
l'Êmpereur ,lui demandèrent au nom de tout l'Or-
dre, qu'illui
plût parune infeodation libre ôc fran-
,éhe de tout assujettissement)y leurrçmettreles Istes
de Malte & dé Goze : & ils firent cette proposi-
tion íàns;parler
deTripoh , comme il seur avoit
été enjoint parleurs instructions. Les Ambassa-
deurs luireprésentèrent que par
cette concession si
dignede la libéralité dun
grand Prince, if se ren^
droit le restaurateur, ôc commelésecond fonda-
teur d'un Ordre, qui depuis plusieurs siécles, s'étoit
consacré à la défense des Chrétiens, &que
les
Chevalierspar
leur établissement dans ces Istes,
repriméroientses
brigandagesdes Corsaires êe Bar-
fearie, ôc mettroient a couvert de leurs ineursipns,,
les Istes de Sicile ôc deSardaigne,
leRoyaume
de
isíaplèsy ôc toutes ses côtes d'Italie; ^<i~
- ; Cétoit bieníintention derÈmpereur yôz quand
il avoit faitinsinuerce^projet
au Grand Maître 3:
peut-être^qu'iiavoitmoins
agi parun mouvement
degénérosité, que pour
sonpropre
intérêt. Outre
lesdépenses considérables
quelui coûtoient ses
•garnisons qu'ilétoir
obligéa entretenir dans ces
Istes ôc dansTripoli,
ôc dont il seroit déchargé,
ilcomptoir que
les Chevaliers, la terreur des In-,
fidèles -,parleur valeur les:tiendroient en
respect,,
.&que
les escadres de cetteReligion,
serviroient
-d'un rempart; invincible contré, lesentreprises
dm
Tome IIL E
VlLLIEKSDE L'I S L E-
AD A M.
$4 HISTOIRE DE L*ORDRE;
Grand Seigneur , qui après la conquête de l'IÎIc
de Rhodes , pourroit être tentéd'attaquer celle
deSicise. "V.
Ces diífcensmotifs n'ésoient que trop sossiftns
pourse déterminer à conclure ce traité;: mais ce
Prince le plus grand politiquede son siécle, ôc
quitiroit souvent
plus d'avantage de ses négociai
rionsque
de ses armes mêmes * fit direaux Am*
i)astadeurs qiril navoit pas d'éloignement pour
lespropositions qu'ils
étoient venus soi faires qu'il
:ne pouvoit pourtant .se résoudre à aliéner Malte
& Goze i,íi Tripoli n'étoit comprise dans le mê-
me traité /j qu'il èxigeok quese Corps de la Ré-*
ligionlui
prêtât serment dé fidélité, çommé asoa
souverain i qu'on créât de nouveau un second
©àisti de laLangue de Castille ^ qu'en
labsenee
de l^àmiral, iln'y
eûtqu un Chevalier de la Lan-;
gué dltauequi
commandât lesgalères
s ôc corn*
me il se doutpitbienque
l'Ordféiie fe resoudroit
jamais à luiprêter serment de sidélité, il
ajouta
qu'ilne
prétendokpàints^n^àgerafbufiiirMakc
degrains
a Tavénir Par cétte réservé il s'aíïurok
une domination absolue sor les Chevaliersqui
ne
pourroient jamais sobsister íans ce secours.
; : Lé>Prieur de Castille &Martinengue restèrent
% laCéur ileÎEmpereur
ï &Bofîo de concert avec
jenx^ revint en Italie^ ^scíse rendit'à Viterbe au-
prèsdu Grand Maître, auquel
ilcommuniqua
îes intentions dél'Empereur*
I>e tout autre Sou-
verainon ne les àuroirpas
écoutées y mai? la Re-
tigioniayahtla
plûpártde sesConimanderíes dans
|à Vaste étendue des Etats de ce grince y on réfo-
j»E X'I S L È-
ÌDAM."I I •
g 5 g»4-
Ï5E MALTE. Liv.íX* #
lut d*attendre du bénéfice du tems, & des bons >
offices du Pape, quelqueadoucissement à des con-
ditions si dures :& cependant pour entretenir tou-"*
jours lanégociation,
on fit trouver bon à rEm-
pereur,;avant de lui rendre une
réponse décisive*
quel'Ordre
pût envoyer à Malte , au Goze ôc à
Tripolihuit Commissaires, íçavoir un de chaque
Langué,pourvisiter ces Places ,& en faire en-
soite seurrapport auConseiL
Le (Srand Maître avoit d'autant moins d'èm-
prestementà conclure ce traités qu'il seprésetu
roit actuellement un nouveauprojet
bienplus glo-
rieux,; &plus avantageux pour
l'Ordre , quiétoit
derentrer dans Rhodes, ôc d'enchâsser les Turcs.
Liautéur de cette entrepriseétoit se Bâcha Aeh-
met„eelui mimequi
avoit léplus contribué à la;
prisede cette Place. On a vû dans le Livre
pré-
cédentque
Solirnan n'étantpas
content de Mus.
tapha quieornmandoit sousíes ordres au
siègede
Rjiodés ^Tavoit destitué de sonemploi,;
dont if
avoit revêtu Achmet j maisqu'à
laprière
de íà>
feur que Mustaphaavoit
épousée,ce Prince Fa--
Wôìt- envoyéen
Egypteen
qualitéde
Begjiet-Béî.
Mn'y
réussitpas
mieuxqu'il
avoit fak ausiège
de Rhodes -r soitincapacité pour
lès. affaires du,
gouvernement,soit avarice, ôc
qu'iftiranniíat ces
peuplesnouvellement soumis à
Fempirèdés
Turcs,!! se fit un fousevement généraldansses Pro-
vinces: ôc une arméeprodigieuse
d'Arabes ôcd'E-
gyptiensse vinrent
astitger jusquesdans le Grand
Caire, dont lès habitanspar
lé même motif, en-
tretênoient des relations secrètes avec lès rebelles.
4 lia femme dç Mustaphaallarmée des
périlsom
Eip
VíîtïírtrDE X'ISLIÍ
ADAM»
.;$$. His.-roi.RE DE L'ORDRE
elle se trouvoitexposée
avec son mari, eut recours
au CràndSeigneur
son frère. Ce Princequi avoit
tant dinteret d'étousterpromptement
cette rebéi-
îion, avoitenvoyé
enEgypte
Achmet à là tête
d'unepuissante arméepour dégager
ion beau-frere,
ôcprendre
en íàplace
legouvernement
de ces
-grandes Provinces."
Le nouveauCéneralbattit d'abord les rebelles eìx
quelquesoccasions -ymais
aprèsavoir établi la répu-
tation de fàvaléut/ô£la crainte de ses àrmesjiltâcha
degagner sesjmécontens pafiune
conduite toute
oppoíeeà cèlle de
Mustapha; les tributs par
son
ordre furent considérablement diminuez. Comme
il?aípiroit
áecmtemen t às se rendreindépendant ^
Sc> nia&re absolu de ce:Royaume :, il
éloigna lés
Officiers Turcs odieux auxEgyptiens,
èn même
tems qu'ilfit
remplirleurs
places pardes
Seigneurs
de cette Nation *.-.ôcpour
s'attacher un eorpsdé
trotipes qui ne dépendît quede lui ^;il> rassembla
cequirestoit de Mamelus en
Egypte^&
qúi dér-
puis^la domination des Turcs y étoient
dispersez
dàns les Provinces lesplus ésoignéés^îfskn fit dés
Càrdes^augnientàleursolde ordinaire, ôc
pourlors
sedditpardèsdémonstrations:d'afsectibn;6cdàttà-
chementquíl
devoit moins à; son mériter qu'à íà
fortune ,&se croyantmaître
descçeurs,parcequ,il
l^étoitduPàys paríà dignité,
il fut assezhardipour
prendreouvertement: se nom lôa ses ótnèmens de
Souverain. Comme il ne dputoit pas. queSolimàn
infiniment jaloux de son aátorité,n'eínvoy ât contre
lui une armée, ilehèrchaà íe fait e un,appuis
des
alliances: parmiles PrinèesChrétiensi: &il; envoya
jm de sespartisans
auPape
ôc au Grand Maitre t
VlLLIERStiiXl'ls L E-
.ADAM.
fíifl. de
íChalcondile
,tom. i. L. 14.
'. -:D:E;: :M"ALT-E. rLiV; Ì.X. ""37
pourleur
proposer uneLigue
contre SoMman; Cet "v
Agent présenta: à l'un Ôc à l'autre : des: Let- *!
tres de son maître, par lesquellesil lëur man-
doitque
si les Chevaliers arrivoienr devant Rhodes
avec un corpsde
troupes ^ ilspouvoient compter^
à la faveur desintelligences quili avoitdans eetté
Place, de s'en: rendre les : maîtres r bu du moins
qu'unede ses créatures
quicommandait d ans les
deux tours du port y;les ^ reeevrjòit^àu^remiét
ordre-qím'il-verroitdeíà.:part.;,;v:3il:3
?&h wú.&rám-
LéCrand Maître écouta cespropositions
avec
plusde jase qu'il
n'en laiííàparpîtrel liirépphdir
à cet Envoyé qu'ilne
pouvait iscngàgerdanscette
entreprise: fans lavoircommuniquée,
à laplûpaát
dés Souverains de la Chrétientés maisque
se
Beglier-Beïson Maître aúroit bientôt dé ses nou-
velles ;: ôcaprès:
lui avoir ifait unprésent eonside>
rable, il lecongédia y ôtbomvaílé moyen de se.
fairerepasser
avec fureté enEgypceitm projet
dé
cetteimpoftance oecupoit
toutes lespensées
du
Grand Maître, lorsquele Commandeur de> la
RocherAimon quiarrivoit delamer,kit amena
dés Rhodiens,qui
le déterminèrent entièrement
à tenter cetteentreprise.
,';,v\ :
Pourïintelligence
de ceppint dMstpire; il
faut íçavoir quele Grand Maître
<Jmalgrétoutes
lesdisgrâces
arrivéès à ison Ordre!, ôcpour
tenir
les Chevaliers dans l'exercieecpntìnueldes armes
Contre les Corsaires; envoyoitsouvent dès vais-
seaux iehchuríe.íXJndèíces vaisseaux commandé
par laRpchè-ÀimonifutTéncantré par iquelques
Marchands: Rhodiens, :qui navigéoient
dans la
E iij
DE l'IsiE-' A D A M *——— *
•$8 HISTOIRE'DB- L*0 R DR E
Méditerranée : ils reconnurent lepavillon
de YQp>
drey ôc Icnvie depouvoir
encore embrasser une
fois un de léurs anciens Maîtres, les fit arriver à
bord. Ils entrèrent dans le vaisseau du Chevalier^
quiles reçût avec uné joie réciproque;
ôcqui
ses,
régala magnifiquement.
Dans la chaleur du repas*,
ôc dans un heupsein
de liberté ôc de confiance,,
cès Rhodiens serépandirent
enplaintes
contre la
tyrannie îdes;Turcs^ ôcrègrettoient
lajuste
do*
mination des Chevaliers- de cesregrets
ils paste-t
rent à dés veeux ôc à des souhaitspour
lèréta^
bliísement de laReligion
dans leur Iste* Comme
ces marchands étoiaKit desprincipaux citoyens
de Rhodes^ il examina avec èûx lés disserens
nioyensdont onpourroitse servirpourchasserles,
Turcs : il y trouva tant de facilité, qu'ilses
enga*
géaà venir avec lui éà Italie | éc
aprèsêtre dés-
©arquez: à Civita^Vècehiàit les amena à Viterbe^,
Sc il lesprésenta secrettèment au Grand Maître -^
dont ils furent reçusavec
beaucoupde bonté.
; Cèsj^réhahdscj^e^
soirr dedéguiser^
contrèrent en socret avec lé
Grand Maître, ôc luireprésentèrent qttèlesmúraik
les Ôc ses fortifications de Rhodes n étoientpoint
encore rétablies^qu'ily
aVoit même uneastez foi-
èlegarnison dans là Placey &
que l'Aga quicorn-
mandoit dans ses dèúx tours duport,
& dont nous,
venons dé parler,Chrétien renié, mais
parfoi-
Messe Ôcpar
la crainte des tourmens, eonservoit
loujoursune feerette inclination
pourla foi de ses
gères* qu'ilservait même, autant
qu'ilse pouvoir
íàire íànssenuire^deprotecteur
à tous les Ghré*
VlIlïïRSDEIÍSIÎ
ADAM.
DE MALTE. L/iy. 1%
*
39
tiens de l'Iste, ôcque
lepeuple ne verroit
pas pli'U
tôt arborer les étendarts de l'Ordre, que pour-
vuqu'on
lui portâtdes armes ,
il les tourne*
roit avecplaisir
contre lestyrans
ôc les ennemis
de la Religion.
Le Grand Maître en habile politiquefut ravi
pourle succès de ses desseins d'avoir dans la Place
plusd'une
intelligence: il exhorta ces marchands
àpersévérer
dans leurs bonnes intentions pour
l'Ordre : ôc aprèsles ^voir comblez de caresses ôc
deprésens,
il les fit reconduire avec le même se-
cret qu'ilsétoient venus, juíqu'à
l'endroit où leur
vaisseau les attendoit.
Ce Prince de concert ayec lePape, fit paster
enfoftejusqu'à Rhodes le Commandeur Bosio,
excellentnégociateur,
&qui
entra dans la Ville
déguiséen marchand, il reconnut lui-même l'état
de. la Place, la force de lagarnison -yla disposition
*ôc lè nombre de cequi y restoît d'habitans Grecç.
ilpoussa
encoreplus
loin le soccès de íànégocia-
tion y ôcpar
l'entremise duMétropolitain
Grec ami
del'Aga,
il s'aboucha avec cet Officier. Il avoit
3>risla
précaution,avant die se trouver à £ette eiu
trevûe,de remplirun des blancs seingsqueleGrand
Maître lui avoit confiez^d une settrepouf cet Aga,
ïdanslaquesteillui oírroitdemàgniâques récom-
penses s$ vfflùloitremir la parole quÁehfnétavoit
«donnée : Bc en même-ëtèms islui fit -mk la lettré
*quece
Begher^Beïavoit écrite à son sojet, &pat
?rapportjaux deûx>tours de Rhodes. LrAga,après
avoir étéquelque
îtemsíàns rienrépondre
au Bo-
$orse décètnaina tout d'uncoup
: il lui deelàta
Vixr.tBRÌ
ADAÎ*.
40 H I S T O I RE D E L'O'RDKE
qu î| y avoirlong-tems q£ul souhaitait de rentrei?
d àïisjse sein désÊ^líso
: il donnà? faparole
à fen-
Voyédu GrandcMàîtrê de recevoir fés Chevaliers
dans lés tours où il commàndoit, pourvu qu'ou-
tre lestroupes
nécessairespour s'yrmaintenir^
4à
polir--fàirér Je- siégé
dé M Ville pòn^envoyàtinces-
fàírirhérítdes Vivres<, désmunitions deguerre
ôc
dé-bouché, ôc sortPutdéîqupi
armer les habitans*
dé llíse, T^utisemblolt;fàirè-çípèrér
un; heureux
ík$ëè& de''cette'entreprises Iprsqutbn apprit tjùé
lei ^and Seigneuràvoit
prévenuses delíeins d'A-
chmet, ôci'avoir soitpérir
Cé Prince instruit de íà
rébellion, avoitenvoyé
contre lui^à la tête dune
pùiá^níè< armée i; son favori appelleYbrahirn s>
^Alifeaiíois de- naistahce > ôè aussi b on G énéral-que
adroitèourtifàrL '-•/- /;:.-/; : .:
Achmét s-étoit flattéque ^entreprise
de Rho*
dêfecàuseroit eníà faveurune pùistahte diversions
•màis du côté íde l'Gírdre^ '-ôp mêmepar limpùis-
íàriceí dés Chevaliersy óh navoit encore fait au-
cun mouvement > ainsi feutrée d'Ybrahim:dans
-í^gy{^tG í€ltà ùné cPnstèrtiàtion'génèraleipàrròi
léspârtMans
d'Achmètbtìr-nelàissàrpaslenhomme
déèòúragé
dé seprépàfér
à soutenir làguerre.
H
éhvoyadès ordres dé tous cotez
pourfàireavàn^
cercléstrotrpes dés Provinces les
plus éloignées>
^mà'fô il sot mal obéi: itneiautoritéusorpée)
n'est
|àmàisbièn affermie danslescommencemehs d'une
nPUvelie domination :plusieurs
de sesprincipaux
'Chefs 'sous difreiens
prêtextesc'viterentde £e dé-
clarer ouvertehiéntcontre leurlégitimeSouverain.
Ybrahim iaverti de cette disposition^leur
promit
une
Vílí,LIERAIapíEít'IiXLifií
ADAM,
DE MALTE. Liv. IX. 41
une ample amnistie, Ôc même desrécompenses,
s'ils se défaisoient de ce rebelle. Ces traîtres í'étouf-
férent dans le bain , ouvrirent lesportes
dugrand
Caire à Ybrahim, •& se soumirent à son autorité.
Ce Général envoyaaustì-tôt la tête d'Achmet au
GrandSeigneur, qui par
cetteprompte expédition
se vit délivré de l'embaras dé soutenir laguerre
dans
unPays éloigné,
&parmi
une nation ennemie
de tout tems des Turcs, ôc où fapuissance n'étoit
pasencore assez affermie.
La mort de ce rebelleeffraya l'Aga
de Rhodes 5,
la crainte d'être découvert ôcenveloppé
dans fa
disgrâce,F
obligeade
presserl'execution de l'en-
trepriseoù il étoit entré y ôc
parle même motif,
le Grand Maîtrequi
nepouvoit plus espérer
de
secours ni de diversion du côté del'Egypte,
avant;
quede
s'engager plus avant, voulutpressentiriez
Princes Chrétiens, ôc voirquelles
forces il enpour-
roit tirer..
Pendant ces révolutions arrivées enEgypte p
les Commissairesque
le Grand Maître &le Con-
seil avoient envoyez pourvisiter Malte, Goze ôc
Tripoli,à leur retour firent leur
rapportde l'étàc
où ils avoient trouvé ces Istes, ôc la ville de Tri-
poli.Ils dirent
quel'Iste de Malte n'étoit autre
chosequ'un
rocher depierre
de tuf, qui pouvoit
avoir six àsept
lieues delongueur
fur trois ou
quatrede
largeur,ôc environ
vingtlieues de cir-
cuit -r qu'onne trouvoit au
plus-furlà
superficie de
ce rocherque
trois ouquatre pieds
de terre, eneo>-
re toutepierreuse, peu propre
àproduire
du bled.
ÔÍ d'autresgrains y mais abondante en
figues,. en
melons & en d'autresfruks,qui y
étoient très-com^
Tome III. î-
VJLLÍERÍDE L'Is LE*
A D A M,
^xHISTO IRE v>E L'ORDRE
niuns, &que
leprincipal
commerce de cette Iste;
çonsistok en miel, en coton Ôc en cumin, que les'
habitanséchangeoientcontre des
grains y quà l'exr-
ceptionde
quelquesfontaines qu'on renepn-
troit dans le fond de liste*, ony manqupit
d'eaux
vive , Ôc même de puits , à:q^oi
les habitans)
soppléoient pardes citernes -, que le bois n'y
étoitpas plus
commun 3 qu'onle Vendait à la:
livre 9Ôc queles habitans , pour
faire cuire leur
viande , étoient réduits a; se servir de fiente dé
vaehe sécliée au soleil , ou dé chardons sauva-
ges 4 quela
Capitalede l'Iste
appelléela Cité
notable, étoit située au milieu de cette Iste fur
une colline, ôc de difficile accèspar
des rochers
dont la plaineétoit
remplie -, quecette Place n'a-
voitque
de simples murailles, fans autres fortifi-
cations que quelquestours élevées fur les
portes
de la Ville -, quesor la côte méridionale de l'Iste,
onn'y
trou voit niports,
nigolfes,
ni cales ; que
tout lerivage
en cet endroit.n'étoit bordéque
de
grandsrochers ôc d'écueils /contre lesquels
les
vaisseaux poussez parun vent violent,, ôc
sorpris
par quelque tempête,faisoient souvent
naufrage j
mais quedu côté oppose
on découvroitplusieurs
pointesou
caps,Ôc des endroits en forme de
gol-
fes ôc de callespropres pour y pouvoir mouiller.
Ils ajoutèrent qu'ilsétoient entrez dans se
grand
port, quiétoit défendu
parun fort
appelle le Châ-
teau Saint Ange,Ôc
qu'ilsavoient trouvé au
pied
de ce Château unepetite
Villeappellée
commu-
nément le 'Bourg y quece
portnétoit
séparé d'un
autre appellele l?on Mufiet-., que par
unelangue
pu pointede. rocher y qu'outre
laCapitale,
le.Châ-
Vîí-J.IF.RS-;D,E X'Ì S LE-
Aji.A H-
DE MALTE. LIV.'.ÏX' 45
teau ôc leBourg,
ily avoit encore environ
qua-V'
ranteCaíàlesou Bourgades composéesde
plusieurs D^
hameauxrépandus
dans lacampagne,
Ôc où l'on~~
ttouvoit environ douze mille habitans, hommes,,
femmes 3è enfans, laplupart pauvres
ôc misera-
hies à cause de la stérilité du terroir.
Ces Commissairesprésentèrent
au Grand Maî^
tre ôc au Conseil unplan
de cette Iste, où l'on avoir
prissoin de
marquerexactement
plusieurs petits;
golfesôc cales où se retiroient ordinairement des
pêcheurs,ôc
quelquesfois des Corsaires. Ils ajou-
tèrentque
la commodité de tant deports
si fa-
vorables aux arméniens de laReligion,
leur fai^
ibit croirequ'on
ne devoitpas rejétterses propo-
sitions det'Empereur -, pourvu qu'il
neprétendît
pas parcette donation les aííujettir à tourner seursí
armes contre ses ennemisparticuliers.
Al'égard
de 1 Iste de Goze, appellée parses ha- *.
bitans Gaudifìh yïls direntqu'elle netoir séparée
de -celle de Malte que parun canal étroit, appelle*
Freoy d'une lièue ôc demie ou deux lieues de lar-
geur , au milieuduquel
étoientplacées les petites;
Istes ois ses rochersappeliez
Comin ôc Corninot^ que
•
le circuit de Goze étoit d'environ huitlieuesjsa lon-
gueurde trois,, & sa
largeurd'une & demie -,qu'ils
n'yavoient trouvé aucun
port-, quecette Iste étoit:
environnée de rochersescarpez,
& d'écueils-,s de
fortequ'on n'y pouvoit aborder quavec
bien de
la difficulté.Cependant que
le terroir leur en avoir
parufort fertile y qu'il y
avoit environcinq
mille
personnes, hommes, femmes ôc enfansdispersez'
en differensvillages,
ôcque pour leur fureté con-
tre les Corsaires 3. ony avoit construit un Château?
fiji
VlIU*ffRS>DE L'Ì-S L£*••
A D A Xl.
44 HISTOIRE DE xO K?D R E
situé sur unemontagne > mais qu'il
leur avoitpa*
ru mal fortifié , ôc depeu d'importance j que tout
foiblequ'il étoit, ils.ne
croyoient pas qu'il fût de
la prudence du Conseild'accepter
l'ofTrequ'on
faisait de l'Iste de Malteséparément
de celle de
Goze, qui-enétoit
trop voisine, ôcqui pourroit
servir un jour de retraite à leurs ennemis.
; Ces Commissaires ne formèrentpas
le même
jugementde la ville ôc du château dé Tripoli:
ikreprésenterentau Conseil que
cette Place située
sor la côte de Barbarie, ôc àprès
dequatre-vingts
lieues de Malte, n' avoit aucunes fortifications $
qu'ilétoit même
presque impossible d'y en cons-
truire sor un terrein ôc un fond sablonneux, ôc
plein d'eau^ queles fossez étoient
peu largesôc
encore moinsprofonds , le
portôc le château
commandez parune
montagne Voisine-, enfinque
cette Ville étoit environnée des Etats du Roi de
Thunis, qui n'ysouffriroit
pas longtemsdes Chré-
tiens i que l'éloignementoù elle étoit de Malte,
nepermettoit pas , si elle étoitattaquée, d'y jettér
unprompt secours-, que
le bled étoit encoreplus
rare àTripoli qu'à
Malte à cause.de la stérilité du
terroir, quine
porte quejdes dattes y d'où ils con-
clurent qu'ense
chargeantde la défense de cette
Place, ons'exposeroit
àperdre
tous les Cheva-
liersqu'on y enverroit en
garnison.
Le Grand Maître fitpart
auPape
de cette re-
lation, ôc il lepria d'interposer
ses bons offices au-
près del'Empereur, pour l'obliger
àdécharger
l'Ordre de la défense de Tripoli,ôc des autres con-
ditions onéreusesqu'il
vouloit attacher à l'inféo-
datipnde Malte. Mais dans cette conjoncture, il
VîT/lIER-SDt L'IS-L Í-
AíAM.
?5z4.Aoult,
fí°flt 2,p. 32.
¥ DE MALTE. L I V. IX. 4j
ìiêpouvoit gueres
choisir d'intercesseurauprès
de
Charles-Quint, quiíut moins
agréable y ôcplus
suspectà ce
Prince, queClément VII. Il se
négo-
cioit'-actuellement uneLigue entre ce Pontife, lé
Roid'Angleterre
& les Vénitienspour
maintehir
la liberté de l'Italie /menacée d'une entière inva-
siondepuis la
pertede la bataille de Pavie, où
François premier,Roi de France, avort été fait
prisonnier parles Généraux de
l'Empereur.
Ce Prince sidigne
d'une meilleure fortune ,
etoit entré en armes dans le Duché de Milan, qu'il
prétendoitlui
appartenir , ôc à la Reine Claude fa
femme, du chef de Valentine Viíconti, femme
de Louis Duc d'Orléans, frère de Charles VI. Les
Sforces s'en étoientemparez au
préjudicedes Prin-
ces de la maison d'Orléans. François Sforce en
étoit actuellement enpossession: rEmpereur,
sous
prétexte de le maintenir comme son vassal, avoit
fait entrer unepuistante
armée dans le Milanois,
ôcdepuis
la bataille de Pavie, ses Générauxagiíl
soient moins enqualité
deprotecteurs,
ôc çomme
Commandant destroupes auxiliaires, qu'en
con-
quérans.Il mirent au nom de
l'Empereurdès gar-
nisons dans lesprincipales
Villes de ce Duché,
sousprétexte que
le nouveau Duc n'en avoit pas
reçu encore llnvestiture. LePape
ôc les Princes
d'Italie, quiau commencement de cette
guerrey
redoutoientégalement
levoisinage
de deux Prin-
ces sipuissans,
eussent bien souhaittéque
les Fran-
çois n'eussentpoint
troublé Sforce dans laposses-
sion du Milanois. , ''/
Laprison
du Roi ramena dans separti
de là
F iij
'ViLÍiEftX
ÍEl'ISLï-A D A M.
1$%$.24 Février.
4$ H I STOIRE D E L' O R DR E
France > non seulement les Princes d'Italie , mais
encore le Roi d'Angleterre : Sforce mêmequi
ne
craignoit plusrien du côté d'un Prince
prisonnier,,
ôcopprimé
lui-mêmepar
lesImpériaux, qui
con-
tinuoient à ledépouiller
de ses Etats, négociait
une Ligue contre un Princequi
vouloitengloutir
toute iEurope , ôc
qui aspiraità la Monarchie uni-
verselle. !
Tellé étoit la situation des affaires-, ôc se sojet ou
leprétexte
d'uneguerre,
dont l'ambition de Char-
les-Quintétoit la véritable cause & la seule origine..
.Aprèsla mort de
FEmpereur Maximilien, cePrin-
ce ôc François premier avoient été eoncurrens dan&
lelectionpour l'Enipire.Cette rivalité, dés droits:
ôc des prétentionsdont les Souverains ne man-
quent gueres quandils ne manquent pas
de forces,,
desquahtez excellentes, mais
opposéesdans l'un
ôc l'autre -ytout cela avoit excité entre ces deux
grandsPrinces une émulation de
gloire , suivie
depuisrésection de Chàrles-Quint d'une animo-
sité, quese
sangde tant de milliers de leurs su-
jets n'avoit encore pûéteindre. Onadmiroit à la
vérité dans François premier uncourage àl'épreu-
ve desplus grands périls
de laguerre,
une noble
franchise ôcdigne
d un meilleur siécle"y une foi
inviolable dans ses traitez, de la bonté ôc de là
clémence àl'égard de ses
sojets -, mais il eût été à
souhaiterque
ce Prince eût eu moins d'attache-.
mentpour
sesplaisirs , plus
de secret dans ses af-
faires, d'attention ôc de soite dans î'exeeution de:
ses dessins, &que
de ses favoris, il n'en eûtpas;
íàit ses Ministres & ses Généraux. Çfiarses-Quint
V-IEUES-S
,PE LISLB
,ÂD,AH,
DE MALTE. LIV. IX. 4^
au contraire avoit toutes lesqualitez
d'ungrand
politique -, maispeu
de ces vertus de cceurqui
ho-
norent unparticulier y plein
d'une ambition íàns
bornes, nagissant que pour
son intérêt, impéné-
trable dans ses desseins, neperdant jamais de vue
les différentesdispositions
de tous les Princes de
l'Europe, plushabile
quetous ses Ministres, heu-
reux dans le choix de ses Généraux, insensible aux
plaisirsde la table: ôc s'il n'étoit
pasaussi chaste
que
l'exigentles
préceptesdu Christianisme, au moins
pouréviter le scandale , il
prenoit autant^dèpré-
cautionspour
dérober sesgalanteries
à l'oeilpéné-
trant du courtisan, queles autres Princes dé son
tems affectoient de les faire éclater. Du reste, fans•y
foi, fansprobité,
fansparole,
même fans reeon-
noissançe , ôccependant
n'oubliant rienpour
se
donner lesapparences
& tous les dehors de ces
vertus.
Il étoit bien difficilequ'avec
de sigrandes qua-
litez deux Princes tous deux ambitieux, braves,
puissansôc voisins , demeurassent
long-tems en
paix,&
ylaissassent le reste de
l'Europe.Sur leurs
portraits quenous n'avons fait
qu'ébaucher , le'
Lecteur jugerafans
peine quela fortune devoit
se déclarer pourle
plus habile; aussi François pre-
mier avoit succombé sous lapuissance
de son en-
nemi : il étoit alorsquestion
denégocier
lapaix
ôc fa liberté. Charles-Quint mettoit l'une ôc l'au-
tre à un si hautprix, que
le Roi rebuté de la du-^
reté des conditions , protestoit hautementqu'il
remettroitplutôt
là Couronne auDauphin son
fils, queà en arracher lui-même un des
plusbeaux
fleurons.
Vittrï'M-'DE L'Is't EÌ
ADAM.
48 fíisToiRE DE L'ORDRE
Mais laRegente
íà mère, fans s'arrêter à im
desseinque
lechagrin
de faprison
avoitproduits
pritlé
parti d'envoyer enEspagne
la Duchesse
d'Alençon sa fille ôc soeur du Roi, Princesse ornée
de toutes lesgrâces
de la nature, élevée dans les
intriguesdé la Cour, & d'un
génieaussi souple
quen elle ne fut
pasnée avec cet
orgueil& cet
empiré quedonne, une rare beauté, soutenue sur-
toutpar
une naissance si illustre. LaRegente
se
flattoitqu'elle
obtiendroit del'Emperéur
là IL-
berté du Roi son fìrere à des conditions moins;
odieuses. Elle. nomma pour l'assister dáhs cettè-
importante négociation rArchevequeà'Ámhmn
P
connudepuis
fous le nom de Cardinal dé Tour-
non, TEvêquede Tarbes
depuisCardinal de Grá~
mont,, Ôc Seliic Premier Président du Parlement
de Paris. L'Annaliste de l'Ordre de Saint Jean de;
Jérusalem rapporte quela
Regente prévenuedé.
raffectiondu Grand Maîtrepour
lapersonne
& le
service du Roi sonfils,Iuidépêcha
un courierpour
le
prier;de vouloir bien conduire en
Espagnesur les
gar
leres de laReligion
la Princesse fa filleyque
le M;aré-
chai deMontmorency ion petit
neveu lui en écrivir
par ordre de laRégente
dans les termes lesplus:
pressans,ôc
quece
Seigneur,pourlé déterminer
par
ípn propreintérêt à faire
cevpyage,Jui représenta-:
quedans le besoin
queson Ordre avoit d'un éta-
blissement fixe ôc assuré,il applaniroit paríà
pré-
sence, & en traitant lui-même avecl'Emperéur,,
ce nombre infini de dissicultez, queles Ministres,
de ce Prince en. Italie faisoient naître ausojet
de
i'inféodationdes.Ifles de Malte,de Goze,& de là
ville deTripoli..
Le.
VíttiiïtsDE l'Is L £-
ADAM.
Bos.t.3.1, Z.
DE MALT E. LI v. IX. 49
Le Grand Maîtrecommuniqua
auPape
les dé-
pêchesde la
Régente,Clément
quiétoit actuelle-
ment en liaison avec cette Princesse , approuva
fort cevoyage
:il desiroit la liberté du Roi, peut-
être moinspar
considérationpour
ce Prince, que
parcrainte de la
puissanceredoutable de son en-
nemi : il le flattoitque
si pn pouvoir rompre le.*
chaînes de François premier,ce Prince
pourse
vengerde la dureté de sa
prison,ne
manqueroif
pasde
reprendreles armes,, ôc
quela
guerreaU
lùmée entre deux ennemis siimplacables y feroit
Ia fureté des autres Souverains, & maintiendroit
lapaix dans le reste de
l'Europe, Le Grand Maître,
fur laréponse
de Sa Sainteté,, s'embarquasor les.
galèresde la
Religionà Civita/Vecchia, ôc se ren-
dit à Marseille, où il salua laRegente.
En atten-
dant la Duchesse d'Alençon y il eut plusieurs con-
férences avec cette Princesse.
Les Ministres del'Emperéur
alarmez & jaloux:
de cevoyage
dont ilsignoroient
le motif, firent
saisir en Italie tous les revenus de la Religion::
l'Emperéur nemanqua pas d'approuver
leur con-
duite :: ce Prince étoit d'ailleurs mécontent du-
Grand Maître ôc du Conseil* Nous avons ditqu'il:
íèur avoit offertpour retraite ,Jes Istes de Malte „
de Goze, ôc la ville deTripoli : la lenteur
que
FQrdre avoitapportée
à lui rendre uneréponse
positive,, rengagèrentà en écrire en
particulier
auxLangues d'Arragon & de Castille y dont les
Chevaliers étoient nez ses sujets : ôc ilenvoya au?
Conseil un ChevalierEspagnol appelle
Pierre Fer*
mandez Héredia , ou Errera, quiétant arrivé U
Tome IIX C<
VìLtïtKiDE L'I S L S-
A D-A Mv
«"1IIl-lUllI\JmlHf
il de Jjain>
$oHISTOIRE DE L'ORDRE
Viterbe , représentade sa
partaux
Seigneursdu
Conseilque
dans lapensée que
laReligion
ac-
cepteroitavec autant de
joye quede reconnois-
sance, un établissement aussi considérable, il avoit
différédepuis
dix-huit mois à fortifier ces Isles •
qu'ildemandoit
quele Conseil
s'expliquâtnette-
ment sor cespropositions.
Cet Envoyé ajouta avec
hauteurque
s'il se trouvaitquelque Langue qui
s'y opposât, l'Emperéurson maître íçauroit bien
ydonner ordre.
Ce Prince ébloui par une constante prospérités
&'. devenu plusfier
parla
prisondu Roi, se
croyoit
en état de donner la soi à toutes les Puissances de
FEurape: & cet esprit
de domination s'était ré-
pandu jusquesdans les
Langues originairesde ses
Etats. Les Chevaliers Espagnolsvouloient domi~
ner dans le Conseil, ôcqu'on acceptât
íùr lechamp
les offres del'Emperéur
avec ladépendance
ôc
l'aínijetissement qu'il y attachoit :quelques-uns
même laissoient entrevoirque
si les François ne
se cônformoientpasà leur
disposition,il s'en sé-
pareroient j qu'ilss'établiroient dans Malte indé-
pendemmentmême du Grand Maître , ôc
qu'ils
esperoientobtenir de
FEmpereurl'union de l'Or-
dre de Monteze fondé enEspagne
à leurcongré-
gation particulière, pour dédommager l'Qrdre de
cequ'il perdroit
en France par Téloignement des
Commandeurs Ôc des Chevaliers François.1
Mais le Conseil , ôc lesplus sages même des
Langues d'Espagne, quiavoientliorreur d'un fchif
me , répondirentà cet
Envoyé quetout ì'Ordre
étoittrçs-reconnoissànt des offresgénéreuses
dé
£)£ L'ÍS L E-ADAM.
DE MALTE. LIV. IX* _jr
Sa Majesté Impériale -, maisque
dans une affaire
aussiimportante,
ils nepouvoient prendre
aucune
résolution décisive sans laprésence
du Grand Maî-
tre, ôc le consentement exprèsdu
Pape ^qu'ils en
alloient écrire incessamment à l'un ôc à l'autre -,
qu'ils apprenoient quele Grand Maître étoit
parti
pourse rendre à la Cour de
l'Emperéurdans le
dessein d'être instruit par lui-même de ses inten-
tions au sujet désiste de Malte, ôcqu'ils esperoient-
qué pourle bien Ôc l'honneur de la
Religion , ce
grandPrince voudroit bien relâcher
quelque chpso
des conditions attachées à cette< inféodation.
Le Conseildépêcha
aussi-tôt en France le Corn*
mandeur Bosio, pourdonner avis au Grand Maî-
tre duséquestre que
les Ministres deFEmpereur
avoient fait des biens quela
Religion possedoit
en Italie,:ôc despropositions que
le Chevalier Er-
rera venoit de faire^en pleinConseil. Le Grandi
Maître différa àrépondre
au Conseil, jusqu'àce
qu'ileût vu
l'Emperéur ; il ordonna à Bosio de le'
suivre,ôcil partit pour l'Espagneavec la Duchessr
d'Alençon,à
laquellelé Roi: d'Angleterre avoit:
procuréun sauf-conduit.
Cette Princesse ne futpas plutôt
arrivée a Mà^.
drid,.. qu'après que l'Emperéurfut débarassé du
cérémonial Ôc despremiers honneurs qu'il
lui ren-
dit, il donna une audienceparticulière
au Grand
Maître, quiTentretint d'abord de tout ce
quis'é,.
toitpassé
ausiège
ôc à laperte
de Rhodes. Ce
grandhomme lui
représentaensuite les
pertes que
son Ordre y avoit faites , ôc l'étatdéplorable où?
fe trouvoit alors tout seCorps
de laReligion i-ôc;-
VlIElï^SDE i/I SI ï-
AD A M*
Giíichardùft
liv. t6.
ji HISTOIRE DE L'ORDRE -»
voyant lEmpereurtouché Ôc attendri de tant de
disgrâces,il se
plaignitmodestement de l'arrêt
que
-ses Ministres avoient fait sor les biens des Corn-
manderiesd'Italie, sous
prétexte qu'envenant en
Espagne,il étoit
passé parla France avant
quedé
le rendre à sa Cour. Pourprévenir
les desseinsque
l'Emperéur auroit puavoir en cédant l'Iíle de Malte
aux Chevaliers, d'en faire ses vassaux , il lui insi^
iiua adroitementque quoiqu'ils fussent! tous nez
sojets de differens Souverains , l'Ordre èhgénéral
paría
profession , nedépendoit d'aucun y qu'un
Chevalier François dé Nation n'étoitpas plus
at^
taché au Roi de Francequ'à
Sa Majesté Impériale ;
que Tunique objet de son institut étoit de défen-
dreégalement
tousses Chrétiens contre les incur-
sions des Infidèles -, que depuistant dé siécles
que
son Ordre sobsistoit avecquelque
sorte degloire,
ori n'avoitpoint
vûqu'il
eût jamais pris particon-
tre aucun Prince Chrétien en faveur d'un autre. Il
entra ensuite dans Taffaire de Malte -, ôc fans s'ar-
rêter à la dureté des conditionsque l'Emperéur
voulaitprescrire,
il lui dit engénéral qu'il y avoit
long-tems quela
Religionauroit
profitédés bou-
tez de Sa Majesté Impériale,si on n'avoit
pasété
retenupar ì'eíperance
de rentrer dans Rhodes y
qu'il yavoit un
partiformé
pourl'execution dé
cetteentreprise
: ôc là-dessus avec lapermission
del'Emperéur,
il fit entrer dans fa chambre le
Commandeur Bosio, quilui rendit
compteen dé-
tail de toutes les mesuresqu'il
avoitprises
à ceso-
jetavec les
principauxhabitans. Il ajouta qu'il
ne
imànqupit à l'Ordreque l'argent
nécessairepour
VîLLIERSSDE1,1 S L E-
ADAM.
DE MALTE. LIV. IX. $$
lever trois ouquatre
mille hommes, ÔC pour por-
ter en même tems des armes aux habitans, que
lés Turcs avoient desarmez avecgrand
soin.
L'Emperéurentra dans les vues du Grand Mau
tre : cependantavant
quede
s'y engager plus avant,
il lui conseilla d'en conférer avec le Duc d'Albe,.
leplus
habile de ses Généraux. Ilajouta que
si ce
Seigneuren troiivoit F exécution
possible,il don-
neroit volontiers, pouren faciliter le succès, Vingt-
cinq mille écus j qu'ilsouhaittoit
"queles autres
Souverains de la Chrétientéy
voulussent contrit
huer v maisque
si ceprojet
n'avoitpoint
de fuite ^
FOrdrepour
son établissementpourroit toujours
comptersor l'Iste de Malte -, ôc
pour prémicesde
fa bonne volonté , il donna fur lechamp
uneplei-
ne ôc entière mainlevée de tous les revenusque
ses Ministres en Italie avoient fait arrêter. Le
Grand Maître, qui nignoroit pas queles Souve^
rains ne veulent jamais avoir tort, remercia ce
Prince de cet effet de fa justice, dans les mêmes
termes ques'il en eût obtenu une
grâce.Avant
de se retirer, il lui demanda lapermission
depou-
voir saluer le Roi de France : ceque l'Emperéur
lui accorda volontiers, dans la vueque
se Grand
Maîtrepourroit
contribuer à lanégociation
de la
paix.
Un Officier de ses Gardespar
son ordre le con-
duisit dansl'appartement
deFrançois Premier. Ce
Princey
étoit moinsgardé
enprisonnier
deguerre,
quecomme on en auroit
pûuser à
l'égardd'un
criminel d'Etat. Charles-Quint quoiquevassal du
Roi, pourarracher de son
Seigneurune rançon
Giij
VÍIIIÉRS;DE 1*1S LÊ»
A D A M.
54 H I S T O IR Ë DE L'O R D RE
immense, & des conditions exorbitantes, n'avoit
rien publié pourlui rendre fa
prison infuportable.
Des traitemens siindignes
ôc sipleins
de dureté
avoient jette François Premier dans une sombre
mélancolie, quifut suivie d'une fièvre violente-
L'arrivée de la Princesse ía soeurqu'il
aimoit tenw
drement, lui causa lepremier mouvement de joie
qu'ileut ressenti
depuisfa
disgrâce.Sa santé se ré-,
tablit, ôc le Grand Maître dans cette cònjonótu-
re ayant été introduit dans fa chambré x lé Roi
fémbrafïà tendrement, loua lagénéreuse
défense
qu'ilavoit faite à Rhodes, Ôc ordonna aux Minis-
tresqui
avoientaccompagné
la Princesse fa íeeur,.
de ne rien traiter dans leursnégociations
avec les
MinistresdeTEmpereur,sans
laparticipation
du
Grand Maître. CeSeigneur fut admis dans toutes
leurs conférences ; ily faisoit la fonction de mé-
diateur. Sadignité,,íà
hauteréputation,,
fapru-
dence & son habileté donnoient un grand poids
a lesremontrances, Ôc il n oublioit rien
pourcon-
cilier lès intérêts de ces deux Princes, ôcpour
les
porter parune
paixsolide à réunir leurs armes
çonr
tre l'ennemi commun du nom Chrétien. La Du-
chessed'Alençon de son coté
employoittous les.
charmes de sonesprit pour
vaincre la dureté ôc
Tobstination deí'Empèreur -r mais ce Prince uni-
quement occupéde ses intérêts, ôc
qui parla
pri-
son du Roi se flattoit d'être bientôt Maître d'une
partiedelà France, outre ses
renonciationsqu'oiL
lui offroit de làpart
du Roi à ses droits fur le Mila-
nois & sor léRoyaume de
Naples,à
l'hommagedes.
Comtez de Flandres ôcd'Artois,, ôc outre des som*
JVIII.ÌERS
©E t'IS! E-
ADAM.._ _ 11II. ! •
DE MALTE. Liv. îX. #-
mes immenses, demandoit encore le Duché de
Bourgogne y pourêtre en état, si la
guerrerecom-
r
mençoit, deporter
ses armes dans le coeur de la"
France &jusqu'aux portes
de Paris. Le Roiquieon-
noistoitriniportance
de cette aliénation, enrejetta
laproposition
avecbeaucoup
de fermeté :.&pour
faire voir àl'Emperéur qu'il
renonceroitplutôt à
íà liberté, qu'àune
portionsi
importantede fa
Couronne, il résolut de seséparer
de la Princesse
sa íceur , de sepriver de sa
présence , quoiqu'elle
lui servîtd'unique
consolation. Il la fitpartir pour
retourner en France, & elle fut mêmeobligée
dé
prendrece
partisor des avis
qu'elle reçût secrète^
mentque l'Emperéur
ne cherchoitqu'un prétexte
pourla faire arrêter.
Charles-Quint le Prince de son tems leplus
ar-
tificieux, pourlaisser
expirerle sauf-conduit
qu'il
lui avoit donné , avoit fait traînerexprès
les né-
gociations.Le
départde la Princesse le
sorprit,
ôc ilenvoya
ordre sor les confinsd'Espagne
de
larrêter lejour que
le terme de son sauf-con-
duit seroitexpirés
mais la Princesse bien avertie
de cettesupercherie, faisoit en un jour ôc en s'en
retournant le même cheminqu'elle
n'avoit fait
qu'en quatreen entrant en
Espagne.Cette
diligen-
ce , ôc l'arrivée sur la frontière de Clermont, de
Lodéve, avec unegrosse
escorte le dernier jour
du íàufconduit, empêchales Officiers de l'Em-
peréur d'entreprendresor fa
personne : &par
là
l'Emperéurne
puttirer aucun
avantagede fort
artifice.
Ledépart de la Princesse ne ralentit point
le
VlLÏ.IEÌ$'DE L'ÍSH-"
AD A M.tMMmmmtmmmmmmMmmmmmmmmmmmmmtt--
jfèHISTOIUE DE L'OR DR E
zélé du Grand Maître, & ses bons offices pourlai
paix.Il en
représentoitsouvent la nécessité à l'Em-
peréurôc à íès Ministres : ôc il-leur faisoit envisa-
ger que pendant que les armes de ce Prince étoient: .
occupées contre la France,, Soliman étendait .ses*
conquêtessor la
Hongrie,& s'ouvrait un chemin
pour pénétrer jusquesdans l'Autriçhe & les Pays*
Héréditaires. Quand d'un autre côté ceSeigneur
approçhoitdu Roi, il lui faisoit
comprendrecom-
bien í aprésence
étoit nécessaire dans son Royau-
me y mais il lui faisoit sentir en même-tems qu'il
n'obtiendroit jamaisíà liberté de
l'Emperéur, que
par k cession du Duché deBourgogne.
Enfin ilagit
îi heureusementauprès
de ces deux Princes, qu'il
les fit convenir d'un traité depaix. François Pre-
mierprévenu qu'il
nepouvoit
aliéner le Domaine:
de fa Couronne ,ôc quedes actes
extorquezdansi
unerigoureuse prison
nepouvoient jamais être
valides, aprèsavoir secrètement
protesté,contre:
la violence quilui étoit faite
parson vassal,. sous-
crivit à tout cequi
lui futprésenté.
On convint:
quele Roi seroit reconduit dans le dixième de Fe*
vriér en son Royaume, &que pour
l'entierega-
rantie du traité, ce Prince donneroit enotage
deux
Princes ses.enfans,.outre, plusieursautres articles,
quine sont
pointdu sujet de cet
Ouvrage.Le
Grand Maître toujours attentif aux intérêts de la
Religion, y fit inférerque lEmpereur
ôc le Roiî
de France solliciteroient conjointement léPape
h.
travailler à une Croisade contre les Infidèles yôc
qu'ils y contribueroient de tout leurpouvoir.
Depuis,la
signaturede ce traité, lEmpereur
ôc
lé.
VltXIERSDE L'ISLE"
A D A,M-
Bos.l. $^p*141.
DE MALTE. LIV. IX. 57
le Roi se virentplusieurs fois, mais toujours en
• ennemis réconciliez, &avecplus
depolitesse que
de franchise. Lapremière
foisque lEmpereur
ren~
"
dit visite au Roi, il voulut êtreaccompagné
du
Grand Maître, qu'il appelloitson
père.On remar-
qua queces deux
grandsPrinces étant sortis en-
semble , l'Emperéurau
passaged'une
portedéfera
lepas
au Roi, ôcque
ce Prince se refusa : surquoi
ilsappelserent
le Grand Maître pouren décider. :
jse prie ^Dieuy leur dit ce vénérable vieillard, qu'il
ri y ait jamais dedifférend de plus grande importance
entre vosMajesté^ 3 ôc' adressant la
paroleau Roi
de France : Personne, soi dit-il, Sire, ne disconvienti
que lEmpereurne soit le
premierPrince de la Chré-
tientés mais étant dans ses Etatsfç)
dans fin 'Palais y
il me semble quevous ne deve% pas refuser
les hon-
neursqu
il croit devoir faire auplus grand
Roi de.
l'Europe. Uneréponse
aufíiprudente
& aufïì adroit
te contenta l'un ôc l'autre -yl'Emperéursortout lui
enfçut très-bon
gré1 il l'honora
depuisde
plu-»
sieurs-marques
de distinction-, Ôc dans des Audieiv
ces étant sor son trône, il voulutque
le Grand
Maître fût assis sous le même dais. Enfinquand
fe Grand Maîtreprit congé
de luiaprès le,départi
du Roipour
retourner en Italie & à Viterbe, il lui
tenouvella sespromesses qu'il
avoit faitesde liste:
de Malte, ôc ilajouta qu'il
rendroit sePape
rhaî»
tire ôc arbitre des conditions de cette infeodation^
Mais avantque
se Grand Maîtrepartît d'Eípa>
gne,il termina par Íà prudence
un différend qur
s'étoit élevé enPortugal
au sujet du Grand Prieuré
de Crato. Depuis laperte
de Rhodes & la retraite.
Tome lili EL
ViiuERsDE L'IsL E-
ADAM.
Bof.t.ì.i. s*
p. 4i.
7d. ibtdJ
58 H I S TOI R E DE L'O R D R E
du Couvent à Viterbe, plusieurs Souverains de
lEurope peu affectionnez à l'Ordre, & sous pré-
textequ'il
n'armoitplus suivant son institut eom
tre les Infidèles, s'emparoientdés revenus dés Corn-
manderies, ou aupréjudice
dés Statuts dé íà Re-
ligion& dés droits d'ancienneté, en
difposoient
en soveur des Chevaliersqui
leur étoient lesplus
agréables.Lé Prieuré de Cratp étant vacant par
le décès de Jean de Menezés, le Roi dé Portugal
aupréjudice
du Chevalier Gonzaive de Pimentés
le conféra au Prince Louis son frère tocpour
dé-
dommager Pimentel, il lui fit ossrir uné pension
de neufmilse livres. Les Chevaliers Portugais pour
áie pointsouffrir
qu'onfît cette brèche à léurs
droits, refusèrent de reconnokre Dom Louis. Le
Roi irrité de leuropposition, les menaça de faire
íàisir tous les biensque
lOrdrepossèdoit
dans ses
Etats- & sousprétexte qu'ilrestoit
à Viterbe dans
une inaction contraire à ses Statuts, il déclaraquil
enemployeroit
les revenus dans uneguerre sainte,
£c contre les Maures de Barbarie,
Le Grand Maîtreprévoyant sagement qu'une
pareille entreprise, quoiqu'injiiste, pourrpieêtre
d'undangereux exemple par rapport
aux autres
Souverains, accommoda cette afìàire. Il crutque
dans des tems si fâcheux il devoit dissimuler une
injustice qu'ilne
pouvoit empêcher;il consentit
queDom Louis retînt l'administration du Prieuré,
ôc comme en Commande: maisenéchahgeilob-
tint du Roi une confirmationautentiqué
de tous
les droits, ôc dé tous lésprivilèges
dé son Ordre.
4?ë Prince s'engagea folemnellement à neplus
VtLLIEKSBEl'IjLE-
ADAM.
D E MA L T E. L I v. IX. 59
troubler les Chevaliers dans la jouissance des Com-
manderiesqui écherroient à chacun selon son
rang
3
d'ancienneté. Comme l'entreprisede Rhodes étoit
-
le seulobjet ôc
l'unique pointde vue
auquel se
réduisoient tous les desseins du Grand Maître, il
futstipulé par
le même traité, que pourune
guerre
si sointé,le Roi íourniroit à l'Ordrequinze
mille
crusades, efpecede monnoye d'argent,
valant
en ce tems-là chacun environquatre
francs ôc
demi.
Apeine
le Grand Maître était revenu en France^,
quil apprit qu'Henry VIII. Roid'Angleterre,,
fur se mêmeprétexte
dont s'étoit servi le Roi de
Portugal , & comme si lOrdrepar
laperte
de
Rhodes eût été entièrement éteint, avoitempê*
ché le Chevalier Veston deprendre possession
du
Grand Prieuré de cé Royaume;qu'il prétendait
même réunir à son Domaine les revenus de tou-
tes les Commanderies, ouque
tous ses Chevaliers
Angsoisservissent de
garnisondans Calais. Des
prétentionssi odieuses
affligèrentsensiblement le
Grand Maître : ilvoyoitavec
douleurque malgré
tous ses soins les biens dé son Ordre allpient deve-
nir insensiblement^proye
des Souverains ôc de
leurs Courtisans. LesPapes , en
qualitéde Souve-
rains s'étoient misdepuis quelque
tems com-
me enpossession
de nommer au Grand Prieuré
de Rome, ôc aux Commanderies vacantes dans
lepatrimoine
de S.Pierre, & dans leurs Etats,
Les Ministres del'Emperéur
en Italie de leur côté
s'emparoientfans
scrupule desplus
riches Béné^
fices. ôc ils croyoient éneore faire grâceà l'Ordre
Hij
-VlLtlE&SDE X'I SL If
ADAMÌÌ
éo HISTOIRE DE I;ORJDRE
enprenant
sa croix, comme une marque qu'ils
n'en jouifloient qu'àtitre de Chevaliers. Dans un
brigandage& une désolation si
générale,le Grand
Maître eut recours au Roi de France y lé seul Prin-
ce de la Chrétienté, si onpeut parler
ainsi ^ qui
parmitant dé disgrâces
arrivées à laReligion
de
Saint Jean, lui eût conservé la même estime ôc |à
premièreaffectipn. > ^ ;
Le Grand Maître fit passer par [a Course Prieur
de S. Gilles & le Commandeur deBourbpn,qu
il en>
voyoiten
Angleterre.Çes envoyez,, PU si l'on veut
ces Ambassadeurs leprièrent
de íàpart
de vouloir
honorer l'Qrdre de íàprotection auprès
d'Henri
VIII.Le Roi lui en écrivit dans les termes les psos
pressans,& il
luimarquait parfa
Lettreque si l'Qr-
dredepuis
laperte
de Rhodes n'avoitpu
continuer
laguerre
contre ses Infidèles, ce n'avoit étéque fau-
te deportSjOÙils pussent faire des armemens ; qu'on
étoit en traité pour rifle de Malte) qu'ilse con-
juroitde çpntribuer à cet établissement$• qu'en
n'en auroit pas plutôtfait le Chef-d'Ordre ôc la
jPlace d'Armes de la Religion^ queles Chevaliers
fe remettroient en mer suivant seur profession >
&cque
les MarchandsAnglois
ses sujets seroient
peut-êtreles
premiers qui eprouveroientcombien
cet Institut militaire, quoiqu'indépendantd'aucun
Prince Chrétien, étoit cependantutile à toute la
Chrétienté.
Mais des motifs ,si justes & tous les offices de
cesgrands
Princes touchèrentpeu
le Roi d'Angle.-
terre: non-seulement il n'eutaucunégardaux
mé*
mpiresque
luiprésentèrent
ces deux Ambassa*
ViLtIBRSP* X'ISLE-
A;D A M.
DE MALTE. Liv. IX. ói
deurs y mais il leur défendit de faire sortir de ses
Etats niargent niefsets, provenants
des biens de
laReligion : il
congédiamême ces envoyez
assezbrusquement
Ôc íàns beaucoup d'égards pour
leur caractère. Ces Ministres à leur retour ayant
tenducompte
au Grand Maître du peudésoceès
de leurnégociation, ajoutèrent qu'ils croyaient
avoir démêléqu'une injustice -si criante venait de
ceque
ce Prince ,1e plusfier de son siécle, se té-
noit osseníèque
le Grand Maître eût visité le Roi
de France&4'jEmpereur fans lui rendre les mêmes
devoirs de civilité yôc cette conjecture n'étoit pas
fans fondement.Quoique
les Etats de Henri VUE
ne fussentpas si étendus
queceux de Charles-Quint
ôc de François Premier, il n'en étoit pas moins re-
doutable à ces deux Princes, dont il halançoit tour
atourlapuissance,suivant
lepartiquefeninterêt
lui
faisoitprendre dansleurs
déniêlèzrpar cette condui-
te adroite ilsefaisoit rechercher parl'un &l'autrede
cesdeuxPrinces,qui se ménageoient avec de
grands
égards.Le
personnage important qu'ilfaisoit dans
les affaires de l'Europe,1autorité absolue
qu'il
avoitacquise dans ses Etats, quoique
les Loix y
soientplus respectées que
les Souverains, Ôc l'híu
bileté aveclaquelle
il avoit toujours fçûtourner
les Parlemens dans ses vues y tout cela faisoit qu'il
íeregardpit,
ôcqu'il
vouloit être considéré com-
me larbitre de la Chrétienté. Le Grand Maître
eut d'abord bien de lapeine
à croire quese dé^
faut d'une formalité ôc d'une cérémoniequ'il
ne
devoitpoint, eût pu
exciter le ressentiment âece
Prince, ôcìe porter à traiter laReligion
avec tant
Hiij
Yixt »•¥*•"«Dí L'IUI.
ADAM.
&ï HISTOIRE DÉ L'ORDRE
de dureté. Mais commeaprès
tout les Princes 1er
plus puiílàns , Ôc les Souverains sortòut, élevée
dans la flatterie, nerespirent
souventqu'un
ait
plein d'orguéilrôcde vanité, le Grand Maître crut
acheter à bon marchéJpar
uné,silegere
déféren-
ce, la main-sevéè des biens de son Ordre* Cé vé^
nérable vieillard íàns consoltér sonâge
ni la ri-
gueurde là íàìson ,< partit pour TAngleterre y Ôc il
se Bt-précéder par
le Commandeur Bosio, leplus
habilenégociateur quil y
èût dansV lOrdre; Ôé
peurêtre dans la Chrétienté .Ce Relij|iéux
sadrek
fa d?àbord/auCardinal deWolsey premier
Minif>
tre du Roi d^ngsoterrey auqueíiltendit une Let^
tre du Grand Maître, quile
prioitde
présenterlé
CPmmandeur aùRpi, ôc dé vouloir bien appuyer
auprèsde cé Prince les intérêts de la
Religion*
Lié Cardinal luiprocura
une audience : Bosiopréî
sentà à Henri une Lettre du Grand Maître, ^clui
appriten même-tems
quece Prince venòit
exprès
d'Italie pourso fàiuét j niais
quiln'avoit pas
cru
devoir entrer dànssos Étatsíànssçàvoir
s'il l'auroit
agréable.Henri adouci
parcette démarche, lui
répondit qu'ilétoit
pseinde vénération
jjyourla
personnedu Grand Maître;; qu'il
seroit ravi de voir
un sigrand (^pitainej cependant qu'il
étoit fâ-
chéqu'il
se fut mis en chemin dans une sorípn ft
rigoureuse -, maisqu'en
tout tems il seroit reçu
dans ses Etats, avéç k considérationqui
étoit due
à íatlignité
Ôc à son mérite. Le Roi renvoya se
Bosio au Grand Maîtrequil
trouva à la Cour de
France, Ôc il lui rendit deux Lettres , l'une du
Roi, Ôc l'autre dé son Ministre, dattées duvingt-
IÌL'IÌSLS-AD AMi:;:->' • —r
1514.1. Janvier.
p E MA L TE, LIV? IX.%
cinq Février, toutes deuxtrèsTp)Dligéantes, ô£
daus seíquelles-pn l'invitpit a pàflfr au plutôt enl
Angseterre. Il s^y rendit endiligence, & après s'e-* «
tré repose quelques jours d^s Ja Çpmmanderie
pu^lePrieuré de §aint Jeau? ^Yp^ç^-p^tl^Çp.^.;
soivi des Grands Croix^dés Çpm^andetirs & des
Chevaliers d'Angleterre ^pxEépíïe^ quis-étpient
fendus dérdiferçnsendroitsi aupreVde lui.
Ceeorlégé éípit npmbrcují ^ m^nifiqúe
: Jc
pourlui dpnner encore plus dcclat, se Rp| en|
Voyà bien lpin au devant de luiplusieurs Milords
des plus c^r^fideraples de íà Gpur. Çé sot avec une
si noble ésopwté; quil entra dans le Palais..* Henri
soli t un accueil gracieux , ôc pn s'apperçut qusil
l'enviíàgeoitavéP cette attention quelui
soípiroit
la premiéfe vue d'un Prince, queíà conduite &
ía vaseur avoient fenduégalement fameux dans
i'iùropé^danslAsiev Lé GtaridMàîtteaprèsJu|
3ivoir rendue les çivilitez qu'ilcr pyoit devoir à-un
:RoisipuiíIànt,ne
jugeàpas àproposdéntrerdans
aucun détail desaffeires qui lamenpsent en An-
gleterre? il se cpntéàt^ 4^ démoder en
général
a. ce Prince feprotectionppur son; Ordrç. Tputíe
passa ensuite de lapart duJloi en
lpuangesfur la
défense de Rhodes, plus /glorieuse , .dit le Roiè
que ,1a conquêted une Province entiérje : ôc lors,
•que le Grand Maître vpulut se retirer, ce Prince
30rdonna à ses Officiers deleloger dàns son Palais :
il y fut servi avec lamagnificence
convenable
à sonrang
ôc à l'estime quele Rpifàisoit d'un hoste
íì illustrer
Ils eurentdepuis plusieurs conférences particu-
VlLtlEHfu'p L'ï SI, E*
A p AH,
64 HISTOIRE DE L'ORDRE
lieres au sujet dusiège
de Rhodes, ôc d'un endroit?
nécessaire pourrétablissement du Couvent. Le
Grand Maître lui fit voirque malgré
lapuissance
formidable de Soliman, laReligion
seroit encore
maîtresse de Rhodes , si les Princes Chrétiens*
avoientdaigné y
fairepasser
se moindre secoursï
Il ajouta que manquantde vivres, de munitions
deguerre,
íurtout depoudre, qu'après- avoir vû
périrà la défense de cette Place la
plupartde ses
Chevaliers, ôc même des habitans -, queles Turcs
ayant poufféleurs travaux
jusqu'aumilieu de' la
Place , il s'étoit vû réduit à la derniere extrémité,,
ôc contraint de leur abandonner lepeu
de terrein
quilui restoit y qu'il
s'étoitembarqué
avec les dé*
bris de fa fortune y quedans ce
voyageil avoit été
battu de rudestempêtes -, ôc
que croyant trouver
tin azile dans leport
de Mestine , il en avoit été
chassépar lapeste yqu'en
attendantqu'il
eût trouvé
une retraite sure ôc fixe, sePape
Clément lui avoit
permisde se retirer dans Viterbe y que
lapeste ses
en avoit chassez une seconde fois ; qu'une par-
tie du Couvent, du consentement du Duc de
Savoye,avoit été
reçue dans fa ville de Nice ; que
les vaisseaux ôc lesgalères
de l'Ordre étoient enw
trées dans leport
de Ville-Franche -, queles au-
tres Chevaliers s'étoiént de son consentement di&
persezdánsses différentes Provinces de là Chré^
tienté, oû son Ordreavoit des Commanderies y que
lapeste étánt diminuée à Vitérbe, ils
s'y étoient
rassemblées sous laprotection
du S.Siège y ôc
que
dans une situation lì incertaine Ôc sidéplorable^
l'Emperéurlui offroit géncréusenient
les Istes de:'
Malte
Viitîïits
ÁDÀ M.
DE MALTE. LIV. IX. 6j
Malte ôc de Goze -, maisque
ses Ministres atta^
choient à cette donation des conditionspeu
com-í
patiblesavec
l'indépendancenécessaire dans son -
Ordre , ôcque
les Chevaliers nepouvoient
recon-
noître un Princeparticulier pour
leur Souverain *
fans se rendresuspects
aux autres -, d'ailleursqu'il
nedesesperoit pas
de rentrer dans Rhodes -, qu'il
yavoit actuellement un
partiformé
pouren chas-
ser les Turcs y queles principauxhabitans de llíle y,
ôc même des Officiers de lagarnison
étoient en-
trez dans cette conspiration -yqu'ilne
manquoità~
l'Ordrepour
tenter cetteentreprise que
les fonds-
nécessaires pourlever des
troupes,&
pour équi-
perles vaisseaux de la
Religion y quesi ce
projet
n'avoitpoint
de succès, ilaccepteroit Malte, ôc
qu'il eíperoitde la
générositéde
lEmpereur qu'il
voudroit biendispenser
lOrdre d'un assu jetissement
quidonnoit atteinte à leur liberté, & à cet
esprit
de neutralité dont les Chevaliers soif oientpro-
fession.
Le Roi d'Angleterretrouva se dessein de recon-
quérirRhodes :y digne
ducourage ôc de la vertu
du Grand Maître : ôcpour participer
enquelque
manière à une si nobleentreprise,
il luipromit
vingtmille écus, dont il
paya depuisla valeur en:
canons, ôc en armes à feu. On neparla plus
de sai-
sie , ni d'arrêts des biens de l'Ordre, ôc encore^
moins dedisposer
des Prieurez & des Commande-
ries. Le Roipria
seulement le Grand Maître de-
vouloir bien conférer legrand
Prieuré d'Irlande'
auTurcopiliér appelle
Frère Jean Ranson, quií
avoit déja servi utilement ce Prince dans legou>
Tome IIL %
VltUER*DE t'ls LE-
ADAM-
66 HISTOIRE DE L'ORDRE
vernement de cette líle ,&. quiavoit
íçu paria
douceur aprivoiserles habitans, nation encore fa-
rouche & à demi-barbare.
Le Grand Maître, pour complaireà un Roi
que
lOrdre avoit tant dinterçt deménager , obli-
gease Chevalier Babington,
de rêmettrele Prieuré
d Irlande a Ranson, quien
échangese démit en fa
faveur de la Commanderie de Dinemor, & de la
dignitéde Turcopilier Le Grand paître les fie
en outre convenirque
si Babington parvenoit au
grandPrieuré
d'Angleterre,il se
chargeroiten fa-
veur de Ranson d'unepension annuelle de dix huit
cens livres. Le Roi parut fort content de la dili-
genceôc de lexactitude avec
laquellele Grand,
Maître avoit exécuté cequ'il avoit exigé de lui :
il lui en fit des remercimens , confirma tous les
privilègesde son Ordre : ôc
quandce Prince
prit
congéde lui pour
retourner en Italie,il luienvoya
de íàpart,
& de lapart
de la Reine, un bassin ôc
unecoupe
d'or ,enrichis de
pierreries, que se
Grand Maître remit depuis au trésor de la Re-
ligion.;
;
Le Grand Maître revenoit en Italie aveç la joye
d'avoir maintenu en France, enEspagne,
en Por-
tugalôc en
Angleterreles droits & les
privilèges
de son Ordre, ôc danslefperance de tirer des Sou-
verains de ces Etats, ôc sor-tout duPape,
des for-
cescapables
de faire réussir Tentreprisede Rhodes.
Maispendant que
cet illustre vieillardparcouroit
les principalesCours de
l'Europe,il étoit arrivé
dans Rome différentes révolutions qui ne luiper-
mettoientplusde
pouvoir compterfiir les secours
VltLIERSÎ3E L'IS LE-'
•ADAM.
DE MALTE. LIV. IX, iy
quele Pape lui avoit
promis. Nous avons ditque
Clémentpour
balancer lapuissance
de Charles-E
Quint, devenue formidabledepuis le
gainde la
bataille de Pavie , avoit fait uneLigue pour
Ia
fureté Ôc la liberté de lltalie,avec le Roi deFrance,
celuid'Angleterre,
les Vénitiens , Sforce Duc de
Milan, & les Florentins. On l'avoitappellée
LA
S AIN TE Li GUÉ, parcequéle
Papeétoit à la
tête : ce Pontife , comme laplupart
de sespré-
décesseurs, necraignoit
rien tantque
le rétablis-
sement de lautoritéimpériale
en Italie. Mais les
exploitsde cette
Ligue, parlés différens intérêts
des Alliez , nerépondirent pas
à l'ardeur avec la-
quelleelle avoit été formée.
L'Emperéur parle
moyendes Colonnes ses
par*
tifans , sofeita uneguerre
civile dans ses Etats du?
Papey&ce Pontife retenu
parla crainte de la dé-
pense,s'étant laissé endormir par
un traitéqu'il
fit
avec les Ministres delEmpereur
& les Colonnes 9
congédiales
troupes qu'ilavoit dans la
Romagne.-
Ses ennemis lé voyant deíàrmé,. aupréjudice
de*
leur foi, Ôc du traitéqu'il*
venoient designer,
en-
trèrent en armes dans Rome. Le Cardinal Pom-
pée Colonne, leplus
furieux des ennemis duPapèy
étoit à là tête de ces rebelles :: onprétend qu'il
en?
vouloit à la vie de ce Pontife r que parfa mort ôc
h force des armes,, iïafpiroit
à s'élever sor le trône
de Saint Pierre. LePape
n'eutque
lé tems de se
sauver dans lé ChâteauSaint-Ange y mais Comme
il n'y avoitpas
de vivrespour long-tems , il fut
contraint de recevoir la Loi dé ses ennemis. On
fobligea de signer une trêve dequatre
mois aveç
ï ij;
VlLIÏÎRSDE i/IsJL É*
A © A M-*
f
í
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•r
v
»*
*•
v
íGuicha?dt&
"'/. 17*
a-"
>é8 H ISTOIRE DE L' O R D R E
lEmpereur y depardonner
aux Colonnes, ôc de
donner desotages pour
fureté de faparole.
Mais
il n'en étoitpas
esclave y ôc il n'eutpas plutôt
re-
çu quelquesecours du Roi
d'Angleterre, qu'ilre*
pritles armes, ôc
rompitla trêve , sous
prétexte
qu'onla lui avoit fait
signerle
poignardsor la
gorge,ôc
queles Colonnes sor-tout, qui étoient
vaílàux du SaintSiège,
n'avoientpasjpû
forcer
leur Souverain àcapituler.
Pourvenger
l'insolte
qu'ilslui avoient faite, il commença à faire éclater
son ressentiment en privant solemnellenient Pom-
péeColonne de la
dignitéde Cardinal jil fît mas cher
ensuite contre lesSeigneurs
de ce nom des trou-
pes qu'ilavoit levées de nouveau
pourfa fureté.
Vitelli son Généralravagea
leurs terres, pilla les
Villes & les Châteaux qui appartenoientà cette
Maison, en raza les murailles, & laissapar tout
de funestes marquesdu ressentiment de son Maître.
L'Italie entière étoit enproye
aux différentes
armes delEmpereur
ôc des Confédérez : on ne
peut exprimer les pillages,les violences ôc les in-
humanitez, quetant de
troupesde nations diffé-
rentes exerçoient dans les Provinces oùchaque
partise trou voit le
plusfort. Les soldats n'avoient
souvent pour soldeque
la licence &limpunité :
ôc leurs Généraux consoltoient moins les ordres
qu'ilsrecevoient de leurs Souverains , que
les
moyensde faire subsister leurs troupes.
Le Connétable de Bourbon , Prince duSang
de France, quele
dépitde se voir
persécuté par
Ja mère de François premier,avoit jette dans le
parti del'Emperéur,
nepouvant
fournir à lapaye
V HUER SSE t'is LE-
AD A M.'
DE MALT E. LÏ V\" IX. 69
d'un corps d'arméequ'il commandoit, pour ap-
paiserles
plaintesde ses soldats , leur
promitse
pillaged'une des
plusriches Villes d'Italie, fans
désigner plusouvertement
quelétoit lob jet de
cetteentreprise.
On avoitpeu
vû dé Générauxqui
sansargent
ôc fans donner de solde à leurs trou-
pes , eussentacquis
comme lui leur confiance &
unempire
absolu y mais certain air degrandeur
que produitune haute naissance, &
quele
respect
soittoujours";
íà rare valeur, íàcapacité
dans se
métier de laguerre,
ôc même des manières fami-
lières fans lui faire rienperdre
de íàdignité,
soi
avoient attiré laffection de ses soldatsqui
l'ai-
moient jusqu'àladoration : & ils jurèrent tous de
le suivre, dit Brantôme, quelque part qu'ilvou-
lût aller : Fut-ce y s'écrioienriis,^ tous les diables.
La marche de cette arméequi
s'acheminoit en
diligencevers la Toscane, épouvénta
lePape : il
retomba dans ses incertitudes ordinaires. Les Mi-
nistres delEmpereur
enprofitèrent,
&ils tâchè-
rent de luipersoàder qu'il
ne trouveroit d'avan-
tages solides, & même de fureté, quedans une
étroite alliance avec leur Maître.
-Clément, quoiqu'il
eût déja ététrompé par
ces
Ministres , comme nous le venons de voir, fut
bien aise de les croire, ôc de chasser de sonesprit
des irrésolutionsqui
lui montroient lepéril
fans
lui donner lesmoyens
de léviter : ilsigna
une
nouvelle trêve. Lannoy Viceroi de Naplesavec
lequelil traitoit, lui
répondit qu'iln'avoit
plus
rien à craindre de Bourbon & des autres Géné-
raux delEmpereur.
Il s'en flatta, & ilregarda
ce
ni;
VlLLIERÍDE L'ISXE-
AD A M.
if Mars,
fp Fí í S T O I R E DE L*:Ò R D R E
traité comme une barrière invincible quifermoít
auxtroupes Impériales
lentrée des terres de l'E-
glise. Mais Bourbon, soit de concert avec Lannoyj,
soit contre lavis de ce Ministre, continua fa mar-
che^ &pn le vit bien-tôt auxportes
de Rome. II ;
présenta lesoalade r ôc enappuyant
soi-même une
échelle contre la muraille ^ il reçutun
coupde
mousquet, qui ne lui laifia que deux heures de vie».
Ses soldats furieux de la mort deseur Général>fbr^
cerent» ceuxqui
défendoient la muraille yjíe jet-
terent dam la Ville lépéeà k main ,Sr tuèrent
tout cequi se présenta devant èux. Ils se
répandi-
rent ensoite dans ses differens quartiersde cette
Capitaledu monde chrétien- ils entrèrent dans;
ses maisons *&íàns égard pourlà
dignité ,lâgeout
se sexe, ilsy commirent des eruautez ôc des vio»
sences qu'à peineon auroit
pucraindre des Nat-
tions lespsos barbares.. Ce
quiest de plus déplo^
rabse,.c'est quecette afireuse scène ne dura pas;
seulement vingt-quatreheures „ comme il arrive-
ordinairement dans ses Places emportéesd'aíîàut ;,
mais, que pendant psosdedeux mois les Impériaux
renouvelloiént tous les jours ses mêmes viosences ::
&pour
satisfaire leur avarice ôc leur lubricité, ils
n'épargnèrentni les
íàcrisegesy,ni se viol^ni les,
meurtres desang
froid.
Le Papeavec treize Cardinaux s'étoit
réfugié
dans se Château Saint-Ange :: il s'y vit bien-tôt inv
yesti ^cependant avec cequ'il
avoit de troupes,il
tint près d'un mois ; mais ses vivres luimanquants
il futobligé
decapituler
une seconde fois avec ses»
ennemis»
DE L'ÎSLE*ADAM.
! | -
mmmmMmMmmmmmmwmmmmmmmmmm
15Z7.6 May»
<M11m1 mmm.
1517-
30 Octobre,
DE MALT E. L i v. IX. 71
- Les conditions de ce nouveau traité attroientD
été honteuses si elles nèussent été nécefíàires : les
Impériaux exigèrentde lui
qu'ils
obligeât dépaver
quatre cens mille ducatspour
la solde de l'armée.
On ajouta qu'il déméureroit prisonnier jusqu'à ce
qu'ileût fourni se tiers de cette somme -, qu'il se-
roit ensoite transféré dans le Château de Naples,
pour y attendre cequ'il plàiroit
àl'Emperéur
d'or^
donner de íàpersonne, Ôc qu'il livreroitses Châ-
teauxSaint-Ange, d'Qstie , de Civita - Vecchia,
de Castelane, Ôc les villes de Patine, de Plauance
&deModêne. -
Charles-Quint fut ravi de voir une seconde fois
un de sesplus grands ennemis, tombé dans ses
fers ; mais bien loin de laisser éehaper ses vérita~
blés sentimens , par respect pourla
Religion,il
les couvrit des apparences d'une sensible affliction:
& auxpremières nouvelles qu'il eut de la prison
duPape,
ôc comme si ce Pontife eût été fàit pri-
sonnier pardes Turcs ou des Corsaires, il
prit pu~
bliquementle deuil, ôc fit faire dans toute
l'Eípa-
gnedes Processions solemnelles
pourdemander à
I)ieu fa liberté : afíectation qu'ilppussá tròp loin,
Ôc dont même parmi ses sujets il n'y eut au plus
que se petit peuple qui en fût la dupe.
Pendantqu'il jouoit cette comédie en
Espagne
d'une manière sipeu convenable à un
grandEm-
pereur , de peur queson prisonnier ne soi échap-
pât,il envoya des ordres à Rome qu'pn
en remît
la garde à un vieil OfficierEspagnol, appelle
Alar-
çon, qui avoit été chargé à Madrid de celle de
François premier, Cet Officier n'eut pas moins de
VlLI.IïAJ'DE L'I S-L-H-
ADAX*.
7i HISTOIRE DE LORDRE
duretépour
lePape, qu'il
en avoit faitessuyer
ara'
Roi de France : ôc il secomporta
envers unpri-
sonnier de cetteconséquence,
moins en soldat ôc
en Officier, quecomme auroit
pûfaire un co-
mite ou ungeôlier
de criminels. Mais ce quifut
plus sensible à ce Pontife quele sac de Rome, ôç
íàprison,
c'estqu'il apprit que
les Florentins, aux
premièresnouvelles
qu'ilseurent de ce
quivenoit
de sepasser
à Rome , chassèrent toute la Maison
de Medicis, non seulement de la Ville, mais de
tout l'Etat de Florence, sousprétexte qu'elle y
étoittrop puissante
&trop
autorisée.
L'eípritde
partialla
jusqu'àarracher lés arme»
de cette famille de tous les endroits'oû on les'
avoitplacées
: tout cela se faisoitpar linstigation?
des Ministres delEmpereur.
LéPape eraignoit
mêmeque
songeôlier
n'eût dés ordres secrets de
se défaire de lui j mais on lui doit cette justice ^
qu'iln étoit
pas capablede commettre un si
grand
crime, &qu'en
tenant lePape reserré, & fans lui
accorder le moindre adoucissement dans faprison,,
il ne faisoitque
suivre son humeur farouche ôc dé-
fiante. Il est bien vraique
nousapprenons
d'un-
Historien, quelé Cardinal Colonne le
pressa plu-
sieurs fois de soirepérir ee Pontise : outré
quece-
Cardinal nerefpiroit que vengeance , il se flat-
toit encore de trouver dans cettevengeance
ía-
propreélévation. Mais soit qu'une proposition
ûi
détestable fît justement horreur à cet Officier, ou
que parla mort du
Papeil
craignîtdé'
perdrefa*
partde fa
rançon ,11 est toujours certainqu'il
re-
jetta avec une fermeté invincible lésindignes
sol—
licitatipnsï
VlLlIBUSDE L'IS LE'
A t>A M:
D E M AL TE. L IV. IX75
licitations de ce cruel Cardinal, &que
tàntque
foPape
resta sous íàgarde , il veilla autant à la
conservation de sonprisonnier quàlâsoréfé de'íà
prison.
X.e Grand Maîtrequi étoirami
particulierdu
Pape, attaché étroitement àfàpersonneéc
à ses
intérêts, sot sensiblement tpuché de ladisgrâce de
ce Pontife. D'ailléurs linimitié déclaréequi
étoit
entre lui Ôcl'Emperéur, saprifòn,
laguerre
allu-
npedanstoutes les Provinces d'Italie, lapaitqu'y
prenoient laplupart
des Souverains del'Europe,,,
desligues
8t des traitezqui senégoçioienténmê-
me-tems detouscotez, ne
permettoient guéres aux
Chevaliers de Saint Jean d'eíperer que l'Emperéurdans le tumulte des armes voulût
entendreparler
dé 1 affaire de Malte yôc surtoutque
ce Prince am*
bitieux ôc insatiable de domination se relâchât sor
uneefpeee
de vassalitéqu'il
Vouloitattacher à lin-
feodation de cette Iste. Laplupart
desChevaliers^
ôc surtout les François, dans lacrainte dé tomber
fous lapuissance
de Charles-Quints montroienc:
autantd'éloignement pour Malte, que
lésEspa-
gnolsavoient de
passionde
s'y voir établis. Le
Grand'Maîtrejugea
bienqu'il n'y avoit que lé
Pape qui parses bons offices
pût-obtenir dé lEm-
pereurune cession
pureôc franche; niais
quece
Pontife, tantqu'il
ne seroirpas
réconcilié avec
l'Emperéur,ou ne s'en mêleroit
pas,ou s'en me-
léroir inutilement. Ainsi on résolut dans le Con-
seil de l'Ordre d'attendre du bénéfice du tems uni
éclaircissement dans les affaires del'Europe, quelle
seroir la destinéedu-Pape,
& leparti qu'on pren~
Tome IIL K
'VirtitR^í
-ADAM.
V'ífcl.IEil.S
J4 HlSTOIE-E IDE 1*ORMÍ
droit déçisivement au ínjet de Rhodes oudéMalte*
si îQutrcla;dÌríerénçequilî y avoir eritre ces deux
lises?, soitppuisour grandeur^l'étendue
de leur
domination^ & leurs richesses, se Grand Maître
affligéde íe voir se triste témoin dés guerres
con^
tinuelses entrer ies^PrinçesChtótiènà^ fésouhaitoit
mi íonû dé lAsie ^ feous ses vosux soportoiéntdu
côté de Rhodes:il n'y avoit pas long^ténas qu'ilen
avoit reçu dés nouvelles.
EurimiusMétropolitain
Grec deçìmteMe^e
premiermobise de lentreprise ^ àuífî
inquietdu
retardement, qu'unChef de
partise
péutêtre $. ôc
dans la crainte d'être découverts avoit envoyéau
Crand Maître^, cpuriers sor cpuriers ippuren a;p>
prendredes nouvelles 3 $c pour
en hâter l'execuu
xïon. Le Grand Maître lui récrivitque
la Ré ligioni
prêtant pasenétat de fournir soûle aux frais d'un
sigrand
arme ment, â avoit été obligéde
pàfser.
3uumêmee& france,enEspagneôc eniAngleterré
pour tâcher dén tirerquelque socours^ qup«iar.
moit actuellement les deuxgrandes caraques
de
taReligion*qu'il
soisoit construire eu même tems
tfroisgalères ^ que
la Franéé lui en avoit donné
lesforçats^ l'Ahgleterre ses coursiers 3é fàrtillé-*
rie$ qu'pétoit
obligé de se trouver au Chapitre
^généraide son Ordre
qu'ilavoit convoqué
à Via
íterbe^ mais>quil eíperoir pàroltré peu; âpresdevant
^Rhodes avec une fsotte ôc destroupescapablesd'en;
chaster les infidèles. Ilichàrgeade cette Lettre 1c
Commandeur Bosio,, l'Ambaûadeur ôc leNégo-
ciateurgénéral
de toutes les affaires de FOrdre %
M iiïé fitrepasser
eiì Orient áne secondefbísppu^
J&E- MALTE. LIV, IX. 75-
j?econnoîtrRla disposition desesprits &; afin de
prendreavec les principaux:Habitans de l'Iflè,les
x
dernieres mesuréspour
léxecution d'un dessein si*
important.Les
guerres çontinueises qui agitaient
foute l'Europe,,ne,permirentîpa^íaux Cheva-
Bersqui étoientses plus éloignez; de l^Italie^dé se
rendre auChapitre^le Grand Maître en fit l'ou-
Vérture par un discours également gravé ôc tou-
chant; Ilrappelladans
le souvenir de l'Àstémblée
laperte de Rliodes,, la; d^pfítipn; jde ía^ plupart
des Chevaliers^ lektempêtes qu'il
avoit fallu es-
suyer ,,la peste& la maladie dont le Couvent avoit
étéaffligé >; lavidite des seculiers à envahir le bien;
de l'Ordre,, ôc la crainte d'un avenir encofé plus*
fâcheux si on ne leprévenpit par une résidence:
fixe, ôc dans quelque port dé mer,, d'oû les Che-
valiers ,r en renouveílant laguerre contré les ínfi-
deses ptàlsent auxv Souverains peu affectionnez à
tà Religion *;le prétexte de sempareK de ses biens..
Déplorant ensoiteíàvieilîeíse,sos courses ,fcs voya-
ges yses songstravaux y, le malheur des tems ,,& fe
miser espubliques xFalloitMysècúa. ce
grand hòmv
jné, que je survéeufie à laperte de Rhodes y pour
être encore témoma lxextrémité de ma vie y deladiffi-
pation, @r peut-êtrede la ruine entière d'un Ordre
fi saintement institué3 0-dontlegouvernementma-
voit été confié? Alors adressant laparole
à tous les
Chevaliers, il ses conjura dans les termes lésplus
pressansau nom dé léurs
prédécesseursFondateurs
de l'Ordre, ôcpar
léíàng qu'éuxrmêmes
Ôc leurs
confrères venoient dé répandreà là défense de
Rhodes, de faire cesser des divisionsqui
nepou»
ADAM.
76 HISTOIRE DE L^ORESLE
voientqu'être très-funestes à
laReligBn,&: de se
réunir tous dans un même sentiment au sujet du
choix d'unport pour
la résidence du Couvent.
íXJn discours si touchant , ses cheveuxqui
avoient blanchi à làguerre!
Ôc sous le casque,son
désintéreísernént^ison zélé Ôc son àstéction^nfinie
pouria conservation de l'Ordre, attendrirent tou-
te lAssemblée: ôc comme iln'y av^it que deux
pu rrois desprincipaux
du Conseil <níï fçuísent le
secret de làftairéde Rhodes, toutes les voix dès dif>
ferentes nations se téunirentà, demander àlËmpe-^
reurï:lfle de Malte,mais,franche de toute sujétion b
-& à condition seulement de faire dire tous les ans
«uné Messe solémnelle en mémoire de ce bienfaits
le jour quese
passeroitcette donation, ôc d'en-
voyerà , sonVice-Roi de Sicile un faucon, mais fans
députation,&
par <qui on jugeroità
propos.
On fitpartk auífi-tôt dés
Députez pourla Cour
íde Madrid, quià ces conditions avoient ordre de
•traiter avec les Ministres delEmpereur>, mais ils
ies trouvèrentplus
froids &plus
concertezqu'on,
ne leur avoit faitespérer. Quelque
désirque
lEm-
pereureât d'abord fait
paraîtred'établir l'Ordre
de Saint Jean dans l'Iíle de Malte, ôc de s'en ser-
vir comme d'un boulevartpour
mettre àl'abri des
incursions des Infidèles, la Sicile Ôc les côtes du
Royaume deNaples,
on lui fa craindre depuis que
dans laconjoncture présente,
Scpendant qu'il
étoit
«enguerreavec la France, le Grand Maître, Fran-
çois de nation, n'ouvrît sesports
aux flottes de
François premierôc de ses conféderez, Ôc
qu'ilne
l&ypriíat leursentreprises.
D'ailleurs rattachement
VlLLIER-S»E L'ISL E-
A DAM.
DE MALTE, LIV. IX. 77
des Chevaliers pourles intérêts du Saint
Siège
n'étoitpas
moinssoípect
al'Emperéur.
D'un au-
tre côté célui dèsDéputez
dé cét Ordréqui
avoit
le secret des affaires, ôcqui sçavoit que
lé Grand
Maître conservoit toujours l'eípérancéde rentrer
dans Rhodes, neprestoit pas beaucoup
cette né-
gociation: ainsi
parles différentes vues dé ceux
^qui traitoient, elle traîna encore long-tems,ôc
onjugea
bienque
cettegrandéaffàire
né se con|
cluroitque
dans unepaix géheràlé,
outout au
moinspar
la liberté du Pape, Ôc íà réconciliation
feinte ou véritable aveclEmpereur.
On la eroyoit encore bienéloignée;
mais la
marche de l'armée de France commandéepar
le
Maréchal de Lautrec, quis
avançoitdu côté de
Rome, en hâta le conclusion. Cette armée étoit
composéede
vingt-sixmille hommes de
pied,de
mille hommes d'armesi fanscompter
la Cavale-
rielegere.
Iln'y avoit au contraire dans Rome
qu'unmalheureux reste de
troupes Espagnoles&
Allemandes, quiavoient saccagé
cettegrande
Ville : lepillage
& le butin avoient fait déserter
ungrand
nombre de soldats : il n'en étoitpas
moinspéri par
lacrapule
& la débauche, & des
maladiescontagieuses, qui
infectant alors diffé-
rons cantons delltalie, avoient achevé de ruiner
cette armée.
AinsilEmpereur prévoyant qu'il
nepourroit
pas empêcherles François dé remettre le
Papeen
liberté, voulut s'en faire honneur. Mais comme
son intérêt étoit fortsupérieur
à desimples
vues
degénérosité, il ordonna à ses Ministres en trai-
Kiij
VIXLIEKSDE L'is L E«
ABAM.
15x8.
78HISTOIRE DE L'ORDRE
tant avec lui, d'en tirer tous lesavantages qu'íîk
pourroient. Hugues dé Moncadequi
se trouva
chargéde cette
négociation ^ lui ditqu'il
avoir
ordre del'Emperéur
de le mettre enpleine
liber-
té : ôc mêmepour lui en faire
goûterles
prémi-
ces, il fut moins.resserré. Ilexigea d'abord qu'if
se détachât de laligue,
ôcqu'il reprît
le caractère
depereçommunde
tous les Chrétiens. Iln'y
eut
pas beaucoupde difficulté sor cet article: le
Pape:
peu scrupuleuxsor íà
parole ^pourse tirer d'env
barras, aurpit signétous les jpurs de nouveaux;
traitez. Mais on lui demandaHypolittei
ôc Ale-
xandre de Medicis enotage,,ôc pour
caution de
l'execution du traité. Le Ministre impérial ajoutai
que quoiquece ne fûtpas lintentionde son Mafc-
tre, cependantU ne
pouvpit lui; ouvrir entière-
ment sesportes
de íàprison, qu'il
n'eûtpayé comp-
tant lesquatrecens
mille ducats dont on étoit conv
venu dans leprécédent traité-, ôc
quefans cette
conditionpréalable,
ilcraignoit que
ses soldats de
lEmpereur, la plupart Luthériens, ôc dont il n'é-
toitpas
le maître, n'attentassent à làpersonne
de
Sa Sainteté..
xCe Pontife entendit bience
langagey mais il
craignoitencore
plusMoncade lui-même
queses,
soldats. Pour se tirer plutôtde ses mains, il
pro-
mit depayer comptant quatre-vingts quinze mille
ducats j:de donner une pareille somme quinze jours,
aprêsfa sortie de Rome ,,&le sorplus
dans les trois-
mois soivans. Pour fournir cette somme,il faillite
dit Guichardin, avant de sortir du Château Saint
Ange y aliéner des biens del'Eglise^véndre^paur.-
VILLIERSDE L'ISLE-
AD A M.
DE MALTE. Liv. IX 79
ainsi dire, à lencan, 6^ a detrès-indignes sojets,.
trois; éhapeaux de Cardinal^ ôsrcéla, dit cet Fîisr]
torien, pour soudoyer des Hérétiques auxdépens-
& du consentement du Vicaire <dé Jefos-Christ, í
qui fut encore obligé poursoreté de íà parole de
donner énotage
outre ses/neveux^ psosiéursCar-
dinaux quilui étoient ses
plusattachez.
On fixa au neuf de Décembre le jour qu'il de-
voit être mis en liberté j maiscommemalgré
tous
léstraitezilrégnait départc&:d'aurre une défiance
réciproque,le
Pape craignant queMoncade ne
luimanquât
deparole, pendant qu'il
étoit moins
observé, trouva lemoyen
la nuitprécédente
de
sortir du Château, déguiséen marchand: ôc
ayant
monté sor un chevald'Espagne,
ilgagna
en dili-
gencele Château d'Orviette où il se retira.
Ce Pontifepersuadé qu'il
ne devoit íà liberté
qu'àla faiblesse
des•troupesdé
lEmpereur,& ai
lapprochéde larmée.de France , en écrivit une!
Lettre fortobligeante
au Maréchal de Lautrec :
«& comme sipar
unleger compliment
il eût satis-
fait à sespremiers engagemens..j
il se tint depuis
dans uneeípecède
neutralité , dont ileût été à
áouhaitrer., pour lédificàtson del'Eglise, qu'il
ne
fe fût jamais éloigné. Cependantla
guerreentre
l'Emperéurôc les Confédérez dura encore
présde
deux ansavec differens succès -, maistoujours avec
la même fureur, &: la même animosité.
Pendant ce tems-là3 le Commandeur Bosio, que
le Grand Maître>avoitenvoyé.àiRhodes , comme
nous lavons dit, en révint avec de mauvaises nou-
velles. Leprojet
du Grand Maître avoit été corn-
VlLLIÈRSDE XTSL E-
Guichard;»
l. iS.
Id.ibídy
8o HISTOIRE DE L'ORDRE
muniquéà
tropdé
personnes y ôc lexécution en
avoit ététrop long-tems
différéepour qu'il
em
pûdemeurer secret. Les Turcs en eurent
quelque
soupçon : le GrandSeigneur changea
auíli-tôt la
garnison,fit mourir
plusieursChrétiens Grecs, &<
même des :Mahométans :ôc ce ne futqu'a
vecdes>
peinesinfinies & au travers de mille
périls, que
le Commandeur Bosioput échaper
au»perquisi-
tions du Gouverneur de Rhodes. Pour se consoler
de ce mauvais soecès, ceReligieux
d'ungénie
trèsprofond, & fertile en ressources, proposa
au
Grand Maître le dessein des'emparer
de la ville
de Modon , ôcd'y
transférer la résidence Ôc l'ha-
bitation de l'Ordre.
. Cette Ville située dans la Morée avoitappar-
tenu aux Vénitiens dés lan 1114. BajazetII. s'eiL.
empara en1498. Un Rhodienappelle
Lomelin
Del-Campo,ôc retiré à Messine
depuisla
pertede
Rhodes, fitenvisager
à Bosio à sonpassage pour
cette Iste, qu'ilne seroit
pasdifficile à l'Ordre de
se rendre maître de Modonpar
lemoyen
de deux
Turcs Grecs & Chrétiens de naissance, avec les-
quelsil entretenoit une relation assez
particulière
ausujet du commerce, &
quilui avoient confié
le remorsqu'ils
souffroient d'avoir renoncé à la
foi, & le désir sincère de rentrer dans le sein de
FEglise,si-tôt
qu'ilsen trouveroient l'occasion fa-
vorableique
l'un de cesrenégats appelle Calojan-
commandPit sor leport , ôc
quel'autre
appelle
Scandali, enqualité
degrand
Douannier , étoit
maître de laporté
du molé, ôcque
tous deuxse-
roient ravis de favoriser uneentreprise quiremet-
troit
VULIERSPÏL'ISLE-
A D.A M-
2os.t.3.Ls.
DE MALTE, LIV.IX. SI
troit une Place aussi importante au pouvoir des i
Chrétiens. Boíio toujours vit ôcentreprenant , _
quandil
y alloit des intérêts de faReligion,
vou-
lut reconnoître lui-même la Place ôc 's'aboucher,,
s'il lepouvoit,
avec les deux Turcs. Dans cette
vue ilprit
des Lettres de Lomelinpour
l'un Ôc
l'autre, ôc enpassant proche
dé l'Iíle deSapienza,
quiest
prochela côte méridionale de la Morée,
ôc vis-à-vis d e la ville de Modon, à la faveur d'une
cale, ils'y
tint couvert ,."& envoyaàModondàns
unebarque
depêcheur,
un Rhodien de fa fuite}!
appelleStefi
Marquet, quiremit de fa
partces
Lettres aux. deux Turcs. Ils se rendirent la nuit à
son bord -y il les trouvapleins
d'un sincèrerepen-
tir de leur faute, & résolus del'expier
auxdépens
même de leur vie. Le Commandeur les confirma
dans une sigénéreuse résolution, ôc
aprèsavoir
examiné ensemble les differensmoyens d'exécu-
ter leur projet,ils s'arrêtèrent à celui-ci, qu'à
la
faveur de cetteintelligence Ton cacheroix un nom-
bre de Chevaliers dans des vaisseaux marchands j
jcni unepartie
de ces Chevaliers seroit introduite
la nuit dans la tourqui
commandoit leport,
Ôc
jqueles autres se íaisiroient de la
portedu môle ;
qu'ontireroit ensuite un
coupde canon
poursi-
gnal , ôcque pourlors
la flotte chrétienne cachée
derrière l'Iíle deSapienza, s'avaneeroit, ôc
que
lestroupes, après
êtredébarquées,
entreroient
parla
portedix môle,.se jetteroient
dans la Place,,,
ic s'en rendroient maîtres.
Bosio trouvantbeaucoup
de facilité dans: cette'
«entreprise , donna degrandes louanges
aux deux:
Tome IIL L-
VÏLÌIERSDE l'Is L 1*
ADAM.
$2. Hl ST O I R E DE LOI D R E
renégats.Il les exhorta à
persévérer constamment
dans se desseinque
le Ciel leur avoitinspiré pour
leur salut, & en même tems il leurpromit
de
grandes*récompenses,s'ils contribuoient à la con-
quêtede Modon. Il continua ensuite son voyage ;
ôc à son retour en Italie, il renditcompte
au Grand
Maître de cette 'nouvellenégociation,lui repré-
sentaque
Modon étoit située dans unpays
fertile
ôc abondant, ôc où on pourroits'étendre si l'en-
trepriseavoit un heureux succès y que
la Place n'é-
toit coitímandéepar aucune hauteur voisine y que
la mer l'environnoit de deux cotez, &qu'elle
étoit
separée de la terre fermepar
un fosséqu'on pou-
voitélargir j que
seport
étoitípatieux
ôc assuré
parle
moyend'un
grand môle, ôc deplusieurs
écueilsqui
en défendoient l'éntrée, Ôcque
l'Iíle
de Sapienza en étant voisine, on y pourroitcons
truire une citadelle, quiserviroit d'une fortifica»
fion avancée àlégard
de la ville de Modon.
Le Grand Maître ne rejetta pascette
proposi-
1
tion j mais comme c'étoit unesprit solide, voyant
l'àffaire de Rhodes absolument échouée, ilpré-
fera rétablissement certain de Malte à descípe-
rances incertaines de laconquête
de Modon. Ce-
pendantcomme dans ce dernier
projetil
yvit de
là facilité, il en remit lexecutionaprès qu'il
au-
roitpris possession
des Istes de Malte & de Goze,'
íôc ilenvoya
Bosio auPape
le solliciter de fapart
Scde celle dé tout l'Ordre, de vouloir bien inter-
venir dans le traitéqu'on proposoit
au sojet de
Malte, ôc d'en adoucirpar
son crédit larigueur
des conditions.
VlLlIERSDE i/IsLE-
ApAM.J
D E M A L T E. L I V. I X. t$
Ce Pontifeéloigné
de Rome, épuiséd
argent,
rebuté des malheurs de laguerre, travailloit alors
parun nouveau traité avec
lEmpereur, àréparer
tespertes
: & ce Prince, s'il eûtpû se fier à ía
pa-
role, n'yauroit
paseu d'éloignement : il auroit
même été bien aisepar
une réconciliationd'éclat,
d'effacer du souvenir des Chrétiens le scandale
qu'ilavoit causé
parla
prisonde ce Pontife, &
parle
saccagementaffreux de la ville de Rome.
Clément n'avoit, pourainsi dire, qu'un
endroit
sensible, quiétoit le rétablissement de sa Maison
dans Florence. Charles-Quint leprit
de ce côté-
là : il lui fit offrirMarguerite
d'Autriche fa fille
naturelle pour Alexandre de Medicis, petit neveu,
d'autres disent fils de ce Pontife. Lesnégociateurs
ajoutèrent que lEmpereur s'engageroità le faire
Souverain de la ville ôc de l'Etat de Florence ,-.&.
quedans le cours de l'année
1530, ôc aprèsla cé-
rémonie de son couronnement, il enverroit de^
vant Florence unepuissante armée, commandée
parses
plushabiles Généraux, pour y
faire recon-
noître l'autorité du jeuneAlexandre son neveu.
Despropositions
siavantageuses,
ôc tellesque
le
Papen auroit
pû esoerer, quandmême la
Ligue
auroit été victorieuse, lui firent oublier sesdisgrâ-
ces , ôc lesoutrages
delEmpereur : & il
s'engagea
de son côté, pourcontribuer à une
conquête qui
lui étoit siimportante , de fournir à ses
dépens
pourcette
entreprisehuit mille hommes. Il
pro-
mit en même tems de donner àlEmpereur
lin-
vestiture duRoyaume
deNaples
fans autre rede-
vance annuelle, que d'unehaquenée
blanche : ôc
Lij
VlIIÏERSDE t'I SLE-
ADAM.
1519.
Çuichardiv
l.i9'
PaulofovitI.27.
84 HISTOIRE DE L'ORDRE
il convint avec lesAgens
delEmpereur, qu'il fe
traníporteroità
Bologneau
plustard dans semois
de Janvier de lannée suivante, pour y couronner
solemnellement ce Prince : ce traité futsigné
le
vingt-neufde Juin de lannée 1519. La Duchesse
Lòuise de Savoye mère du Roi, &
Marguerite
d'Autriche y tante de lEmpereur,Gouvernante
des Pays-Bas,en
signèrentun autre à Cambrai au
nom du Roi ôc delEmpereur , qu'on appella
lé
traité des Dames.*
Tel étoit l'état del'Europe , lorsque
Bosio ar~
riva à la Cour duPape : ôc
quoiqueTaffaire de
Rhodes n'eûtpas réussi, ce Pontife fut si content
de la manière dont il lui renditcompte
de sa né-
gociation,ôc de celle
qu'ilavoit commencée
pour
Modon, quecomme il étoit
grand négociateurlui-
même, oupour
mieux dire, qu'ilavoit le
goûtdes
négociacions,sansenavoirnile talent, ni lhabileté,
il le retintauprès
de lui enqualité
de sonCamerier
secret, & il lui ordonna d'écrire au Grand Maître
qu'ilesoeroit d'obtenir de
lEmpereur,à leur en-
trevue aBologne,
l'Iíle de Maltepour son Ordre
avec un affranchissement entier de toutes les con-
ditions onéreuses.que
ses Ministres y voulpient
attacher.L'Emperéur
vers la fin de 1 année, passa
d'Espagneen Italie, ôc se rendit ensuite à
Bologne.
LePape y
fit la cérémonie de son Couronnement:
ils prirentdans leur entrevue des mesorés
pour
établir dans Florence le jeune Medicis enqualité
de Souverain.
LePape voyant
cet heureux acheminement au
rétablissement de fa Maison, recommanda àl'EnW
V1J.1EB.SDE Ì'ÌSX-B-
APAM.
DE MALTE. Liv. IX. 85
pereur avec les instances lesplus pressantes , les ^
intérêts de lOrdre de Saint Jean, danslequel
ilD]
avoit été élevé, ôcqu'il considérait, pour
ainsi~
dire, comme fa seconde Maison.Quoique
l'Em-
peréurfût
peuen
priseaux sollicitations dans lef-
quellesilne
trouvoitpasson interêt-eependantdans
la conjoncture de ía réconciliation avec lePape,
il neput
lui rien refuser: ôc onpeut
direque
céss
à ce Pontifeque
la Maison de Medicis, ôc l'Ordre
de Saint Jean doivent leur rétablissement. Le traité
concernant ses Chevaliers futsigné
levingt-qua-j
tre de Mars à Castel Franco, petiteVille du Bo-
lonois. L'Emperéur y déçlaroitqu'en
considéra-
tion de laffectionparticulière qu'il
avoit toujours;
portéeà cet Ordre, & des services impof tans qu'il
rendoitdepuis
tant de siécles à laRépublique
chré-
tienne, &pour
le mettre en état de les continuer
contre les ennemis de la Foi, il avoit cédé ôc don-
né àperpétuité, tant en son nom
que pourses he-
ijltiers, &pour
ses successeurs, au très-Revérend
Grand Maître dudir Ordre , ôc à laditeReligion
de Saint Jean, comme Fief noble, libre & franc,
les Châteaux, Places ôc Isles deTripoli,Malte
ôc
Goze avec tous leurs territoires & Jurisdictions ,
haute ôc moyenne Justice , ôc droit de vie & de
mort, avec toutes autres maisons, appartenances,
exemptions, privilèges,rentes ôc autres droits ôc
immunitez , à lacharge qu'à lavenir lé: Grand
Maître ôc les Chevaliers tiendroient ces Places de
lui ôc de ses successeurs au Royaume de Sicile,;
comme Fiefs nobles, francs & libres, ôc fans être
obligezà autre chose
qu'àdonner tous les ans au
L iij
V11.1.1ERSDE L'1 S t E^ :
ADAM.
15 3 0.
8ô HISTOIRE DE L'ORDRE
jour de la Tòussaints un Faucon -, ôcque
dans la
vacance de lEvêché de Malte , le Grand Maître
&le Couvent seroient obligezde soi
présenter ôc
à ses soccésseurs troispersonnes pieuses
ôc fçavan-
tes y dont il choisiroit unpour remplir
cette di-
gnité,ôc
quele
préféré;serPit honoré de là
grande
Croix de lOrdre avec leprivilège
en cettequalité
d'entrer dans le Conseil.
Onpeut
voir dans le Livre des Preuves cet acte
tout aulong
: lEmpereurne l'eut
pas plutôt signé
qu'ille remit au Commandeur Bosio, pour
lepor-
ter au Grand Maître. Ce zélé Ministre se mit auíhV
tôt en chemin ; mais commepour
satisfaire son im-
patience& faire une
plus grande diligence,le co-
chet pressoitses chevaux , lecarosse versa, lAm-
bassacseur fut blessé considérablement y ôcpour
sor-
croît de malheur, unChirurgien
mal adroitqui
avoit étéapellé pour
lesaigner,
au lieu d'ouvrir
la veine, luipiqua
1 artèreíans s'enapercevoir,
&
lesang
s'extravasant au travers des chairs & dé%
muscles du bras , yeaufaune enflure
quifut bien-
tôt soivie de lacangréne, qui
termina les jours de
cet excellent homme Mais avantque d'expirer,
il confia à un Gentilhomme Rhodienappelle
Sta-
tigogulo,ôc
quiétoit attaché à fa
personne,le
paquetde
lEmpereur pourle rendre au Grand
Maître , ôc il lechargea
de léxhorter de sapart
à
entretenir toujours lintelligencede Modon, &
dont il étoitpersuadé, dit-il, que
l'Ordre tirèroit
un jour degrands avantages.
Le Rhodiens'acquit-
ta exàctementde fa commission. Ce ne futqu'avec
.une sensible douleurque
le Grand Maîtreapprit
VlLZltKSDE X'is LE-
ADAM.
DE MALTE. LIV. IX. 8?
la mort de Bosio :pour
soivre ses vues, ilenvoya
depuisle même Rhodien à Modon avec de riches
présens pourles deux
renégats.ìl le
chargeade
reeonnoître leur caractère, ladiípoíltipnoû
ils
étoient, Ôc s'ils n'avoientpoint changé
de senti-
ment :'.&. en casquilles
trouvâtpleins
dé fermen-
té, Ôccapables
de toutentreprendre pour
se service
de laReligion, il en devoit tirer
unplandela Ville
Ôc des environs , afin dépouvoir régler
d'avance
l'ordre desattaques.
<
Ce Gentilhommeaprès
avoirdébarqué
à Mo^
don, déguiséen marchand Grec, trouva les deux
Turcs constans ôc inébranlables dans leur résolu-
tion. Ils lui firent voir la facilité delentreprisepâr
l'autoritéqu'ils
avoient l'un dans la tour duport,
ôc l'autrepar
les clefs de laporte
du môlequi
étoient en leurdisposition.
Ils lui direntque
l'en-
trepriseétoit
immanquable, pourvu queles Che-
valiers s'y présentassentavec urì boá
corpsde trou-
pes , capablede vaincre la
garnison Ôc les habi-
tans.Après plusieurs conférences ils convinrent
de remettre ie'xecutíoh de ceprojetvêrs
la finde
lété soivant; afinque
si lé soccés en étoit favo-
rable, comme on avoit sujetde
leíperer,la nou-
velle n'en étantportée
àConstantinople que
dans
l'automné, les Turcs nepussent
se mettre en mer
pendant l'hyver, ôcque
les Chevaliers cuisent le
tems de s'affermir dans leurconquête.
Le Grand Maître & le Conseil n'eurentpas plu-
tôtreçu ôc examiné lé
diplomé quicontenait là
donation de Malte, qu'ils dépêchèrentdeux des
principaux Cpmmahdeurspoureh remercier lEnv
VlÏLIÉRSDE íTs.L í-
AÚ'AU.
88 HISTOIRE DE L'ORDRE
pereurau nom de tout l'Ordre. Ils
envoyèrentem
même-tems unecopie autentique
d'un acté aussi
importantau Prieur Salviáti leur Ambaíîàdeur
à Rome, ôc neveu duPape,
afinquil
en obtînt
la confirmation de cePontisojlepremieiïSuperieur
de l'Ordre. Clément l'aecorda avec beaucoupde
joieen
pleinconsistoire j &
pourrendre cet acte
plus solemnel, ií en fit dresser ôcpublier
une Bulle
en datte du 2.5 Avril. Le Grand Maîtrepeuyde
temsaprès, envoya
en Sieise.dé la partdela Re-
ligion Huguesde
GoponesGénéral dés
galères;
de ÎOrdre_, Ôc Jean Boniface Bailli deManoíque,
de laLangue
de Provence,en qualité d'Ambassa--
deur, pour prêterle serment de fidélité entré: les
mains d'HectorPignatelli,
Duc dé Monteleon,,
Vice-Roi de Sicile. Les Ambassadeurs s'aequittè-
rent de ce devoir danslEglise
de Palerme, ôcaprès
les cérémonies ordinaires ,jls reçurent lacté d'in-
vestitureque
le Vice-Roi leur remit au nom de
l'Emperéur.Ce
Seigneurnomma ensuite six Com*
missairesqui s'embarquèrent sor les mêmes Gale*
res dé; la.Religion, qui avoient apporté les Am*
bassadeurs en Sicile, ôc ils allèrent de concert à
Malte, au Goze & àTripoli,
dont ces Commis-
saires les mirent enpossession.
En vertu des pou*
voirs -qu'ilsavoient du Grand Maître ôc du Con-
seil , ils firent serment en leur nom de conserver aux
habitans ôc aupeuple
de ces Iíles leurs droits^
coutumes ôcprivilèges.
Ils laissèrentpar
ordre du
Grand Maître dans l'Iste de Maltepour
Gouver-
neur ôcCapitaine
d'armes le Commandeur Au^
telio Botigella,ôc le Chevalier
Augustinde Vin^
tiovillepour
son Lieutenant. Ua*
VlLilïRSDEL'I S L E-
ADAM.X
DE MALTE. LIV. IX. 8^
TJ-h OfficierEspagnol appelle AlvarezdeNava,
quicommandoit dans le Château Saint
Ange,
leurayant remis ce Fort, on en confia la
garde
au Commandeur Pierre Piton, qui yentra avec-
unecompagnie
d'Infanterie. Lé Grand Maître
envoya peu après deux galères& tin
galionchar-
gezd'un bon nombre de Chevaliers à
Tripoli,
dont il nommapour
Gouverneur Gaspardde San-
guesse Commandeur d-Aliagne.LesCommissaire*'
aprèsavoir
pourvua îadéfense de cés Placés, íé
rembarquèrent,& se rendirent en Sicile ôc àSa-
ragosse,oùleConseil
pourlacommodité du trans-
portà: Malte s'étoit déja rendu
depuis quelque;
téms.
Le Grand Maître avant sondépart envoya h
Malte ungrand
nombre d'ouvriers ôc de maté-
riauxpour
rétablir lelogement
du Château Saint
Ange^ quiétoit absolument ruiné, & les mêmes
vaisseaux y portèrentde la
poudre ôç dés muni-
tions deguerre.
Maisquand
il futquestion d'y
fairepasser
desgrains,
le Vice-Roi de Sicile exU
geales droits de traite foraine, ôc le Maître de la
monnoye fitsignifier
au Conseilque lEmpereur
ne souffriroitpas qu'on
en battît à Malte à d'autre
coinque
le sien, ôc mêmepar
ses seuls Officiers^
Ces difficultez retardèrent ledépart
de tous les>
Chevaliers. Le Grand Maître ôc le Conseiln'igno~
roientpas que
Malte ne pouvoitsubsister sans le
secours des bleds de la,Sicile, ôc ilsregardèrent
ces droits de traites dont les habitans de Malte en
qualitéde
regnicolesde la Sicile avoient tóujour9
été affranchis,comme unimpôt.
&.un tribut ina
Tome III. M*
VlILÍER?DE L'Is L K-
ADAM.
9© HISTOIRE DE L* O R D R E
direct auquella Religion
alloit être assujettie."
Ils n'étoieat pas moinsindignez qu'on préten-
dît priver un Ordre libré §c souverain des droits
de battre monnoycí tout celafà-isoit craindreque
l'Emperéur 9 Prince dangereuxdans ses traitezíyâç
dont sesparoles,
en aparenpplés
plus claires ^ ca-
choient souvent deséquivoques,
ne so fît un jour
un droit de ces prétentions,ôc
c|u'ilne s'en ser-^
vitpour ténirl'Otdre dans une
dépendanceabso-
lue. Depareilles réflexions àllaîfmerent la plûparc
des Chevaliers j il y en avoit plusieurs qui soute-
noientque
la Religion ne conservéroit jamais fa
liberté dans levoisinage d'un prince si àiinpitseux
ôc sipuissant ; d'autres
plus emportez,Ôc
quiou-
troient les choses, disoient hautementqu'il
fàlloit
romprele traité j que Malteétpit unelíle stérile,
ou plutôt unrocher pû ilsmourrpient de faimr que
les deux élemens de la nourriture de l'homme, se
painôc seau y mànquoiént,
&que
leprésent que
Charles-Quint leur avoit fait, né valoitpas se
parr
chemin qu'on avoit employéà écrire l'acte dé do-
nation. Mais le Grand Maître & le Conseil plu*
sages & plus mesorez dans leurs vues ôc dans leurs
paroles, jugèrentà propos de s'éclaircir desinten*
rions de l'Emperéur parlui-mêmet òn luidépêcha
exprèsdeux Ambassadeurs, & ces Ministres furent
chargezde lui
représenter queSa Majesté Impé-
rialen'ignorait pas que
bien loin de tirer aucune
utilité des Istes de Malte, de Goze ôc de la ville
de Tripoli, elle dépenfeit tous les ansplus
de trois
censquarante
mille livres pour entretenir ses gar-
íîtfons des Places ôc des Châteaux-, queses habi-
VlttlERSJDÊ LÏ.Sl B
•ADAM.
DE MALTE. LIV. IX. 91
tans n'y auroient jamais pû subsister, s'ils n'avoient
été reconnus de tout tems pour regnicolesde la
r
Sicile, & si en cettequalité
ils n'avoientpas joui
*
de la traite libre desgrains -yque
laReligion
avoit
étésurprise qu'on
voulût rendre íà conditionpire
quecellédes
peuples qu'on lui©fîroit pour sojets^
qu'ilne
paroiísoit pasmoins extraordinaire
que
parl'acte de donation l'Ordre fût reconnu
pour
souverain, ôccependant qu'on
voulûtl'empêcher
de battremonnoye , ôc le
priver parlà d'un dés
plusbeaux droits régaliens*
ôc dont le Grand Prieur
d'Allemagne jouissoitmême pleinementdans l'Ern-
pire.On ordonna aux Ambassadeurs détenir fer-
me sor ces deux articles, Ôcpar
une instructioni
particulièreon ses
chargea exprestement,en cas;
que lEmpereurne voulût pas se relâcher des
pré-
tentions de ses ministres, de lui remettre sor le
champl'acte de fa donation,, de
prendre congé
de ce Prince, Ôc de s'en revenir austî-tôt.
Ces deux Ministres étant arrivez à là Cour dé:
PEmpereur,.ôc admis à son-Audience,, au lieu de
luiparler;
d'abord duprincipal sojet de leur
voya-
ge,lui dirent
qu'ilsétoient
envoyez parleurs S u-
Î)erieurs
pourremercier Sa Majesté Impériale
de
•exactitude & de là facilitéque
ses Commissaires
avoientapportée pour
mettre làReligion
enposi
session des Istes ôc des Placesqu'il
avoit eu là bonté
de lui céder, ôcque
le Grand Maître étoit à la
veille de s'y transporteravec tout le Couvent. Ils
ajoutèrent ensuitequ'il
seroit même déja* partis
$il n'étoit survenuquelques difficultez; que
se Vice-
Roi de Sicile n'avoit fait naître que parle zélé
pougr' '
M.ij;
VlítlERSDE L'ISX î
À D A U.
9i HISTOIRE DE L'ORDRE
son service -ymaisque
tout lOrdreeíperoit que
Sa Majesté parune fuite de ses bontez voudroit
foien se résoudre ôc terminer là-dessus.Après
lui
.avoirrapporté en
peude
parolesen
quoicon-
'iìstoient lesprétentions
du Vice-Roi, comme ít
^Empereurm'en eût
pas été^instruit, ils lui insi^
muèrent adroitementque quoique
le Grand Maî-
tre & le Conseil connussent bien limportance ôc
leprix
de la donation de l'Iíle de Malte^, cepen-
dantquel'acceptation
ne s'étoitpas
faitepar
un
consentement unanime de tous ses Chevaliers;}
queles François surtout élevez à Rhodes á&dàns
l'indépendance que produitune
pleinesouverain
necé, en avoienttémoigné
leplus d'éloignement ;
qu'ilétoit à craindre
qu'ilsne se fissent un pré~
texte des différentesprétentions
du Vice-Roipour
s'opposerà la translation du Conseil y que
Sa Ma^
-jesté Imperiase isignoroit pas quedans une Ré-
publiquelibre &
composéede Chevaliers de dif-
férentes .Nations, & élevez dans une certaine hau-
teur decourage , les
Supérieursne dévoient user
de leur autoritéqu'avec
un extrêmeménagement,
.& surtout dans une affaire oùchaque particulier
se çroyoit aussi intéresséque
ses. Supérieurs : ce
^qui engageoitle Grand Maître ôc le Conseil à
conjurer Sa Majesté d'achever lui-même son ou-
vragé,Sc de vouloir bien lever
parsa souveraine
autorité les obstaclesqueformoient
sesr Ministres.
Ils.finirent en l'assurantqu'il
trouveròit dans la
reconnaissance libre ôc volontaire des Chevaliers
£c dans leur zèlepour
la défense de ses Etats con-
tre les infidèles^ un
dédommagementbien supe-
VlLLIBRSÌ)E L'IS I E-
ADAM-
DE MALTE. LIV. IX. 93
îticur à toutes lesprétentions
du Vice-Roi. ^
Quoique l'Emperéuren cédant à l'Ordre de S.
Jean l'Iíle de Malte, eûtpour objet d'en faire un
boulevardqui
couvriroit ses Etats de Sicile Ôc de
Naples y cependantce Prince ne se relâchait ja^
mais sor le moindre intérêt, quedans la vue d'en
tirer un plus considérable. Il tint ferme sor ses
prétentions du Vice-Roi, ôc il crutque
laffàiré
étoittrop engagée pour que l'Ordre fur le refus
dé ces deux articles, rompîtle traité. Ainsi pour
augmenterses droits de traite il déclara qu'il
ne
pouvoitconsentir
quela
Religiontirât du bled
de la Sicile, à moins depayer
une somme dont
011 conviendroitpar chaque
tonneau y ôcpour
se
procurerune
espècede droit de souveraineté sur la
Religíon,il ajouta qu'ilne souffriroit
point quel'Or-
dre battît monnoye, niqu'aucune
autre eût cours
dans l'Iíle, quecelle
quiseroit
frappéeà son coin.
Si ces deux Ministres eussent soivi aupied
de la
lettre leur instruction, toutenégociation
auroit
étérompue y mais ils la trouvèrent assez
impor-
tante pour demander de nouveaux ordres au Con-,
feil. Ils en écrivirent endiligence
au Grand Maî-
tre , quien fit part
auífi-tôt auPape
leprotecteur
de laReligion.
Ce Pontifedépêcha
àlEmpereur
le Prieur Salviati son neveu, quirésidoit
auprès
de Sa Sainteté de lapart
du Grand Maître & de
tout lOrdre - ôc ce Ministre se servit si utilement
du créditqu'avoit
alors lePape auprès
de l'Empe-
jreur, qu'il en obtintuii nouveau traité, où les deux
articles concernant la traite du bled Ôc la mon-
iioye furent inserez en faveur de laReligion.
M iij
VlLLÍER'5DE L'is t S-
AD A M.
94 HISTOIRE DE i/O R D R 1
ll nemanquoit plus pour
lentier établissement
des Chevaliers dans Malte, quese passage
du
iGrand Maître, du Conseil ôc de tous les Cheva-
liers dans cette Isle. Onembarqua
d'abord sorcinq
galère^ , sor deuxgrandes caraques , ôc sor diffe-
rens vaisseaux detransport,
cepeuple
de Rhodes,
quis'étoit attaché à la fortune Ôc à la fuite de la.
Religion.,On mit dans lés vaisseaux ks effets ôc.:
lés titres de l'Ordre avec des meubles, des vivres-
& des munitions deguerre
Ôc de bouche. Un <
grand nombre de Chevaliers^ ôc detroupes qui,
étoient à leur solde,., passèrentfur cette petite
flot te, ; quiavant,
que d'arriver, essuyaune fu-
rieuse tempête ,. danslaquelle,
unegalère qui
échoua contre un écueil,, fut entièrement bri-
sée. Wne descaraques pensa
aufíipérir j.elle étoit
déja entrée dans leport
de Malte , lorsqu'ils'é-.
leva des vents si. viosents, que quoiqu'ellefût ar~;
nêtéepar
trois ancres, ses cables serompirent y ôc
aprèsavoir été
pousséedeux fois contre terre,
ellés'enfonça dans le íàblé. On là
croyóit per-
due -y mais un vent contraire Ià releva , ôc on là
remit à flots fansque
lécorps
du vaisseau se trou-
vâtendommagé.
Ceuxqui
tournent tout en au-
gures,,ne manquèrent pasdé
publier quele Ciel
parcet événement particulier , sembloit
désigner
là destinée de lOrdre, qui aprèsavoir
essuyétant
dorages&
depérilsvse jSxeroitenfin heureusement
dans l'Iíle de Malte..
Cette Iste est située àquarante-six degrez
de lon-
gitude , ôc àtrente-cinq degrez
dix minutes de la^
tftudéSeptentrionale
: elle a la mer Méditerranée
ViLLIERSD* L'ISX-B-
AD A U*
DE MALTE. LIV. IX.95
-a lOrient, qui regardel'Iíle de Candie •. la Sicile ?
quin'en est
éloignée quede
quinze lieues, auSep-
°
tentrion y Tripolidé Barbarie au
Midi, ôc les Istes"
de Pantalarée, de Linpse & deLampadouse, a
l'Occident : Ôc cet endroit de la mercpii sépare
-cette líle de la Sicile, estappcllécommunément le
canal de Malte. Suivantla tradition dupays, cette
líle avoit été anciennement sous la domination
d'un Prince ^Africain appelleBattus. Les Carthar
ginoiss'en
emparèrent depuis j &dans le temsque
les Chevaliers de Saint Jean s'en mirent enpos-
session, ony trouvoit encore sor des morceaux
de marbre ôc de colonnes brisées, désinscriptions
enLangue Punique.
Lés Romainspendant les
guerres dé Sicile en chassèrent lesCarthaginois*
Depuisla décadence de
lEmpire, ôc vers se neu-
vième siécle, les Arabes s'enemparèrent. Roger
le Normand Comte de Sicile, vers lan 1190, con-
quit cette Iste sor ces barbares ; ôcdepuis
ce tems*
la, elle demeura annexée au Royaume de Sicile,
dont elle suivit toujours la fortune.
Le Grand Maître, le Conseil & lesprincipaux
-
Commandeurs entrèrent dans legrand port
le
vingt-six Octobre y ôcaprès
êtredébarquez,
ils
allèrent droit àlEglise
Paroissiale de Saint Lau-
rent, Après yavoir rendu leurs
premiers hom-
magesà celui que l'Ordre feconnoulbit
pourson
unique Souverain, on se rendit auBourg
situé au
pied du ChâteauSaint-Ange. A peine
le Grand
Maîtrey put
trouver une maisonpour
séloges ^
ce n étoientque
des cabanespour
despêcheurs,
danslesquelles les Commandeurs ôc ses Chevaliers
V1H.1ER.SDE t'ISLSr
ADAÍC
I53O.x<5Octobre.
96 H I S T O I RE D E LORD RE
sedispersèrent.
Le Grand Maître selogea
dans le-
Château :quelques jours
1après
son entrée, il fut
prendre possessionde lâ
Capitalesituée
plùsavant
dans lesterres, ôc environ au milieu de l'Iíle. Elle
estappellée par
Ptolomée Melita, du nom com*
mun à toute llfle j d'autres la nomment la Killè
notable. Onprétend que
cetteCapitale
n'avoìí*
pas treize cens pasde circuit : c'étoit la résidence
ordinaire del'Evêque.
Le Grand Maîtreaprès y
avoir fait reconnoître son autorité , parcourut
toute l'Iílepour trouver un endroit sor ôc conw
mode, oû ilpût
établir le Conseil &.le Corpsen*
tie-r. 1des Chevalier St.'
Nous avons ditque
lès deuxplus grands ports
étoientséparez par
unelangue
de terre;,ou par
un rocher, appelle Mont-Scéberrasy quiUesconu
niandoit. Cette situationparoissòit
très commode
pour y fonder ôc y construire unenouvellé ville* Lé
Grand Maître eût bien voulu, en casque
lOrdre
pûtsubsister dans cette Iste, établir en cet endroit
le Couvent -, mais comme unpareil dessein, tout
utilèqu'il
futjugé,
étoit audestus dès forces dé là-
Religion,il fallut dans ces commencemens
que
lé Grand Maître ôc le Conseil se fixassent dans le
ChâteauSaint-Ange,
là seule Place dé défensequ'il
y<eût dans cette Iflé, & lésChevaliers s'étendirent
dans leBourg qui
étoit situé aupied
dé ce fort : ce
fut leurpremière
résidence. Cettebourgade
étoit
fans fortifications, Ôc commandée de tous côtezt.
Pour n'êtrepas surpris par
des Corsaires, le Grand
Maître la fit enfermer de murailles : ony ajouta
depuisdes flancs avec des reílàuls d'espace
en e£
pace3î
VlLLIEKS»E l'lsi.1-
A'D A M.
DE MALTE. LIV. IX. 97
pace,ôc
par rapportà
linégálitéôc à la
pentedu
terrein. Le dessein du Grand Maître n'étoitpas
de
s'arrêter long-temsen cet endroit : ilvouloit,avant
quede
s'yfixer absolument, tenter
lentreprisede
Modon, ville riche, peuplée -yôc cequi
le flattoit
leplus, peu éloignée
de Rhodes, quela
Religion
auroitpû surprendre
à la faveur dequelque guerre
civile entre les Turcs, ou même dans d'autres con-
jonctures , attaquerà force ouverte. En cas
que
l'éntreprise de Modonmanquât y ôc que
la Reli-
gionfût réduite à rester à Malte, son
projetétoit
de construire une nouvelle Ville dans cettepointe
de rocher dont nous venons de parler, ôcqu'on
appelloitle Mont-Seéberras. Mais les
dépenses
immensesque
laReligion avoit faites
depuishuit
anspour
faire subsister en Italie les Rhodiens ôi
les Chevaliers y ses différentes translations, de Can-
die à Messine, de Messine à Civita-Vécchia, de-là
àViterbe, de Viterbe à Nice, à Ville-Franche >
ôc en d'autres Places d'Italie , ôc même de Sicile,
oû les Chevaliers, poufsubsister
plus aisément,
avec lapermission
du Grand Maître s'étoient dis-
persez j tànt de courses, devoyages,
de transla-
tions d'unpeuple
entierquicomposoit
cette colo-
nie , avoientépuisé
le trésor de l'Ordre, ôc neper-
mettoientpas
au Grand Maître depouvoir
exé-
cuter un sigrand projet.
Tout cequ'il voyoit mê-
me dans ïìíle de Malte, l'endégoutcit
: la stéri-
lité de terroir y lepain qu'il faloit, pour
ainsi dire,
aller chercherjusqu'en
Sicile -, lapauvretédes
ha-
bitans yleurs manièressauvages
ôcgrossières ynulle
place de défense si on étoit attaqué -, de si tristes
> l Tome III. N•M' k >>T'* .-
VlLtlIXSDí L'1SL«T
ADAM..-: 1—
9$HISTOIRE DE L'ORDRE
considérations laffligeoient sensiblement, ôcrap-
"
pellosentavec douleur dans son
espritle souvenir
-de Rhodes, abondante en
grains,riche
parson
grand commerce, puissante parses flottes ôc ses
arméniens, ôc lacapitale
decinq
ou six autres
Istes ou Places, dont la moindre étoit bien mieux
fortifiéeque
Malte. Mais comme l'Iíle-Adam
avoit un courage& une
grandeurd'ame su-
périeursaux
plusfâcheux évenemens, il
prit gé-
néreusement sonparti-yôc
fansperdre
de vue l'en^
treprifede Modon, il donnait tous ses soins à cons
truirequelques
maisons pourle
logementdes Che-
valiers, afin de leur rendre se séjour de cette lue
plus supportable.Ce fut de ce dernier établisse-
mentqu'ils prirent
le nom de Malte au lieu de
celui de Chevaliers de Rhodes, qu'ilsavoient il-
lustrépar
tant degrandes
actionspendant plus
de deux siécles.
VllLIERSDE LÍs LE
A p A M.
'fin du neuvième Livre»
DE M A L T E. L I V* X. n
LIVRE DIXIEME.
LE
Grand Maître n'eutpas plutôt donné les
ordres nécessairespour
la défense dé l'Iste de*
Malte,quil
passaà celle du Goze: il la
parcourut,
visita les endroits où les Corsairespouv
oient fairé
quelques descentes, yordonna des retranche-
mens, fit entrer dans le Châteauplusieurs pièces
d'artillerie ôc des munitions deguerre ôc de bou-
che , laissa dans cette Place unecompagnie
d'In-
fanterie: &après
avoir exhorté les habitans à con-
server une fidélité inviolable à l'Ordre, ilrepassa
à Malte, & étendit aussi-tôt ses vues & ses soins
sor Tripoli,cetteville
d'Afriquedont on a vû
que
parfa foiblesse ôc son
éloignement l'Ordre avoit'
eu tant depeine
à secharger.
Nous avons ditque
le ChevalierSanguefle y
avoit été établipour
Gouverneur par ses Com-
missaires, quiau nom de lOrdre en
prirent pos.
session. Le Grand Maître en luienvoyant de nou-
veaux secours se confirma dans cetemploi : on
nepouvoit gueres
le remettre en de meilleures
mains : e étoit un ancien Chevalierqui
s'étoit
signaléau dernier
siègede Rhodes
par plusieurs
actions de valeur,.& quicombattant sous lés or-
dres du Grand Maîtrependant
unsiège si
longôc
íi meurtrier, avoitacquis
l'art dé conserver les
Placesqui
lui seroient confiées. Ce Commandeur
se trouvant resserré dansTripoli par
d'autres villes
voisines ôcpar
desbourgades
toutes habitéespar
Nij
VlttlIRSDE i/IsL'1-
A D A M.
I53O.
Fanelius de
, rébusstcttlis,l.r.
'Boft.3.1.^
ÏOO HISTOIRE DE L'OR DR E
dés Infidèles&par
despeuples
autrefois sojets des
Rois de Thunis, envoyoitsouvent contre ces Afri»
cains ôc sor leur territoire differenspartis pour
ra-
vagerla
campagne.
Parmi ces villesoccupées par
des Mahomé-
tans, Gienzor ôc Tachiora ou Tachore s'étoient
soustraitesdepuis quelques
années de la doiíii-
'nation des Rois de Thunis: lagarnison
de Tri-
polisoisoit souvent des
prisonniers ic du butin
jusqu'aux portesde ces Places. Lés habitans dé
Gienzor fatiguez parles
entreprisescontinuelles
de ces incommodes voisins , traitèrent avec euxj:
ôc moyennant certaine contribution dont on con-
vint , Sanguessêdu consentement du Grand Maî-
tre leur accorda lapaix,
& étendit de ce côté-là
la liberté du commerce.
LeSeigneur
de Tachoreplus puissant que
ceux
de Gienzor , ôc maître d'un bonport,
ne voulut
point entendreparler
de tribut. Le territoire dé
ceChèque
OuSeigneur
de Tachore, du côté de
Tripoli, eonsistoit dans unegrande plaine qui
s'étendoit àquatre
lieues de cette Ville vers le
Levant. Cettegrande campagne
étoitremplie
de
Villages quifournissoient à leur
Seigneurun assez
grand nombre de Cavaliers ôcd'Arquebusiers
fort
braves, ôc dont leprincipal
exercice étoit de voler;
ils en vinrent souvent aux mains avec les Maltois :
chaque partidressoit des embûches à ses voisins.
Jout cela sepassa
d abord avec assezpeu
de perte
depart
& d'autre, si on enexcepte
la mort du
Chevalier de Harlai de laLanguedéFrance, qu'un
excès decourage
ôctrpp peu
deprécaution
fit
VlLLTERSDE r'IsLE-
AD A M.
Isíl.
DE MALT E. Liv. X. toi
périravec la
troupe qu'il commandoit dans une
embuscade des Tachorizains.
Nous ne nous serionspas
arrêtez à cescourses
ordinaires entre despeuples
voisins ôc de différente
Religion,si ces
petites guerresn'en avoient causé
dans, la fuite de bienplus importantes, & dans
lesquellesnous verrons
queles armes des Cheva-
liers de S. Jean ne furentpas
moins utiles auxPrinces
Chrétiens dans cette troisièmepartie
du monde,
qu'elles1 avoient été dans l'Asié &
pendantle sé-
jour quela
Religionavoit fait d'abord dans là
Palestine, ôc ensuite dans l'Iíle de Rhodes.
Il y avoit déjà quelquetems
quedes
guerres
civiles s'étant élevées dans les Etats d'Alger& de
Thunis, les Turcs Ottomans, ouplutôt
des Cor-
saires sous leur nom , pour profiterde ces divi-
sions, s'étoientemparez
deplusieurs
Places situées
le long des côtes de Barbarie i plusieurs Cheva-
tì o A . .' r-s; . -,,,• ,
itérs, ôc ceux memequi
avoienttémoigne plus
d'éloignement pourse
chargerde la défense de
Tripoli, proposèrentalors au Grand Maître de
Í>orter
de ce côté tout leffort des armes de laRe-
igion,ôc ils lui
représentèrent quelOrdre né
pourroit jamais conserver Une Place aussi foiblé
que Tripoli,ôc surtout sans territoire, à moins
de la couvrirpar
de nouvellesconquêtes , &
par
une étendue depays qui pût
fournir a la subsis-
tance de lagarnison.
Ceprojet
n'étoitpas
íàns
fondement y mais outreque
le Grand Maître, avant
quede
s'engagerdans cette
guerre,étoit bien
aise de laister affoiblir ces Infidèles Ôc se rui-
ner réciproquement , il étoit d'ailleurs actuel-
Niij
VILLIEB.5»E tlSLE-A D AM.
ioi HISTOIRE DE L'ORDRE
lement occupé parun dessein formé
depuis long-'
tems, ôc dont ilesperoit par
le succès, queíà
Religion pourroittirer un
avantage plusconsi-
dérable. t
Modon attirait alors toute son attention^c étoit
l'unique objetde ses désirs y ôc tout ce
qui pou-
voit lapprocherde Rhodes paroissoit
à lésyeux
comme une autre même Rhodes.ou du moins com-
me un moyen qui pourroitun
jourlui, en faciliter
laconquête.
Ainsi avantque
de fixer absolument
fa résidence dans l'Iíle de Malte, Ôc avantque
d'en-
gagerson Ordre dans les
dépensesimmenses ôc
nécessaires pourmettre hors dinsulte cette líle ou-
verte de tous cotez, il résolut à la faveur des in-
telligences qu'ilavoit dans Modon, de tâcher de
surprendrecette Place.
Dans cette vue ilprit
à la solde de laReligion
un bon nombre de soldatsqui
venaient de servir
ausiège
de Florence, quese
Papeôc
l'Emperéur
avoient entreprisde concert yôc ces deux Princes
aprèss'être rendu maîtres de cette
grande Ville,
y avoientrétabli 1 autorité des Medicis. Le Cheval-
lier Salviatiparent
de ce Pontife & Prieur de Ro-
me, parordre du Grand Maître amena ces trou*
pesà Malte sor six
galèresbien armées, dont il y
cn.avoit trois à l'Ordre. Le Vice-Roi de Sicile avoit
prêtéla
quatrième,Ôc
JacquesGrimaldi Seigneur
Génois, ôcgrand
homme de mer en avoit loué
deux autresqui
luiappartenoient, moyennant
mille écuspar mois, ôc on étoit convenu
qu'illes
commanderoit enpersonne
tantquedureroitcette
expédition»
VlLII.ÏRÍ ]DE L'ISIE-
ADA M. 1
~]
B os. t. 3.1.6.
DE MALTE. L I V. X. 105
Le Grand Maître nepouvant quitter
Malte dont
saprésence
faisoit laprincipale force , nomma
pourGénéral de
lentreprisele Prieur de Rome :
& le Chevalier de Boniface , Bailli deManosque,
devoit avoir le commandement de la flottepen-
dantque
le Général seroit à terre, ôc attaché à
('attaquede Modon: des
brigantinsdé différente
grandeur, chargezde
troupesôc de munitions de
guerre,dévoient
accompagnerles galères y ôc on
confia deux vaisseaux marchandschargez
deplan-
ches, &: destinezpour
lexecution delentreprise à
Jean Scandais, Chrétien Grec de l'Iíle de Zante,
ôc fils d'un des deuxrenégats,
ôc à Janni-Necoîo
austì Chrétien Grec , tous deux connus à Modon
parle commerce
fréquent qu'ils y faiíoient.
Outre ungrand
nombre de Chevaliers, qui
s'embarquèrent pourcette
expédition,le Vicomte
Cigale,fameux armateur, & frère du Cardinal de
ce nom, offrit ses services au Grand Maître, ôc il
joignitla flotte de l'Ordre aveç deux galères bien
armées, quilui
appartenoient,ôc
qu'ilcommanda
enpersonne.
Avantque
cet armement sortît desports,
on
tint plusieursconseils au sujet de lexecution de
Cetteentreprise -,ôc
aprèsdifferens projets,
le Grand
Maître s'arrêta à celui-ci, queles
galères, brigan-
tins , gripsôc autres
petitsnavires se tiendroient
cachez lelong
des côtes de lapetite
líle de Sa-
pienza , située vis-à-vis Modon j quesor le soir ôc
prochede la nuit, on seroit avancer deux navires
marchandschargez en
apparencede bois í:. de
planches $ mais souslesquelles
il y auroit un bon
VIIIIERSDE Lis t E-
AD A M.
io4HISTOIRE DE L*ORDRE
nombre de Chevaliers ôc de braves soldats cachez ;
quele jeune Scandali, sous
prétextede demander
pratique , ôc de concert avec sonpère,
se rendroit
aupied
de la tour du môle, quiétoit environ à
cinqcens
pasde la Place, ôc
qu'ils'en
empare-
roit -, quele
compagnondu jeune Scandali se
pré-
fenteroit d'un autre côté à lentrée duport ; Ôc
qu'aprèsavoir essuyé pour
la forme Ja visite de
Quir Calojanl'autre
renégat , Directeur de la
Douanne, il se retireroit à la faveur de la nuit dans
fa maison y quele lendemain à louverture de
laporte,
lestroupes qui
étoient cachées dans ces
deuxbrigantins,
sejoindroient pour
se rendre
maître de cetteporte -yqu'on
tireroit aufsi-tôt un
coupde canon
pouren donner avis au Général,
quià l'instant
partiroitde liste de
Sapienza,dé-
barqueroitses
troupesôc se jetteroit dans la Place
par la porte quiauroit été
surprise.
Le Prieur de Rome quiétoit
chargéde cette
expédition, partitdu
portde Malte le dix -
sept
Août -,Ôcaprès
avoir voguéheureusement
pendant
quelques jours, il ne voulut arriverque
de nuit
à l'Iíle deSapienza.
Il cacha fapetite
flotte dans
la cale de l'Iíle laplus
couverte r ôcaprès avoir
desarboré sesgalères,
ilenvoya
à Modon Strali-
gopule &Marquet,ces deux Rhodiens dont nous
avonsparlé y afin de reconnoître si les deux rené-
gatsn'avoient point changé
dedisposition , ôc
s'ils étoient toujours maîtres de leurspostes
& en
état de tenir leurparole.
Les deux Rhodiens dé-
guisezen marchands, entrèrent dans
Modon,
virent les deux Grecsrenégats ; ôc ses ayant trou-
ve»
Vn.tiT.RSDE i'is L E-
A D A M-
1531.
17 Aoùt.
DE MALTE. LIV. X. 105
ycz fermes, inébranlables, & même danslimpa-
tience de sesignaler
dans lexecution de cette en-
treprise , ils lesengagent
àpasser
avec eux dans
lìfle deSapienza pour en conférer avec le Prieur
de Rome. Ce Général lesreçut bien y ôc
après
leur avoir confirmé de lapart
du Grand Maître,
sespromesses
d'unemagnifique récompense,que
les deux Rhodiens leur avoient faites , il leurpro-
posa différentes difficultezaufquellesils
satisfirent
pleinement.Ils ajoutèrent que
tout consistoitdans
Iadiligence
&:lapromptitude
de lexecution\ Ôc
pour ydéterminer Salviati, ils lui
représentèrent
quelOrdre n'avoit
manqué lentreprisesor Rho-
des , que parfa senteur ôc son
tropde
précaution.
Mais ce Généralcraignant
une double intelli*
gence,ôc
queces deux Grecs, après
avoir renoncé
a lafoi, ne fissent
pas scrupulede le trahir & de
le livrer aux Turcs, ilexigea d'eux, avant
quede
s'engager plus avant, qu'ilsconduisissent à Modon
le Commandeur Sciatese, Romain, le Chevalier
de Broc, François, ôc de laLangue
de Provence,
Ôc leSeigneur Jacques Grimaldi; afin
qu'étantsor
les lieux, ilspussent
tous trois reconnoître s'ily
avoit fureté dans cetteentreprise, ôc convenir en-
suite des dernieres mesurespour
ledébarquement
destroupes,
ôcl'attaque
de la Place.
Ces deuxrenégats
avec les Chevaliersdégui-
sez en marchands, abordèrent sor le soir auport
de Modon, comme s'ils sossent revenuspour
les
affaires de leur commerce, de l'Iíle deSapienza.
Scandali sepère,qui
commandoit dans la tour du
mole,sous prétexte d'ydonner à
souperà ces préten-
Tome II/. O
VltLIÏR.5DE L'ISL Ï-
ADAM.
IOÓ HISTOIRE DE L'ORDRE
dus marchands, leur fit voir la facilitéqu'il
avoit
de les entendre maîtres -, ôc dans la même vue, ils
furent coucher chez l'autrerenégat qui logeoit
prochede là
portede la Ville, ôc dont, commé
Douannier, il avoit les entrées libres. Les Che-
valiers parurentcontens de la
disposition pû ils
Voyoientces deux Grecs, ôc le fils de Scandali
Chrétien , comme nous avons dit, et lqui n'avoit
pasvoulu imiter son père
dans sonapostasie., les
ramena le lendemain à l'Iste deSapienza.
Les Chevaliers à leur retour, déclarèrent au Gé-
néralqu'ils croyoient que
ces deuxrenégats
mar-
choient de bonpied
dans cette affaire ; maisqu'a-
prèstout on ne
pouvoit prendre tropde
précau-
tion avec des traîtres y qu'ilstrouvaient même de
grandesdifficultez dans lexecution de cette en-
treprise j que quoiqueScandali commandât dans
la tour du môle , les Janissaires qui y étoient de
garde,au
premiermouvement
quil seroit, pren-
droient les armes contre lui y quesor le bruit inévi-
table dans ces occasions , ôc sor lavisqu'en
rece-
vroit le Gouverneur de Modon , il seroit fermer
aussi-tôt lesportes
de la Ville, ôcque
lagarnison
Ôc les habitans seroient bien-tôt en état de re-
pousserceux qui
lesattaqueroient.
Ces difficultez
Ôc même cellesqu'en pareilles
occasions on nepeut
presque jamais prévoir, balançoient danslesprit
du
Général le désirqu'il
avoit de tenter cette entre-
prise.Le jeune
Scandaliayant pénétré
unepartie
dessoupçons
du Général, lui ditque
sonpère
ne
Tavoit fait venir de Zante, Ôc ne lui avait com-
muniquéle secret de ce dessein, que
dans la vue
VlLIIÎKS3»E l'I SU-
Ap A M.
DE MALTE. LIV. X.107
de loffrir, ôc de le lui remettrepour otage de íà fidé-
lité, ôcqu'il
étoitprêt
de rester dans sagalère v
qu'à légarddes Janissaires qui
étoient enpetit
nombre dans la tour du môle , sonpère sçauroit
bien leséloigner
sous différens prétextes, ôcqu'il
avoit même résolu de les faire boire, & de leseny-
vrer pourles mettre hors d'état de
s'opposerà l'en--
trée des Chevaliers dans la tour; d'ailleursque le
dessein de sonpete
ôc de son associé n'avoit jamais
étédémporter
cette Place à force ouverte j qu'on
n'y réustìroitque par surprise -7qu'il craignait
seu-
lement quela facilité
qui paroissoitdans lexecu-
tion, n'eût fait naître la défiance du Général. En^
fin ce jeune homme pleinde zèle & de
courage,
leur montra cetteconquête par
des endroits si ai-
sez ôc si brillans, quetout le Conseil résolut de
nepas
différerdavantage,
& onrenvoya
le jeune
Scandali à sonpère pour lassurer
quesesoirmême
on tenteroitlentreprise.
Dans cette vue, le Général fîtembarquer plu-
sieurs Chevaliers, & un bon nombre de soldats sor
deuxfelouques.^
& on les cacha sous; desplanches,
dont ces deuxpetits
bâtimens;paroissoient
char-
gez , ôcqui
étoient destinez à faciliter lé débar-
quementdes
troupes quiétoient sor les
galères.
Stefí Marquetle Rhodien,, dont lé Commandeur
Bosio sctoit servi si utilementpòur
former lepre-
mierplan
de cette conjuration,étoit sor le
pre-
mierbrigantin,qu'on appelloit
en ce tems-là un
grips.Il so rendu: sor lé soir à lentrée dm
port*.
Calojan quien~ avoit la
gardeén
qualitéde
grand
Douannier ^ feignantdéwne le
pasconnoître y
Òij
Vu, 11ERSDE L'I s I, E"
A D Ais.
io8 H r s T o IRE DE L'ORDRE
monta dans ce navire ; ôcaprès
lavoir visitépour
la forme, &pour
ne sepas rendre íuípect y il en
fit sonrapport
au Gouverneur comme d'unpetit
navirechargé
de planches, qu'unmarchand ve-
noit vendre, dit-il, à des ouvriers de la Ville -, le
Gouverneur luipermit
de le laisser entrer. Ceux
quiétoient cachez dans cette
felouque, dégui-
sez en matelots, à la faveur des ténèbres, & f dus
prétexte d'être obligezde
partirle lendemain de
grand matin, mirent à bord cesplanches,
& des
piècesde bois dont ils formèrent une
eípecede
pont vis-à-vis làporte
dé la Ville, qu'onvouloit
sorprendre, pourfaciliter le
débarquementdes
troupes quiétoient sor les
galères y ôc ils se retirè-
rent énsoite dans la maisondurenégat,
où ilspaf*
scrent le reste de là nuit.
Le jeune Scandali qui étoit dans l'autre felpu-
que,vint
presqueen même tems donner fond à
lapointe
de la tpùr -y ôc comme sonpère y com-
mandoit ;, ôcque
lui-mêmey
venoit souvent de
l'Iste dé Zante pû il demeuroit, les Janissaires de
la tour aveclesquels
il étoit familser, lereçurent
íàns difficulté, & il entra dans cette tour avec huit
autres Grecsdéguisez
en Turcs, quien
parloient
làlangue
avec facilité, Ôcqui
se disoient soldats
desgarnisons
deLepante
Ôc de Patras. Sonpère,
suivant qu'onen étoit convenu, dispersa par
dif-
férentes commissionsquelques-uns
desgardes,
Ôc
il invita àsouper
ceuxqui
restoient. Dans la cha-
leur durepas,
on leurprésenta
d'un excellent vin
grec, queson fils, disoit-il, lui avoit
apportédans
fa felouque. Les véritables Turcs d'autant plus
VlLLIÏRS3DEL'I S L E-
Al) A M.
DE MALT E. LIV. X. -109
friands de cetteliqueur, qu'elle
leur étoit défen-
duepar la loi, en burent avec.excès : ils furent
bien-tôt yvres y ôc à la faveur d'un assoupistement
quisoit ordinairement l'yvrefse , lés Chrétiens
Grecsdéguisez
en Janiílàires, introduisirent dans
là tour les Chevaliers & leurs soldats, quiétaient
restez cachez dans lebrigantin.
Ils coupèrentlà
gorge aux Turcs, en lièrent d'autrès,se rendirent
maîtres de la tour,8c
tout cela sepàíîà
dans se si-.
3enee de la nuit, fans bruit, ôc íànsque
le Gou*
verneurqui
étoitlogé àçinq
censpas
de la tour,
en eût aucune epnaissanee.
D'un autré côté le renégat Çalojan, à la pointe
du joui ôck Tauverture de làporte, s'y présenta
avecquelques Chevaliers déguisez
èn matelots,
& quiavoient
passéla nuit dans fa maison: ils
s'arrêtèrent à laportepour donner se tems au reste
des soldatsqui
étoient cachez dans les deuxgrips,
de s'àvàncer. Ces deux troupesse
joignirent;ils
étoient environ trois cens hommes. A Jeurapprp^
che, lesprétendus matelots qui
étoient à lentrée de
ía porte,mirent
lépééà-la
main,chargèrentles
gardes , en tuèrentquelques-uns,
& legros
de la
troupe étant survenu, se saisit de laporte,
& crut
la Ville prise.On tira austì-tôt un
coupde canon
pour signal,&
pourdonner avis au Général
qu'il
s'avançâten
diligenceavec ses galères:
enTatten-
dant lestroupes Chrétiennes, au lieu de marcher
droit au Château où se Gouverneur étoit retiré,
aprèsavoir laissé seulementun Corps de garde
à
laporte
de la Ville, se jetterent dans les premiè-
res maisons, & lesplus proches
de laporte pour
Oiij
', VlIIIEHSJ>B L'Isií-
Aí> A M.
IIO H r ST O ï R E D Ê L'O R D R E
sespiller : on
ycommit toutes les violences ordi-
naires^ enpareilles occasions, ôc dans des Places
sorprisesou
emportéesd'aííàut ôc
lépéeà la main»
Les habitanspour
éviter lapremieire
fureur dm
soldat seréfugièrent
dans le Château ; le Gouver-
neur leur fitprendre les armes, ôc
ayantreeonnit
lepetit
nombre des Chrétiens, &que
laplupart
s'étpient mêmesepàrez< pour piller,
il sortit à íla:
ttête de íàgarnison
Jt dés habitans ^chargea brus-
quementcës
pillards quiétoient,
dispersez,& fn
tua dfabordpsosieurs:
mnpéril
communies réunit^
ils se rallièrent, firent serine^ ôc en attendant lar-
rivée desgalères,
tâchèrent de se maintenir dans
les differenspostes qu'ils occupoient.
On se bat-
toit depart
& d'autre avec uneégale
fureur y les
Chevaliersqui perdoient
à tous momens lesplus
braves de latroupé,se deseíperòient
de nepoints
voir arriver le secours ^ niais ils neíçavoient pas
qu'unvent violent ôc contraire àvoit
empêchéle
Général d'entendre lé bruit du canon, &eene fut
quefor le midi, &
parune
barque quele jeune
Scandali luidépêcha, quil apprit que
les Che-
valiers étoient dans la Ville ôc aux níains avec la-
garnison du Château, Ií se rendit aussitôt dans là
Places avec toute la diligence que putfaire la;
chiourme de sesgalères,
ildébarqua
sons obsta-^
çle,-'& après queselon Tordre de la
guerreileut'
lainequelques troupes
commandéespar
le Che-!
valier dTlumieres,à lagarde
desgalères,
ôê dans
la tour du môle, il s'avançaà la tête du
corps qu'il
commandoit, joignitceux
quiétoient auxmains
avec le Gouverneur ôc íàgarnison,
ôc autantpar
VIL r.i ElisDE L'IS L È*
AD A M. .
D E MA L T E; L i v. X. m
íà valeurque par
le nombresupérieur
de ses sol- -i
dats, lobligeabientôt de íe renfermer dans le
D
Château. Comme il n'y avoitpas moyen de
l'y™
forcer fans artillerie, il enenvoya
chercher sor
les galères: mais
pendanttout le tems
qu'onmit
à faire venir du canon il arriva du secours au Gou-
verneur. Ce Commandant n'avoitpas plutôt vûla
première troupedes Chevaliers dans la Place, quil
avoitdépêché
des Couriers dans les Villes voisi-
nes, ôc au Gouverneur de la Province, pourlui
fairepart
de la descente ôc delattaque
des Chré-
tiens. Heureusement pourle Gouverneur du Châ-
teau, leSangiac
de la Province étoit à la tête d'un
corpsconsidérable de
troupes , que parordre dé
Soliman il devoit conduire incessamment fur les
frontières deHongrie,
où le GrandSeigneur
fai-
soit alors laguerre.
LeSangiac qui
n'étoit pascam-
péloin de Modon, aux
premièresnouvelles
qu'il
eut delentreprise
des Chevaliers, fitpartir quel-
ques compagniesde Cavalerie, qui
se rendirent
avec une extrêmediligence
à Modon, ôcqui
fu-
irent introduites dans lé Château parune
porte
quidonnoit dans la
campagne, pendant quele
Général des Turcs s avançoit lui-même à la tête
de six mille hommes dïnfanterk. Le Gouverneur
de la Placé ayant fait mettrepied
à terre à ses ca-
iVaherspour engager faction, sortit à leur tête y-ôc
avec toute ía garnison, chargeales Chevaliers.
•Quoiquese Prieur de Rome
s'apperçûtbien qu'il
íctóit venu du secours aux Infidèles, il ne laiííà
pasde soutenir leur
attaque avec beaucoupde
.courage^&
aprèsleur avoir tué les
plusbraver
VlLLIES-tDE x'ÍSpÈ-
Ai) Á Mt.
ni HISTOIRE DE LORDRE
de ces cavaliers, & faitplusieurs prisonniers,
il
força les autres à chercher leur salut derrière les
fortifications du Château.Cependant ayant appris
de íesprisonniers que
leSangiac
arriveroit infail-
liblement à Modon avant le soleilcouché, ôc
n'ayant pasde
troupesen aísez
grandnombre
pour
lui résister &assiéger
la Place dans les formes •
comme il n'avoitcompté pour
le íliccès de ses
desseins, quefur
l'avantaged'une
surprise,il se
vit réduitmalgré
lui & avecbeaucoup
de cha-
grinà la nécessité de se
rembarquer.
Mais avantque
de faire sonner ía retraite y
aprèsavoir
bloquéla
portedu Château
parun
bon retranchement, il abandonna ía Ville entier©
aupillage.
Les plus riches maisons devinrent alors,
laproye
du soldat : les Chevaliers mêmes & les
principauxOfficiers
prirent partà une occupation
plusutile
qu'honorable.On ne
peut exprimer
les richessesqu'ils
enlevèrent de cette Ville j & ce
quifut encore
plusfâcheux
poù.rles habitans,
c'estque
les Chrétienstransportèrent
dans leurs
galères& dans leurs vaisseaux
plusde huit cens
Femmes ou filles, qu'ilsfirent
prisonnières& escla-
ves. Parmi ces dames de Modon, le hazardayant
fait tomber entre les mains du Vicomte de Cicala
une jeune Turqued'une rare
beauté,aprèslavoir
conduite à Meísine, & lavoir faitbaptiser,
il en
fit fa femme, & en eut un filsappelle Scipion
Cicala, quedifférentes avantures conduisirent à.
Constantinople,&
qui aprèsavoir
prisle turban
parvint paría valeur au commandement des ar-
mées, &vangea depuis
les Turcs du sac de Modon.
U»
VlltlERSDE L'ISLE-
AD A M.
DE MALTE. LIV. X. 1Í5
Unpeu
avant le soleil couché les Chevaliers aban-
donnèrent cette Ville ^ tout serembarqua
sans obs-
tacle &perte,
si on necompte pour
uneperte
très-
considérable les frais de cet armement, dont la Re-
ligionne fut pas dédommagée par le
pillage, qui
ne touruaqu'au profit
desparticuliers.
Le Grand Maîtrepar
le retour desgalères n'ap-
prit quavec douleur le mauvais succès de cette
entreprise ; mais comme soncourage
fut toujours
au-dessus desaccidens de la fortune, iljugea
dès-
lorsque
la Providence vouloirque
son Ordre se
fixât dans Malte , & il nesongea plus qu'à
fortifier
cette Iíle, & à la mettre a couvert des insultes &
des incursions des Corsaires.
Pendantqu'il
étoitoccupé par
des foins si di-
gnes d'un Souverain, il s'éleva un nouveau sujet
d'exercer sapatience
& ía fermeté. Baltasar Wal-
tkirk, Evêquede Malte étant mort, c'étoit à l'Em-
pereur à nommer celuiqui
devoitremplir
cette
dignité,& la
Religion,suivant le traité fait avec ce
Prince, lui devoitproposer
troisEcclésiastiques,
dont un au moins devoit être choisipar
Tordre
parmises sujets. Le Grand Maître & le Conseil
présentèrentau Viceroi de Sicile, Frère Pontus
Laurencin, de laLangue d'Auvergne,
Frère Tho-
mas BosioItalien, & Vice-Chancelier de l'Ordre,
& FrèreDominique Cubelle, de la
Langued'Ar-
ragon, & vassal del'Empereur.
Le Grand Maître
pour récompenserdans la
períonnede Thomas
Bosio, le rare mérite & les servicesimportans que
le Commandeur son frère avoit rendus à Tor-
dre, eût été bien aiseque
le choix del'Empereur
Tome 111. P
VlLllERS-JDE L'I SL E-
A D A M-
ii4 HISTOIRE DE I/ORDRE
eût tombé sur Bosio. Il fitpart
auPape
de ses
vues .j ce Pontife, dont le Commandeur avoit été
pendantfa vie un de ses Cameriers secrets, &
qui
conservoit chèrement la mémoire de sesservices,
en écrivit à ce Prince : & non seulement il en
parlaà son Ambassadeur comme dune chose
qui
lui seroitagréable -, il ordonna encore au Seigneur
Salviati sonparent,
&père
du Prieur de Rome,
d'en écrire de sa partau Cardinal Campegge qui
résidoit alorsauprès
de TEmpereuren
qualitéde
LégatA lasere, pour qu'il pressât
fans relâche cette
nomination. L'Empereur reçut agréablementles
offices du Saint Père, &: il lui fit direpar
son Am-
bassadeurqui
résidoit à Rome, qu'illui donne.*
roit danspeu
de tems la satisfactionqu'il
souhait-
toit au sujet de i'Evêché de Malte j mais ce Prince
quine
disposoitde ses
grâces qu'avecune extrême
considération, soitpour
en'tirer d'autres duPape,
ouqu'il
n'eutpas
le tems devacquer
à cette affaire,
différa la nomination de Bosio. Et ce ne futqu'a-
prèsavoir
engagéle
Pape& la
Religionde Saint
Jean dans une Liguecontre les Turcs, qu'il
dé-
clarapubliquement
la nomination à lEvêclié de
Malte en faveur de Thomas Bosio : il en remit
l'acte entre les mains de l'Ambassadeur de la Re-
ligion , quirésidoit
auprèsde lui.
Ce Ministre qui sçavoit combien cette nomi-
nation seroitplaisir
au Grand Maître, luienvoya
cet aclepar
un courierexprès.
Le Grand Maître
le reçut avec une joye sensible , &qu'il partagea
avec le nouvel élu, auquelil annonça les
premières
nouvelles de fa dignité.Tous les Chevaliers
qui
VlitlERSDE I-'IsLE-
ADAM.
D E M À L T 1. LIV. X. ttf
étoient alors dans liste , en félicitèrent Tun ôc
l'autre,: & le Sacerdoce &TEmpire ayant égale-
ment concouru dans cette élection ,, onregarda
cette affaire comme heureusement finie. Le Grand
Maîtrepour y mettre le sceau & la derniere main,,
voulutque
Bosio allât lui-mêmeprendre
ses Bulles,
& se faire sacrer à Rome. Il le fitaccompagner
parun Ambassadeur
extraordinaire,qu'il dépêcha
auPape pour
le remercier de la continuation de ses
bontez envers l'Ordre -y &c cet Ambassadeur étoit
chargéde
présenteren même
tempsl'élû à Sa
Sainteté.
L'un & l'autre étant arrivez à Rome , deman-
dèrent & "obtinrent une audience duPape.
L'Am-
bassadeur en luiprésentant
Bosio ,; lui ditqu'il
étoitchargé
de lapart
du Grand Maître & du
Conseil de k remercier de ses bons officesauprès
deTEmpereur ,,& d'avoir
engagéce Prince à
pré-
férer le Bofía à un de íes sujets ;. maisquelle
fut
lasurprise
de ce Ministre & de celuiqui
l'aecom-
pagnoit, lorsqu'ilentendit ces
parolessortir de ht
bouche de ce Pontife, Que ï'Eglisede Malte étoit
déja pourvued'un Pasteur j qu'il
avoit nommé lui-
même à cette Evêché le Cardinal Ghinucey y qu'il
n'avoitpu
donner desmarques plus
éclatantes de
íon affection constante envers TOrdre, qu'enmet-
tant dans cetteplace
un desplus dignes sujets de
FEglise,& un Cardinal d'un aussi
grand mérite.$
que cette Eminence alloitenvoyer
â Malte un
Grand Vicairepour prendre possession
en son nom
de cettedignité,,
&qu'il esperoit qu'il n'y
trou-
veroitpas
dfobítaele nid'opposition,
F ij;
VltLltKSDE íi'lsL K*
ADAM.
u6 HISTOIRE DE L'QRDRE
Quoiquel'Ambassadeur fût comme assommé
parun discours si
peu attendu, il ne laissapas de
luirépondre qu'il
trouveroit toujoursdans le
Grand Maître & dans le Conseil uneparfaite
sou-
mission à ses ordres y maisque
cette affaireregar-
doituniquement l'Empereur,
& la manière dont
ilprendroit
unchangement
sisurprenant. C'est ci
nous, répartitle
Papeen haussant sa voix, & non
pasa Charles, a,
pourvoirà, cette
Eglise, depuis que
la,propriété
de cette Ijle apajse
a d'autres mains i
& là-dessus ilcongédia
l'Ambassadeur & Bosio,
quise retirèrent pénétrez
dechagrin,
&c couverts
de confusion.
Le Grand Maître n'en futpas moins surpris ôc
affligé;il ne
manquoit plus, pourainsi dire, à fa
constance, que cette derniere épreuve:il la fou-
tint avec fa fermeté ordinaire y ècpour
se démê^
ler d'une affaire aussi délicate, & ne sepas
trou^
ver entre deuxpuissances qu'il
avoitégalement
intérêt deménager,
iljugea
àpropos
avantque
de faire aucun mouvement, de voir leparti que
prendroit l'Empereur,11 n'en pou
voitpas pren-
dre lui-même un plus judicieux: Charles-Quint
quitrouva fa dignité
blesséepar l'entreprise
du
Pape,fit son affaire de celle de Bosio. Ce Prince
quoique si concerté dans toutes íesparoles,
ne
put s'empêcherde faire éclater son ressentiment.
Sangroun de ses historiens prétend que
dans les
premiersmouvemens de son
indignation& de ía
colère, illuiéchapa
de direqu'il
ne s'étoit jamais
fié à cePape, parcequ'il
avoit observéque
dans
toutes ses actions ily
avoittoujours quelque fir
VlLLIÏRSBE L'IS.LE-
AD A M.
DE MALTE. LIV.X* UJ
nesse cachée, .&. quece Prince ajouta que pour
çette fois il avouoit à fa honte, quil y avoit été
trompé pourne s'être
pasassez défié des manières
vives &empressées
enapparence,
dont il avoit íoL
licite lui-même la nomination de Bosio.Appa-
remment quele
chagrinde se voir la
duppedu
Papedans un art où il se
çroyoicinfiniment su-
périeurs ce Pontife, arracha des plaintes si amères
de Charles-Quint. Maisquoi qu'il
en dît, &peut^
átrepour soulager son ressentiment, il
paroît par
tous les Historiens, queles offices du Papeavoient
d'abord été très-sinceres. Sonchangement
ne fut
pointl'effet d'un dessein
prémédité ; mais onpré-,
tendque pe Pontife ne voulut supplanter rÉm-
pereur, que pourse
vangerdu retardement qu'il
avoitapporté
à la nomination de Boíio, &que
dans lechagrin que
cela luidoiinoit,il n'avoit
pû s'empçcherde dire à ce
sujet,:& en s'en
plai,
gnantà
quelques Cardinaux, Que quandun Souve^
rain^Ponrifi'sabaijioitjujqukprieryfis prieres^ses
offices desvoient être reçus comme des commandemens.
D'autres soutiennentque sans chercher dans cç
changementun rafinement de vengeance,
dont il
n'étoitpas trop capable,
il avoit fait ré£exion,ou ses
Ministres l'avoient faitappercevoir que
dans là
considération & le créditque
laplupart
des Che-
valiers avoient dans toutes les Cours dei'Europe,
& surtout dans cedegré
depuissance
où cet Ordre
militaire s'étoit élevé, il ne convenoitpoint
aux
intérêts du SaintSiège que l'Empereur
& les Rois
de Sicile ses successeurs conservassent sur l'Evêché
ç}e M4ce le droit dePatronage, qui
donnoit au
Piij
VlLLIERSDE L'I Sl'l-
ADAM.
iiS HISTOIRE Ê>E L'ORDRE
titulaire Tentrée dans leConseil, & même
íapre^
miereplace après
le Grand Maître ; qu'unEvêque
habile &intriguant
dans les troubles dont lìtalie
étoit souventagitée, pourroit engager
les Cheva-
liers dans despartis opposez
à ceux desPapes
r
en un mot, qu'onne devoit
point souffrirqu'un
OrdreReligieux toujours armé, voisin de Fltalie,
&qui
avoit à son commandement destroupes
de
des flottes,. dépendîtd'une autre
puissance quede
celle du SaintSiège.
Quoiqu'ilen soit de ee motif, qui
ne îaissoit
pasd'avoir fa solidité ; &
quelquesinstances
que
l'Empereurfît
pour obligerle
Papeà se désister
de la nomination du Cardinal Ghinuccy,ce Pon>-
tife en conservant les dehors d'une bonne intelli-
genee avec Charles-Quint, fut toujoursinébran-
lable fur cet article : & eequi pourroit
faire croire
quefa fermeté ne venoit
pointde son ressenti-
ment,, c'estqu'étant
à Fèxtrêmité, & dans ces
momensprétieux qui
décident de l'éternitc, &r
où toutes lespassions disparoissent,.
il fitappeller
le Cardinal Caraffa, qu'ilconnoissoit
pourtrès-
attaché aux intérêts du SaintSiège ,, & il le char-
geade
représenterà son successeur, qu'il
étoit:
obligéen conscience de maintenir hautement la
nominationqu'il
avoit faite de Ghinuccy. Mais
comme les dernieres intentions des Souverains
lesplus
absolus fontpresque toujours
ensevelies
dans leurs tombeaux, Paul III.qui
succéda de-
puisà Clément, ayant reçu des Lettres très-pres-
santes de lapart
del'Empereur,.
& voulant d'ail-
leurspour
ses intérêtsparticuliers
en faveur de
Dï L'Is L E-Á B A M..
DE MALTE. LIV. X. 119
ía familleménager
un Prince sipuissant,
il réso-
Hut de lui donner satisfaction. L'affaire fut mise
ennégociation;
il se trouva destemperamens pour
concilier les intérêts des deux concurrens. Bosio
.après trois ans depoursuites
& dedépenses infi-
nies dans la Cour de Rome, & 1 la fuite de l'Em-
pereur , obtint enfin ses Bulles -, mais à condition,
île payerau Cardinal une
pensionde neuf mille
Hivrespar
an- ôcl'Empereur qui croyoit qu'il y
alloit de fagloire que
celuiauquel
il avoitpro-
curé l'Evêché en jouît dans toute son étendue,
pourle
dédommagerde la
pension,lui donna en
Sicile uneAbbaye
depareille
valeur.Quoique
cette affaire n'eût été terminée quesous le Pon-
tificat de Paul III. nous avons crûpour
la fatis-
faction du Lecteur en devoiranticiper
la conclu-
sion, & afin de n'êtrepas obligez
de revenir au
même faitpar
desdisgreflìons qui
embarassent
souvent le fil de la narration.
Cependantla fermeté
queClément avoit fait
paroître à maintenir la nomination du Cardinal
Ghinuccy,n'avoit rien diminué de íòn zèle con-
tre les Infidèles. Iljoignit
un bon nombre de ses
galèresà la flotte de
TEmpereur,& fur un Bref
très-pressant qu'ilen écrivit au Grand Maître, ce
Prince de son côté mit aufsi-tôt en mer lagrande
carraque,les
galères& les vaisseaux de la Reli-
gion.On
peutdire
que pources arméniens l'Ordre
n'avoitpas
besoin des exhortations de ce Pontife :
les Chevalierspar Vesprit
de leur Institut, &par
reconnoissancepour Charles-Quint, lui fournirent
toujours depuissans secours
quandil
s'agissoitde
ViLtIIRSDE i/IsJLE-
ADAM.
^36.
no HISTOIRE DE L'ORDRE
faire laguerre
aux Infidèles. Il ne íepassa gueres
d'actions, comme.nous l'allons voir,,soit en Asie,
soit enAfrique,
où on ne vît briller dans les armées
derEmpereur
les: étendarts de Saint Jean.
Cette escadrejoignit le 8 d'Août la flotte de
rEmpereurcommandée par
le fameux André
Doria, Prince de Melphe. Celle des Turcs com-
poséede soixante & dix voiles étoit alors dans le
golfede Larra ou de la Prevése. Doria faiíant route
trouvaauprès
de Zánte soixantegalères
Vénitien-
nes, & ilpropoía
au noble Vincent Capello qui
en étoit Général, de joindre leurs flottes, de forcer
Gallipoli ,& deporter
leurs armesjusqu'à
Cons-
tantinople, qu'ilstrouveroient dénuée de fa
gar-
nison ordinaire, que Soliman, disoit-il, en avoir
tiréepour
fortifier l'arméequ'il
commandoit en
personnesor les frontières de
Hongrie.Mais les
Vénitiensqui ménageoient
les Turcs avec tant
d'égards, qu'ilsen souflr oient souvent des insultes,
fans ozer s'en ressentir, íedispensèrent
de pren-
drepart
à cetteentreprise,
sousprétexte qu'ils
avoientpromis
au GrandSeigneur
de demeurer
neutres en cetteguerre.
La flotte Chrétienne se
trouvant alors entre l'Ifle deSapienza
& Modon,
onproposa
de s'attacher à cette derniere Place ,
6c d'en former lesiège. C'étoit le sentiment du
Prieur de Rome & des Chevaliers, quiauroient
été bien aise de tenter à force ouverte laconquête
d'une Placequ'ils
avoientmanquée
desurprendre
Tannéeprécédente.
Mais les soldatsqui
n'avoient
gueresd'autres, solde
quele butin
qu'ils pouvoient
faire, témoignèrent beaucoupde
répugnance pour
cette
VlLLIERsDE L'ISLE-
ADAM.
É>E MALTE. LIV. X. 121
eêtteentreprise,
ôc ils disoient assez hautement
qu'ils n'exposeroient pasleurs vies à
Tattaquêd'une
E
Place auíïì forte, ôc ©ù les Chevaliers Tannéepré-
"
cedente n'avoient rien laisséqui pût dédommager
les victorieux de leursfatigues.
Le Conseil de
guerrese crut
obligéde diflìmuler des discours
qu'onauroit punis,
si ces soldats eussent étépayez
exactement, & le Conseil deguerre se détermina
à faire lesiège
de Coron, Place alors bien moins
fortifiée, ôcqui
n'étoitéloignée
de Modonque
de douze millespar
terre-
Coron ou Goroné, autrefois Cheronée , patrie
dePlutárque,
aussigrand Philosophe, que
fameux
Historien , se trouve à lagauche
duCap-Gallò,
de kfigure
d^un 1triangle
ícaléne où à- cotez iné-
gaux : un desangles regarde
un rocherescarpé
-
les deux autres sont vus dugolfe
de Coron, qui
sortpresque
deport
a là tour. Mais cesangles
ne
sontpas
oattuspar
les eaux de lamer, & Ton
peuten lès
côtoyantfaire facilement le tour de
eette forteresse, laquelleétoit revêtue d'une hiuw
'raille à
Tantiqueôc alïêz fóible ^ mais
flanquéede
six tours d-ancienne structure.
Doria en ayant reconnu la situation, aprèsavoir
débarquéses
troupes,fit avancer les
galères,Ôc il
lésplàça
derrière les vaisseaux du haut bord, Ôc
íùr-tout lagrande caraque
de laReligion, qui
tirantpar
dessus lesgalères,
abbatit laplûparc
des défenses de cette Place. Toute Tartillerie dé-
cèsvaisseaux, & deux batteries
qu'onavoit dres-
seésàterreayant fait une
large brèche,le Cornues
de Sarno&Mendoze,;Mestre de
camp d'un-régi-
rai? 11LQL
VllLIïRSr')E L'I-S t EX
ADAM.
VlLLIERSBÏL'ISIE-
AD A M.
ni HISTOIRE DE L'ORDRE
ment d'Espagnols,furent commandez
pourmon-
ter à Tassaut : ils s'y portèrentavec
beaucoupde
valeur ->mais ils ne trouvèrentpas
moins de cou-
ragedans les Turcs, qui
leur tuèrent trois cens sol-
dats , plusieurs Officiers, & en blessèrent unplus
grand nombre. Les Prieurs de Rome & d'Auver-
gne, qui avançoient pourles loutenir , prirent
leursplaces j ils étoient sortis l'un ôc l'autre de la
grande caraqueà la tête de deux cens Chevaliers,
ôc decinq
cens hommes à la solde de laReligion,
Ce second assaut ne futpas
moins meurtrierque
lepremier
: malheureusementpour
lesattaquans
les échelles ne se trouvèrentpas
delongueur pro~
Î>ortionnée
à la hauteur des murailles : il fallutque
es Chevaliers, pour gagnerle haut de la brèche,
tâchassent de s'acrocher à la muraille, Ôcqu'ils
grimpassentdes mains & des pieds.
Dans une situation si violente, ils se trouvèrent
exposezau feu de
lamousqueterie,aux
coupsd'ar-
balêtes ; ôc lespierres,
les feux d'artifice & les
huiles bouillantes ne leur furentpas épargnées.
11 enpérit
ungrand
nombrepar
ces différentes
armes ^ mais comme ils étoient résolus de se faire
tous tuer auxpieds
des murailles, plutôt queda-
bandonner leurattaque , après avoir invoqué
le
nom de Saint Jean, quiétoit leur cri de guerre,
ils
fc poussèrent avec tant de fureur, qu'ense soute-
nant les uns les autres, ils s'élevèrentjusques
fur
la brèche, s'en rendirent les maîtres, Ôc y arborè-
rent legrand-étendard
de laReligion.
Les armées
de terré & de mer ne virent ce signalde la victoire
qu'avec degrands
cris dejoye. Ce brwit fit croire
DE MALTE. LIV. X.ïïj
aux assiégez queles Chrétiens étoient maîtres de ^
la Place : ceux des habitansqui étoient encore
15
retranchez en differensquartiers
de la Ville, &-
lagarnison
du Château, arborèrent ledrapeau
blanc: lacapitulation
fut bien-tôtsignée y les Turcs
naturels ôc leurs maisons furent conservez, & on
abandonna celles des Juifs aupillage.
Doria fut
ensuiteassiéger
Patras dont il.se rendit maîtrepen*
dantque
lesgalères
de laReligion s'emparèrent
du Château d'Ardinel, & d'autres forts situez le
longde la côte, ôc
qu'ils emportèrentfans trouver
beaucoupde résistance.
Aprèscette
expédition,
.& l'hyver
approchant,les différentes escadres dont
la flotte Chrétienne étoitcomposée,
seséparent &
se retirent dans leurs ports.
L'année suivante les Turcsqui
naimoientpas
à demeurer fur leurperte, firent un
puissant ar-
mementpour
recouvrer Coron -y ôc si-tôtqu'on
puttenir la
mer, un fameux Corsaireappelle
le
Maure, parordre de Soliman, vint avec
quatre
grandes galères bloquercette Place, pendant qu'un
autre General TurcTaísiegeoit par
terre.
Doria instruit de leurs desseins, se mit auífi-tôt
en mer, & il fut joint parles
galères duPape
& de
laReligion,
commandéespar
le Prieur de Rome.
La flotte Chrétiennes'avança en bonne ordon-
nance contre les Infidèles ; les soldats demandoient
la bataille avec degrands cris, mais Doria, quoi-
que aussi brave soldatque grand Capitaine , soit
par prudenceou
pourse
perpétuer dans le corn-
jnandement, évitoit les combats décisifs, ôc il di-
soitassezordinairement,Qu'il n'aimoitpas
à se trou-
QJi
DEX'Is LE*ADAM-
i*4 HISTOIRE DE L'ORDRE
ver dans des occasions, où la fortune avoit sou^
vent plusde
part quela conduite des Généraux.
Son unique dessein étoit de jetterdu secours dans
,1a Place, ôc ensuite se retirer : dans cette vue , il
mit à la tête de fa flotte lagrande caraque
de
Malte, d'où comme d'un fort Ôc d'une citadelle^
il batoit en ruine les Turcs, & il avoit donné or-
dre à desCapitaines particuliers,
à- la faveur du
feu & de la fumée du canon, de faire couler dans
la Place desbarques chargées
de soldats ôc de mu-
nitions j mais ce dessein fut si mal exécuté, que
cespetits vaisseaux furent tout à
coup enveloppez
pardes
galèresdes Turcs : les Chrétiens s'épou-
Yantent j les uns se rejettent dans legros
de Tari-
mée ^d'autres quiavoient débarqué,croyent
écha-
per plusaisément à la fureur des Infidèles en se re-
jettant dans leurs
esquifs y mais ilsy
entrèrent en ft
grand nombre ôc avec tant deprécipitation, qu'ils
coulèrent à fond, & avancèrent leur mort en la
voulant éviter.
Les Turcs devenus maîtres d'unepartie
du
convoi , attaquentensuite les
grands vaisseaux *,
tout combat, tout se mêle$ lesgalères attaquent
lesgalères^
les navires sejoignent
aux navires:
Doria d'un côté, ôc le Prieur de Rome de l'autre
viennent au secours desplus pressez ; leur
présence
anime les soldats & rétablit Tordre dans la flotte.
La fortunechange
bien- tôt departi,
les Chrétiens
recouvrent leurspetits vaisseaux, en
prennent plu-
sieurs aux Turcs, ôc même ces Infidèles s'étant jet-
iez le sabre à la main dans un vaisseau de la Re-
ligion ? ôc étant déja maîtres.dupremier pont,
il
VlLlIERSDE L'ISLE"
AvAìtí.
DE MA L T E. L i v. X. nj
survint un autre vaisseau de Maltequi dégagea
le vaisseau de laReligion,
& fitprisonniers
les
assaillansqui
se virent chargezdes ?chaînes
qu'ils
destinoientpour
ces Chevaliers. y
Enfin cette forêt de mats s'éclaircitpeu
àpeu,
le bruit diminuepar
la mort des uns & la fuite
des autres. Doria victorieux ravitaille Coron,. se
remet à la voile, poursuitles Infidèles, & va
rechercher de nouvelles occasionsd'acquérir
de
lagloire.
;
L escadre de laReligion rappellée par
le Grand
Maître, se détacha alors ducorps
de la flot te Chré-
tienne , Ôc rentra dans sesports. Malte &
Tripoli, ôc
les côtes deNaples
ôc de Sicile, étoientégalement
menacéespar
Barberousse > chef des Corsaires de
Barbarie, quiavec
quatre-
vingtdeux
galères,
couroit ces mers , &portoitde tous cotez la ter-
reur &Tépouvante, lans qu'on fçùt encore où la
foudre alloit tomber. Gomrne l'ancienné ville cfe
Malte étoitpeu
fortifiée j quele
Bourg,résidence
des Chevaliers, étoit commandé de differens en-
droits, Ôcque
le Couvent n'avoit pour toute re-
traiteque le Château, Saint-Ange,
le Conseil étoit
d'avisqu'on y laissât seulement trois cens Cheva-
lierspour
le défendre j quele Grand Maître se re-
tirât en Sicile, &-qu'il y transportâtle
Couvent,
lesReliques,
les ornemens desEglises, les titres
& le trésor de là Religion. Mais cegénéreux
vieil-
lard rejetta courageusementcet avis : Je
ri ai jamais,
leur dit-U, fui devant les ennemis de la Croix s fg)
pour conserveries restes d'une vielanguissante,
on ne
me verrapoint
donner unfi
mau<vaisexemple
k tous
9^
DE Lis L E-A.D A M.
né HISTOIRE DE LO R D R E
mesReligieux.
Ilenvoya auísi-tôt cent Chevaliers
avec quelques compagniesd'infanterie dans la
Ville qu'on appelloitla Cité notable ; & autant
quele tems le
put permettre,on éleva à la hâte
quelques ouvragesavancez au tour du
Bourg.Tous
ses habltâns de TMepar
ordre du Grand Maître,
prirentlèà armes j &
pour pourvoiràla fureté des
Reliquesôc des titres de la
Religion,il les fit
pas-
ser en Sicile , où ceprécieux dépôt
fut conservé
avec soin.Après de si
sages précautions y U atten*
dit avec fermeté d'arrivée des barbares y mais leur
Généralprit
une autre route : il retourna en Afri-
que, & fit éclater des desseins dont nous aurons
lieu deparler
dans là fuite.
Le Grand Maître áuísi attentif à Ia conservation
de ladiscipline régulière, qu'à
la défense de son
Etat, profita de cet intervalleque
lui donnoient
lés Infidèlespour convoquer
un Chapitre généralJ
Depuisla
perte de Rhodes > ôcpendant
huit an-
néesc|ue
laReligion
iàns résidence fixe, avoit
erré én difíerens endroits -, il seroit introduit plu^
sieurs abusausqûels
iljugea
àpropos
de remédier*.
Les Chevaliers en abordant à Malte j s étoient lo-
gez séparément,& tomme ilsavoient
pu,en dif-
ferensquartiers
duBourg
ôc même de Tlíle, con-
tre Tusage
de TOrdre, ôc contre cequi
s'étoit pra^
'tiquéà Rhodes où il
y àvôit un endroit de la ville
appelle Colhîshiò, uniquementdestiné pour
le lo-
gementdes
Chevaliers, ôc fansque
les séculiers y
pussent habiter. Le Grand Maître de concert avec
leChapitrey rétablit à Malte un
règlementsi
sage,
& tous les Chevaliers furent obligezde se venir
VlLlIÏRS
A D A M.
r> E MALTE. Liv. X. 117
loger auprès de lui, &pour ainsi dire fous les yeux
d'unSupérieur
aussi exact & aussi vigilant.Ce fut
E
parle même
espritde
religion qu'on proscrivit
les habillemenstrop
riches ôcéloignez
de la sim-
plicité & de la modestie si conveiiable à des Re-
ligieux j ôc onporta la sévérité de ce règlement
contre tout çe quiavoit le moindre air d'une
vaine distinction, jusqu'à interdire aux Comman-
deurs qui étoient Grands-Croix, de la porterhors
de Tlfle de Malte -, ôc il ne leur futpermis de s'en
parer quele
jour qu'ils partoient de leur pays,ôc
de leursCommanderies,pour
se rendre à lacapitale
de TOrdre.
De cesreglemens particuliers, pn passa
aux af-
faires lesplus importantes
du gouvernement. Le
Chapitreen
corpsse fit
représenterle traité fait
avecl'Empereur touchant Tétablissernent de la
Religiondans Tlste de Malte ; & il le confirma
parun acte solemnel. Qn admit les
appelsdu
Conseil ordinaire au Cpnseil complet,c'est - à -
dire , danslequel
on faisoit entrer, outre les
Grands-Croix, deux Chevaliers |es plusanciens
dechaque Langue $ mais il fut statue que Tappel
de ce dernier Conseil n'auroitpoint
d'efietfulpen-
íìf-, ôcque
les Sentencesqui
émaneroient de ce
Tribunal, serpient exécutées, maispar provision
seulement, nonobstant Tappelau (Chapitre gê-
nerai. ^
Comme laReligion
étoitengagée
à faire de
grandes dépenses j quelle entretenpit six àsept
galères sains les vaisseaux de haut bord & les bri-
ganiçins j ÇJUelle tenoit à ía solde 4es troupes
dans
VlLLIEBSDE L'ISL E-
A D A M.
il 8 HISTOIRE DE L* O R DIE
les Istes de Malte, de Goze ôc àTripoli-y qu'il
fàl-
loit npurir lepeuple réfugié
dé Rhodes x bâtir une3
Egliseôc une Infirmerie,; le
Chapitre jugeaà pro-
pos d'augmenterles
reípohsionsfur les Comrnan-
deries de TOrdre, ôc onsupplia
'le Grand Maître
dont on connòistoit leparfait désintéressement,
de vouloir bien continuer se soinqu iTprënoit
de
Tadministration des Finances. ;/
Ce futpar
ce dernierrèglement que
se termina;
leChapitre
dont Tâfsemblée n'auroit puêtre
que
très-utïse à kReligiòri,
si fur la fin, oupeu après
il n'étoit survenu un désordre ouquelques
Lan^
gués prirent part,en vinrent aux mains, ôc eau*
sefent un tumulte ôc uri scandalequi affligea
sensi-
blement le Grand Maître , Ôc tout lé corpsde ièa
Religion.
Le sujet de cettequerelle
vint d'un différend par-
ticulierqui
s'émut entre un Gentilhomme Floren-
tin ôc seculier, domestiquedu Prieur de Rome, ôc
un jeune Chevalier François neveu du Comman-
deur Servier, de laLangue
de Provence. lisse bat-
tirent ,& le Chevalier François fut tué : Tonclè
du mortqui prétendbit que
le Florentin avoit usé
desupercherie
dans ce combat, se fît accompa-
gnerde ses amis, le chercha -, ôc
Tayantrencon<-
tré aussiaccompagné
d'autres Gentilshommes pen-
sionnaires du Prieur, lèschargea,
enblessaplu-
sieurs , Ôc le*sobligea
de s'enfuir, ôc de chercher
îeur salut ôcunazile dans Je palaisde leur Patron.
CeSeigneur puissamment riche, parent,
d'au-
tres disent même, neveu duPape , Ôc Général de
.sesgalères ôc de celles de la
Religion,avoit jusqum
soixante:
DE L'i-.SL E-AD A M.
Ï5 E M A r TE. Liv. X. 129
soixante Gentilshommes séculiers ôc Chevaliers
Italiens attachez à fapersonne.
Ils s'armèrent aulsi-
tôt, ôc sortirentpour venger
leurcompatriote, ôc
fansdistinguer
lesLangues
de France, chargèrent
avec fureur tous les François qu'ils rencontrèrent^
ils en tuèrentquelques-uns, plusieurs
furent blet
fez, & d'unequerelle particulière
firent u neguerre
ouverte ôc déclarée entre les deux Nations. Les
Chevaliers desLangues d'Auvergne
ôc de France
surpris ôc irritez de cette insulte, sejoignirent
à
celle de Provence. Toute la Nation se réunit ôc
s'assembla chez le Chevaìier és Bléville, pourti-
rer raison de cet attentat. Mais avantque
depor-
terplus loin leur ressentiment, cette assemblée
particulière envoya desdéputez
au Grand Maître
pourlui demander justice. Le Grand Maître fît
partde leurs
plaintesau Prieur de Rome, & lui
ordonna depunir
lescoupables
1.
Salviati fier de son alliance avec lePape régnant,,
&qui
seregardoit
comme un autre Grand Maî^
tre, se contentapour
toute satisfaction de faire
mettre aux arrêts fur faCapitane
lesplus
crimi-
nels de ses Gentilshommes, & il fit dire aux Lan-
guesoffensées
qu'après qu'ilauroitexaminécette
affaire il leur rendroitjustice.
Ceprocédé
hautain,
peuconvenable dans une si noble
République,,
dont tous les membres secroyoient égaux,
irrita
de nouveau les Chevaliers François.La
réponse
du Prieur leurparut
unepure illusion, ôc faite
pour éluder leurs justes plaintes, Sc ilsregardèrent
moins Tarrêt des criminels comme uneprison ,,
quecomme un
moyendont ee Prieur se servok:
Tome 1I.L. R,
VÏIÏITZKSDE L'ISLE-"
A'DAM.
J3 O Hï ST O IRS D E L*O R D R E
pourles soustraire à T autorité des Loix, &c à la jtu
risdiction du Conseil ôc desJuges
de laReligion.
Ainsi fans consulter eux-mêmes ni les loix, ni les
devoirs de véritablesReligieux,
ils sortent bien
armez, se jettent dans lagalère
du Prieur, s'en ren-
dent maîtres, & pleinsde fureur & de ressentiment,
poignardent quatredes Gentilshommes du Prieur
cpiiétoient aux arrêts, ôc
qui avoient tué pu blessé
leurs camarades, & fiers du honteux honneur d'une
vengeancesi
indignede leur
profession, aprèscette
sanglanteexécution ils sortent comme en triom-
phe de laCjápitane,
ôc se retirent dans leurs Au-
berges.
Le Prieur outré du massacre de ses Gentilshom-
mes, appelle auprèsde lui tous les Chevaliers de
laLangue d'Italie, ôc
parses émissaires il met en-
core dans ses intérêts les deuxLangues d'Espagne,
ArragonSc Castille, qui
se déclarentpour lui, &
viennent en armes à son secours* Les François qui
ne s'étoientpas
encoreséparez,
ôc avertis decette
ligue,sortent de nouveau de leurs
Auberges, &
vont chercher leurs ennemisjusques
dans la mai»
son du Prieur : ils sont reçus àcoups
demousquet,
&c ils y répondent parun feu
quin'étoit
pasin-
férieur. Jamais pareillediscorde n étoit arrivée
dans TOrdredepuis
fa fondation : un tumulte
affreuxregnoit
dans cequartier
de la Ville : en
vain le Grand Maître leur envoya ordre de se re-
tirer : il n'y avoitplus
ni commandement ni obéis-
sance : la discorderegnoit
dans tous lesquartiers
de la Ville :chaque parti
neprenoit
ordreque
de fa fureur ôc de sonemportement.
On conti-
JOE í'I S L E-
DE MALTE. LIV. X.. 131
nuoit à tirer de tous cotez, ôc le Prieuïayant fait
venir de sesgalères quelques pièces d'artillerie,
]
les François amenèrent de leur côté un canonqu'ils
'
braquèrentcontre la
porte de sonPalais,pour
la
mettre enpièces.
La nuitqui
survintaugmenta,
encore le désordre Ôc la confusion. Le Grand Maî-
treplein
de douleur de voir ses Chevaliers aux:
mains les uns contre les autres, voulut sortir ôc.
essayersi le
respectde fa
présencene contiendroit
pasles
plus mutins. Mais le Conseil,, dans lacrainte
quece vénérable vieillard pendant
la nuit, & au;
milieu d'un si terrible tumulte, nereçût quelque
blessure, le conjura de rester dans son Palais, ôc.
©nenvoya
à faplace
ôc à la tête de Iagarnison
dw
Château, le Bailli deManosque ,,ancien Cheva-
lier , révéré dans l'un Ôc l'autreparti par
fa{ageíïe
encoreplus que par
fadignité.
CeSeigneur
mê-
lant adroitement de justes reprochesa des ma-
nièrespleines
de douceur, se fit écouterpar
les^
plus emportez yÔc il lésobligea
à la fin à mettre
íes armes bas. GhaGun se retira de son côté j ht
nuit calma cette fureur,. ôc le jour vit naître la
honte ôc lerepentir.
Mais le Grand Maître ne crut
pasdevoir laisser fans
punitionles auteurs d'un:
tumulte de sidangereux exemple:
il enpriva
douze
de Thabit, ôc si nous encroyons Bosio, on en
jetta*
dans là merquelques-uns
desplus opiniâtres ,qui>
ne vouloientpas
reconnoître leur faute , ôccapa-
bles d'en commettre de nouvelles ôc de rallumer
ta sédition.
Quelque juste quefut ce châtiment,Je Grandi
Maître conçût uneégale
douleur du crime ôc de
Rij;
VlILIÏRSDE L'ISLE-
ADAM.
Ijl HI ST Ò IR E D E L'O R DR E
sapunition.
Il en tomba malade, ôc il serepro^
choit comme leplus grand
de ses malheurs de
n'avoir survécu à laperte
de Rhodes, que pour
être le triste témoin de la violence & de la rébel-
lion de sesReligieux.
La crainte d'un avenir en-
coreplus fâcheux, 1
orgueilde ces Chevaliers, dé-
guisé souslenom decourage,
Ôc le luxe ôc la mo-
leíse dequelques autres, fruits malheureux de
pastlons plus criminelles, qui malgréson
exemple
&: la sévérité de ses ordonnances, sétoient déja in-
troduits dans TOrdre : tout cela jetta te grand
homme dans une sombre mélancolie. Il ne fitplus
quetraîner les restes d'une vie
languissante: les
fâcheuses nouvellesqu'il
recevoit continuellement
d'Angleterredont il
prévoyoisdes suites funestes
pour son Ordre, le conduisirent insensiblement
au tombeau.
Henri VIII. comme nous lavons dit dans le
neuvième Livre, regnoitdans cette Iíle : ce Prince
avecdispense
duPape Juleá 11. avoit
épouséCa-
therined'Arragon,
veuve d'Artus Prince de Galles
son frère aîné, ôc il avoit passédix-huit ans avec
la Reine sonépouse
dans une unionréciproque,
lorsqu'une pasiion déréglée pourune jeune An-
gloiselui fit naître des
scrupulesfur la validité de
sonmariage
: ôc comme s'il eûtpris
dans lesagi-
tations de Tamour des inquiétudesde conscience,
il s'en fit du moins unprétexte pour justifier son
divorce avec la Reine.
Lepeu d'agrémens
de cette Princesse, ôc les
charmes trop dangereuxd'Anne de Boulein, lui
persuadèrentaisément qu'il y
avoit des abus dan§
VlLLIERSDE L1SL,É'
AL>ÌM.
*i34«
DE MALTE. LIV. X. 155&
dispense : il étoit Roi, il nemanqua
ni de cour-
tisans serviles, ni de sç a vans mercenairesqui
le
-flattèrent dans son erreur.
L'affaire avoit étéportée
à Rome & au Tribu-
nal duPape
: le refus constantque
fit Clément
VII.d'approuver
lesprétextes de son divorce, ré-
volta ce Princeimpérieux &
passionnécontre Tau-
torité du SaintSiège.
Nepouvant
obtenir lagrâce
qu'ilsollicitoit avec tant
d'empressement,il réso-
lut de s'enpasser,
& il crutque pour parvenir
à
ses fins, leplus
court chemin étoit d'abolir dans
ses Etats Tautorité des Souverains Pontifes. 11 fit
plus , de concert avec le Parlementqu'il
avoit
eu Tadresse d'interresser dans cette assaire, il se
revêtit lui-même de cette puissance spirituelle,ôc .il'n eut
pointde honte de se faire déclarer
par
un acte solemnel chef deTEglisc Anglicane, pour
n'être pas obligéde se soumettre au
jugementdu
Chef visible deTEglise universelle, qui
refusoit de
séparerce
queDieu avoit uni.
Ce Prince autrefois sisage
& si éclairé, &pour
lors fuireux dans fapassion, persecutoit
cruelle-
ment ceux de ses sujets quirefusoient d'adorer la
chimère de fasuprématie. Prélats, Ecclésiastiques,
Religieux,Séculiers
perdirentla vie
pourn'avoir
pasvoulu souscrire au double divorce
qu'il venoit
de faire avecTEglise Catholique,
ôc avec Cathe-
rined'Arragon
sonépouse légitime,
Le crime de
îeze-Majesté, quisous les mauvais Princes est sou-
vent le crime des innocens, fuppléoitaux
pré~
textesqui manquoient pour
les faire périr. Le
Parlementqu'Henri avoit eu Thabileté de rendre
Riij
VitLIERSDE h'ISL E-
ADAM.
134HISTOIRE DE LORDRE
le ministre de sespassions, proscrivit
Tillustre Pohm
encoreplus distingué par
fapieté
Ôc unepro-
fonde érudition, que parfa naissance royale qu'il;
tiroit du Duc de Clarence frère d'Edouard IV.
Le Roid'Angleterre
avoit recherché avec em-
pressementson
approbation,Ôc il avoit vouluTo-
bligerd'écrire en faveur de ses erreurs. Ni les
pro-
messes, ni les menaces de ce Prince ne Tébranle-
rcntpoint
: il luireprésenta
avec beaucoupde
fermeté linjustice deíes nouvellesprétentions.
Ce
Princequi
auroit bien voulu avoir laréputations
d'aimer là vérité,, & la satisfaction de ne Tenten-
dre jamais ,„ ne luiput pardonner
cette liberté..
Polus pourse soustraire à son ressentiment, se re-
tira à Rome : lePape
léprit
sous saprotection,
ôc
honora le sacré Collège parsa
promotionà la di-
gnitéde Cardinal*
~
Henri lui fit un crime de ce titre éminent : iM
mit sa tête àprix,
& onprétend qu'il
auroit été:
assassinéparlés
bandits auxgages
du Roid'Angle-
terre, si lePape qui
révéroit lesgrandes qualitez
du*
CardinalAnglois,ne lui eût donné des
gardes pour
veiller à fa conservation. Ladisgrâce de Polus fut
funeste à toute fa maison :Marguerite Plantage-
neste, Comtesse de Saliíbury famere, Henri Polus
de Montaiguson frère, Henri de Courtenay, Mar-
quis d'Excesterfoncousin, accusez d'avoir entrete-
nuquelque correspondance
avec le nouveau Car-
dinal, perdirentla vie sur un échafáut. Le Roii
toujoursexcessif dans fa
vengeance,en étendit.les;
effetsjusque
sur le jeune Courtenay,fils de Henri.
A, ïa vérité, il eut honte de faire mourir unjeune.
DE LlsXE-A » A M.
D E M A L T E. L I V. X. 135
(enfant y mais il le fit conduire à la tour, ôc il l'en- ^
sevelit dans uneprison,
depeur qu'il n'entreprît
D
un jour devenger
la mort de sonpère.
Au milieu de tant desupplices,
les Protestans,
quoiquerebelles au Saint
Siège,n'en étoient
pas
anieux traitez. Henri ennemi de toutes les nou-
veautez dont il n'étoitpas auteur, par
une cruauté
•bizarre, ôcqui
n'avoitpoint d'exemples , faisoit
brûler leshérétiques,
Ôcpendre
sesCatholiques
quiosoient adhérer
publiquementau Saint
Siège.
Laplupart
des courtisans incertains de lareligion
du Prince., n'en avoient plusd'autre
quesa vo-
lonté.Catholiques
Ôc Protestans , on cachoit fa
Religioncomme un-crime : il
n'y avoitque
la ré-
bellion contre Tautorité du SaintSiège, qu'on pût
faireparoître impunément.
C'étoit Tidole de la
Cour, ôc le seulmoyen
de s'y maintenir. Le Roi
pour sevenger
desReligieux qui perseveroient
dans Tobéissance due au SaintSiège,
en abandonna
les biens enproye
à ses courtisans : mais ces mê-
mes biens siinjustement acquis,
lesprécipitèrent
insensiblement du schisme dans Thérésie. Plusieurs
fous lerègne
d'Edouard son fils, pour s'épargner
une restitution nécessaire , embrassèrent lesopi-
nions de Luther ôc de Calvin, ôcTopinion
laplus
utile leurparut
à la fin laplus
véritable.
Les Commandeurs ôc les Chevaliers de Malte,
dévouez d'une manièreparticulière au Saint
Siège,
ôcqui
reconnoissoient lePape pour
leurpremier
Supérieur , ne furentpas exempts
de cetteper-
sécution. Máis comme cet Ordrecomposé
en
partiede la
premièrenoblesse , étoit
puissant
VlXLIERSDE L'ÍSL'E-A D A M.
rjtf HISTOIRE DE L*O R D R E
dans leRoyaume , ôc
quele Prieur de Saint
Jean de Londres avoit même séance dans le
Parlement enqualité
depremier
Barond'Angle-
terre, il différa leurproscription,
ôc lasuppression,
entière de TOrdre , jusqu'àce
qu'ilTeût fait au-
toriser, comme il fitdepuis, par
un acte du Par-
lement. Cependantil
n'yeut
gueresde
persécu-
tions indirectes, qu'ilne leur fît essuyer : la
plu-
partsous differens
prétextes furent arrêtez , òu
du moins on saisit les biens de leurs Commande-
ries. Ceuxqui purent échaper
à la malice & à là
dureté de ses Ministres, ôcqui prévoyoient
les fuites
funestes du schisine, abandonnèrent tous leurs
biens, & se retirèrent à Malte. On les voyoit ar-
river fans aucun fond assurépour
leur subsistance.
Le Grand Maître, comme un bonpère, y pour-
vut avec une charité infinie , ôc tâehoit de les.
consoler. Il n'avoitpas
moins besoin lui-même de
consolation. Cettepersécution d'un Roi Chrétien
envers un Ordrequi
avoit si bien mérité de toute
la Chrétienté, mit le comble à cette fuite de di£
grâces qu'ilavoit
éprouvéesdans la Grande Maî-
trise. Iln'y put résister
plus long-tems: il tomba
malade : une fièvre violente eut bien-tôt consom-
mé lepeu
de viequi
lui restoit, ôc ilexpira
dans
les bras de ses chers Chevaliers levingt-un
d'Août:.
Prince recommandable parfa rare valeur, par
fa
fermetéhéroïque,
ôcpar
lasagesse
ôí là douceur
de songouvernement, vertus
qiv'il possédadans,
undegré éminent, ôc
qu'ontâcha
depuisde re-,
présenter parce
peude mots, qui
furent gravez
fur son.tombeau»,
CESX-*
VlXLIERSfi£ Lis L E-"ADAM.
xx Août.
DE MALTE. LIT* X. 137
C'EST ICI QUE REPOSE LA VERTU VICTORIEUSE
DE LA PORTUNE.
Frère PIERRE DU PONT, d'une illustre Maison
dans le Comté d'Ast, issu des anciensSeigneurs
de"
Lombriacs , ôc de Cafal-Gros en Piedmoát, Ôc
Bailli de sainteEuphemie
dans la Calabre y suc- -j
céda à Villiers de THle-Adam. Il étoit alors dans
sonBailliage , & son mérite & ses vertus firent
seules fa recommandation. C'étoit un ancien Che-
valier, grave, austère dans ses moeurs, zélé obser-
vateur de ladiscipline réguHere : ôc son élection
justifie quesi
parle malheur des tems il s'étoit
introduitquelque relâchement dans la
pratique
des statuts-, cependant dans les affairesimportantes,
ôc fur toutquand
ils'agissoit
du choix d'un Grand
Maître, tous les Chevaliers ne confultoient alors
queleur conscience, &que
le mérite seulempor-
toit toussessuffrages.
Thomas Bosio, éluEvêque
de Malte, fut en-
voyé parle Conseil au Grand Maître
pourlui
por-
ter Pacte-de son élection. H n'enapprit
les nou-
vellesque
les larmes auxyeux , & il vouloit se
dispenser d'accepterune si
grande dignité -, mais
de fâcheuses nouvelles qu'il reçut parun nouveau
courier, le déterminèrent, & hâtèrent sondépart.
On lui avoitdépêche
de nouveau le Chevalier
Gefvallepour
lui donner avis des révolutionsqui
venoient d'arriver enAfrique , ôc dans le Royau-
me de Tunis dont Barberousse s'étoit rendu maî-
tre, ôç quece Corsaire redoutable menaçoit Tri-
polid'un
siège. Le nouveau Grand Maître s'em-
Tome 11L S
DU P O N T.
I534.
138 HISTOIRE DE L'ORDRE
barqua auíïì-tôt, ôc se rendit le dix de Novembre
à Malte : sespremiers
soins furent de fairepasser
unpuissant
secours àTripoli ; mais
quandon
y
auroittransporté
toutes les forces de l'Ordre, queL
quebraves
quefussent les Chevaliers, ils n'étoient
pas capables avecquatre
oucinq galères
de résik
ter à Barberousse, maître de deux Etats aulsi puis-
fans qu'AlgerÔc Tunis, ôc
quid'ailleurs en
qua-
lité de Bâcha de la mer & de Grand Amiral de
Soliman, avoit sous ses ordres centgalères, ôc
plusde deux cens vaisseaux de différentes
gran-
deurs. Il étoit frère de Horruc ou d'Horace Bar-
berousse , tous deux fameuxpar
leur fortune ôc
parleur valeur.
'Ces deux Corsaires, quoique
nez dans la lie du
peuplede la ville de Metelin, n'avoient rien de
la bassesse de leur naissance, Dés leurpremière jeu-
nesse, ôc si-tôtqu'ils purent porter
les armes, ils
firent éclater leurcourage
ôc leur ambition, ôc
coururent ensemble les mers furun£eul brigantin,
quifaisoit toute leur fortune.
Une valeur si déterminée, d'heureux succès, des
prisesconsidérables
augmentèrentleur
réputation
Ôc leurs forces. Ils achetèrent ou firent construire
des vaisseaux Ôc desgalères,
formèrent unepetite
flotte, ôc attirèrentdepuis
fous leursenseignes
d'autrespirates qui
les reconnurent pourleurs
Chefs ôc leurs Généraux, L'ambition ôc les richesses
neséparèrent point
les deux frères. Horruc plus
âgé queson frère, avoit à la vérité le
principal
commandement ; mais Airadin en son absence,
n'avoitpas
moins d'autorité•
également braves,
PIE R.REPU P O N T.
JSofîotU è.
DE MALTE. LIV. X.139
également cruels, corsaires déterminez> & qui 1
se disoient amis de la mer, & ennemis de tous*
ceuxqui navigeoient
fur cet élément , ils atta-
quoientindifféremment les Musulmans comme
les Chrétiens -, Ô<:en faisant le métier de voleurs ôc
de corsaires, ilsapprirent
insensiblement celui de
conquerans.
Il nemanquoit
à leur fortune, poufretirer leurs
prises, qu'un portdont ils fuíïent les maîtres. La
guerre quis'éleva entre Selim Eutemi Prince d'Al-
ger ôc son frère, leur en fit naître l'occasion. lisse
déclarèrentpour
un de ces Princes, Ôc les accablè-
rent tous deux. Horuc reçu dansAlger
enqualité
d'allié, s'en rendit maître;il fitétrangler
Eutemi
quil'avoit
appelleà son secours : ses
troupesle
proclamèrent Roid'Alger y ôc
pourmettre ía con-
quêtesous une
puissante protection,il en fit hom-
mage à SolimanEmpereur
des Turcs, ôc se fit son
tributaire. Ilprit depuis
les villes de Circelle ôc de
Bugie, conquitle Royaume de Tremesen dont
Algerfaisoit autrefois
partie, &remporta plusieurs
avantagesfur les
Espagnols quiavoient
prisle
partidu Roi deTrémesen leur vaíîal. Mais comme
les armes sont journalières, il se vitassiégé
dans la
Capitale de ce Royaume ; ôcaprês
une défense
opiniâtre , l'artillerie desEspagnols ayant
réduit
les fortifications de cette Place enpoudre,
nepou-
vant, ni tenirplus íong-tems,
ni íe résoudre à ca-
pituler,il tâcha de
s'échapperavec ses trésors
par
un conduit sous terrequi
aboutissoitdans lacampa-
gne.Le
Marquisde Goniare, Gouverneur d'Oran,
S i)
P 1 E R K 1 -
X)V P O N T*
140 HISTOIRE DE L* ORDRE
quicommandoit au
siège , averti de sa fuite, le
poursuivitvivement.
Barberousse, pourretarder la
poursuitedes Es-
pagnols,ôc
pouravoir le tems de
gagnerles dé-
serts , répandoit d'espaceen
espace,de l'or, de
l'argentôc des étoffes
précieuses.Mais rien ne
put
arrêter les Chrétiens -y ilsl'attaquerent
aupassage
de la rivière de Huexda 9 il fallut en venir aux
mains ; Barberousse fit ferme , son courage aug-
mentapar le desespoir
de ne point échapperà íes
ennemis, & la vue d'unpéril
inévitable lui en fit
perdrela crainte. Il se jette avec fureur au milieu
des Chrétiens, tue de ía mainplusieurs
Officiers -,
maisaprês
tout comme la partien'étoit
pas égale ,
leplus grand nombre prévalut,
Ôc Barberousse en-
veloppéde tous cotez, périt aveç quinze cens hom-
mes , qui l'accompagnoientdans ta retraite, ôc
qui
furent taillez enpièces.
Son frère Airadin avec le
nom de Barberousseprit
le titre de Roid'Alger,
il s'associa depuis avec deux fameuxpirates qu'il
fit ses lieutenans. L'un nommé comme lui Aira-
din, Caramanien de naissance, ôcque
fa fureur
ôc fa cruauté avoit fait nommerChasse-diables ;
l'autre corsaire, Juif renégat, delavilledeSmirne,
étoit connu sous le nom Turc de Sinan. Ces trois
corsaires étoient la terreur de toutes les côtes
Chrétiennes, ôc tenoientpour
ainsi dire la mer
méditerranée sous leurempire.
Chasse-diables non
content desprises
continuellesqu'il
faisoit en mer,
voulut àl'exemple
de Barberousse, ôcpeut-être
pourse soustraire de sa dépendance,
se faire un
établissement particulier.Il
surprit Tagioradont
PIERREPU P o N T.
DE MALTE. LIV. X.141
nous avonsparlé
au commencement de ce Livre,
se rendit maître de la Place, fit entrer son esca-
dre dans leport,
ôc il eut la vanité de íe faire
proclamer Roi de cette ville.
Maispour demeurer toujours
uni enapparence
avec Barberousse, en lui faisantpart
de sa nouvelle
conquête,illui en rendithommage,&proteíta
de ne
se détacher jamais de ses intérêts. Barberoussequoi-
cju'indignéde l'ambition de son lieutenant, crut
devoir dissimuler une injure qu'ilne
pouvoit van-
gerfans s'affoiblir. Il reçût l'hommage
d'Ai-
radin, le félicita fur faconquête-,
ôc ce Corsaire
n'ayant rien à craindre du côtéd'Alger,
fît des
courses fur le territoire deTripoli.
Laguerre
s'al-
luma entre les Chevaliers ôc ce nouveau Prince :
il leur enleva deuxbrigantins qui appartenoient
à laReligion, obligea
ceux de Gienzor ses voi-
sins àrompre
lalliance Ôc le traitéqu'ils
avoient
fait avecTripoli : ôc
pourtenir les Chevaliers
comme investis dans cette Place, malgrétous leurs
efforts, il fit construire à la portée du canon une
tour ou un Châteauappellée depuis
la tour d'M-
caide, quidécouvroit tout ce
qui entroit dans le
portde
Tripoli, ouqui
en sortoit.
Muley Hafcen Prince Maure, Roi de Tunis,
quiredoutoit l'ambition ôc le
voisinagede ce
Turc , fit une alliance particulièrecontre lui
avec le Gouverneur deTripoli,
ôc avantque
ce
Corsairepût s'affermir dans fa nouvelle
conquête,
il résolut de l'en chasser. Dans cette vue il mit fur
piedun
corps assez considérable de troupes, la
plupart composées des Arabes de lacampagne,
S iij
PIERREDU PONT
1531.m
Bos.l. 6.
Tofro 16.
142. HISTOIRE DE L'ORDRE
ôc avec un train d'artillerie, queles Chevaliers
de Tripolilui fournirent, il
assiégea Tagiora.Mais
soit parla valeur ôc le
courage d'Airadin, soit
manquede
capacitédans les Généraux deHaseen,
ce Prince futobligé
de lever lesiège,
ôc d'employer
depuisà fa
propredéfense des
troupes quilna*
voit levéesque pour attaquer
ses ennemis.
Hascen dont nousparlons,
étoit filsdeMuley
Mahomet, quide
plusieursde ses femmes avoit
eutrente-quatre
enfans.Quoique Muley
fût le
dernier, à cequ'on prétend,
ou du moins desplus
jeunes, fa mèrequi apparemment
étoit alors la
Sultane favorite , eut assez depouvoir
furl'efprit
de Mahometpour
en tirer une déclaration en fa-
veur de son fils, par laquelleil
Iedésignoit pour
son successeur. Cette femme ambitieuse, pour
l'empêcherde varier, le fit aussi-tôt
empoisonner.
Ce crime fut lepremier degré par lequel Hascera
s'éleva fur le trône -, Ôcpour s'y
maintenir il fit
mourir ouaveugler
laplupart
de ses frères ôc de
ses neveux. Araseid, quiétoit un de ses aîncz lui
échapa: ce Prince se
réfugiaà
Alger , &implora
laprotection
de Barberousse le Corsaire, qui pour
profiterde ces divisions Ie reçut bien, lí lui
promit
même unpuissant secours, mais il lui fit
compren-
dre en même temsqu'étant
Officier & vassal du*
GrandSeigneur*,
il nepourroit pas s'engager
fans
fapermission
dans cetteentreprise',
mais que s'il
vouloit venir avec lui àConstantino} le, il ne dou-
toitpas que
cegrand
Prince ôc toi t le Divan,
n'aprouvassentune
guerresi juste, ôc dont il se
chargeoitde faire voir à Sa Hautesse ses avanta-
gesôc les facilitez.
PIERRE»U PON T,
jBos, l. s.
I53l.
DE MALTE. LIV. X» 143
Le Prince Maure, quin'avoit
pasd'autre ressour-
ce, s'abandonna à ses conseils. Barberoussequi
1
avoit les vuesparticulières,
le conduisit à Con-
stantinople; ôcquand
ils furent arrivez, ilpré-
vint le GrandSeigneur,
ôc dans une audience se-
crette, leperfide
Corsaire luireprésenta qu'à la
faveur duparti
ôc desintelligences qu'Arrasohid
avoit dans Tunis, il seroit ailé des'emparer
de
cette ville, ôc de tout leRoyaume,
Ôc de l'annexer
ensuite à sonEmpire.
Soliman avide degloire
ôc
d'étendre les bornes de sonEmpire, goûta
ses rai-
sons :par
ses ordres on travailla dans tous lesports
à
un armement extraordinaire : on vit bientôt en
merquatre-vingts-dix galères
ôcplus
de deux cens
navireschargez
de munitions deguerre,ôc
de trou-
pesde
débarquement.Le Grand
Seigneurcarressa
Arrasehid, quià la vue d'une armée si redouta-
ble, se flattoit de rertfrer dans Tunis comme en
triomphe.Mais
quandil fut
questionde s'embar-
quer,Soliman le fit arrêter dans le serráil, ôccela
s'exécuta avec tant de secret, que quandon mit
à la voile, toute la flotte crutque
ce Prince in-
fortuné étoit íùr laCapitane, ôc dans la
galère
du G esterai.
Ce Corsaire étantparti
de Constantinople,
pourcacher ses desseins au Roi de Tunis, fit voile
du coté de ììtalie, ravageales côtes de laPouille
ôc de la Calabre, répanditla terreur de ses armes
dansNaples
ôcGayete,
ôcaprès
avoirpillé
ks
Bourgsôc les
Villages,fait esclaves un nombre
nfini d'habitans, ôc laissépar
tout de tristes mar-
quesde fa fureur, il
passa parle Phare de Messine,
Pi ERR*DU PONT.
144HISTOIRE DE L'ORDRE
exerçales mêmes cruautez le
longdes côtes de
Sicile, s'approchadu
capde Passaro, comme s'il
eût eu desseind'y faire une descente, ôc tourna
ensuite tout court du côté del'Afrique.
11 aborda
prochede la Goulette, ôc fit
publier qu'ilrame-
noit Arraschid. Pour se concilier lagarnison
du
Fort, il le fit saluerpar
unedécharge
de son ar-
tillerie, mais sans boulets ; ôc ayant envoyéun
Officier dans la Place demander au Gouverneur
pour quiil tenoit : Nous Jbmmes serviteurs des
évenemens, répondit l'Aga, ($* nous conserverons
la Placepour
leparti qui prévaudra, %) pòur
celui
de ces Princes qui demeurera Roi de Tunis.
Barberoussequi n'ignoroit pas l'importance de
cette Place, la clef duRoyaume,
lui fitreprésen-
terque
le GrandSeigneur
l'avoitenvoyé pour
placer fur le trône de Tunis lelégitime héritier^
qu'ilavoit ordre
d'attaquerôc de faire
périrtous
ceuxqui s'y opposeroient -, qu'il pouvoit juger par
sespropres yeux des forces de ce Prince, ôc s'il étoit
en étatd'y
résister. Celuiqui
étoitchargé
de cette
négociation,la conduisit si adroitement, ôc sçut
mêler si àpropos
lespromesses
avec les menaces,
quele Gouverneur, peut-être,
séduit encorepar
des sommes considérables, livra fa Place au Cor-
saire, qui aprèsavoir laissé une forte
garnison,se
rendit auxportes
de Tunis. Cette ville, lacapi-
tale du Rovaume du même nom, est située fur
la côte de Barbarie auSeptentrion
del'Afrique,
entreTripoli
ôcAlger,
à la pointedu
golfede
la Goulette, ôc à deux milles de la mer mediter-
ranée : de là se découvroient les ruines de la fa-
meuseCarthage.
On
PllRÎllDU PONT
D E M A L TE. Ll V. X. I45
Oncomptoit
en ce tems-làplus
devingt
mille
maisons dans la ville de Tunis -, lepeuple
àpro-
portion yétoit nombreux y mais elle n'avoit
quede
simples murailles fans fortifications : ôc comme
cette Place étoit commandée deplusieurs
endroits
du côté de l'Occident, toute fa force ne consis-
toitque
dans le Château ôc dans le nombre des
h ab i tans.
Al'approche
de l'armée de Barberousse, ôc fur
les bruitsqu'on répandoit que
le Prince Arraf-
chid étoit à la tête des Turcs, lepeuple toujours
avide, Ôc souvent ladupe
duchangement
de maî-
tre, s'émut ôcprit
les armes. Haseenqui craignoit
d'en être abandonné, sortit du Château, tâchad'ap-
paiserla sédition, remontra aux
plusmutins lafide-
litéqu'ils
lui.av oient jurées pourles
gagner,des- •
cenditjusqu'aux prières
lesplus
basses. Mais soit
aversionpour
songouvernement:,,
oucpmpassion
pour Arraschid, parcequilétoit: malheureux,, le
peuple rejetta avec degrand? cris, ôc même
avecmépris,
ses remontrances ôc lesprières; du
Roi \ ôc ce Princecraignant o^on
n'attentât à ía
vie, ouqu'on
ne le hvrâtí h son ennemi ; sortit for
lechamp
de la Ville, íàns mênie rentrer dans le
Château, ôc fansemporter
avec lui ses trésors,
Marmol dans íadeseriptiondeFAfrique,wrapi
porte quece Prince lui avoit avoué
quedans la?-
gitation ôc le troubleque
lui causoientl'approehe
desennemis, ôc la révolte de ses
sujets,endescen-
dant du Château dans la Ville, il avoit oublie une
bourse de veloursrouge,
ou ily avoit deux cens
diamans d'unegrosseur ôc d'une valeur inestima^
Tome 111. T
PlERRfpu PONT.
»
k
l
Htftoirtclw-
Royaume dé-
% Tunis Lér
146HISTOIRE DE L'ORDRE
ble. Il ne futpas plutôt
sorti de Tunis, que
les habitans en ouvrirent lesportes
à ses ennemis ;
Barberousse y entra aussi-tôt à la tête de neuf mille
Turcs, ôc se rendit maître du Château ôc desprin-
cipaux postesde la Ville. Les habitans Tavoient
reçu d'abord avec degrands témoignages
dejoyey
mais voyant qu'Arraíchidne
paroissoit point,on
commença à se défier du Corsaire/quoiqu'il
dît
quele Prince étoit resté malade sur la
galère; ôc
îa fourberie ayantenfin été découverte ^ les habi-
tans, au lieu de prêterserment de fidélité à Soli~
man , comme il les enpressoit,
détestèrent hau-
tement laperfidie
de ce Corsaire, prirentles arô-
mes , chargèrentses;
troupes pourles
obliger de
sortir de leur Ville. Mais ils avoient affaire à un
Capitaine qui sçavoit faire laguerre,
ôcqui
aVoit
prévucette révolution. Barberousse
pour contenir
lepeuple,
fit tonner l'artillerie du Château, dont
il étoit le maître yôc ses soldats firent une si furieuse
déchargede
leurs.mQusquetsfur-ces habitans, que
pourfaire cesser le massacre , ils furent réduits à
reconnoître le GrandSeigneur pour Souveraijn, &
Barberouffepourson VicerRoi.
Ce Coríàfeauísi habileque brave, après
s'être
servi si utilement de ses armespour réprimer le
peuple, employades caresses ôc des manières plei-
tjes de douceurpour gagner
lesprincipaux
habi-
tans. Par leur moyen isfit alliance avec.les Arabes
de la contrée , s'emparade la
plupartdes villes
quiétoient
plusavant dans les terres, y mit
gar-
fïison, ôc dans le dessein d'élargirun canal
pour
faire unport
de Tunis y & le mettre en état de
PIERRE
IU P O NT.
* 5 3 X-
DÉ MALTE. LIV. X. 147
recevoir sesplus grands vaisseaux, il se servit des
eselaves chrétiens dont il en avoitplus de
vingt
mille dans cette Ville, quiouvrirent le canalde
la Goulettequi
entre de la mer dans le lac sor se-
quel est située la ville de Tunis.
Tel étoit ïétat des côtesd'Afrique,
& des Pro-
vinces voisines deTripoli, lorsque
le Grand Maître
arriva à Malte. CeSeigneur jugea
bienque
íansv
des forcessupérieur es, ôc une puiíîànee
au-dessus
de celle de son Ordre, ses Chevaliersnepourròient
passe maintenir dans
Tripoli;De tous ses Souve-
rains del'Europe,
iln'y
avoitque Charles-Quint
quecette
entreprise interreiïat, ôcqui
fâtcapable
de s'y opposer:ildevoit craindre
quece còríaire
redoutable, aprês tant deconquêtes ,íne tentât de
s'emparerdes
Royaumes de Sicile ôc deNaples
t
eequi par
la fuite dm tems auroit fait tomber
Malte en fapuissance. Ainsi de f avis du Conseil
^
le Grand Maîtreenvoya
àrEmpereur
en ambassade
le Commandeur Ponce deLeon;<3rand-Croix,pour
le solliciter de fairepasser
une armée en Afri-
que , capablede mairitenir les Chevaliers dans
Tripoli,ôc d'arrêter ses
progrès sorprenans">de
Barberousse.
L'Empereur reçut en même tems & au même
sujet, une autre ambassade de lapart
deMulèy
Haseen, dont unrenégat
Génoisappelle Ximaà,
sonCapitaine
des Gardes étoit le chef. Cerenégat
voyant son maître détrôné, ôc fansespérance
de
pouvoirrecouvrer íaCouronne,lui conseilla d avoir
recours à Charles-Quint, Prince aqui Barberoustè^
taidit-il, étoit odieux, ôcqui
se seroit un hohv
PlERRBDU P G N T.
148 HISTOIRE DE L'ORDRE
neur de rétablir dans ses Etats un Roiqui
en avoit
étédépouillé
si injustement.
Haseen confia {'exécution de ceprojet
a célui
<|Uien étoit fauteur j se Génois se rendit à Ma-
drid, eut audience del'Empereur, qui craignant
pour sesRoyaumes
deNapses
ôc de Sicile, écouta
favorablement l'un ôc l'autre Ambailadeur. L'af-
&re fut mise en délibération dans se Conseil y&t
aprês qu'elleeût été examinée devant íEmpereur
par ses Ministres ôc ses plus habiles Généraux^ on
résolut deporter
laguerre
enAfrique,
tant pour
mettrelesRo yaumes deNaples
ôc de Sicile à cou-
vert des armes du Roi d'Alger, que pourassurer
lanavigation de la mer d'Eípagne
en Italie, où
aucunvaisseau marchand oupaííager,par
la crainte
des Corsaires ^ n'osoitplus paroître
íanss'exposer
à Jtre enlevé.
Charles-Quint parut se confornier à cette réso-
Jution | mais avantque d'employer la force, ce
Prince lepins grand politique
de son siécle , Ôcqui
tiroit souventplus d'avantages
de sesnégociations
íecrettes quede ses arïnes, tâcha de
gagnerBar-
berousse, ôç de le détacher des intérêts de SolimarL
Ilchargea
de Ia conduite de cetteintrigue
un au-
tre Génois appelleLouis Presandes, qui sous pré-
texte de: commercer à Tunis* s'yrendit sor un
vaisseau marchandque l'Empereur
lui avoit fourni
^secrètement : il étoitchargé
de Lettres de créance,
quilui donnoientla
qualitéd'Ambassadeur. Apres
s'être fait introduire sous un autreprétexte auprès
de Barberousse, il lui rendit ses Lettres ; ôc suivant
fpn instruction,il lui
proposaune alliance parti-
l> r E km
pv PONT.
DE MALTE. L I V. £.149
culière avec Charles-Quint, Ôc il lui offrit de la
partde ce Prince de contribuer à le rendre mo- 'f
uiarqueabsolu de toute
l'Afrique,s'il vouloit s'en-
gagerà tenir dans la soite une si belle monarchie,
ôc la rendre tributaire de la Couronned'Eípagne.
Par une seconde instruction entièrementopposée
à lapremière , cet Agent avoit ordre de s'abou-
cher se plus secrètementqu'il pourroit
avec cer-
tains habitans de Tunis, dont on lui donna les
noms, ôcque l'Ambassadeur de Haseen avoit dit
être bien intentionnezpour
son maître,derecon-
noître leurdisposition,
de les assurer duprompt
retour de ce Prince à la tête d'une armée , Ôc de
les exhorter àprendre
les armes en la faveur ,
quandil
paroîtroitaux
portesde leur Ville.
Mais ce Ministre ayant voulu mener en même
tems deuxnégociations
si différentes , se rendit
bien-tôtsuspect -rl'intrigue
fut découverte, ôc Bar-
berousse sans s'embarasser du droit desgens , fit
étrangler l'Arnbassadeur. L'Empereur voyant que
toutes lesvoyes de la
négociationétoient fermées,
se détermina à uneguerre
ouverte vil
renvoya
l'Arnbassadeur de Haícen à son maître aveccharge
de l'assurerqu'il
iròit lui-même à la tête d'une
puissantearmée
pourle rétablir fur son trône -, ôc
il écrivit en même temspar
unExprès
au Grand
Maîtrepour
lui fairepart
de son dessein, ôc pour
inviter les Chevaliers à se joindre à lui dans une
entreprise , dontpar rapport
àTripoli,
ilspou-
voient tirer degrands avantages.
Le Grand Maîtreayant reçu
fa Lettre, Ôcl'ayant
communiquéeau Conseil, on résolut qu'on
arme-
Tiij
PlBRRÊDU PONT
IJO HISTOIRE DE L'ORDRE
roitpour
cetteexpédition
autant de vaisseauxque»
l'Ordre enpourroit
fournir. LaReligion
mit en
merquatre galères
desplus grandes
ôc des mieux
pQurvûes,avecdix-huit
brigantinstous bienarmez,,
lanscompter
lagrande caraque qui
seule étoitplus:
redoutable , ôc renditplus
de service dans cette ex-
pédition qu'uneeícadre entière. Un nombre consi-
dérable de Chevalierss'embarquèrent
fur ces disse-
rens vaisseaux, ôcchaque
Chevalier-jnenoit à fa fuite
deux braves soldats au lieu dedomestiques.
Lé
CommandeurAurelioBotigella
ancien Officier de
Marine , fut nommépour
Général de cette flotte
particulière,ôc Antoine de Grolée, Bailli titulaire:
deLango,
devoit commander lacaraque
ôc les
troupesde
débarquement.
Barberousse nepouvant ignorer
les desseins des
Princes Chrétiens, sepourvut d'armes, de muni-
tions Ôc de vivres j appella auprès de lui tous les
Corsaires du Levant y tirad'Alger
cequ'il y
avoit
detroupes,
ôcdépêcha
divers Ambassadeurs a tous;
lespetits
Roisd'Afrique pour implorer
leur se-
cours, Ôc leurreprésenter que
làperte
de Tunis
entraîneroit aprèselle celle de toute la Barbarie-
Sonargent
réussit mieuxque Téloquence
de ses
négociateurs v ôc à la faveur dequelques
sommes
considérablesqu'il envoya
auxprincipaux
Chefs
des Arabes, il en tiraquinze
mille hommes, tous
gensde cheval, ôc
quifans s'embarasser du
parti
qu'ils prenoient, pour unelegeresolde mettoient
leur vie en commerce , ôc faisoient de laguerre
un métier mercenaire. Charles-Quint de son côté
avoit assemble unepuissante
flotte , composéedé:
VI R R E
Du PONT.
DE MALTE. Liv. X. 151
prèsde trois cens voiles, ôc
chargéede
vingt-cinq
mille hommes depied , de deux mille chevaux,
r
outre un nombre considérable de volontaires de
différentes nations, ôc despremières maisons de
l'Europe, quivouloientse
signaleraux
yeuxde ce
grand Empereur.
Le rendez_ vous généralétoit dans le
portde
Cagliari , ville de llfle deSardaigne , distante
feulement de soixante lieues des côtesd'Afrique,
L'Empereur ayant reçu les secours duPape
Ôc de
l'Ordre de Malte, enpartit
le 13 de Juin, ôc arriva
heureusement à Portó-Farina, appelléeancienne-
ment, Utique,ville fameuse dans l'Histoire Ro-
mainepar
la mort du dernier Caton. Oriprétend
queBarberousse averti
que l'Empereurconiman-
doit son armée enpersonne,:
Si ce Prince, dit-il
aux Officiersqui l'environnoient, quijusquiciya
presque toujours faitla
guerre par ses Lieutenans ,
acquiertdans cette
campagnela
gloire quilui
manquey
ilfatfdranous résoudre k
perdrecelle
quenous ayons
acquiseau
prixde notre
sang.
Cepirate qui
ne doutoitpas que
ses Chrétiens ne
commençassent leurentreprise par l'attaque
du
fort dé la Goulette, yavoit fait entrer six mille
Turcs despliis
braves de son armée. Ils étoient
commandezpar
Airadin êcpar
Sinan le Juif,
ces deux fameux corsaires dont nous avonsparlé,
ôcenqui
Barberousse avoit une entière confiance.
Ilenvoya en même tems
l'eunuque Azanaga,un
autre de ses Généraux, avec trente mille Maures
ou Arabes , mais tous archers ouarquebusiers,
ôc laplupart
à cheval, pourharceler fans cesse
PIERREX317P o NT-
Sagreâo t. 2.
& 3.
i5& HISTOIRE DE L'ORDRE
les Chrétiens : ôc comme il n'étoitpas
aíïuré de
la fidélité des habitans de Tunis, il s'enferma dans
cette Place avec l'élite de sestroupes..
L'Empereur débarquason armée íans obstacle
à uneportée
de canon du fort de la Goulette y ce
n'étoitqu'une grosse
tourquarrée,
mais bien flan-
quée , Ôc située à douze milles de Tunis à l'em-
oouchure du canalpar
où l'eau de la mer entre
dansrétang,
au bordduquel
Tunis lest bâtie.*Ce
canal estlong
d un trait d'arbalète, rhais si étroit,,
qu'une galère n'y peut passer qu'àforce de
rames. Barberousse avoit fait construire un pont
fur ce canal : Ôc dans unelangue
de terrequi
se
trouvoit entre la mer ôc la tour de la Goulette,
il fit faire un rempart quidecouvroit toute la
côte, ôc défendoit lesgalères qu'il
tenoit hors dm
canal.
Les Généraux derEmpereur
choisirent l'en»,
droitqui
leurparut
leplus
commode pourcam-
per, ôc ils l'entourerent de bonneslignes,larges^
profondes,ôc fortifiées
d'eípaceen
espace pardes
redoutes. Lagarnison
de la Goulette, pourinter-
rompreces travaux, faisoit de
fréquentes sorties,
danslesquelles
trois censEspagnols
ôcquatre
cens
Italiens furent taillez enpièces : en même tems
les cavaliers Maures ôc Arabes harceloient conti-
nuellement l'armée chrétienne, ôc venóient efcar-
moucherjusqu'à
l'entrée ducamp.
Mais les for-
tifications en étant achevées , oncommença
à
dresser des batteries, tant contre le fort, quedu
côté de lacampagne : ôc le feu en fut si terrible ôc
si continuel, queles Turcs de la
garnison,aussi-
bien?
PIERREDU PON T.
DE MALTE. LIV. X. if$
Bienque
les Maures ôc les Arabesqui
tenoient la
campagne ,.noserent plus approcherdu
campde
^Empereur.
Ce Princequi jugeoit
bienque
laprise
de cetté
forteresseemporteroit
avec elle celle de Tunis,
résolut ,J si-tôtque les brèches seroient tròuvéëSí
aísez ouvertes , d'y faire donner un assaut : on.î
battoit la Place eri même temspar
terre Ôcpar.
mer.
Doriaqui commandoit la flotte,, faisoit avaiE.
cer lesgalères
tour à tour -, ôc après qu'un rang:
avoit tiré, urt autre prenoitfa place poiir faire se&
déchargesLa
grande caraquede la
Religionétoit
postéecomme au
siègede Coron derrière toutes
lesgaieresj
maispar
là hauteur elle tiroit aisemente
pardessus y.ôc elle fit un feu si terrible ôc si contk
nuel, qu'elledémonta: toutes lés pièces de;latouiv
Le Commandeur!Botigelle,
Prieur de Pise, is'étantf
apperçu. quele
principalComité, des
galères de
l^Ordre, depeur
d'échouer contre terre, faisoit
tenir les rames hors de l'eau, fut à luil'épée
à
la main , Ôc lui commandant de fairevoguer.
ía,
chiomme i Malheureux, luiditâhyftut-il que pour
conserver dèux< ou troiscarcafies
degalères y nous*
manquionsde faire
une heìleaÛionì Le Chevalier de
Conversa rhabileIngénieur,,se distingua par
une
entrepriseencore
plus hardie : il arma unebarque,
longuede fauconneaux,.la remplit
demoufque-r
taires, ôclapouíïa
ensuitejusqu'au pied
de là tour s-
de-là il tiroit contre tous les Turcsqui
sepréserva
toient fur ses brèches : ôcpendant qu'ils rechar-
geoitd'un côte, il tòurnoit adroitement fa
barques
Tome 11L V*
PiERRr;DU PONT;.
1^4 H ï S t O IRE DE. L'OlDlï
ôcprésenìtoit l'autrecôte,quifaisoitfeu aufsiVtôt. Par
cette manoeuvre il tua ungraridnoriíbreMles
Infi-
dèles, fans qu'il pûtêtre osseníé
par l'artillerie de
la tour , quien étoit
trop procne.Enfin le feu
ayantcontinué de tous cotez
depuis minuit^ufqu^à
midi, l'Empereur,avant
queles Turesieuíïènt le
tems deréparer
les brèches, ôcd'y
faire des retran-
chemens, ordonna un aíïautgénéral
LesIGheva-
liers conformément à leurprééminence,
Ôclapo£:
session où ìk étoient d'être toujoursà Ht tête des
attaques,sorent
chargezde marcher les
premiers
à cellequi
se devoit faire du côté de la nier.
3Lc Commandeur de Grolée, appelle autrement
le Bailli Passim, quecommandoit les
troupesde£
tirées audébarquement,
ses fit entrer dans de&
ibarquesíôcdesvaiíïeaùx
plats '-j maisen,approchant
du bord>ces
esquifsse trouvèrent ensablez. Le
ChevalierCopier
de % Maison d'Hieres en Dau~.
phiné, quipòrtòitl'etendaírtde k
Religion,?se jetça
lepremierdans lea&avec son
enseigne:H fut suivi
de tous les Chevaliers, qui ayantde Team
jusqu'au;
dessus4e la ceinturey s'àívââcerent fierementlepée
% la Main , gagnèrentíe
rivage y Jkmalgré
mue
grêlede
rnoufquetades,montèrent à l'assaut. Xes
ìlípágnolssoutenus
par^les Italiens ôc tes Alle~
mands^attaquèrent*u*autreenddoic »i Ôc dansées
fdiferé^tesát?taques y les Chrétiens y malgrélaxoit-
orageusedéfense des Turcs, forcèrent ses brèches^
gagnèrentses boulevards ôc le haut de la tour,
{j& s'en rejadirent les maîtres. Mâis^ cette victoire
^couía à laReligion beaucoup
de sesplus
braves
C&eváfers, ôc il n en revint preíque>aucun fans
FlERR*PU P O NT.
DE MALTE. Liv. X^ ïjj
blessures. Comme cette tour n'avoit pointde de-
hors,pn fut auííì-tôt aucorps
de la Place, ôc l'ar-
tillerie enayant
ruiné toutes les fortifications, les
Chrétiens, aprèsune heure de combat, s'en ren-
dirent les maîtres..
Airadin ôc Sirìam lè Jviif, voyant seur défense
inutile,;>se jetterentdansl'étangavec la garnison:
ils marchèrent lèlong
des baisespar
une route
qu'on avoitmarquée
avec despieux, gagnèrent
Tunis,,Ôc
dautresí s'arrêtèrent à Arradez y petite
ville sor le chemin de la Goulette à Tunis. Les
Chrétiens sespoursuivirent
& en tuèrent lingranil
'
nombre.L/Empereur
entra dans la Goulette suivi
<djï RoiHáseêriy
ôc-se! tournant vers ce Princei:
Wòilà, lui dit41, laporte
wwerwpar
otivùuswen-
:trere% dans vos États. Onprétend qu'on
trouva
datís leport
de cette Placequatre-virigt sept gale-
^èís^galèôttês ôcautres^ vaifseau^àurames^ ip^sarw
'^n'êîsy outr^lusde íroís
ci&nspfeoèsdexanon^la
plûpàrtde bròn^ejO^nomfere inlbíderdoufquèts,
dhafbalêtês, depiques;;^ cUépéés.
i Cette rPîace
etpit l'àrcenâl de Ikrberôufle^ qpil^voi^crûjus
Qu'alors irrïpr^
•'I^Eínperëur^ âpres^
avoir-doiméquelquesfòiirs
àí sestroupes pour
sereposer y leur iîti
prendre: se
chemííi de TuriteQuoique:
BárbefôtiMQ/îcókîïût
4ién^láteíbseíseáécette villes quei d'áiHeurs iiliftt
feifc Usture :<fe fô fìdeíkê iáe$> Tunisiens J& encore
moins de labfá^uredesAìratìes^ependant
coihme
xi'étoit uiihòniráé-d'ún^grând^có^fa^e,
1il Résolut
<se-tenter seffedés ârraèsyd^áteau;devafìtsde?
PïíRltfet>V PóNÏ.
Juillet
lftS: ,
l$6 H I S T O I R E D B L* O R D RE
Chrétiens, ôc de leur livrer bataille plutôt quede
s'enfermer dans une Placepeu
fortifiée. Mais
avantque
de se mettre encampagne,
il tint un
grand conseil deguerre y ôc
ayantfait
appelle*
lesprincipaux
Chefs de son aimée. Turcs, Mau-
res ôc Arabes, il leur représentale
peude
rroupes
del'Empereur
encomparaison des siennes y que
lesplus
bravesparmi
les Chrétiens avoient péri
ausiège
de la Goulette j queles chaleurs excelïìves
-dupays auíquellés
ses soldacsde l'Europe n 'étoient
ípasaccoutumez ., en avoient rendu malades -ôc
îanguiíïàns ungrand
nombre •qu'ils manquoient
4'eau, en sorte quela
plupartmouroient de soif,
ilajouta-que
lecamp
de rEmpereurétoit
rempli
de richeíïes immenses-, qu'ilsn'en tireroient
pas
moins de la rançon desprisonniers qu'ils
feroient :
Enfin, leur dit-iïy/e vous promets laviBoirefi vous
svoule^VAiinere xuffivjous trouvère^ dans ladéfaite
de wos ennemis unefortune abondante, votre
propre
film , ^} celui de vos femmes fg) devosenfans.
Oniieluirépondit que par
des protestations
-d'une fidélité inviplabse ; mais au travers ; de ces
yrotestatiònsi,il dérnêla tarhl plfeart des visages
un MXâ'inquiétude
8c uneimpreíîìon
de crainte,
quiluien causa
beaucoupà luirmême :ôc comme
d'ailleurs il connoisspit le caractère seger& in-
ronflant de ces Africains, il tint la nuis un con-
seil secret feulement avec ses TMs^tteçhéz à ía
fortunes |1 leur dit qu'ilsse tfòuvoient malhea-
íeusementengagez dàns une Place ou ils avoient
mm sortes; d'ennemisi dont jl fellpit égalementse
^âSer | que ìesiMatires ípwf&pient impatiemment
PlERRtt>v PONT.
DE MALTE. Liv. X. 157
la domination des Turcs, ôc seroient ravis de les
voir taillez enpièces j que
les Arabesplus pro-
presà faire des courses
qu'àtenir ferme dans un
combat, pour peu qu'il y eût depéril,
se déban-
deroient a la vue de l'ennemi, ôcqu'il y avoit
actuellementvingt-deux mille Chrétiens esclaves,
renfermez dans Tunis, quine
manqueroient pas
d'en faciliter l'entrée auxtroupes
del'Empereur,
s'ils enpouvpient trouver l'occasion j que quoi-
qu'ilsfussent renfermez tous ses soirs dans le Châ-
teau , il ne falloit qu'un traître ôc un renégat pour
leur en ouvrir les portes^ ôc les rendre maîtres de
de la Ville, pendantqu'ilsseroient aux mains avec
les Chrétiens, mais que pourse tirer de cette in-
quiétude,il étoit résolu , avant que
de sortir de
la Place, de faireégorger
tous ces esclaves fans
pardonnerà un seul.
Chasse-diables se déclara hautement en faveur
fd'un sentiment si inhumain, ôc il soutint quesi
onépargnoit
les esclaves yils les seroient repentir
un jour de leur faussepitié,
ôcque
dans unepareille
conjoncture cétpit péchercontre toutes les règles
-de lapolitique,
de conserver l'ennemiqui peut
vousperdre.Mais le Juif Sinan, auquel
*inepartie
deces esclavesapartenoit,
ôcquifaisoient íàprinci-
pale richesse,s'ppofaà cet avis. Il
représenta àBarbe-
- roussequ'une
action si barbare les rendrpit odieux à
toutes les Nations ; qu'ilalienerpit même par
là les
espritsdes Tunisiens
quiavoient
prisou acheté le
plus grand nombre de eesChrétiens-, quelui-même
y perdraitle
prixôc la rançon des
plusconsidérables
dont il s'étoit rendu maître r qu'aprèstout il se-
PlERRÏDU P O N T.
M 35-
Bosio t. s U S.
IJS HISTOIRE DÉ L'ORDRE
roit toujours assez tems d'en venir à une si cruelle
précaution y qit'ilfalòit réserver cette exécution
pourun
coupde
dèseípòir: au lieu
ques'ils bat-
toient les,troupes
derEmpereur,
laperte qu'ils
-,
auroient faite parla mort précipitée
de leurs es-
clavesj^Mpôisonnêroit fôjpyë quisoit delá^iè-
ftOìÉÇU'o;.1.- j^í^ívrDa.-^p e ;.:.::.:' ,: :':....;..:; --]^-ï:j
Quoique Baf^.^ôu^^'eû%^ásxbi^tum«rdè^p]?^-
ferer un avis modéré auplus
violent ^l'avariceehs
cétte oeeàsiônrefcint íà cruauté nátu|èlse : iil ;Con-^
sentit de difseìrérTá mort des ëselavésí y:mais potrr;
íiílurer íavengeance
s'il étoirvaincu vfl ses fit char^
^gerde nouvelles chaînés, défendit qu'on
lés lais-
sât sortir dubaigne
ou cachot oùils étoient enfer-
mez j ôc il fít mettre-sous ce!batitnéht plulteurs
tonneaux pseins depoudre
à: canonpourlle
faire
sauterquand
il îordonneroit. 11partit
ènsoite à la
tête de sestroupes pourâìler^
ait devaitt de î Em-
pereur y ôç ilcampa>dans
uneplâme qiii h'éto^
qu'àune lieue de Tunis : sesairmées forent bien-
tôt enprésence.
Lès HistoriensEípagnols^ pòur
augmenterlá
gloirede Chi&lës^^iat ^préten-
dentqu'il n'y avoit
pas ïriòins deqúatrëlvlngt-dix
mille hommes dàn^l'armée de fiarberouísei Ost
enjugera par
lë succès-de la bataille ,siibn peut-
donner ce nprn à unë déroute, óíi de Tàveu de ces
écrivains, les Chrétiens rie perdirent quedix^hùit
loUdats^ ôcse|!Inrideflés, environ^ trois cen^ CJtíòî
qu'ilen íbit, les Arabes se
présentèrentd abord
d'assez bonnegrâce
au combat, & vinrent à là
charge avec degrands
cris. Mais ils n'eurent pas
plutôt ente^^ tonner las tillejtse^ôc eíluyé sespfev
PlERREtu P ON T.
DE M A L T E. L IV* X.IJ9
jnièrs coupsde
mouíquet,queces
troupes accoutu-
mées à ne combattre qu'en caracolant^se débandé-]
rent, s'enfuirent ôc disparurenten un instant : ôc ee
qui acheva de consterner Barberouíse, c'estque
dans seur fuite ils er^aînerenrses Maures ôcsesTu*
nisiens^ quide leur cote
regagnèrent la ville avec
plus d'empressement qu'ils n'en étosent sortis, Les
chefs des Arabes, sous prétextede faire seur cour
à Haseen, se vantèrent depuis de Jes avoir rete^
nus:, ôcx emipeehez de eomtettre. Barberouíle $$
sonner laretraite, ôc après
les avoir ralliez, ôc fans
seur fake aucun reproche,il leur dit seulement
qu'il les. remet troit se sendemajn, aux mains; avee
les Chrétiens. .•-.;> ",,, .-...'""i
Ce nfétoitpas fon dessein. Entouré de tous cô*
tezpar
des ennemis secrets pu déclarez, il ne re-
ienoitsous les armes tant de troupes qu^ë pourcour
vrir ía retraite, ^ì^:j^w^lis^:-^^f^Wiêr-lì
cacha meme avec loin çe projet aux Turcs* qui pa?
roisspient lui être sesplus fidèles; mais
l'empressè-
ment de ses gens à tirer ses trésors du Château, en
fit íbiiipconner quelque chose, & l'prdpe qu'ildon*
na ensuite de mettre le feu aux poudres quiétosent
sous laprison
des esefaves, ne kiíïa pliisr douter
duparti qu'il;
avoit prisîmais les ministres Ordi^
naire&de ses cruautez^ ne furent pas jmaîtres d'exé-
cuter une si aireúse barbarie ; ;3
IIy
avoit alorsparmi ses esclaves? un Chevalier
ose>laReligion, Commandeur de Turin, appelle
<
Erere Paul Simeoni, que Barberousse n'avoit ja-
mais voulu relâcher, quelque rançon que .l'Ordre
lui eût offert e; Nous ën avons dé j aparlé au sujet
Pi ER R »
PU' P ON T*
BoflL8.l.fr
p. //2,
i6o HISTOIRE DE L'ORDRE
de l'Iíle del'Ero, queee Chevalier, à
sagede dîx^
huit ans défendit avec tant decourage
contre les
entreprisesôc les
attaquesdes Infidèles. Simeonk
dans cette derniere conjoncture gagnadeux re^
négats, geôliersdés Esclaves : ôc
ayanteu
parleur
moyendes marteaux ôc des limes, il brisa ses fers^
ôc aida-àrompre
ceux descompagnons
de son es-
clavage.Ils forcèrent ensuite la salle d'armes du»
Château, s'armèrent de tout cequi
tomba sou»
leurs mains, taillèrent enpièces
cequi
étoit resté
de soldats Turcs dans le Château, s'en-rendirent,
maîtres-, ôcaprès
en avoir baricadé lesportes,
Ô&
mis de bonscorps
degarde
dans lesprincipaux»
endroits, se Chevalier chef de l'entreprise
monta
au haut du Château, ôc fit bannière blanchepour
avertir Tarmée Chrétienne de venir à leur secours?
Barberousse avant été avertiqu'on
entendoit beau*
coupde bruit dans le
Château,y accourut en criant
qu'onlui en ouvrît les
portesjmaison ne lui
répondis
qu'à coupsde
mousquetôc
parune
grêlede
pierres^:
queles esclaves lui jetterent. Alors
transportéde
fureur il s'écria: Tout est perdu y puisqueceschiensi
font maîtres du Château $'de mes trésors Sans
s'arrêterdavantage
il sortit de la ville âvec Chasse^
diables, ôc cequ'il put
ramasser de Turcs : ôc avane
que TEmpereur put être averti de cette révolue
tion.il s'enfuit, Ôcgagna
la ville de Bone, bâtie
procliedes* ruines de Tancienne
Hyppone,ville
célèbrepar Tepiseopat
de SaintAugustin
un des
quatre premiersPeres> de
TEglise, ôc son oracle:
aprèsS. Paul fur les matières de la
grâce.
Simeoniayant appris
la fuite du Corsaire, en
fît donner avis àTEmpereur, qui s'avança
aussi-
tôt
PIERRE»u PONT.
François de
Medttllino,& Vincent
de Cattaro
Giaffntga."
Hormifd.
Zpijktdpojs.
DE MALTE. L I V. X. 161
tôt. En entrant dans la Place ,1e premier objet qui
seprésenta devant lui, fut ce Chevalier, à la tête
de íìx mille de sescompagnons d'esclavage.
Char-
les- Quint en Tembrassant : Ami Chevalier, lui dit-iî,
quebénie soit à jamais la
courageuse résolution qui
vous afait rompre
vos chaînes, faciliterma con-
quête 3 (§fc augmenterla
gloirede votre Ordre.
Simeoni comblé d'honneur, se retira fur lesgalè-
res de Malte, ôc fut saluer le General ôc ses con-
frères. Mais lestroupes
del'Empereur
Ôc les esela-
ves serépandirent
dans la Ville, ôc y commirent
des excès íi assreux de touteeípece, qu'il
sembloit
quedes Chrétiens voulussent renchérir fur la vio-
lence ôc la lubricité despeuples
lesplus
barbares.
Les malheureux habitans de l'un ôc de l'autre
sexeéprouvèrent
dans leurspersonnes
ôcdans celles
quileur étoient les
plus cheres, des tortures, ôc
différentes sortes degéhennes pour
lesobliger
de
découvrir à leurs cruelsvainqueurs
les trésors ca-
chez : quandon n'en
pouvoit plusrien tirer, on
les massacroit ensuite desang
froid. Les jeunes
filles étoientexposées
à des infamies encoreplus
odieuses ôcplus insuportables que
lesplus
cruels
supplices ; ôcquand
se soldat rut las de tuer, ou
d'assouvir fa brutalité fanségard pour Tâge,
le sexe
ou la naissance, ilchargea
de chaînes tout cequi
tomboit entre ses mains. Lespersonnes
du sexe
les mieux faites Ôc lesplus jeunes étoient arrachées
d'entre les bras de leurs mères ; ôc les Officiers se
les réservoient, pourles faire servir à leurs infâmes
plaisirs.
Parmi ces esclaves infortune z, se trouva une
Tome 111. X
PlI'RRI.DU P ON T«
I6Ì Hr s T o i R E D E L'O R D R E
jeunefille d'une rare beauté ôc des
premièresmai-
sons de la Ville, appelìée Aysa : elle étoit tombée
enpartage
à un OfficierEspagnol qui
Tamenoit
dans lecamp
ôc dans fa tente. Muley Haseen qui
la rencontragarotrée
d'une manièreindigne
defa
haute naissance, touché decompassion,
ôcpeut-
être d'un sentiment encoreplus vif, Tarrêta Ôc offric
à sonpatron
de la racheter. La Maurifquenatu-
rellement fiere, ôc outrée de douleur ôcde colère,
s'écria en lui crachant auvisage
: Retire-toi yper*
fi de @<r méchant Haseen ,quipourrecouvrer un Royaux
mequi
ne iapartenoit pas , as trahi honteusement
ton Pays -Q)ta Nation. Mais ce Prince fans se re-
buter, continuant d'offrir à TOssicier des sommes
considérablespour
ía rançon, Ayíà furieuse lui
répéta: Retire-toiy te dis-je, je ne veuxpoint
d'un
tyran pourlibérateur.
Onprétend que plus
de cent millepersonnes
périrentou furent esclaves :
plusieurstrouvèrent
la fin de leurs jours dans la fureur des soldats ;
d'autresqui croyoient échaper
dans les sables ôc
les déserts voisins, furent étoufez parses chaleurs
excessivesqui
se font sentir dans ces climats brû-
lants, ôc moururent de soif, ôc on fait mqnterle
nombre des prisonniersà
plusde
quarantemille
de diffèrent sexe.L'Empereur
maître de Tunis,
rétablit MuleyHaseen fur le trône ; mais à con-
dition de relever de la Couronne d'Espagne : ôc
pour gagesde fa fidélité il retint entre ses mains
le fort de la Goulette, dont il rétablit les forti-
fications. Par ce traité ilobligea
le Prince Maure
d'enpayer
lagarnison,
ôc dy envoyer en
otage
PIERRE»"u PONT.
DE MALTE. LIV- X. 163
se Prince Mahomet un de ses enfans avecquel-
quesautres Seigneurs
de fa Cour.L'Empereur
fe
diíposaensuite a retourner en
Europe ; mais avant
quede
s'embarquer,le 15 de Juillet que TEglise
célèbre lâ fête de S.Jacques
Patron deTEspagrie,
ce Prince en solemnisa la mémoire dans soncamp.
Après yavoir entendu la Messe
quifut chantée
enmusique,
il voulut dîner fur lëgrand galion
de Malte, appelle Caraccay où il fut servipar les
Chevaliers avec une extrêmemagnificence.
Le
dessein del'Empereur, après
avoir mis à la voile j
étoit depasser par Mehedia, ville
d'Afriquedont
ií vouloir s'emparer -ymais il s'éleva unetempête
quiécarta les vaisseaux ôc les
galères: ôc ce ne
nitpas
fans degrands périls que
cette flotte vic-
torieuse aborda àTrapano
en Sicile.
Le Grand Maître luienvoya
en cette ville une
célèbre ambassadepour
le féliciter fur Theureux
succès de ses armes. Ce Princerépondit obligeam-
mentqu'il
en devoit la meilleurepartie
à la va-^
ìeur ôc aucourage
des Chevaliers y &pour
tenir
î'Órdre toujours attaché à ses intérêts, tl combla de
préíensles
principauxChevaliers
quiTavoient sui-
vi dans cetteexpedition,ôcordonna par
un nouveau
Reseritque
le Grand Maître ôc le Couventpussent
tirer librement ôc fanspéages
de la Sicile les mu-
nitions deguerre
ôc de bouche dont ils auroient
besoin. Par un autre Edit ôc unprivilège particu-
lier, il déclaraqu'aucun Chevalier, sous
quelque
prétexte que çe pût être, nepourroit jouir dans
toute Tétendue de ses Etats des biens de l'Ordre,
fans rattacheparticulière
du Grand Maître ôc du
Conseil, ôcque
sesoriginaux
de sesprovisions
„
'
Xij
'l-lï R R.$DU P O N T.
PntRUE 1
í?u PONT*
A
»
I
DI
S.TAUtE.
1536.
il Novemb;
164 HISTOIRE DE L'ORDRE
n'eussent été vuspar
Sa. Majesté ou sesMinistres^
ôcenregistrez
dans ion Conseil d'Etat.
L'eícadre de laReligion
rentra heureusement
;dans lesports
de Malte; mais la joie des Cheva-
liers futpeu
de tèms après tempérée parla mort
du Grand Maître, qiii à peine remplitcette
gran-
dedignité pendant
un an. La Religion perditen
fapersonne
undigne Chef ôc un véritable Relu
gieux ; pendant son gouverneméiitil interdit aux
Chevaliers sous des peines >trçs~sév ères, la coutu-
me,,ò>p<Wii? mieux direTabusqu'ils avoient appor-
té d'ïtalie d'âlser enmasque pendant,se carnaval:
Ôc ïï supstitua en.k.pláce de ces,bacchanales Tufa-
gedes tournois, des'combats a, fer érhoussé .& de
plusieursautres
jeux, militaires, qu'illeur faisoit
regardercomme un exercice
plus convenable à
desguerriers.
Ce futpar
le mime attachement à Tobservarice
dfejji règle qu'il refusa, malgrélei instances du
^^»C^^n^nief oà une Çommanderie vacante
S'^-^p^
^hévalser,au
préjudice de. ses anciens,
récrivît à *ce Pontife, qu'àson avènement à la
Grande-Maîtrise, on avoitexigé
de lui comme de
toussesïprédecestèurs dessermens solemnels d'ob-
server les statuts de laReligion,
Ôcqu'il prioit
Sa
Sainteté de trouver bonqu'il ne violât
pasune si
sainteobligation qu'il
avoit contractée aupied
des
Autels, Ôc fur les iaintsEvangiles.
DÌDIER D É S A I N T J À I L L E Prieur de Tou-
-lpuse,un des
plus généreuxdéfenseurs de Rhodes,
dont nous avons eu lieu deparler dans la relation
*de ce
siège y succéda à Pierrin du Pont : il fut élu
çpmme son prédécesseuren son absence. Le Che-
D E MAL TE. L I V. X. 16$
valier de Bourbon parvinten même-tems
parla \
mort de Frère Pierre de Cluis au Grand Prieuré 5
de France. Lepremier usage que Je nouveau Prieur
fit des richesses attachées à son Prieuré, fut de
faire faire unemagnifique tapisserie, où fur un
fond de íoye rehaussé d'or y onvoyoit
lesportraits
de tous les Grands Maîtresreprésentez
au naturel,i
ôc tirezd'après
d'excellensoriginaux qu'on
avoit
apportezde Rhodes : ôc sitôt
qu'un meuble si ri-
che & si curieux fut achevé, ilTenvoya
à Malte,
ôc le consacrapour
orner la principale Eglisede
cette Iíle.
Cesmarques
de la libéralité Ôc du désintéresse-
ment des Chevaliers n'étoient pas alors extraordi-
naires dans l'Ordre. Laplupart
des Commandeurs,
ceux surtoutqui étoient revêtus des
principales
dignitez delaReligion,enconsacroient généreuse-
ment tous les revenus à faire des arméniens contre
les Infidèles. Laplupart cherçhoient la gloire pré-
férablement augain qu'ils pouvoient
fairepar
leurs
prises, ôç onpeut
direqu'en
tout tems ily
avoit
plus de Chevaliers en merque fur terre ôc dans
leurs Commanderies, On les voyoit rentrer sou-
vent dans leport
de Malte, traînant à leur fuite
des vaisseaux Ôc desgalères des Infidèles, dont ils
délivroient auffi-tôt les esclaves Chrétiens de dif-
férentes nations ;ôc ces Chrétiensaprès avoir re-
couvré leur liberté, reportoient dans leurpatrie
le souvenir ôc letémoignage
du zèle ôc de la va-
leur des Chevaliers.
Parmi ces hommes illustresqui mériteroient
chacun une histoireparticulière , on
comptoit
Xiij
DlDIIR
S. J AILLE.
Bosio, L/•
i66 HISTOIRE DE L'ORDRE
Botigella Prieur de Pise ôc Général desgalères ;•
Georges ScillingGrand Bailli
d'Allemagne•.Grolée
Bailli deLango -, Jacques Pelloquin,
Lieutenant
du Grand Maître -j Léon Strozzi, Prieurde Capoue y
Château Renaud, Maréchal de l'Ordre y le Corn^
mandeur Parisot dela Valette, ôc beaucoupd'au-
tres dont on trouve les noms dans les Mémoires*
de laReligion.:
N
Mais aucun en ee téms-îà ne s'étoit renduplus;
fbrmidabîe aux Corsaires, quele Prieurde Pise-
il nequittoit point
la mer. Aucun corsaire n'osoit
s'approcherdes côtes de la Sicile Ôc de Malte, qu'il
ne se vît aullì-tôtsurpris
ôc enlevé : ôc il fît cette
annéé tant deprises, que
les corsairespublioient
qu'ilavoit dans fa
galèreun démon familier dé-
guiséen chien, qui
Tavertissoit dujour
de leur
départdes côtes
d'Afrique,ôc des endroits où il
lespourroit rencontrer, Òn n'avoit
gúeresvu de
Généralqui joignît
à une sigrande
connoissance
de la mer, uncourage
si déterminé n fort óu foi-
Me "ilàttaquoit
tout cequ'il rencontroitjôc fans
s'embarasser desreprésailles,
il faisoit pendre tous
sesrenégats qui
lui tomboient entre les mains.
D'ailleurs dur ôcsevere dans le commandement,
ilexigeoit
des Chevaliers quiétoient sous ses or-
dres la même valeur dont il leur donnoit Texem-
ple.Il n'étoit
pasmoins exact dans ce
qui regar-
doit ladiscipline
militaire -, Ôcaprès
uneexpédi-
tion où il avoit fait desprises considérables, quel-
quesChevaliers s'étant
émancipezde mettre la-
main fur le butin, il les fit arrêter,ôc les tint aux
arrêts ôc dans unelongue prison
comme usurpa-
DIDIERDE
S. J A II LE.
DE MALTE. LIV. X. 167
teurs des biens de l'Ordre. Il ne faisoitque
ren-
trer dans leport
deTripoli lorsqu'on découvrit ;
sur le soir ôc du haut de la tour troisgrosses ga-
liotesqui
faisoientroute vers Tiíle de Gerbes. Les
Capitainesde
galèreslui demandèrent aussi-tôt
permiílìonde sortir du port pour ses aller com-
battre : Ne voye^-wous pasy leur dit cet habile ma-
rin , ques ils vous
aperçoivent,la nuit
qui est pro-
che les dérobera a votrepoursuite y avant
quevous
les ayie% pu joindre ?'.Laijfons
les aller àprésent ;
mais ils n irontpas fi loin
que je ne lesratrape
de-
main aupoint
du jour.En effet sitôtfqu'il
fut nuit,
il sortit duport
avec troisgalères,
ôc tint la route
de Gerbes autantque
les ténèbres se luipurent per-
mettre. A peinele jour parut qu'il
découvrit ces
galiotes quialloient de conserve, il leur donna
auíïì-tôt la chasse. Les corsaires sevoyant poursui-
vis, seséparèrent,
ôc une desgaliotes
tâcha de
gagnerles côtes de Barbarie. Mais une
galère ap-
pelléela Cornue lui
coupant chemin, Teut bien^tôt
jointe} ôc les Chevaliers le sabre à la main sepré-
sentèrent àTabordage.
Les Turcsqui
étoient en
grandnombre dans ce vaisseau, se jetterent tous
du côtéque
les Chevaliers vouloientattaquer:
leurprécipitation,
ôc segrand
nombrequi
ne se
trouvaque
d'un côté, causa leurperte.
Lagaliote
se renversa, coula bas à la vue ôc augrand regret
des Chevaliers, encoreplus
fâchez de la mort des
esclaves Chrétiensqui
furentnoyez, que
d'avoir
manqué uneprise qui
nepouvoit
leuréchaper.
La secondegaliote
eut un sort àpeu préspareil ;
Les Chevaliers cherchoient à Taborder*, ôc çom-
DIDIEKDÉ
S.JAIXXE.
i68 HISTOIRE DÉ L'ORDRE
me les Turcsy
étoient engrand nombre, ils n*é-
viterentpoint
le combat, ôc tournèrent laproue
contre lagalère
de laReligion.
Depart
ôc d'au-
tre il se fit de furieusesdécharges
de flèches Ôc de
moufqueteries, quimirent un
grandnombre de
Chrétiens ôcdeTurcshors de combat. Lepilote
des
Infidèlesplus
adroitque
celui des Chevaliers, lui
présenta se côté -y ôcaprès
avoir fait une décharge
nouvelle de ses flèches, pritle
large.Mais le Ge-
neralBotigeîla qui
s'étoit réservépoùií
secourir la
galère quiseroit Ia
plus pressée,s'opposaau
passage
de lagaliote,
ôc lajoignit proue
contre proue. Le
combat recommença avec une nouvelle fureur ;,
le coursier ôc lesmousquets
firent une furieuse
déchargede
partôc d'autre: le combat se main-
tintlong-tems
avec unégal avantage
: la victoire
plusd'une fois paíïà successivement dans l'un ôc
l'autreparti.
Les corsairesgens
de mer,élevez dans
le feu ôc au milieu des armes, se battoient avec
uncourage
déterminé :plus
d'une fois ils se Hâ-
tèrentd'emporter
la rambade, ôc de faire récuser
ses Chevaliersqui
la défendoient. Mais ils avoient
en tête des hommesintrépides, qui
n'avóieht ja-
mais connu depéril.
Cettecourageuse
milice se
jetta Tépéea la main dans Ia
galiote , en même-
temsque
les soldats de la Cornue forcèrent un
autre endroit, ôc sejoignirent
aux soldats de la
capitane.Cë fut moins alors un combat
qu'unm a£
sacregénéral ; le soldat Chrétien ne fit
pointde
quartier 5 maisemportez par
Tavidité de faire du
butin, un fígrand
nombre seprécipita
dans ce
vaisseau,; quesoit le
poidsextraordinaire de ceux
qui
D1 D 11 RDE
S.JAILIE»
DE MALTE: L-rv. X. r6<$
qui y entrèrent ôcqui
se tenoient tout d'un côté,
soit quelque voyed'eau reçue dans le combat,le s
fit couler à fond : Ôc lesvainqueurs
confondus~
avec les vaincus, eurent un fortpareil,
ôepérirent
dánsilè sein même de la victoire.
Làplus grande
desgaliottcs^
commandéepaf
Scander fameux Corsaire, ôcpar
Un autre RaisoU
Capitaine ,;fit tous ses essorts pomr gagner Zoarà,
à treize milles de Tlíle de Zerbe ou de Gelsev vers
f Ofifehtv Mais lë Chevalier Pàrisoí de la Vásette y
Capitained'une des
galères,ôc se
digne camarade
deBotigellà,
lui donna la chassesi.vivêment, que
ses Turcs nepurent
éviter lè combat. Il fút.auíïi
sanglantôc àuffi meurtrier
quelë
précédent. Sëán-r
der le battit commeun hommequi
n'avoit jàhiais
craint la mort, ôcquinesesoucioit pas
depérir
s'il
n'étoitpas victorieux; se Commandeur de la Valette
à ìà tête des Chevaliersdëfagàlereôc
en butte àu&
traits de ses ennemis, reçut deuxcoups
de flèche
dont dans la chaleur du combat il nes'àpperçùt
point jmais quelquetems
aprèsil sentit un
coup'de
mousquetquiluifraeassa Une jámbëj
ôclëjëttá fur se
tillac. Dans cet état ôc ëritrelavieÔclarnorc,ilnë
relâcharien de soncourage
Ôc de sohák-deurpour
la
victoire. Les Chevaliers ôc les soldats Chrétiens anU
mezpar
ses cris, sepouíserent
còntrélës Infidèles
avec une valeur si déterminées qu'ils ëntrerèntdáná
lëur vaisseau. Il faliíty
livrer un second:icombát r
lès Turcs s'étoient ralliezauprès
du mats ; on erï
vint tout de non veau aux mainsU Ces barbares fú4
ri eux dedésespoir, ôc
encouragez par Tëxemplé
de leurs Chefs, firent desprodiges
de valeur : ôè
Tome 11L Y
Dl D 1 E itDE
S. JAILLE.
170HISTOIRE DE L'ORDRE
quoiqueréduits en un petit nombre, ils forcèrent
les Chrétiens d'abandonner seur vaisseau : -ôcaprès
s'être décranponnezd'avec la
galère,, maigretous
les essorts des Chevaliers 3 ilsprirent se
large, ôc
firent route du coté de Zoara* Ils, .n en Croient pas
éloignez quandlesChevaliers qui vpguosent après
leurproye,ses rejoignirent.
On recommençai se
battre i ce fut un troisième combat y mais lapar-
tse netoit plus égaie.Les Turcs avoient perdu
la
plupartde seurs soldats ôc de leurs matelots ; à
peineen ressoit-il aísez
pourconduire ce vaisseau,
ôc sepeu qui s'y trouva voyant
lerivage proche,
se jettaà la mer
pourle
gagner.Mais comme il
y en avoit;^unigrand n^mbrede blessez, laplupart
se noyèrent,ôcentre autres les deux Rais opCa-
pitaines.LesChevaliers s'emparèrentde la
galiotte :
ony
délivra deux cens Chrétiens \ les Turcs furent
mis à la chaîne i lesrenégats pendus. OBotigella
rentra avec íaprise
Ôctriomphant,
dans leport
deTripoli.
Ce succès, Ôclàguerre
continuelleque
les Che-
valiers faifbient aux Turcsd'Afrique,
tantpar
terreque pair meç, détermina ces barbares à les
chasser s'ils lepouvoient
deTripoli.
Le Corsaire
AiradinSeigneur
deTagiora,
seplus
intéressé dans
cetteguerre , se
chargeade
Tentreprise: il rassem-
bla cequ'il put
tirer detroupes de Tagiora , de
Gienzor ôcd'Almaya
: le rendez-vous étoit à la
tour de TAleaïde. II enpartit
la nuit, ôc aupoint
du jour ilprésenta l'esealade aux endroits de la
muraille deTripoli, qu'il
crut les moins défendus.
Ileíperoit surprendre
les Chevaliers j mais George
1B--1-3ÌIE RBE
.^.jl AILLE.
Dt DI ÏK-D E
S. JAÍÍLE.
DE MALTE. LIV. X. 17*
Schilling,Grand Bailli
d'Allemagne qui eomman- E
doit dansTripoli,
avertipar
desespions qu'il
en- s,
tretenoit dansTagiora,
étoit souples aìrmes avec~~
toute iagarnison
: ôc ses Infidèles neparurent pas
plutôtau
pieddes murailles ^ qu'ils se virent aeca-
bsezdefeuxvdjartifice,4'huileboiiilJante, decoups
depierre, pendant quel'artillerie, ôc lés
Mousque-
taires de la Place tiroient fans relâche fur lescorps
sesplus éloignez , ôc
qui soutenoient ; ceux qui
avoient la- têtedeTattaque, Quoique Airadin vît
bienqíi'il étoit,,découvert * il %en^cpmbat;î;it pas
avec moins decourage
ôc de résolution. Ses trou-
pes,à son
exemple,firent des efforts extraordi-
nairespour gagner sehaut de la, muraille y -mais
elle étoit bordée parun bpn nombre de Cheya^
liersintrépides, qui
necomptpient pour rien ses
blessures ôc la mort : plusieurs périrent parles flé^
chesôc lamousqueteriedesInfidefcs* Çesbarbares;
perdoient encore plus de monde ; mais ils ses rem.
plaçoient aussi-tôt parce
grandnombre de trou-
pes qu'ilsavoient amenées à cette
expédition j an
heuque
les Chevaliersqui pour
lors n'étoientpasv
plusde
quaranteavec une médiocre
garnison,ne
tiroient du secoursque
de leurcourage j quisem-
bloit mêmeaugmenter
àproportion que
leur nom-
bre diminuoit. Le Grand Bailli seportoit íùr-tout
dans tous les endroitsqui
étoient lesplus pressez 5,
©n levoyoit presque
en même tems dans toutes
lesattaques.
Airadin de son côté noublioit rien;
des devoirs d'undigne
chef deguerre,
ôè moins
parses
paroles que parson
exemple,il entraînoit
a fa íuite ses soldats, ôc faisoit tous ses effortspour
Ylj:
iyiHISTOIRE DE L'ORDRE
gagnerle haut de la muraille : mais ce General
ayantété renverse de deíïus son échelse
parun
coupde feú,seis soldats eurent bien de ìa
peine
à le retirer du fond du fosse où il étoit tombé. Les
Turcs lecroyant mort, perdirent courage , tout le
débanda,• Ôc ils laissèrent aUpied des moralises un
grandnombre de léMs
1soldats
<|uii yavoient; été
tuez>;
"-/x: -:->
.y
Aprèsleur retraite^ sel Grand Baiíli
dépêcjhaa
Malte un brigantin-pour donner avis au Lieute-^
nant du Grand Maître &! au. Conseil, de lentre-
prise d'Àiradin; ôcpar la Lettre, il leur
rèprésehta
que Tripolifans bastions ôc fans boulevards, n'au-
roitpas^pU: tenir contre une armée
quien auroit
fairleliègedans
les; formés ^ qu'onétoit même
expose toussesjours à tinepareille sorprise ,3cque
pourla
prévenir,ôc éloigner
les Infidèles de son
voisinageyil faltoit
attaquerôc razèr la tour de
TAleaide^ quitenoit de ce eêté4à la Place Mo*
quééÔc investie , ôc
empêchoitse commerce des
Chrétiens avec les Maures ôc les Arabes habitans
du paysyÔc aussi ennemis des Turcs Ôc des Cor-
saires , queses Chevaliers;
Le Conseilapprouva
cetteentreprise , dont on
confia la conduite au CommandeurBotigella ,
Prieur de Pise, ôc General desgalères.
11 íe mit
aussi-tôt en mer avec centcinquante Chevaliers,
ôc environsept
cens hommes detroupes, que
la
Religionentretenoit à Malte y ôc le Bailli
Schilling
Gouverneur deTripoli,
traita en même tems
avecquelques Chèques
ouSeigneurs Arabes, qui
moyennantune certaine somme dont il convint,
DIDIERDE
:S. -JAILLE.
DE MALTE. LÏV. X. 175
lui fournirent uncorps
de cavalerie.Botigella
ayant débarquéses
troupesà
Tripoli, y pritune
partiede Tartillerie dont il avoit besoin -, il la fit
traînerpar
ses esclaves Ôcpar
fa chiourmejusqu'au-
prèsde la tour
qu'ilvouloit
assiéger: ôc farts se
donner le loisir d'ouvrir la tranchée y après avoir
dressé ses batteries, il se contenta de les couvrir
degabions.
Airadin au bruit de cetteattaque, y
accourut deTagiora
avec cequ'il
avoit detroupes
•
mais étant arrivé auBourg
d'Adabusqui n'étoit
éloignéde labour
quede trois milles, il se trouva
arrêtépar
les Chevaliersqui
étoient à la tête de la
cavalerie des Arabes. Airadin ne se sentantpas
assez fortpour attaquer
uncorps
bordé de cent
cinquante Chevaliers, se contenta delegeres
es-
carmouches , à la faveurdesquelles
environ soi-
xanteTures sejetterent
dans la Place. Ce secours
n'empêcha pasle General
Botigellade la battre
continuellement ; maiss'appercevant que
son ar-
tillerie neproduisoit pas
un effet aussìprompt qu'il
le souhaittoit, il fit venir de sesgalères,
les ram-
bades dont il se servit comme de mantelets : ôc
à Taori de cetteefpece
de défense, il attacha le
mineur aupied
des muraillesqu'il
fit sauter. Les
Chevaliers montèrent aussi-tôt fur la brèchequ'ils
trouvèrent fans défense ; laplupart
des Corsaires
avoient été ensevelis dans ses ruines de la mine.
Ceuxquiétoient
échappez,encoreétourdisdu bruit,
voyantles Chevaliers maîtres de la brèche ôc Té-
péeà la
main, mirent les armes bas.Botigella
fit
auíïi-tôt raser la tour : Ôc durantque
ía chiourme
Sc ses autres esclaves étoientoccupez
à ce travail,
Yiij
Ì>*í> TER.DE
S. JAIIXE.
174 H I S T O I&E D E L0R DR E
il s'avança à la tête de fapetite
armée vers lè
Bourgd'Adabus où Airadin étoit retranché. Il
l'en chassa, abandonna aux Arabes lepillage
de
cettebourgade -y Ôc
après avoir laissé dansTripoli
destroupes
nécessairespour
en fortifier lagarnison,,
il serembarqua pour retourner à Malte., U trouva
fur fa routé un grand galion quivenoit
d'Egypte,
chargéde riches marchandises. Un
fameux" CapL
taine Turcappelle Ardor le commandoit. Boti-
gella alla droit à lui avec sesgalères y le
joignit,ôc
malgrétoút le feu de ses canons , les Chevaliers,
seprésentèrent
àTabórdage , fautèrent dans le
vaisseau Turc se sabre à la main, ôc s'en rendirent
maîtres. Ony Bt deux cens Turcs
prisonniersôc
esclaves r Ôc laprise
sot estimée cent soixante mille
écus.Botigella toujours heureux, ôc
quimeritoit
de Têts e,, rentra dans leport
de Malte. Le Com-
mandeur Jacquesde
Pelloquin,Lieutenant dit;
Grand Maître , laplupart
desSeigneurs
du Con^
seil r ôc cequ'il y avoit de Chevaliers dans Tlíse,,
se trouvèrent fur leport pour
lè recevoir à son
débarquement.Comme on avoit appris
Theureux
succès de sonexpédition,
il en fut loué ôc félicité
publiquement,Ôc toute cette noble milice lè con-
duisit comme entriomphe
àTEglise
de S. Laurent^,
où il fut remercier Dieu du soccésqu'il
avoit
donné à ses armes.
On étoit encore dans lespremiers
mouvemens;
dejoye que
Gaufoit au Couvent Theureux re--
cour du GénéralBotigellè,, lorsque
disserens ac-
cidensy répandirent
une consternation géiieîâte..
Un jeune Diaco, ou Novice, qui aspiroità deve-
DIDIERDE
S- JAILLE»
D E M A L T E. L I V. X.17;
nir Chapelain de l'Ordre , vola desperles
ôc des
pierreriesdont les Chevaliers avoient orné la Sta-
tue de Notre-Dame de Philerme, qu'on avokap-
portéede Rhodes. Quelques jours après mn Che-
valierAnglois éperdûeraent
amoureux d'une Mal-
toise , mais furieux de jalousie, fur delégers soup-
çons lapoignarda
de fa main. Le Lieutenant du
Grand Maître fìt arrêter le voleur ôc le meùrçrier^
ôc.après qu'ils
eurent été condamnezpar
lesJuges
séculiers de Tisse, on lestransporta
un -mille loin,
duport : on les mit. ensuite dans des;facs, Ôc ©4.
les jetta tout vifs dans la mer.
Cesmalheurs.enprécederent
Lui auxnéqui n'^fHi*
gea pas moins tout lecorps,
dela-Religion.
Lè
Chevalier deVarennesNagu^Commandeuar
deTré»-
bous,.étant arrivé à ;Make. le dixdlQcìípbfsej.xy
aportales cristes nouvelles'de la m<^trdu íGrand
Maître de SainteJailse^qiiii
étantparti
du: Piîeuré
de Toulousepour -ft: rendre au Cóu&ent., tomba
malade àMontpellier,
ôcy^mpurut
le z6 deSep-
tembre. On s'assembla lelendemainpour lui don-
ner uniìicçesseur. Cette dignité régárdoit particu-
lièrement leCommandeur$òtigella,í©u se SeL
gneurde Gròlée, appelle autrement le Comman-
deur Paíïìm, Bailli deLango,
tous deux anciens
Chevaliers, ôcqui par
leursservices, leurs faits
d'armes, ôc unepieté singulière,
avoient si bien
mérité de laReligion
ôc de toute la Chrétienté.
Mais une cabale conduitepar
le Chevalier Garsie
Cortez, xpii se trouva alors le Chevalier de Té-1
section, tourna;le plus grand nombre des:íuífra-
gesen feveurdu Commandeur JEAN D'OMEDESJ
D IBIfiJLDE 1
S. JAILLE.
iííSeptemb»
TE A*D'OMEDEÍ.11 in»^—wmmt
176 H-I S TOIR I D E L* O R D RE
de laLangue d'Arragon,
ôc Bailli deCapse.
Ce
Bailli lui avoitpromis long-tems auparavant
de
lui faire tomber sonBailliage,
sipar
sonmoyen
ilparvenoit
à-la Grande Maîtrise. L'habile Espa-
gnol,homme
intriguant,ôc
quitrou voit sa
prov
preélévation dans celle de son ami, fit valoir
par-
mi les seize Electeurs ,1a blessure ôc laperte
d'un
eeilqu'Gmedes
avoit' fòussertependant Je siège
de
Rhodes. Peut-être aussique
íanstrop appuyer
fur
une blessure, preuvede valeur souvent
équiyoque^
Tadroit Espagnol sçûtse
prévaloirde la
supério-
ritéque
les Chevaliers de fa Nation^ à la faveur
dela puissance de 1Empereur,prenoientalors
dàns
les assemblées- de laReligion. Quoiqu'il
en soit,
on n'eutpas plutôt
rendupublique Telectiond'&~
medes, quela
plupartdes trois cens soixante Che-
valiersqui compofoient Tassemblée, en
parurent
consternez. Les tristespréjugez^ qu'on
fit alors dá
gouvernementde TElû, furent justifiez
dans la
luitepar
une conduite intéressée, partiale, Ôc mê-i
me pleinede dureté;
L'IllustreBotigella
1sidigne
dé cettepremière
place,en fut exclus, ôc il ne
garda pasmême
celle de Commandant ou de Général desgalères^
dont Léon Strozzi Prieur deCapoue
fút depuis
revêu;; jeune Seigneurd'une des
premièresMai-
sons de Florence, proche parentde Catherine de
Medicis Reine de France-,ôc
auquelse
PapeClé-
ment' V II. fón oncle, en lui donnant Thabit de
l'Ordre, avoit remis cettedignité qu'il possedoit
actuellement quandil fut élevé au souverain Pon-;
dficat.
Le.
J-r-A NO'QMEDËS.
DE MALTE. LIV. X. 177
Le jeune Prieur devenucapitaine avant
que
d'avoir été soldat, avoit fait sespremières armes ]
fous le commandement du fameux André Doria,
Général deTEmpereur
: ôcpour prémices
de son
commandement, il se trouva avec quatre galères
de laReligion
àlaprise
de douze autres comman-
déespar
un Turcappelle
Ali Zelif, grandhomme
de mer ,ôc chef de cette escadre. Doria sans comp-
ter sesgalères
de laReligion,;
en avoittrente-qua>
.tre ; ôc ayant rencontré leslnfideles dans le çanaj
de Corfpu, il lesattaqua
avec cette confianceque
ì-ui' donno.it justement le nombresupérieur
de ses
galères.Mais il
éprouvadans cette occasion
que
rien n'estsupérieur
à uncourage déterminé. Ali
avoit sur sesgalères
ungrand
nombre de Janissaires^
qu'ilétoit
chargéde
passeren Dalmátie^où Solii
man assemblóit uncorps
detroupes»
Ces soldats
firentparoîtreune valeur íurprenante,
& se battis
rent en gens quine vouloient
pas íùryivre à leur
défaite. -Ils s'attachèrent fur-tout aux galèresdes
Chevaliers, leurs anciens ôcperpétuels ennemis :
deux galères Turquesdont Tune étoitla
Capitane,
investirent laCapitane de Malte. La"
premières'at-
tacha à laproue,,
ôc l'autreprésenta
se côté. Le
combat futsanglant
ôc meurtrier : les Turcspreí-
soient vivement les Chevaliers. Plusieurs de cet
Ordre,'entre autres ConstansOpert,un
desprin-
cipaux.Officiers de la
Capitane,fut tué en s
op-
posant courageusementà T
abordagedes Turcs.,
quitâchoient de se jetter dans cette
galère.La
fortune sembloit en cet endroit les favoriser : ôc
peut-être qu'ils auroient enlevé laCapitane,
mais
Tome 11L Z
JEAND'OJÍIEDEÍ.
i'-fB HISTOIRE DE L O R D R E
dans cepéril,
le Prieur deCapòue
fitbraquer
une
coulevrine contre lagalère qui
luiprésentoit
se
côté. Ce fut le salut de laCapitane y la
gaietéen-
nemie blessée sous oeuvres de ce seulcoup,
se rem-
plitd'eau ôc coula bas. Les Chevaliers
pourlors
débarassez de éecôté-là, tournèrent toutes leurs
forces contre laCapitane des Turcs : le combat
devenu plus égal,devint auífi plus meurtrier. Les
Chevaliers ôc les Turcs, dans la vue d'enlever la
Capitanedu
particontraire y se
précipitoient ega*
senientdans ses armes lés uns dés autres. Les Che-
valiers à la finparurent prendre
deTavántage
fur
ces Infidèlesy
lis forcèrent les Janiíïaires, Ôc se jet-
tererit en foule Ôc le fâhre a la main dans leurga-
ieté. Les Turcs revenus de l'étóufdiísementque
leur causa uneattaque
si violente, recommencè-
rent le combat avec une nouvelle fureur ^ le sol-
dat acharné ne vòuloit ni donner, ni recevoir de
quàrtiet j lë vivantprenoit
aussi-tôt laplace
du
mort.Presque
tous les Turcs avoient été tuez, que
les Chevaliers n étoientpas
encore maîtres de la
galère, ôc lèpeu qui
reftoit dlnfideses eombat-
ïoient moinspour
sauver leur vie , que pourla
faire perdreà un Chevalier. Ils se firent tous tuer
Jusqu'au dernier, & cequ'on
n avoitgueres
vu dans
ces sortes decombats,
se Prieurprit cëtte galère
fans y ayòif fait un seulprisonnier.
Les Infidèlesqui
étoient dans les autresgalères,
^malgré Tinégahtédu nombre de vaisseaux, ne
montrèrentpas
moins decourage
: ôcquoique
ienvíronHëzdetrentèvhuit galères Chrétiennes, ils
'fè battirent avèe la mêmeopiniâtreté que
ceux
ÎB ANb'OwEDfcS.
D E M A L T E. L I V. X. 179
de laCapitane. Les Chrétiens forcèrent ením la
victoire à se déclarer en leur faveur, mais ils Ta- l
çheterent fort cher : ôc outre ungrand nombre de
soldats, on y perditAntoine E)oria un des Officiers
Céneraux, se ChevalierCopez, ôc plusieurs autres
du méme Ordre , quifurent tuez ou blessez dans
ce combat*
Le Général deTEmpereúr ayant appris que dix
galères de France étoientparties
du port de Mar-
seille pour porterà
Constantinopleun Ambassa-
deur du Roi François premier , íerangea
sous lë^
capde Paíïàro
pourses
surprendre.Le Géneralde
laReligion,, pour
observer une exacte neutralité
entre ces Princes , sesépara
ducorps
de la flotte,
courutpendant
ce tems_là les côtes delaCalabre^
donna la chasse à deuxgrosses galiottes, ôc une
fuste de Corsaires , dont il se rendit maître, dé-
livraquatre
cens esclaves Chrétiensqu'il
conduisit
dans leport
de Malte avec lesprisonniers qu'il
avoit faits. Tout le monde courut le féliciter ifiur
Theureux succès de sespremières armes, ôc on en
tira d'heureuxpréjugez , qu'il justifia depuis par
lesgrandes actions
qu'il fit, tant fur TOcean, que
dans la Méditerranée. Apeine
ce jeune General
avoit-il desarmé;, qu'il apprit que Philippe Strozzi
sonpère
avoit été faitprisonnier
dans un combat
paríe jeune Cosme de Medicis ,Due de Florence y-
quece Prince Tavoit fait conduire dans cette Ville
chargé de chaînes, ôcqu'on
lui faisoit actuelle-^
ment sonprocès comme à un criminel d'Etat ôc
à un rebelle. Le Prieur deCapoue
accablépar
une
£ triste nouvelle, demanda au Conseil soncongés
Zij
T 2 A WD'OMEJQIS.
ï80 HlSTO I R E DE L* O R D R E
ôcaprès
lavoir obtenu , fréta à sesdépens un
brigantin, ôc partitfur le
champ pour paster en
'Italie»- ._= •".'. - - \ : ,
PourTintelligence
dece'point d'histoire, qui
influebeaucoup dans tout ce
que nous serons obli-
gezde
rapporterau sujet de ce Prieur, un des
plus
grands Capitainesde son siécle, il faut se souvenir
de tout ceque
nous avons dit dans le Livreprécé-
dent touchant laguerre que TEmpereur Charles-
C^uint avoit faite auPape Clément VII. de la
Maison de Medicis. Pendant cetteguerre
ôc la
pr.isonde ce Pontife , les
citoyensde Florence
étoientpartagez
en deuxpartis
: les uns attachez
à la Maison.de Medicis, tâchoient de laporter
fur
le trône , ôc la rendre souveraine, ses autres soute-
noient Tanciengouvernement,
ôc vouloient con-
server leur liberté, ôc Tétatrépublicain.
Tantque
lePape
Clément fut brouillé avecTEmpereur,
ce
Prince avoit maintenu hautement lesRépubli-
cains : ilscomptoient
absolument sur saprotec-
tion , ôc les Medicis avoient été chassez de Flo-
rence, comme destyrans
Ôc des ennemis de la li-
bertépublique.
MaisTEmpereur
dont les résolutions changèoient
suivant ses intérêts , s'étant raccommodé avec le
Pape , la confiance des Florentins diminua, ôc leur
liberté fut fort ébranlée -yparle traité fait ëntre le
Papeôc Charles-Quint, ses Medicis dévoient être
rétablis à Florence dans tous leurs biens ôc dans
sesdignitez
dont ils étoient enpossession avant
leur bannissement ; ôcpar
un article secret, TEm-
pereursetoit engagé
à établir comme Prince
aiAN
MEDES.
DE MALTE. Liv. X. ',1.81
lôc Gouverneurperpétuel
de cetteRépublique ,
Alexandre de Medicis , bâtard de Laurent^ Duc
d'Urbin j d'autres disentqU'iLétoit
fils de Clément
même. Tel fut se íujet dusiège que
lestroupes
duPape ôc de
TEmpereurmirent de concert de-
vant cette Place y ôcaprès
s'en être rendus les
maîtres, pourne
paseffaroucher le
parti républi-
cain, TEmpereur voulutque
le nouveau Prince ne
prît simplement quele titre de Gouverneur de la
Républiquede Florence. Mais Alexandre, trop
jeune pourêtre modeste, ôc se
voyant depuisde-
venugendre de
TEmpereur parson
mariage avec
Marguerite d'Autriche, fille naturelle de ce Prince,
assectoit des manières de Souverain , ôcgouver-
noit. cet Etat avec une hauteur ôç uneindépen-
dancequi
le rendirent odieux, non seulement à
sesconcitoyens, mais encore à ses
propres parens.
Il se forma contre la vie de ce Prince unedange-
reuseconspiration ; Philippe Strozzi, mari de Cla-
rice de Medicis, soeur duPape
Léon X. se mit à
la tête desconjurez , ôc il eut Tadresse
d'engager
dans le même partiLaurent de Medicis, cousin
$Alexandre, son
plus proche héritier, ôc même
son favori. Peur-être'qu'outre
le motif ôc lepré-
texte de défendre la libertépublique-,
il envisa-
geoitune si
grande succession, Ôcqu'il
étoitplus
ennemi du Princeque
de laPrincipauté. Quoi
qu'ilen soit, ce
perfide,le ministre ordinaire des
plaisirs du DucAlexandre,
sousprétexte
d'un ren-
dez-vousqu'il lui avoir
ménagé,a ce
qu'illui dit,
avec une Dame Florentine, Tattira dans fa mai-
son ôc lepoignarda..
Mais aulieu de s'emparer du
Z iij
,JEAND OMEDESV
iSi H i s r o IRE DS L'ORDRE
Palais, ôc d'exciter lepeuple par Tesperance ÔC
Tappasde la liberté, à
prendre les armes en*sa fa^
veur, lé trouble, Tétonnement ôc lapeur
sucée-*
derent à une action si cruelle : il s'enfuity ôc lespar-
tisans de la Maison de Medicis, revenus de leur
surprise,ôc
qui ne pouvoientse maintenir íans un
chef, mirent en laplace
du Duc Alexandre,Cofme
de Medicis , quoique d'une brancheéloignée^,
jeune homme àpeine âgé
de seize ans i mais d'un
esprit déjà formé, ôcqui,
dans uneconjoncture
fï
délicate ne mointrapas
moins decourage que
d'ambition. Il étoit fils de Jean de Medicis un des
plus fameux Capitaines d'Italie yì ôc de Marie SaL
viati femme illustrepar la noblesse de son
origines
ôc parla
sagessede sa conduite. Depuis
la mort de
Jean de Medicis elle avqit vécu dans unveuvage
austère : renfermée dans fa maison,elle n'avoitparu*
occupée quede Téducation du jeune Cofme. Aux
premières nouvelsesqu'elle
eutqu'on
vouloir faire
occuperà son fils la
placedu Duc Alexandre, soit
que parun sentiment de mère elle
craignît pour
lui unposte
sidangereux,
soit aussi, comme des
Historiens Tont avancé, que cette gênereuse fem-
mepréférât laliberté de îà
partieà Télevation dé
son fils, elleemploya
sesprières
ôc seslarmespour
le détourner de cetteentreprise.
Mais Cofme, plus
ferme ouplus ambitieux, íans écouter ses remon*
trances, se livra auxpartisans
de fa Maison :par
seur crédit il fut reconnu dans une assemblée pu?-
blique pourGouverneur de la
République. L'Em-
pereuraverti de la mort funeste de son
gendre,,
confirma cettedisposition.
Cofmeprit
les rênes,
JEANP'OMEDES.
DE MALTE. LIV. X. 183
dugouvernement,
ôc dans unâge
sipeu avancé il
se conduisit avec tant deprudence, qu'il ne se-
Toitpas
aisé de djéeider s'ilfutplus redevable de
laprincipauté
de Florence à la fortune, qu'à son
habileté.
Strozzi ôc lespartisans de Tétat
républicain,
voyant quele
partides Medicis
prévaloirdans la
Ville, en sortirent, délivrèrent secretterneht des
Commissionspour
lever destroupes, ôc pour se
mettre en étatdy
rentrer les armes à la main. Ils
iè flatoientque
sejeune Cofme
occupédes
pre-
miers soins dugouvernement,
ne seroitpas
si-tôt
cnétat dévies poursoivre. Mais ce Princequi avoit
desespions
fidèles dans toutesles cabales, rut bien-
tôt averti de leur armement j ôcpour
ne leurpas
donner se tems de legrossir,
il sortit de Florence
à la tête de ses amis, ôc destroupes que
legou-
vernement entretenoit en tout tems • ôc fortifie dé
lautorité des Loix dont il étoitdépositaire,
il mar-
cha droit aux Strozziqui étoient proscrits publi-
quement parle
Magistrat.Les deux
partisse ren-
contrèrentproche
de Marono, village peu éloigne
de Florence. On en vint bientôt aux mains, mais
ce fut moins un combatqu'une
déroute. Laplu-
partdes conjurez craignant
de tomber dans les
mains de leurs ennemis, prirentla fuite. Strozzi
jk quelques amis fidèles, quine voulurent pas
labandonner, firent ferme, ôc se battirent en dé-
férerez Ôc comme desgens qui
se vouloient faire
tuer : ils nettpurent
venir a bout. Cofmequi
avoit un sigrand
intérêt de connoître à fond les
forces Ôc ses relations secrettes de ceparti,
avoit
D OMEÓES,
i§4 H i s T o IR E D E L'ORDRE
ordonné qu'onles
épargnât: il fut obéi ^ on se con-
tenta de lesenvelopper : ils furent désarmez - oa
leschargea
aussi-tôt de chaînes, ôc ils furent con*,
duits dans lesprisons
de Florence, où on commen-
çaà instruire leur
procès.
Ce fut fur d'aussi tristes nouvellesque
le Prieur
deCapoue partit
de Malte, ôcpassa
en Italiepour
travailler à la liberté de sonpère.
Mais étant arrivé
àNaples,
ilapprit qu'il
s'étoit tué lui-même dans
faprison,
soitpour
éviterTignominie
dusupplice,
soit, commequelques
Historiens Tontpublié, par
la crainteque
la violence des tortures ôc de la
questionne lui arrachât le nom des
partisans
secretsqu'il
avoit dans la Ville. Cet hommeque
Tantiquité payenneeût adoré, mais
queRome
Chrétienne condamne, se tua d'uneépée qu'on
avoit laissée dans fa chambre. On trouva íur le
manteau de la cheminée ce vers deVirgile, qu'il y
avoitgravé auparavant
avec lapointe
de cetteépée;
Exoriare aliquis noftris exojfihus
ultor.
Ses enfans fidèles à la mémoire de leurpère,
se
dévouèrent à favengeance,
mais d'une manière
noble ôc autorisée parles Loix.. Comme ils
regar-
doientTEmpereur
comme le destructeur de la li>-
berté de leurpatrie,
ôc Tauteur indirect de la mort
de leurpere,ils
s'attachèrent à la France, ôc servirent
dans ses armées. Pierre Strozzi Taînéparvint par
fa
valeur à ladignité
de Maréchal : ôc le Prieur de Ca-
pouese
distinguadans le service de mer, où il-com-
manda enqualité
de Général desgalères.
11 n'en
futpas moins utile à son ordre i. la fuite de cette
histoire
J E A NB'OMEDES.
DE MALTE. Liv. X. igj
histoire fera connoître ses servicesimportans qu'il
rendit à faReligion,
ôc il en auroit mêmedepuis
•
remplila
première dignité , si on n'avoit craint
que poursatisfaire son ressentiment
particulier,
il n'eût donné atteinte à la neutralité dont ses
Grands Maîtres ôc tout l'Ordre fontprofession
à
Tégarddes Princes Chrétiens.
En son absence ôcpendant
son séjour en Italie,
se Chevalier Paul Simeoni, Prieur de Lombardie,
qui avoit eu tant depart
à Iaprise
de Tunis, fut
fait General desgalères,
ôc commandépeu aprés
pourse trouver avec le
Marquisde Terre-neuve
devant leport
de Suse enAfrique, qui
s'étoit sous-
traite de Tobéissance deMuley Haseen, Roi de
Tunis, ôcque
ce Prince vouloiraísieger.
Suse a été bâtie fur un rocherproche
de la mer,
à huit ou neuf lieues de Tunis, au-delà ducap-
bon. Leport
en est fur ôc défendu comme la Place
parun ancien Château, fortifié ôc entouré de foísez
avec uneesplanade
autour.Depuis que TEmpe-
reur fut de retour de laconquête
de Tunis, les
Turcs se saisirent de Iaplupart
des Places quisont
lelong
de la cote, ôc reílererentMuley
Haseen
dans faCapitale.
Ce Princepour
se rétablir entière-
ment dans ses Etats, ôc en chasser lesusurpateurs,
eut recours à l'Ordre de S. Jean. Ilenvoya
à Malte
un Ambassadeur, appelle Camugi, pour implorer
se secours des Chevaliers. Etpour
les intéresser dans
cetteentreprise,
ce ministre leurreprésenta que
les corsaires avoient fortifié Tachore -y qu'ils y
avoient jette unepuissante garnison
sous le com-
mandement de MoratAga,
un desprincipaux CaT
Tome 111. A a
JtA-VD'OMEDESJ
i86 HISTOIRE DE L'ORDRE
pitainesde Barberousse j qu'on
attendoit ce Géné-
ral des corsaires avec Une flotte nombreuse, ôcque
sionneprévenoit
ses desseins, laReligion
nepour-
roit jamais conserver Tripoli.Le Grand Maître
jugeaà
proposde faire
passerces avis à
TEmpe-
reur, quitrouvant
qu'ilétoit
plusintéressé lui-
même à la défense deMuley
ion vassal, quela
Religion,exhorta le Grand Maître à joindre (es
forces à celles de Sicilepour
chasser les coríaires.
de la core de Barbarie ; ôc il ordonna à son Vice-
Roi de fournir à Muleytout le secours dont il
poar-
roit avoir besoinpour
faire lesiège
de Suie.
Le Grand Maître ôc le Vice-Roi mirent en mer
quatorze galères chargéesd'un bon nombre de
Chevaliers , ôcdestroupes que
laReligion
tenoit
à fa solde, ausquellesle Vice-Roi
pouría
part
joignittrois mille hommes d'Infanterie, sous les
ordres duMarquis
de Terre-neuve, SeigneurSi-
cilien , quidevoit commander les
troupesde dé-
barquement , pendant quele Général des
galères
de laReligion
tiendroit la mer.
Cette escadre ayant traversé le canal de Malte,
abordaproche
de Tcndroit oùMuley
avoit formé
soncamp. Apres que
leMarquis
de Terre-neuve
ôc les Chevaliers eurentdébarqué
leurstroupes ,
ôc un train d'artillerie dont le Roi de Tunis man-
quoit,on ouvrit la tranchée, ôc on dressa les bat-
teriesqui
commencèrent à foudroyer Tendroit le
plusfoible de la Ville, ôc on Tauroit infaillible-
mentemportée,
si leMarquis trompé par
un re-
négat,n'eût
changéson canon de
place.Ce rené-
gat feignantde s'être
échapé,ôc affectant une scn-
JE AN
»'OMEDES
DE M A B T E. L I V". X. 1&7
sible douleur d'avoirquitté
saReligion
ôc sonPays, ]
se jetta auxpieds
duMarquis, répandant
un tor-B
rent de larmes, ôclui demandapardon
de fa déser-
tion ôc de sonapostasie.
LeMarquis
séduitpar
les
apparencesde ion
repentir,lui
promitun
azyle
dans son armée, ôcaprês
laprise
de Suse, de le
repasseren
Europe.Il
interrogeaensuite ce
renégat
sur Tétat de la Place :1e traître lui en fit unraport
concertéauparavant
avec le Gouverneur : il lui dit
surtout avec un air de sincérité , queTendroit
que
son canon battoit étoit leplus fort de la Place-, que
la muraille y étoit terrassée, ôcque quand
même
Onpourroit
la ruiner ôc Tabattre,on trouveroit .
derrière deprofonds retranchemens fortifiez de
flancs ôc de redans, ôcgarnis
d'ungrand
nombre
deMousquetaires, qui
en défendoientTapproche ;
quele Gouverneur le
voyant attaché à cette atta-
que,s'étoit vanté
qu'il y seroitpérir
tous les Chré-
tiens. LeMarquis inquiet
ôcchagrin,
lui deman-
daquel
étoit leposte
leplus
foible de la Place :
lerenégat Tayant amené au
point qu'il souhaitoit,
luiindiqua
Tendroit leplus fort, Ôc le
Marquis
séduitpar
les conseils de ceperfide, changea
fa
batterie deplace,
ôcporta
toùt Tessort de íés ar-
mes contre certaines toursqui flanquoient le Châ-
teau: à en croire lerenégat
elles dévoient crouler
auxpremiers coups
de canon. On consomma toute
lapoudre qu'on
avoitapportée de Malte ôc de Si-
cile íans y avoirpu
fairequ'une
brèche assez étroi-
te. Cependant comme les munitions deguerre
manqnoient,le
Marquis toujours trompé parle
renégat,voulut
qu'on tentât un assaut. Cent trente
Aaij
J EA ND'OMEDES.
i8S HISTOIRE DE L'ORDRE
Chevaliers Ôcquatre
cens soldats à lapaye de la
Religion y montèrent lespremiers. Quoiqu'ils
ne
pussent s'avancerqu'à
la file, ils ne laissèrent pas
degagner
le haut de la brèche : leur dessein étoit
d'yfaire un
logement:mais ils trouvèrent devant
eux des retranchemens si hauts ôc siprofonds,
ôc
ilpartit
des flancs tant decoups
demousquets
ôc
d'arbalestes , qu'ilsfurent
obligezde se retirer. On
proposade tourner d'un autre côté
TattaqueÔc les
batteries j le défaut depoudres empêcha
Texecu-
tion de çeprojet.
Ce fut avec une violente dou-
leurque
leMarquis
se vit réduit à lever lesiège
:
avantque de se
rembarqueril vouloir décharger
fa colère fur se renégat -ymais content de Theureux
succès de fatromperie,
il étoit rentré dans la Ville
pour en recevoir larécompense -, ôc les Chevaliers
aprèsavoir laissé aux
pieds des murailles ôc fur la
brèche ungrand
nombre de leurs camarades ôç
de leurs soldats, retournèrent tristement à Malte,
où ils seplaignirent que TEmpereur
eût sacrifié les
forces de Ja Religionsous un Général si peu digne
de ses commander.
Le CommandeurBotigella joignit
ses avisa de si
justes plaintes:il revenoit de
Tripolidont il avoit
été Gouverneur, ôcaprès
son tems fini, on lui avoit
donnépour successeur Fernand de Bracamont,
Commandeur d'Ecolça, ôc Alonse Çordan Cheva-
lier d'unegrande réputation
devoit commander
la Cavalerie de la Place. Botigellaà son retour
pritoccasion du mauvais succès du
siègede Suse
pour représenterau Grand Maître ôc au Conseil
que Texperiencedevoit leur avoir appris que
les
JJEAMO'OMBDES.
DE MALTE. Liv. X. 189
Chrétiens ne seroient jamais deconquêtes
fixes
Ôc durables fur ses côtesd'Afrique,
Ôcparmi
les
Maures, soitpar
Taversionqu inspire
la différence
desReligions,
soitpar
Tinconstance ôc lalégère-
té naturelle de cespeuples, qui
n'étoientpas
mê-
meplus fidèles aux Souverains de leur nation,
qu'aux étrangers ^que depuisle retour de Charles-
Quint , laplupart
des Villesqui
sont lelong
des
côtesd'Afrique
s'étoient révoltéesplus
d'une fois ;
queces
guerresôc les arméniens
quela
Religionfaisoit en faveur de
TEmpereur, épuisoientl'Or-
dre de ses meilleurssujets, ôc lui eoutoient des
sommes immenses -, quela cession
quece Prince
avoit faite deTripoli,
oupour
mieux direque
la
condition onéreuse de secharger
de la défense d'une
pareille Place, qu'ilavoit attachée au
transport
qu'ilavoit fait de Tlste deMalte,devoit être
regardée
comme unprésent fatal à la
Religion,ôc
qu'ilfal-
loir la remettre auplutôt à ce Prince, ou, s'il
pré-
tendoitque
les Chevaliers y restaísent, exiger qu'illa mît lui-même en état de défense, ôc
qu'il yfît
construire à ses dépens»des fortifications, ôc d'au-
tresouvrages
nécessairespour
soutenir unsiège.
Quelquedéférence
qu'eûtse Conseil
pour1e
sentiment deBotigella,
iljugea
àpropos
fur une
affaire aussiimportante
de consulter les Chevaliers
lesplus habiles en fait de fortification, ôc surtout
ceuxqui
avoient commandé dans cette Place.
Tous d'un même avis conclurent qu'ellen'étoit
pas tenabse; ôc fur leurrapport
le Conseildépê-
cha àTEmpereur
le Bailli de Grolée, quiétant ar-
rivé g. sa Cour luireprésenta qu'il
étoitimpossible
A a iij
ÌEAMMEDES.
[90HISTOIRE DE L'ORDRE
de conserverTripoli
si on ne fortifioit cette Place
pardes murailles de la hauteur ôc de la
largeur
nécessaires i tfu'il yfalloit creuser des fosses, y ajou-
ter des boulevards-, quefans cette
précaution,
c'étoitexposer
à la boucherie les Chevaliersqui
s'yenfermeroient ; que
la Villeprise,
le Château
bâti àTantique
ne dureroitque peu
dejours ; qu'il
seroitpeut-être plus
utile-pour
le service de Sa
Majesté d abandonner une aussi méchante Place -,
d'en faire sauter le Château, ôc de combler Tem-
bouchure duport.
MaisTEmpereur qui
ne vou-
loit ni faire ladépense
nécessairepour
fortifier
cette Place, ni sepriver
d'unport qui
lui servoit
d'entrée, dans FAfrique,
ôc dont la défense ne lui
coûtoit rien, chargeale Bailli de dire de sa
part
au Grand Maître ôc au Conseilqu'il
n'oublieroit
rienpour
mettreTripoli
en état de défense ; qu'il
exhortoit l'Ordre à y entretenir toujours une
fortegarnison,
ôcqu'en
casque
les Infidèles en
formassent lesiège,
il alloitenvoyer
incessamment
des ordrestrès-précis
au Vice-Roi de Sicile, pour
y jetter tous les secours dont on auroit besoin.
Ce Prince ajouta qu'il eípéroitdans
peude chas-
fer tous les corsaires Turcs des côtesd'Afrique,
ôcqu'en
attendantqu'il pût
tourner íes armes de
ee côté-là, laReligion
lui seroitplaisir
de joindre
sesgalères
à la flottequ'il
avoitenvoyée
dans la
Méditerranée.
Le Bailli à son retour ayantrendu
compteau
Conseil du succès de son ambassade, on arma aussi-
tôtquatre galères
: deux cens Chevaliers s'yem-
barquèrent sous le commandement de Simeoni
JEAND'QIWLEDES.
DE MALTE. Liv. X.191
Bailli de Lombardie, qui joignità Messine Tarmée
Chrétienne, commandéepar
AndréDoria, Prince -
déMelphe , ôc Grand Amiral de
TEmpereur. Ce
Général étoit Génois, d'une maison noble ^ mais
qu'ilillustra par
fa valeurincomparable. Le Roi
François Premier, ôc lePape
Clément Vil. lui
confièrent l'unaprès
l'autre le commandement de
leurs flottes. Ilquitta depuis
la solde du Roi, ôc
se mit à celle deTEmpereur.
Ce Prince dont Tin-
trigueétoit encore
plusredoutable
que Tépée, ôc
£ habile àcorrompre
les Généraux de ses enne-
mis, séduisit le Génoispar
les offresqu'il luisît
faire d'unepension
de soixante mille ducats, ôc
de douzegalères entretenues, avec la liberté de
Gènes sous laprotection
deTEmpereur,
ôcque
Savonne seroit remise íous la domination des Gé-
nois. Doria ayant fait son traité, publia pour justi-
fier sonchangement
departi, que
le Roi de Fiance
ne luipayoit pas
Tentretien de sesgalères; qu'il
lavoit frustré de la rançon du Princed'Orange
sonpriíonnier de
guerre,ôc
que quelquesoffices
qu'ileût
employez auprèsdes Ministres de Fran-
çois Premier en faveur des Génois sescompatriotes,
il n'avoitpu
obtenirqu'on
les traitât moins dure-
ment. Onprétend que
ce dernier sujet deplainte
eutplus
départ
à sonchangement
departi, que
tous les autres -y quece General avide de
gloire
s'étoit flatté d'enacquérir
une immortelle en dé-
livrant fapatrie
de la domination des François.
Peut-êtreenvisagea-t-ii
en même-tems, qu'àla
faveur de laprotection
deTEmpereur,
ôc sous om-
bre de cette liberté ily
établiroit fapropre
auto-
ritépour règle
dugouvernement.
JEAND'OMEDES.
i9*HISTOIRE DE L'ORDRE
Quoiqu'ilen soit de ces differens motifs, la
France nepouvoit gueres
faire deperte plus
con-
sidérable, niTEmpereur d'acquisition plus utile.
Il s'en servoitégalement
contre Soliman ôc con-
tre François Premier : ôc dans Toccasion dont nous
parlons,il çommandoit non-seulement les vais-
seaux de Charles-Quint y mais il avoit encore Tau-
toritésuprême
en qualitéde Généralissime sur toute
la flotte de laligue
Chrétienne.
LePape
étoit entré dans cetteligue
avecl'Empe-
reur ôc l'Ordre de Malte: il étoitquestion d'y enga-
gerles Vénitiens j mais ces
Républicains évitoient
avec soin tout sujet derupture avec Soliman, Prince
redoutable, ôc dont les Etats étoient voisins de ceux
de laRépublique.
Doriapour
ses rendreíufpects
à
Soliman, ôc comme si cesRépublicains
duisentagir
de concert avec lui, écrivit à Girolamo Pezaro leur
Général, qu'ilfalloit
qu'il attaquâtles Turcs, av&nt
queleurs différentes escadres** fussent jointes. Il
envoyafa lettre
parune
petite barque,quiJieman-
qua pas,comme c'étoit son dessein de tomber en-
tre les mains des Infidèles. Elle futenvoyée
aussi-
tôt àSoliman>qui
en fit desplaintes trés-aigres
au
Baile ou Ambassadeur de laRépublique.
En vain
ce Ministreprotesta que
saRépublique
n'avoit au-
cuneintelligence
avec Charles-Quint : sessermens
ôc toutes sesprotestations
ne faisoientpas grande
impressionfur
Teípritde Soliman : Et il ny a, lui
dit ce Prince, quun seul moyen
de justifier vos maî-
tres s c est quils
fignentactuellement une
ligueavec
moi contre tEmpereur > & quils joignent
leurs vais-
seaux a ma flotte pour attaquer ses Etats. Le Sénat
dont
JEAN•'OMEDES.
DE MALTE. LIV. X. 193
dont la neutralité est la maxime fondamentale,
rejetta cetteproposition,
ôc il arriva dans le même -
tems un accidentqui fournit le sujet ou le
prétexte
à unerupture.
Lagalère impériale
du Sultan écartéepar
la
tempête,étant tombée de nuit dans la -flots des
Vénitiens, Alexandre Con tari ni, Prov éditeurgé-
néral de Tarmée, croyantà cause des ténèbres
quece fût un vaisseau de
Corsaires, Tattaqua,tua le
Rais ou leCommandant, tailla en
pieeestrois cens
Janissaires, ôc s'en rendit maître. Soliman en fit
degrandes plaintes, ôc demanda
queContarini lui
fût livré pourêtre
puni.Mais
n'ayant pûobtenir
cette satisfaction, il déclara laguerre
aux Véni-
tiens.Quelque part que
les Chevaliers ayenteu
dans cetteguerre,
le détail n'estpoint de mon su-
jet : je remarquerai seulementque
les flotes Chré-
tiennes ôc celles du Turc se rencontrèrent proche
ungolphe
de la merAdriatique jqu elles se eàno-
nerent furieusement ^ niaisque
celle des Turcs
moins forte, ôc commandéepar Barberousse, pour
éviter le combat, se jetta dans legolphe d'Artai
qu'ilse
passa plusieursactions
particulières, mais
peudécisives : enfin
que Doria, quoiquesollicité
puissamment parle Patriarche d'Alexandrie, qui
çommandoit 1 escadre duPape , ôc
par les Cheva-
liers de Saint Jean, sousprétexte que
ses vaisseaux
manquoientde vent, refusa
opiniâtrementd'a-
vancer fur les ennemis, Ôcqu'il
vittranquillement
. échapperBarberousse , de
peurde faire périr se
seul Généralennemi,;redoutable à son maître, ôc
quitant
qu'il viyroit j le rendroit lui-même néce£
Tome 111. B b
JE AN.
D'OM£©ES,
194 HISTOIRE DE t* OR D R E
faire àTEmpereur
:politique qui
s'observarécipro-"
quemententre Barberousse ôc Doria, qui
fans au-
cuneintelligence
concertée entre eux , nepouíl
soientjamais leur
avantagecontre leurs
propres
intérêts ,Í ôcjusqu'à
se défaire d^un ennemiqui
tout rivalqu'il étoit, servoit à faire valoir leur^
capacitéôcseurs talents.
Les armes des Chrétiens furent encore moins
heureuses par terre, qu'ellesne Tavoient été fur
mer. Laconquête
de laHongrie
avoit toujours
faitpartie
du vasteprojet,
oùpour
mieux dire de
la chimère cTúne Monarchie universelle , qu'ona
attribuée à Charses-Quint. Ferdinand Roi des Ro-
mains, ôc frère de ee Prince, de concert avec lui ,
ou:;pourmieux dire
parses ordres , tenoit actuel-
lement la ville de Budeassiégée,
ôc Rocandorf un
de ses Généraux, poussoitce
siègeavec
beaucoup
devigueur.
Soliman jaloux deTagrandissement
de
Ia Maison d'Autriche, Ôc sousprétexte que Sèpuse
dernier Roi deHongrie
Tavoit nommépar
son
testament tuteur d^un filsqu'il
avoit laine encore
à lamamelle,-envoya Mahomet un de ses Bâchas
pour jetter du secours dans la Place. Le Ge'neral
Turcattaqua
lessignes
des Autrichiens, les força,
tailla enpièces
-plus
devingt mille hommes, mit
en fuite, ou fîtprisonniers
les restes 1malheureux
de cette armée : ôc Soliman arrivantpeu après
en
Hongrie,entra dans Bude, y
mit unepuissante
garnison,sous
prétextede
prévenirses desseins de
Ferdinand : Ôcpour
couvrir sonusurpation,
il dé-
clarapubliquement qu'à
la]majorité du jeune
Roi3 il lui reniettròit cette Place,
TE A N.-D'OMËDES
DE MALTE. Lrv. X. 195
Malgré unepromeíse;solemnelle,dontlesPrinces
ambitieux ne trouventque trop
deprétextes
de l
sedispenser,
lesHongrois
ne .furent pas moins
alarmezque
les Allemands deTentreprise
du
GrandSeigneur.
Personne ne doutoitque TEmpe*
teur n'armâtpuiáamnifcit pour
sel défaire d'un
voisin si redoutable íç'auroit même été unfpec^
tacsedigne
de inattention de tous les autres Sou-
verains de voir ces deuxgrands Princes^, tous deux
sipuissans
ôc si ambitieux, auxprises l'un contre
l'autre, ôc sedisputer
ses armes à la mainlaposses-
sion entière de laHongrie.
Mais soitque
Charles-
Quint ne voulûtpas
confier fagloire
à la fortune :y
soitqu'il
se flatât d'un succès moins douteux dans
une autreentreprise,
ce Prince toujours impéné-
trable dans sesprojets,
abandonna la défense de
laHongrie
au Roi son frèrepour porter
ses armes
enAfrique,
ôc dans les Etats de Barberòùifse. L'é-
loignementde ce Roi Corsaire
quiétoit
paíféà
Constantinople,lui fit croire
qu'ilne trouveroit
quede foibles obstacles à la
conquête d'Alger,Ôc
ilespéra qu'il
ne seroitpas
moins íieureux ausiège
de cette Place, qu'ilTavoit été à celui de Tunis.
Dans cette vue, il donna ses ordres enEspagne,
àNaples
ôc en Sicile, afinqu'on y
fit desprépa-
ratifs conformes à lagrandeur
de cetteentreprise.
Perdinand Cortez, cetEspagnol qui
avoitacquis
tant degloire
à là découverte ôc à laconquête
dû
Mexique,fut
chargéde Tarmement
quise devoit
faire enEspagne.
Fernand deGonzague,
ôc Dom
Pedro de Tolède, Vicê-Roi de Sicile ôc deNaples,
ny travaillèrent pas avec moins d'ardeur dans ces
Bbij
ÍEAN.MEDESé
5TEÀND'OMEDÉS;
196 HISTOIRE DE L'ORDRE
deux Royaumes. On tira deTAllemagne
ôc de la
Comté deBourgogne,
uncorps
de cavalerie : ôc
Camille Colonne;, Augustin Spinola,ôc Antoine
Doria revêtus de la commission de Colonels , fi-
rent des levées d'infanterie dans toute Tltalie.
Le Grand Maître de Wtlte reçut en même têrnS
une Lettre deTEmpereur, qui
dans lés termes les
plus obligeanSjinvitoitlesChevaliersà joindre leurs
armes aux siennes dans une guerre íaintéjôc qui n'a-
voit pour objetjseur difpit il,quela ruinedes corsai-
res ôc des ennemis dekReligion.
Il seprésentapour
cette expéditionun si grand
nombre de Cheva-
liers, queMalte ôc le Couvent seroient restez dé-
serts , íî le Grand Maîtrepar
faprudence
n'avoit
restraint ce secours àquatre
cens Chevaliers. Ils
s'embarquèrentfur
quatre galèresde la
Religion,
.chacun suivi de deux valets bien armez : ôc Geor-
ges Schilling,Grand Bailli d'Allemagne,
ôc Gé„
neràl alors desgalères
de IaReligion,
fut nommé
pourcommander cette escadre. Il
joignitdans le
portde Bònifaceune partie
de laflote deTEmpè-
reur,quila eommandoiten
personnejd'oùonse ren-
ditàMajorqiie
oiì lés vaisseaux ôc lesgalères avoient
ordre de se trouver avant la fin deSeptembre.
Personne n'auguroit bien d'uneentreprise faite
.dans une saison si avancée: mais commeTEmpereur
enpourfuivoit Texéçutionavec beaucoup d'ardeur,
;le courtisan toujours flateur, n'avoit gardede
pu*
blier une vérité contraire à Tinclination du Prince.
U n y eus queAndré Doria Grand. Amiral,ôc leMar-
miis DeJvafl:Q,Géneral des armées deterre,quiose-
•jrjejn: luireprésenter
lespérils
où ils'expoíòit ; &
DE MALTE. Liy. X. 197
Doria leplus grand
homme de merqui
fût dans ce
siecle,lui ditque
dans unepareille saison,il n'y avoit -
pointde Pilote
quioíat fans une extrême nécessité
tenirlong-tems
la mer -, quecelle de Barbarie étoit
alors fortorageuse,
ôcqu'il craignoit qu'un coup
de vent nedissipât ía flote,ôc n'empêchât
le succès de
ses armes: ôc ce vénérable vieillard ajouta avec son
flileguerrier
: Souffre^, lui dit-il, qu'onvous dé-
tourne de cetteentreprise s car
pardieufinous y allons,
nouspérirons
tous. Aquoi TEmpereur répondit
en
riant :Vingt-deux
ans &empiré pour
moi y(èjr soixante
ffi dou^e ans de viepourvous, nous doivent suffire
a tous deuxpour mourir contens s ôc fans vouloir
changerde résolution, il
s'embarqua,mit la
proue
versAlger;
Ôcaprès
avoiressuyé
unetempête
assez
violente, ilgagna
la raded'Alger
où il arriva le
vingt-
quatre,d'autres disent le
vingt-six d'Oc-
tobre.
Quoiquele vent fût
appaue,la mer étoit en-
core si émue, que pourne
pas obligerles soldats
à se mettre dans Teau jusqu'àla ceinture, on différa
de deux jours ledébarquement.
11 se fit ensuite
sansbeaucoup
de résistance de lapart
des Infidè-
les. Soixantegalères
mirent leurstroupes
à terre,
ôc lesgros
vaisseaux firentpasser
les leurs dans
deschaloupes.
Ledébarquement
étant achevé,
Tarmée de terre se trouvacomposée
devingt
mille
hommes depied,
ôc de six mille chevaux. L'Em-
pereur pour prévenirles jalousies ordinaires entre
différentes nations, partageases
troupesen trois
corps^le
premierfut
composéd'Italiens
ausquelsce
Princejoignit
les Chevaliers Ôc les soldatsde Malte,
Bbiij
JEAND'OMEDES-
i98HISTOIRE DE L'ORDRE
commandez parle Grand Bailli, Ôc
quine
prenoit
: Tordreque
deTEmpereur.
On mit daps le second
corps,les
Espagnols,tous vieux soldats : les Alle-
mands, lesBourguignons
Ôc un grandnombre de
volontaires faisoient le troisième -, lesEspagnols
avoientTavant-garde ; les Italiens le corps
de ba-
taille oùétoitTEmpereur,
ôc les Allemands avoient
été mis àTarriere,garde.
Chacun de cescorps
avoit~~
troispièces
decampagne
à fa têtepour
battre les
Arabes, quifans
garder aucun ordre, attaquoient,
tuoientôc revenoient continuellementà lacharge.
L'Empereur ordonnaque
le bataillon de Malte
s'étendît à lagauche
ducorps
de bataillepour
re-
pousserces coureurs; les Chevaliers étoient à
pied,
armez de cuirasses, lepot
en tête, ôc lapique ou
lesponton
à la main. L'auteur d'une relation en-
voyée au Pape, remarque queleurs fubrevestes
étoient toutes de damas ou de velours cramoisi,
furlequel
brilloient leurs croix blanches, ôcqu'ils
faisoientparoître
un certain air degrandeur
ôc de
fierté, qui jettoitla terreur
parmiles barbares
qui
oioient lesapprocher.
Lequartier
del'Empereur
futmarqué
entre deux torrens; ôc il fit entourer
unepetite
colline degros canons, qui
battoient
en méme-tems lacampagne
ôc la ville.
La villed'Alger
est bâtie en forme d'amphi-
teatre fur lapente
d'unemontagne qui regar-
de leport
: on en attribue la fondation au fils
de Juba Roi de Mauritanie. Barberousse enpar-
tantpour Constantinople y avoit laisse
pourGou^-
verneur de cette Place un vieileunuque appelle
Haseen , Aga, renégatde Tlfle de Sardaigne,
JEANBUMÎDSS.
DE MALTE. LIV. X. 199
grandhomme de mer, ôc
quiavoit toute sa con-
fiance. L'Empereuravant
que d'attaquer sa Place,
lui dépêchaun Gentilhomme
pourle
porterà lui
en ouvrir lesportés.
Cetenvoyé pour l'y déter-
miner luireprésenta
lapuissance
deTEmpereur,
ses forces, son armée de terre Ôc de mer. Hy ajou-
ta dès offres de sommes considérables , ôc il con-
clut son discourspar
luireprésenter qu'il
dsevoit
profiterde cette occasion
pourretourner dans fa
patrie,ôc
pourrentrerénmème-tems dans le sein
deTEglise,
dont le malheur de sa fortune Tavoit
arraché.L'eunuque
écoutapaisiblement
tout ce
discours, ôcpour
touteréponse
il lui dit, Que cé-
toit être fou quede se mêler de conseiller fin enne-
mi ; maisque
c étoit être encoreplus fou que
de s'ar-
rêter auxconseils qu un ennemi donne \ ôc là~dessusil
congédia cegentilhomme.
Ce Gouverneur avoit dans fa Place huit cens
Turcs vieux soldats ôc fortaguerris
avec environ
six mille habitans, partie Maures ôcpartie
Grenar
dins, tousportant
les armes, ôcqui
se seroient fait
tuerjusqu'au
dernierplutôt que
de retomber sous
la domination desEspagnols. L'Aga
avoit envoyé
en même-tems deTargent
ôc despresens
à diffe-
rensCapitaines
des Arabes, pourles
obligerà se
répandredans la
campagne,ôc à harceler le
camp
des Chrétiens^ ôc ils n'y étoientque trop disposez
parle
géniede cette Nation, qui
ne subsisteque
de ses courses ôc de sesbrigandages.
Toute laplaine
en fut bientôt couverte. Laplupart pprtoient
de
longues Zagaïes, qu'ils lançoientavec tant d'a-
dresse, queles Chrétiens avoient bien de la
peine
à enparer
lescoups.
JEAN©'OMEDES.
zoo HISTOIRE DE L*ORDRE
Pendantque
ces coureurs continuoient leurs
escarmouches, il s'éleva a Tentrée de la nuit une
furieusetempête, mêlée d'une pluye extrêmement
froide> ôcqui remplit
d'eau tout lecanip
des Chré-
tiens. Lapluie avoit tellement
détrempéla terre*
qu'onne marchoit
plus quedans la boue : d'ailseurS;,
comme on n'avoitpas
encore le tems dedébarquer
les tentes ôc leséquipages,
toute Tarmée n'avoit
quele ciel
pour couvert. Les mèches des soldats
étoient éteintes, ôc lapoudre
de leursifburnimens
mouillée. Le Gouverneur, pour profiterde ce défaf
tre,fît faire une sortie aupoint
du jour par une partie
de fagarnison.
Ils tombèrent d'abord fur trois com-
pagnies qu'onavoit
postéesfur un
pontde
pierre,
qui aboutissoit à une desportes
de la Ville : ôcles
Infidèles trouvant ces soldats transis de froid, les
taillèrent en pièces.Ce
petitsuccez les
porta jusi.
qu'àse setter fur le
quartierde
TEmpereur y mais
les Colonels Colonna ôcSpinola y accoururent à
la tête de leursRégimens:
ils furent soutenuspar
les Chevaliers de Malte, qui quoiqu'à piedse mêJ
lerent si furieusement avec la Cavalerie des Turcs
ôc des Maures, qu'ilsen tuèrent un
grand nombre,
ôc en démontèrentplusieurs.
L'Auteurqui m'a
fourni enpartie
cette relation, rapporte qu'un
, ChevalierFrançois, appelle Frère Nicolas de .Ville-.'
-gagnon,
se jettant avecTimpetuosité
naturelle à
la nation au milieu des Infidèles, fut blessé au bras
gauched'un
coupde lance, que
luiporta
un Ca-
valier Maure -, mais quece Chevalier ayant man-
quécontre lui son
coupde
pique -,comme le Maure
tournoie son cheval pourlui donner un second
coup
JE A NB'OMEDES.'^—^ .^--imi'Mail
Relation du
siège d'Algeradrejfée au
Fap.PaulIIL
par le Secré-
taire de son
Légat.
DE MALTE. LIV. X. 201
coup,le Chevalier
quiétoit d'une haute taille,ôc
d'une forceproportionnée
à sagrandeur,
sauta sur
lacroupe
du cheval de son ennemi y lepoignarda,,
ôc le jetta à terre. Ses camarades ne montrèrent
pasmoins de
courage:tout se rallia sous
Tenseigne'
de laReligion,
ôc Fernand deGoníaguevun
des
Lieutenansgénéraux
deTEmpereur, adreííànt la
paroleau Grand Bailli de TÓrdre :
Courage , lui
cûa-t-ïì y généreux Commandeur j ce n-est pas ajse^que
de battre ces chiens j-il fautles
poursuivre (ë>jr entrer
avec eux dansAlger:
ce ri est quavos Chevaliers
quil
appartientde finir la
guerre avant quelle soit copi^
mencée, (§£* deprendre
une Placeauffi forte,: sans:
artillerie ^j jans armes. Les Chevaliersqui
ne tu
roient leurs forcesque
de leurcourage,
n avoient
pasbesoin d'être animez
parces disepurs : ôc
pleins
d'ardeur ôc de feu ilspoursuivirent
ses Infidèles
jusque'àla
portede la Ville. Ils étoient
prêtsde se
jetter dans la Place, lorsquele Gouverneur sacri-
fiant à la fureur des Chrétiens cequi
restoit de ses ^
soldats hors la Ville, en fit fermer laporte.
Lcr
même écrivainque je viens de citer, rapporte que~
le Chevalier Ponce deSavignac, François de na-
tion,ôc
qui portoit Tenseignede l'Ordre, planta-
sonpoignard
dans laporte
comme unepreuve
quilen avoit
approchéd'aussi prés qu'il
íepou-
voit. Comme lapluie
avoit cessé dès se matin,le
vieux Gouverneur ayantreconnu de dessus les mu-
raillesque
ses soldats dans cette sortie navoient-
eu à combattreque
contre les Chevaliers, ôcquel-
ques compagnies d'Italiens,il fit
braquercontre:
eux T artillerie,qui
étoit de ce côté-là fur les rem>
Tome 111.. y Cc
D'OMEDES.
loi HISTOIRE DE L'ORDRE X
partsde la Ville : ôc pour empêcher en même-
tems leur retraite, il fit une seconde sortie avec
ses meilleures troupesde fa
garnison,armées d'ar-
balestes de fer, dont on se servoit utilement dans
des tems depluie.
On én vint derechef aux mains-
laplupart
des Italiens, nouveaux soldats, quin'a-
voient jamais vu de guerre, transis de froid, ou
jprenoientlafuite , ou se laiísoient égorger
lans se
défendre. L'Empereuraverti du
péril ou ses Che-
valiers étoient exposez, envoyaà leur secoursquel-
ques compagniesd'Allemands $ se Bailli
Schilling
de la même nation se nait à leur tête,, chargeade
nouveau ses Infidèles, lespouíía une seconde fois
jusqu'aux portes d'Alger,ôc ramena fa
troupecou-
verte degloire ôc de blessures, Les Infidèles .se ser-
voient de traits .empoisonnez; tous <:euxójui
en
furent atteints .moururent depuis,entre autres
Trere Ponce deSavignac enseigne
de laReligion,
,& ce Chevalier quiavoit enfoncé son
poignard
dans ila porte d'Alger,. Malgréune
largebleílure
quelui avoit fait un coup d'arbaleste , Ôc
quoi-
qu'il sentît quele
poisonlui
gagnoitle coeur, il
eut lecourage
ôc la force ., appuyéfur un soldat,
de tenir toujours de fa main Ton étendart élevé :
,8c cène futqu
en expirant qu'ilTabandonna^Ou-
itre ce Chevalier, ôc celui de Villars, de laLangue
d'Auvergne, quidemeura estropié
de fa blessure,
pn prétend quela
Religiondans ces deux occa-
sionsperdit plus
de soixante ôcquinze Chevaliers,
parmi lesquelson
comptoitFrère
Diegode Cou-
trerasEspagnol,
FrèreLopez
Alvarez Navarrois,
Frère Joan di Pennas, Castillan, Frère Pierre de
J K A N
:P'OMEDES.
DE MAI TE. L i v. X. 203
Ressay , Jean Babot, Charles de Gueval, Jean 3
Pinard, tous François, FrèreJoseph delaCofa, ôc *~-
Frère Marie Catracanti, Italiens, trois Chapelains
de l'Ordre, ôcprès
dequatre
cens hommes à la
solde de laReligion.
Mais cetteperte
étoitpeu considérable par rap-
portà celle
que TEmpereurfît se même jour de la
plus grande partiede fa flote. Des nuages obscurs
commencèrent à dérober la lumière du soleil, ôc
furent suivis d'unetempête
íì furieuse, qu'ilsem-
bloitque
lés vents, la mer,Ja terre, lés éclairs,,
le tonnerre, lapluye
ôc tous les élémens confon-
dus ensemble, concourussentpour
fairepérirTar-
mée chrétienne. Les vaisseauxarrachezpar la vjo^
seneedés vents de dessus leurs ancres, paroissoient
quelquefoisélevez
pardes
montagnesd eau juk
qu'auxnues ,ôc tin moment après ilsretornboient-
dans lésabyfmes, ôc
jusqu'aufond de la mer. Quel-
ques^uns agitez parlà violence àes vents , sáris*
queles
pilotes ôc ses matelots pussent ses gouverr
ner, se brisoient les uns contre ses autres vd'autrei
portez parTelïbrt de là
tempête le long de la côte, *
échouoicnt contre des écueilá, quiles nicttoient
enpièces ^«n sorte
qu'enmoins d'unedenûe heure,
Upérit quinze galères
ôcquatre-vingt-fìx
vaisseaux*
Cequi
réndoit cetteperte
encoreplus sensible,,
c'estque
ces navires étoientchargez
de vivres, ôc
quenlès
perdant,Tarmée de terre
perdoitencore
Teíperance depouvoir subsister, fur-tout dans un^
pays désert, ôcoccupé par
des barbaresqui
trionv
phoient dé làdisgrâce
ôc du malheur des £hré~
tiens;
Ccijî
JEANB OMEBBS.
io4 HISTOIRE DE L'ORDRE
Dans cette extrémité, quelquesOfficiers de
ga-
lères, qui Voyoientleur
perte inévitable, par un
coupde désespoir,
tâchoient d'échouer lelong de
la côte, dans la vue quela
tempêteles jetteroit
dansquelque
endroit plus prèsde terre, & d'où
ses plus heureux, soit à lanage
ou fur le débris de
leurs vaisseaux, ppurroientse sauver. Plusieurs
pri-
rent ceparti,
8cpérirent misérablement, pu £u^
rent tuez parses Arabes, qui
bordoient lerivage,
ôcqui
fans vouloir faire d'esclaves, égòrgeòient
impitoyablement ces malheureux, comme nous
Tapprenonsde THistorien Ulloa, dont se
pères'é-
toit trouve à cette funesteexpédition.
Cet Auteur
rapporte quele vaisseau de Dom Antoine Carriero
Chef d escadre, ayant été mis enpièces,
unejeune
Espagnoled'une rare beauté, qui
étoit dans ce vais-
seau, ôcqui
servoit à sesplaisirs, ayant été jettée
parles flots fur le
rivage,un Arabe à la vue de la
richesse de ses habits, ôc despierreries
dont elle
étoit couverte, accourut auísi-tôtpour
en faire fa
proye j Ôcque
fans se laisser toucher auxprières,
aux larmes, ôc même aux charmes de cette jeune
personne,il la massacra inhumainement.
La mer étoit couverte de navires brisez, de
piècesde bois flotantes, de
corpsd'hommes Ôc de
chevaux. Lagalère
de Janetin Doria, le cher ne-
veu du Grand Amiral, ayantvoulu échouer con-
tre terre, s'engravaau bord de la mer, ôc il alloit
être tué comme ses autrespar
les Arabes, si TEm-
pereur,triste
spectateurde ce
naufrage, n'y eut
envoyé Dom Antoined'Arragon
avecquelques
compagnies Italiennes, quile tirèrent des mains de
J EANJD'OMEDES.
DE MALTE. LIV. X. 105
ces barbares. On ditqued'Amiral ayant appris le
péril qu'ilavoit couru, s'écria leslarmes aux yeux:
Ilfuioit que mon neveu
fût exposéa cette
disgrâce,
pourm
apprendreavant
quede mourir h
pleurer sur
mer. Douzegalères qui appartenoient en
propreà cet Amiral, quatre commandées
par Virginede*
Ursins, plusieurs galèresde
Naplesôc de
Sicile, ôc
trois cens ColonelsCapitaines de vaisseaux, ou
Officiers de terre ôc de mer, ôcplus
de huit mille
hommes soldats ou matelots, périrentdans cette
occasion.
Les matelots d'unegalère de Malte, appellée
labâtarde, ayanttente dela faire échouer contre
quelque plageoù ils
puisentse sauver, Frère Fran-
çois d'Azevedoqui
lacommandoit, s'étantapperçû
de leur dessein , s'y opposaavec une fermeté in-
vincible y Ôc fur ceque
ces mariniers devenusplus
hardispar
lepéril commun, lui
représentèrent
que TOrdre ne perdroit pas beaucoup en perdantle
corpsde cette
galère, quiservoit
depuis plus
devingt ans, ôc
quiavoit été
plusieursfois
réparéeÔc radoubée, le Commandeur mettant
Tépéeà la
main, leur dit : Cette galère ma été confiée parla
Religion jje tuerai lepremier quijè
mettra en état
de la détruire ; & ilfaut périr ici, ou lajkwver.Vne
résolution sihéroïque,
lecourage
ôc la fermeté
de ce Chevalier, eninspirèrent
à sonéquipage -, ôc
à sonexemple,
ôcpar Targent qu'il répandit avec
profusion,tout le monde mit la main à la
pompe ;
ôcmalgré
lagrande quantité
d'eauqui y entroit,
il conserva fagalère. Une autre de la
Religion api.
pellée U Catarinetta, , commandéepar. Jean fia-
JEAND'OMEDES.
%o6 H i s T O IRE DE L' OR DR E
rientos, pensa périr parun autre malheur. Son ti-
mon ayantété
rompu par un violentcoup
de mer^
se vaisseau sansgouvernail >ôc porté par la tenu,
pête,alloit se briser contre des rochers y mais deux,
hardis matelots attachez avec des cordes, se firent
deseendre tous nuds dans là mer, remirent un au^
tre timon qu'onavoit de réserve yôc sans d'autres
©utils queleurs mains ,ils firent entrer Téguille
dans Toeil du timon, ;Ôc sauvèrent cettegasere.
L'armée de terre n'étoitpas
dans un moindre
danger,;íans tentes ôc íans
équipages ,íàns muni?
tions ,Xans vivres, pasmême
pourun jour y ôc fans
les remèdes nécessairespour penser
les bleíïez.
L'Auteur dela Relation que j'ai suivie,dit enpar-
lantau PapePaul TH. a quiil Tavoit envoyée : Jje
puis afiurerVotre Sainteté, que j'ai vê
cinqCheva-
liers de Malte,&plus de trente Gentilshommes vo-
lontaireslanguir y @» perdre tout leur sang
dans la
houe ,fans, qu'on pûtleur donner aucun secours :
par
ordre de'lEmpereur',
on tua tous les chevaux de far-
méey & on les dijìribHA aux soldats par compagnies.
Ce Prince lèva eníùite lesiège,
Ôc tint à son re-
tour se même ordre ôc la même routequ'il
avoit
observée à sondébarquement.
Les Chevaliers de
Malte, quoiquelà
plupart bsensez^ occupèrentse:
poste d'honneur, ôc furent mis àTarriere^garde,,
aveeses soldats de laReligion,
ôc ceux de Tarmée,
quiétoient ses-mieux armez; L'Auteurrdè là Re-
lation ajoute qu^ilseurent à son tenir les
attaques
du Gouverneurd*Alger, qui
àlàtête de fá cavale-
rie , ôcpour
traverser là marche de Tarmée , leur
£usoit descjharges coíttinuelses. Enfin les Chrá.
9 0M£DIS,
DE MALTE. LIV. X. 207
ítiens gagnèrentfur se soir se bord d'un torrent
ap-
pelle Alcaras, maisqui groíïì par
lapluye,
ne se í
trouvapas gueable.
Il salutcamper
ôcpasser dans
cet endroit la nuit, queles ouvriers de Tarmée em-
ployèrentà dresser un
pont qu'ilsformèrent dei
débris des vaisseauxqui
se trouvèrent fur làplage f
Jk furlequel
l'arméepassa
le lendemain.Apres
trois jours de marche, elle arrivaproche
ducap
dé
Matafus, où les malheureux restes de la flotte
étoient abordez. L'armées'y rembarqua
avec la
joyede
quitterce
rivage.A peine y avoit4î trois
heuresqu'on
étoit à la voile , qu'ils'éleva unë
nouvelletempête : la flotc fut
disperséede nou-
veau y plusieurs vaisseauxpérirent,
un entre au-
tres, où il y avoitsept
cens soldatsEspagnols : il
fitnaufrage
à la vue deTEmpereur,
fansqu'on
le
pûtsecourir. Enfin les Chrétiens, parmi
tant depé-
rils ôc dans la crainte continuelle d'êtreabysmez
dans la mer, arrivèrent auport
deBugie,
dont
lesEspagnols
étoient maîtresdepuis
laconquête
qu'enavoit faite Dom Pedre de Navarre, Géné-
ral des RoisCatholiques. Muley Haseen, Roi de
Tunis s'y rendit avec des vivres Ôc des rafraîchis-
semenspour TEmpereur
Ôcpour
son armée. Ce
Prince le reçut bien, ôc Taílura de faprotection ;
&après que
le calme fut revenu,il enpartit
le
seize de Novembrepour Cartagene,
où il arriva
sevingt-cinq
du même mois. Avantque
de se
rembarquer,il
congédiaavec de
grandstémoi-
gnagesde satisfaction , le Bailli
d'Allemagne,Ôc
tous les Chevaliersqui
fur troisgalères
à demi bri-
fées , regagnèrent avec beaucoupde
peine1e
port
de Malte.
J € A KD'OME.DESJ
10$: H I S T O I RE DE L'ORD R E
Pendant queles vaisseaux ôc les
galèresde la
Religionétoient retenusen
Afriqueau
sièged'Al-
ger,le canal de Malte étoit souvent
remplide Cor-
saires, quien tenoient le
portcomme
bloqué,in-
íultoient ses côtes de Tlste y ôc de celle du Goze,
ôcen enlevoient: les habitansqui
étoient assez mal-
heureux pourtomber entre leurs mains. Le Grand
Bailli à ion retour n'eutpas plutôt
fait radouber
ses galèresy qu'ilse remit en mer, leur donna la
chasse , purgea;le canal de ces pirates^
lespour-
suivitjusques
furies côtesd'Afrique, prit plusieurs
Rais ouCapitaines,
ôcrépandit
dans ces mers la
terreur de íonnom, ôc la crainte de-ses armes.
Legros temps Tayant obligé
de se retirer dans
leport
de Tripoli,il
apprit parun
Envoyéde Mu-
ley Haseen, Royde Tunis, que
ce Prince envoyoit
au Gouverneur de la Place , queBarberousse irrité
de trouver ses Chevaliers à la tête de toutes les
entreprises queles Chrétiens faisoient contre les
Turcs d'Afrique,sollicitoit à la Porte un ordre
pourfaire le
siègede
Tripoli y queMorat
Agason
Lieutenant èn faisoit lespréparatifs
à Tachore y
qu'ilavoit même fait construire une redoute daris
Ievillage d'Adabus, voisin de
Tripoli,où il avoit
mis uncorps
avancéx qui,
de ce côté là, tenoic
Tripolicomme
bloqué.II ajouta que
les liaisons
de Haseen avecTEmpereur
Ôc les Chevaliers ,
avoient rendu son maître odieux aux Turcs ôc aux
autres Princes de faReligion- que plusieurs
même
desprincipales
Villes de son Etat y comme Soufaì.
Monaster,. Maliedia ou Africa',;Esfacos ôc Calibie
fcétoient révoltées,: Ôcque
ses uns avoient reçu les
Turcs,,
JlÁMJ»'OMEDES.
DE MALTE. LIV. X. 209
Turcs, ôc d autresprétendoient se maintenir
par a
leurs seules forcés dans une entièreindépendence;
qu'un grandnombre deTunisiens mécontens, de-
puisla déroute de
l'Empereur, seroient retirez
dansAlger sous la
protectionde Barberousse
-que
Ton ne doùtoitpas qu'on ne vît dans peu ce re-
doutable Corsaire à la tête d'une armée faire le
siègede
Tripoliôc de Tunis>
que Haseen dèvôit
partir inceilàmmentpouf
aller trouverTEmpereur
qui étoit alors en Italie, pourlui demander les
secoursqu'il eíperoit d'un Prince
qu'ilreconnoif-
soitpour son Souverain.
Nous avons déja ditque
les Chevaliers avoient
sollicitéTEmpereur
de mettreTripoli
en état de
défense, ouqu'il
leur fûtpermis
d'en combler le
port,de faire sauter le Château, ôc d'abandonner
une Ville si àcharge
à l'Ordre.:-. Le Grand Bailli
aprèsavoir visité tout de nouveau la Place, tint
ensuite un conseil deguerre
avec le Gouverneur
ôc lesprincipaux
Chevaliers de lagarnison ; ôc d'un
commun avis, aprèsavoir eu se consentement du
Grand Maître, ôc du Conseil, onrenvoya
à Char-
les-Quint d'autres Ambassadeursqui
lui firent de
nouvelles instances, ôcqui
luireprésentèrent qu'on
nepouvait conserver cette Place ouverte de tous
cotez, sans en relever les murailles ôc les fortifier
pardes
ouvragesavancez -, que
lepays ne fournis..
soit nipierres
ni chauxpour
ces differens ouvra-
ges j qu'onn'en
pourroittirer de Malte fans une
grande dépense,outre
queles Chevaliers étoient
assez embarassez às'y fortifier, ôc
quesi Sa Ma-
jesté Impérialetrouvoit à
propos qu'ilsrestassent
dans une auísi méchante Place, il étoit nécessaire
Tome III. Dd
IBAMD'OMEDÏ».
UO HìsTQIRi PEX'ORPK.E
qu'ilordonnât à son Vieeroy de Sicile d'y envoyer
incessamment de l'argent, des ouvriers ôc des ma-
tériaux: que póur prévenir ksiège dont on étoit
menacé , ôc pendant qu'on travaiiseroit aux forti-
fications, on y fît entrerquelques Compagnies
destroupes
de Sicile; queles
galères deeeRoyau-
. me avec celles delàReligion tinssent la mer pour
empêcherses Infidelles de faire des deseentes |
ôc:
de traverser lesouvrages qu'on
nepouvoit se í|ik
penser d'entreprendre pourla íureté de cette Plajee.
Çetre ambassade n'eut pas uJVsoccèsïplusheu-
reuxque
lapremière. L'Empereur qu^craighoit
queles Turcs ne s'attachassent a la
conquêtede la
Sicile , maisqui prévoyoit
en mêmetemps qu'ils
ne tourneroient jamais leurs armes de ce coté
là, tarit queles Chevaliers seroient maîtres de
Tripoli,étoit bien-aise
queces Guerriers, au prix
de leursang
ôc à leurdépens, occupassent
en Afri-
queles forces de ses ennemis : ainsi il fit dire
par
íes Ministres aux Ambaííadeurs de laReligion, que
conformément au Traité de Tinféodation de Mal-
te, il souhaitoit queles Chevaliers se maintinssent
dansTripoli
: il ajouta despromesses magnifiques
d'un puissant secours, si la Place étoitalïìegée ;
mais il s'excusa d'accorder destroupes
ôcTargent
qu'onlui demandoit, fur le
pressantbesoin
qu'il
en avoit, disoit-il, pourrésister aux armes des
François ôc des Turcs, qui attaquoienten même
tempsses Etats ou ceux du
Roy des Romains son
frère, tant en Flandres, en Italie, qu'en Hongrie,
Le Grand Bailli fut sensiblement touché de voir
revenir ces Ambassadeurs fans autres secoursque
de vainespromesses. Cependant
comme c étoit.
JN À NU'OMEDES.
JDE MALTE, Lív. X >u
un honimc d'un grand courage, quoique toile lui
manquât,ilnê se
manqua pasàlui-même ôc à son
Ordrej ôc avantque départir
deTripoli,
il résolut
de mettre cette Place èn état, si elle étoitaíïìegée^
dépouvoir
attendre du secours de Malte ou de Si-
cile. Dans cette vue ilemploya
la chiourme de ses
galèresà creuser Ôc à
élargirses fofsez
enquëlqués
endroits -, on hauíïà les murailles, Ôc on ajouta au
Châteauquelques
ouvfâges de terre
pour en éloi-
gnesles
approches: lui-même ôc tóus les Cheva^
liers de son Escadre ôc de la Garnison servoient
seîs ouvriers y ôc semployoient genereusernenti
îj»dans_ces travaux militaires^ Mais commeaprès
tout depareilles
fortifications faites à hâte nepou-
voient auplus que
reculer dequelques jours la
pertede la Ville, le Grand Bailli, qui n'ignoroit
pas que TEmpereur infiniment jaloux de fàgloire
ne fît des efforts extraordinairespour maintenir
Muley Haseen dans un Royaume qu'il regárdoit
comme faconquête, écrivit à cé Roy Maure, ôc
parfa lettre il Texhortoit de
presserson
départsde
fe rendre incessamment à la Cour deTEmpereur y
Ôc il se flattaque
ses secoursqu'il
tireroit de ce
Prince serviróientégalement
à la conservation de
Tripoli,comme à celle deTunis- ôc que
ses Turcs
voyantune armée de Charles-Quint sor les côtes
d'Afrique,ne hazarderoient
pasen fa
présence
de faire lesiège
deTripoli.
Muley,suivant ces avis ôc son
propre interest,
sedisposa
àpasser
en Italie-, ôc en son absence il
laissa segouvernement
de son Etat ôc de facapi-
tale à un Maureappelle
Mahomet Temtes ou le
Bègue j unRenégat,
Corse de nation, nommé
D d ij
MEDES.
zú HISTOIRE DE L'ORDRE
CaidFerrathy devoit commanderdansleChâteau :
-. Ôc comme leRoy
de Tunis redoutpit Thumeùr in-
quiètedu Prince
Muley Hamida son fils aîné, pour
,- i'occuperil
Tenvoya du côté duCap-bon
avec
<juelqúes compagnies d'Arabes, poursoumettre
quelques Chèquesou
petits Seigneurs quirefu-
íoieht depayer
les tributsauíquels
ils étoient aííu-
-jettis. .,• \ ;: .
Muley aprèsavoir établi cet ordre dans ses Etats
enpartit, pastà par
la Goulettepour y voir le Prin-
ce Mahomet son filsqui y
étoit enotage
avecplu-
sieurs Maures -, Ôcaprès avoir .conféré d'à- .sujet de
sonvoyage avec Dom Francisco de Touar, il lui
confia sespierreries
Ôc cequ'il
avoir deplus pré-
cieux : ilchargea
son vaisseau deprésens maghi-
ques pour TEmpereurôc
pourses Ministres, il
s'embarqua,ôc soit
parune certaine ostentation
inséparabledu Trône, òu
poursa sûreté, ôc
pour
se défendre si dans la traverse il étoitattaqué par
des corsaires, il se &t escorterpar cinq
cens hom-
mes y Officiers deguerre,
ousimples courtisans,
ôcqui
lui servoient degarde.
Sanavigation
fut
heureuse-, il arriva fans obstacle en Sicile, d'où il
passaà
Naples,où il fut
reçuavec
beaucoupde
magnificence parse
Viceroy : ildépêcha ensuite
desCouriers, pourdemander une entrevue à l'Env
pereur\mais ce Prince
quiétoit
presséde
passer
enAllemagne,
où les mouvemens excitezpar
les
Luthériens Tappelloient, envoyades ordres au
Viceroyde conférer avec le Prince Maure du su-
jet de son voyage,ôc ensuite de lui en rendre
compte,
pin du dixième Livre.
JBAND'OMEDES
DE MALT E. Liv. XI. 113
LIVRE ONZIEME.
PENDANT
quese Roi de Tunis ôc le Mi-
nistre de Charles - Quint conferoient en-
semble des moyens des'opposer
à Barberousse
& aux autres corsaires , la fortune suscita à
Muley un ennemi dont il ne s'étoitpas assez dé-
fié, ôcqui
lui enleva fa couronne. Le Prince Hamida
fils aîné de Muley avoit un favoriappelle Malw
met, qui parla voie ordinaire des Courtisans ,1a
flatterie Ôc unecomplaisance servile, s'étoit ren-
du maître de toute sa confiance. Ce favori cachòit,
au fond de son coeur une haine mortelle ôc des
désirs violens devengeance
contre leRoijqui
avoit
fait mourir sonpère.
L'absence de ce Prince lui
parutune occasion favorable pour satisfaire son
ressentiment. Iljetta dans
Tefpritde Hamida des
soupçons au sujet duvoyage
du Roi sonpère en
terre chrétienne. Il lui-diequ'il
devoit craindre
que Muleyne voulût laisser
aprèsfa mort fa cou-
ronne au Prince Mahomet son second fils -, que
;C étoitpeut
être le motif des conférencesqu'il
avoit
eues avec le Gouverneur de la Goulette , qu'on
nignoroit pas qu'illui avoit remis tous ses trésors,
ôcque
vrai-semblablement il n'étoit allé trouver
TEmpereur que pourlui faire
agréercette diíl
position,ôc en tirer comme du Prince souverain
une investiture en faveur de son frère. Hamida,
jeune, ambitieux, ôc brûlant du désir derégner,
prit feu à ces discours : ôc de concert avec son
Ddhj
J È A ND'OMEDES»
2i4HISTOIRE DE L'ORDRE
favori il fitrépandre dans Tunis des bruits sourds
quele Roi son
pèreétoit tombé
grièvementma-
lade àNaples, Ôc
qu'avant quede mourir il avoit
voulu recevoir leBaptême,
ôc s'étoit fait Chrétien.
A la faveur de ces bruits dont il étoit Tauteur
secret, ôc comme s'il n'eûtpas
douté de la mort
du Roi, il se rendit à Tunis Ôc nionta auPalaiipour
enprendre possession.
Mais le\ Vice^oi^vieillard
austère ôc ferme, luireprocha
son excès de facilite
à croire de méchantes nouvelles: ôcaprès
lui avoir
ditqu'il
rendroitcompte
àMuley
de sonëmpref-
ment à lui succéder, ilTobligea
de sortir de la
Capitale. Hamida, confus du mauvais succès de
de son artifice, Ôcinquiet
de Tavenir se retira dans
une maison deplaisance
àquelques
milles deTunis.
U ne futpas plutôt
sorti de cette Placeque
le Vice-
roi íe jetta dans unebarque,
se rendit au Château
de la Goulettepour sçavoir du Gouverneur
quelles
nouvelles il avoitreçues
de Sicile ôc deNaples
: ôc
fur cequ'il apprit que
le Roi son maître étoit en
parfaite santé, il s'en revint avecbeaucoup
de joie
dans songouvernement.
Mais le favori d'Hamida tirantavantage
de son
voyage, répandit parmile
peuplede nouveaux
bruits j quela mort de
Muleyn'étoit
que tropcer-
taine-, que ç'avoit été le sujet duvoyage que
le
Viceroi venoit de faire avec tant deprécipitation
à la Goulette ; qu'on n'ignoroit pas queson frère
Adulzes, ôc le jeune Ferrath fils du Gouverneur du
Château de Tunis, étoient élevezauprès
deMa^
homet, ôc enotage
comme lui dans le fort de la
Goulette ; quele Viceroi n'en avoit fait le
voyage
JE AN
P'OMEDES.
, DE MALTE. LXV, XI.215
pourconférer avec eux ôc avec le Gouverneur Chré-
tien, des moyens les plus íurs pourplacer Maho-.'~
met fur le trône de Tunis, ôcqu'infailliblement
©n verroit au premier jour lesEspagnols
les armes
à la main ramener ce jeune Prince à Tunis, ôc l'en
faireproclamer
Souverain.
Lepeuple toujours avide de la nouveauté , ajou~
ta une foi entière à ces bruitsqui augmentèrent
encore enpassant
de bouche en bouche,êc qu'on
chargeade
plusieurs circonstances fabuseusesv À en
croire sortoutses partisans d'Hamida, ilspuhlioiesití
quele
jeune Mahomet son frère élevé ehez les
Chrétiens avoit embrassé secrètement le Christia-
nisme, comme legage
leplus
sûrqu'il pouvoit
donner àTEmpereur
de sa fidélité.
La crainte d'avoirun Chrétien pourSouverain
allarma toute la Ville. On s'assemble, on cabale ,
Sc oïidépute
enfin à Hamida pourTexhorter avenir
au secours d'unpeuple qui vouloit lui mettre la
couronne fur la tête. On le trouva sepromenant
dans des jardins, enseveli dans uneprofonde mé-
lancolie, détestant la fausse démarcheque son fa-
vori lui avoit fait faire, ôc croyant bienque
le Roi
sonpère
à son retour ne luipardonneroit pas
le fatal
empressement qu'ilavoit fait
paroître pourmon-
ter fur le trône. La nouvelle de Témotion dupeuple
fit succéder la joieà ces tristes
pressentimens• il
ramassa ses partisans,ôc à leur tête, Ôc à la faveur
dupeuple
il entre dans Tunis, surprendse Vice-
roi ôc le Gouverneur du château, les faitégorger,
massacre lesplus
zélez sujets deMuley, s'empare
du Palais;, ôcpour prémices
de fapuissance.a ce
J.B AN . .'
D'pMEDESi
né HISTOIRE DE L'ORDRE
jeune tyran, parun inceste détestable contraint
les femmes lesplus
chéries de sonpère d'entrer
dans son lit. .
Le Roi de Tunisayant appris
de si fâcheuses
nouvelles ,ôc dans la crainteque
son fils, pourse
maintenir fur le trône ne se fortifiât de laprotec-
tion Ôc du secours de Barberousse, résolut de re-
tourner incessamment enAfrique.
Du consente-
ment du Viceroi il levéjusqu'à
deux mille hom-
mesqu'il
ramasseparmi
les bandits Ôc les exilez -r
met à leur tête un ancien Officier dupays, àppellé
TOfredo, s'embarqueôc arrive à la Cousette où
les nouvelles ôc les différentes circonstances de la
revolte d'Hamida lui furent confirmées. Le Gou-
verneur lui conseilloit de nepoint
sortir de fa Place
qu'il ne fût instruit des forces de son ennemi, ôc
de ladisposition
de ses sujets -, mais Muley préve-
nu queIon fils n'oscroit soutBair fa
présence, Ôç
encouragé parTOfredo
quise fiattoit.de s enrichir
àlaprisede Tunis,se mit en chemin. Cequi
ache-
va de le déterminer àprendre
unparti
sidange-
reux, surtout avec sipeu
de forces, c'estque
des
traîtrespar
des ordres secrets d'Hamida, seprér-
fenterent fur son chemin comme de fidèles sujets
quivenoientse
rangersous les étendarts de leur
légitimeSouverain : ôc ils lui dirent
qu'ilsavoient
laissé son fils fort consterné des nouvelles de son
retour, incertain duparti qu'il
avoit àprendre,
ôcqu'on
disoitqu'il
étoit résolu de se réfugierdans
le fend des terres, ôc chezquelques
Arabesses
amis. ,
Muley séduitpar
les discours de cesperfides,
hâta
JEAN
-B'ÔMID|S.
DE MALTE. LIV. XI. 117
hâta sa marche -, mais enapprochant
de Tunis, il
en vit sortir d'abord quelques escadrons, quià
leur contenance mal assurée, sembloient ne s'être
avancezque pour
reconnoître ses forces. On ne
laissapas
d'en venir à delegeres
escarmouches j
mais pendant queles rebelles amusoient Muley,
il en vint Unplus grand nombre qui engagèrent
le combat. Lestroupes
se mêlèrent ensuite > la ba-
taille fut sanglante -, Muley emporté parson cou-
rage,ôc encore plus par
fa colère, poussoit vive-
ment lestroupes qui
lui étoientopposées y mais
en combattant à la tête d'un escadron, ilreçut
uue blessureque
ses soldats crurent mortelle , ce
qui ralentit leur ardeur. Dans le même tems il
sortit de la forêt des Oliviers , voisine de Tunis,
un grand corpsd'infanterie composé d'Arabes, que
Hamida avoitpris
à fa solde. Les Chrétiens s'en
virent bien-tôtenveloppez -, ôc
malgré leur cou-
rageôc leur fermeté, ces Infidèles supérieurs en
nombre , les taillèrent enpièces. Quelques-uns,
en tâchant de se sauver àla Goulettepar Tétang,
se noyèrent : ôc le malheureux Muley abandonné
des Chrétiens ôc des Maures futpris.
On se con-
duisit aulTi-tôt à son fils ; mais ceperfide auquel
il
restoitquelque
sorte de honte de son crime, ne
voulutpasse
voir. Il le fît jetter chargé de chaînes
dans un cachot, ôc le lendemain il luienvoya des
boureaux, quine lui laissèrent
quele choix de la
mort, ou d'êtreaveuglé.
Ilprit
ce dernierparti,
ôc on luienfonça
une lancette ardente dans les
deux yeux.
Une révolution sisurprenante
dans unRoy
au-.
Tome III. E e
TE AÎÍD'OMEDES.
2i8 HISTOIRE DE L'ORDRE
me voisin deTripoli,
ôc allié avec l'Ordre de S.
Jean, consterna les Chevaliers. Ceux fur-toutqui
se voyoient àTripoli éloignez
de Malte, environ-
nez des Infidèles, dans une Place fans fortifica-
tions , Ôc commandée deplusieurs endroits, ne
doutoientpas
de se voir assiégezau
premier jour»
Fernand de Bracamontqui en étoit Gouverneur,
désespérantde
s'y pouvoir maintenir, ôc souspré-
textequ'il n'y avoit
point d'honneur àacquérir
dans la défense d'une Place si foible, fît degran-
des instancesauprès
du Grand Maîtrepour
être
rappelle,ôc obtint à la fin son
congé.11 eut
pour
successeurChristophle
de Solertarfan, Grand Chan-
celier, dont dans la siiite on n'eutpas plus
de su-
jet d'être content. Cependantcomme dans un
postesi
importanton avoit besoin d'un Gouver-
neurplein d'expérience,
ôc auflìsage qu'intrépide,
le Grand Maître ôc le Conseiljugèrent
àpropos
de lerappeller,
ôc on substitua en saplace
le Com-
mandeur de la Valette, Chevalier de laLangue
de Provence, Ôcqui depuis qu'ilavoit
prisThabit
à Malte, n'en étoit sortique pour
aller en course
contre les Infidèles; Il essuya dans cesexpéditions
lune ôc l'autre fortune, mais toujoursavec le mê-
mecourage
ôc ía même fermeté. Tantôt vain-
queur , ôcquelquefois vaincu, il le vit même dans
les fers des infidèles, mais il n'en étoitpas plutôt
sorti, qu'ilarmoitde nouveau. Son nom seul
por-
ïoit la terreur dans les mersd'Afrique
ôc de Sicile-,
ôcparmi
eegrand
nombre de Chevaliersqui
fai-
soient la course, les Infidèles n'avoientpoint
d'en-
nemi plus redoutable. Il ne futpas plutôt
arrivé
(}KAND'OMEDES.
DE MALTE. LIV. XI. 119
àTripoli, qu'il
fit faire la revue des Officiers ôc
des soldats, Chrétiens ou Maures, alliez de la Z.
Religion.11 les
pourvuttous de bonnes armes,
cassa ceuxqui
ne luiparurent pas propres
à les
porter,ou ceux
quifurent convaincus faute d'ar-
gentde les.avoir jouées, ôc
punit sévèrement les
blasphémateurs.:Il mit ensuite hors de la Ville ôc
du Château toutes les bouches inutiles, fit ungrand
amas, de vivres,,ajouta de nouvelles fortifications;
à la Place,, autantque
fa mauvaise situation Ôc le
peu d'argent qu'ilavoit le
purent permettre: ôc
aprèsen avoir fait lever un
planexact ôc de toute*
la côted'Afrique,.il Tenvoya par
un Chevalier à
TEmpereur ,s pourlui faire voir de
quelle impor-
tance il lui étoitpour
ses Etats d'Italie, ôc même
d'Espagne y que Tripoline tombât
pasentre les*
mains des Infidèles, ôc fur-tout deDragut
alors;
chef de tous les Corsaires de Barbarie, quiavoit
soccedé à Barberousse dans cetemploi,
ôc dans;
se dessein de chasser les Chevaliers des côtes d'A-
frique.-
Dragutdont nous venons de
parler,étoit né:
dans unpetit village
de la Natolie, situé vis-à-vis
de Tlfle de Rhodes. Sonpère
ôc fa mère étoient
Mahométans, gens pauvres,Ôc
quine fubsistoient
quede la culture des terres, ôc du travail de leurs-
mains. Cette vie obscure ôcpénible
ne convenant:
pasà Thumeur vive ôc
inquiettedu jeune Dragut Sï
ilprit parti
dèsV3.gc
de douze ans avec un Offi-
cier d'artillerie, quiservoit fur ses
galèresdw
GrandSeigneur.
D'abord mousse, ôcsimple
ma-
telot ,r ennútepilote,
ôcdepuis
à Técolê de {©m
Eeij£
JlAW3'ÔMEDEìV
1
zio His T o IR E DE L'ORDRE
patron,il devint excellent canonier. Pendant
plu-
sieurs années il servit en cettequalité
sur diíferens
vaisseaux, ôcayant
faitquelque profit,
ilparvint
à être depart
dans un brigantinde corsaires. Il
eut bientôt à lui seul unegaliote,
aveclaquelle
il
fit desprises
considérables. Ilgrossit
ensuite son
armement, Ôc se fît redouter dans tout le Levant.
Parmi ses Infidèles iln'y
avoitpoint de pilotes qui
eut une connoissance siparfaite
des Istes, desports
ôc des rades de la Méditerranée. Mais comme tout
cequi navigeoit
dans les mers deTurquiedépen-
doit enquelque
manière de Barberousse, alors
Amiral du GrandSeigneur, Dragut
rechercha fa
protection,ôc se rendit à
Alger pourlui offrir ses
services.
La réputationde ce corsaire Tavoit
précédé-
Barberousse étoit instruit de sa valeur , ôc surtout
de sa capacitédans la conduite des vaisseaux. Il
fut ravi depouvoir
s'attacher un homme de ce
mérite. Pendantplusieurs
années il lechargea
de
différentes expéditions,dont il
s'acquittaà la sa-
tisfaction de son Général, ôc avec un entier succès.
Barberousseaprès
Tavoir faitpasser par
tout les
degrezde la milice, en fit son Lieutenant, ôc lui
donna le commandement d'une escadre de douze
galères.
Depuisce te tems-là il ne se
passoit pointd'été
quece redoutable corsaire ne
ravageâtles côtes
deNaples
ôc de Sicile ; aucun vaisseau Chrétien
n'ozoit mêmes'exposer
àpasser
d'Italie enEfpa-*
gne, quine fût aussi-tôt enlevé: ôc
quandla mer
ne lui fournissoitpas
deproye,
il s'en dédomma-
ÍEA N
MEDES.
DE MALTE. Liv. XI. nr
geoit par des descentes lelong
des côtes, pilloit
lesbourgs
ôc lesvillages,
ôc faisoit esclaves les
habitans.
L'Empereur fatiguédes
plaintes qu'ilen rece-
voit de tous cotez, ordonna à André Doria son
Amiral de le chercher, de tâcher, àquelque prix
quece fût, de s'en défaire, ôc d'en
purgerla mer.
Doriaayant reçu les ordres de
TEmpereut,arma
auísi-tôt cequ'il
trouva de vaisseaux Ôc degalères
en état d aller en mer : ôc comme ce vieux Géné-
ral étoit raíïasié degloire, pour
en faireacquérir
à Jannetin Doria son neveu, il lechargea
de cette
expédition.Le
jeuneDoria
partit auui-tôt, cher-
chaDragut,
ôc fut enfin assez heureuxpour
se ren-
contrer lelong
des côtes de Tille de Corse, dans
leport
ou la case de Giralatte, Château situé en-
tre Calvi Ôc Layazzo. Le corsairequi
neseavoit
point quela flotte de
TEmpereurfût* en mer, se
eroyoit en fureté dans cette anse-j mais ils'y vit
bientôt enfermé Ôcfoudroyé par
le canon du Châ-
teau, ôcpar Tartillerie des vaisseaux. Il se défendit
d'abord aveç soncourage
ordinaire -, mais le feu
supérieurdes Chrétiens fit taire le sien, Ôc il vit
en même-tems toute la cote de Tlíle bordée des
habitans en armes, gensféroces
quiaccoururent
pourcontribuera fa défaite, ôc
pourse
vangerde
cecorsaire, qui
avoitplusieurs
foisravagé
leurs
villages.
Danscetteextrêmité,Dragutn eutpointd'autre
partià
prendre qued'arborer le
drapeaublanc ; il
demanda à entrer ennégociation,
ôcqu'on
lui fît
bonneguerre.
Mais toute lacomposition qu'il
ob-
E e iij
JîAMD'OMEDES.
122, H I ST O ! RE DE L O R D R E
tint, fut de racheter sa vie auprix de sa liberté : il
fut obligéavec ce
qu'il avoit alors degalères
de se
remettre aupouvoir
du General Chrétien. On le
fitpasser avec ses Officiers fur la
Capitaneà la vue
du jeune Doriaqui
n'avoitpas
encore de barbe..
Ce vieux Corsaire outré derage,
s'écria : Faut-il
quamon âge je me voye dans lesfers
d'unpetit ejfé*
miné <? Les Historiens du temsprétendent qu
il se
servit même d'un terme bienplus offensant, que;
lapudeur
nepermet pas
derapportes
'
y ôcques
Jannetin irrité d'une injure si atroce, lui donn*
quelques gourmades , Ôc le fit enchaînes
11 resta dansTefclavage pendant quatre
ans en-
tiers ; Ôcquoiqu'il
offrît la carte blanchepour
ùk
rançon, on n'étoitpas
résolu de lui rendre sa li-
berté. Mais les Génois allarmezdepuis
de voir le
fameux Barberousse avec centgalères
dans là ri-
vière de Gènes , demandèrentDragut
à Doria :
ôcpour empêcher qu'on
neravageât
leur terri*
toire, ils lerenvoyèrent avec des
présensà TAmiral
du Sultan.
Barberousse le rétablit aussi-tôt dans sonemploi,
ôc lui confia à Tordinaire un détachement de ses
galères. Les mauvais traitemensqu'ils
avoient re-
çus pendant qu'ilétoit dans les chaînes, augmen-
tèrent sa haine naturelle contre les Chrétiens. Il
courut toutes \es côtes duRoyaume de
Naples j
pritôc
saccagea Castel-Lamare, ôc laplupart
des
villagesde la côte -yfit un grand nombre d'esclaves r
ôcpeu de jours après,
enleva unegalère de la Re-
ligion , qu'un grostems avoit
séparéede son esca-
dre, ôc furlaquelle
ce Corsaire trouva soixante Ôc.
JE AND'OMEDES.
DE MALTE. L I v. XI. 213
dix mille écusqui
étoient destinezpour
les forti-
fications deTripoli : perte irréparable
àTégard
de D-
cette Place, ôcpour
ceux àqui
elleappartenoit.
Barberousse étoit retourné àConstantinople , où
quoique âgéde
plusde
quatre-vingts ans, ilpaf.
íoit les jours ôc les nuits avec sesplus
belles escla-
ves. Maisayant poussé
la débauchetrop loin, on
le trouva mort dansson lit de ces excès. Soliman
íentit vivement faperte ; ôc
pourle
remplacer,
il ordonna à tous les Corsaires de ses Etats, de re-
connoîtreDragut pour
leur Général -, mais fans le
revêtir de ladignité
d'Amiral.Cependant
il ne
laissapas
de lui confier toute son autorité du côté
ÚVL Midi, ôc àTégard
des côtes del'Afrique.
L'ambition deDragut
crut avec sonpouvoir,
'Sc àTexemple
de Barberousse, il résolut de s'em-
parerde
quelquePlace forte, ôc d'un bon
portoù
fous Taveu Ôc laprotection
de Soliman, ilpût re-
tirer sesprises,
ôc s'en faire comme unpetit Etat,
Sc unePrincipauté particulière.
Plein de ces vues,
Sc avantque
les ordres de la Porte eussent décidé
desopérations
de lacampagne,
il ramassapendant
fhyver même cequ'il y
avoit dans ces mers de
Corsaires, ôc setant mis à leur tête, il chassa d'a-
bord les Espagnols des villes de Soufa, de Mo-
«ester & desfagt.es}
toutes Placesqui
faisoient
autrefoispartie
duRoyaume
de Tunis, maisqui
pourêtre ouvertes ôc fans aucune fortification,
recevoient indifféremment dans leursports , le
partile
plus puissant,ôc celui
quitenoit la mer :
en sortequ'elles
avoientpassé
successivement ôe
plusd'une fois de la domination des Maures ôc
JHAMD'OMEDES.
2.14 HISTOIRE DE L'ORDRE
des Princes naturels dupays, à celle des Cor-
saires Turcs , ôcdepuis
sous la domination des
Espagnols.
Draguts'en étoit rendu maître avec la même
facilité -, mais comme ilprévit qu'il
nepour-
roit pas s'ymaintenir contre toutes les forces
de TEmpereur , ôcqu'au
retour duprintems,
il s'y verroitassiégé par
lesgalères
deNaples:
ôc de Sicile , il jetta les yeux fur la Jville d'A-
frica, autrementappellée Mehedia, ôc connue du
tems des Romains sous le nom d'Adrumette. Cette
Place située entre Tunis ôcTripoli,
étoit bâtie sor
unelangue
de terrequi
avance dans la mer. On
Tappelloitla
petite Afrique,comme une des
plus
considérables de cette troisièmepartie
de notre
continent. Elle étoit fortifiéerégulièrement -, ses
murailles trés-élevées, terraíse'es en dedans, d'une
épaisseurextraordinaire , garnies
de tours ôc de
boulevards -, Tartillerie en étoit nombreuse ôc en
bon état. On trouvoit au-dessus de la Ville ôc fur
une éminencequi
la dominoit, un fort ou une
eípece de châteauqui
lui servoit de citadelle. Le
portétoit
grand', fur, ôc à Tabri de tous vents. Il
y en avoit unparticulier
ôcplus petit pour
lesga-
lères, ôcqui
étoit fermépar
une barrière de fer :
les flots de la mer battoient lepied
des murailles „
ôc environnoient cette Place de tous cotez ^ex-
cepté par Tendroit seulqu'elle
tenoit à la terre,
ferme*
Les habitans, tous Maures ôc Mahométans,,
aprèss'être soustraits de la domination des Rois
de Tunis leurs Princes naturels, avoientérigé
leur
gouvernement
1 E A N.Ê'ÔMEDES.
DE MALTE. LIV. XI.22.5
gouvernementen forme de
République: & de
peur de.surprise,de
qu'onne donnât atteinte à
leur liberté, ils n'admettoient dans leur Ville ni
Turcs ni Chrétiens : & íipar
la néceíïìté du com-
merce ils souífroient dans leurport quelques
vais-
seauxétrangers,
c'étoit toujours enpetit nombre,
& avec desprécautions qui
les mettoient hors d'é-
tat d'en êtresurpris.
Cette Place telleque
nous la venons derepré-
senter, devint l'objet des désirs ambitieux de Dra-
gue.Mais comme il n'avoit pas des
troupessuffi-
santespour l'attaquer
à force ouverte, &qu'il
n'é-
toitpas
même assuréque
le GrandSeigneur
trou-
vât bonqu'il y employât ses armes, il résolut de
fairesuppléer
l'artifice à la force, ôc de tâcher,
en formantquelque intelligence
dans la Place,
de s'en rendre maître, persuadé queles Princes ne
désavouentguerés
desentreprises
même lesplus
injustes, quand parle succès elles tournent à leur
profit.Dans cette vue, &
pourreconnoître la Place
deplus près,
il entroitquelquefois
dans leport-j
mais seulement avec unleger brigantin
ouquel-
que galiotte , & il contenoit ses soldats dans une
modestie rareparmi
des Corsaires. Insensiblement
il fit connoissance avec un desprincipaux Magis-
trats, appeílé Hybrahim-Barat,&
quicomman-
doit dans une desprincipales
toursqui fiánquoic
lés murailles de cette Place.Dragut
cultiva cette
nouvelle amitiépar
desprésens
de cequi
se trou-
voit deplus
rare dans sesprises -, seul moyen parmi
ces barbares, & souvent mêmeparmi
des Chré-
tiens, pouren attirer la confiance, il commença
Tome J U,
*
f f
) í A W
2.16 H I S T O I RED E L* O R D R E
parlui laisser entrevoir
qu'ilTassocieroit volontiers
dans lesprises qu'il
failbit tous les jours, & il lui
fit connoître ensuite le profitimmense
qu'iltire-
roit de cette société ; mais en même tems il lui fit
envisager que pourrendre cette société
plusdu-
rable^ ôc leur liaison plus sure, il étoit à souhaiter
qu'il pûtêtre admis dans la ville en
qualitéde ci-
toyen.Le Maure attiré
par l'elperancedu
gain,
iechargea
d'en fairé"laproposition
au Conseil .:
mais laprofeílíon
du Corsaire la fit rejetter par
tous lesMagistrats,
ôc Hybrahimfut même repris
sévèrement d'en avoir ouvert lapremière propo-
sition. Le dépit ôc lechagrin
4e se voir rebutté,
menèrent ce Maure plusloin
qu'il n'ávoit peut-être
pensé d'abord : ilparut
àDragut qu'il
étoitcapa-
ble de toutentreprendre pour
s'envenger.
Le
Corsairepour profiter
de la chaleur de son ressen-
timent, luiproposa
de le recevoir dans cette tour
de la Ville ,dont il avoit le commandement, Ôc
il lui fîtgoûter
cette nouvelleproposition par
des
sommes considérables. L'avare Maure neput y
ré-
sister : il s'abandonna entièrement àDragut
: leur
marché fut bien-tôt conclu -, ils convinrentque
le Corsairepartiroit incessamment ; que pour
faire
oublier ses vues, &dissiper îombrage que
les Ma~
gistratsen auroient
pû prendre,il laisseroit cou-
lerquelque
tems fansreparaître ; qu'il prendroit
ensuite toutes lestroupes qu'il
avoit dans Sous*
ôc dans Monester ; qu'illes feroit filer le
plusou-
vertementqu'il pourroit
du côté d'Africa ; qu'il
s'enapprocherait,
Ôcjusqu'au pied
de la tourpen-
dant une nuit ôc à une heure quele Maure lui aíJJr
,Ï£AN» UlíEDÊS.
DE MALTE. L I V. Xt irf
gna,ôc
que parle
poste où ilcommandoit, il lui
faciliterait l'entrée dans la Ville. Ceperfide
com-
plotfut exécuté avant
queles habitans s'en
apper-
eussent :Dragut
a. la faveur des ténèbres entra dans
la tour , Ôc de-là dans la Ville, ôc enoccupa
les
principaux postes.Le jour découvrit aux
citoyens
leur malheur -r ils ne laissèrentpas
deprendre
les
armes : on en vint aux mains -y mais comme tout
étoitrempli
de trouble & de confusion, les habi-
tans se battaient avecplus d'impétuosité que
de
conduite.: Les Corsaires en taillèrent enpièces une
partie, ôcobligèrent
les autres à mettre les armefr
bas, ôc à reconnoîtrepour
maître ôcpour souve-
rain , celuiqu'ils
avoient refusé d'admettrepour
citoyen. Il introduisitdepuis
dans la Place de nou-
vellestroupes qui
faisoient redouter sonautorités,
Ôcqui
servoient à la maintenir : ôcaprès
avoir éta-
bli fur des fondemens aussi solides , ía nouvelle
domination, il confia legouvernement
de cette
Ville à un jeune Corsaire son neveuappelle
le Rais,,
©u leCapitaine
Essé.•
Ifpartit
ensuite d'Africa fur des ordres de 1&
Portepour
continuer ses courses contre les Chré-
tiens^ mais avantque
des'embarquer,
il ordonna
à son neveu de se défaire en son absence de ce"
Maurequi
Fa voit introduit dans la Place, depeur
que lerepentir
d avoir trahi fapatrie,?ou peut-
êtreleípoir
d uneplus grande récompense
ne ren-
gageâtà une nouvelle trahison. Le Gouverneur 5,
dèsqu'il
futparti,
nemanqua pas
d'exécuter ses
©rdres , ôcHybrahim reçut la
récompense que
méritoit sa perfidie.
Pfijr
JíAND'OMEDÍS*
zr8 HISTOIRE DE L'ORDRE
Les nouvelles de laconquête
d'Africa allarme-
rent toutes les côtes de la Sicile, ôc donnèrent
beaucoup d'inquiétudeà
l'Empereur.Ce Prince
prévit quele Corsaire en ailoit faire sa
placed'ar-
mes ^ quele
portlui servirait à lavenir de retraite
pouríes vaisseaux, &
qu'illui seroit aisé d'infester
de-là toutes ces mers , ôc même de désoler les cô-
tes deNaples
& de Sicile. Pour prévenir ses des-
seins, ôc avantque
fa domination futplus affermie,
il résolut de faire lesiège
de cette Ville. Mais avant
quede
s'engagerdans une
entreprise si difficile,
ion Conseil fut d'avis de reprendre Spufa, Mo-
nester & les autres Places voisines, d'où les Cor-
saires auraientpû
tirer du secours.
Doriapar
son ordre mit en mer là flotcqu'il
eommandoit ; lePape y joignit
lesgalères
de l'E-
glise,ôc le Grand Maître à la
prièrede
l'Empe--
reur, envoya pourcette
expéditioncelles de Malte
fous le commandement du Bailli de laSangle.
IIy
avoit dans cette escadreparticulière
centquarante
Chevaliers , Ôc un bataillon dequatre
cens hom-r
mes destroupes que
laReligion entretenoit à ía
solde : toutes ces forces étant réunies , la flote
Chrétienne mit à la voile, tint la route des côtes
d'Afrique v ôc fur des avis queDoria reçut que
Dragut étoit dans le portde Monester, il
l'y fut
chercher. Mais le Corsaire étoittrop
habile &trop
défiant pour s'enfermer dans une si mauvaise Place j
ilprit
lelarge,
tint la mer -, ôc étant bien instruit
queDoria n'avoit
pasassez de
troupesfur fa flotc
pourformer le
siège d'Africa, soitpour éviter sa
rencontre y íbitpour
faire diversion, en attendant
JEANJEJ'.ÓMEDES.
DE M AL TE. L I V. XI,iì9
qu'ilfut éclairci de ses desseins, il courut les cô-
tesd'Espagne , où il continua ses
ravages òrdt- !
naires.
Doria de son côtépour
suivre les ordres de
^Empereur débarqua cequ'il
avoit detrèupes
au
Cap-bon y s?emparadu fort de Cáhbié ylahciérine
Chipéedes Romains, d'où il s^avançá ensoite jus-
qu'aux portesde Monester. A í
approchedes trou-
peschrétiennes
quine
paídiíïbient pas&m
graííd
nombres les Turcs joints aux habitMsq?ui
avoient
prisles armes en leur faveur, firent une sortie,
inoinspour
combattreque pour
reconnòîtrë les
forces de leurs ennemis. Mais- les Chevaliersjqui
lavoient lá tête deFattaque y ôc
quiétòient soûtel
nuspar
un terceEspagnol,
leurépargnèrent
lá
peinede venir
jusqu'àeux : ils s'avancèrent à
grands pas, lesjoignirent, engagèrent
le combat
malgréles Maures, en tuèrent un
grand nombre,
tournèrent le reste en Ífuite, & lés suivirent de íî
près qu'ilsentrèrent avec eux dans la Ville, & s'en
rendirent maîtres : unepartie
des habitansqui
ne
s'étoientpoint trouvez à cette sortie, Ôc les Turcs
qui purent échaperà la
premièrefureur des
victorieux, seréfugièrent
avec le Gouverneur
dans le Château. Doriaaprès
avoir fait sommer
le Commandant de se rendre, sur son refus fit!
dresser ses batteries : le fort fut foudroyé àcoups
de canon. Apeine eut-on fait
broche, quel'Ami-
ral Chrétien, fans examiner si elle étoit assezgran-
de, &qui aurait crû se deshonnorer en
attaquant
jine. sipetite
Place selon lesrègles ordinaires,
ordonna qu'onse
préparât pourl'assaut. Les habi-
Ffiij
J BAHb'OkEBES.
i$oHi S T O I RE DE L'ORDIE
tans eussent bien voulucapituler j mais le Gouver-
neur vieux Corsaire,&rqui
avoitplusieurs
de ses
compagnonsavec lui, en rejetta fièrement la
pro-
position*;Son audace & la
précipitationde Doria
Áíe&t çauft que liatraque &; la défense furent
©gaiement viv^
dit laplupart
de ses Chevaliers<±. êc cette action
avoit déja duré plus; d'une heure ôc ^emie^fans
<|u'on put juger ^uelen oserait Je íùeeBs ; mais le
fiour^erneur-ayant; été tué fur la brèche d'un coup
de moufle^ce
còup, comme s'il eûtporté fur
tous les soldats de lagarnison,
leur fitperdre
cou-
rag%<|£ pfia^oràle drapeau blanc .Les Corsaires
pçu-r sauver leur vie consentirentàperdre
leur li-
berté iyôc: leshabitansy qui parzèle
pourleur re-
ligion,, avosent prisks armes en leur faveur, ne
furent^pasmieux traitez,.
L'Empèreur tkant un bon auguredé
cepremier
avantage^ ordonna à Doria de disposertout
pour
lesiège
d'Africa ^ & ii lui fit seavoirque
lés Viee^.
rois deNaples
Ôc de; Sicile avpient ordre de lui
fournir tous les secours détroupes
Ôc de munition
dont il aurait besoin. L'Amiral écrivit auíE-tôt à
Dom Pèdre de Tolède, Viceroy deNaples,
& ài:
Dom Juan deVéga, qui
commandoit en Sicile,
de luienvoyer au p
lu tôt ce qu'ilsavoient de
galères
ôc de vaisseauxchargez
de munitions deguerre
Ôc
de bouche^ ôc detroupes
dedébarquement.
En les
attendant, Ôcpour empêcher qu'on
ne físt entrer
destroupes
dans Afrka, il fut seposter
aux Iíles
Çumiîieres ouGoniglíeres, plus proche encore de
eerteplace que Monester ,, quoique cette derniers
J» ANà'Oìúzjìiis.-
DE MALTE. L I V. XIt$%
m}cn fûtqu'à
trois milles : leViceroy
deNaples
lui
îfit sçavoir qu'illui
préparaitun
puissant secours, !
quiserait commandé
parDom Garcie son fils:
celui de Sicile l'assura de la même chose, & il
ajouta quetous les
peuplesde son
gouvernement,
commeplus
voisins d'Africa, ayant un fìgrand
intérêt de chasser les Corsaires de cetteplace}
il
prétendoitconduire lui-même ses
troupes : mais
comme le secoursqu'il préparait
n'étoitpas encore
prêt,ôc
qued'ailleurs Dragut.
avec différentes efk
cadres courait ces merspour surprendre
les vaiû
seaux Chrétiens, ôc traverserl'entreprise,
ce Vice^
íòy poursa siìreté
exigeade l'Amiral
qu'ilvoulût
bien fixer le rendez-vousgénéral
de toute la flote
Chrétienne àDrepano
en Sicile ; il lui mandoit
qu'ilétoit résolu de
s'yrendre lui-même avec ce
qu'ilavoit de vaisseaux & de
galères,ôc
qu'après
avoir joint leurs escadres, ôc mis en un seulcorps
toutes les forces maritimes del'Empereur^
ils
pourraienttous aller fans
inquiétude& de con*
cert faire lesiège
d'Africa.
L'A mirai, quides Istes Cumilieres tenoit le
port
âc cetteplace
commebloqué, prévit que
s'ilquit-
toit sonposte, Dragut
nemanquerait pas
de s'en
prévaloir,& d'y jetter du secours; mais comme il
lui étoit venu des ordres secrets de nagir
dans la
conduite dusiège que par
les avis de Dom Juan
deVéga,
ancien Officier ôc Général habile, Doria
fut contraint de le venir trouvera Palerme, d'où
ils se rendirent ensemble àDrepano,
où ils trou-
vèrent lesgalères
& lestroupes
deNaples
& de
Malte déja arrivées..
JE A Ni .
%$l: HlStaiRÈ DE L'ORDRE
Le secours deNaples
consistoitenvingt-qúatre
galères,ôc
plusieursbâtimens
chargezde
troupes.
Dom Garcie de Tolède, comme nous le venons
de dire, commandoit cettepuissante
escadre -, ôc
comme Doria ne quittoit gueresla mer, ce jeune
Seigneursonattoit de conduire le
siège,&c d'en
avoir tout l'honneur : mais ayant appris quele
Viceroyde Sicile avoit déclaré
qu'ilmarcherait
enpersonnelle chagrin de se voir
privé de lagloire
qu'il eíperait acquérir^le fit
rembarquer,comme
s'il eût voulu partirôc se
séparerdu reste de 1 ar-
mée :pour couvrir son mécontentement d'un
pré-
texte spécieux,il dit à Doria
quele Viceroy son
père ayant reçu des ordres del'Empereur
de met-
tre toutes sesgalères en mer, pour chercher Dra-
gut& le combattre, il ne
pouvoit passe
dispenses?
de siiivre son instruction.
Doria vit avec douleurque cette division entre
les chefs, &causéepar une jalousie pour
le corn--
mandement, ferait échouerl'entreprise,
ôcque
Dom Garcie, quoique jeune Officier, mais indé-
pendant du Viceroy de Sicile, seprévaloit;dube-
soinqu'on avòit du Corps qui
étoit à ses ordres.
Il fit ce qu'il put pourtâcher de le
retenir, &pour
rempêcher de partir : l'assaire fut mise en négo-
ciation. Le Bailli de laSangle, qui
commandoit
lesgalères
de Malte, en futchargé par Doria : ce
fàge Chevalierportoit
lesparoles
dechaque côté;,
mais Dom Garcie, quelques propositions qu'on
ìuifist, ne voulutjamais
se relâcher : il soutenoit
que commandant en chef une fsote;.& un corps
d'armée, rien ne fobligeoit,
sans desordres.exprès
de
Jï.AN'D-'Q*Í>;DIS.
DE MALTE. Liv. XI.233
de.l'Empereur,
de servir enqualité
de subalterne -,
qu'àla vérité tant
qu'ilserait en mer, il íçavoit le
*
respect quiétoit dû au Pavillon de
l'Empereur &
à ion Grand Amiral, maisque
fur terre, ôc sur-
tout dans une terreétrangère,
il neprendrait ja-
mais Tordre d'un Général, quide droit n'avoit
aucune autorité fur lestroupes Napolitaines.
Cette
contestation fut vive, ôc duraplusieurs jours : en-
fin le Bailli de laSangle qui étoit d'un
génieconci-
liant, les fit convenirque
fur terre ils auraient
tous deux uneégale
autorité j que chacun com-
manderait lestroupes qu'il
aurait amenées au
siège-, quele Conseil de
guerre,à la
pluralitédes
voix, décideroit desattaques , ôc
queles ordres
seraient donnez au nom del'Empereur,
& comme
s'il commandoit lui-même enpersonne
ausiège.
Ces contestations étant heureusement terminées,
toute la flote mita la voile, pritla route d'Africa,
ôc ondébarqua
lestroupes
au levant de cette Place
le vingt-sixde Juin.
Pendantque
Doria étoitpassé
en Sicile ôc à Dre-
pano, Dragut,comme l'avoit bien
prévucet ha-
bile Amiral, n'avoitpas manqué
de jetter unpuis-
sant secours dans laplace,
ily
avoit fait entrer ses
meilleurs Officiers avec des vivres ôc des muni-
tions deguerre ; ôc en même tems il tenoit la mer
pourtraverser les convois
qu'on pourrait envoyer
a l'armée Chrétienne. Le Gouverneur de laGou-
lette, Officierplein
de valeur, & d'unegrande
ré-
putation,fur des ordres
exprèsde
l'Empereur,se
rendit ausiège : ôc le Grand Maître de Malte
qui
n'ignorait pasla
perte quela
Religionavoit faite
Tome JJs. Gg
ÒZJÌ.H
MEDIS
MJ 0!
134 HISTOIRE DE. L'ORDRE
a l'aísaut du Château de Monester, pour rempla-- cer les morts, envoya une nouvelle recrue de Che-'
valiers.
Après queles Généraux eurent
débarqué leurs
troupes,leurs munitions ôc leur artillerie, on ou-
vrit la tranchée : on dreíla des batteries, & l'ar-
tillerie commença à tirer contre la Place. Les
Magistratsôc les
principaux habitans, tous bons
négocians, voyantune armée si redoutable au
piedde leurs murailles, détestaient les
briganda-
ges deDragut, qui
leur avoit attiré cetteguerre :
ilsparloient
même tout haut de traiter avec les
Chrétiens ; mais le Raïs Essé, neveu deDragut,
ôc
Gouverneur de la Place, soldat déterminé, les me-
naça , s'il entendoitparler
decapitulation , de
lespoignarder
tous les uns aprèsles autres, ôc de
mettre ensuite le feu dans ia Ville: ôcaprès leur
avoirreproché
leur lâcheté, il leur demanda avec
plusde douceur, si en se livrant aux Chrétiens ils
étoient assezdupes pour
croireque
leurs ennemis
mortels devenus leurs maîtres, leur laisseraient
/i'exercice de leurReligion
& lapossession
de leurs
biens j qu'ils songeassent quedans cette
guerreil
s'agiíToìtde ce
quetous les hommes ont de
plus
cher, ôc de défendre leurs vies, leurliberté,leur
Religion,leurs femmes & leurs enfans. En même-
temspour
les rassurer, il leurreprésenta
la force
de la Place, son artillerie nombreuse, ses armes
ôc ses munitions. Il ajouta qu'ilavoit sous ses or-
dresdix-sept
cens hommes d'Infanterie, ôc six cens
Cavaliersque
ion oncle avoit choisisparmi
ses
meilleures troupes,ôc tous résolus comme lui de
ï .BAN-
I)''.O^lEjdf&.,
DE MALTE. LFV. XI. ïtf
s'ensevelir sous les ruines de la Place, plutôt que
de la rendre aux Chrétiens. LesMagistrats plutôt Zl
intimidezpar
ses menaces, queraílurez
parses
promesses,se
disposèrent malgréeux à soutenir
unsiège qu'ils
nepouvoient empêcher^ Mais; lè
petit peuplefurieux de zélé, ôc d'autant
plus jâ*
loux de faReligion qu'il
ne la connoissoitgueres,
nerépondit
au discours du Couverneurque par
desimprécations
contre les Chrétiens.Tous à l'ênvi
s'exhortoient à mourirpour
leurReligion,
ôc lê
préjugéôc l'entêtement leur tinrent lieu de fer^
meté ôc decourage.
Le Gouverneur, pourles fortifier dans ce sen-
timent, ôcpour
leur faire voirqu'il
necraignoit
pasles Chrétiens, fit sortir de la Place sa Cava-
lerie avec trois censArquebusiers, qui occupèrent
une coline voisine, ôc d'oû avec leursmousquets
ôcquelques pièces
decampagne,
ils bàttoient lë
campde
l'Empereur.Dom Garcie dont le
quar-
tier étoitproche, pour
lesdéloger
de ceposte,
s'avança austì-tôt à la tête d'unepartie
de ses trou-
pes. L'esearmouçhe fut vive ôcopiniâtrée,
com-
me il arrive ordinairement dans; lespremières
ac-
tions , dont l'évenement semble former unpré-
jugé pourle succès de toute
l'entreprise.Le Gou-
verneurpour
soutenir sesgens
fit encore sortir à
leur secours six cens Maures armez demousquets,
quifirent une furieuse
décharge,Ôc
quimaltrai-
tèrent extrêmement lesNapolitains. Quoique
le
Viceroi de Sicile n'eûtpas
étépeut-être
fâché de
voir Dom Garcie battu &repoussé, cependant
le
service derÉmpereúr,
&. l'interêt de la cause com-
tí'O'M.BÙf.Sì
136 HISTOIRE DE L'ORDRÉ
mune leportèrent
à exhorter les Chevaliers à mar-
cher au secours desNapolitains.
Le Bailli de la
Sangle qui commandoit le bataillon deMalte,
marcha aussi-tôt, joignit les Maures, leschargea
l'épéeà la main : & ces Infidèles
peufaits à com-
battre depied ferme, se débandèrent. L'Infanterie
regagnales
portes de la Ville, quifurent ensuite
fermées ; Ôc la cavalerie se dispersadans la
plaine^
Ôc a course de cheval, se jettà dans une forêt d'o-
liviers, oû elle seperdit.
Le canon avoit commencépar
battre la fausse
braye ôc lepan
de muraillequi
fermoit cette lan-
guede terre, dont nous avons
parlé.La brèche
paraissantraisonnable , on
envoya quelquesOffi-
cierspour
la reconnoître. A leur retour ilsrapor-
terentqu'ils
avoientapperçû
derrière la brèche de
profondsretranchemens bien
flanquez,dont le
fond étoit garni de pointesde fer, ôc
qu'on per-
drait infailliblement toutes lestroupes qu'on y en-
verrait. Mais le Viceroi de Sicilesoupçonnant que
la peur pouvoitavoir beaucoup de
partà ce
raport,
ou du moinsqu'il
ètoit fortexagéré,
fit résoudre
l'assautpour
le vendredi suivant : Ôc dans l'ihter-
valle, pour élargirla brèche , on redoubla la bat^
terie. Le vendredi, deux heures avant lejour, le
Viceroi qui voiilòit avoir tout l'honneur de cette
entreprise j malgré la posseíïionoù étoient les Che-
valiers d'être à la tête de toutes lesattaques , fit
avancer sestroupes
aupied
de la muraille.
Çes Siciliens trouvèrent la brèche de la fausse-
braye bordée d'ennemis, quifirent une furieuse
décharge, ôc tuèrent un grand nombre de Chré-
JKAM0'QMEPES.
DE MALTE. LIV. XI. ±yf
tiens. Mais les assaillans, fanss'épouvanter,
&peut-
être fans connoître tout lepéril, gagnèrent
le haut î
de la brèche, Ôc lesplus
braves se jetterent àcorps
perdudans le fossé
quiétoit entre la
fausse-braye
ôc le fort. Mais ils y périrenttous à
rexcéptiond'un
seul, quelos Infidèles
épargnèrent,& firent ex-
près prisonnier pourtirer
quelqueconnoissance
des desseins des Chrétiens. D'autrestroupes qui
s'avançoient poursoutenir ce
premier corps,n'eu-
rentpas
un sortplus heureux; elles trouvèrent
par
tout deprofondes coupures
ôc des retranchemens
entassez les uns fur les autres, & d'ou ilpartoit
une
grêlecontinuelle de canon ôc de
mousqueterie.
Tout cequi paroissoit
étoitfoudroyé par
le feu
desassiégez.
Cet assaut coûta aux Généraux leurs
plusbraves soldats, ôc
pourne
pas perdre plusde
monde, on fit sonner la retraite. L'Officier com-
me le soldat rebuttez d'uneattaque
sipérilleuse,
se jetterent avecprécipitation
dans leurs tranchées.
Ce mauvais succès ralentit extrêmement l'ardeur
desaíîìegeans.
Si le soldat mécontent & rebutén'oza
pasencore
parlerde lever le
siège,on
jugeabien
cependant qu'iltraînerait en
longueur.Pour sur-
croît dedisgrâces,
les vivres commencèrent à man-
quer;ôc ensuite des maladies
contagieusescau-
íeespar
lafatigue
& la mauvaise nourriture, atta-
quèrentl'Officier comme le
simplesoldat.
Le Bailli de laSangle qui comptoit pour
lepre-
mier de ses devoirs celui del'hospitalité , dressa
sous ses tentes uneespèce d'Hôpital
& d'Infirme-
rie , où il faisoit traiter avecgrand
soin les sol-
dats malades. Les Chevaliers, parson ordrç Ôc a
Gg iij
JEAND'OMEOES.
ÌJ8. HISTOIRE DEL'ORDRE
son exemple, les servoient tour à tour : 5c touté
l'armée n'admiroitpas
moins leur charitéque leur
valeur.Dragut toujours
attentif a la défense d'une
Place.: quilui étoit si
importante , tâcha d'y faire
entrer du secours il mit à terre huit cens hom-
mes de sestroupes : ôc ayant
encore ramasse troisi
mille Maures bonsarquebusiers, qu'il
avoit levez
àprix d'argent,
ils'enfonça dans la forêt des Olu
vie.r-s, voisine d?Africa,:& où les Chrétiens avoienfe
coutume d'aller chercher des fascines. Son dessein
étoitd'attaquer
leslignes
le jour de S.Jacques,
Patron desEspagnols,
dansl'eíperance
d'en trou^
ver les soldats ouyvres , ou du moins débandez
ôc en désordre, & il avoit fait avertir le Gouver-
neur, pourfaciliter l'entrée du secours , de faire
en même tems une sortie avec toute íagarnison»
Mais le hazard fit découvrir son embûche , ôc
avança le combat. Le Vice-Roi de Sicile accom-
pagnédu Bailli de la
Sangle , du Gouverneur de
la Goulette, ôc avec unegrosse
escorte de Che-
valiers, étant allé dans la forêtpour faire couper
des fascines, Dragut qui y étoit caché, aprèsles
avoir laisséapprocher,
se leva tout d'uncoup avec
sesgens , fit d'abord une furieuse
décharge,ôc
vint fondre ensuite le sabre à la main sur les Che-
valiers. Le Bailli, quoique surpris par l'ennemi,
eut bien-tôt remis en ordre de vieuxguerriers,
&
capablesde le
prendre d'eux-mêmes. Ce bataillon
se forma fanspeine ; ce fut moins une escarmou-
chequ'un
combat depied ferme, ôc
opiniâtré.:
on se battitlong-tems
avec difserens succès. Les
Turcs ôc les Maurespar
desdécharges fréquentes,
X*AN
D'ÔMEDES.
DE MALTE. LIV. XI.139
tuoientbeaucoup
de Chrétiens, ôc onregretta
fur-
tout Louis Perés deVargas , Gouverneur de la
J
Goulette, ôcplusieurs
Chevaliers desplus braves*
Çe ne futpas
fanspeine que
le Vice-Roi débar-
rassa fatroupe
de laforêt, ôc
gagnala
plaine»Dra-
gutle
poursuivit quelque tems, ôc revintplusieurs
fois à lacharge ->mais trouvant
toujours les mê-
mes hommes , ôc desguerriers qui quoique
en
petit nombre, faisoient une bonne contenance >
il fit sonner la retraite, ôc les Mauresqui
connoiíl
soient lepays,
se rejetterent dans la forêt, se dis-
perserentà leur ordinaire, & ne se rallièrent
qu'au-
prèsde
Faques, quiétoit leur rendez-vous. /
Au retour du Vice-Roi, les Généraux tinrent
conseil, &par
leur ordre ôc leurs soins, on conti-
nua avec la même furie lesdéchargés
de toutes les
batteries, ôc on en dreíïa même de nouvelles. Mais
les murailles étoient siépaisses
ôc si bien terrassées,
quele canon ne faisoit
pourainsi dire
queles
éfleurer : ôc les brèchesparurent
sipetites
ôc cou-
vertespar
des retranchemens si fortifiez , qu'on
n'osa hazarder un nouvel assaut. Oncommcnçoit
même à croirequ'on
seraitobligé
de lever lesiège ^
mais Dom Garcieplein
de feu, toujours en action,
ôc occupé uniquementdu succès de
l'entreprise ,
forma un desseinqui
lui enprocura
leprincipal
honneur. 11 avoitappris par quelques transfuges,
qu'unendroit des murailles battu des eaux de la
mer, étoitplus foible, ôc même
négligé parles
assiégez , quine croyoient pas que
lesgros
vais-
seaux enpussent approcher
à cause des bancs de
fableque
les flots avoientpoussez
de ce côté-là.
JEAND'ÓME-DES.
>4o HISTOIRE D^E L'ORDRE
Dom Garcieaprès
avoircommuniqué
sonprfejet
à l'Amiral ôc au Conseil, pritle
corpsde deux
vieillesgalères qui
ne tiroientpas beaucoup d'eau,
qu'il attacha étroitement l'une à l'autre, ôc fur les.
quellesil fit dresser une batterie avec ses
parapets
ôc ses embrasures. Cette machine, à la faveur de
la nuît, futremorquée par
desesquifs
Ôc des cha-
loupes,ôc conduite vis-à-vis de Tendrait qû il vou-
loit faire ouverture : ôc il assura ces deux galères
avecquatre ancres, deux du côté de terre & du
mur, Ôc les deux autres vers lapleine
mer.
Oncommença
aupoint
du jour à battre lepan
de murailleopposé
à cetteplatte
forme -, ôc le ca-
non tira avec tant de furie, qu'une grande partie
de cette muraille tomba enpeu
de tems. Auju-
gementdes
Ingénieurs,il
y eut bien-tôt une ou-
verture raisonnable, ôcqui
détermina les Géné-
raux à tenter un assaut. Les Chevaliers de Malte,
suivant,l'usage
ôc leprivilège
attaché à un corps
si illustre, eurent lapointe. Le Bailli de la
Sangle
réglaleur marche ôc l'ordre de
l'attaque $ il or-
donnaque
le Commandeur de Giou, escortépar
deux files desplus
anciens Chevaliers, porterait
à leur tête l'étendart de laReligion.
Le Chevalier
de Guimeran, ôc en casqu'il
fût tué, le Chevalier
Copierdevoit soutenir ce
premier corpsavec toute
la jeunesse de l'Ordre, ôcplusieurs
volontaires de
différentes nationsqui
avoient demandé à com-
battre sousl'enseigne de Saint Jean. On avoit mis
à laqueue quatre compagnies
des soldats de Malte,
chacune commandéepar
des Officiers de J'Ordre;
& le Bailli avecquelques
anciens Chevaliers qu'il
avoit
JEANP'OMEDES.
D\ E M A L T 1. L I V. X s. 241
avoit retenusauprès
de lui, devoir fermer la mar-
che pourse
porter enfoite dans les endroitsqui
auroierit leplus
besoin de fa présence ôc de ion
secours/
Le Vice-Roi de Sicile avec sestroupes,
& Dòrr*
Garcie avec celles deNaples, pour
faire diversion,,
íechargèrent
chacun de îeur côté des autres atta-
ques: Ôc ces deux Généraux
parune émulation de
gloire,Ôc l'un & l'autre
pouravoir rhonneur d'a-
voir arboré se premierson
enseignesor se haut cfc
la brèche, promirentà leurs soldats des récom-
penses ma^gnifiquesvLes Chevaliers n'ayant pa^
besoin de ces motifs intéressez, si- tôtqu'un coup
de canon eut donné lesignal deTattàque, entrè-
rent dans desesquifs
& delegeres chaloupes : &:
quoiqu'ellesrte tirassent
presque point d'eau, lk
plupartde ces braves Chevaliers se
voryant arr@~
tez à tous momenspar
des bancs 1de fable, se jet-
terentl'épée
à la main dans lamer, & l'eaujusqu'àí
la ceinture,, ôc souvent jusqu'aux épaulés,ils
ga-
gnèrentle
piedde la muraille.- Les Infidèles
pa-rurent sor íè haut de la brèche y &
pour empêcher
les Chrétiens d'enapprocher ^ ils*
emplòyoienten*
même tems le feu du canon, celui de lamouíque-
terie, tescoups
de flèches, depierre,
les feux d'ar-
tifice,, ôc l'huille bouillante ; ils se faisoient des ar-
mes de tout cequi
seprésentoir
sous leur main..
Les Chevaliers fans s'étonner du nombre de leurs <
morts, surmontèrent tous ces obstacles, gagnè-
rent le haut de la brèche du côté d'une tour atta-
chée au coin de cette muraille. Le Commandeur
de Giou arbora auííì-tôtl'enseigne
de laReligion^
Tome ILL ìtíiv
ï>OH Bb E$S
14^ HISTOIRE DE I/ORDRB
niais ii fur au mçme instant renverse d'uncoup
de
mousquet; L'enseignefut relevée
parle Comman-
deur Copier, qui pendant toute faction & au mi-
lieu du feu & d'une nuée âe traits d'arbalètes.,: la
^int toujours élevée. Cependant les; coups ïeea-
nán qui partòientde la tour voisine, ^ç le ftp de
|a mousqueterie quivenoit des retranehemens.>
fbudroyoient les Chevaliers> fans
qu'ils pussent
avancer , ni faire recéler les Infidèles} jtjn grand
nombre ile Chevaliers, d'illustres volontaires qui
combattoient sous leurenseigne , & la jplûpart des
soldats de Maltepérirent dans cette occasion. Le
Commandeur de Guimeran qui étoit rëstéalâtête
de 1 attaque, étoit au désespoir de voir tuer ses
frères à ses cotez :cependant
il nepouvoit íè ré-
soudre a abandonner sonposte. Heureusement en
jettant lesyeux de toi^s cotez, il découvrit fur la
gaucheôc au travers des ruines > un petit sentier
iqui conduisoit dans lecorps de la Place : d'antres
prétendent quec etoit le débris d'une
gall^rie de
communication. Quoi qu'ilen soit, je Comman-
deur à la tête de ses camarades , fait un effort,
poussetout ce
quise
présentedevant lui, s'ouvre
unpassage , se jette dans cette galerie, OJJ. il ne
restoitplus que
despoutres
Ôcquelques solives,
Ôc marchant deííùs avec autant de fermeté qu'il
aurait fait fur unpont de pierre,
ilpénétre jus-
quesdans la Ville.
Au bruit de cequi
sepassoit,
leshabi^ans ac-
courrent ^ ôc excitezpar
les cris de leurs femmes
ôc de leurs en fans>
ils se baricadent dans les rues,
percent les maisons, d'où ils faisoient un feu terr
J * -VN.Ì'UMEDES.
D E MALTE. Liv. XI/ 14^
ribíe. Les Chevaliers se virent de nouveau arrêtez ;
ôc il áuroit fallu., pourainsi dire, faire encore au^ Z_
tant desièges qu'il y
avoit de retranchemens daná
chaque quartier.Mais
pendant quon s'y battoitr
les Turcs ôc les Mauresqui
étoientopposez aux
NapolitainsÔc aux Siciliens, ayant appris que
les
Maltois étoient dans la Placé, én abandonnèrent
la défense pouraccourir au secours de leurs mai^
sons & de leurs familles; Les Chrétiens serépart-
«Usent aussitôt dans la Ville y Ôc seur firent biért
voirqueée
nieraitqu'en
se maintenant chaeurt
dans leurspostes qu-ils
auraientpu
conserver leurs
fortunésparticulières.
Ces malheureux habitans,,
aprèsune áfsez fbible résistance
qu'Usfirent dans?
quelques quartiers, voyant lenriemimaître de la
Place, cherchent leur íáíut dans la fuites Les uns»
tâchent degagner
laplaine
ôc la forêt $ diantres
sejettent
danW des nacéísesi IIy
èn eaítqui par
désespoirse
précipita
ses soldats deDragut qui crâignoient plus
ses re-
proches quela mort
même,,m furent chercher
dáns lapointe
desarmes1-clés Chrétiensr: aucun ne
voulut demander*quirtrer^: K^ se isirérit tuer. Le
butin fiit très^confidèrabse r outresept
mille eÇ
elaves de toutâge
& de tout sexe ^ le soldat troúvá
la-Villeremphe
demagasins
de marchandises très}
riches, Ôc <se Tór,. deFargent 1, Ôc des
1
pierreries
dans les maisons dèsprincipaux habitant
Mais leplus
riche butin fut la Placé même r M
plusforte
qu^ií yeût alors sor ses côtes
d'Afrìqué:-
Le Více-Rôi de Sicise, qui:n avoit pliis
besoin dm
secours desNapolitains,
s'attribua hautement tout
Hh iji
TE Â N.D'QMEDES»-
Í44 HíI'STOlîlË DE L'ÒRORE
rhonneur de cetteconquête, y
mit son silspouf
Oouverneur, ôc y laissa
pour garnisonsix
compa-
gniesd'infanterie. Les brèches furent
réparéesavec
íoin, ses fosseznétoyez ; ôc
après qu'oneût
puri-
fié ôc béni laprincipale Mosquée ^ on
y enterra:
les Chevaliers &sesprincipaux Ofr^iers qui
avoient
été tuez ausiège, L'Empereur ayant
étédepuis
obligéid'al>andonner cet te Place, leurs cendres fu-
rent transportées en Sicile"dans deujc caissesisepa-
rees, ácxléposees dans ÍEglise Cathédrale de Monl->
real-
£cpar
ordre du Vice^Róiy on leur drefla
!un mauzolée ou il fitgraver cette épitaphe.
La mort a,pu metpre fin àla<uie 4? ceux dont
les cendresreposent fius ce marbre;,• 0aisle)fiuve-
mr de îemrare ^z/aleuri ne finira fanais, La fiai deeés
Mevos leur a donnéplace
dans le Ciel }i0* leur cou-
sage> arempli laiiïrre de lew quele
Jangquiefi fini de leursblefiuresy pour ùneviepajfa*
gèreleur a
procurédeux vies ïmrwweiles; .,;T
JDragutoutré de la
pertede la ville d^Africa,.
de ses trésors (8c de ses esolavesqui y étoient enfers
mez, Tattribuoitprincipasen^ent
íaux Chevaliers
deMalçe \ il enporta ses plaintes{auCìrand Seigneur;
son agent à la Porte représentaà ce Prince & au
pi vanque l'Empereur par
cetteconquête
tenoit
en sonpouvoir
une des principales clefs de^fAfri-
que> qu'ilétoit maître de la forteresse de la Gou-
lette ôc dé laplupart
des Placesqui dépendoient
du Royaumede Tunis ; que
les Chevaliers de Malte
dévouez aux intérêts de ce Prince siéraient fortin
Jfkz dansTripoli; qu'il
étoit à craindreque
les Ara-
Jbes, grands ennenús des Turcs >ne leur facilitassent,
JEA N©'JUMELES
Ì>E MALTE, LI.V. Xï. 1^-5;
3ÉU travers des déserts lepassage dansTEgypte,
ôc
queces Chevaliers, sous
prétextede délivrer Je- .
rufalem & la Palestine de la domination des Otto-
mans ,ne pénétrassent dans ces contrées; qu'ilsne
fissent revivre lancienesprit
des Croisades, &qu'ils
n'attirassent dans leurparti
ses forces des Princes
Chrétiens^ toujours redoutablesquand
ils sont unis.
Despresens magnifiques, iinterprétele
plusfur
pourêtre écouté à la Porte, &
que Dragut fit ré*
pandre parmiles
principaux Bâchas, ses engage^
rent àreprésenter
au GrandSeigneur quec'étoit
moinsDragut, que
Sa Hautesse même quiétoit
intéressée dans laperte d'Africa ; que
cette entre-
prise étoit un attentat contre la foi cíeia trêvequi*
sobsistoit encore avec les Chrétiens ; qu'ilne
pou-
voirpas
sedispenser
d'enmarquer
son ressentiment,
&cqu'il
falloit surtout chaíser de toute "lAfrique,
comme il avoit déja fait de l'Asie , les Chevaliers
ennemis déclarez &perpétuels
de l'Alcoranv i
Dans ce hautdegré
depuiíïànçe
où la naissance
Ôc lesconquêtes
de Soliman l'avoient élevé, on
n'eutpas grande peine
à exciter son indignation
ôc son ressentiment; mais comme ce Prince, con-
tre la coutume de laplupart
de ses prédécesseurs,
sepiquoit
d'observerreligieusement
ses traitez,
aVantque
deprendre
les armés, &ipar une espèce
de formalité, ilenvoya à l'Empereur un Çhaoux
pourlui demander la restitutiondeSousa,de Mo-
nester, Ôc d'Africa. Charles-Quint répondità cet
envoyé que ces Places étoient desdépendances
du
Royaume de Tunis, quirelëvóit de la Couronne
de Castille, ôcqu'indépendemment
de ses droits
Hhiij
j> Ototpisi
%%$'HISTOIRE DE L'ORDKE
de haute souveraineté, ses Généraux n'avoient saie
en celaque
ceque
tous les Squverains,. dequel-
que Rehgion ^qu'ils fuísent^ dévoientpratiquer
h
íégard
d'un corsaire odieux à Dieu & aux hom-
mes ;>que pour lui, íansprétendre rompre
la trêve:
qu'ilavoit avec Sà Hauteíse, il rtónrîuivroit cé:
piratedans tous ks lieux òu il se retirerait.
Solirnan trop puissant pourêtre
équitabse,ôc
quimeíutoitì ses raisons: au
poidsseul dé ses forces,,
rat irrité dfune réponseauJË fiere: il résolut d'en;
tirer raisonpat q^el^entrepriíe
diéclat.Dragut
reçutordre de ramasser ôc démettre en
corpstous;
les Corsairesqui
; navÉgeoientsous
lenseignedm
Croiííant y de ses tenirprêts pour
se joindre à la flote
Otôïnarié queseSuïtanvouloit employer
dans cèttéí
guerre:ôc afin c£ôter àCharles-Quint se
prétexte
de traiter Disâgut dé Corsaire ,;il lui envoyacom-
mua un de ses. Officiers un brevet deSangiae
de
llíse dê^Sainte Maure. Le deíseiniduGtandSeigneurs
étoit de commencer lacampagne par
lesiège
des;
Placesque
Doria ôc ses autres Généraux de lEm-
pereurvenoient de
conquérir $| maisDragut
IÚE
fitreprésenter que
les Chevaliers de Mate se tra*
verseraient infaitlibsement dans toutes ces entre-
prises ; queleurs vaisseaux enlèveraient souvent:
les convois;qùiî pafieroient
lelong
des cêtes de
Tripoli,Mi
prochede Malte, qu'il
faloitporter
se fer Ú se fou dans cettelíle,
ôc aTripoli,
& em>
ployertoutes ses forces
pourexterminer/ ces Che-
vaheïsí, qui 3 quoiqueen
petit nombre, se mute
plioient, poitrainsi dire, quand
il étoit questioif
àc faire laguerre
aux Musulmans..
jEAtfDAJMEpÊStt
DE MALTE. LIV. XI. 2,47
Le GrandSeigneur qui n'entendoit parler
à fa
Cour des Chevaliers , quecomme de Corsaires ^
qui ruinoient tout le commerce de ses Etats, en-
tra dans les vues deDragut
: il faloit pour cela
unepuissante
flote ; parson ordre on travailla fans
relâche dans tous lesports
de son Empire à cons-
truire & à armer des galères & des vaisseaux de
toutesgrandeurs.
Le bruit d'un sigrand arme-
mentparvint
bien-tot àCharles-Qjiint ; il ne douta
pas quecette
guerrene fut
l'ouvragevde Dragu%
ôcque
ce Corsaire pour ses intérêts particuliers ,
ne fût bien-aise d attirer les armes de son maître,
ôc d'étendre fa puissance dans l'Afrique.Pour
conjurer Torage , il n'eût fallu quefaire
périrce
fameux Corsaire, ou se rendre maître encore une
fois de fapersonne. Charles-Quint persuadé que
sise Sultan sevoyoit privé
d'un Général si habile,
ôcqui depuis
tant d'années n avigeoit dans ces
mers, il ne tournât d'un autre côte Teííbrt de ses
armes, ordonna à Doria de se chercher, de le
combattre fort ou foible, ôc de ne riennégliger
pourse défaire d'un ennemi si redoutable.
Doria en exécution des; ordres de l'Empereur t
au retour duprintems,
se mit en mer avecvingt-
deuxgalères fans les
galiotesÔc les
brigantins,
ôc arriva dans le mois de MarsJìir les côtes d'A-
frique. L'Amiral Chrétienayant appris que
Dra,
gut qu'il cherchoit, avoit relâché dans le Havre,
ou le canal de liste de Gelves ou de Gerba, y,
aborda $ ôcpour en fermer la sortie, jettaTanere
à son embouchure, Ôc dans un endroitappelle
la
Bouche de Cantara. Xe Corsairesorpris par
l'arri*
ï4§H I S T 01 RE DE L* ÓR ]>R E
vée des vaisseaux Chrétiens, pendanttoute la nuit
fit; construire unrempart
de terre à 1 embouchure
de ee canal, d'où iK battit eníuite lesgalères
de
Doria, quisot
obligéde
s'éloignerde la
portée |
du canon. Mais l'Amiral Chrétienpersuadé que
fa,
prayene
luipouvòit échapper ^dépêcha en dihi-
:gence
des brigantinsen Sieise, à
Naples& à Gènes,
pouren faire venir un renfort de
troupes.
Son dessein étoitque pendant qu'avec
faiote
ilgarderait, pout
ainsidire à vue lé Corsaire, &
qu'iltiendrait Mue du canal
bloquée^«ces tróu^
pes qu'il avoit envoyé chercher, débarqueraient
dans l'Istey brûleraient sesgalères
de Dragut,ôc
k feroientprisonnier. Dragut qui prévit
son des-
sein, ôcquilalloit
être investipar
terre ôcpar mer,,
pourse tirer d'un si
grand péril,forma un
projet
aúlfi hardiquextraordinaire x ôc donc l'Hiitoire
fournitpeu
tfexemples..
-. L '
Pour ensretenir la confiance de rAmiralÇhre-
tien, & lui faire croirequ'il
étoit résolu de défen-
drejusqu'à
l'extrêmité l'entrée du canal, ri fit cons-
truire lelong
de ses bords, ôc des deux cotez, dif-
ferens retranchement, garnisd'artillerie & de
Mousquetaires, quidès
quese moindre vaisseau
Chrétienapprochoit,faisoient
un feu continuels
mais en même-tems, avec ungrand secret, 1-ha-
bile Corsairepar
lemoyen
de ses soldats, des efcla-
ves de fa ehiourme, ôc avec le secours des Maures
quihabitoient cette Iíle, fit
aplanirun chemin
qui commençoità 1 endroit oû ses
galères étoient
mouillées, & fur lequelon éleva un exhaussement
composé de plusieurs piècesde bois qu'il
fit recou-
r.jB.AMI'OME DES.
DE MALTE. LIV. XÏ. ±49
vrir deplanches
frotées degraisse pour faciliter le
passageà tout ce
qu'ilvoudrait faire
glisser dessus. î
Ònguinda
eníuite parla force des cabestans ses
galères fur ceplancher ± ôc avec des rouleaux de
feois on les fit avancer jusqu'àun endroit de l'Iíle
dont le terrein étoitbeaucoup plus
bas , ôc où il
avoit fait creuser un nouveau canal du côté de
listeoppose
au canal de Càntara, ôcpar lequel
ses
galères paííerent dune mer à l'autre. Doria n'en
apprit la nouvelle que parla
pertedé la
capitane
de Sicile, que Dragut comme pourse braver en-
seva preíqu'àíài vue. Ce eoríàire
pritensoite la
roufo deConstantinople pour
hâterpar
fapré-
: sence sedépart
de la ssotte destinée contreTripoli
& les autres Places qui appartenoient aux Gheva*-
Itérs, de Saint Jean. L!Amiral Chrétien étonné, &
plusconfus
cpes^il eût
perdu une grande hataille,-
revint dans leport
de Gènes : Ôc pour sediípenfer
de lapouríuite
du corsaire ,it se íervit duprétexte
honorable de commander lui-même lésgalères qui>
dévoientpasser
d'Italie enEspagne,
DomPhilippe
d*Autrichefilsunique
delEnipereur.
Il conduisit ce
jeune Prince à Barcelonne, d'où il ramena depuis
MaximilienRoide Boheme,cousin germaindePhi-
lippe,& fils de Ferdinand Roi des Romains, que
son pèreavoit
rapelléen
Àlsemagne auprèsde lui.
Doriaemploya
tout rété a faire cesvoyages.
Les
Vicerois deNaples
& de Sicile destituez de son
secours avoient joint leurs forces maritimes. Mal-
gré,cette jonction, ne se trouvant
pasencore assez
fortspour
tenir la mer,ilsavóient envoyéà Malte
demander le secours desgalères
de laReligion.-
Tome IIlí Ii.
JïAK
zjoHISTOIRE DE L*ORDRE
Parla même raison, &parla
crainte d'unsièges
le Grand Maître ne devoitpas
les laisser sortir de
sesports-,
mais en ce tems-là $ Ôc sous un Grand
MaîtreEspagnol,
laReligion
étoit toute Autri-
chienne , ôc lesprières
& même desimples deman-
desque
faisoientl'Empereur
ou sesGénéraux,
étoient des ordres absoluspour
le Grand Maître.
Cependantil se trouva dans le Conseil
quelques
Commandeursqui
seplaignirent aísezjhairtement
de cequ'à
la veille id'être attaquez p£rles Infi-
dèles, on seprivoit
des forces de làReligion,
Ôc d'un: secours si nécessaire. D'Omede$ pourem-
pêcher quelë reste du Conseil ne fit attention à
de si justes raisons, déclaraqu'il
avoit des avis cer-
tainsque
la flotte des Infidèles ne devoit être em-
ployéecette année
que pourservir le Roi de France
contrerEmpereur.
Sur faparole,
& encoreplus
parson crédit & son autorité, ses
galères eurent
ordre de joindre inceíïamment celles de^Empereur ;
& le Grand Maîtrepour
adoucir ceuxqui
mur-
muf oient de cettedisposition,
ordonna au Cheva-
lier Pied~de-Fer, Générai desgalères, lorsqu'il
fut
prendre congéde lui, qu'en
casqu'il s'aperçût que
la flotte àes Infidèles tînt la route de Malte, ou
déTripoli ,il eût à revenir en toute
diligence dans
lesports
de laReligion.
Maispour
exécuter de
pareils ordres, il falloitque
ce Général desgalè-
res, eût fur fa route un sauf conduit de la mer,
des vents, & même de la flotte ennerme^
Le rendez-vousgénéral
étoit dans leport
de
M elfine. A. peineles différentes escadres
quicom-
posoientla flotte Chrétienne
yétoient entrées 3
Jï AN
P'QMEDES.
De hello
McUttnfiadCdroìnm Ce-
farem Nico-
iai Vtllaga-
gnonis Corn-
mentmns*
DE MALT E. L Ï V. XI. %p
qu'on reçût plusieursavis du Levant, que
celle du
Grand Seigneurétoit en mer, ôc
qu'un armement —
si redoutable tenoit la prouevers ses côtes de Na-
ples& de Sicile j mais fans
qu'on pût juger dequel
côté tomberoit lorage.Cette flotte étoiteomposee
de cent douzegalères qu'on appelsoit Royáses, de
deux grandes galeaíses,de trente flûtes * Sc de
plu-
sieursbrigantins
ôc de vaisseaux de traníport.Lé Bâ-
cha Sinam en étoitGénerabil avoit pour Lieu£enan$
Dragut,ôc un autre fameux corsaire
appelle Salas
rais, ôcon. avoitembarqué
sor cette flotte douze
mille hommes, laplupart Janiílaires, & un
grandi
nombre depionnier s, d'outils & de machines
pour
unsiège.
Le ChevalierGeorge
de Saint Jean <JUÏ
avoit couru toutes les côtes de la Morée ^ revint
en ee têms-là dans leport
de Malte, &raportaque
dans tout le Levant onparsoit
assez puyiquemen«
dusiège
deTripoli,
ou de celui de Malte même5
ôc cequi augmenta l'inquiétnde du Conseil, e^est
quele Commandeur de
Villegagnon qui arriva
alors de France en Sicile, écrivit de Meflîne au
Grand Maître > ôc à ses amisparticuliers,quelar*
mement du GrandSeigneur
neregardoit que
les
Etats de laReligion,
&qu'il
étoitparti exprès
de
sonpays pour
enapporter
des nouvelles certaines,
ôc renckre à TOrdre des servicesqu'il
lui devoitpar
faprofession.
Comme ce Chevalier étoit alorséga-
lement considéré en France & dans son Ordre y
peut-être qu'ilne sera
pasinutile de le faire cori~
noître unpeu plus particulièrement*
Frère Nicolas-Durand deVillegagnon
étoit né
François,de la Province de Brie, d'une ancienne
I iij
JE A ND'GMED£S,;;
±5z HISTOIRE DE L'ORDRE
Maison. C'étoit un des hommes de son siécle le
mieux fait, 1esprit
orné de rares eonnoissances,ôc
d'une valeur révérée mêmepar
lesplus
braves Ca-
pitainesde son tems. Nous avons déja parlé
de la
manière avantageusedont il s'étoit
distinguéau
siège d'Alger, ôc de lagloire qu'il y acquit
à la
vue de tant de Nations difierentes;, qui compo-
soient l'armée de Charles-Quint; IInefjS^étpit pas
^mains signalé sor merpour
le service dé son Prince
Èc en qualitéde Vice-Amiral des côtes^ de Breta^
gne.Ce
généreuxChevalier au
premier bruit de
l'armement du Turc ôc dusiège
dont Malte étoit
^menacée, fans attendre une citation générale,de#
manda soncongé
au Roi Henri I í, quktalaCour
& sesespérances.,
arriva en Sicile, ôccommuniqua
au Viceroi les nouvellesqu'il portoit
au Grand
Maître. 11 luireprésenta
ensuite avecbeaucoup
de
ízése, iepeu
detroupes
ôc de munitionsqu'il y
avoit à Malte, au Goze Ôc àTripoli
: il Texhorta
à nepas laisser fans secours des Istes feúdataires
de la couronne de Sicile, ôcqui
lui servoientme*
me de boulevard;
Le Viceroiprévenu que
les côtes deNaples
ôc
de Sicile avoientplus
à craindre des Infidèles que,
ses Places de íaReligion,
se contenta de lui dire
qu'autant que rinter.êt de l'Ifle dont il avoit se gou-
vernementpourroit
le luipermettre,
il n'òublie-
roit rienpour
contribuer à la défense de Malte,
(Cetteréponse
en des termes sivagues
ôc sigéné-
raux, ne contentantpas Villegagnon,
il s'embar-
quadans un
brigantin,ôc arriva
peude jours après
ï Malte. A iondébarquement
une foule de Che*
Jfl A H
DE MALTE. LIV. XI, '•*JJ
paliers l'entoure Ôc se conduit au Grand Maître.
Après qu'illui eût rendu ses
premiers devoirs, ce -
Prince fit assembler le Conseil, l'yfit
appellerôc
lui demanda cequonpensoit
en France de larme-
jaient du GrandSeigneur.
Le Commandeur Fran-
çoislui
répondit qu'on y étoitpersuadé que
tou-
tes les forces de l'EmpireOttoman alloient tom-
ber furies Etats de laReligion j qu'à
sondépart,
Ôc enprenant congé
du Connétable de Montmo-
rency premierMinistre du
Royaume,ce
Seigneur
l'avoitchargé
de Tavertir de fapart qu'il
alloit
êtreincessammentattaqué; que
le Grand Seigneur
chagrinde trouver dans toutes les armées, soit de
ÎEmpereurou des Vénitiens , un
grandnombre
de Chevaliers», &que
ce Prince irrité fur-tout de
lapart qu'ils
avoient eue à laprise d'Africa, avoit
fait dessein de les chasser deTripoli,
Ôc des lises
qu'ils occupoientj qu'illexhortoit à ne se
paslais-
sersurprendre ; qu'il
devoit ces avis aux sentimens
d'estime ôc d'affectionqu'il conservoit pour
un Or- g*
dre illustre, ôcque.le
Grand Maître de l'Iíle-Adam
son oncle avoitgouverné
dans des tems si diffi^
ciles avecl'approbation générale
de tous les Sou-
verains de la Chrétienté.
Ces nouvelles allarmerent le Conseil ; on fît
-de vives instances au Grand Maître pourmettre
les Places de laReligion
en état de défense $ ôc
tout le mondeopina qu'il
faloitenvoyer
incessam-
ment du secours àTripoli,
Placepeu fortifiée, ôc
quin'avoit
pour garnison quede vieux Chevaliers,
àc des infirmes , quià cause de la bonté de l'air ,
c'y étoient retirez j quela
petiteIíle de Goze né-
Ii iij
JEAN»D'O MEDES.
Idem Ville-
gagnon.
Ibidt.
154 HISTOIRE DE L'ORDRE
tant pas tenable, il en faloit raser le Château, de
peur queles Turcs ne se
logeassentdans une Place
si voisine de Malte ; transporterles habitans de
cette ìíle en Sicile , prierle Vice-Roi de leur
y
donner retraite, & demander enéchange quel-
ques compagniesd'infanterie
pourles envoyer à
Tripoli.
Le Grand Maître écouta ces differens avis avec
beaucoupde froideur : ôc
aprèsavoir
témoignéà
Villegagnon qu'ilétoit bien
obligéau Connéta-
ble de ïinterêtqu'il prenoit
à son Ordre, il le con-
gédia: ôc retenant les Grands-Croix & ses Pilliers
du Couventy Ou ce François , leur dit.il avec un
sourismocqueur? est la
dupedu Connétable', ou il
nous fUeutprendre pour
la fienne. Affectant ensoite
un airplus
sérieux ôc convenable dans une affaire
de cetteimportance,
il leur ditqu'on
ne luiper-
suaderoit jamais queSoliman eût fait les frais d'un
sigrand armement, seulement
pour s'emparerde
Malte -y qu'unsi
petit objet, ôc laconquête
d'un
rocher ne ledédommageroit pas
de laprodigieuse
dépense qu'ilvenoit de faire
pourmettre une si
puissante flote en mer r mais que ce Prince, un
desplus grands politiques
de ion siécle, avoit de
bienplus
hauts desseins -, quede concert avec le
Roi de France , il alloitattaquer
leRoyaume
de
Naples -, quefa flote
quiles allarmoit si fort, étoit
attendue dans leport
de Toulon ; qu'elledevoit
se joindre incessamment à celle de France, ôc mê-
mequ'il
avoit des avis bien certainsque
le Roi y
avoitenvoyé cinq
muletschargez
d'or ôcd'argent
pourla solde des Infidèles.
Qu'après tout, avant
JBAN»'OMEDZS.
ÎHAND'OMÉPES.
DE MALTE. Lív. XI.i^
quede
s'engagerdans des
dépenses peut-êtreinu-
tiles ,il étoit àpropos
d'attendre des nouvellesplus
positives.
Une réponsesi indifférente
remplit d'indigna-
tionquelques Seigneurs
du Conseil. Ceque
Ville-
gagnonavoit avancé au sujet de la nécessité de for-
tifierTripoli,
nepouvoit jamais être
regardécom-
me unedépense
inutile ; mais on ne rçavoit que
tropà Malte
quece Prince
uniquementattaché
àlagrandissement
de fâ famille , comptoitpolir
perdutout
l'argent quine tournoit
pasau
profit
de ses neveux j ôcque
leplus
foibleprétexte, pour-
vuqu'il pût
servir àéloigner quelque dépense,
fí
nécessairequ'elle fût, lui
paroissoit toujours une
raison solide, Ôc unprofit
certain. Ainsiquelques
Commandeurs luirepartirent
avec vivacitéqu'à
l'approehede la flote Ottomane, ôc à la vue d'un
sigrand péril,
il n'étoitpas
de laprudence
du
Conseil, sur la foi incertaine dequelques espions,
de demeurer dans l'inactionj qu'ilfaloit incessam-
ment, parune citation
générale, convoquertous
les Chevaliersqui
étoient en différentes contrées
de la Chrétienté, fortifier les endroits foibles dé
l'Iste de Malte, ôcqui pouvoient
faciliter la des-
cente des Infidèles, raser le Château du Goze , en
transporterles habitans en Sicile, tâcher d'obtenir
du secours du Vice-Roi, ôc fur-tout tirer les an-
ciens Chevaliers deTripoli,
ôc lesremplacer par
uncorps
deplus jeunes ôc
plus capablesde sou-
tenir lesfatigues
d'unsiège.
Le Grand Maître toujours avided'argent,
leur
ditqu'il
nes'éloigneroit pas
depublier
la citation,
ijé HISTOIRE DE L'ORDRE
pourvu quedans un Conseil
complet, & en atten-
dant unChapitre général, pour subvenir à la dé-
pense quel'arrivée d'un si
grandnombre de Che-
valiers alloit coûter, onaugmentât
lesrefponsions
& les taxesaufquelles chaque Commanderie étoit
assujettie. H ajouta qu'ilne
pouvoitconsentir
qu'on
abandonnât se Château de Goze situé fur lapointe
d'un rocher j, qu'il pourroitservir de retraite aux
femmes & aux enfans des habitans de llííe „ ôc
mêmeque
les Gozitains, àlavûedega^essichers,,
encombattroient avecplus
decourage -, d'ailleurs
qu'ilfaisoit un
grandfond fur la valeur ôc
lexpé-
rienee du Chevalier d'Essequi
en étoit Gouver-
neur. Alégard
duchangement qu'on proppsoit
de faire dans lagarnison
deTripoli,
ils'y opposa
sor leprétexte qu'il
n'étoitpas
de laprudence
d'af-
foiblir Maltepour
fortifier une Placeéloignée y;
& que pourla secourir, il fuffisoit de tirer de Sicile
quelques compagnies d'infanterie, ôcqu'il
eri al-
loit écrire incessamment au Vice-Roi..
Quelquefoibles
que fussent ees raisons , rien*
neput vaincre son entêtement, ôc le faire revenir
de laprévention^&
cequ'ily
eutdeplus fâcheux,,
c'estque
son sentiment, parla.
complaisancedes
CommandeursEspagnols
& Italiens, prévalut dans
le Conseil. On abandonna même le dessein d'une
citationgénérale
fur ceque
si les Turcs avoient
ordred'attaquer
les Etats de laReligion , ils se-
roientdevant Malte avantque
la citation eûtpassé
la mer ^ ôcaprès qu'on
eût faitquelques legeres
fortifications dans les endroits oû onpouvoit
faire
dés descentes jie Grand Maître.demeura dans une
inaction
5ÏEAND OÀÍEUES.
DE MALTE. Lrv. XI. 257
inaction auífi étonnante , ques'il eût eu commu-
nication des ordres du Général des Turcs, ouqu'il
se fût entendu avec lui.Cependant
à faprière,le
Vice-Roi de Sicile , qui n'ignoroit pasde
quelle
importanceétoit
pourla Sicile la conservation de
Malte y lui envoya une recrue de deux cens Calah
ferois, quilui étoient venus du
Royaume de Na^.
pies,tous
pâtresou artisans, ôc
quin!avoient
point
portéles armes : mais on se flatta, quand
ils se-
roient arrivez àTripoli, que
sous les ordres, ôc à
lexemple des.Chevaliers, ils se formeroient insens
siblement dans ladiscipline
militaire.
On sedisposa
à les fairepartir j mais
quandil
futquestion de les faire
embarquer ^ la crainte
*ìe se trouver dans une Placeéloignée , Ôc menai-
cée d'unsiège,
leur fitperdre
coeur. Laplupart
se
cachèrent : ils se plaignoient quele Grand Maître «
pour épargnerles Chevaliers & ses
propressol-
dats, lesenvoyoit
à la boucherie ••& on neput
venir à bout de lés fairepasser
enAfrique, qu'en
mettant à^ leur têtevingt
-cinq Chevaliers, tous
jeunes gens , qui pour quelquemutinerie qu'ils
avoient faite, avoient été mis aux arrêts, &dont.
le Grand-Maître ne se soucioitpas trop
de se dé-
faire. ,
Ce fut tout le secoursqu'on put
tirer du Grand
Maître en faveur de la ville deTripoli.
Les Gozi-
tains en furent encoreplus
abandonnez : ôc com-
me s'il eut étépersuadé que pour
leur défense il
sortiroit de la terre des bataillons armez , on n'en,
pûtarracher ni
troupes,ni même des canoniersr.
êc les malheureux habitans de cettepetite líle^,
Tome III. K k
]ïAND'OMEDES;
Idem VilU*~
gagmru-
2,58HISTOIRE DE L'ORDRE
pourmettre au moins en fureté leurs femmes ôc
leurs enfans, lesayant envoyez
à Malte fur deux
barques,le Grand
Maître^ pourse
diípenserde
fournir à leur subsistance, ne souffrit point qu'onles
débarquât.Il
menaça même de ses couser à fond,
si elsesapproehoient
duport,
Toutes ces femmes
avec leurspetits enfans, forent contraintes de re-
tourner au Goze, &d'Omedes couvrkun frgrand
fond de dureté d'un rafinement depolitique , ôc
duprétexte
dont nous avons déja parle, queces
haibitans ayant sous les yeuxdes
gagessi chers >
en combattroient avecplus
decourage
ôc de fer^
ineté. Onapprit peu
de jours après quela flote
du GrandSeigneur
avoitparu
lelong
des côtes
de Sicile ; queles Turcs avoient fait des deseen^
tes , & degrands ravages
en differens endroits ;
qu'après avoir tente lefìegede Catane ,ils s'étoient
arrêtez àAiigusta ; que
cette Place ôc le Château
n'avpient tenuque peu
de jours ;, que sesTnfídeles
y avoient commis toutes sortes d'excès, ôcque
le bruit commun étoitqu'ils
sedisposoient
à faire
yoile droit à Malte.
De si tristes nouvedses donnèrentbeaucoup d'in:
^quiétudeau Conseil, ^allarmerent tous ses habi-
tans. Legrand
Maîtrepour
les rassurer : Ce n est
point a nous, leur dit-il, queles Turcs enveulem j
J& ils n ontpns
la route Su Midi 3 qui semble lesap^
procherde Malte , que parce que
ce chemin est le
pluscourt
pouraller en Uromence* Pour fortifier
£on sentiment;par-l
avis desplus habiles
pilotes:,
ilen fit venir dans le Conseil desplus anciens,
4qui, soitpareomplaisance, ou que ce fût la veri-
TE A NJB'OMEDES.
1551.
ll de Juillet.
DE MALTE. LIV. XI.259
té, convinrentqu'effectivement, supposé que
les
Turcs eussent ordre d'aborder*aux côtes de Pro- D~
vence, la routepar
le Midi étoit laplus
courte de
deux cent milles.
Mais enfin un si funesteaveuglement
sedissipa^ i7
le Grand Maître trois jours après,des fenêtres
de son Palais vit arriver la flote Ottomane, qui
poussée d'un vent favorable y paruten bonne or-
donnance devant rifle de Malte. Les ordresque
Soliman avoit donnez à son Généralportoient qu'il
tenteroit enpassant,
& selon ladisposition qu'il y:
trouveroit, de se rendre maître des Ifies de Malte
ôc du Goze y. ôcque
si cetteentreprise
luiparois-
soit detrop
difficile exécution, ii s'attachât uni-
quementà celle de
Tripoli,dont la
conquête,,
dans la vue dereprendre Africa, lui
paroissoit plus
nécessaire. Le GrandSeigneur ajouta que
connoik
fantlexperience
deDragut,.
il sou fiai toitque
Sinamn'entreprît
riend'important
fans laparti-
cipationde ce corsaire. Le General Turc en exé-
cution de ces ordres, seprésenta
d'abord devant
un desports
de l'iíle, appelle Marfa MufeH, qui
n'estséparé
dugrand port que par
unelangue
de
terre,ou
pourmieux dire
parun rocher fort élevé.
Al'approche
d'une armée si formidable, une
terreurgénérale
serépandit parmi
les habitans de
l'Iíle -ychacunpour
se soustraire à la fureur des Turcs,
cherchoit un azile ôc une retraite , les uns dans les
antresqueformoient
des rochers, ôc d'autres dans
les Places fortifiées. Iln'y en avoit
quedeux dans
toute cette Iíle r l'une située aupied
du Château*
SaintAnge ^appelle
communément leBourg,
ôc
Kkij?
J S A ND'OMÎDÍS,
16 de Juillet»
26 O Hì ST O I R E D E l'O R D RE
la résidence ordinaire en ce tems-là de tout le 4
Couvent- ôc l'autre dans le fond des terres, & au
milieu de llile, éloignéedu
bourg& du
grand
portd'environ six milles : on la nommoit la Cité
notable , ou la ville de Malte, du nom commun
à toute l'Ille : c'étoit laCapitale,
& même àpro-
prement parlerla seule Ville
qu'il, y eût alors.
Laplupart
des habitans de lacampagne, hom-
mes, femmes & enfans, chargez dewleurspetits
ineuhses, ôc traînant à leur fuite des vaches & des
chèvres nécessaires à la subsistance de leurs enfans,
seréfugièrent dans ces deux
places.Mais comme
iln'y avoit
pasassez de maisons
pour loger touc
cépeuple,
laplupart
furent réduits à demeurer
dans les Placespubliques
ôc dans les rues: & ce
quiétoit de
plus fâcheux, ils y étoientexposez
pendantla canicule à 1 ardeur du soleil, insupor-
table dans ces climats brûlans. L'infection & la
puanteur quiexhaloit des excremens de ces mal-
heureux entassez les uns fur les autres, auroit bien-
tôtproduit
des maladiescontagieuses:
ôc cequi
augmentoitla
peineôc le
desespoirde tout ce peu-
ple,c'est
quedans l'une & l'autre Place il
n'y avoit
nipuits,
ni fontaines: il se tróuvoit mêmepeu
d'eau dans les citernes, en sorteque
sipar mal-
heur les Turcss'opiniâtroient
à faire lesiège d'une
de ces deux Places, il faudroit se résoudre à en
ehaíser les bouches inutiles, ôc livrer tout cepeu-
pleà la cruauté des barbares, ott
prendrele
parti
de capituler:deux extrêmitez'dont l'Ordre
par fa
charité Ôcpar
fa valeur étoitégalement incapable.
Par l'entêtement du Grand Maître, les Cheva-
/JEAND'OMHDIS,
DE M À L T E. L iv. XI. i6i
liersmanquoient
de tout hors decourage-,
mais
ils ne lemanquèrent pas
à eux-mêmes, nia la Re- -
ligion: jamais ils n'avoient fait
paraître plusde
résolution. C'étoit toujours la même valeur de ces
anciens Chevaliers, ausquelsl'Ordre devoit son
institution militaire, ôc lespremières conquêtes.
Il sembloitque
ce fussent encore les mêmes hom^
mes, &qu'il n'y
eûtque
les noms déchangez*
Le ChevalierUpton Commandeur Anglois,
& un
desplus
braves Chevaliers de l'Ordre, à la tête de
trente autres, ôc suivi dequatre
cens habitans de
l'Ifle tous à cheval, seprésenta fièrement au bord
de la mer du côté dubourg, pour s'ppposer aux
descentes queles Turcs
pourroienttenter. Le Com-
mandeur de Guimeran, Espagnol,sortit en même-
temspar
un autre côté avec cent Chevaliers àpied,
& trois censArquebusiers
: ôcayant paîle
dans des
esquifs,du
bourgfur le mont Sceberras, ce rocher
qui féparoitles deux
plus grands ports,il s'y tint
caché, ventre contre terre, pourobserver les-des-
seins ôc la contenance des Infidèles. Iln'y
éutpas
étélong-tems, qu'il
vitparoître se Général Turc
dans facapitane,
ôc suivi dequelques galères qui
s'avancèrent dans legrand port, pour
reconnoître
l'endroit leplus propre
à faire des descentes: ôc
comme le côté dubourg
étoit leplus expose
à
l'artillerte duChâjteau Saint Ange, pours'en éloi-
gneril
rangeoitcelui du mont Sceberras. Mais
approchantde cet écueil, le Commandeur de Gui-
meran levoyant
àportée
de sesArquebusiers,
fit
faire une salve si furieuse, &particulièrement
sur
lacapitane, que
toute la chiourme en désordre
K kiij
J E A VD'OMEDES.
zéz HisTdiRÉ DE L'ORDRE
en abandonna les rames. La colère du Général
Turc succéda bientôt à lasurprise y & son
orgueil
blessé de se voirattaqué
lepremier par
desgens
qu'il cròyoit surprendreôc si inférieurs en forces ,,
pours'en
venger,lui en fit
jurer laperte*
Il fît
tourner lesproues
contre terre s aborda dans une
plageoû la descente
paroiísoit âiseé, mit à terre
son escorte, ôe s'avança pour chercher les Cheva-
liers & ses combattrez Mais se Commandeur con-
tent de sonavantage,
&fort mforièuf entroupes,
aprèsavoir fáit ía
décharge,fit
rembarquerses
soldats, ôc íànsiperdre
unieul homme, les ramena
heureusement dans lebourg.
Sinam lesayant
cherchez inutilement, monta
avec sesprincipaux Officiers sorlèndroit du mont
Scéberras, leplus élevé,d'où considérant le Châ*
teauS.Ange,íà situation sor la pointe d un rocher .>
Ôc lés boulevards dont il étoit fortifié : Est-ce là ce
Château , dit -il avec colère àDragut , que
tu us
représentéau ûrand
Seigneur fi facileà
emporterT
Certainement, continua le Bâcha, Iaigle
mpouvoit
jamais choifir pour placer fin aire unepointe
de ro*
cherplus efiàrpée. Un vieux Corsaire,frère de cét
Airadin autrefoisSeigneur
de Tachore ,.. dont
nous avonsparlé,
soitpar
aversionpouf Dragut,
oupar complaisance pour
son Général \Vois-tuy
dit-il à Sinam,, ce boulevardqui
s'avance du coté de
la mer , ffi far lequelles Chevaliers: om arboré le
grandétendard de la
Religion? Il
faut que mfiaches.•,
Seigneur y qu'étant esclave i Malte y f aïporté far
mesépaules
cesgrosses pierres qui
ont Jervïa le cons-
truire s. (gjrquavant
que tupuifiesruinercet ouvrage?a
JE A N
DE MALT E. Li v. XI.2.6$
shjverarrivera , ou ce
qui est deplus
k craindre,
quelque puìjfant secours enfaveur des
affiege^.
Draguttout de feu, Ôc
qui n'avoit jamais connu
depéril,
étoit audésespoir
de trouver tant de froi-
deur ôc de défiance dans son Çéneral : Me pour le
déterminer à fairepromptement se siège
duBourg,
il lui représentoit quecette Place tirpit toute
fa force du ChâteauSaint-Ange,
ôcqu'en
ruinant
avec son artillerie ce Château , ilprendrpitepm>-
jnie d'uncoup
de filet le Grand Maître & toussess
Chefs de l'Ordre, qui s'étoient,ìdisoit^il, renfor-
ciez imprudemmentdans une si mauvaise Place.
Sinam enjugeoit autrement : il
n'ignproit pas
ique pourse rendre maître d'une Place défendue
parles Chevaliers, il ne fuffisoit pas
d'en avoir
ruiné les fortifications -, qu'ilfaloit encore, avant
que d'y pouvoir entrer , avoir soitpérir
tous ces
.guerriers jusqu'audernier : ainsi
pourne
pas sen-
fager
mal àpropos
dans cette entreprise, ilassem-
la íe Conseil de guerre.Soliman n'avpit point
de
Général si timide en apparence, quandil
s'agiíl
jsoit de délibérer, quoique intrépidedans l'action-,
ánais il ne s'y engageoit jamais quavant
quede
songerà vaincre, il n'eût pris toutes ses précau-
tionspossibles pour
n'êtrepas vaincu. Ainsi
après
avoirexpose dans le Conseil ses ordres qu'il avpit
<lu Grand Seigneur,il
.représentaen mpme tems
qu'en s'attachant ausiège
duBourg
& du Château.
Saint-Ange j ilçraignoit que
cette entreprise ne
fût delongue haleine , & ne 1 empêchât
depasser
íen Afrique,où l'objet principaíl de son instruction
,1'appelloit,&
qu'il croyois que ppurse conformer
MEDES.
264HISTOIRE DE L'ORDRE
,aux intentions du GrandSeigneur, ôc pour se ven-
gerde ces Corsaires Chrétiens, il íuifisoit de ra>-
vager rifle, ôc d'en enlever tous les habitans qu'on
pourrpit prendreôc faire eselaves.
Lacomplaisance que
les Officiers sobalternes
ontpresque toujours pour
le sentiment de leur
Général, fitapprouver
celui de Sinam. Mais Dra-
gutennemi juré dés Chevaliers, ôc
/quibrûloit
d'impatienced'en venir aux mains avèè eux j^ mak.
grése résoltat du Conseil de
guerre ,ì! insista for-
tement à: ceque,
si on nejugeoit pas
àpropos
d'attaquerle Château Saint- Ange
ôc se Bourg,on
fìt du moins lesiège
de laCapitale,
oû laplu-
part des habitans de Tlfle s'étoient, disoit-il, renv
îèrmez avec leurs richesses, &qu'on
trouverok
fans aucune fortification, ôc fans autregarnison*-,,
quede malheureux paysans, toujours tremblans,
même derrière les bastions lesplus épais.
Com-
me lé Bâcha, enprenant congé
du Grand Sei-
gneur,en avoit reçu ordre de ne rien
entrepren-
dre de considérable fans lavis deDragut,
il crut
quedans cette occasion il ne
pouvoit pasise dis-
penserde déférer a son sentiment : ainsi
pourne
pass'attirer ses murmures & ses mauvais offices
à la Porte ,il fit
débarquerses
troupes& son ar-
tillerie. Toute larmée s'avança dans les terres, &
arriva fans obstacle devant la Cité notable. Iln'y
eutque
le canon , qu'oneut une peine
infinie à
y conduire à cause des rochers dont llflé est rem-
plie.Tous les affûts furent brisez
plus d'une fois-,
ôc on fut réduit à la fin à les faire traînerpar
dés
esclaves, qui y employèrent roêmeplusieurs jours,
avant
JlANP'OMEDES.
DE MALTE. LIV. Xì. íèf
avantqu'on pût
dresser des batteries devant cette
Place, appcììée Malte, du nomgénéral
de l'Iíle. -
Onprétend que
lesCartaginois
en étoient les fon-
dateurs -, queles Romains
aprés avoir détruit Car-
tage,cette fìere rivale de Rome, chassèrent
depuis
Ces Africains de l'Iíle, ôcqueses
Arabes Mahome-c
tans s'enemparèrent
à leur tour, ôc lui donnèrent
lé nom deMedine, en mémoire de la Ville de cé
nom,, située dans lArabie Petrée, &que
Maho-
met avoitappellée Medina-Labiy c'esoà-dire la
ville duProphète.
Le BailliGeorge Adorne, d'une
Maison illustre de Gênés, commandoit dans la
ville de Malte :plus de treize mille
personnes ,
de l'un & l'autre sexe, s'y étoientréfugiez ^ en forte
qu'il y avoitbeaucoup
de monde, maispeu
de
soldats. Les Turcs , en entrant dans llíle , se ré-
pandirentd'abord dans les
villages& dans les ca-
sais, ôcportèrent
le fer ôc le feu de tous cotez. Les
maisons étoient embrasées, ôc auífi loinque
la vue
ppuvoits'étendre , on
voyoitles
campagnesfu-
mantes de l'incendie des maisons, Ôc desgrains
qu'onn'avoit
paseu le tems de recueillir. Bien-
tôt toute l'armées'approcha
ducPrps
de la Place:
on ouvrit la tranchée , & Òncommença
à dresser
les batteries. Ce ne futpas
fans résistance de la
partdu Gouverneur : il fit
plusieurs sorties, moins
à la vérité dansl'espérance
depouvoir
ruiner les
travaux de l'ennemi, que pour faire voirpar
une
contenance assuréequ'il
étoit résolu à une coura-
geusedéfense.
Mais ilmanquoit
détroupes réglées,
ôc sur-
tout d'un nombre suffisant de Chevalierspour
Tome III Ll
JEAND'OMEDES.
zM HISTOIRE DE L'ORDRE
-commander, &pour
faire combattre lespaysans
Ôc ses habitans de lacampagne ^ qui setoient re.
fugiezdans ïaPlàce. La plupart même de ces
pay-
sans àlapproche delennemi, ôc se
regardant déja
comme laproye
des Infidèles, serepentoient
de
s'être enfermez dans la Place, & secroyant plus
cn soretépar
tout oè, ils n étoientpas,
ils se fai-
fòient descendre avec des cordes dans? ses fossez 5
&; dans l'efperanced
echaperà
lennernji,reneon-
troient bien-tôt ou la mort oul'esolavage.
Le
Gouverneur au désespoirde s'en voir abandonné»
exhorte, prié,ôc menace ceux
quirestent : ôc
parc
sonexemple
& fa fermeté , il vient à bout d'en,
former descompagnies,
meta leur têtequelques
Chevaliers de ses amis, quisetoient enfermez
gé*-
nereusement avec lui. Mais comme ilprévit
bien
qu'ilen auroit besoin d'un
plus grand nombre m
Ôc sur,tQUt dequelqu'un çpi
eût vû dessièges,
ôc
quientendit lart
d'attaquer „ ôc de défondre des
Places,il trouva se moyen,
de faire sortir la nuit
de la Ville un soldatpour
donner avis, au Grand
Maître de ìétat dusiège,
ôcpour
lui demander
une recrue de Chevaliers, ôc sor- toutVillegíu
gnon, capable parfa valeur ôc
sonexpériencede
partageravec lui se commandement ôc la défense
de la Place»
Le Grand Maître tantpour
fa; sûretéque pour
celle dubourg y ne
putse résoudre à se
primerde
ses défenseurs,, ôc a en.diminuer le nombre: & il
se contenta de dire à cet envoyé que parmice
grandnombre de
citoyens?ôc de
paysans quis'é-
toient réfugiezdans la, Ville, ilníétoit
pasípoísi^
ÎSAU
DE M A 11 E. LI V. XI. x&j
blequ'il
ne s'en trouvât-dexapablesde comman-
der les autres ; queTinterêt de leur
patrie > ôc la
défense de leur vie & de leur liberté suffisoientpour
faire combattre les uns& les autres jusqu'à lextre^
mité, &qu'en pareilles
occasions on avoitmoins be-
soin dans lesimple
Officier ôc dans le soldatd'expé-
rience & decapacité, que
de force & decourage.
L'énvoyéau
désespoirde se voir réduit à ne ra-
porterà son maître
pourtout secours
quune ré-
ponse aulïì dure, lui demanda soivant lès prdres,
qu'illui envoyât au moins se Chevalier de Ville-
gagnon.Lé Grand Maître
qui depuisson arrivée
a Malte l'âvoit toujours trouvéplus sincère
qu'il
n'eût souhaité, fut ravi sous unprétexte
aussi ho-
norable de s'en pouvoirdéfaire i il 1
envoya quérir
aúífi-tôt, &quand
ilparut,
il lui dit avec un air
obligeant &gracieux, qu'il
avoit toujours fait un
cas infini de so valeur ôc de facapacité
dans le mé-
tier de laguerre y que
laReligion
dans cette con-
joncture lui en demandoit de nouvellespreuves j
qu'ils
agissoitde s'aller jetter dans la Ville afsie».
gée-, qu'ala vérité se
grandnombre de
citoyens
Ôc depaysans qui y
étoient enfermez le rassuroit
contre toutes lesattaques
des Turcs, maisque
ce
peupledont il étoit aisé de faire de bons soldats,
avoit besoin d'un chefqui remplaçât
le Gouver-
neur dans les endroits où il ne sepourroit pas trou-
ver.Villegagnon,
avec cetuemodestieinséparable
d'uneparfaite valeur, lui
répondit simplement
qu'en prenant i'habit & laCroix de l'Ordre ilavoh
consacré sa vie au service de laReligion j qu'elle
iìétoìtplus
à lui, ôcque c étoit à ses
supérieursà
L1 ij
ì68 HìsTóikE DE L'ORDRE
endiíposer> qu'il étoitprêt de partir quandil lorJ
donneroit; Il ajouta qu'ille
prioitde trouver bon
qu'il lui représentât qu'onne de voit
pas faire un
grandfond sor cette foule de
paysans quiétoient
renfermes dans la Piaeey tous ennemis dupéril,
ôcqui
n'étoientpoint
enprise
à la honte d'avoir
fçûleviter j quedans la
conjoncture présente le
Gouverneur avoit besoin degens intrépiíses, '.<§e
conduits dans le >'combat p ar des ; m otifsi de rel lé-
gion,ôc
pardes
principes d'honneur j% que pour
ne lui rien distimuler, s'il vouloitíauver cette Place,
il falloity
faire entres au moins cent chevaliers.
";.' Le Grand Maîtreíuirépondk que par
un décret
du Conseil ilavoit été arrêtéqu'on reseryeroit tous
ses Chevalierspour
la défense seule dubourg
ôc
du château SaintAnge -, cependant que pour ne
lepasllaiíHer partir
seul il pbtiendroit du Conseil
qu'il pûtamener avec lui: six autres Chevaliers •
maisque
c'étoit touÉ se secours qu'on luipouvoit
accorder.Villegagnon
lepria de considérer
quel
secours dáns' un áíiautonîpóutrpit se
promettre
de six Chevaliers seuls, ôcqui à.l'apprpçhe
de lenT
nemi, ôc au bruit de l'artilserié íéroient bientôt
abandonnezpar
lespaysans j que pour
ne lui rien
dissimuler ce seroit six :Chevaliers quil enyerroit
à la boucherie, &qui
sor osent en un instant aeca?
hiezpar
une foule d'ennemis, fans mêmeque par
laperte
de leur vie ilspussent espérer d'acquérir
quelque honneur, qu'onne trouve que dans une
défenseopiniâtrée. Le Grând.Maître fatigué
de la
solidité de ses remontrancesÍ , luirepartit brusquer
mentqu'il
demandoit dans un Chevalierplus
de
î>'0*ÍÌDES.
DE MALTE. LIV, XI. 269
courageôc d'obéissance
que de raisons, &que s'il
avoitpeur,
il en trouveroit assez d'autresqui
se
trouveroient honorez d'unepareille commission.
Villegagnon piquéd'une
réponse quisembloit don-
ner atteinte à son honneur: Seigneurylui dit il, je
vous ferai voirque
lapeur
ne ma jamais fait fuir
lepéril. A l'instant il
part,&
pour arriver plutôt,
& avant le jour, avec six ChevaliersFrançois de
ses amis, ils se jettent à crû sor des cavalesqui
paissoientdans les fossez du Château, approchent
de la Ville assiégée y seglissent
à la faveur des té-
nèbres aupied
de la muraille : ôcaprés
avoir fait
lessignaux
dont on étoit convenu, avec des cor-
desqu'on
leur jetta, ils entrent toussept avecleur
guidedans la Place, fans avoir été
apperçûs par
1 ennemi.
r Au bruitqui
serépandit
le matin dans la Ville
del'arrivée de cepetit secours, tout le
peuple pré-
venu de laréputation
du Chevalier deVillega-
grion,fit éclater fa joie. Les vieillards, les femmes
Ôc lés enfans donnoient de justes louangesà la
généreuse résolution qu'il avoit prise avec íes com-
pagnonsde venir s enfermer dans la Place. Les
habitans solemniscrerit son entréepar
des déchar^
gesde
moufqueterie: il íembloit
quedans fa seule
personneils eussent recouvré des
troupes,desar-
mes ôc des vivres. Ce Commandeurpour
entrete-
nir leur confiance leur ditqu'il
étoit suivipar un
corpsconsidérable de Chevaliers, ôc
qu'iln'avoit
précédé que pourconcerter avec le Gouverneur
lesmoyens
d'introduire ce secours dans la Place.
Mais aprèss'être enfermé, en
particulieravec se
Lliij
J E A ND'OMEDES.
ijo HISTOIRE DE L'ORDRE
Bailli, il ne lui cacha rien desdispositions
du Grand
Maître: il lui avoua franchementqu'il
ne devòit
point comptersor d'autre secours
quesor celui
qu'iltireroit de fa
proprevaleur -, qu'il étoit venu
mourir avec lui} maisque par
unecourageuse
ré-
sistance il falloit au moins rendre leurperte
célè-
bre dans l'Ordre, ôc funeste à l'ennemi.
Le Bailli considérant queles^uraillesídela Place
netiendroient pas contre ses batteries çles Turcs,parle conseil de
Villegagnonfit faire des retranché-
menslarges
&profonds qu'il
fortifia de flancs &
d'épaulemens garnisd'artillerie ôc de
Mousque-
taires.Villegagnon
conduisoitl'oùvrage-
les Che-
valiersqui.1
avoientaccompagné, y
mettoient eux-
nìêrnes la main : ôc à leurexemple
ôcpar
leurs dis-
cours tout çe peuple,hommes ôc femmes y tra-
vailloient avec la même ardeur, ôc tous envoyanc
Vilsegagnpn,se croyoient en sûreté.
La Bâcha au bruit de lamousqueterie,
& des
cris de joie queles habitans avoient
pousséà sori
arrivée, se douta bienqu'il
étoit entre quelque
secours dans la Place. Les cavales mêmeque
ce
Commandeur avoit abandonnées en entrant dans
la Place, Ôcque
les Turcs trouvèrent lelendemain^
ne luipermirent pas
d'en douter. Mais ces foibles
secours n auroientpas
étécapables d'empêcher la
continuation dusiège,
si une lettreque
les Turcs
interceptèrentdans une
barquede Sicile
qu'ils
prirent, lorsqu'elletentoit d'entrer dans un des
portsde Malte, n'eût causé de vives
inquiétudes]
a Sinam.
Cette lettre étoit écritepar
le Receveur de l'Or-
J E A N
B'OMEDËS»
D E MALTE. LI V. XI. 271
dre, quirésidoit à Meslîne, ôc adressée au Grand
Maître, lï luimarquoit qu'il
avoitdépêché exprès
_
cette barque pourlui donner avis
qu'André Do-
ria Amiral del'Empereur,
& la terreur des infidè-
les, étoit de retourd'Espagne,
& actuellement
dans leport
de Messine ^ qu'ilavoit
dépêché en
diligencedans tous les autres
portsde l'IÛe, à
Naplesôc à Gènes des
brigantins& des courìers
f)pur
rappeller auprèsde lui toutes les
galères ôc
es vaisseauxqui
seroient en état de tenir ía mer,.
ôcles troupesnéceflaires
pourlés armer, &
qu'il
devoit partirincessamment
pourcombattre les
ennemis Ôc lesobliger
à lever lesiège.
Cet avis étoitsupposé,
ôc de l'invention du Re-
ceveur, qui pourdonner de
linquiétudeau Bâcha,
avoit eu recours à cet artifice. Son dessein réussit ;
Sinam fut allarmé de cette nouvelle \ ôcquoique
lavis venu d'une main ennemiepût
lui être sus-
pect, il ne crutpas
aussi le devoirnégliger.
Il assem-
bla se Conseil deguerre,
ôcaprès
avoir fait faire
la lecture de la lettre du Receveur, ily représenta
quedans la conjoncture où Doria
pouvoitvenir
attaquerfa flotte, il ne
pouvoitni continuer le
íìegefans la laisser
dégarniedes
troupes q«'ilavoit
faitdébarquer,
ni auífi les renvoyer à la défense
des vaisseaux, fans assoiblir considérablement Far-
inée de terre, ôcs'exposer
même à être défaitpar
lagarnison
de la Place,, quide concert avec le
corpsdes Chevaliers
quiétoient dans le
bourg,
pourroient attaqueren même-tems ses
lignes-,
que supposémême
que parl'arrivée subite de la
flotte Chrétienne, il fûtobligé
de serembarquer
JEAND'OMEDES*
rji HISTOIRE DE L'ORDRE
promptement,il couroit
risquedans une retraite
précipitée,ôc surtout dans un
pays pleinde rochers,
d'être contraint d'abandonner son canon. Il ajouta
qu'àla vérité il avoit bien
permissionde tenter en
passantle
fie^çàç Malte, & celui du
bourg ôc
du Château SaintAnge > mais
préférablementa
tout, ses ordrespprtoient exprefïemerit qu'il
fo-
roit celui deTripoli; qu'il craignoit que
le mois
deSeptembre
ne lesurprît
avantque
d'avoir ter-
minéTentreprise
dela ville deMalte; qufon n'igno-
roitpas que
dans cette saison la mer lelong
des
côtes(^Afrique
n'étoitpas tenable, &
qu'il pour-
roit se trouver hors d'état de faire lesiège
de Tri-
poli , ôc avec lechagrin
d avoirmanqué
celui de
Malte.
Le Conseilaprès
avoir examiné ces raisons, ôc
balancé les difreiens partis qu'on pourroit pren-
dre, convintque
le Général, fansperdre
davan-
tagede tems au
siègede Malte, devoit s'attacher
uniquementà celui de
Tripoli y qu'infaillibl'ement
ilemporteroit une Place fì
peu fortifiée, ôcqu'au
moins en suivant ses ordres, ilpréviendroit
les re^
prochesdu Grand
Seigneur, toujours terrible dans
fa colère. Les Turcs enconséquence
de ce résul-
tat, levèrent lésiège , & se
rembarquèrent^mais;
comme l'avidité de faire du butin est lapassion
dominante de ces barbares, le Bâcha, avantque
deprendre
la route deTripoli,
neput
refuser a
sestroupes
lapermission
deravager
liste de Goze
qui appartenoità la
Religion.
Cettepetite
lfl'eappellée par
ses habitans Gáu-
difihy est située à quatre milles de Malte, du côte
de
HE A ND'OMEDÉS.
DE MALTE. Liv. XI. %-JI
Tèc l'Occident, ouplutôt
de l'Ouest-Nord-Ouest:
son circuit est d'environvingt-quatre
milles , ôc ^
íallargeurde trois : elle est environnée
presque
partout de rochers & d'écueils : il y avoit alors
prèsde sept mille habitans y ôc un Château fans
fortifications, situé sor unemontagne,
&qui
com-
mandoit sor un: Bourg siipé aupied
dé la même
montagne.
Quoique quelquesCommandeurs eurent été
clavis de raser cepetit Château, & de
transporter
tous les habitans de Me en Sicise, nous avons vu
c|uele Grand Maître avoit été d'un sentiment con-
traire, &que par son crédit ôc son autorité, pkiw
tôtque par
ses raisons, il avoit ramené le Conseil
à son avis. "Une tristeexpérience
en fit voir alors
lepeu
de solidité -,le Général Turc ayant fait som-
mer inutilement le Gouverneur de lui ouvrir le&
portesdu Château , le battit avec son artillerie;.
Les habitans dans la crainte de tomber dans les
chaînes des Infidèles, ossrirent au Gouverneur de
défendre la brèche y mais ce Chevalierappelle
Galatian de Sesse , ôc dont le Grand Maître avoit
tant vanté lecourage,
au lieu deprofiter
d'une íl
courageuse disposition,ôc de se mettre à leur tête -
désespérantde la conservation de fa
place,alla se
cacher dans le fond de son appartement.Une con-
duite si lâche,,ôc dont il n'y avoit
pointd'exem-
pledans l'Ordre, répandit
une consternationgéné-
rale parmice malheureux habitans Î il
n'y eut dana
toute la Placequ'un
canonier Anglois qui braquant
son canon, tua-.lui seulplusieursTurcs,Ôc
empêv
t TomeIJh
'
-. MmB*.:. -
JEAND'OMEDES»
^74 H I ST OI1E D B X'O R D RE
cha les autres d'approcherdu
piedde la muraille.
Mais ce braveAnglois ayant
été tué d'uncoup
4e canon<|ui partoit
des batteries des Turcs, per-
sonne ne voulutprendre
faplace. Le Gouverneur
pourse
procurerune
capitulation , qui le mît en
lureté, demeura dans son inaction ordinaire : mais
comme il n'étoitpas mgins fanfaron que lâche,
il fit demander au Bâcha les conditions honora-
sses*ju'on n'accorde qu'à ceux
quiont fait une
courageuse défense. Un Moine alla deyíapart os,
frira Sinam de lui rendre la Place, pourvu quece
Générals'engageât par
un traité de lui conserver
& à tous les habitans là vie, la liberté Ôc ses biens,
Le Général Turc rejetta» avec mçprisces
propo*
sitions,&: ilrépondit
à cet Envoyé quesi se Gou-"
verneur ne sortoitpas
à l'instant de la Place, il lé
feroitpendre à la
porte. Le Moine rentra dans le
Château avec de si tristes nouvelles : le Gouver-*
neur lerenvoya pour
démander au moinsqu'on
lui laissât la liberté, & à deux cens desprincipaux
habitans, &qu'il
auroit droit de choisir lui-même.
Le Bâcha réduisit le nombre àquarante personnes,
ôc ilmenaça en même tems le
négociateurde le
faire pendres'il étoit assez hardi
pourse
présenter
uhe autre fois devant lui. Le Gouverneur toujours
tremblant, commandaqu'on
ouvrît lesportes
à
lennemi : ce fut le seul ordrequ'il
donnadepuis
queles Turcs étoient entrez dans liste. Ces Infi-
dèles se jetterent aussi-tôt dans la Placepour
la
piller , lelogis
du Gouverneur fut lepremier
en
prpyeà leur avidité -j Ôc
aprèsen avpir enlevé tous
JEAN4>*OMEDE&.
D E MA L T E. L ÍV. XI.175
lès meubles, par mépris pource lâche Comman-
dant, ils en firentporter
sor sesépaulés
unepar-
tiejusques
dans leurs vaisseaux. Il fut ensuite dé-
pouilléde ses habits, ôc mis à la chaîne comme
un esclave. En vain il réclama la foi du Général,
Ôc il seplaignit
inutilementqu'on
violât ensapera
sonne lacapitulation.
Sinampour
en éluder le sensy
ôcpour
semoequer
de lui, rendit la liberté àqua-
rantepauvres vieillards infirmes, & les
plus âgez
de liste : ôc ilprétendit que
né s'étantengage à
laisser en libertéque quarante
despremiers
de
liste , sesplus âgez
dévoient être cernez "les'pre-
miers. A la faveur d'unepareille interprétatión r
il retint dans les fers le Gouverneur, Ôc six mille
trois censpersonnes
de toutâge,
ôc de disserent;
sexe, qu'ilfit
embarquersor fa flote.
Parmi ces malheureux habitans, iíy
eut un
Sicilien établi depuis long-remsau
Goze,qui pré-,
férant la mort à la servitude, parune
compassion:
cruelle, ôc une action toutetragique,
se délivra
ôc toute sa famille despeines
Ôc de la honte de
l'ésclavage.Ce Sicilien
transportéde jalousie ôc
de fureur, poignardasa femme ôc deux jeunes
fillesqu'il
avoit eues de sonmariage Í ÔC
pourne
leurpas survivre y il
pritensuite un fusil & une
arbalète dont il tua deux Turcs : ôc se jettant l'é-
péeà la main au milieu d'une foule de soldats
ennemis, aprèsen avoir blessé
plusieurs,il fut
mis enpièces,
ôc trouva la mortqu'il
cherchoit.
Onn'apprit
à Maltequ'avec
une sensible dou-
leur la malheureuse destinée des Gositains : tout
Jemonde détestoit la lâcheté du Gouverneur,^
Mm ij
tïAND'OMEDES»
Voyez, le"
premier livre-
de la relation
deN Nï ca-
lai c. /f.-edi&
de tf6$i
176 Hl ST G I R E DE L'O R D RE
plusieurs Chevaliers, & des François fur-tout, par
uneantipathie
de nation, demandoient hautement
qu'onlui fit son
procès -, mais le Grand Maître
-quile
prote geoit,en éluda la
propositionsor
leprétexte que
ce Chevalier étant entre les
mains .des Infidèles , on nepouvoit pas
sejuger
fans lavoir entendu : Ôcpour
couvrir auxyeux
de toute la Chrétienté la hontequi pouvoit re-
tomber sor tout l'Ordre de la lâcheté de ce Gou-
verneur, ilengagea
laplupart
des Chevaliers qui
étoient ou de ía nation ou dans fa confidence , d'é-
crire enEurope,
Ôc chacun dans leurpays, que
ce
Chevalier s'étoitsignalé par
unegénéreuse défenses
quetant
qu'ilavoit vécu, les Gozitains à son exem-
pleôc
parson ordre, avoient toujours repoussé
les
attaquesdes Infidèles avec
beaucoupde valeur ;
maisque
ce brave Gouverneur ayant été tué d'un
coupde canon, le
peupleen
perdant sonCapi»
taine , avoitperdu courage j Ôc
que pour sauver
la vie ôc l'honneur des femmes ôc des filles, les
principauxdes habitans avoient crû devoir
capi-
tuler, quoiquele Bâcha
parune
perfidie ordinaire
à ces barbares, eûtdepuis
violé ouvertement la
capitulation.
Cette fablependant très-long-tems passa
dans
toutel'Europe pour
un fait constant y ôc on n'en fut
desabuséque plusieurs
annéesaprès
ce triste évé-
nement. Ce Chevalier à forced'argent ayant
trou-
vé le moyen de fe tirer des fers des Infidèles, non-
seulement n'eutpoint
de honte dereparoître
à
Malte ; maispar
sesintrigues
il se fit encore dé-
charger par se Conseil de íactipnqu'on
avoit in*
3 E A KV'QMEDZS.
b E MALTE. LIV. Xt %yf
tentée Contre lui au sujet de sa lâcheté, soitque
lesSeigneurs
l'en crussent assezpuni par
lespeines
]
de la servitude, soitque l'indignation qu'on
avoit
conçue de fa lâcheté fût afFoibliepar
le nombre
des années.
Le Bâchaaprès
avoirravagé liste, razé le Châ-
teau, ôc laissépar
tout desmarques
funestes de fa.
fureur, remit à la voile :& au lieu de tenir la route
de Provence, comme le Grand Maître l'avoit tou-
jours voulu faire croire, ce Général alla droit à
TripoliLe Grand Maître n'en
appritla nouvelle
qu'avec beaucoupde confusion j pour réparer
la
fauteque
son entêtement, ôcpeut-être
son ava-
rice lui avoit fait faire, il eut recours à Gabriel
d'Aramon Ambassadeur de Henri II. Roi de France
à la Porte, & fort connu du Bâcha Sinam. Ce Mi-
nistre toucha à Malte en retournant a Constatino-
ple,d'oû il étoit revenu en France Vers la fin de
Tannéeprécédente
: ôc le Roi son maître le ren-
voyantau Levant, il
passa parMalte : y ayant
eupratique
il assura le Grand Maître Ôc le Cou-
vent de la bienveillance de ce Prince. 11 y avoit
peude jours que
Sinam étoitparti
de l'Iste de
Goze : ôc dans un entretienque
ce Ministre Fran-
çois eut avec le Grand Maître, il luitémoigna
qu'ilétoit bien fâché de n'être
pasarrivé
plutôtà
Malte, ôcque peut-être
ses offices & fa média-
tionauprès
du Bâcha n'auroientpas
été inutiles à
laReligion : Vous étés encore arrivé
ajfe^ tût, re-
partit le Grand Maître: (d^ pourvu queles
affaires
dont vous étéschargé
vouspermettent
depasser à
Tripoli, nous ferons trop heureux fi parla
çonfide-
M miij
TE Á ìf©'OMEDES1»
»
Mêntoirei
du Chevalier
deVillega-
gnon adrejfez~à l Empereur
Charl.Quint»
N. Nicolai
l, /. c. //.
'vjtHISTOIRE DE L*ORDRE
ration queles
Ministresde la Porte ont
pourla re--
commandation du Roi vôtre maître, vouspouve%
détourner Sinam defaire
lefiege
de cette Place: @*
c'est dequoi, ajouta d'Omedes , je vous conjure au
Nom deJefus-Christ, & au nom du Roi votre maî-
tre y qui fait
gloirede
porterle titre de Roi très-
Chrétien.
Quelque pressé quefût d'Aramon de continuer
sonvoyage,
il crut qu'il yavoit des occasions oû
il étoitpermis
à un Ministre de devineifpour
ainsi
clire les intentions de son maître. Ainsi connois-
sont combien le &oi étoit affectionné a^eet Ordre,,
£cpour
nepas perdre
un moment de tems, il se
jetta dans unbrigantin
fortleger, que
lui fournit
le Grand Maître, pritla route de
Tripoliyôcor-
donna auxgalères qui
I'avoient conduit à Malte
de le venir joindre devant leport
de cette Place.
Le Bâchapour prendre langue
étoit arrivé a
Tachore, quin'est
éloignée quede
quatrelieues
deTripoli,
Ôc il avoit étéreçu par I'Aga Morat,
quis'étoit fait
Seigneurdé ce canton. C'étoit un
Officier Turcqui avpit succédé dans ce
petitEtat
à Airadin, dont nous avons déja parle.L'àrrivée
de la flotte Ottomanequ'il
avoit sollicitée à la Por-
te auífi bienque Dragut,
lui donna une joie sen-
sible. Il latémoigna
au Général de Solimanpar
une
réception magnifique,Ôc sortout
parun
corpsde
Cavalerie en bon étatqu'il
luiprésenta pour
le
servir ausiège
deTripoli.
Sinamaprès
s'être re-
posé quelques jours dépêchavers cette Ville un
Maure a cheval, Ôcqui
en forme de Hérautpor^
tpit undrapeau
blanc. Çe Maure sécant; avance
7BAN©'OAJEDES.
b E MALTË. Ltv\ Xï. 179
Risquessor le bord du fossé de la Place, y planta
une canne, au bout delaquelle
ily avoit un
pa-
pierattaché fans adresse, ôc ileria
qu'il reviendroit
le lendemain enprendre
laréponse.
Gaspard de Valier de laLangue d'Auvergne,
& Maréchal de l'Ordre, commandoit alors dans
la Place, C'étoit un ancien Chevalierqui
avoit
passé par lespremières Charges
de l'Ordre, géné^
râlement estimépar
fa valeur, ôcqu'on regar^
doit même comme un sojet dignede
parvenirà la
Grande Maîtrise, si cette dignitévenoit à
vaquer«
maispar
cette raison moinsagréable
au Grand
Maître , quicomme la
plupartdes Princes, ne
voyent pas toujours de bon oeil leurs successeurs.
C'étoitpeut-être
la raisonqui
l'avoitobligé
à l'éloii
gnerfous se
prétextehonorable del'envoyer comi
mander dansTripoli : outre
quele Maréchal lui
étoit même devenu odieuxparlalibertéqu'il pre^
noit dans le Conseil de combattre ses avis, ôc de
s'opposerfans
beaucoupde
ménagementà sessen-
timetís.. Ce Gouverneur envoya prendrele
papier
quele Maure avoit
apporté , ôc l'ayant ouvert,
il trouvaque
c'étoit un cartelqui
contenoit ces
mots: Rende^vous à la miséricorde du Grand Set'
gneury quima commandé de réduire cette Place en
son obéissance ; je vouslaisserai
la liberté de vous re-
tirer où vous voudre^ avec tous voseffets j fi-nonje
vousferai pajferpar
le fil deVépée.
SignéSINAM , BÂCHA.
Le Maréchal de lavis du Conseil, fit mettre en
laplace de ce
papierun autre où en forme de
(réponse il avoit écrit de sa main ces autres mots ;
D'ÔMEDES»'
̧o HISTOIRE DE L'ORDRE
La gardede
Tripolima été confiée par
maReligion;,
je nepuis
rendre cette Tlacequ'a celui seul qui
me
fera défignè parle Grand Maître ig) le Conseil de
l'Ordre, (§jr je ladéfendrai
contre tout autrejusqu'à
la mort.
SignéLE MARÉCHAL GASPARD DE VALLIERV
Le Maure étant revenu le lendemain, pritce
papierôc se
portaau Bâcha, qui
vit bienpar
une
réponsesi ferme
qu'il n'yauroit
quela force des;
armesqui
lepourroit
rendre maître deTripoli
:
il s'avança aussi-tôt en bonne ordonnance avec
toute fa ilote , débarquases
troupes ôc son artil-
lerie , fit reconnoître la Place, ôc se mit en état
d'en former lesiège.
IIn'y avoit dans
Tripoli pour
toutegarnison que
cette recrue de deux cens hom-
mes venus de Calabre, soldats nouveaux, ôcqui
rí'avoient jamais vû le feu , & environ deux cens
Maures, alliez de l'Ordre, ôcqui quoique
Malio-
me tans deReligion, par aversion
pourles Turcs x
servirent utilement les Chrétiens.Tripoli , com-
me nous lavons déja dit, n etoitgueres
tenàble x
sor-tout contre une puissante armée y Ôc fournie
d'une nombreuse artillerie : ôcplus
d'une fois les
Grands Maîtres avoientprié l'Empereur
de la re-
prendre , ou de la faire fortifier, ôc la mettre ei*
état de défense. Mais Charles-Quint pours'en
épar-
gnerses frais, avoit toujours répondu que par
un.
même acte il avoit inféodé à l'OrdreTripoli,
Malte
ôc se Goze, ôcque
les Chevaliers dévoientégale-
ment défendre ces trois Places, ou les rendre, ôc
qu'ilne
reprendrait point Tripoli,si on ne lui re-
mettoit en même tems les ifles de Malte ôc: da
Goze..
TE ANSD'OMEDES.
DE MALTE. LIV. XL 28*
ÇTozc.. Ce Prince aussi intéresséqu'habile,
ne leur
avoit fait cetteréponse que parcequ'ilsçayoitbien'
-
queles Chevaliers
n'ayant pointd'autre retraite;
queMalte
pour s'y pouvoir maintenir, seroient
obligez-,de rester à
Tripoli ;.. & ce fut effectivement,
cette considérationqui
lesobligea
degarder une
si mauvaise Place,, quele
peude richesses de l'Or-
dre n'avoit. pas même permis de fortifier. Auíïi le
Bâcha setant avancépour
reconnoître lui-même
la.Place, en.revenant le vanta àquelques
Officiers
qui l'accompagnoient quelle ne lui coûteroit
qu'un,
coupde main?,. &
qu'il remporterait, par escalade..
Mais iljugea autrement du Château qui
luiparut'
fortifiépar
les boulevards ; & il résolutd'attaquer
la Place de ce côté-là.
On n'avoit pasencore ouvert la tranchée,lors-
que d!Aramon,.cet Ambassadeur de France dontf
nous venons deparler,
arriva sor sebrigantin
de
laReligion;
Enapprochant
de la flotte il salua lé.
pavillon-duGrand
Seigneur :.&parcequ'il
avoic
arboré celui-de France ,,il lui su*répondu par» toute
^artillerie des vaisseaux-.. Ildébarqua
ensuite yôz
comme iln'ignoroit pas que
fansprésents
on ne
réussitgueres
dans desnégociations
avec lès Mi-
nistres de la Porte, il en envoyade
magnifiques;
au Bâcha, pourle
disposerà lui accorder une au-
dience favorable. Une l'eutpas plutôt obtenue,,
qu'ilse rendit à son
quartierôc dans fa tente :&iî!
luireprésenta que
le Roi son maître honoroit d'une:
affection touteparticulière
l'Ordre de Malte, ôt
quecette
Compagnieétant
composéede la
pluss
illustre Noblesse de la Chrétienté, dont unepar-r
Tome. IIL. N, m
TE ArTD'OMEDESÌ-
2,82, H I STOIRE D E L'O R D R E
tie étoient nez ses sojets, il lui feroit un sensible
plaisirdé tourner ailleurs les armes du Grand Sei-
gneur y ôcque
ce Prince leplus généreux de son
siécle lui entémoigneroit
íà reconnoissancepar
désprésens
conformes à ladignité
ôc à lapuissance
d'un sigrand
RoL Le Bâchaqui pendant que
l Am-
bassadeur résidoit à la Porte avoit contracté avec
luiquelque
sorte de liaison à s'ouvrit à lui. U lui
communiquases prdres
signezde la main même
du GrandSeigneuryôc par lesquels
ce Prince lui
enjoignoit expressémentde chasser les Chrétiens
deTripoli y ôc le Bâcha en adressant la
paroleà
TAmbassadeur, ajouta qu'il y alloit de fa tête a ne
passoivre ces ordres.
D'Aramonvoyant
bienque
cequ'il
lui deman-
doitpassoitfon pouvoir,
voulutprendre congé de
lui: & son dessein étoit de se rendre avec leplus
dediligence qu'il pourroit
àConstantinople, pour
tâcher d'obtenir du GrandSeigneur qu
il voulût
bienenvoyer
de nouveaux ordres à son Général.
Mais Sinamqui pénétra
son dessein, Ôcqui prévit
que parle
changementd'ordres on le
priveroitdé
lagloire qu'il espéróitacquérirpâr
cetteconquête,
lui, fit entendrequ'il
nepouvpit
le laisserpartir
avant la fin dusiège:
ôc sans s'arrêter au droit des
gens qu'ilviolòit si manifestement, il fit enlever
dubrigantin qui
1 avoitapporté
ôc des deuxga~
îeresqui
l'étoient venu joindre, tousseursagrêts*
à cetteinjustice près
il le traita avec toute la
considérationqui
étoit due à son caractère.
Cependant on-ouvrit la tranchée; le canon fut
nais en batterie, ôc pour empêcherles Chevaliers
TïAMÎD'ÔMEDES.
JEAND'OMECJES.
D E MALTE. LIV. XI. 2%
d'enréparer
les effets, le Bâcha avoit distribué
toute son artillerie en trois batteries différentes,
chacune de douzepièces
de différentesgrandeurs,
quitiroient tour à tour ôc fans relâche: en sorte
que pendant qu'on rechargeoitla batterie
qui
venoit de tirer, on mettoitle feu à une autre t
cequi
entretenoit ce tonnerre fans intermiísion.
Heureusement ces batteries étoientpointées
con-
tre le boulevard de SaintJacques , l'endroit du
Château le mieux fortifié, & terrassépar dedansr
en sorteque
les boulets ne faifoientque
leur trou^
& s'enfonçoient dans la terrasse. Les Turcsperdi-
rentplusieurs jours à cette
attaque r mais un transi-
fugené à Cavaillon en Provence, avertit le Bâcha
qu'ildevoit
changerses batteries de
place.Ce mal-
heureux s'étoit établidepuis iong.tems
àTripoli j,
fareligion
étoit enquelque
manière la caution de
fa fidélité ^ maisayant
été séduitpar
un commerce
Criminel avec des femmes Maures, il avoit fecret-
tement renoncé à la foi, embrassé le Mahome-
tisine: ôc auífi infidèle à lOrdrequ'à Dieu, il né-
toit resté àTripoli que pour y servir
d'espionít
FAga Morat, ceSeigneur
de Tachore dont nous»
venons deparler.
Ce futpar son moyen qu'il
eut
accèsauprès
du Bâcha, ôcqu'il
lui fit voirque
s'il
vouloit réussir dans sonentreprise,
il falloit tour-
ner les batteries contre le boulevard de Sainte
Barbe,, dont la maçonnerie étoit fans liaisonspar
se défaut de ciment, quele tems avoit consumé..
L'avis durenégat ayant
été suivi,, on vit enpeu
de
jours crouler la muraille j en vain le Maréchal ta-
chad'y suppléer par
un retranchement qu'iltraça
K n i|
2&4 HISTOIRE DE LOIDRÏ
en deça de la brèche ôc au dedans de la Place,le
.feu continuel de l'artilleriequi
tiroit fans relâche
ôc jour & nuit contre le même endroit, tuoit tous les
esolavesqu'on empioyoit
à cetouvragcCeux quire*
stoiènt refusèrentopiniâtrement
de lesremplacer:
<&quoiqu'on
les maltraitât àcoups
dé bâton, ils se
couchoient à terre &s'y laissoient assommer plûtot
<quede se relever ôc de s avancer versi un endroit
4DÙ ilscroyoient rencontrer une mort, inévitable.
Cettefrayeur par contagion passa des esclaves
aux soldats Calabrois^ quine valoient
gúeresmieux.
On avoit mis laplupart
de cespaysans dans un
Î>etit
fort situé à l'entrée duport,
Ôcqu'on appelr
oit le Châtelet : ,& un Frère servant d'armesap-
pelledes Roches
ycommandoit. Cet Officier plein
ia'attention fur tout cequi sepassoit
dans fa Place,
démêla dans l'air Ôc lesparoles
de ces soldats cer-
tainorgueil
brutal ôc farouche , quilui fit
soup-
-conner,qu'ilse tramoit
quelque dangereux dessein.
A force deperquisitions,
il découvritque
ces Ca-
labraispeu
accoutumez au bruit de l'artillerie, ôc
jdans la jcrainte de se voir ensevelis sous ses ruines
de ce fort, étoient convenus des'emparer
d un
brigantin quiétoit dans le
port,ôc de se. sauver en
Sicile. Pourempêcher
le Gouverneur de les arrêter
JOU de lespoursuivre,
ils avoient résolu, avantque
des'embarquer,
deplacer proche le magasin des
poudres,une mèche
compassée,quiaprésleur dé-
part y mît le feu, ôcqui
fît fauter cepetit Château,
í'Officier considérantqu'il
étoitégalement
dan-
geureux de laisser voirqu'il
étoit instruit de leur
conspiration,& de la
dissimuler, pritle
parti d'en.
'J-SA-N}1?IQMEDES.
TJE MALTE. L iv. XL 2%
sonner secrètement avis au Maréchal, quisous
jdifFerensprétextes,
les tira du fort les unsaprès
î
les autres.: ôcpour
leur ôter toute communication,
on lesdispersa
en difFerens endroits &parmi
d'aik-
trescompagnies, qu'on crpyoit plus fidèles* Mais
cechangement
deposte
n'enapporta point
dans
Jes mauvais desseins de ces lâches, Ôc né fîtpoiir
ainsi direqu'étendre
la soene dé la conjuration.
Chacun de ces malheureux infecta dupoison
de
seurirebellion les autres soldats y ÔCmême les habi-
itans, quise tróuvoient de
gardeavec eux, Ón
prétend quecette sédition étoit même fomentée
îecretementpar quelques
ChevaliersEspagnols,
ennemis du Gouverneur. Ce fut comme unè confl
piration générale ;césCalabroás excitez parla
peur,
abandonnèrent leurspostes,
ôc s etant réunis, en-
vironnèrentl'épée
à la main leur Commandant,
ôc le menacèrent de le tuer s'il ne déterminoií le
^Maréchalpar
uneprompte capitulation
à assurer
leurs vies éc leur liberté.
Ce Gouverneurqui n'ignoroit pas
les périlsoù
Ton estexposé pendant
unsiège,
èn bon Chrétien
&c en véritableReligieux s'y préparoit
actuelle-
mentpar
làréception
des Sacremens, Ôc il ne fai-
dsoitque
de sortir de la Sainte Table , lorsoue le
CapitaineCalabrois , le trouble ôc la confusion
fur levisage
:Seigneur,
lui dit-il en sabordant, vos
-ennemis ne fint pastous dans le
camp'des Turcs3
cette Place enrenferme qui fènt encore
plus dange-
reux 3 (ë$~ ce n'est quela douleur dans le coeur
que
je viens vousapprendre que
mes soldats contre leur
ferment, ont abandonné leurposte :, $ refusent de
x N n iij
TÍÀHTD'OMEDBJT;
2.86 HISTOIRE DE L'ORDRE
faire f e service. Ilajouta qu'avec
des cris mêlez de
menaces, ils demandoient qu'on capitulât,,Ôc
que
pour prévenir un plus grandmalheur % il
craignoic
bienqu'on n'y fût contraint.
Le Maréchal dissimulant sagementson
indigna-
tion , sortit sor sechamp
delEglise
r il se vit en
un instant environné de ces mutins y ôc comme
d'un air severe il leur demandoit d'oui vientqu'ils
n'étoient pas chacun à leurspostes , jl reconnut
aisernent leur rébellion à leur défaut;' derespect.
Tous comme de concert 1interrompirent par
des cris insolens i& pourne
passe commettre avec
ces furieux y il se contenta de leur direqu'il
alloit
assembler se Conseil deguerre.
Il ne leut pas; plu-
tôtindiqué , que
tous les Chevaliers &: tous les
Officiers se rendirentauprès
de lui. Pour lors ne
diísimulantpas
fa douleur ôc fa colère, il s'écria
qu/il avpk vécu un jour detrop,
&qu'il
étoit biert
malheureux quele canon ennemi leût
épargJié
pourle rendre le triste témoin de là rébellion Ôc
de hperfidie
de ses soldats t il demanda ensuite
aux Chevaliers leur sentiment sor îétatdela Places.
rLe Chevalier de Poiísi ou de Poifsieu, de la Lan-
guede France, déclara
qu'ilavoit visité exacte-
ment la brèche ; quellen etoit
pointsi
grande
qu'onn y pût soppleer par
de bons retranchemens,
Ôcque pourvu que
les soldats rentrassent dans
leur devoir, &reprissent courage,
on étoit encore
assez fortpour repousser l'ennerrn..
Mais un ChevalierEspagnol appelle
Hérrera ^
ôcqui
faisoit la fonction de Trésorier,, lui adres-
sant laparole : Je
ne fais pas farpris 3 dit-il, qu&
.1? A ND'OMEDES.
2\£ Nicolat
Mémoires d<
Villegagnon.
DE MALTE. LIV. XI.187
*vons opiniez pourune
plus longue résistance dans
une fi mauvaise Place, vousqui estes François y ^}
:
dont le Roi tient actuellement unAmbassadeur dans
lecamp
ennemi. Vous fçave^ bienque quand nous
curons étéemporte^ d'assaut, vous rìaure% rien }
craindrepour
votre vie $ votre liberté 3 mais notre
fort fera biendiffèrent 3 fajets de
VEmpereur ennemi
irréconciliable des Infidèles , nous ne devons attendre
aucunquartier
de ces barbares y fi nous neprévenons
l'afiaut @$r notre pêne parmte prompte capitulation*
fg) c'est aquoi y ajouta-t-il, je conclus
pourle salut
de mescompatriotes (d$r de mes camarades. E)'autres
Officiers, avantqu'on prît
unparti
si décisif, pro*
posèrent qu'on envoyâtun Chevalier des
plusan-
ciens , ôcplein d'expérience pour
visiter k brèche,
Ôc en faire sonrapport
au Conseil. Le Maréchal
dépêchaen même tems le Commandeur
Copier
aux mutinspour
leur fairepart
de cette délibé-
ration, &pour
les exhorter en attendant la dé-
cision du Conseil , a retourner chacun à leurs
postes.
Copier pourles
y déterminer, leur offrit de la
partdu Maréchal de doubler leur
paye.Il les as-
suraqu'on
alloit visiter la brèche ,ôc quesor le
rap-
port quien seroit fait, le Conseil
prendroit un
parti qui pourvoiroit à leur salut. Mais il leur re-
présentaen même tems
que parleur désertion ils
s'exposoient,avant
qu'oneût eu le tems de traiter,
à êtresurpris,
& forcezpar
les Turcs y ôcque pour
en obtenir unecapitulation avantageuse,
il faloit
qu'ils parussenttous chacun dans leur
posteavec
une contenance ferme , ôc en état de faireparta-
ger aux Infidèles lepéril.
JE À WD'DMBDESÌ
tfg H I S T O IRE D È L'O R D RE
Ces raisons du Com mandeur m êlées àpropos:
, de tendresprières
ôc de généreux reproches,rai-
soientimpression sor leípritdé
ces mutins y mais,
Herreraleurayant
fait insinuerque par
toutes ces,
promesseson necherchoit
qu'ales amuser, &que
se Maréchal, homme entêté, se foroitplutôt
tueE.
sor la brèche, qued'entreren
négociation,ils re*
jetterent avec degrands
cris toutes^és proposo.
tions du Commandeur.: Par un effet bjijen extraor-
dinaire, le courage détermine du Maréchal, ôc
seur propre lâche té les astermirent égalementdans,
seur rébellion ; &peut-
êtrequ'ils eussent, été
plus
aisez àgagner,.
sils; eussent, crû leur Gouverneur.
moins capable deprendre
unparti*
extrême. Ils
protestèrent qu'ilsne se
sépareroient point qu'après
la visite de la brèche, &qu'ils
ne se fieraient më±
me de cerapport qu'à
unEspagnol ^ en; sorte
que
pourles* contenter .,, il salut y envoyer: un- vieux
soldat de-leur cabale , appelleGuénare.. Ce sok
dat-aprês*
avoir visité la brèche , rapporta qu'elle
étoit aisée à forcer, ôc de difficile défense -, quefi
ses Turcs, comme on.n en devoir pas.douter,con-r
tinuoient leur baterie, cequi
restoit: sorj>ied
des
murailles de ce côté-là ne dureroitpas-jusqu'à
là
nuit y, queles retránchemens
proposez parle Che«
valier de Poiísi, étoient d'une exécutionpresque
impossible,,ôc ne serviroient
qu!à y fairepérir
inu-
tilement ungrand
nombre degens
de bien. Sur
son rapport ajusté à: làprévention,
des, mutins, ils
entrèrent'dans une nouvelle fureur, ôc menace*
renthautement,.si onn'arhoroitledrapeauhlane,
de faire eux-mêmes, lacapitulation, & d'introtv
duire, ses Infidèles dans la Place.. Le-
,I«ANR'QMEDES,
D E M A L T E. LIV. XI. 1S9
Le Maréchal se trouvant sans soldats & fans au-
torité, remit la décision de cette affaire àla déli-
bération du Conseil.Quoique presque
tous les
Officiers détestassent linfamedéscrtitì||de
leurs
soldats, cependant aprësde sérieusesrérTéxionsfur
là foiblesse de la Place, la révolte ouverte de la
garnison 5 ôc le défaut de secours du côté de Malte,
on convintqu'il
falloit céder à la nécessité : & un
Servant d'armes eut ordre d'arborer lesignal
fu-
neste de lacomposition.
A la vue de cedrapeau
Sinam fir cesser la batterie j deux Officiers Turcs
sortirent de la tranchée, s'avancèrent aupied
de
labrèche, ôc dirent
quele Gouverneur
pouvoit
envoyer desdéputez pour
traiter. Les rebellesplus
maîtres dans la Placeque
le Gouverneur, décla-
rèrentqu'ils
ne fouffriroientpoint qu'on chargeât
de cettenégociation
aucun Chevalier François,
ôc ils nommèrent eux-mêmes le Commandeur
FusterMajorquin,
& le Guevare, lesprotecteurs
secrets de la rébellion.
Cesdéputez
étant arrivez aucamp
des Turcs
ôc admis à laudience du Bâcha, lui direntqu'on
étoitdisposé
à lui remettre la Ville ôc le Château
deTripolijà
conditionqu'il
conserveroit la vie ôc la
liberté au Gouverneur, aux Chevaliers,à lagar-
nison ôc à tous les habitans ^ qu'illeur seroit
per-
misd'emporter
leurs effets, ôcqu'il
leur fourni-
roit des vaisseauxpour
lestransporter
à Malte ou
en Sicile. Sinam d'abord neparut pas s'éloigner
de
cette proposition j mais aprésleur avoir
reproché
la téméritéqu'ils
avoient eue , disoit-il, de tenir
dans une Place si foible contre une arméeRoyale3
Tome III. O o
JE A H .
190Hl S T 0 I R E DE L'O R DR E
il déclara qu'iln'entendroità aucun traité, à moins
qu'au préalable,&
pourcondition
préliminaire,
les Chevaliers quiétoient dans
Tripoli ne s'enga-
geassent ^dédommagerlé Grand
Seigneurdes frais
de cetteguerre.
Les députezlui
ayant représenté
quecet article passoit
leurspouvoirs,
il lescongédia
brusquement,ôc avec des menaces
quilles feroit
touspasser
au fil del'épée.
Comme ils íortoient de
fa tente,ils rencontrèrent Dragut, qui s'étant in-
formé du succès de lanégociation, apprit avec
surprise que le Bâcha l'eûtrompue.
Ce corsaire
feignantd'être fâché de la
rigueur qu'iltenoit aux
aífiegez,les
priade différer leur
départ jusqu'à ce
qu'ileût entretenu un moment le Général. Il en-
tra aussitôt dans ía tente, ôc il luireprésenta qu'en
prolongeantle
siègeil hazarderoitle succès de son
entreprise, qu'il pouvoitvenir du secours aux aísie-
Írez
j quele désespoir même d'obtenir une
capitu-
ation raisonnable tiendroit lieu aux Chevaliers
d'un nouveau secours -,qu'ilsen deviendroient
plus
intrépides f d'ailîeursque quelque
confiancequ'il
eût en son artillerie, il nepouvoit ruiner ce
qui
restoit sor pieddes murailles Ôc des fortifications
fans laisserpar
les brèchesqu'il feroit, autant de
portesouvertes aux
troupesde la
Religion pour y
entrer, avantqu'il eût le loisir de les
réparer,sor-
tout dans une saison où il nepourroit pas
tenir la
mer. Il ajouta qu'enhabile homme il devoir sous-
erire de bonnegrâce
à la capitulation, ôc se ré-
server, quandilleroit maître de la
Place, de don-
ner au traité desexplications
conformes à sesin-r
terêts.
J E ANP'QMEDES.
rDE MALTE. LIV. XI. 291
Le Bâchagoûta
fanspeine
les conseils perfides
du corsaire : il fitrappeìler
lesdéputez,
Pilleur _~
ditqu'il
accordoit à laprière
deDragut
cequ'il
avoit refusé à toute autre considération. Le traité
sot arrêté, ôc le Bâcha en jura {'observation parla
tête de sonSeigneur,
sermentqui passoit pour
in-
violable parmiles Turcs.
Lorsqueces
députez pri-
rentcongé
de luipour porter
lacapitulation
au
Gouverneur, il leur ditqu'il
étoit àpropos qu'il
pûtconférer avec lui
pourconvenir du nombre
des vaisseaux detransport,
dont il auroit besoin^ ôc
auisi de la soretéqu'il
donneroitpour leur retour,
ôc qu'ilenverroit
poutcela en
otagedans la Ville
nn desprincipaux
Officiers de son armée.
Apeine
cesdéputez
étoient rentrez dans la
Place , quecet Officier se
présentaà la
porte.Il
fut auísi-tôt introduit y le Maréchal à ce sujet &
pourentendre la lecture de la
capitulation,avoit
convoquéle Conseil de
guerre.On
yexamina s'il
eonvenoit à un Gouverneur de sor tir seul de fa
Place , ôc sons être à la tête de fagarnison y mais
la mutinerie dé lagarnison
rendoit toute délibéra-
tion inutile, Ôc ceuxqui
fomentoient secrètement
la rébellion, ôcqui craignoient que
le Gouverneur
nereprît
son autorités soutinrent quele traité étant
signé , le Maréchal ne devoirpas
faire difficulté
de conférer avec le Bâcha-, qu'il y auroit même
delimprudence
à laisser voirqu'on
se défioit de
faparole
: d'autantplus que
lagarnison
ôc les ha-
bitans nepouvant
retourner à Make, oupasser
en
Sicileque
sor les vaisseauxqu'il fourniroit, on étoit
obligéde s abandonner entièrement à fa foi. Tous
O oij
?I A ND'OMEBES»
19* HISTOIRE DE L'ORDRE
conclurentque pour
luimarquer une
parfaite con-
fiance, il falloit mêmeque
le Maréchal lui rame-
nât sonotage ; ôc cés rebelles ríetoient
pasfâchez
d'éprouver parla conduite
quele Bâcha tiendroic
avec le Maréchal, cequ'ils
en dévoient eux-mê-
mes attendre.
„. Il n étoitgueres
dans lesrègles qu'une garnison
disposât ainsi de lapersonne
de son Gouverneur;
mais on a déja pû remarquer que depuisla révolte
déclarée des soldats, ôc fomentée sccrettement
par quelques Chevaliers Espagnols,le Maréchal
avoit vûdisparoître
ladignité
du commendement
&.-le mérite de l'obéissance : & ces mutins n'eurent
pas plutôt appris quele Bâcha demandoit à con-
férer avec le Gouverneur, quedans la crainte
que
lacapitulation ne se
rompît,ils le forcèrent
pardes
cris insolens à sortir de sa Place. Ainsi il se rendit au
campsuivi du seul Chevalier de Montfort son ami,
quiné le voulut jamais abandonner, & de cet Offi-
cier Turcqu'on
lui avoitenvoyé pour otage.
Com-
me ils étoientprêts
duquartier général,
cet Offi-
cier , sousprétexte , d'avertir Sinam de l'arri-
vée du Gouverneur, pritles devants, ôc lui dit en
peu de motsqu'ilavoit
trouvé les soldats & les
habitans dans une extrême consternation ; qu'il
croyoit même y avoir démêlé de ladivision, &
qu'il pouvoit compter qu'ilétoit maître
d'impo-
ser la loi au Gouverneur.
Le Bâchaprofita
de cet avis, ôc à labord du
Maréchal, prenantcet air de hauteur & cet or-
gueilsi ordinaire à ces barbares dans les bons suc-
cès , il lui demanda s'il apportoit largent qu'ilavoit
.J E A ND'OMEBES.
DÉ M AL T Ei- L í Vi X% Ì95
éxigé pourle
dédommagementdes frais dé la
guerre. Le Maréchal íans s'ébranser luirépondit
froidementqu'il
s'en ténoit à lacapitulation,
à ía
parole,& aux sermens sosemnels
qu'ils avoient
faits de lagarder inviolablement^ C'est bien a des
chiens comme vous y répartitle furieux Bácha^ qiion
doit tenir fa parole y vous (^VQS perfideiCamarades y
quine'tenant lavieaufiegede'Rhodes que
de la cle~
mente du GfandSeigneur"y (0* qu'il
ne vous avoit
méme^accordée s quoiquecontre lavis de son Conseil y
quefarlapàfoleque votre'Grand Maître lui donna
que l'Ordre s'abstiendroit a Iavenir depirater
dans
fis mers y & derejpe&er par tout fan pavillon y au
préjudice de ce traitéy (®r parune
ingratitude odieuse 9
n'ave^pas étéplûtûtétablis1à Malte, que vous aveç,
repris votre ancien métier de corsaires, l^e Maréchal
quisouffroir
impatiemment un si injuste reproche,lui
répartit que l'originalde là
capitulation signée
dela main même de Soliman étoit conservé à Mal te*
qu'on n'y trouveroit rien de 'semblable, ôcque pour
justifier cequ'il avançoit,
il étoitprêt
de le faire
venir de Malte; Ilajouta que
sril serepentoit du
traitéquilavpit
fait avec lesdéputez de
Tripoli,
il n'y avoitqu'à
le déchirer, &que
le sort des ar-
mes décideroit ensuiteauquel
des deuxpartis
cette
Place resteroit. Le Bâcha irrité d'uneréponse si
courageuse, ordonnaqu'on
le désarmât-, qu'ilfût
chargéde fers, & conduit fur fa
galère.Le Ma-
réchal toujours ferme & constant, se tournant
vers le Chevalier de Montfort : Mon Frère tìm dit-
il, fi on vouspermet
de rentrer dans la 'Place,- dites
de mapart
a mon Lieutenantft) au Commandeur
O oiij
'J t A HD'OMEDËS.
JEAN©'OMEDIÌS.-
2.94 H I S T O IR E DE L* O R D R E
Copier y qu'ilsne me
comptent plusau nombre des^i-
vans y (§jr quedu
surplusils fè comportent faivant
leur devoir ft) ceque
Vhonneurexige
d'eux en cette
occasion. Après qu'ilfut sorti de la tente du Bâcha,
ce Général congédia Montfort, luipermit
de ren-
trer dans la Place, à lacharge
"de dire aux Chevaliers
qui y étoient restez, quesi on ne lui envoyoit in-
cessammentl'argent qu'il avoit demandé,, il íçau-
roit bien en faire de leurspersonnes, de la
gar-
nison Ôc des habitans, &qu'il
les feroit tous ven-,
drepour
esclaves. Montfort ayant rapportédans
la Place de si tristes nouvelles, excitaparmi
les
Chevaliers unegénérale indignation -, tous jurèrent
auprix
de leursang
devenger
lin jure faite à leur
Commandant. On ne parle plusde
capitulation ;
Ôcaprès
s'être embrassez, ils convinrent de se dé^
fendrejusqu'à.4
extrémité r de mourir tous ensem-
ble, ôc de s'ensevelir sous lés ruines de la Place.
Ils tâchèrent d'inípirerles mêmes sentimens à la
garnison ; mais ils n'avoientpas
à faire à des sol-
dats : ce n'étoientpas
même des hommes. Ces mi-
sérables insensibles à tout cequ'on leur représenta
pourexciter leur ressentiment, n'y répondoient
comme des femmesque par leurs larmes, ou par
un morne silence. Prières, remontrances, repro-
ches , lescoups même, rien ne ses
putrésoudre à
reprendreleurs armes. Dans une désertion si
géné-
rale, le Conseil considérantqu'ils
ne valoientpas
lapeine qu'on
s'obstinâtplus long-tems
à une dé-
fense inutile, pour conserver la liberté de ces re-
belles, résolut de les abandonner à leur malheu-
reux sort, & de ses laisser enproy
eau Bâchapour
DE MALTE. LIV. XI. t^.
prixde la liberté des autres. On
renvoya Mont-
fort à ce Général, pourlui dire
qu'ilétoit
impoí- Dm
sible aux Chevaliers de lui fournir la sommequ'il
demandok ; qu'ilne trouveroit
point d'argent dans
tpute la Place y maisqu'on
lui en ouvriroit lespor-
tés , pourvu qu'ilen laiílat sortir seusement trois
cens personnes enpseine liberté, &qui seroient
indiquezôc choisis
parle Conseil. Avant que
Mont-
fortpartît pour
faire cette nouvelleproppsition,
le Conseil quiétoit bien instruit
quele Bâcha ne
feroit aucun quartieraux Maures, qui quoique
Mahométans, avoient servi laReligion
avec beau-
coupde
courageôc de fidélité, après
les en avoir
récompensez suivant que la conjoncture leper-
mettoit, les exhorta à se retirer ou à Tunis, ou à
la Gpulette;&; pourassurer.leur retraite &
empê-
cherqu'ils
ne tombassent entre les mains des Turcs,
pn leur donna tous les chevauxqui
étoient dans
la Place, &ils sortirent parla
portede S.
Georges.
, Plusieurs de ces Mauresqui depuis long-tems
étoient à la solde des Chevaliers, nepurent
se ré-
soudre à les abandonner dans cette extrémité, ôc
protestèrent qu'ilsvouloient suivre leur fortune.
Les autresprirent
leparti qu'on
leur ossroit; mais
ily
en eutquelques-uns qui
eurent se malheur,
avantque
Montfort fût revenu aucamp,
d'être sur-
prisôc arrêtez dans leur retraite. On ses amena
au Bâcha : ilapprit que
les Chevaliers étoient ré-
solus de se défendre jusqu'à l'extrêmité, ôcquand
ils nepourroient plus tenir, de faire sauter toutes
les fortifications, & de fairepérir
avec eux leurs
impitoyables ennemis.
JBAMD'OMEOES.
296 HlST Q IRE D E Ì-ÒRÎ5RE
Le Bâchaeffrayé d'une résolution
quine lui lais-
feroitpour
tout fruit de faconquête qu'un
mon-
ceau de cendres, fut ravi de voir revenir Mont-
fort : il se réçut bien \ôc aprèslavoir entendu, il
lui laissaespérer qu'il
laiíseroit au moins la liberté
à deux cens des assièges»Il
envoyaénsoite
quérir
se Maréchalpour terminer avec lui cette araire.
Avant quede l'introduire dans fa tente, on en fît
sortir Montfort j ôcquand
ce Gouverneur sot en
faprésence : La nuit y lui dit-il, vousa-t^eMeporté
conseil y & étes^vous difaofa àmepayerlafiipme que
je vous demandefi justement ?
fai
perdu , lui répon-
dit leMaréchal, mon autorité dans
T'ripoliavec la
libertéque vous m avez ravie 3 c'est k d'autres que
voús devez aprésent
vousadrejfer 3 @r fapp0fî
même que mesconfrères eussent
encore quelque défé-
rencepour
monsentiment, je ne ferai jamais d avis
qu'ontraite à, d'autres conditions
qu'acelles dont'vous
étés vous-même convenu : dusurplus y voila ma tête
dont vouspouvez disposer y comme vous avez f ait de
ma liberté.
Le Bâcha tira à l'écàrtDragut
& lAga Morat:
&ayant confère tout bas avec eux, ôc
apparem-
ment dans la crainte de trouver la même fermeté
dans lesChevaliers, que dans le Maréchal, il se
raprochadu
Maréchal, ôc lui tendant la main en
signe-de paix: Qu'il ne soit plus parlé
entre nous y
lui dit-il, de nouvelles conditions 3 je ratifie lespre-
mières y ffi je souscris a la liberté de tous les Chré-
tiensqui fe trouveront dans
Tripoli. C'est dequoi
vouspouve^ vous-même aller
assurervos camarades y
(§jr lesfaire finir avec la
garnisonde la Place.
Mais
JE A ND'QMEDES.
DE M ALT Ë. L LV. XI. Í97
Mais le Maréchal quise déficit de ce
change-
ment de conduite, ôcqui appréhendoit quecette ;
facilité à revenir aux premières conditions, ne ca-'
chatquelque
nouvelleperfidie , se
dispehiáde
por-
ter cetteparole
sor ceque
ses chaînes avoient fait
cesser sonemploi
Ôc son autorité yôc à son refus >,
le Bâcha y envoyacet Officier Turc
quien
qua-
litéd'otage,
étoit déja entré dans lí* Place/ Il y fut
reçu parles mutins avec autant
dempreíïèment
dued'inquiétude
: ils lenvironnerent ausii^tôt y ôc
lans le conduire au Conseil-:y. ils îlepreíserent de
déclarer le sujet dé sa commission. Cet Officier leur
ditque
son Général l'avoitenvoyé, pour leur dire
qu'en exécution du traité, il accorderoit une-en-
tière liberté à tous ceuxqui
sortiroientprompte-
ment de la Place y qu'illeur fourniroit des vais-
seauxpour,
lestransporter
à Malte, &qu'il
n'exi-
•geoit pourtoute condition des soldats si-nPn
qu'ilslaissassent dans la Place leurs
enseignes&
leurs armes. Ce discours fut reçu parces deser^
teurs avec degrands
cris de joye : ôc comme ily
avoit déja quelques jours queces lâches s'étoient
défaits de leurs armes,.comme d'un fardeau;inu-
tile, fans attendre ni les ordres du Conseil, ni le
retour du Chevalier de Montfort, & dans la crainte
quele moindre retardement
n'apportât: quelque
changementdans la volonté du Bachá., trouvant
les portesde la Ville fermées, ils sortirent en foulé
parles brèches : & les femmes & les enfans à leur
exemple,fe
précipitoient parles mêmes ouvertu-
res. Les Chevaliers abandonnez de tout le monde,
furent réduits à la fin àprendre
la même route :
Tome III Pp
JE AIÎ.D'OMEDIÎ-
19$ HISTOIRE DE L'ORDRE
les uns ôc les autres se rallièrent aupied
des mu-
railses> ôc comme ilsprenoient
le chemin ducamp,
MoratAga
à la tête de fa cavalerie Maure les in-
vestit : ôc fans distinction derang
ou de condition;,
dageôc de
sexe,aprèsles avoir
dépouillez , on lés
chargeade fors & on les fit esolavés.
De tous les Maltois, iln'y
eutque
Desioehes et
frère servantqui
commandoit dans se Châteset,
quivoulût faire son sort lui-même, ôc
quji paria
fermeté & son courage, íçût conserver fà liberté.
Ilmanquoit
au Bâcha d'être maître de cepetit
fortqui
commandoit fur leport,
ôc quién étoit
comme la clef L'Agentde ce Général tenta Des-
rochespar
despromesses magnifiques , ôc tâcha
de l'intimider'enmême temspar
des menaces de
la mort ou d'un esclavage perpétuel.Le Frère ser-
vant, quoiqu'iln'eût
quetrente hommes avec lui,
fut également insensible aux unes & aux autres.
Le Turc futobligé
de dresser une batterie contre
cette tour : on leut bien-tôt foudroyée. Pesroches
nepouvant plus y tenir, se
prévalutdes ténèbres
de la nuit, íe jettaavec fa
petite troupedans une
barque , sortit duport,
ôcgagna
la haute mer }
d'autres disentqu'il
se retira secrètement sur les
galèresde lAmbassadeur de France, qui
lui ser-
virent d'azile.
Ce Ministre ne vitqu'avec
une sensible douleur
laperte
deTripoli , ôc
l'indignetraitement i
que
ces barbares faisoient aux Chevaliers. Aux pre-
mières nouvellesqu'il
en eut, il courut à l'endroit
oû on les avoit arrêtez , il les trouva chargezde
chaînes, à demi nuds, couchez à terre Ôcexposez
J Ô A fí
D 1 M ALT E. Lrv. XI. %<99
auxinsultes de cette milice insolente. Il les aborda
en des termes convenables à leurcourage
ôc à leur
vertu, ôc il les afsoraqu'il
alloit travailler à leur
liberté. Il se rendit auísi-tôt à la tente dm Bâcha,
Ôc il luireprésenta
d'abord avecbeaucoup
de force
que parun injustice si criante, il alloit lé desho^.
norer à la face de lUnivers, Ôcque
le Roi son
maître ôc ses autres Souverains de la Chrétienté
intéressez dans le traitement indigne qu'ilfaisoit
à des Chevaliers , laplupart
leurs sojets, <m s'en
feroient foirejustice par Soliman/ou à son refus,
useroient dereprésailles
sor tous ses Officiers Turcs
quitomberoient entre leurs mains. Le Bachalui
réponditfièrement
qu'ilne *levoit rendre
compte
de fa conduitequ'à
son maître, ôcqu'il
étoit bien
assuréque
ce Prince ne trouverokpas
mauvais
qu'ileût
manquéde parole
à des Corsaires, qui
par une honteuse avidité degain > avpsent violé
avec tantd'ingratitudela promestequ'ilsluiavoient
faite à laprise
de Rhpdes de neplus
troubler par
leurspirateries
le commerce de ses sujets -, qu'en
vain le Gouverneur deTripoli
avoit tâché d'echa-
peràdesi justes reproches;
sousprétexte
crue dans
lacapitulation
il n'étoit fait aucune mention de
cettepromené
: Commefi, dit-il à d'Aramon, cent
mille hommes quiétoient k ce
fiege , n'en eussent pas
été témoins, ®~ mêmeque
la démarche fi humiliante
pourle Grand
Seigneur y de s'êtreabaissé jusqu'à fi
plaindreen
différentes occafions de leurmanque
de
parole y nefut pAs au-dejsus
de toutes lespreuves par
écrit.
L'habise Ámbasladeur ne lui contesta rien, ôc
pP ij
jUAN
|©0 HlS T O IR Ë .DE L'ORD R E
se renfermant dans la voye d'insinuation , & à
force deprières ôc de
présents,il enohtint
peuà
peu
la liberté du Maréchal, ôc desplus anciens Cheva-
liers François y &pour faire voir
qu'il prétendoitob-
server exactement se second traité, onpour mieux
dire, ses proineíses qu'il avoit faites a Montfort,
il consentitque deux cens
personnes parmi ceux
qui étoient arrêtez , jouilsent encore de la liberté.
Mais par une npuvelse soperchérie,il les} choisit
lui-même- eprnnie^ il avpit fait au Gozeparmi
lés
plus vieux:-§c ses plus;
pauvresdes habitans> Il ré-
tint tout se reste dans les fors avec tous ses Che-
valiers E^ ou Italiens sojets dél'Empereur,
êç quelques jeunes Chevaliers Francoisì.
Çette exception dpnna beaucoup d'inquiétude
a i'Ambaííadeur^ ll prévit avec douleurque
cette
jeunesse aimable aisoit êtreexposee
àplus d'une
sorçe dfipérils?ôt d/autant
plus dangereux, qu'ils
serpient a$S|sonne)Z; de mpléise & deplaisirs.
Pour
lesen]préserver >il;sei racheta de son propre ái~
gentryôc à
l'égarddes Chevaliers
quiétoient so-
jetsde
^Empereur ^quoiquece Prince fût alors
enguerre avec son maître, il
s'engagea enéchàn-
ge de5rendre au Bâcha,; & dé conduire lui-même
àConstantinople trente Turcs de bonne famille
qui étoient actuellement esclaves à Malte. 11 en
prit ensoite la route avéc la confiance d'y être re-
çupar
le Grand Maître,comme le Libérateur de
ses Frères, & ily arriva le 2,3 Août sor le soir. Ce
Ministre ens'embarquartt
sor sesgalères , s'étoit
faitprécéder par
unebarque qui portoit
de fapart
unetettreçauQrandMaítre, óûilluidonnoitavi'S
D'QMEI5JS>
DE MALTE. Liv. XI. 301
de tout cequi
s'étoitpassé dans la
pertede Tri-
poli.D'Omédes fut consterné de cette nouvelle :
ôc cequi
lui caufoit encoreplus d'inquiétude que
de douleur, c'estqu'il craignoit qu'on
ne lui attri-
buât uneperte
si considérable. Ilri'ignoroit pas
qu'il yavoit
déjadu tems
qu'ons'étoit plaint
dans
lé Couventqu'au
lieu dé faire travailler aux for-
tifications de cette Place, il détournoit auprofit
de ses neveux les deniersqui y avoient été desti-
nez. Laperte
deTripoli pouvoit
faire revivre ces
plaintes qui produirPientun sévère examen de fa
conduite, ôcpeut-être
fadéposition.
Pour se tirer
d'une si fâcheuse situation, il résolut de rendre la
conduite dé rAmbassadéur de Francesuspecte,
ôc
dé réjetter sur ce Ministre &: sur le Maréchal la
pertede cette Place. Dans ce dessein il fit
appeller
quelquesChevaliers
quilui étoient le
plusétroi-
tement attachez j & lesayant
conduits dans son
cabinet j il leur fitpart
de la lettrequ'il
veiioit de
recevoir de d'Aramon. D'abord il ne leur laissa voir
quela douleur
quelui caufoit une
perteaussi con-
sidérable : ôc comme s'il n'eût voulu en réjetter la
fauteque
fur lui-même, il leur avoua avec une
feinte confusionqu'il
ne sepouvoit pardonner
lïmprudence qu'ilavoit eue d'avoir
engagéd'A-
ramon àpasser
enAfrique,
ôc de s'être confié à
un Ministreétranger,
dont il nepouvoit pas igno^
rerque
le Maître avoit une étroite alliance avec
le GrandSeigneur y Que cet Ambassadeur, hom-
me d'ungénie souple
ôc adroit, Ôc de la même
nationque
le Maréchal, s'étoitemparé
de toute
fa confiance, sousprétexte
de s'intéresser à la coît-
Ppiij
JEANÇ'OMBDE*.
3ozHISTOIRE DE L'ORDRE
servation deTripoli -, que
vrai-semblablement il
lui en avoit ensuiteexagéré
la foiblesse, ôc les for^
ces du Bâcha9 ôcque par
ses artifices il 1avoit in-
sensiblement conduit dans un labirinthe denégo-
ciât ions, quine setoientàiafin terminées que par
une honteusecapitulation.
Les créatures du Grand Maître , en courtisans
serviles, ôc fans examiner cequ'il pouvoit y
avoir
de faux dans une relationqui ne rouloit
quesor
des con jecturès, détestèrent hautement lapréten-
dueperfidie
de lAmbassadeur. Chacun à la ma^
niere se fit un mérite de fortifier ces conjectures
parde nouveaux préjugez
auífi mal fondez -, les
uns dfsoientque
ce Ministre nauroitpas
disseré
rexeçution des ordres de son Maître, Ôc interrom*
pusi volontiers le cours de son
voyageà la Porte^
s'il n'avoit crû lui êtreplus
utile àTripoli qu'à
Constantinople 7 d'autres ajoutoient quedans le
besoinpressant que
le Roi de France avoit de la
flotte Ôc des forces du Bâchapour
lesopposer
à
celles de Charles-Quint, son Ambassadeur pour
lespouvoir
fairepasser plutôt en Provence aux dé-
pensde la
Religion,avoit accéléré la
capitulation
de la Place -, quele Maréchal etoit inexcusable
de lavoir conclue sans laparticipation
du Grand
Maître ôc du Conseil: & on convintqu'il
falloit
lui faire incessamment sonprocès
: maispour
se
débarasser d'un témoin auífi incommode quel'Am-
baííàdeur, on résolut avantque
de commencer
laprocédure
de le laisserpartir. Cependant pour
le rendresoípect,
ôc comme si ón se fût défié de
lui, à son abord devant leport,
le Grand Maître
JEA M
MS.DE5.
DE MALTE. LIV. Xi. 303
sous prétextede Fheure indue, défendit
qu'on
levât la chaîne, fit doubler lagarde
du Château,-
&prit
les mêmesprécautions qu'en
tems deguerre,
ôc comme si l'ennemi fût revenu dans l'Iíle, & eût
été auxportes
de la Place. *\
Le lendemain les confidens du Grand Martre
de concert avec luirépandirent
des bruits sourds,
quoiquefans nom d'auteur, que Tripoli
netòit
tombée sipromptement
en lapuissance
des Turcs
que par l'mtelligeneesecrète de l'Ambaííadeur
avec le Bâcha, ôcpar
la foiblesse du Maréchalqui
s'étoit abandonné auxperfides
conseils de d'Ara-
mon. C'étoient de ces nouvellesqui
ne se disent
qu'à1oreille, ôc
qu'onne confie
qu'àses amis in-
times, maisqui
à force d'êtrecommuniquées
fous le secret, deviennent à la finpubliques.
Ces
bruitsgrossis par
disserentes conjectures quecha-
cun y ajoutoit, suivant lintention du Grand Maî-
tre, passèrentbientôt dans toutes les
auberges,&
des Chevaliers aupeuple
:par
cet artifice d'Ara*,
mon fans s'enappereevoir
devint tout d'uncoup
l'objet deTexecration publique.
Le Grand Maître n'en demeurapas
là : Ôcpour
le rendre austì odieux dans toute la Chrétienté,
qu'ill'étoit à Malte, il
engageaceux de fa cabale
d'écrire secrètement aux Chevaliersqui
étoient
enEuropeôc dans leurs commanderies, que
l Am-
bassadeur de France avoit trahi laReligion
& li-
vréTripoli
aux Infidèles, ôcque
fans lessages pré-
cautionsqu'avoit prises
le Grand Maître, il au-
roit tenté des'emparer
du Château Saint-Ange ,
ôcd'y
introduire les Turcs. Ces bruits se répan-
X>'OuiDt.S.
304 HISTOIRE DE L'ORDRE
dirent en peude tems dans toute la, Chrétienté,
ôcy
firentbeaucoup d'impression.
Ceuxqu'on pu-
blioit à Malte avec tant demalignité, parvinrent
à la fin jusqu'à d'Aramon. On nepeut exprimer
avecquelle surprise
il lesapprit
: il demanda aussi-
tôt audience-j elle lui futassignée
enplein
Con-
seil. Ily prit
séance à côté du Grand Maître j &
trouvantindigne
de son caractère de s'abaisser à
réfuter tous ces faux bruits, ilpria
feulerbent le
Grand Maître, en lui adressant laparpse,
de se
souvenirqu'il
n'étoitpassé
enAfrique que
sur
les instances réitérées, qu'illui en avoit faites,
ôc danslesquelles, pour l'y déterminer, il avoit
fait entrer linterêt de laReligion Chrétienne,
ôc même l'assection dont le Roi son maître hono-
roit tout son Ordre. Il ajouta que depuis qu'ilétoit
arrivé aucamp
des Turcs, il n'avoit rien oublié,
soitpour engager
se Bâcha à lever lesiège ? soit
pourla délivrance des Chevaliers j que
Dieu lui
avoit fait lagrâce
de les ramener heureusement
sur sesgalères,
ôcque
s'étantengagé
de ramener
enéchange
autant de Turcs esclaves de la Reli-
gion,il íe flatoit
quele Grand Maître les lui fe-
roit remettrepour qu'il pût dégager
faparole
avec
honneur.
Le Grand Maître luirépondit
enpeu
demots,
ôc avec un air extrêmement froid, qu'onlui étoit
bienobligé
de ses soins y maisqu'à légard
des esi
claves Turcsqu'il demandoit, il n'en étoit
pas le
maître -, quec'étoit aux Chevaliers
quiles avoient
prisà en
disposer , ou fur leur refus au Maréchal
a endédommager
le Bâcha. D Aramonauroitpû
justement
ÍEA N
MEDES.
DE MALTE; LIV. XLJOJ
Justementlui
répliquer qu'il yavoit encore une
voye
plus courte, ôc mêmeplus juste, qui
étoit de lui re-
mettre les ChevaliersEspagnols pour
les rendre
à Sinam ; mais il trouvaindigne
de son caractère,
4e faire sentir au Grand Maître son injustice ; ôc
sans s'abaisserjusqu'à
s'enplaindre,
il sortitpeu
de jours âpresdu
port,& continua fa route vers
Constantinople.
Sondépart
mit le Grand Maître en liberté de
continuer l'exécution de sonprojet
: il tint secret,
tementplusieurs conseils avec ses créatures. La
pertedu Maréchal
yfut résolue. On convint
que
pourl'interêt du Grand Maître, il étoit tems de
lui faireoccuper
sor la seene laplace que
d'A,-
ramon venoit dequitter , mais comme au
sujet
d'une résolutionprise
enplein
Conseil deguerre,
on nepouvoit pas
sévir contre lui seul, le Grand
Maître, ôc ceuxqui
de concert avec lui, condui-
soientce noircomplot, jugèrent
àpropos
de com-
prendredans l accusation les Chevaliers
qui avoient
eu leplus
depart
à lacapitulation.
Ses émissaires
répandusdans les
auberges , disoiéntqu'il étoit
honteux à l'Ordre de souffrir une sigrande lâcheté,
ôc unepareille prévarication : lui-même
représen-
toit au Conseil, quoiqueavec une douleur
appa>-
rente, qu'onne
pouvoit pas pourIhonneur de la
Religionse
dispenserde faire rendre
compte au
Maréchal, & aux autres Chevaliers , des motifs:
quiles avoient déterminez à
capituler: Afin y di-
soit d'Omedes avec une feinte modération, de les
absoudre s'ils fint innoçens 3 ou auffide les
punir, JÊ*
on avoit lechagrin de les trouver coupables.
Tome IIIQLc|
\J E A MD'OMEDES".
3~o£ HISTOIRE DE L'ORME
Le Conseil ne trouvant rienque d'équitable
daris cetteproposition, opina qu'on
instruiroit in~
ceíïamment leprocès
des accusez : on convint
qu'ilfaloit nommer trois Chevaliers de trois Lan-
guesdifférentes
pourfaire les informations. Le
Grand Maître n'eutpas
depeine
à faire tomber
cette commission à ses créatures -, mais comme
ces Commissaires enqualité de Religieux
nepou-
voient pas connoître d'un crimecapital^
ôc oû il
yalloit de la vie des accusez, il fut arrêté
qu'on
leur donneroitpour
Assesseur ôcpour
Chef de la
commission un .séculier-, qui aprèsTexamen ôc le
rapportdes Commissaires, prononceroit
sor la na-
ture despeines que
meritoit la faute des criminels.
L'habile Grand Maître, fansparoître y prendre
d'autre intérêtque celui de la justice, indiqua pour
cetemploi
un Officier séculier de llíle, appelle
Augustinde Combe y dont il avoit fait la fortune ^
Juge corrompu,ôc
capablede tout faire
pourde
l'argent.Il fît encore choisir
pourProcureur de la
commission, un autre séculier, Espagnolde nais-
sance , quin'avoit d'autre mérite
quecelui de lui
itreaveuglement
dévoué. D'Òmedespar
le choix
de tous cesJuges,
se vit maître de faireprendre
à. cette affaire le tourqui
lui conviendroit.
Sur laRequête
du Procureur d'ofBce, on com-
mença pararrêter le Maréchal ôc les Chevaliers
Wufieryde Soufa &* Errera, quiavoient eu le
plus
ée part, quoiqued'une manière différente à la ca-
pitulation.Comme la
pertede cette Place inte-
íéssoitl'Empereur par rapport
à fa Suzeraineté,
Jôcque
d'ailleursTripoli
couvroit enquelque
ma-
JE AND'OMEDES.
DE MALTE. LIV. XI. 507
niere ses Etats d'Italie, les Chevaliers nezsujets
de
ce Prince, pourfaire leur cour, n'eurent
pointde
l
honte d'arrêter eux-mêmes leiar Général , parce-
qu'ilétoit
François : on lejetta
dans un cachot
affreux, Ôc où le soleil n'avoit jamais pénétré. Le
Grand Maîtrecroyant
faperte infaillible, ôc
qu'il
n'avoitplus
de mesures àgarder j pour
lepriver
de tout secours , défendit sous degrièves peines y
attendu î'énormité du crime,, &qu'ils'agissoitde
rinterêt de l'Etat, qu'aucunChevalier n'eut à sol-
liciter en fa faveur. Par une autreordonnance,il
futprescrit aux Commissaires de
réjetterles cau-
ses de récusationqu'il pourroit alléguer contre les
témoins y quefans
égardà la condition ou à lit
réputationdes
déposans,on admit indifféremment,
letémoignage
de tous ceuxqui
seprésenteroient >
fans mime les astreindre à subir la confrontationi
contre l'accuse. On ne pouvoit pas prendrede
tfiesoresplus
sorespour perdre promptement
uti
innocent..
A la faveur de cette nouvelle Jurisprudence ^
on vit paroître parmiles témoins
quele Procu-
reur d'office admettoit des scélérats avérez , &:
des hommes noircis desplus grands
crimes t tels,
étoient un certain Dominique Cabillan, Espagnol
de naislànce dont on reçut setémoignage,, quoi-
qu'ileut
déjaété
reprisde justice, ôc condamné
pourcrime de faux j tel
Vanegas,autre
Espagnol,
qui aprèsavoir renié jefus-Christ ,, ôc embrassé lat
Religionde Mahomet, par
un nouveau crimes
âvoit vendu ses enfans aux Infidèles y ôc on fit re-
venir ce scélératd'Afrique pour déposer
contre le
9& %w>
JE A wD'OMEDI?»
308 HISTOIRE DE L'ORDRE
Maréchal, tel enfin un des canoniers deTripoli,
qui ayantété arrêté dans le moment
qu'ildeser-
toitparmi les Infidèles * n'avoit évité le
supplice,
que parla clémence du Maréchal. Tous les
gensde bien
voyoientavec douleur
qu'à quelque prix
<^wece fut, on vouloir
perdrece
Seigneur $ mais
la cabale étoit sipuissante, on avoit même rendu
£à cause ílcdieuse, que personne n'osoit ouvrit la
bouche en fa faveur.
Le seulGhevalier deVillegagnon, malgré
toutes
ses défenses du Grand Maître, sot aísezgénéreux
pour entréprendrefa défense, ôc il s'en
acquitta
avecuncourage
invincibse. Ilpublioit hautement
qu'àétoit bien extraordinaire
quela place n'ayant
étéperdue que par
lanégligence,
ôcpeut
- être
par lavarice de ceuxqui
étoientchargez
de la for-
tifier, Ôcd'y jetter du secours, cependant on
pré-
tendît rendre se Maréchalresponsable des fautes
d'autrui. Les amis de ceSeigneur,
& sor-tout la
plupart des Chevaliers François,sor ces
plaintes
qu'ils trouvoient justes, commencèrent à ouvrir
les yeux, & ils sereproçhoient
de s'être rendus
ses instrumens de lapassion
Ôc de la haine d'O-
medes. Ce Prince, pour prévenirleur
témoignage,
ôc cequ'ils pourroíént
mander dans ses differens
Etats de la Chrétienté, eut recours une seconde
fois à laplume vénale de ses confidens 3 ôç il lés
obligead'écrire chacun dans leur
pays, quele
•Grand Maîtreayant voulu faire faire le
procès au
Maréchalpour
avoir vendu fa Place aux Infidèles,
laplupart des Chevaliers François, craignant que
par la conviction de ce crime, on attachât une
1* ANJ>?QMEDES.
B E MALTE. Liv. XI. 309
marqued'infamie à leur
Langue,avoient
prisles )
armes , ôc ténoient actuellement le Grand Maître —
alîìegédans le Château Sainte
Ange.Ces nouvelles
toutes fausses, qu'elles étoient, excitèrent dans les
pays étrangersune si
grande indignationcontre
les Chevaliers François, qu'on n'en parloir plus
quecomme des rebelles^ ôc il sembloit que la qua-
lité seule de François, étoit un crimequ'on
ne pou-
voitexpier que par
leur mort.
D'Omedesparces. lettres
ayánt prisles devants*
ôc prévenules François, donna tous ses soins, avant
quela vérité eût
puêtre éclaircie, à terminer
promp-
tement cettegrande
affaire. Le Procureur d'office,
de concert avec lui^produisitde nouveaux témoins.
Villegagnon découvrit auíïLtôtqu'ils
avoient été
subornez : il en portases
plaintesaux Commissai-
res > &après
leur en avoir fait voir lespreuves,
il leur représenta quesise Grand Maître , sous
pré-
textequ'il s'agissoit d'un crime d'Etat, avoit inter-
dit au Maréchal toute voye de récusation , c'étoit
à eux au moins à n'admettreque se témoignage
desgens
dont ils connussent laprobité.
Mais les
Chevaliers dévouez au Grand Maître lui répondis
rent froidement-que
cet examenregardoit
le Pro-
cureur d'office :y qu'ilsn'étoient préposez que pour
recevoirsimplement
leurtémoignage -, qu'ils
étoient également disposezà entendre à
charge
ôc àdécharge
ceuxqu'il
voudroitproduire.
Ils
ajoutèrent qu'ilsluidonnoient
pourcela huit jours,
quoiquils eussent accordé deux mois au Procu-
reur fiscalpour trouver ses témoins. Plus defoi-
xantepersonnes, gens
d'une intégrité reconnue,
Q3ÌÌJ
JEAND QMEDËJ.
$10H I S T OIRS D E L'O R D R E
seprésentèrent
dans un sipetit espace
de tems, Ôt
déposèrenten faveur durMaréchal, &
parleur té-
moignagefirent tornbèr la
dépositiondes faux té-
moins. Enfin sor seraport
des Commissures, Ôc
ensuitepar
leJugement
du Ptévôt^ il sotprononce
enplein Conseil, que
dans laperte
deTripoli,
iln'y
«oitintervenudélapartdu Maréchal Ôc des autres
Chevaliers aucune forte de trahison, ni diiátelli*
genceavêc les
ennemisjjquetout lé malheur étoit
provenu uniquementde là lâcheté- des Calabrois
^
qu'àla vérité il n'y avoit
.pointde Constitutions
impériales,ni de Loix qui
décernassent enpareil
cas dessoppliees
contre un Gouverneur Ôc des Offi-
ciers ; maisque par
les statuts de l'Ordre,, on en
devoit chasser tout Gouverneur, quisans la
per-
missionexpresse
du Grand Maître & du Conseils
auroit abandonné une Place dont on lui auroit con-
fié lagarde
: enconsequence'de quoi
il çonésooitr
par un seul & même Jugement,a ce
quel'habit dé
laReligions
la Croix séroient êtez auMaréchal^
aux Chevaliers Souía, d'Herrera Ôc Fuster^ conv
mecomplices
de kperte
de:Tripoli
Le Grand Maître témoigna parun
geste ehagrist
quil
n'âpprouvôit pasce
Jugement.Il n'avoit fait
comprendredans l'aceuíation les Chevaliers Espa-
gnols, que pour éloignerle
soupçon qu'ilagîtcon-
tre le seul Maréehaípar
une haine de nation, oe-
il se flattoitqu'après
lavoir faitpérir,
il ne man^
queroit pasd'occasions & de
prétextes pourfaire
absoudre lescompatriotes.
CeJugement
du Prévôt
déconcertoit ses mesores $ pour y remédier il re*
jprésentaau Conseil avec une feinte moderatioífc
JEANBADMEDES.
DE MALTE. Li.v. XI. $n
i& une retenueapparente, qu'il
lui sembloitque
seJuge, pour
finir une affaire aussiimportantey
°
avoit unpeu trop précipité
ses différentes Senten-
ces, ôcqu'il croyoit qu'il-eût
dû mettre unegrande
différence tant entre la faute dechaque criminel,
<quedans les différentes
peinesdont ón les devoit
punir -,ôcqu'il
lui sembloitque pour
leprésent
on
devoit s'en tenir aujugement rendu contre le Ma-
réchal, ôc surseoir celui des Officiers, pourles
pou*
voirjuger
chacun enparticulier,
& suivant la nature
différente des crimes dont ils étoient convaincus.
LeJuge qui comprit que par
ceJugement
com-
munqu'il
avoit rendu contre tous les accusez, il
avoit offense le Grand Maître, malgréla Sentence
qu'ilvenoitde
prononcerons pudeurôc fans hontey
changead'avis: &
pour appaiserle Grand Maître,
opinade nouveau, & tira les Officiers
Espagnols
de la Sentencegénérale
dans laquelleils étoient
compris yôc parune manière
d'explicationil dé-
claraque quoiqu'il
les eût tous condamnez à la
même peine, leurs fautes étoient bien différentes.
Le BailliSchilling,
de laLangue d'Allemagne,
adressant laparole
à ceJuge : N'étes^vouspas,
lui
dit-il avecindignation,
leplus
méchant homme du
monde y dechanger fi légèrement
de sentiment au moin-
drefigne
du mécontentementdu Grand Maître ì Vous
«venez deprononcer juridiquement que
les accufiz
étant touségalement coupables
de la même faute,de-
moietit fabir la mêmepeine y ffi un instant après
vous
prétendez qu1an
fipareles
fautes, ^ qu'onen diffère
leJugement
? M aparlé
comme un misérable qu'il est y
ajouta le ChevalierNuguez
de laLangue de Gas-
>JE A M
D'OMEDEI*
pz HISTOIRE DE L'ORDRE
tille -, Ôc se tournant vers le Grand Maître : Je m
u_souffrirai point y lui dit-il, qu'onexécute la Sentence
prononcée contre le Maréchal y fi en même-tems on ne
fait fabir la mêmepeine
aux autres accufiz-
Toute l'Assemblée sécant réunie au mêmé avis^
lé Grand Maître feignit de s'yrendre -rmais com-
me il étoit audésespoir que
ía proyelui eût en
quelquemanière échapée,
&qu'il
ne pût faire pé-
rir le Maréchal tout seul,, comme il sel'étoitpro-
posé,il demanda un moment d'audience, oû il
représenta que quoiqu'onvînt de statuer
quetous
les criminels seroientpunis
en même tems-, cepen-
dant il étoit juste de mettre quelquedifférence
entre leurs fautes, & lapeine qu'elles méritoient;;
quele Maréchal & le Chevalier Fuster lui
parois-
soient bienplus coupablesque
les autres, l'unpouí
avoirnégocié
lacapitulation,
ôc l'autrepour
avoiï
abandonné la Place dont il étoit Gouverneur, ôc
quela
punitionde deux si
grandscrimes
pouvant
aller à la mort, il étoit d'avis, fansque
le Conseil
s'en mêlâtdavantage y d'en renvoyer le
Jugement
difinitif auJuge séculier, qui
avoit déja priscon*
noissançe de cette affaire. La corruptionde ce
Juge^
quivenoit de varier si honteusement y lé fit réjetter
avec degrands
cris:.le Grand Maître néanmoins
s'obstinoit à le faire nommer ^mais comme ceJuge
se vitchargé d'injures par
lesjplus emportez,
de
lui-même il se désista de cette fonéìion,. sor lepré*
textequ'ayant
rendu fa Sentence, il nepduvoit
pas prononcerdeux fois sor k même affaire. Le
Grand Maître outré de n'avoirpû
venir a bout de
ses. desseins >f remit l affaire à une autre fois, or^
donna.
} TE A NB'OMEDES.
DE MALTE. LIV. XI. JIJ.
donna au Secrétaire du Conseil de faire mention j
dans sonregistre
de tout cequivenoit
de sepasser y L_
ôccongédia
l'assemblée.
Cependantles ennemis du Roi ôc de la France^
fur les lettresque
le Grand Maître avoit fait écrire
dans leurs Etats, publioient quelAmbassadeur de
la nation avoit livréTripoli
aux Infidèles, &qu'il
étoit revenu ensuite à Maltepour
tâcher de lesini
troduire dans cette Iste r quefans la
vigilancedu
Grand Maître tous les Chevaliers auroient été
égorgez,ôc
quela Chrétienté auroit
perduune
Placequi
servoit de boulevard à la Sicile ôc à toute
l'Italie. Le Roi offensé de ces bruitsqui
donnoient:
atteinte à fagloire
Ôc à l'honneur de la Nation, dé-
pêchaau Grand Maître un Gentilhomme ordinaire-
de fa Maison, appelledu
Belloy, quilui rendit une
lettre de sapart
dattée du dernierjour de
Septem-
bre , ôc dans laquellece Prince, après
s'êtreplaint:
amèrement des bruits infâmesqu'on
avoirrépan-
dus contre son Ambassadeur,Je prioitde lui faire-
sçavoir nettement ôc avec une exacte vérité, si
d'Aramon étoitcoupable
dés crimesqu'on
lui im-
putoit: Afin, s'il en etoit convaincuy de le
faire punirJ
filonla
grandeurde
fincrime 3 ou3 s'il fe trouvoit-
innocent, de le justifier par fin témoignage parmiles
Nations étrangères yOU on I avoit fi cruellement diffamée
L'arrivée de ce Gentilhomme,.& lalettredonc
il étoitporteur,
eàuserent de violentesinquiétu-
des augrand
Maître. Il nétoitplus question
de
répandre furtivement des bruits sourds,.ou d'en-
voyerdes lettres anonimes ou
signéesde
gens peu:
connus, avec un aussigrand
Roique
Henri II; Ôc
Tome II h R.r
J E A tfD'OMEUÈSÍ
;i4 HISTOIRE. D E L'O R DR E
dans une affairequi
interessoit son honneur: il
falloit s'expliquer clairement, & être en état de
soutenir à la face de toute la Chrétienté ce qu'on
auroit avance.
D'Omedespour
ne sepoint compromettre, Ôc
pourse tirer d'embaras, porta
la lettre du Roi au
Conseil y on en fit la lecture, ôc il demanda aux
Seigneurs quile
composoient,leur avis sor la ré-
ponse qu'on ydevoit faire. Toute lAssémblée d'un
consentement;unanime,opina qu'il
falloit récrire
a ce Prince , quela
Religion,bien loin d'avoir
lieu de seplaindre
de la conduite de son Ambassa-
deur , n avoitque
des remerciemens à rendre à Sa
Majesté póurtous les bons offices
qu'elleen avoit
reçus y çequi engageoit plus que jamais tout l'Or-
dre à une eternelle reconnoissance. Le Conseil or-
donna en même-tems à son Secrétaire de dresser
cette lettre, ouplutôt
de la fairesigner
au Grand
Maître, & de la remettre àl'envoyé
du Roi, ou
au Chevalier deVillegagnon, qui
devoit laceom-
pagnerà son retour.
DOmedesqui persistoit toujours dans le des-
sein secret deperdre
TAmbassadeur ôc le Maré-
chal , serepentit
bientôt d'avoir remis au Conseil
laréponse d'une lettre
quilui étoit adresiee à lui
seul: &pour
éluder lespreuves qu'on
en auroit
pûtirer en faveur des accusez , il fit
appellerle
Secrétaire j & fans s'ouvrir à lui del'usage qu'il
méditoit de faire de cette lettre, il lui dit seule-
mentqu'étant
adressée a un Grand Roi, & sor une
matière auífi délicate, les termes n'enpouvoient
être trop mesorez j qu'ilvpuloit en conférer avec
JEAND'OMEDIÌS-
DE MALTE. Liv. XI. ^y
lui à loisir, ôcque
si le Gentilhomme François ,
ouVillegagnon
la demandoient, il trouvâtquel- Z
que prétexte pours'en
dispenser.Et il le
congédia
aprèslui avoir recommandé le secret.
/ Villegagnon ayantlaissé
passer quelques jours
fansque
ce Secrétaire se fût mis en état d'exécu-
ter les ordres du Conseil ,lui en demanda la raison.
Le Secrétaire suivant ceque
lui avoitprescrit
le
Grand Maître, s'excusa sur la multitude de ses oc-
cupations: Ôc
pour lamuser, luipromit
de luipor-
ter aupremier jour cette lettre. Mais des semaines
entières s'écoulèrent fansqu'on
laput
tirer de ses
mains. Ces délais affectez firentsoupçonner
a Ville-
gagnon qu'ilse tramoit de nouveau
quelquemau-
vais dessein, &pours'en éclaircir il
employatous
ses soins , & mit en mouvement les Chevaliersqiti
s'intéressoient comme lui à'la défense du Maré-
chal. Enfin il découvrit, à cequ'il rapporte
lui mê-
me, quele Grand Maître avoit eu des entretiens
secrets avec leJuge qui
avoit fait leprocès
aux
accusez-, qu'illui avoit
reproché qu'ileût été assez
foible, sor lesplaintes qui
s'étoient élevées con-
tre lui dans se Conseil, de se désister de fa com-
miíïion-, quele Grand Maître avoit ajouté, qu'il
étoit assezpuissant, malgré
la cabaleopposée,
pourlui faire
renvoyerla révision du même
pro-
cès -y maisqu'il
ne luipardonneroit jamais s'il va-
rioit une seconde fois dans sonJugement,
ôcque
pours'assurer de fa
paroleil vouloir
qu'ils'obli-
geâtà lui
payer cinqcens ducats dor s'il ne se con-
duifoitpas
dans toute laprocédure
de la manière
qu'illui
prescrisoit.
Rrij
D'OMUÌES.
yJ X A N©\OMEDES.
3^6 H I S T Ô IR É DE L'O R D RE
Ceux dontVillegagnon
tehoit cet avis, ájou-
toientque
leJuge
dans la crainte deperdre
fa
Chargeavec la
protectiondu Grand Maître, fit
toutes lespromesses,
ôcpassa
toutes lesobligations
<qu'on exigeade lui ; que
le Grand Maître saisi de
cesgages
lui avoit remis un Mémoire contenant
des faits Ôc articles, sorlesquels
il devoit interro-
ger l'accufé, &qu'il
lui ordonna ensoite,sise Ma-
réchal les nioit, ou s il n'y vouloirpas repondre,
de lui faire donner la question; que pafla vio-
lence des tourmens il en tirât cet aveu, qu'il n'a-
voit remisTripoli
aux Turcs, qu'àla sollicitation
de d'Aramon. On ajoutoit quele Grand Maître
avoit avoué auJuge que dans l'esperançe
depou-
voir envoyercette cónfeíïìon au Roi, il avoit dif-
féré saréponse
àl'envoyé de ce Prince, &
qu'il
n'avoit trouvé quece
moyende sortir avec hon-
neur d'une affaire óù laperte des "accusez aíuire-^
roit sagloire,
ôc même sadignité.
Villegagnonne nous
aprendpointde
quiil tenoit
îa découverte de cecomplot,soit qu
on l'eûtengagé
au secret, soitpeut-
êtreque
cela vînt duJuge même,
qui n'osont prendresur lui,& sansla
participationdu
Conseil, défaire donner laquestion
àundesgrands
Officiers de l'Ordre, ne futpas fâché que
le bruit de
cecomplot
enempêchât l'exécution,& lui
épargnât
en même tems une somme aulfi considérablequ'il
s'étoit soumisimprudemment
depayer
au Grand
Maître. Quoiqu'ilen soit, Villegagnon
instruit
d'un si affreuxcomplot,
se rendit au Conseil, ôc
demanda au nom de l'Envoyé du Roi qu'onlui
remît laLetrrequil
devoitporter
à ce Prince : Ôc
toÈ MALTE. LIV. XI. 317
11/représenta que pour peu qu'il
différât àpartir,
la merpar
larigueur
de la saison ne feroitplus
-
navigable. Cependant, ajouta Villegagnon , file
Conseil avoitchangé
de sentiment, peut-etre quepour
faire connoître au Roi I innocence de fin Ambassadeur,
ilfnffiroit de lui envoyer le résultat des
Commissaires
avec unecopie
de la, sentence] duJuge séculier 3 (§jr
quece
"Princeparle
simpleénoncé de ces aSîes yVerroit
clairementque dans la
capitulationde
Tripoli y iln'y
émit intervenu ni trahison niintelligence
de lapart
de
d'Aramon & du Maréchal avec les Infidèles 3 mais:
quela
pertede cette "Place venoit uniquement
de la
lâcheté des soldats Calabrois $} de leur rébellion.
Un Chevalier du Prieuréd'Aquitaine, grand
partisande d'Omedes, prit
laparole,
ôc ditque
1e Roi ne demandoitqu'à
être instruit de la con-
duiteque
son A mbassadeur avoit tenue enAfrique,
ôcque
c'étoit à cela seulqu'il
faloitrépondre.
Le
Grand Maître fut ravique quelqu'un
se fûtopposé
à laproposition
deVillegagnon,
ôc il sentit bien
qu'unau(ïì habile homme
quece Chevalier Fran-
çois , n'avoit demandé leprocès
des accusezque
pour porterau Roi des
preuvesfans
répliquede
l'innocence de d'Aramon; ôc comme il trou voit
toujours Villegagnonà son chemin, il lui demanda
fièrement où il avoit appris quedans des
procès
criminels quel'Ordre faisoit faire à des Chevaliers,
on fûtobligé
d'en rendrecompte
à des Princes
séculiers. Ce n a jamais été mon intention, répliqua
le Chevalier , d'avancer une pareille proposition 3
mais f ai cru feulement qu'au défautde la Lettre
que
le Conseil avoitprescrite, (@r qu'onri a jamais voulu
Rriij
JÉAÍÍD'OMEDES»
3ifr HISTOIRE DE.L OR D R E
expédier y le Roi fi pourroit contenter, pourla justi-
fication de fin MiniBre, dutémoignage
duJuge
mê-
me des accusez > qui par fa Sentence , reconnoîtque
dans lacapitulation, ilriy étoit intervenu de la
part
de fin Ministre aucun pacteillicite , ni aucune intelli-
gencecriminelle.
Cependant ypuisquevous mordonne'z >
continuaVillegagnon,
en adressant laparole
au
Grand Maître ydevous rendre
comptedes
motifs par-
ticuliersque f ai eus
pour fiuhaitter qu'on envoyât
ces aSles en France, je vous le dtraï avec toute la
franchisedont je fais profession , (ê$r auffi avec tout
lerejpefâ que je vous dois , ^)
aIauguste assemblée
devant laquelle je parle.
Pour lors élevant sa voix, ôc s'armant d'une no-
ble fierté : Il y a déja quelques jours y Seigneur y
continua-t-il en adressant laparole
au Grand Maî-
tre, quilcourt unbruit
désavantageuxà votre
gloire,
ft) onpublie que
dans une conférence fecrette quevous
avez em a^ec ^ Combe, vous êtes convenu avec lui
qu'il fi chargeroittout de nouveau du
procèscontre le
Maréchal 3 quece
Juge inique s'est engagéd'en tirer
parla violence de la torture y la
confessiondes crimes
qu'ilria
pointcommis s qu'il
le condamneroit enfaite
à mort 3 (djr qu'après fin exécution y on substituera fa
confessionÌ, la Lettre que
le Conseil a ordonné qu'on
écrivît au Roi. Tel est, à cequ'on prétend,
l'uni-,
que sujet du retardement affecté, quele Secrétaire
apporteà remettre cette Lettre à
l'Envoyéde ce
Prince.
Le Grand Maître neput
entendre ce discours
fans un vif ressentiment : le feu dans lesyeux,
ôc
tout brûlant de colère, il lui commanda de dire
Jí A ND'OMEDES-
DE tóí A L T E. L I V." X î.319'
tout haut dequi
il tenoit ces bruitsindignes.
//
ri est pasencore
questiondu nom de V auteur, répon-
\
dit modestementVillegagnon,
ils'agit feulement
Àprésent que
vous nous disiez fi^e
fa** efi vrai ou
faux 3 Très faux, s'écria le Grand Maître,déclarez
donc y Seigneur y devant touteVassemblée, repartit
Villegagnon, quevous
déchargezvotre
Juged'une
fimme decinq
cens ducats d'or alaquelle
il s', est obligé
envers vous, s'il ne condamnaitpas
a mort le Ma-
réchal. A ces terribles mots, la confusionparut
d'abord fur levisage
du Grand Maître -, la tête lui
tourna entièrement : il ne sepossedoit plus
• ôc
outré de se voirpoussé
si vivementpar
un de ses
inférieurs, il lechargea
d'un torrent d'injures. Mais
celui-ci content d'avoir mis tout le Conseil sur les
voyes de ses méchants desseins, se retira de l'assem-
blée r ôc lesSeigneurs
Grand-Croix justement in-
dignezde tous ces
perfides complots,nommèrent
un autreJuge,
ôc commandèrent sous degrièves
peinesau Secrétaire
que toute affaire cessante, Ôc
dans le jour même il eût à délivrer àl'Envoyé
du Roi ou àVillegagnon
la Lettrepour
ce Prince,
dans la forme ôc les termesqui
lui étoientpres-
crits.
Quelques précis quefussent ces ordres , le Se-
crétaire créature du Grand Maître, n'osa les exé-
cuter fans faparticipation : il se rendit secrètement
à son Palais, écrivit la Lettre sous sesyeux,
la fa-
briquaavec un nouvel artifice ^& au lieu
d'ymar-
quer,comme leConíeil l'avoit ordonné, que
bien-
loinque
d'Amaron eût contribué à laperte
de Tri-
poli,ce Ministre au contraire n'avoit rien oublié
JEAN.D'OMEDSS.
$ÌO H I S T O I RE D E L'-O R D R fi
pourdétourner le Bâcha d'en former le
siège,il
sobstitua à ces termes sipositifs
en faveur de lin-'
nocence de d'Aramon, une clause relative feule-
ment au temsauquel
il écrivoit : ôc il faisoit dire
au Grand Maîtreque
le Conseil n'avoit encore
rien découvert, dont onpût accuser d'Aramon»
Par cette clause, &íousprétexte qu'il pouvoit
sor-
venir de nouvellescharges,
il se réservoit lepouw
voir de recommencer dans une autre occasion lés;
accusations intentées contre d'Aramon.:
La Lettre en cet état fut remise àVillegagnon^
dattée dudix-sept
de Novembre : mais il en eut
bien tôt reconnu l'artifiçe. Il laporta
fur lechamp
au Conseilpour
s'enplaindre,
& lesSeigneurs qui
lecomposoient,
honteux de tant desupercheries^
dressèrent eux-mêmes leprojet
de la Lettre, que
le Grand Maître, aprèsce
quis'étoit
passé , n'osa
refuser de signer*
CeSeigneur, âpres y
avoir remercie le Roi des
marquesde bienveillance dont il lui avoit
plude
l'honorer, ajoutaces
propresmots au
rapportde
M. de Thou,,Historien célèbre ôccontemporain:.
Quant à ceque
Votre Majesté defire de moi, pour
satisfairea fa volonté 3 (@r afin commandement yje
disque
d'Aramon étant arrivé ici lepremier jour
d'Août avec deuxgalères ^
unbrigantin 3 (^y osant
été requ filon fa qualité y il nous aexposé l Ordre
que
mous lui aviez donné à fin départ pour Constanti-
nople de nous voir enpassant, (§r de nous assurer
d?
votre bienveillance : far quoinous le
priâmesde
passes
enAfrique y @r de tâcher de détourner le Bâcha de
Tentreprise dufiege
deTripoli y s il ne ! avoit
pasen-~
core
ÏÏAN.©'OMETDES.
DE MALTE. Liv. XI. p.i
core commencé 3 ou en casquil
trouvât la "Place déja
assiégée y d'employerle
nomsirefpeBable de Votre Ma-
jeííé y. ffi fin proprecrédit y pour
Fengager
a lever le
fiege 3 qued'Aramon avoit
embrasséavec joye cette.
occasion de rendre service à l'Ordre- 3 maisque
le: Gé-
néral Turc ayant été inexorable à toutes fis prières y,
il revint icifansì en avoirpu
rien obtenir s ffi en té-
moignantdans U'Conseil public
de noweReligionTex*-
trême regret qu'ilavoit de la
pertede
Tripoli. Jî
nousassura qu'ilrriavòmrien
oublié de tout cequm
étoit. en fin pouvoir pournous donner la
satisfaction
quenous désirions de lui y comme en
ayanteu un com±
mandementiexprèsde Votre Majesté. Outre celay afinj
que chacunfiut la vraye cause de ce malheur y nous
avons fait fairede tòusycâtez^dés: informationr
: (d£*
apréstoute la
diligence quenous
avouspé y employer y
nous n'avons rien trouvéqui puiffe
donner fajet de
croireque'd'Aramon y> ah•contribuéy nh
quilait en
quelque firte quece fiit sollicité lareâdition de cette
î?lace. Au contraire nos Chevaliersprisonniers y à leur
retour y nous ontappris que
non feulement il est exempt
de tout blâme 3 maisquil
àobligé
noire Ordrepar
une infinité de bonso0ces>.. C'est pourquoi
le bruitquì
n, couru.au contraire"s a été répandu injustement y fa-
çonne toute farte de raison y{t$c,
» Cette Lettre dont j'ai unecopie, ajoute M;
» de T?hou à la fin de sonseptième Livre, fut de-
»puis envoyée par
le Roi à tous ses Ambassadeurs,
3*pour
lapublier
dans les Cours dès Prinees , ©u ils
»résidoiént, ce
quifit cesser les mauvais bruits
que
» lésImpériaux
avoientrépandu
contre l'honneur-
3» & la réputation des François. Toute la KJatiom
Tome Ut. $£±
îïAWD-'OMEDES».
'î$£HISTOIRE DE L'ORDRE
en. fut redevable au zèle ôc à l'habileté de Ville-
gagnon j & comme ce Chevalier ié servoit auífi-
bien de faplume que
de sonepéé,,
ilpublia dans
Malte ôc dans toutel'Europé
unexcellentMémoire^
quinous est resté, ôcoù il fait voir
quele Grand
Maîtreparson avarices son invincible
opiniâtretés
avoit diverti les secoursqui
auroientpû sauver
Tripoli^&l'on trouveraceMémoire adresséàrEm-
pereur Charles-Quinc dans se Livre des Preuves.
Pourmous - Jans prendre départidans une affai-
re si délicate, nous croyons quela trahison dé ce
renégatde Provence
quidécouvrit aux Turcs les
endroits foibles de la Place- quela rébellion des
soldats y îextrême peurdes deux Chevaliers
Espa-
gnols,& leur
intelligenceavec les mutins ; enfin
quela
tropfacile créance duGouverneur, Ôc len-
ïtêtement du Crand Maître à nepas jetter du se-
.«cours dans cette Place, furent causequ'on
enpré-
cipitala
capitulation , Ôcque
lesassiégez,
avant
quede faire une
pareilledémarche , n'attendirent
pas,à
l'exemplede leurs
prédécesseurs,une
plus
grandeextrémité. Le Maréchal
expia depuis par
«nelongue prisonTimprudenee
d'être sorti de ía
Place ; mais se Grand Maître, quicomme nous
le venons de voir, n'avoit fait arrêter les autres
accusezqueipour:n(avbir pû separer
seuricause de
la sienne , obtint; leurpardon,
si-tot xniilisepût:
& comme dansquelque
forme degouvernement
<juece soit, celui
qui disposedes
grâces& des
idignitez, dispose presque toujoursdes
suffrages,
/d'Omedespar
son crédit, engageala
plupartdes
£*raftds-Aôixqui comp'osoientk'Gonseilj.à con-
sentirqu'il
les mît en liberté.
tI>v£HlEDES.
DE MALTE. LIV. Xïi $%
Dans le teins que la Religion à Malte étoit le 3
plus agitée, parces difientions ôc ces troubles do-
mestiqiies,,Léon Strozzi Prieur de
Capoue,mé-
content dupremier
Ministre de France ,5 ayant
quittélà
chargede Général des
galères de cette:
r&ation ^s'étoit présenté devant leport
de Malte,,.
ôc eh avoit fait demander l'entrée au Grand Maî-
tre. Mais ce Prince àqui
tout cequi
v en oie de;;
Irance étoit suspect:,,la lui refusa avec
beaucoup-
de dureté :•& soitqu'il craignît que
le Prieur nê^
favorisât, leparti du Maréchal \ soit
parattache-
ment aux intérêts del'Empereur,.& par
ressenti-
ment de ceque
Strozzipeu
de temsauparavant^
avoit enlevé de la rade de Barcelone deuxgalères
<
&plu-sieurs
vaisseaux marchands,Jllui fit dire que:
í s'ilne.seretiroit ,,il feroit tirer-sor lui. Par des me-
naces si violentes ,„&si
peu ordinaires dans une
République,.lePrieur se trouva sons aucun azile
dans toute là Chrétienté & fans d'autre retraite
quela mer Ôc deux
galères.Ainsi en cas
qu'ilfût.-.
poursoivipardes Corsaires mieux armez
que lui,,,
ouqu'il fut surpris par quelque tempête,,il ne
pouvoit aborder dam lesporcs
delÉmpereur
fans <
s'exposerà être arrêté : il n'y avoit pas plus
de so-
retépour
lui dans ceux du É)uc de Florence ^en-
nemi mortel de tous lès Strozzi. Il n'auroitpas
été-
mieux reçu dans leport
de Gènes, ou Doria Ami-
raldelEmpereurcommandoit,Général sor;léqueli
se Prieur,. pendant qu'ilcommandoit lès
galèresi
de France, avoit remporté plusd'une fois differens M
avantages -, efpece d'outrage qu'on-voudroiti:se
gouvoircacher à soi mêrne5 niais
qu'onnoublíe-
""*"
S£íj:|
J EA"N-'D'ÔMÏOES*-
314 HISTOIRE DE L* G R D R E
gueres,ôc
qu'onne
pardonne jamais. 11 ne restoít
au Prieurpour
azileque
lesports
de Francequ'il
avoit servie avec autant de fidélitéquede
soccès-
mais c'étoit l'endroit del'Europe
ou ri auroit été
moins en soreté. L'envieinséparable
dç lagloire
lui avoit suscité pour ennemis toute la Maison de
Montmorency- le Connétable
premierMinistre
ôc favori dé Henri II. avoit íçu le rendresoípect
à ce Prince y ôc à son retour à Marseille de 1 ex-
peditionde Barcelone, il fut averti secrètement
qu'onse devoit arrêter,ôc que François xse Mont-
morencyfils aîné du Connétable , étoit attendu
pourlui succéder dans le Géneralat des
galères.
Pourprévenir
cette injure, le Prieur setoit em-
barquésor ía
galère : ôc suivi de celle de son frère
ayant à force de ramespassé par
dessus lá chaîne
duport,
ilgagna
la haute mer, d'oû se voyant en
fureté ilrenvoya
au Roi son étendard de Général:
ôcpar
une Lettreque
M. deThou nous a conservée^
il luimarquoit que
n'étantpas
né son sujet , le
seul désir d'acquérirde l'honneur îavoit
engagé
au service ,d'un sigrand
Prince j maisque pour
le
conserver, ôc même fa viequ'on menaçoit,
il avoit
été contraint d abandonner la France, ôc de se soufl
traire aux mauvais desseins *de ses ennemis j qui
«avoient pointtrouvé de moyen plus
furpour
1empêcher
de faire éclater son innocence, ôcpour
prévenirfa justification, que
de le faire assassiner,
ífe conjure donc Votre MajeBé parfitbonté naturelle,
ajoutoit-il,de me pardonner si fai quitté fis Etats
fans son agrément: & j'ose espérer que peut-être
un
jourvous me
regretterez, yiSife, quandles é<venemms
JEANÌJB-'OAÍ.EDES.
DE MALTE. LIV. XI.$if
de laguerre
vous donneront fajet decomparer
mes
services avec lesexploits
de ceuxqui
vontremplir
~
maplace. . .
II écrivitaprès
dans le même sens auxSeigneurs
-S/tròzzi ses frères : il leurmarquoit qu'il
étoitprès d
de rendrecompte
au Roi de fa conduitey quemê- 7
inepour
nepas préjudicier
à leur fortune, il ne
prendroit jamaisde
particontre la France : Ma dé-
Hiberation étant, dit-il, defaire
laguerre
auxInfi-
dèles pourle service de ma
Religion.C'étoit le
sujet
quilavoît conduit à Malte, d'oû étant
obligéde
s'éloigner parles ordres injustes du Grand Maître,
ôcquoique presque
sans vivres ôc fans munitions,
quenviron
vingt quintauxde biscuit, qu'un
Che-
valier Grand-Croix son amiparticulier
lui fournit
secrettémérit; ôc à linsçû d'Omedes, ilprit
lelarge
<ôc la route du Levant avec le Commandeur de
Martines, Chevalier Navarrois quine le voulut
jamais abandonner. Le Prieur le débarqua depuis
dans unport
de Sicile : & comme ce Commandeur
étoit sujet del'Empereur,
ôc connu de cePrince,
îl 1envoya
à sa Cour pourlui
représenter qu'ilavoit
quittéle service de France, &
que partantactuel-
lementpour
faire laguerre
aux Turcs ôc aux Infi-
dèles ennemis de Sa Majesté, il luiplût
lui accor-
derlapermission
depouvoir
relâcher dans sesports,
ôc y conduire lesprises qu'il feroit. Il continua
ensoite fa route, fans en tenir aucune certaine,
Ôc les vivres luimanquant
dans la fuite, il enprit
indifféremmentpar
force sor les vaisseaux Chré-
tiensqu'il rencontra, même fur ceux de son Ordre:
.mais aveclaprotestation que
la nécessité seuleVy
Ssiij
JE.A.MD'OMEDES.'
Mémoires
de Brantomti
Tome z*
3±£H I ST O IRE DE L OR DR E^ *.
réduisoit. Il faisoit faire un état exact de tout ce:
qu'ilprenoit,avec
là/promesse d'en;dédommager/
un jour lespropriétaires ,&: y^mideSDieufiulementy,
comme il le, disoit, pendanttoute la
campagneil
courut la Méditerranée, ôc fit desprises
fi consi-
dérables fur les Infidèles, qu'à son retour il se trou-
va en fonds deplus de cent mille écus :
passantse
lon£ des côtes de la Calabre il rencontra le Gom-
mandeur de Martinesquilui
avoitprocuré.un
sauf-
conduit fortample
del'Empereur -y ôc ce Prince si,
excellent Jugedu mérite, ôc si habile même à dé-
baucher les Généraux de ses ennemis, avoit char-
gé ce Commandeur d'offrir à son ami unepension,
de douze mille écus avec le commandement de
u galeres,&l'assurance de la
dignité d'Amiral après
la mort de Doria. Le Prieurqui ne se
pouvoit palier
de laprotection
de ce Prince, soitpour
trouver
um azile, dans sesports,
soitpour
rentier dans
Malte,,ne refufe-point absolument ceparti; mais
comme il. s'étoitengagé
envers ses frères toujours
attachez, aux intérêts de la France, de neporter
jamais ses armes contre cette nation,jl fit traîner
là. négociationde Martines: &.sor les nouvelles
quelé Viceroi de Sicile eut
queson Maître íou-
haitoit d attirer le Prieur à son service, il ordonna^
qu'ilfui reçu avec ses galèresdans tous ses
ports:
4el|íle ,ôc lui-même n'oublia à;ion égard nipré-,
sons ni aucunes de ces caressesque
lés courtisant
íça vent si bien faire, valoir^quandif s'âgitrde/íairer
réussir ses desseins de seùr Maître> Le Prieur y ré-?
pondit- avec une politeíset réciproque y mais fam:
p^umit,.. dit-il , >prendreaucun
engagememj^f^À:
JEAN«,'OMEDÏS.
TDE MALTE. LTV. XI. $if
ttequil
en eûtconféré
avec le Grand Maître (dr le
Conseil'de Vordre. Sousprétexte
deprésentir
leur Z.
dispositionil y envoya
un dé ses Officiersqu'il
avoitchargé
de fairepart à ses meilleurs amis de
son heureux retourípar
le mêmé Officier il fitpor^
itéra FAutel de^Nôtre^Damê de Phiserme un orne-
ment magnifique, qu^ílavoit fait faire à Messine,
ôc sorlequel, par
unreproche
indirect qu'il faisoit
au GrandíMaître de íàdureté, il avoit fait broder
eés mots dei'Evangile
de Saint Jean : Il est venu
iparmiles siens% ffi ils
nontjpointvoulule írecmt/éir*
Apres ayoir donné desmarques
de so dévotion,
il en donna d'autres de faprobité
: Ôc comme il
my avoit eu
qu'uneextrême nécessité
quileût
forcé àprendre
des vivres for les vaiíseaux Chré-
tiens^ il fitpublier
à son detrompe
dans toutes
les Villes maritimes desRoyaumes de
Naples&
de Sicile j quilavoit
déposeà Messine un fondcons-
idérable pour payerceux
àuíquelsen faiíant la
course il avoit été contraint denié verdes munitions,
il voulutqu'on
leur tîntcompte
des intérêts com-
me duprincipal
v: ce<qui
fut exécuté avec tant
'd exactitude, qu'il en remportala
réputationde
ai'être pasmoins
équitable& désintéressé
que grand
Capitainesdeux vertus
quiconcourent à former
ungrand homme, mais
quise trouvent rarement
réunies dans la mêmepersonne.
; ^
Le Grand Maître ayant apprisleretour du Prieur,
<ôc instruit des vues delEmpereur, pour
les faire
réussir yôc pour obligerle Prieur à s
engagerà son
service, témoigna publiquement quiln'étoit
pas
plus disposé quela
premièrefois à le recevoir
J'»'-M?.-..D'OMBÛBSÌ
3-ïé HISTOIRE D E L'ORD-RS
dans Malte. Mais les,amis de Strozziqui
étoient?
desplus considérables de l'Ordre,: lui mandèrent
qued'Omedes ne seroit
pasmaître de.luirefuser
une seconde fois l'entrée dupórt^Sur
lèurslettres
il sembarque
auífi tôt,, arrive à Malte,wse: mét
dans unesquif:
ôc íànspré
venir se Grand Maître
sor son retour, faute à terre, & escorté d'ungros
de Chevaliersque ladmiration de fa valeur avoit
attirez à fa rencontre, il monte au Palais; ^aborde
le Grand Maître avec cette noble confiance que
donne la vertu,- quoique toujoursavec le respect
quiétoit dû à sa
dignité,ôc lui dit
qu'ayant appris
queles Turcs menaçoient llíle d'une nouvelle in*-
vasionyil étoit venu lui offrir ses services, & se^.
son le devoir de fa professionse
joindreà ses Con-*
fièrespour
la défense commune de l'prdre. Le
Grand Maître dissimula sa surprise,ôc îe chagrin;
secret quelui caufoit sonarrivée. D'Omedes étoit
actuellement brouille avec tout le Conseilqui
se
plaignoit que parune avidité honteuse ôc sous
differens prétextes, ilsemparoit de. tous les biens
de laReligion. La
présence-d un Chevalier d'une
aussigrande considération.que
le Prieur de/Ca+
poue, pouvoit fortifier leparti
des mécontent;,
mais commelesprit
& la conduite de ia.Gour InU
periale régloic, celle du-Grand. Maître;,,Se qu'U'
n'ignoroit pas que l'Empereurvoùlòit-attirer le
Prieur à son service, il lereçût bien, lui;fit mê-
mebeaucoup
de caresses. Il le.pria
ensuitequand
•
il seroit reposé v de visiter toute l'Ifle,. d'exami-
ner ayec soiivle-s endroitsqui
auroient besoin
4etre fortifiez : ôc. on lui donnapour
assoyiez
Bompolt:
JEAND'OMEDES.
Í5E MALTE. Liv. XI. 32,9
Bombost Grand Baillid'Allemagne,
le Comman-
deur Louis de Laílic, Lieutenant duMaréchal, \
ôc Pedre Pardo, Ingénieur Espagnol.
Ces troisCommissaires, après
avoirparcouru
toute rifle ôc en avoir observé exactement les dif-
férentes situations, firent leurrapport
au Conseil,
&-ilsreprésentèrent que
leBourg,
résidence du
Couvent, quoiquefortifié
parleChâteau S.
Àngé,,
étoit vû ôc commandépar
le mont Saint Julien,.
espècede
languede terre, qui s'avançoit dans la
mer -, qu'ilfalloit de ce côté là fortifier le
Bourg
parde nouveaux
ouvrages,ôc construire sor ce
mont un Fortqui
en défendît sesapproches
aux
ennemis •que
leport
ou le Marza Muzet étoit
ouvert & fans défense, ôcque pour empêcher
les
flottes ennemies d'y entrer, on nepouvoit
se dis-
penserde bâtir une nouvelle Ville fur le mont
Sceberras, l'endroit de toute l'Ifle duplus
difficile
accès j qu'ilfaudroit même un jour y transférer le
Couvent, Ôcqu'en attendant, &
pourla fureté du
port Muzet, on nepouvoit trop
tôt élever sor la
pointede ce rocher un Fort
quien défendît l'en<-
trée : Ôc il conclut parexhorter le Grand Maître,,
ôc le Conseil à fortifier toutes ceslangues
de terre
plus longues que larges, qui parleurs intervales;
formoient autant deports,
&que
lafîgureìdes
doigtsde la main
représenteau naturel.
Le Conseil, aprèsavoir examiné avec
beaucoup5
d'attention leraport
des Commissaires ôc leprojet:
desouvrages qu'ils proposoient,
déterminad'y
faire travailler incessamment. Mais comme la Re-
ligionn'avoit
pas assez, de fondspour entreprend
dre en même-tems tant de travaux differens, ôc:
Tome lis.. TSL
JÏÀKD'ÓMIDÊSV
$yo HISTOIRE DE Ï/ORDRE
quela construction seule d'une nouvelle Ville au-
roitépuise
le thrésor 9 on se réduisit à fortifier par
de nouveaux bastions leBourg
du côtéqu'il
étoit
vû j d'y ajouterdes flancs Ôc des cazemates^ d'en
creuser & d'en élargirses fossez pour y
faire en-
trer 1 eau de la mér:& en attendantqu'on pût
édi-
fier une nouvelle Ville sor se mont Sceberras, on
convint paf rapportà
Timportatìce dé ceposte,
de commencer par ybâtir un Château avec qua-
trepetits
bastions ou boulevards, ôc de lesplacer
en sortequ'ils pussent
servir /en même tems a la
défense de la Ville qu'on désignoitde construire
un jour au même endroit.
Après quele Conseil se fut fixé à ces differens
.ouvrages,les trois Commissaires s'en
partagèrent
le soin. Le Grand Bailli sechargea
des fortifica-
tionsqu'onprojettoit d'ajouter au
Bourg -yle Prieur
de Capoue entrepritla conduite du Château
qu'on
devoit bâtir à la pointe du mont ou du rocher
Sceberras : & le Commandeur de Lastic fut choisi
pouravoir la direction de l'autre fort
qu'on pro-
jettoit de construire sor le mont Saint Julien.
Ces *rois Commiíîàirespar
uneégase
émula,-
tion, aprèsavoir fait venir de Sicile des maçons
Sc des ouvriers, faisoient travailler fans relâche
^chacun à leurentreprise.
Lespaysans
de llíle ser-
voient à remuer la terre , ou à charier ôc à eon-
fhiire les matériaux. Tous les Chevaliers , pour
presserle travail,serendoient assidûement aux at-
tcliers, Me íe relevoient tour à tour : & tous les
^differens ordres dé l'Etat, Chevaliers , bourgeois
Jkpaysans s'y portoient
avec tant d'ardeur, qu'en
moins de six mois lebourg
fut en état de nepas
; BE MALTE. LIV. Xî. \ -^
craindre unsiège,
&qu'on
vit élevé, ôcgarni
me- 3
me d'artillerie le Château duMontSceberras, ap-
-I
pellele
fortSaint Elme , en mémoire d'une des
toursqui
défendoit Tentrée duport de Rhodes ,
M qui portoitle même nom ; ôc à
Tégarddu fort
qu'onavoit construit sor le mont Saint Julien , il
JutappeMé le fort:
Saint MicheL
Nous nepouvons
nousdispenser au sujet de la
diligence quifut
apportéeà la construction de
cesouvrages,
de rendre ici la justice quiest die m
noble désintéressement de tous les Chevaliers de
ce tems-íà, tant de ceuxqui
étoient actuellement:
à Malte, & au Couvent, quedes Commandeurs
quien étoient
éloignez: tous
parune
généreuse
dexpropriation, ôc conforme à léurs veeux, por-
tèrent au trésor leurargent monnoyé.
ôc leur vais
sellé y.& lessimples
Chevaliersqui
n avoientpour
tout bienqu'une
chaîne d'or y espèce d'ornement
dont lesguerriers
separoient alors,,sen dépouil-
lèrent avecjoye pour
contribuer aupayement
des
ouvriers :exemple que
nous avons vu renaître de
nos jours, oû sor le bruit d'unpuissant armement
quon
publioit queseXurcdestinoit contre Malte,,
des Chevaliers^fans attendre la citation, yont
portéàuffi tot leurs
personnesôc leurs biens ;. ôC-
des vieillards infirmes, faitpasser
d'avance tous,
seurs effets ôc leurargenterie changée
enespèces*
d'or ôcd'argent.
On nepeut exprimer
la satisfaction ôc lajoye-
quetous les Chevaliers ôc les habitans de Malte
firent éclater a la vûé de ces forts , qui parla di-
ligencedes conducteurs de
l'ouvrage,íembîoiene:
Icre sortis commepar miracle de dessous terre,. ôc
T t rj-
JÈ A N-E'ÔM.EDEfe
554\, HISTOIRE DE L'ORDRE
mettoient toute liste à labri des incursions des
Infidèles. Le Grand Maître Ôc le Conseil en reçu-
xem degrandes louanges ; mais les
plus sincères
ôc la meilleure partietournèrent à l'honneur des
trois Commissaires, ôc sor-tout du Prieur de Ca-
poue , qui parfa
capacitédans l'art des fortifica-
tions , parson zèle ôc son
application continuelle,
avoit construit un fortqui
défendoit leport
Mu-
zet , ôcqu'on pouvoit regarder
comme laprin-
cipale clef de Malte. Dans la vivacité des íenti-
mens d'estime ôc de reconnoissaneeque
tout le
Couvent faisoit éclaterpour
cet illustre Prieur,
plusieurs Chevaliers desprincipaux de l'Ordre
pu-
blioient hautementqu'il
nemanquoit plus
à la
fureté de l'Ordre , quede l'en voir Grand Maî-
tre ; ôc comme d'Omedes étoit trèsâgé, tous
les voeux Ôc lessuffrages
se déclaroient d'avance
en fa faveur.
Le Grand Maîtren'apprit
ces bruitsqu'avec
unchagrin
secret : ôc comme si la vue de son suc-
cesseur eût dû avancer la fin de ses jours, souspré-
texte de s'intéresser à la fortune du Prieur, il em-
ploya toute sorte d'artificespour l'éloigner
de
Malte ôc de faprésence.
Il lui fit de vives instances
pourle déterminer à
passerau service de
l'Empe-
reur y mais le Prieur, qui aprèsles
Medecis, ne
haïssoitpersonne autant que Charles-Quint leur
protecteur , déclara nettement au Grand Maître
qu'ilétoit
incapablede tourner ses armes contre
la France, ôc contre un Roi auquelil avoit autre-
foisengagé
fa foi ; ôcque lesperance d'augmenter
sa fortune ne lui feroitjamais entreprendre
ce
qu'iln'avoit
pascrû devoir faire, quoique pressé
JEAN*'OME_D£S.
DE MA L TE. Liv. XI. 335
parle juste ressentiment
qu'ilconservoit contre les
Ministres de la France.
D'Omedes levoyant
déterminé à nepas quitter
Malte, ôc nepouvant l'y souffrir, pour l'éloigner
ôc s'en défaire sous un autreprétexte,
luiproposa
depasser sur les côtes
de.'•l'Afrique , ôc de con-
duire uneentreprise qu'il
avoit formée sor la Place
deZoare. Cette Ville autrefois connue sous le nom
de Poífidone, ôc faisantpartie
de la Province de
Tripoli,; est située du côté du Levant à treize milles
de l'Iste de Zerbi ou de Gelvés. La bonté de son
port yattirpit.cn çe tems Jaunegrande quantité
de marchands de différentes Nations y & cegrand
commerce avoir enrichi ses habitans. Des Maures;
esclaves à Malte , pourrecouvrer leur liberté ,
avoient déclaré au Grand Maîtreque
du côté des
terres, la Place n'étoitpoint
fortifiée j qu'àla fa-
veur d'uneefpece
de forêt depalmiers , qui
s'étendoitpresque jusques
fur le bord du fòíîe,
onpourroit
enapprocher
fans être découvert,
ôcque
les habitans ne faisantpoint
degarde
de ce côté-là, ils seroient aisément sorpris , &
la Villeemportée
avant qu'ilseussent
puse re-
connoître.
Le Grand Maître offrit au Prieur pourcet én^
îreprise un nombre suffisant de Chevaliers ôc de
soldats, & ces esclavespour guides. Strozzi, qui
neperdoit pas
de vue leíperancéde
parvenirà la
Grande Maîtrise, acceptaavec
joyeun
emploi qui
luiproeuroit
l'occasionde sesignaler
à la vue de
ses confrères. Il,fit aussitôt armer sesgalères,
&
jquelques brigantins quilui
appartenoient,ôc il
yfit entrer douze cens hommes de
guerre, parmi
Tt iij
I ,1» A H
D'OMEDES.
354HISTOIRE DE L' O R D R E
lesquels on comptoit plus de trois cens Chevaliers,
. des plus braves du Couvent, ôcqui
tous avoient
souhaittéavecempressement
depouvoir combat-
tre sous lesy eux; d'un Général si bon
Jugede la
_ valeur;; :.
; Cettepetite iffeté partit
duport
de Malte le six
dtAòût, & arrivaáuria côted'Afrique
lequatorze;
au soir. Par la soute despilotes
ondébarqua
beau-
coup plussoin
qu'onne lavoit
projette-y.ôc dans
un endroitéloigné
au moins de douze milles dé
iEoarë. Il solut marcherpendant
la nuit à travers
ses fabses:..:& desbosquets
depalmiers
dont en cet
endroit se pays étoit couvert.. Le Général, avant
que?de se mettre en chemin, partagea
sestroupes
en troié batailsonsiJ Le Commandeur de Guimerar*;
ancien Chevalier dont nòùs avons déja parlé,con*
duisoit lepremier,
ôc il étoit précédé parse Che-
valier de Strozzi neveu du Prieur, queson oncle
avoir mis à latête dequelques jeunes Chevaliers,
quivdanscette
expéditiontenoient lieu xl enfans
perdus.; Lecorps
entier des Chevaliers soivoit à;
quelquedistance ^ôc il étoit commandé
parle
Chevalier Parisot de la Valette. Lieutenant Ge-
nerall La marche étoit ferméepar lés
compagnies,
d'infanterieque
lés Chevaliers deRangif,
de Bis-"
base & de la Benante avoient sevées en Itafiepour
le service de laReligion
:. le Prieur s'en étoit ré-
servé leprineipaleomm comme du
corps
léplus nombreux, Ôc dont
parcette raison il
pour-
roit faire des détachemens, ôc lesenvoyer
au se-
cours des deuxpremiers corps , s'ils en avoiene
%esoinv L armée marchoit en cet ordre, ôcquel-
quesMaltoia habillez en Maures^ ôc
quien
par-
î ï AN»'GMEDES.
DE MALT.E.; Liv. XI.$$
Joiërítla langue, la précedoient, l'efpace dunmiíse
où deux,& s'avançoientdàns lépays pour enreconr-
noître ladisposition,
ôc si^entreprise
n'étoitpoint
^découverte. Tout leurparut tranquille , mais en
approchantde Zoare, ils
apperçurent sor lagau-
che des soux dans uneefpeçe
decamp rempli
de
rentes ôc depavillons,
Ôc dont lestroupes
fans
sentinellesparoiâoient ensevelies dans le sommeil.
On proposa auffi-tôt au Général de; les aller recon>
aioître & de lescharger ; mais on erui , conime
il étoit assez vrai semblable, quecé n'étoient
que
de ces Arabesqui campent presque toujours , la
plupart nuds & mal armez y ôc avec seíquelsìil n'y
avoitpas grand
e chose à gagner t §c d'ailleurs on
considéraqu'on
nepouvoit
lesattaquer
siprés de
•Zoare fansporter
l'alarme dans cette Ville, ôc en
éveiller tous les habitans. Ainsi d'un commun avis
on remit 1attaque
de cestroupes japrés -là-priso
de
jZoare : ôc poury reuífir,:leGeneral prdonn^àjsejs
Officiers ôc auxprincipaux Chefs, aprés qu'ils
fe^.
íoienr entrez dansla Ville y depousser droit jusqu'à
lagrande Place, où toutes les rués âboutilsoient^
de s'y fortifier, & fur-tout de nepoint souffrir que
le soldat se débandâtpour pilier, qu'on
ne fut maî-
tre de tous lespostes, où ses habitans
pourroient
se retrancher , ôcpour
sedédommager
enquelque
sorte de cette retenue forcée, ilpromit
deux écus
pour chaquetête
deMaurequ'on;lui. apporíeroit.
Apresces différentes
dispositions,larmée maL
gréles ténèbres de la nuit
quiduroit encore,-s'ai-
vanca: en bon ordre ôc avec ungrand silence, que
les Chrétiens trouvèrent encoreplus profondt
du
côté de la Ville, ni sentinelles, encore moins de
336 H r STOI'RE D E L' Ô R D R Ë
Corpsde
garde,& lés
portesde la Ville même
ouvertes.; Les Chrétiens yentrent fans
obstacle,
&après
avoir laissé au dehorsquelques compas
gniés pour en défendre l'entrée, oupouren
faciliter
lasortie, ilspénètrent jusques
dans lagrande Place,
se mettent en bataille, ôcparlé
bruit dés tambours
Ôc des trompettes éveillent les habitans. Pour lors
ses soldats serépandent
dans les rues 5 enfoncent
lesportes
des maisons, tuent tout cequi
se met en
défense, fontprisonniers
ceuxqu'ils
trouvent fans
armésj&le íabre àla main forcent le timide Bour-
geoisà livrer son or & son
argent j cesimpitoya^
pies guerriers jpòuren tirer de ceux mêmes
qui
Tien avoient point, les; garotent pourles vendre
comme esclaves,, ôc fans distinctiond'âge,
de sexe
ou de condition, on contraint à force decoups
déí vieillards, des femmes Ôc des enfans de s'avan-
cer vers le bord de la merpour
êtreembarquez
fuir lèsgalères
de laReligion ; tristes
représailles ,;
mais nécessairespour réprimer
la cruauté des In*
fidèles, & leurapprendre
en caspareil
à mieux,
traiter les Chrétiens.
On avoit déja assemblé dans lagrande
Place en*-
vironquinze
cens de cespersonnes, qui
les larmes
auxyeux déploroient
leur malheur, lorsqueheu*
reusémentpour
eux il leur vint du secoursqui
rompitleurs fers, avant
qu'ilsen eussentsenti toute
lapesanteur.
Le Commandeur de la Valette étoit
chargéde leur
embarquement-,un Maure de la
Ville, appelle Aly Benjioraayantentendu
pronon*
cér son nom,saborde avec
empressement,ôc
aprés
s'en être fait reconnoîtrepour
avoir servi sous lui
dansTripoli : Scave7^-yQusy Seigneur P lui dit-il tous
has »
JEAN'D'OMEDES.
DE M A L T E. L i v. XI. 337
bas, quevous
alle%être tous investis fg) taille^ en
piècesì &
pourlui soire connòître le
péril où il étoit
expose,il lui
apprit quece
quiavoit
paruau Gé-
néral des Chrétiens en vénant à ;Zoare uncamp
fvolant, ou une'cazal d'Arabes, étoit uncorps
de
quatremilse Turcs de Cavalerie, tous vieux íoldats
ôc exçelsens ArqnehusieTS/commandezparMorat
Aga Gouverneur} deTripoli\ que
cet Offiêser sor
dés ordres de la Porte, allant a l'Iíse de Celves ,
avoitcampé
dans lendroit où ils 1 avoient décou-
vert, & où la nuit Tayóit sorpris^ quedes habit
tans ayant échápè^aux Chrétiens étoient allez im-
plorerson secours, qu'il
leur avoit promis d'être à
Tapointe
du jour auxportes
de Zoare., Ôcquee'é-
toit à son Générai, ajóuta-t-il àprendre
ses mesor
respour
n'en êtrepas surpris.
Le Commandeurayant récompense
le Maure
de son avis, courut en fairepart au Prieur. Cê
Général, pour rappellerses soldats
auprès de lui>
fit aussitôt sonner lá retraite, mais se bruitque;
causoit le tumulte d'une Ville exposéeau
pillage^
les cris des femmes , ôc des fillesqu'on
arrachoit
toutes tremblantes des mains de leurs maris ou du
sein de leurs mères,tout cela
empêehoít qu'on
n'entendît lesignal
de la retraite, &petit-être que
le soldat avide de butin, pourne
pas quitterune
si douceoccupation, féignoit
même de ne lepas
entendre.
CependantMorat se doutant bien
qu'iltrou-
veroit les Chrétiensdispersez
dans les differens
quartiersde la Place, arrive aux Portes, que
les
Maltoispour
avoirpart
aupillage
avoient aban-
Tome 11L Vu
XE À *li'ÔMEÛÉS.
#£ HISTOIRE DE L'ORDRE
données : Uy
entre avec la même facilitéque
les
Chrétiens y avoient tróùvéé, chargeceux
qu'il
rencontre à sonpassagés
en tueplusieurs, répand
ùne terreurgénérale parmi
les Chrétiens, Ôt sons
quele Général de l'Ordre en
puttrouver un nom-
bre soffiíahtpour
lésopposer
aux Infidèles. Enfin
lé jour paroît,Ôc fait cdnnoître (listincTrement aux
Chevaliers l'énnemi Se sepéril/
Pour lors ion abarp-
donne sepillage ^ chacun cherche à se rdndré sous
ses enseignesde la
'Religionstout se rallie, maiis
par pejlòtons& selon lé
<juart|eroù ils se troú-
yoseht. Lesimple
Chevalier , fans avoir reçu ses
ordres du Général, ne leprend que
de son cou-
rage ytout combat, tout le monde est aux mains.
Les Maures sejoignent
aux Turcs ôc à leurs libé-
rateurs-, &: dans ce désordre & ce tumulte la.pfûì
partdes Prisonniers brisent seurs sors, Ôc la Valette
quien étoit
chargén'en
putconduire sor lés
ga-
lèresqu'environ
deux cens. Les Chevaliersquoi-
que séparezles uns des autres &
prenez parle nom-
Bresupérieur
des ennemis, ne laissentpas
de leur
résister dans ses differens endroits où ils serenjcon-
trent. Les uns fortifiezpar
la situation desrsostes
qu'ils oçeupoient /prétendentencore se mainte-
nir dans leurconquête y d'autres ne
songent qu'à
gagnerla mer & leurs
galères ; le Chevalier Sforce
entre autres, & le jeune Strozzi ôcplusieurs
autres
Chevaliers d'ungrand mérite, plutôt que
de se
rendre, combattirent jusqu'àla derniere goûte de
leur sang:& les Infidèles n'auroient
paseu l avan-
tagede voir des Chevaliers dans leurs fers, si
aprés
lé combat ils n eussent trouvé sor léchamp
de bá-
JEANJO'QMEPES..
DE MALTE. Liy. XL 33?
taille &parmi les morts les Chevaliers de Çhá-
brillan,Marsilly-& Bracamont,qui n'étoient qu'éya-
nouis, ôcqui
furentdepuis
rachetez.
Pendantque
le combat se m#ntenoit encore, le
Prieurqui avec une autre
troupe s'avançoit vers le
bord de; la, mer,averti dupéril que courait son neveu
revient sor ses pas& avance à son secours : mais
il trouva en arrivantquele
fort des armes; en avoit
décidésle désir si naturel de venger
fa mort, ôc
de lautre côtél'eípérance que
ses Turcs aboient
de défaire cette seconde troupe, ôc deréimporter
une victoirecomplette * ses- remet aux majins, La
partie s'engage avec une nouvelle fureur^ il so H|
départ& d'autre des prodiges de valeur. Les Çhrer
tiens ôc ses Turcs acharnez ses uns contre ses au^
tres ne donnent ni ne reçoivent dequartier, toûiç
combat, tout se mêse, chacunSsattache à l'enne*?
miqu'il
a en tête, ôc d'un combat;-généralil se
fait autant de combats particuliers qu'il y a? de sol?
dats dans chaque parti. Mais ses Tuícs à la finse
trouvanttrop preísez par
les Çheya%rs> àla fW
veur de leurs chevaux s'éloignent d'un bataillon
fi redoutable, rechargent seurs mouíquets^revienC
nent en bon ordre à bout portant $ ôc dans! une de
ces décharges,le Prieur qui
étoit à la tête dé fa
croupe, reçoitun
coupde
mousquet dans la cuisse
quile met hors de combat. Çommeses Turcs s'âr
vançoient pour lachever, cequi restoit dé Çheva?
liers Ôc de soldats lui sont, comme un rempart de
leurscorps. Ler (nommandguií Copier ; Toloni de;
Sainte Jaille, &Sotò-major;, font tue? enrepoufe
íant ses Infidèles., Ily-t
a* bsenj delapparence que'" ''
' ' '
Vuij
JEANMEDIS*
34:0H I S T0 I R E D E t'O R D R E
dans cet état on auroit bien eu de lapeine
àga-
rantir le Prieur de la fureur de ces barbares, s'il
ne s'étoit trouvéparmi
les Chevaliers unMajor-
quin appellçTorreillas d'une taille extraordinaire,
Ôc d'une force decorps sorprenante , qui prenant
son Général dans ses bras, le retire d'abord de la
tête du bataillon dans le centre -, ôc dç-là avec au-
tant dépeine que
depéril,
ôcmalgré
uriegrêle
decoups
demousquet qu'il
salut encore; éstuyer,
U gagnale bord dé la mer.
Ce Généreux Chevalierchargé
d'un fardeau en-
coreplus
honorablequ'embâraílant, y trouva .de.
nouveauxpérils. La mer en cet endroit étoit baise,
ôc des bancs de fable fort communs lelong
dé
cette côte, empêchòientles
plus petites chaloupes
de venir à bord. Toreillas ne laissepas
d'entrer
dans la mer, Ôc leaupresque toujours jusqu'à
lá
ceinture, ôc avec déspeines,
infinies , ilpasse
d'é-
cueil en écueil j de banc en banc ,*& gagne enfin
tin endroitplus profond
où 1esquif
de laCapitane
Vint leprendre
avec le Prieur;
- Dans tout autrecorps que
celui de Malte, la
7blessure &; la rétraite d un Général auroit
peut-être
ralenti secourage
des soldats y mais parmides Che-
valiers tous nez Généraux, s'il estpermis
deparler
ainsi, ôc fous animez du même courage,on fie les
vit sensiblesqu'à
lajòye
defçavoir
leur Général
en fureté : indifferens sor leurpropre perte,
il ne
leur restoitd'inquiétude que pour
letendart de la
Religion, Ôcpour empêcher qu'il
ne tombât entre
les mains dés Infidèles.
ke Chevalier de la Cassiére en étoit chargé-
TBÁN•'OMEUESÍ
DE MALTE. LIV, XI. 541
aprèsla retraite du Prieur, on délibéra sor le
parti
qu'il y #vbit àprendre,
ôc on convintqu'il
fak :
loit se tenir toujours serrez, & tâcher en com-
battants degagner
le bord de la mer. Dans ce
dessein ôh so remit en marche , toujours pour-
soivispar
les Turcs, qui sçachant queles
chaloupes
nepouvp|ent approcher
du bord de la mer, sar-
tendoientT>ién de tuer les moins diligens,ôc mê-
me tous ceux qui quoiquedans l'eáu, se trouvé-
roient àportée de leurs armes à feu.
Pendant cette marche souventinterrompue,
les Chrétiensapprochant
de la mer , rencontrè-
rent un rocherqui
étoit à la tête d'un défilé, ôc
dontpour prendre haleine, ils
semparerent aussi-
tôt. De cet endroit on voyoità découvert les
ga-
lères, ôc même leschaloupes qui
les attendoient.
11étoitquefBôiixlê
les pouvoir joindre : la Castìere
qui auroit sacrifié mille viesplutôt que de hazar-
dcr l'étendart de laReligion, représenta
auxplus
anciens Chevaliers, ques'ils se
portoienttous c'a-*
semble & encorps
au bord de la mer, les Infidèles
qu'ils avoient fur leurs talons, leschargeroient
avec plus de fureurque jamais ; que pendant que
les uns tâcheroient de se sauver dans l'eau, d'au-
tres seroient auxprises avecl'ennemi, ôc
quedans
ce désordre ôc cette confusion, on couroitrisque
deperdre
l'étendart de S. Jean; maisque pourpré-
venir un aussigrand malheur, il faloit
queles Cheva-
liers seuls restassent à fagarde,
Ôc fissent ferme dans
le défilépour
arrêter les Turcs -r pendant queles
blessez ôc les soldats defileroient insensiblement,
ôcgagneroient
les unsaprès
les autres les galères
Vuiij
Jï A KD'ÔMEBÏS.
34i HISTOIRE DE L ORDRE
& les vaisseaux de la Religion y ôcque quand ils
seroient débarassez de cette multitude incommode,
il -n étoitpas impossible qu'un petit nombre de
Chevaliers , Ôc dont laplupart fcavoient nager ,
en sedispersant, nechapanent les uns après
ses
autres àl'opiniâtre poursuite des Infidèles.
Ceprojet fut agréé
surtoutpar
les soldats , qui
les premiersen dévoient
profiter: & la Caffiere
leur montrant lesesquifs
& les chaloupés quine-
toientpas éloignées
: Sauvez-vous., seur dit-il, mes
amis•-, (jjfc mettes-vous en fureté pendant quemes ca-
marades -(g)i moi ayreterons ici nos ennemis :peut-être
ferons-nous 4jfe% heureux pour vous faivre de prèsz
mais fi nouspérissons y la
Religionà notre .défaut ne
laijfera pas fans récompensevos services (djr le cou-
ragedont vous vene^ de donner de si bonne s
preuses.
Ces soldatspartirent,
ôc en défilant ses uns après
les autres arrivèrent au bord de la mer , entrèrent
dans l'eau, ôcgagnèrent
les vaisseauxqui
les at^
tendoienc.
Les Turcs ne virent qu'avec une nouvelle fu-
reur qu'une partiede leur
proye leur éçhàpoit: ils
renouvellerent leurattaque, ôc tâchèrent de for-
cet 1 entrée du défilé.
Mais les Chevaliers toujours intrépides,&
l'epee
pu lapique
à la mainleur, présentoient un front
redoutable.L'Aga
à la tête de ía Cavalerie nepou-
vant les faire récuser, fait mettre pied,à terre à
ses Cavaliers, ôc le sobre à la main s'avance & so
jette dans le défilé. Les Turcs avec leurslarges
cimeterrescoupent
lelong
bois des piques,bri-
sent lesépées, ôc se flattent de venir bien-tôt à
JEAN
DE MALTE. LIV. XI. 345
bout de ce reste de Chevaliers, qu'ils croyent n'être
plusanimez
que parleur
désespoir.Mais ces in-
trépides guerriers, quoiquela
plupartn'eussent
plus pour toutes armesque
leurspoignards, se
prennent corpsà
corpsavec les Turcs , tuent ou
blessent tous ceuxqu'ils peuvent joindre, ôc se font
craindre ôc même admirerpar
ces barbares.
L'Aga persoadé qu'iln'en viendrôit à bout
que
parle feu de la mousqueterie,
fait remonter fa
cavalerie à cheval. Pendant ce mouvement Ver-
dalle adressant laparole
à la Caffiere : J$uefaisons*-
nous ici y lui dit-il,attendons-nous
queces Infidèles
nous tuent les unsaprès
les autres -, (§fr< qu'a notre
honte éternelle, VEnseignede la
Religiontombe entre
les mains de ces chiens ? Croyez-moi 3 mon cher frère,
nous touchonspresque
au bord de la mer s tâchons en
suivant les tracesque
notre illustre Général nous a
marquéesavec fin sang,
degagner afin exemple
nos
galères. L'eaUy comme vous /çave%y *Bbafie
: nous
pouvonstous ensemble y ^r en
faisant quelque effort y
arriver au bordy nousjetter dedans s & s'il fi trouve,
comme on le dit y entre les bancs de fable quelques
vanneauxplus profonds, tout ce
que nous sommes de
Chevaliers , nous vousporterons
tour et tour avec
ïEnseignede notre sainte Religion
: & fi unfiul de
nous lapeut sauver y que
la mort arriveaprès, quand
ilplaira
2 Dieu.
Le Commandeur de la Caffiere nevoyant point
d'autreparti
àprendre,
suivit ce conseil : il se met est
chemin avec sapetite troupe,
marche serré à l'ordi-
naire ôc àgrands pas. Al'aproche
du bordde la mer,
les Chevaliers seséparent,
sedispersent tout d'un
coup,ôc se
jettenten differens endroits dans l'eau. La
J E A HD'OMEDES.
344 HISTOIRE DE L'ORDRE
Caífiere soutenuparVerdalle,ôc par
d'autres Cheva-
liers y entre : ôc avec uncourage invincible, ôc au
traversdesmousquetades,
il tient toujours fa ban-
nière élevée, gagneles
chaloupes, y est reçu avec
des cris de joye ôc des acclamations : mais quel-
quesChevaliers , qui pour
faciliter faretraite,
avoient fait ferme au bord de la mer, périrent,
ôc furent tuezpar
le feu continuel des ennemis.
L'Ordreperdit
laplupart
des Chevaliers, ôc
des Frères servans d'armesqui
se trouveient dans
cette malheureuse expédition: ôc
parmiles
plus
distinguez,l'Histoire a conservé les noms de 'Bu-
puy Monbrún, Saint Marcel, d'Avanson, de Brian-
son, de Bonne, la Rochette, la Roche Montmor,
de la Motte, tous despremières
Maisons de la
Province deDauphine
: SaintSulpice, Puipatron ,
Gilbert, Brichanteau , BauvaisNangis,
Haran-
court, le Plestis-Riehelieu, de Gordes, Chevaliers
de laLangue
dé France, yfurent tuez : celle d'I-
taliey perdit
ses deuxValperges, Sforce, le jeune
Strozzi, Grimaldi ôc Justiniani : ôcl'Espagne,
Be-
renger, Sottomajor, Perez Pachieco, Montroy,
Touar ôc Barientos, quieurent le même sort. Nous
ne devonspas
oublier le ChevalierPoglieze
de la
Langue d'Italie, Ôcqui
en soutenant d'une main
l'étendart de laReligion, que portoitla Caffiere,
fut tué au bord de la mer d uncoup
demousquet
:
Chevalier d'une rarepieté,
ôc qui parson exem-
pleôc
partoute la conduite de sa vie, fit voir
que
lapratique
fidelle ôc constante desplus
austères
vertus, n'estpas incompatible avec la
plusrare
valeur.
Fin duonzième Livre. .
, JE AND'OMEDES.
DE MALTE. LIT. XII. 54s
LIVRE D OUZIEMEÍ
'
Tf J EÍ Prieur deCapoue ayant rassemblé ses vais.;
yy..j- seaux, mita la yoise, ôbàvee ses débris de ses
troupesrentra dans le
portde Malte,;Ses bsefluK)
resobligèrent
de leporter sor une planche jus-
qu'enson Hôtelí il étoit luivi de la
plupart de ses
Officiers quinetoient guëres en /meilseur état que
leur General Mais quoique?dans çetteinialheûr-
reuse expéditionôc
parles hazards inévitables à la
guerre,ileût
perduun
grandnombre dé Cheva-
liers, il néperdit
ni lagloire qu'il avoit aeqíúlseí
en d'autres occasions, ni la;réputation duíi sage)
ôc vaillantCapitaine
: Ôc le soldat comme l'Offi-
cier lui rendirent cette justice, quedans se déses
poirde
pouvoirvaincre cétte foule d'ennemis dont;
il avoit étésurpris
ôc environné, ôri né lavoir jamais?
vu donner ses ordres avecplus
desang froid, ô£
combattre en même-tems avec un courage plus
déterminé. Destémoignages
fi honorables, Ôc
scellez, pourainsi dire de son
sang,lui firent dé-
férerpour
la seconde fois le Géneralat desgalères.
Comme la mer étoit son élément, il n'eutpas
la
patienced'attendre que
sesplayes
suísent entière-
ment fermées y il serembarqua, ôc pendant
tout
lété courut la Méditerranée, ôcjusqu'aux
bouchés
du Nil.
: Il étoit la terreur de toutes ces mers -, aucun
vaisseau nofoit tenir devant son pavillon y les cor-
saires lesplus-braves Téyitoient avec soin. Il ne
Tome III. Xx
JEANÍÎ'OMEDBS.
pacyuesPozarti Vu
centin v. de
L'StrôiC(i.
íaiíïa pasd'en
prendre plusieurs qu'ilmit a la chas-'
1' ne y éc des Ëotés ehtierés" de marchands y malgré
leur eíc#rfce[cëiÉl^reâcè)îía puifïance-il les con-
duisit dans lesports
de laReligion,
& avec ces
p£Íse$^iLy^IXTe^kL'abo^^c^yIàluxe&ks
plaife.
<;Pemdantqt^ncelebroit
ìtMalteforiretomrayec
cette? joie iníéparaèteides heureux ífaçès ^il yarri-
va une nowvelteJtoutc autrement impartante poiii*
MrÂe^ £f fa-tbut pourles; Chevaliers pngloisw
tJíiîVMftau^íde^ette natiû® cotomandépar
kCaw
pitalwiH^^fcad^nentra: dans le
pòtt\écet Officier
avoit leicïiracìterë d'Envoyé de la Reine dlángle-
terré ^ îl e*at èn cettequalité
audience du Granit
Maîpe auqueiil
p-réíentaune lettre de la
partdé:
cette PMceìevqu;l luirnaiquoit que Dieu:l'ayant:
placéefor le tbrone de íes ancêtres , elle avoit re%'
íolupour
la déchargede ía conscience, de rendre
à ion Ordre toutes les* Gornmanderies M tous lesf
biens^lont lèa Rois Henri VIIL íom p ère, & Edouard;
VL Ion frères sctoient injustement emparez.Et
die finissoit fa lettrepar l'exhorter, & te Conseil
de laReligion
à envoycrinceííarament à Londres
quíelquesChevaliers; munis; de pouvoirs íufEíansi
pourles rétablir dans la
possessiondes Com mari*
deries, &: dans tous les endroits de leur Ordre.
Une nouvelle auííisurprenante
caufaibien de la
joieà Malte, ôc íur-tout
parmiles Chevaliers Att-
elois , qui regardoientcette heureuse révolution;
comme desprémices
du rétablissement de la véri-
table Religiondans leur Patrie. Mais
parmiune
nation aufïì jalouse de fa liberté, cette restitution
$es biens del'Eghfe
nc fe terminapas
fans de gran-:
J « A Nfi'ÔMEDES,
DE MALÎ Ë. LIV. JCÏÏ. .$47
des diffîcultez. Pouri'intelligence
d'une affaire de
cetteimportance , il faut se souvenir de ce
que
*
nous avons dit dans de Livre dixième des motifs íî
injustes quiavoìent
engagéHenri VHI. à
usurper
dans ses Etats les hknsdes Commanderies & des
Monast er e s. Etpeut-être que p©ur
mettre cepoint
d'histoire dans tout íon jour,il ne fera
pas inu-
tile derapporter ici sommairement les dernieres
actions de ce Prince, & cequi
íepaífa
enAngle^
terre à fa mortpendant
le courtrègne
du jetirie
Edouard'íon fils, & le commencement de celui de
la Reine Marie sa fille aînée. Henri sentantappro-
cher sa fin, régladéciíì vement ïordre de sa suc-
ceííîon, qui parrinconstance de ses
mariages avoit
souvent varié.Depuis
íaséparation
avèc Catherine
d'Arragonsa première femme, il en avoitépousé
cinq autres, dont laplupart
n'étoient sorties de son
lit ôc du thrôneque par
une mort violente ou un
divorce forcé.
Cettepolygamie
successivepouvoit
troubler
l'Etataprès
fa mort, & faire naître desguerres
ci-
viles entre íès ehfans. Le Parlement, la toi vivante
&suprême
de cette nation, lui laissa'la liberté de
régleriè
rangde ses héritiers. En vertu de est
acte,
&quelque
tems avant fa mort il avoit reconnu
pourson successeur le Prince Edouard à
peine âgé
de neuf ans & demi^ & issu de Jeanne deSeïmours
fa troisième femme: &pour
soutenir toujours aux
yeuxdu
publicla
répudiationde Catherine d'Ar-
ragon,il avoit déclaré bâtarde la Princesse Marie
fa fille aînée, quoiqu^avantson divorce il l'eût re-
connuepour
Princesse de Galles, titre affecté aux
Xxij
èm\À,S ;
348H I S T 01R E DEL' O R D R E
héritier^ présomptifs de la Couronne. La Princesse
- Elisabeth fille d'Anne de Bpulein la seconde de ses
femmes, succéda à ía soeur dans cegrand titre,
quelle perdità son tour
aprèsle
supplicede sa
mère. Le Roi leur père pour gratifiersa troisième
femme, avoit faitpasser dans le Parlement un acte
solemnel qui lesprivoit l'une & l'autre de la succès.
sion à la Couronne :peu
de jours avant fa mort il les
, rétablit dans leurs droits, & il les reconnutjfsour íçs
héritiereSjsi lePrinceEdouart mouroicfans postérité.
Ces deux Princesses étoient aussiopposées par
leur caractère, que par les intérêts differens de leur
naissance. L'aînée élevéepar
une mèreEspagnole,
& sortie de son côté des Roisd'Arragon
& de Cal-
tille , étoit naturellement fìere & hautaine, zélée
Catholique parson éducation, dévote
par tempé-
rament, & d'ailleurs attachéepar
son intérêt au
SaintSiège,
dont l'autorité avoitlégitimé
le maria-
gede la Reine fa mère.
Comme lesprétentions
d'Elizabeth tomboient
parla validité de cette
dispense,des Protestans
cachez, créatures de fa mère , l'avoient élevée
dans ungrand éloignement
& uneespèce
de
mépris pourla
puissancedes Clefs. Cétoit la
partiela
plusessentielle de fa
Religion,d'ailleurs
assez indifférente fur lesdogmes,
d'ungénie souple
& aisé, qui prenoitfacilement toute sorte de for-
mes , fiere ou caressante selonqu'il
convenoit à ses
intérêtsj & àpeine âgée
de treize ans,onvoyoit
déja comme une ombre de cette habileté quifut
depuis l'admiration detouteTEurope.
Le Roi son
pèrefinit malheureusement ses jours
dans le fchis-
! E A ND'OMEÍVIS.
DE MALTE. LIV. XII. J49
me, dont il étoit auteur, égalementennemi du Saint
Siège & des Protestans^ & ce Prince, qui par une v.
entreprisetéméraire avoit voulu se mêler de réfor-
mer laReligion,
mourut dans une cruelle incer- «
titude de la véritable.
Sa niort excita de nouveaux troubles dans l'An-
gleterre : les véritablesCatholiques soupiroient
après l'extinction du schisme j mais ce n'étoitpas
leparti
leplus puissant. Une foule de Protestans
qui jusqu'alorsavoient été retenus par
la crainte
dessopplices, levèrent le
masque,& inondèrent
laCour, la
Capitale& les Provinces. Plusieurs
Evêquesmême se déclarèrent ouvertement en fa-
veur de l'heresie j & afinque
son établissement fût
durable, on élevoit le jeune Roi dans lesprinci-
pesdes Sacramentaires. Le
Regent,ses
Précep-
teurs & les Officiers de fa maison ne luiparloient
desplus
saints de nos Mystères, quecomme d'une
idolâtrie.
Ce Prince nereípiroit, pour
ainsi dire, qu'un
airempoisonné
: onprévint
& on séduisit sa raison
dans unâge auquel
il ne pouvoitencore faire un
juste discernement. Il embrassa la doctrine des Pro-
testans, qu'onlui
représcntoitcontinuellement
commeplus
conforme àl'Evangile-,
& il eut le mal-
heur d'errer avec cetteconfíance,que
la vérité seule
de vroitinspirer.
Le Parlementpar
de nouvelles loix autorisa
cechangement
: la Messe fut abolie, lesImages
enlevées desTemples,
les Livres saints traduits
d'une manière infidèle, &qui
favorisoit lesopi-
nions dominantes. Le Service divin fut célébré en
Xxiij
JEAND'OMEDES.
350HI.STO IRE DE L'ORDR E
langue vulgaire,le
mariage permisau Cler
gé;&
cequi
étoit deplus important pour
f avide cour-
tisan , cequi
restoit de biens dansrEglise devint
la proyede
gens quifaisoient consister toute leur
re'lgionà ruiner la
Religionrnême.
C'est ainsique rAngleterre
seprécipita
du schif
me dans l'heresie : cequi
restoitd'Evêques ortho-
doxes dans leRoyaume,
firent des effortsimpuis-
íanspour inípirer
auxpeuples
de lejurs Qioceses
une juste horreur de ces nouveautez. LeClergé
étoitméprise ; le schisme avoit
rompucette union
íì nécessaire avec le Saint Siège,le centre de la
Religion*Ce n'est
pas qu'ence terns_là
l'Angle-
terre, parmises
Evêquesne
comptâtdes hommes
sçavans6c de moeurs
irréprochables. Maisquoi-
que opposezà 4'heresie, soit
pour parvenir à l'E-
piseopatjou
pourobtenir d'autres Bénéfices , ils
avoient eu la foibleáe de souscrire à laprétendue
primautéde Henri VIII. Quelques-uns même con-
tre leurspropres
lumières avoient été assez lâches
pourécrire en faveur du schiírne de ce Prince. Ce
fut en vainqu'après
fa mort ils tentèrent des'op-
poserau
progrès quefaisoit l'heresie : on leur fit
un crime de leur zèle, ils se virentexposez à la
rigueurdes ordonnances du Parlement. Ce fut
même unprétexte pour
lesdépouiller
de leurs ri-
ches Bénéfices : les uns furentdéposez,
on en em-
prisonna d'autres, & tousexpièrent par
une lon-
gue perseeution, la faute de s'êtreséparez par com-
plaisance pourla Cour de l'unité de
rEglise,
La mort du jeune Roi arrivée le six de Juillet,
produisiten
Angleterrede nouvelles révolutions,
JlE A N
-»'OMEDES.
DE MALTE. LIV. XII. $JI
Ge Royaume étoit alorsgouverné par
le Duc de
Nort-Humberland, Regentou
premier Ministre,
Seigneur plein d'ambition, &qui pour faire ré-
gnerson fils en la
placede son maître , lui avoit
fâitépouser Jeanne Gray, fille du Duc de Sursoie,
&c issue de Maried'Angleterre,
íceur de Henri
VIII. Pourapprocher
cette jeune Dame du
thrône, peu de jours avant la mort du Roi Edouards
sousprétexte que
les deux Princesses étoient nées
demariages équivoques,
il lui avoitsuggéré
un
testamentqui
faisoit revivre leur exlieredation.
Ge testament, à leur préjudice, appellòit Jeanne
Gray à ía Couronne. En vertu de cet acteauquel
on avoit mis legrand
Sceau , cette jeune Dame
avoit été proclamée Reine d'Angleterre.Mais
quoiqueMarie fût reconnue
pour Catholiquetrès
zélée, les Provinces & laCapitale ensuite , détes-
tant cetteusurpation,
se déclarèrent en faveur de
cette Princesse avec tant d'ardeur & de zèle, que
sans combattre & fansrépandre
desang,
elle se
vit enpeu
de jours maîtresse du Royaume, & mê-
me de lapersonne
de ses ennemis.
La Providence divineTayant
conduite comme
par la main fur le thrône, ses premierssoins furent
de lui enmarquer
fa reconnoissancepar
le réta-
blissement de la véritableReligion,
&par
la réu-
nion de ses Etats dans le sein del'Eglise.
Pour
l'exécution d'un auíïìgrand dessein,
il faloit faire
casser tous les actes des Parlemensprécedens, qui
avoient autorisé le divorce de Henri VIII. son
schisme, &depuis
sa mort, rétablissement de l'he-
resie.L'entreprise
n'étoitpas
fans degrandes
diffi-
TEAND'OMEDÏS.
351 HISTOIRE DE L'ORDRE
cuisez^ lesEvêques nouveaux, si on
peutdonner
ce nom à des intrus, lesMylords
& les Grands de
l'Etat faisoient laplupart
uneprofession
ouverte
desopinions
nouvelles -, & ceuxqui
n'étoientpas
infectez de lrieresie, adheroient au schisme, &
ne vouloientpas entendre
parlerde se remettre
sous l'autorité du SaintSiège.
Les Ministres de la
Reine lui firentenvisager que pour
faire réussir
dauss]grands projets,
elle avoit besoin d'être foute-
nuepar
un maripuissant & autorise, & fur-tout
quifût zélé
Catholique.
Oncomptoit parmi
lesprétendans plusieurs
Princes ouSeigneurs Anglois
&étrangers.
Phi-
lippe d'Autriche, jeune Prince, filsunique
de l'Em-
pereur Charles-Quint, étoit fur lesrangs,
& Tar-
gentde
FEmpereurson père avoit mis dans ses in-
térêts , lesprincipaux
Ministres de la Reine. La
plupartdes
Catholiques Angloissouhaitcoient
que
le choix de la Reine tombât fur le Cardinal Polus
ou de la Poole, quin'étoit
que Diacre, ou fur le
jeune Courtenay son cousin. Polus defçendoit par
fa mère duDuc de Clarence,frere d'Edouard IV. &
layeule deCourtenay
étoit fille du mêmeEdoúard
& soeur de la mère de Henri VIII.
On réveroit lasagesse
du CardinalAnglois i; une
vie fansreproche, fascience, sa
capacité& sa
pru-
dence. Courtenay sedistinguoit par
lesagréemens
de fapersonne ; la Reine íe sentoit entraîner
par
unpenchantsecret que
ce jeune Seigneur inspiroit
sans art & fans dessein auxpersonnes
lesplus
in-
différentes. Il avoit un air si noble & tant degrâ-
ces dans ses manières, quecette Princesse toute
austère
,3 ? A N»'OMEDES.
DE MALTE. Liv. XII. ^
austère quille étoit, nepouvoit s'empêcher
de lé
regarder avec unplaisir
secret. Saprésence seule
essaçoit en un instant tous les raisonnemenspoli-
tiquesde ses Ministres
quis'étoient déclarez en
faveur du fils del'Empereur.
Et il est certainque
dans lespremiers mouvemens d'une inclination
naissante , cette Princesse auroitpréféré Courtenay
ausage
Polus , & même àPhilippe d'Autriche, si
ce jeune Seigneur parfa
dissipation&
rirrégularité
de fa conduite, n eutpas
lui-même ruiné de si fa-
vorablesdépositions.
Ils'apperçut
du foibleque
la Reine avoitpour lui, & il fut assez hardi
pour
laisser voirqu'il l'appercevoit
fans y répondre -y&
au lieu de faire fa cour astìduement à cette Prin-
cesse, ilpassoit
des jours entiers avec des femmes
perdues,& dans des
plaisirsfaciles & honteux.
A une vie si dissipée,succéda son attachement
pourla Princesse Elizabeth : il en devint
éperdue-
ment amoureux, & il l'aimoit avec tonte Tardeur
Ôc la bonne foi d'un jeune hommequi
aimepour
lapremière
fois. Plusieurs ont cruqu'il en étoit
aimé, quoiquela fuite ait fait voir
queles senti-
mens de cette habile Princesse n'étoientpas
tant
de ramourqu'un
intérêt d'ambitionqu'elle
con-
duisoit avec art, &pour
se faire despartisans
&
des créatures. Peut-être mêmequ'un
motif de
vanité si ordinaire dans lespersonnes
de sonâge,,
& leplaisir
secret d'enleverjusques
fur le thrône
un amant à ía soeur, lui fît recevoir avecplus
de
complaiíanceles voeux d'un jeune Seigneur auquel
il sembloitque par
émulation toutes les femmes
de la Cour cherchassent àplaire. Quoi qu'il
en>
Tome I1L Yy
JEAND'OMHDES.
#4 HI &t O IR E D E l'ÛRDRE
soit, lahaison deCourtenay
avec la Princesse de-
vint bien- tôtpublique
: ili sacrifia la Reine avec
autantdlmprudence que
darnour. Cette Prin-
cesse fut assez foiblépour
sentir cettepréférence
avec une jaloufce indignede son
âge& de son
rang ; &cquoiqueíàns
agrémens,,& même
plus>
âgéede dix-neuf ans
qu'Elisabeth , elleregarda
comme uneinjustice laípréference que
lui donnoit
Courtenay..'
Antoine, Seigneurde Noailles résidoit alors au-
prèsde lia Reine en
qualité d'Ambassadeur deHenri
II. & il avoit succédé dans cetemploi
à Claude
de Laval de Bois-Daufin de la Maison de Mont-
morencyson cousin.. Ce Ministre
pénétrala dis-
grâcede
Courtenayavant niême
qu'ils'en
ap^
perçut.Il ìxoublia rien
ípourl'éclairer sor ses vé-
ritables intérêts i mais il avoit affaire à un jeune
hommequi
n'en connoiííoit pointd'autres
que
ceuíx de son amour. Le feu &l'emportement
de
fapastìon
lui cachoit l'éclat d'une Couronne ; &
tantqu'il
futagité
de cettephrénésie,
il auroit
préférék
possessiond'Elisabeth à tous les thrones
de la Chrétienté.;
Il étoit assez indisserent pourla France
quela
la Reinel'épouíat
ou Polus : l'interêt de Henri II,
consistoituniquement
à traverser lemariage
de
cette Princesse avec le fils deTEmpereur.
Son Am-
bassadeurreprésentoit
continuellement auxprin-
cipaux Seigneurs Anglois, que parcette alliance,
ilss'exposoient
à voir leur Royaumedevenir Pro-
vinced'Espagne, rinquisition s'y
établir ensuite,
& les assembléesduParlement abolies ou du moins
TíAKf
D'OMËDES.
D ÍE MAIT E. LIV. XI í. 35$
suspendues, &dégénérer
à la Ën enpure
céré-
monie. LesAnglois,
ôc fur- tout les Protestans -
sentoient bien tout cequ'ils
avoient à craindre de
cette alliance. La Reine reçut à cesujet plusieurs
adresses & disserentesrequêtes
: ily eut 'même
quelquesoulèvement dans les Provinces ; mais
Targentde
TEmpereur& Thabileté des Ministres
de la Reine sor montèrent tousees obstacles. Cettè
Princesse épousa Philipped'Autriche : un
-point
important manquoità la íàtisfaerion de
l'Ërnpe-
reur. Ce n'étoitpas
assezque
le Prince son fíîs
eûtépousé
la Reine, il saloir encore en faire un
Roi d'Angleterre,&
qu'ilfut couronné en cette
qualité.Cette cérémonie si essentielle
pourl'au-
torité souverainedépendoit
du Parlement : mais
il n'étoitpas
aise dedisposer
de cesgrandes
assem-
blées où la liberté & Tínterêt de la Nation triom-
phentsou vent de la
majesté du Souverain. Ceuxqui
avoient faitparoître
leplus d'éloignement pour
lemariage
de la Reine -, & ceux mêmequi par
complaisance lavosent favorisé , jaloux de la li-
berté de la Nation, se réunirent en cette occasion.
L'Ambassadeur de France , du fond de son Palais
conduisoit tous les mouvemens de ce parti.Pen-
dantque
toute la Cour étoitEspagnole,
il avoit
sçu rendre le Parlement François. Et paríes soins
éc son habileté , Philippe,fans
pouvoir parvenir
au titre de Roid'Angleterre , fut réduit à la seule
qualitéde mari d'une Reine bien
plus âgée que
lui, & fans aucunsagrémens.
Cette Princesse ne
laissapas
de tirer desavantages
considérables de
cette alliance. Lapart qu'un Prince aussi
puissant
Yy ij
,7* A NB'OMEBES.
1 5 5 4-
25 Juillet.
$56 HiST QIRE DE MORDRE
& aussi redoutable que TEmpereur pritdans les
affaires dugouvernement, facilita l'exécution de
tous les desseins de la Reine; du consentement du
Parlement l'heresie futprofcrite,& le culte de la
véritableReligion
rétabli, Polus revêtu deladL
gnitéôc des pouvoirs
deLégat du Pape Iules III.
éteignit depuis le schisme : mais fans oserexiger
nipénitence,
ni restitution des biens Ecelésiastù
que?, jl salut d'abordpardonner
fans condition,
des fautes qu'il eût étédangereux
de vouloir"puú
nir. Qn se contenta des fíeres satisfactions des An-,
glois, qui reçurent les grâcesdu Saint Siège
avec
une indisserencequi
faisoit voirque
lecorps
de
la Nation ne les avoitpas recherchées.
On remit à des conjonctures plusfavorables le
projetd'arracher des mains des Protestans tous
ces grands biens de rEglisedont ils s etoient em-
parez,La Reine
parle conseil de Polus, & pour
donnerrexeniple
à ses sujets d'unepareille
restL
•ration, déclaraque
fa conscience ne luipermettoit
pasde retenir plus long-tems
les biens del'Eglise
quele feu Roi son
père avoit réunis à son Domai-
ne r elle s'endépouilla
fur lechamp, & les remit à
leurs titulaires. Ce fut le sujet duvoyage que
fit
à Malte leCapitaine
Hosmadan. On jugera sans
peine combien tout l'Qrdre , & fur tout les Che-
valiers Anglois furent sensibles aune nouvelle aussi
agréable.Le Grand Maître & le Conseil en écri-
virent à la Reine pourla remercier de la justice
quellerendoit à leur
Religion ; & le Comman-
deur de Monferrat fut envoyé enAngleterre pour
travailler à cettegrande
aìraire de concert aveç
JE ANP'QM.EJJES,
DE MALTE. LIV. XH* 357
les Ministres. L'Ordre à l'arrivée du Commandeur ,
rentra fanspeine
dans ses biens, & ce Chevalier
autorisépar
le Grand Maître &; le Conseil, pour
marquerleur reconnoissance à la Reine, conféra
lé Prieuré de Saint Jean, avec le titre de Grand-
Croix, au Chevalier Richard Seeley,un des Sei-
gneurs Anglois quiétoit le mieux dans l'eíprit
de
cette Princesse, &qui avoit eu
beaucoup départ
dans cettenégociation. Jacques Seeley
son frère
à fa considération obtint une autre Commanderie.
On donna celle deMunigton
au Chevalier Olivier
Starqueï, pourhonorer en sa
personneles sciences
& les belles lettres où il avoit fait degrands pro-
grès } & à la recommandation del'Empereur,
dont
l'àutoritédepuis
lemariage
de son fils influoit
beaucoupdans les Conseils, on conféra le titre
<le Bailli del'Aigle,
au Commandeur Fulster, ce
Majorquinde la
Langue d'Arragon,dont nous
avonsparlé
dans le Livreprécédent
au sujet de
laperte
deTripoli,
& duprocès qui
fut intenté
au Commandeur Vallier Grand Maréchal de
l'Ordre.
Le Grand Maître d'Omedes ne vitpoint
l'en- 6
tiere consommation de cettegrande
assaire. Il
étoit mort dès le commencement deSeptembre
de l'annéeprécédente
:Seigneur qui
ausiège
de
Rhodes avoit faitpreuve
de fa valeur ; d'ailleurs
pieux,&
quiaffectoit un
grandair de réforme &
de dévotion, maisimpérieux, vindicatif, avare,
&qui pour
enrichir fa famille, ruina laReligion
parla disposition qu'il
avoit faite de son vivant
en fraude de la loi, & contre les Statuts de Ì'Or>
Yyiij
TEAMD'OMEDES.
I
I
»
s
/
a
""6. Septcmb.
il1553,
358 Hl ST o m E DE L'OIDIE
dre. Sadépouille
fut réduite à íîpeu
de chose,
que plusieursChevaliers
indignezde voir
qu'il eût
détourné lesprincipaux
efíets de fa succession en
faveur de ses neveux, proposèrentde leur laisser
le soin de ses funérailles ^ mais lesSeigneurs
du
Conseil rejet ter ent cetteproposition comme in-
dignede la
générosité&c de la
grandeurde 1 Or-
dre. Sesobsequesise
firent a l'ordinatre auxdépens
de laReligion,
& avec lamagnificence plus
con-
venable à íadignité qu'au
mérite de iapersonne.
Peu de jours aprèsson décès on assembla k Cha-
pitre pourlui donner un successeur. Le Prieur de
Capoue paroissoitavoir la meilleure
partdans cette
élection. C'étoitdepuis long-tems l'objet de ses
désirs-, &pour y parvenir,
il avoitgagné plusieurs
des Electeurs. Sespartisans
étant renfermez dans le
Conclave, firent valoir son courage,fa
valeur & son
expériencedans le commandement des armes.
MaisVagionou
GagnonGrand^Conservateury&un
desPrincipaux
Electeursprenant
laparole
: Si dans
le choixque
noussommesoblige^
defaire , dit-il aux
Commissaires, ilri étoitquestion que
délire ungrand
Capitaine, je ne croispas que
nouspussions
avec jus-
ticerefuser
nossuffrages
au Prieur deCapoue j mais
il sagit aujourd'hui de donner a tout l Ordre non-
feulement unChef plein
de valeur, mais encore unpère
commun Jans espritde
part
inégalement attentif2con-
servera la
Religionla bienveillance de tous les Prin-
ces Chrétiens, ffi quiévite
fur-toutavec
grand foin
dembaraffert Ordre dans leurs
différends ; ^) ceft
ceque je n ose espérer
du Trieur deCapoue.
Vous
/çavejr, ajouta-t-il, fa passion pourla liberté de fa
JE A aD'ÔMEDBS.
DE MALTE. LIV. XIÍ. 3^9
'patrie y ^ dontPhilippe Stro^i fin père
a été la
premièreviBime j. fi nous le mutons a notre tête y
-
(^ quil fi vqyemaître de nos
vaisseaux fg) de nos
galères, qui doute, quoique fous d autres,prétextes,
quilne tourne toutes les forces de la
Religioncontre
lés Medicis t (dp que pour vengerla mort de fin père y
il nattaque
leurs flottes, (djr quilne
porte même le
fer. (g)le
feule longdes cotes de la Toscane. Etpour-
lors lEmpereur qui regarde
lafortune (dfr ï élévation
des Medicis comme fin ouvrage,ne
manquera pasde
nous rendreresponsables des
entreprisesdu Grand
Maître. Cofme lui-même lechef
de cette Maison grin-
ce st habile, pour fi venger ffi pour faire diverfion,
fiaurabien nous susciter des ennemis
parmiles Poten^
tats d'Italiefis ailiers & qui fiait st ce nouveau
Souverain, qui passe pourle
plus grand politiquede
son stecle y (§r quia des relations €2? des
intelligen-
cesjufqu
aConstantinople ^ ri attirera
pasles armes
du Grand Seigneurcontre Malte l Et st une
foisnous
nous rendonsfufpeMs ffi odieux a l
Empereurmaître
des Royaumes deNaples (ëfr' de Sicile, d?oà
pourons-,
nous, fi nous sommes ^fstége^ espérerdu secours con*?
tre les Infidèles?
Ce discours quel'amour seul & un sincère at-
tachementpour
le bien de l'Ordre avoitinspiré
à
cet Electeur, fitbeaucoup d'impression
sur1'eíprit
des autres Commissaires. Les Commandeurs Paf-
catore & Bernardin Parpaille appuyèrentforte^
ment ces réflexions ; ceux mêmequi
avoientpris
desengagemens
secrets avec le Prieur deCapoue,
&qui
s'étoient déclarez d'abord en fa faveur,
revinrent à lavis du Conservateur : tous s'exhor-
TE AND'OMÎDEJ,
360 HlSTQlR E D E I'OR D R E
tètent,mutuellement, &c convinrent dans le choix
qu'ilsalloient faire, de n'avoir
égard quau bien
seul de laReligion ,• ôc
après s'être affermis dans,
une résolution sslouable, ils élurent d'une com-
mune voixpour
Grand Maître FRÈRE CLAUDE
DE.LA SANGLE, Chevalier de laLangue
de France,
&. GrandHospitalier,
lis .firent ce choix en son
absence., & pendant qu'ilrésidoit actuellement à
Ifcbmeâûprès
duPape
enqualité
d'Ambassadeur
de l'Ordre :preuve que
dans cette élection iln'y
ëntraVni cabale,ni espritde
parti,6c
queles.Com-
miíûíresji'y furentdéterminez-que par
des prin-
ícip^de justice* ? ê^par les~mGuyertïens-de,leuf conV
science., ta nouvelle de .son élection ne futpas
plutôt sçûe, à Rome, quele Gouverneur du Cha-
.re^ít Saint Ange paròrdre
exprèsdu
Papel'annon-
ç^frarunë
décharge-detaute fon-artilserie. Ce fut
co&ine une-fêtepublique
dans cette Capitalede
Ìa> Chrétienté : laplupart desCardin'aux,,- les/Ant-
bassadenrs,, lesprincipaux Prelats^exh. Cour-, &
lè3,Ëa^hyde/Rdmevisitèrent", én cérémonie lè.
nouytëaM, .Grand. Maître; LePapeTcrivoya
féliciter,
su^-fá nouvelle dignité par son Maître de Cham-,
bre y &quand
il fut au Palaispour
luiprêter
le
serinent ordinaire d obéissance, ce Pontife le ût
dîner.ensuite à sa table & enpublic,
& n'oublia-
aucun des honneursqui
étaient dûs à son mérite
& à sàdignité.
, . .
Le Grand Maître ne futpas plutôt débarassé
du cérémonial, & des visitesqu'il
avoit étéobligé
de rendre, quil
songeaà
partir pourMalte. LèS.
galèresde la
Religion commandéespar
le Prieur:
.,....:. de
:£À.SANXÍIÌE.
DE MALTE. Liv. XI• í. $óí
de Capouele vinrent
prendre jusqu'à Terracine,
le conduisirent en Sicile, & il entra dans le Fare
de Messine le douze de Décembre. Dom Jean de
Vega,Vice-Roi de
pilel'attendoit avec
impa-
tience dans cettegrande
Ville.Depuis
lesiège &
laprise
de Mehedia où ils s'étoient trouvez l'un
& l'autre, comme nous l'avonsrapporté dans le
Livre onze, il s'étoit formé entre eux une liaisonxf
oupour
mieux dire uneespèce
decorrespondance,
mais ou il entroit plusde
politesse quede sincère
confiance.L'Efpagnol
fastueux dans ses démons-
rrations y pourlui faire connoître la
joye qu'il
avoit de son élévation, fit dessein de lui en donner
desmarques publiques
à son entrée, 8c pendant
son séjour dans Mesiine.Cependant
dans les hon-,
neursqu'il
méditoit de lui rendre, pourne rien-
faire aupréjudice
de fapropre dignité,
il fit exa-
miner parles plushabiles Jurisconsultes les droits „
lesprivilèges
desgrands Maîtres, ôc le
rang qu'on,
de voit leur déférer. Ohveti, Avocat Fiscal de Mes-
fine, luiporta
à ce sujet unpassage
de Chassané,.*:
fameux Jurisconsulte, quidans son Traité de la.
Gloire du monde, & enparlant
desDignitez Ec-
clésiastiques, préfèrecelle des Grands. Maîtres au
Cardinalat même. Le Vice - Roi muni de cette:
autorité, & avant l'arrivée du Grand Maître, la-
voitenvoyée par
un courierexprés
àr'Empereur^
& il lui avoit demandé ses ordres fur la conduite
* Crederem quod iste magnusMàgister Rhodi poít Pàpam praecedere de-beret omnes Patriarchas, (Cardinales, & alios Pontifìces Ecclefiasticos, &:cùm videatur tantae essedignitatis cujus est Patriarcha,quodpost Imperato-rem.Sc alios Principes habentes jura Imperii,ut íîint Reges Francis & His-paniaîj.quod pracederet omnes Principes Eecognoscentes superiarem , 8Cnon habentes jura Imperii, putà Reges subditos Imperio,.&quoscumque©uces v habet enim subie rnagnos Principes, & est maxime.honoratusi
tome IIh Z..2-.
Cï AUDIDE
IASANGLÏ>
jfo HISTOIRE DE X'ORDRE
qu'ildevoit tenir. Ce Prince lui fit
sçavoir par un
Seigneurde sa Cour appelle d'Acugna, qu'il ne
devoitpoint
craindre d'excéder dans les honneurs
qu'il rendroit au Chef d'uriX)rdrequi
servoit de
boulevard à ses Etats d'Itale. Mais comme ce
Prince ne faisoit jamais rien fans des vues secrettes
d'intérêt, il avoitchargé
sonEnvoyé de faire de
fapart
au Grand Maître despropositions
dont nous
aurons lieu deparler dans la fuite. i
Le Vice-Roi instruit des intentions del'Empe-
reur, alla à la tête du Conseil, de tout leCorps de la
Noblesse & desMagistrats
de la Ville, prendre le;
Grand Maître dans laCapitane
de laReligion,& jus
qu'àla
poupede son vaisseau j &
pourlui faire
plus
<Thonneurquand
il futquestion
d'en sortir, il voulut
marcher seul immédiatement devant le Grand Maîr
tre, comme il auroit fait devant son Souverain, Ce
Prince entra ensuite dansMeíline au bruit de rar-
tillene y il trouva lagarnison
& lesbourgeois
fous
les armes : on lelogea
dans leplus magnifique
Pai.
lais de la Ville, & ily
fut reçu & servi, & soit à
laChapelle
ou à table avec les mêmes honneurs
qu'onrendoit autrefois aux anciens Rois de Sicile.
L'EnvOyéde
l'Empereur,&
quiétoit
chargé
de ses ordres, le félicita de fapart
fur fa nouvelle
dignité ; & dans une audienceparticulière qu'il
en
eutpeu
de jours après,il lui fit
partde ses instruc-
tions, & despropositions qu'il
étoitchargé
de lui
faire de lapart
de son maître. Les Généraux de ce
Prince, comme nous l'avons dit, avec le secours
des Chevaliers de Malte, avoitassiégé
ôcconquis
la ville de Mehedia ou d'Africa dont ils avoient
chassé le CorsaireDragut.
Mais uneconquête
si
Cl AUDEDE
i A SANGLE-
DE MALTE. LIV. XII.£65
éloignéedes autres Etats de
l'Empereur, i'obligeant
à degrands
frais , & ày
tenir unegarnison
nom- :
breuse, son dessein étoitd'engager
le Grand Maî-
tre ày transporter
le Couvent entier 6c son do-
micile -y6cparce
nouvel établissement, il se flatoit
quetout l'Ordre seroit intéressé à veiller à la dé-
fense du -fort de laGoulette, 6cqu'il
seroit encore
respecterson autorité dans le Royaume de Tunis,
alors féudataire de la Couronne de Castille.
Son Envoyéf pour
faire réussir ses vûes, 6c dans
Taudiencequ'il
eut du Grand Maître, lui témoin
gna que l'Empereurétoit sensiblement touché de
laperte que
l'Ordre avoit faite de la ville de Tri-
poli -, que pouría
remplacer,il omit de lui céder
enpure propriété
celle deMehedia , Place, dit-il,,
fortifiéerégulièrement,
& d'où les Chevalierspour-
f oient étendre leur domination dans le continent
deTAfrique v que
laconquête
de cette Place étant
dûe à leur valeur, 6cque
lui - mêmey ayant eu
tant depart,íî
laReligion y traníportoit
son do*-
micile, il seroit justement regardécomme le fon>
dateur de cette seconde Rhodes y6c que pourcon-
tribuer aux frais nécessaires à la défense de laPlace,
l'Empereur quine
distinguoit pointles intérêts de
FOrdre des sienspropres,
luiaífigneroit
àperpé-
tuité fur les revenus de la Sicile, unepension
an-
nuelle de soixante 6c douze mille livres.
Le Grand Maître luirépondit
avecbeaucoup
depolitesse qu'il éprouvoit
dans cette occasions
une fuite constante des bontez 6c de la bienveil-
lance dontl'Empereur
honoroit son Ordre. Mais
pourne
pas s'engager mal-à-propos x il lui ditqu'il
ClAUDS'
D E
LA SAN <ÌLB.
364 HISTOIRE DE L'ORDRE
ne lui étoitpas permis
fans laparticipation du
Conseil, d'accepterune
propositionde cette con-
sequeBce j 6cque
s'il vouloitl'accompagner jus-
qu'à Malte, l'assaire s'y traiteroit en faprésence^
<6cqu'il
seroit témoin du désir sincèrequ'il
avoit
-decomplaire
en toutes choses àl'Empereur.
Le
Grand Maître suivi de cet Ambassadeur ,*&: accom^
pagnéd'une escorte nombreuse de Cheyaliers Ita-
liens, s'embarquafur les
galèresde l'Ordre $ 6c
aprèsavoir doublé le
CapPassaro , entra dans le
canal de Malte, 6cdébarqua
heureusement à la
Cale de Saint Paul. Comme il se trouvaproche
de
la Cité notable, alors Capitalede Híle, on lui
pro-
posa d'y passer : mais son élection à la Grande Maî-
trise ne lui donnant encore d'autoritéque
fur les
Chevaliers, pour pouvoir l'étendre jusquesfur les
;habitans & sor les sujets de l'Ordre, if avoit be-
soin dune concession particulièreémanée du Con-
seilcomplet. Ce fut la raison
quilui fit différer
son entrée dans cette Ville. Il obtint bien-tôt du
Conseil les titres nécessairespour
établir fapuis,
sance dans toute rifle ; &après quelques jours,
il futproclamé solemnellement Prince de Malte
& de Goze.
Sespremiers soins, après
avoirpris possession de
fadignité , furent de donner audience à TAm-
bassadeur del'Empereur
: cette cérémonie sepassa
enplein
Conseil. Xe Grand Maîtrepour
honorer
l'Empereurdans la
personnede son Ministre, s'a-
yança quelques pasau devant de lui, 6c
aprèsl'a-
yoir fait asseoir à côté de son fauteuil, il lepria
4 exposerà la
compagnielc
sujetde sa commis
CLAUDÏB E
t ASANGLE.
DE MALTE. Lty" XII. 365
Eôn.D'Acugna après
avoirprésenté
sa lettre de
créance, 6cqu'on
en eut fait lecture, représenta 1
à toute 1 assemblée l'affection dontTEmpereur
'
son maître honoroit tout l'Ordre -yqu'aprèsla
prise
de Rhodes, l'ayant vu abandonné de laplupart
dès
Princes Chrétiens, & errant en-différentes con-
trées de l'Italie, &que
touché d'un état sidéplo-
yable, il s'étoitgénéreusement dépouillé
des Istes
de Malte 6c du Gozepour
engratifier
les Cheva-
liers , présent magnifique, dit-ily& sidigne de la
/pietéd'un si
grand Prince -,quetouché
depuisde la
perte deTripohV, &pourles en
dédommager,il sa-
voirenvoyé exprès pour
leur offrir la ville d'Africa
ou deMehedia, Place situéefurles côtesd'Afrique,
liors d'insultepar
ses fortifications , 6c d'où ils
pourroientétendre leurs
conquêtesdans tout le
Continent. Ilajouta que
le terroir de Malte étant
.stérile &incapable
deproduire
du bled, l'Ordre
póur pouvoirsubsister 6c
s'y maintenir, étoitobligé
d'en tirer des contréeséloignées
6cséparées par
la mer, au lieuque
laReligion
trouveroit dans
le territoiredépendant d'Africa, des cantons fer-
tiles 6c abondans engrains.
Il finit son discours
enpriant
les Chevaliers de considérerque rifle
de Malte étant fans Places fortifiées, &que
si les
ilotes 6c les armées du GrandSeigneur y faisoient
une descente, 6c s'attachoient ausiège
delaprin-
cipale Place , comme l'Ordre en étoit menace,
ils n'éviteroient jamais, malgrétoute leur valeur,
le triste sortqu'ils
avoientessuyé
à Rhodes.
Le Grand Maîtreaprès
avoir remerciéTEmpe-
reur de la continuation de ses bontez,pritles avis de
Z ziij
CLAUDEv E
LA SANGLE,
366H i s r o i RÉ DE L'O RDRI
í'Assemblée j d'un commun consentement, &avant
quede se déterminer dééisivement fur cette
propo-
íition,on résolut d'envoyerhuit anciens Comman-
deurs à Africa, pouren reconnoître la situation>;
les forces ScTétëndtie duterritoire. Ces Commis
íairespartirent auíïî-tôt, & à leur retour y ils
rap~
portèrentau Conseil
quecette Place bâtie fur Une
pointedé terre
qui avànçoit dans lam^r,
6c dont:
elleetoit environnée de trois cote:*, étoit eonso-
derâblepar
1 étendue de son circuit, parla
quan-
tité de maisons dont elleparoissbit remplie , 6c
parses fortifications ; que
la ViUe 6c le Château
étoient entourez de murailles fort élevées y d'une
épaisseur extraordinaire, 6cflanquées
de toursgar-
nies cVàrtillerie ; qu'ils yavoient trouvé un arse-
nalgarni
d'ungrand
nombre d'artillerie, 6cqu'il
n'y mânquoit qu'un portd'un abri assez íûr
pour
lesgrands
vaisseaux ^ queles dehors de la Place
6c lès collines voisines étoient ornez de maisons
deplaisance,,
devergers
& devignobles ; que
ce
qu'il y avoit de terres labourables aboutissoient à
unemontagne qui
traverse de l'Orient au Cou-
chant,, &que
derrière cette hauteur on décou-
vroit de vastes campagnes6c des
pâturages,dont
les Arabes du Pays étoient les Maîtres, & où ils;
faisoient ordinairementpaître
leurstroupeaux.
Ces Commissaires déclarèrent ensuitequ'une
-Placé aulsi vaste ne se
póuvoitconserver sans une
nombreusegarnison
entretenue en tout temspour
la défendre contre les Princes & les peuplesd'A-
frique, quine soulfrìrosent pas
volontiersque
la
Religions'établît
impunémentsi
prèsde leurs Etatsj-
ClAUDEB E
IASANGLE.
DE MAL T EÌ L i v. XII. 5^7
quil faloit sattendre à être tous les jours aux mains c
avec les Arabes, quiétendroient leurs courses jus- LA
qu'aux portesde la Place j qu'en
cas d'unsiège
*""
3 éloignementde
l'Europene
permettoit pasd'en
eípererun
promptsecours •
quecontre
l'efpritde
î'Ôrdre &: aupréjudice
de toute la Chrétienté, il
faudroitj pourainsi dire, abandonner la mer & la
défense de tous les vaisseaux Chrétiens, pour porter
leurs armes dans le fond des terres, 6c resserrer les
frontières de leurs-voisins; maisqueleursancêtres
bienplus puiíïans qu'ils
ne letoient, n'avoient ja-
maisentrepris
d étendre^ leurs Etatspar
des con-
quêtes presque toujours injustes, &*qne depuis
celle df Rhodes dont ils iavoient chasse des» Cor-
saires , l'Ordre navoit jamais employéses forces^
épie pourle secours des Princes Chrétiens, ou-pour
la fureté 6c la défense desparticuliers qui
navi*
geoieritdans la Méditerranée. Ce
^apportfait
£âr
d'anciensguerriers
6c des Chevaliersp|eins
de zélé
pourla
disciplinede leur Ordre, détermina le Con*
íèil à rester à Malte -, 6c ily
fritengagé fur^tout
parla considération de
l'éloignehiént^déladifficul-
té dupassage,
& de larépugnance que pourroient
avoir les Princes 6c lesSeigneurs
dé ía Chrétien-
té de voir leurs enfans, enprenant
la Croix de
l'Ordre, confinez,pour
ainsi dire ^ dans les déserts
del'Afrique.
L'Ordrepar
deuxdéputez qu'ils
en-
voyèrentà
l'Empereur j lui fîtagréer
cettediípo-
íìtiony& pour appaiserle Vice-Roi de Sicile, qui
pours'en
venger refusoit la traite ordinaire des
grains quele Couyentitiroit de cette Iíle 3 le Grand
Maître & le Conseil ayant appris qli'un grandnom-
CLAUDBD E
'LAS ANGLE.
363 HISTOIRE DE L'ORDRE
bre de corsaires en infestoient les côtes, 6c avoient:
parudevant Palerme, y envoya cinq galères bien
armées, commandées parle Prieur de
Capoue.Ce
Seigneurse
disposaà
partirincessamment y outre
qu'ilse
regardoiten mer comme dans son élément,
il s'étoit aperçu qu'ilétoit moins
agréablement à
Malte, depuis qu'on soupçonna qu'unde ses
prin-
cipaux domestiques,6c en
quiil avoit
plusde con-'
fiance, po^rle
vengerde Texelusiòn
que lui avoient
donnée dans la derniere élection, le Conservateur
Gagnonsles Commandeurs Pascatore 6ç Bernar-
dinParpaille,
les avoit tous trois empoisonnez : cet
quiprécipitason
départ.
. A peineétoit-il arrivé àPalermé, qu
ify reçût par
une voye détournée des lettrés duSeigneur
Pierre
Strozzi son frère aîné, quilui donnoit avis
quele
Roi de France lui avoit confié le commandement
de son armée de terre en Italie y quece Prince
Favoit chargéde 1 exhorter à
reprendreen même
tems lé Géneralat de ses galères..Il ajoutoit qu'ils;
nepouvoient jamais trouverTun & l'autre d'occa-
íiònpins favorable pour venger
la mort de leur
pere^quils agiroient de concertpar
terre &par
mer, &qu'il
leconjuróit
de sacrifier ses ressen-
timensparticuliers
contre les Ministres dela Frang-
ée à l'amour & à la liberté de leurpatrie.
Le mé-
contentementque
le Prieur avoit de la Cour de
France > céda auxpressantes
instances de son frères
6c à la haine violentequ'il
conservoit dans le coeur
contre Cosine de Medicis y &pour
touteréponse,;
il fit fçavoir à son frèrequ'il le joindroit
bientôt.
11 étoit emestipn de sortir du portde Palerme^
fans
CLAUDED E
LASANGLE.
DE MALTE. Liv. XII.3^9
sans donner deTombrage
au Vice-Roi, & fans -
quece Ministre
pût pénétrerses desseins. L
Soitque
le Roi d'Espagneeût été averti
parses
""
espions, quele commandement des
galèresde
France étoit destiné au Prieur y soitqu'envoyant
queson frère alloit commander en Italie, il se
doutât seulementqtril
nemanqueroit pas
de faire
tous ses .efforts pour attirer le Prieur dans le mê-
meparti,
ce Prince avoitenvoyé
des ordres se-
crets au Vice-Roi^ de Sicik,en casquece Prieur
entrât darisquelque port
dés Mile, de ^observer
avec soin, 6c au moindre indicequ'il
découvri-
roit dequelque intelligence
entre les dèuxfreres,
de faire arrêter le cadets II ne faisoit alorsque
cFar^
river à Palèrme^ au travers dés feintes-careíîes,;,
dont lé Vice-Ror lè combloit, ily démêla un air
dinquiétude quilui fit voir
qu'ilétoit
suspect 6c
observé. Pour se tirer dé ses mainsvi^ envoya de*
grand matin un de ses Officiers^ & dans lequelïP
avoit lèplus'
de confiance, sor unleger brigantin,,,
sousprétexte
d'aller à la découverte lelong
des;*
côtes deTlfle, avec ordre aprèsavoir
passé quel-
ques Heures a là mer, de revenir, fans- raire entrer
sonbrigantin
dans leport,
de se rendre chez le
yiee-Roi, & de lui dire en faprésence,
& enquel-
quétat qu'ille trouvât, qu'il
avoitappérçû
dans;
Une calequi n'étoit/pas éloignéetroisgáliôtèsde
Barbarie; Le Prieurayant congédié
cet OfEcser
se rendit au-Palais &ehez le Vice-Roi, où il de-
voit dîner. Mais avantqu'on
Té mîrà table ,iîna
lentretintqtiedés'rst'àúvaLÌ*©fEeeKqii'il-;avbi.t^ìgûsrj
du Connétable1
dé Montmorency,dès
pernicieux'
desseinsque
ceSeigneur François avoit 1, dit-il/,.
Torne III» A a a?
CL AUD»
LASANGIE;.
jj.bHISTOIRE DE L'ORDRE
formez contre sa vie, & de lapassion qu'il avoit de
s'en venger,s'ilen rrouvoit jamaisToccafìon ; 6c
pour
j ustifier son ressentiment, lui fit voirplusieurs lettres
qu'ilavoit reçues
de France, oùquelques-uns de ses
amis, quin'étoient
pasinstruits des intentions du
Roijlui mandoient d'éviter d/entrer dans lesports
de
ce Royaume , s'il ne vouloirsexposer
àêtre arrêté.
Le Vice^Roi détrompé parcette feinte confi-
dence ,&f dans le dessein de l'artirer au service de
l'Enipereur son maître^ exagéra l'ingraititudedes
François^& il rassura que quand
ilqukteroit
le
Géneralat desgalères
de íaReligion>
il trouveroit
à laCour d'Espagne desemplois dignes
de fa nais-
sance 6c de ía valeur. On íe mit ensuite à table,
6cpendant le repas
on vit arriver dans la salle cet
Officierque
le Prieur avoitenvoyé
à la mer, qui
avec >un air empreflelui dit
qu'ilavoit découvert
dans y*ne ansequelques galiotes
de corsaires, 6s
-qu'il seroit aiíe avec unpeu de diligence,
de les
surprendre.Le Prieur avec une joie apparente
se
Jevaorufqtiement,& adressant la
paroleau Vice-
Roi :fâ
vous en rendrai bon eomppe,lui dit-il y (@fc
j'espèreavant
que vou)s foyie^ firti de table de; vous
les amener.
Les galèresdont il avoit le commandement
«tant toutes armées, il sortit duport , se mit eìi mer,
J6Caprçs ayóir pris lelarge,
6cqu'on
l'eûtperdu
de
vue, tl tourna tout; court chi côte de Malte, où il
aborda fans obstacle. A son retour, 6c soite|ue
de-
puis, la mort dn Conservateur 6c des deux Çom~
imandeurs il fut sospecl- \Ò$ ^odieux à leursparens
Jk à jburs am^ il se démit du Géneralat des ga-
fees^6c lé Commandeur Parisot de la Valette fut
ÇlAVPSP B
IASANGXI*
DE MALTE. LIV. XII.571
son successeur. Le Prieurdéchargé de cet
emploi,
déclara qu'ayantdeux
galèresà lui, & une troi- 1.
siémequi appartenoit
à son frère, il étoit résolu~
d'aller de son chef en course, 6c de faire laguerre
pourson
compteà tous les corsaires
qu'il rencon-
treroit. Plusieurs jeunes Chevaliers de toutes na-
tions attirezpar
íaréputation
seprésentèrent pour
le suivre r toute lajeunesse vousoit
apprendre sou&
un sigrand Capitaine
l'art de laguerre &de la na^
vigation.Il reçut sor ses
galèresceux
quise
pré-;
senterent y 6c sortit èmport j mais il ne fut
pas plu-?
tôt à la hauteur du Goze, qu'illeur déclara son*
dessein- il leur ditqu'il
alloit commander Farmèe^
de France, ;& qu'ilétoit
prêtde donner des bar-
ques pour reporterà Malte ceux
qui parde justes*
considérations nejugeroient pas
àpropos
dé 1 ac-
compagnerdans cette
expédition. QuelquesChe-
valiers Espagnols& Italiens sojets du Roi
dHfpa-
gnese retirèrent y d'autres
quin'étoieht
pasrete-
nuspar
cette considération s'attacherènt à fa for-
tune, & il trouva des soldatspar
tout où ily avoit
des hommçs sensibles à la.gloire qui s'acquiert par
les armes.
Ilprit
ensuite la route des côtés dé laTToseane,
& débarquaa Porterçole. Les
Françoisen étoient
maîtres, 6c le Duc de Sommequi
commandoit.
poureux dans Grossato le vint joindre
avec uns
corpsd'Infanterie. Les
galèresde Provence dé-
voient se rendre au même endroitpour agir
sous
ses ordres. Le Prieur en attendant leur arrivée^
6cpour
nepas laisser cê
quilavoit de
troupesinu-
áles, fit dessein des'emparer
d'une petitePlaces
A a a rji
CiAtròfCE
IASANGÌBÏ.
37* HISTOIRE DE L'ORDRE
voisineappelîée
S carlin?
&qui
étoit desdépen-
dances de Piombino. Il voulut suivant son ordi-
naire raller reconnoître lui-même, & il s'enappro-
cha de siprès qu'un paysan
caché dans des joncs
le reconnut à ía haute taille, & encoreplus
à la
liardiesse aveclaquelle
ils'avançoit, 6c il lui tira
uncoup
demousquet
dont il futfrappé
au côté :
on leporta
aussi-tôt sur sesgalères, #le lendemain
a Castillon dePiseaye,
oùpeu
dejours après
il
expira:
Seigneur, qu'ondoit
compter justement
entre lesplus grands Capitaines
dé cet Ordre.
Ses ennemis mémépublioient que pour
Télëver à
unrang digne
de fa rare valeur, il ne lui avoit
manqué qu'un peumoins de fierté y mais son
E:and
couragene lui avoit
point permisde
plier
us l'autorité desgens qu'il regardoit
comme de
purs ouvragesde la fortune 6c de la faveur. Son
corpsfut inhumé dans la
principale Eglisede Por-
tercolev 6c le Duc de Florence ayant repris cette
Place l'armée suivante, celuiqui
commandoit son
armée eut l'inhumanité, après avoir fait déterrer
ce Prieur, de le faire jetter dans la mer:yengeance
bienindigne,
maisqui
tournoitégalement
à la
gloiredu Prieur, & à la honte d'un si lâche ennemi.
La Valette nouveau Général desgalères
de Malte
a'avoit pasété
plutôtrevêtu de cet
emploi, qu'il
& étoit mis en mer. Par la terreur de ses armes,11
.écarta des côtes de Sicile & deNaples
tous les
corsaires de Barbarie, Il enprit plusieurs
& rentra
dans les porcsde l'Ille, traînant a fa fuite
plusieurs
prises qu'il avokíaites> Les Commandeurs lesplus
fiches, A sonexemple»
armoient chacun de leur
GLAURÏ.DE
^-AS ANGLE.
DE MALTE. LIV, XIÏ. 373
côté, & lessimples
Chevaliersp
renoientparti
dans
ces arméniensparticuliers,
suivant leur intérêt 6c
leur inclination. Laguerre continuelle
que l'Ordre
faisoit aux Infidèles , leurs côtesravagées,
des
vaisseaux corsaires ou marchands enlevez, le com-
merce des Chrétiens fortifiépar
ce secours, atti-
rèrent le ressentiment du GrandSeigneur,
6c il íe
répanditun bruit
queCe Prince faisoit dessein de
les venirattaquer jusques
dans Malte, &qu'il
s'étoit
vanté delesen chasser, comme il avoit faitplu
s de
quaranteans
auparavantde l'Ifle de Rhodes, pes
voyages qu'ilfit en Asie & des
guerresciviles
qulde
son vivant s élevèrent entre ses enfans, tournèrent
ses armes d'un autre côté.Cependant
le Grand
Maîtrepour
n'êtrepas surpris, ordonna au nou-
veau General desgalères
de se remettre en mer, de
tirer des côtes d'Italie 6c desports
de Sicile leplus
grandnombre de
grains& de
provisionsde
guerre
qu'il pourroitrecouvrer y il en
remplitles
magà-
finspublics y 6c fans
qu'ilen coûtât rien à la Reli-
fion,
onprétend qu'il
étendit ses coursesjusqu'aux
ouches du Nil, d'où il enleva trois vaisseaux char^
gezde bled
pour CojÉantinople&
l'Egypte.
Pendantque par
oesprises
ce Général 6c d au-
tres armateurs faisoient entrer continuellement
desprovisions
dans l'Ifle de Malte , le Grand
Maître étoitoccupé par
de nouvelles fortifica-
tions qu'ilfit ajouter au Fort de Saint Elme, à
rifle de Saint Michel, 6c auBourg,
résidence or-
dinaire du Couvent. Il en fit creuser 6célargir
les
Çossez; par son ordre on construisit ungrand épe-
ron au Fort Saint Elme: mais laplus grande
dé-
Aaaiij
CLAUDEDE
LASANGLJV.
374 HISTOIRE DE L'ORDRE
pense qu'il fit, 6cqui paroissoit
laplus nécessaires
fut à rifle Saint Michel. Cettelangue
de terrequi
s'avance dans la mer étoít ouverte de touscotez,
6c n'avoitqu'un petit Ghateau pour défense. Le
Grand Maître fit enfermer 6c clored'épaisses mu-
railles l'endroit de ce Château opposé au rocher
du Corradin. On fortifia ées^muráilles de boule-
vards 6c de bastionsaufquels
onajouta
en diffe-
rens endroits des flancs néçeiïaires,& on fit entrer
l'eau de Ia mer dans les fbísez.. Toutes ces fortifi-
cations se firent des deniers du Grand Maître, qui
ne eonnoissoitppiiit d'autre dépense quecelle
qui
avoitpour objet k fureté 6c la défense de sa Place.
Çe fut par.reconnoissance de ce noble désintéres-
sement 6c de ses bienfaitsque
les Chevaliers don-
nèrent son nom à cette presqu'Ifle, qui s'appelloít
auparavantl'Ifle de S. Michel, 6c
qu'on a toujours
nomméedepuis
son Magistere risse de laSangle.
Maltepar
sesgénéreux foins, &
parla valeur des
Chevaliers, devenoit tous les jours plus florissante,
lorsquele
vingt-trois de
Septembrecette
prospé-
ritégénérale
fut troublée tout àcoup par
un ac-
cidentimprévu.
Il s'élevadjM|S
seport
fur sessept
heures du soir unouragaíOurieux que
les ma-
riniers appellenttourbillon > grain
de vent} 6c les
Grecs modernesSyphon. Cette
tempêtecausée
par
la violence 6c là contrariété deplusieurs
ventsop-
posez,soulevalés flots,,abifma plusieurs vaisseaux,,,
en poussa quelques-unshors de Teau, 6c
jusques
fur lérivage,
mit enpièces
lesbrigantins
& les
galiotes , 6c cequi
fut encoreplus déplorable,,.
renversaquatre galères „ les carennes en haut 6a
CLAUDEDE
LASANGLE.
DE MALTE. LIV. XII.375
exposéesà l'air, en sorte
quela
plupartdés Offi-
ciers , des soldats 6c la chiourme furent noyez ou
écrasezpar
lapesanteur
de ces bâtimens. Les mai-
sons voisines du portavec leurs habitans se trou-
vèrent en un instant abismées , le Château Saint*
Angeen fut même ébranlé,Tarbre qui
soutenoit
legrandétendartde la
Religion,& qui y étoit atta-
ché,en fut arraché 6cporté
à un demi milleplus loin.
La violence du vent, des tofrens depluye qui
tom-
boient du ciel, & les flots irritez de lámer, &qui
lieprésentoient que
desmontagnes
d'eau ou des
abilmes , sembloient menacer Malte de son en-
tière destruction y lorsquen moins d'une demie
heure cette horribletempête cessa auílì
prompte-
mentqu'elle
s etoit élevée y le calme &la bonacc
parurenttout d'un
coup ; 6c fans les horribles dé-
bris des maisons abbátues, 6c des vaisseaux démâ-
tez 6c mis enpièces,
on auroit eupeine
à croire
qu'unmoment auparavant
leport
alors íi tran-
quille,auroit été le théâtre d'une íi funeste révo-
lution.
Le Grand Maître auxpremières nouvelles
qu'il
en avoit eues, y accourut avec laplupart
des Che-
valiers du Couvent -y6cquoique
latempêté durât
encore,il avoit donné tous ses soins
poursecou^
rir ceuxqui
ne í^avoient pas nager,ou
pour tirer
de la mer lèscorps
de ceuxqui
avoientpéri ; &
on futobligé
à cause de la nuitqui sorvint, d'at-
tendre au lendemain pourrelever les
galères.Le
retour de la lumière fit voir ce tristespectacle
dans
toute son horreur :plus
de six censpersonnes ,
Chevaliers, Officiers, soldlPl esclaves & forçats
ClAUDÉD E
LASANULË»
376 HISTOIRE DE L'ORDRE
avoient éténoyez ou écrasez
parle renversement:
. desgalères, 6c on trouva encore íur les soldats là
payeôcleurs montres
qu'ilsavoient reçus
la veille.
Le Grand Maître entendant da bruitqui partoit
d'unegalère renversée, la fit
percer& lever
quel-
ques planches : unsinge
en sortit lepremier,
&
on en tira le Chevalier de l'Efcut si fameuxdépuis
fous le nom deRomegas,
6cplusieurs
autres Che-
valiersqui pendant
toute la nuit, 6cayant
tout le
corps dans l'eaujusqu'au
menton r s'étoiént atta-
chez avec les mains au fond de là earehe, ou à
peineils avoient assez d'air
pour respirer.Ils: sor-
tirent d'un endroit si funeste , pâles6c transis de
froid, &plus
mortsque
vifs y 6c àpeine
furent-ils
exposezau
grand air, quela
plupart s'évanouirent.
On n'oublia rienpour
lés secourir -y 6c si-tôtqu'ils
eurentrepris
leursesprits,
ils allèrent droit à PE-
glife laplu*
voisinepour
remercier Dieu de les
avoir conservez. Le Grand Maître fit travailler in-
cessamment à relever lesgalères ; on en trouva
laplus grande
entièrement détruite, & hors d'état
depouvoir
être mise en mer, les autres avec une
grande dépensefurent rétablies. Le trésor fournis
cequ'il
avoit d'esclavespour
la chiourme-, 6cplu-
íîeurspaysans de l'Ifle s'omirent
pourservir en
qualité de bonnesvogles
:quelques
Princes Chré^
tiens, & cequ'il y
avoit dans l'Ordre de Comman-
deurs riches 6cpuissàns,
s'intereíserent comme i\$
dévoient dans une sigrande perte.
Le Grand Maî-
trepour
leur en donner 1exemple,
fît construire
à ses frais unegalère
dans leport
de Messine dont
îePape, touché d'l8$fí grand desastre, fournie
libéralement
CLAUDEB E
LASANGLE.
DE MALTE. LIV. XII. 577
libéralement lesforçats qu'on prit
dans sespri-
sons, 6c des criminels condamnezpar
la Justice. L
PhilippeII. Roi
d'Espagne qui regardoit Malte
comme le boulevard de la Sicile 6c de ses Etats
;d'Italie, fitprésent
à l'Ordre de deuxgalères
bien
armées.Philippe
du Broc ancien Chevalier de la
Languéde Provence, 6c Prieur de Saint Gilles,
donna à laReligion
ungrand gallion que
le Gom^
mandeur Paschal du Broc son neveu conduisit à
Malte,chargéde
provisionsde
guerre& débouche,
armé de bons soldats , 6c en état de tenir la mer.
Presqueen même tems on vit arriver dans le
port
avec deuxgalères, François de Lorraine , Grand
Prieur de France, qui pardes sentimens de zèle
pourion Ordre, vint ossrir ses services au Grand
Maître. Ce jeune Prince soutintdepuis
en diffé-
rentes occasions la réputationde valeur, hérédi-
taire dans son illustre Maison. L'Ordre aprèsune
aufllgrande perte que
cellequ'il
venoit de faire,
avoit bien besoin de ces differens secours, dau-
tantplus que
les Corsaires de Barbarie ,dans l'es-
perancede se
prévaloirde ce desastre, infestoient
les côtes de l'Ifle, 6c en tenoient souvent leport
commebloqué. Dragut
fur-tout ce redoutable
ennemi de laReligion, croyant en trouver les for-
ces en désordre, y aborda avecsept galères
char-
géesde
troupesde
débarquement r 6caprês
les
avoir mises à terre ,il ravageala
campagne,6c fît
ungrand
nombre d'esolaves y mais avantqu'il
eût
puse
rembarquer,le Commandeur Louis de Lastie,;
de laLangue d'Auvergne,
6c Grand Maréchal de
l'Ordre, à la tête de trois cens Chevaliers tomba-
Tome IIh Bbb
CLAUDBD E
EASANGLE*
37$ HISTOIRE DE L'ORDRE
sor ces Corsaires , en tailla enpièces
unepartie l
repritles
prisonniers6c le butin , 6c força Dragut
deregagner
ses vaisseaux. Pour sevenger
de cette
insulte, le Prince de Lorraine se mit aussi-tôt en
rner avec sesgalères
6c deux autres de la Reli^
gion,courut à ion tour les côtes de Barbarie, prit
entre Malte &Tripoli un
brigantin d'Assanbaly,
fameux Corsaire, dónnala chasse àUluchialy
au-
quelil enleva une
galère6c une
galiote -y $c ayant
quede rentrer dans le
portde Malte , il
priten-
core deux vaisseauxchargez
de sel & de différentes
marchandises.
LaReligion par
la valeur de ce Prince 6c des
outres armateurs, reprenoit dans ces mers la su-
périorité dont elle étoit enpossession
avantque
d'avoiressuyé
ía fureur de^ouragan, lorsqu'il
sur-
vint un nouvel accident qui causa dans 1'Ordre
degrands
troubles & de fâcheuses dissensions. Pour
rintelligencede ce différend
auquelle
Pape6c les
plus grandsPrinces de
l'Europe prirent part,il
faut savoir qu'aprèsla mort du Prieur de
Capoue
dont nous venons deparler,
leSeigneur
Strozzi
ion frère s'étoitapproprié
sesgalères,
dont à la vé-
rité ily
en avoit unequi
luiappartenoit -, ôc com-
meayant
le commandement d'une armée de terre
il nepouvòit pas
lui-même conduire sesgalères,
ïl les avoit jointes àquelques galères
deFrance, qui
étoient dans leport
de Civita-Vecchia, sous le com-
mandement du Chevalier Sforce, Prieur de Lom-
jbardie , 6c frère du Cardinal de ce nom, Camer-
linguede la Sainte
Eglise.Le Roi 6c Strozzi y
£royoientku-rs
galèresen fureté j mais le Prieur
"OLAUJÎED E
Z.A SANGLE.
DE MALTE. LIV. XII. 379
dé Lombardiequitta
en ce tems-là le service de
Francepour
s'attacher à celuid'Espagne ; 6c de
concert avec le Camerlingue, qui par sadignité
avoitbeaucoup
d'autorité dans les Places de l'E-
glise , 6cpour
se rendreplus
considérable dans
le nouveauparti qu'il embrassoit,. il enleva deux
galèresdu Roi
qu'ilconduisit dans le
portde Na-
ples t 6cpar
son conseil 6c unepareille
trahison ,.
un Piedmontoisappelle
Moret de Niíïàrd s étoit
emparé d'une desgalères
de Strozzi, & s'étoit re-
tiré dans leport
de Ville-Franche où le Duc de
Savoyelui donna un azile, 6c
permissiond'arborer
sonpavillon.
Unpareil brigandage
contre la foi du serment,;,
fitbeaucoup
de deshonneur au Prieur de Lombar-
die, & excita la colère & le ressentiment duPape.
Paul IV.gouvernoit
alorsl'Eglise
en cettequalités
6c il étoit gouvernélui-même
par un de ses ne-
veux, Chevalier de Malte , que ce Papeà son avè-
nement au souverain Pontificat, avoit revêtu de
laPourpre
Romaine sous le nom du Cardinal Ga-
rasse. L'oncle 6c le neveu faisoientnégocier
en ce
tems-là uneligue
avec la France contrel'Eípagne.
Outre la souveraineté derEglise qui
étoit violée
par cet attentat, il étoit de leur intérêt deper-
suader au Roiqu'ils n'y
avoientpoint
eu depart-
Dans cette vue, on arrêta le Cardinal Camerlin-
gue j il fut jettedans une affreuse
prison: on le
menaçamême de la mort, sì les
galèresdu Roi
de France n'étoient ramenées incessamment dans
leport
d'où on les avoit tirées furtivement. Le
Prieurqui
connoissoit rhumeur violente du Ca%-
Bbb iií
CIAUDÎDE
IASANGIB»-
3§ò HI s T O IRE D E L'OR E)R E
dinal Patron, lesrenvoya aussi-tôt y &
pour ren-
dre la liberté auCamerlingue,
il salut encorequ'il
donnâtpour
deux cens mille écus de cautions ,
qu'ilne sortiroit
pointde Rome fans la
participa-
tion duPape
6c de son neveu. Il ne futpas
si aisé
de retirer lagalère
de Strozzique
Moret avoit
conduite dans leport
de Ville-Franche. Pour élu-
der lesplaintes
&: les instances duPape,
le Due
deSavoye envoya
cettegalère
en Levantíavec son
pavillon, & une commission particulièreautorisée
de soníceau. Le Cardinal Patron & Strozziayant
appris qu'elleétoit en mer, pour
sevenger
de
cetteperfidie, envoyèrent à fa
poursuiteavec une
autregalère
unCapitaine François appelle Fou-
roux, bon Officier de mer, attaché à la Maison
de Strozzi , auquelon recommanda
d'employer
égalementson adresse 6c ía valeur
pour retirer la
galère des mains de Moret. Fourouxpour
nepoint
laisserpénétrer
le sujet de sonvoyage,
se rendit
d'abord à Malte ;, demanda au Grand Maître^ 6c
en obtint lapermission,
d'aller en course de conéert
avec sesgalères,
6c sous lepavillon
de laReligion,
Il sortit duport avec la
Capitane, 6c il n'eutpas
étélong-tems
en mer, qu'ilrencontra la
galère
qu'il cherchoit: le Piedniontoisqui
la corntnan-
doitayant pris
le vaisseau montépar
le Fouroux
pourla
Capitanede la
Religion,la salua, se mit
dans fachaloupe^
6cpour
entretenir le Général,
aborda lagalère
& entra dedans y mais iliut bien
surprisde se voir au
pouvoird'un Officier de Strozzi.
On larrêta aussi-tôt -y il fut mis aux fers, 6c le
Fouroux joignit ensuite sagalère,
comme s'il en
ÌCLAVDED E
.JtA SANGLE
i$ij,
DE MALTE. LIV. XII. 381
eût ramené à bord leCapitaine.
Les Officiers &
lessoldats fans aucune défiance , le laissèrentap~ 1
procher: il entra dans la
galère ,-& il s'en étoit
rendu maître avantqu'ils
íe fussentapperçus qu'ils
yavoient
reçu leur ennemi.
Le Général desgalères
de laReligion indigné
qu'oníe fût servi du
pavillonde l'Ordre
poursor-
prendre lagalère
d'un Prince Chrétien, menaça
le Fouroux de le combattre , s'il ne la relâchoit,
6c s'il ne remettoit Moret en liberté y mais ce Ca-
pitainelui
ayantfait voir des ordres
précisdu Roi,
ôc une commissionexpresse
duPape,
lepremier
Supérieurde l'Ordre, il ne
jugea pasà
proposdé
prendre fur lui la décision d'une affaire aussi déli-
cate -y 6cayant
fait convenir le Fouroux de le soi-
vre.àMalte avec faprise,
ils seprésentèrent peu
de-jours, aprêsdevant le
port.Le
CapitaineFran-
çois envoya aussi-tôt au Grand Prieur de France
les commissions, 6c l'instrtiisitpar
un mémoirepar-
ticulier de lasupercherie que
Moret avoit faite
auSeigneur
Strozzi. Le Prince de Lorraine en fit
partau Grand Maître, 6c en obtint
pratique pour
lagalère
de Fouroux 6c poursa
prise.Ces deux
galèresétant entrées dans le
port,le
Capitaine
Moret s'adressa aux Chevaliers Savoyards6c Pied-
montois, 6c seplaignit
amèrementqu'on
se fût
servi dupavillon
de laReligion pour surprendre
unegalère qui appartenoit
à leur Souverain; 6c en
haine de l'étroite allianceque
ce Prince avoit avec
l'Espagne *. ces Chevaliersprésentèrent
aussi- tôt en
son nom uneRequête au Conseil, que
le Vice-Roi
de Sicileappuya depuis
de toute son autorité. On
Bbb iij
CLAUDED E
LAS'ANGLE.
$$Z H I ST O I R E D E LORD R E
fit intervenir des marchands deRaguse
6c de l'Ifle de
Scio, quireclamoient les marchandises
quis'étoient
trouvées dans lagalère
de Moret y 6c d'ailleurs les-
Officiers du trésorprétendoient que
cettegalère^
comme faisantpartie
de ladépouille
6c de la suc-
cession du Prieur deCapoue ,,lui appartenoit.
Tant
d'intérêts differens excitèrent de fâcheuses divi-
sions dans le Couvent, &chacunprenoir,parti
soi-
vant faLangue
6c ía Nation. Le Conseilqui
alloit
toujours au bien de l'Ordre , neput s'empêcher
de blâmer le Grand Maître d'avoir fans fapartici-
pationadmis dans le
portles deux
galères enques
tion, & s'être attirépar
cette conduite une affaire
fâcheuse, 6c dont il eût été à souhaiterqu'il
eût
renvoyéla discussion aux Princes intéressez -,mais
comme lepassé
ne sepouvoit rappellér,
6cque
ces deuxCapitaines
avoient chacun unpuissant
partidans Malte, le Conseil nomma des Commis,
ïàirespour
informer desprétentions
de l'un 6c
l'autre. Moret seplaignoit toujours que
secroyant
en fureté à la vue désgalères
de l'Ordre, on lut
avoitpris par
trahison &par surprise
celleque
le
Prince son maître lui avoit confiée ,; 6c il en de-
mandoit avec degrandes
instances la restitution.
Mais le Fouroux lans vouloir reconnoître l'auto-
rité du Conseil,,pour
toute défenseproduisit
ses
commissions, & ditqu'en
exécution des ordres du
Pape,il avoit
reprisune
galère qui appartenoità
ce Pontife,,que
lé Moret à la vue de toute l'Italie,
lui avoit méchamment enlevée -, &que
si la Re-
ligionne
punissoit pasce voleur, le
Pape fçauroit
bien s'en faire justice fur ceux mêmequi par
des
CLAUDEDE
XASANGLE.
r> E MALTE. Liv. XIL 38$
considérationspolitiques,
6c aupréjudice
de l'o-
béissance qu'ilslui dévoient, auroient dissimulé un
pareil brigandage.
Le Conseil ayant avéréque
lagalère
enques.
tion avoit été enlevée desports
duPape , fit ar-
rêter le Moretqui
avoit conduit cette intri-
gue y 6c on se contenta de laisser le Fouroux en
lagarde
du Grand Prieur 4 6c ce Princeayant pris
faparole,
s'enchargea
volontiers. Le Grand Maî-
tredépêcha
aussi- tôt un Ambassadeur auPape
pourrecevoir ses ordres sor ce différend y& il écri-
vit en même tems au Roid'Espagne
& à ses Mi-
nistres en Italiepour
leur en fairepart : le
Pape
6c le Roi de France de concert demandèrent hau-
tementqu'on
leurenvoyât
le Fouroux avec fa
prise,6c
qu'onleur remît fur-tout le voleur
pour
lepunir
suivant les loix de ladiscipline
militaire,
•On neput
sedispenser
d'obéir auPape
: lagalère
volée fut remise dans leport
de Civita-Vecchia,
les marchandises restituées à ceuxaufquels
elles
appartenoient.Pour le Moret, par
considération
pourle Roi
d'Espagne, aprèsavoir été retenu
quel-
quetems en
prison,on facilita son évasion, dont
le Conseil voulut bien nepas s'appercevoir y 6c le
Duc de Medina-Celi alors Vice-Roi de Sicile l'en-
voya prendrefur la côte
parun
brigantin.Le
Conseil fit dresser unprocès
verbal de fa fuitequ'on
envoyaau
Pape, qui aprèsla restitution de la
ga-
lère , parutsatisfait. ,
Quoiquecette affaire eût été conduite 6c termi-
née avec unegrande prudence,
la divisionqu'elle
excita dans leCouvent, 6c les
reprochesmême
CLAUDEDE
LASANGLE,
384 HISTOIRE DE L'ORDRE
quele Grand Maître
essuyavà ce sujet de la
parc
dii Conseil , le touchèrent si- sensiblement, qu'il
en tomba,malade. II ne fitdepuis
cé tems-làque
traîner ùné-vié: languissante ,'ôc quifut terminée
par \úi£< iriêk très-chrétienne, ll ne voulutdispo-
ferf d'a#ùh de ses effets ^quoiqu'ilen. eût eu la
à&Èiìfíìòn d'un Chapitrè,&éneral : &:apr:ès avoir
JrSbféy^d^S; sommes coií©#râbsos à fortifier l'iste
dfejpwe^vd-laissa encor^llí^^soixèintemille.
ÏÏwSítí^^dfun si
I^Mp^WWéksse'm^nií*, tàvpm ett France douze
iMiífíènés pou*^'èont^Kie^lWa dot7
de la. De-
Pllfelkide ^r^-ÌJlI^fc#^5B.-íOn.fonda-a:.
SPf$$á^dW^^^dans
^dé~c##tó^áeÁu^líe- i^bvtìé&âik "fey^oúrs qra;moifí brcu
•WEB*.9*>'~& o^f^t^lé-4armes de.h-
Sángl^,'
:jìïèêriòix dc"{o^í^^i&uV
ne causapas
beau-ì
co^M ^0iç\3^^^4íméle Bailli de Lion,,
neveìlláu^arJÌ^R|it^^îler; quoique absent, eue
daborctquelqitës^ Voix -, mais un des Electeurs
n'eútsas plutôt proposé
le Commandeur DE VK
VALETTE, quetous' les
soffragesse réunirent en
. fa faveur. CeSeigneur
n'étoitpoint
sorti de Malte
depuis qu'ilavoit
prisl'habit & la Croix de l'Ordre à-
il en avoitrempli
fucceísivement toutes l«s Çhar-
ges.j Soldat, Capitaine ^Générai, sage politique,
plein de fermeté, & aussi estiméparmi ses, con-
frères , queredoutable aux Infidèles. Sous son:gou-
vernement
ClAUD'ED E
ÌASANGLE.
~ï8 Août
t , *
i
, > K
-'J- ; >"î» í -u.
Aa \Q\ »í»A
r * Pi"*J'P
JEANDELA
VALETTE.
aï Août.
*557'
DE MALTE. LIV. XII. 3%
vernement laReligion reprit
son ancienne auto-
ritéqui
éfoit fort diminuée dansquelques Pro-
vincesd'Allemagne,
6c dans les Etats de laRépUw
bliquede Venise.
/Depuis que
les Hussites avoient ruiné laplupart
des Commanderies de Bohême, le trésor com-
mun de Tordren'avoitpû
rien tirer de ce Royau-
me 6c des Provinces voisines. Desguerres
conti-
nuellesqu'il
avoit faludepuis
soutenir enHongrie,
6c dans lespays
héréditaires de la Maison d'Autri-
che, avoient succédé auxguerres
civiles excitées
parles Huísites , &
interrompule
payementdes
reíponsions queles Chevaliers de cette Nation de-
vèientenvoyer,íoit à Rhodes ou à Malte, 6c les
Prieurs de cesgrandes
Provinces s'étoient mis en
possessionde nommer de leur chef aux Comman-
deries vacantes dans leurs Prieurez. Le Grand Maî-
treincapable
de souffrir des abusqui par
lapres-
cription pouvoientdevenir des titres & des cou-
tumes, en écrivit fortement dans toutes ces Pro-
vinces : il s'adressa mêmepour
les-faire cesser à
rEmpereur6c à Ferdinand Roi des Romains son
frère -, ces Princesqui
connoissoientledigne usage
quela
Religionfaisoit de ses biens, firent dire aux
Prieurs 6c aux Commandeursqui
avoient des Com-
manderies dans leurs Etats j queleur intention
étoitqu'ils
donnassent une entière satisfaction au
Grand Maître. LaLangue d'Allemagne
assemblée
enChapitre, dépêcha
auísi-tôtàMalte Wencellas
deHesse-Assembourg,
Prieur de Bohême, Sigis-
mond Romer, Commandeur deMielperg,&
Henri
de Rietchen au, Commandeur d'Estugne, qui après
Tome III. Ccc
J E A NDE LA-
VA LETTE.
386HISTOIRE DE L'ORDRE
avoir.prçtéau nom des Chevaliers de leur
Langue,
le serment d'obéissancequ'ils
dévoient* au Grand
Maître, se soumirent àpayer
lesresponsions
6c les
taxesque
lesChapitres généraux imposeroient fur
leurs Provinces ; &par
un acte solemnel, ils se
désistèrent au nom de tous les Prieurs d'Allema-
gne}de conférer les Commanderies de leurs Prieu-
rez , à Texceptiond'une seule, à
laquelle,suivant
Fuíage généraldé tout l'Ordre , ils avoient droit
de nommer une seule fois encinq
ans.
Les Commandeurs Vénitiens à la faveur de la
protection qu'ilstiroient du Sénat, 6c fous pré-
texte du service qu'ilsrendoient à leur
patriecon^
tre les Turcs, tâchoient à Iexemple
des Allemands,
deloignerle payement
de leursresponsions.
Conir
me ces sortes de contributions étoientuniquement
employéesaux arméniens contre les Infidèles, le
Grand Maître íçutsi bien leurreprésenter
leur de.
voir & leurspremières obligations y 6c il
parlasi
haut 6c avec tant de fermeté, quetout
ployasous
ses ordres , 6c on vit enpeu
de tems arriver à
Malte leursresponsions
6c celles des Allemands ;,
qui furent depuis acquittéesfort exactement»;
De ces soinsqui regardoient
les Provinces, &
pourainsi dire les dehors du Couvent, le Grand
Maître passaà une affaire qui
avoit fait beaucoup
de bruit à Malte, & même dans toute l'Europe,
6c dont suivant le sort desplus grands évenemens,
à force de vieillir , on neparloir plus.
Le Maré^
chai de Vallier ce Gouverneur deTripoli, que
le
Grand Maître d'Omedes avoitpersécuté
siopi-
niâtrement , vivoit encore -, 6c cet ancien Corn-
JE A NDE LA
VALETTÍ.
DE MALTE. Liv. XII. 387
mandeurauquel
avant cette malheureuse affaire, la
plupartdes Chevaliers destinoient la Grande Maî-
trise , languiífoitalors dans une vie obíeure , 6c
conforme à ses malheurs : à la vérité le Grand
Maître de laSangle
avoit rompuses fers, & lui
avoit rendu fa liberté -, mais différentes considé-
rations & deségards qu'il
crut devoir conserver
pourla mémoire & les amis d'Omedes, ne lui
per-
mirentpas
de rétablir le Maréchal dans tous ses
honneurs.
Le Grand Maître de la Valetteplus intrépide,
&persuadé
du mérite 6c de la bonne conduite du
Maréchal, se fit un devoir de lui rendrejustice-
£câpres
une exacte révision de sonprocès , il le
déchargeades injustes accusations dont ses enne-
rriís avoient tâché de le noircir j & il lui conféra
en même tems le titre de Grand Bailli deLango,
comme lapreuve
6c le sceau de son innocence:
Il fîtplus y 6c
pourle
venger 6c tout f Ordre des
insoltes,& dés mauvais traitemensqu'il
avoit re-
çus des Infidèles à la prise deTripoli,
il entra dans
lè desseinque
luiproposa Jean de Lacerda, Duc
de Medina-celi, Vice Roi de Sicile, de tenter la
conquêtede cette Place.
Deaguten étoit alors maître y ce fameux Cor-
sairen'ayant pu
obtenir du Sultan le titre de Bâ-
cha , & lacharge
de Grand Amiral de sonEmpire -,
dignité queBarberousse avoit
possédée,lui avoit
remis leSangiacat
de Sainte Maure y 6c souspré-
texte de zèlepour
les intérêts de son maître, &
de défendre les côtesd'Afrique
contre les incur-
sions des Chevaliers de Malte, il s'étoit borné à
Ccc ij
JïAKDE LA
VALETTE.
388 H I S TOI RE D E L'O R D R E
laqualité
de Gouverneur deTripoli, mais dont
par réloignementoù cette Place étoit de la Porte,
il s'étoit fait comme unpetit
Etatqu'il gouver-
iioit avec une autoritépresque
absolue , quoique
pourse conserver la
protection du Grand Sei-
gneur,il affectât une entière dépendance de ses
ordres.
Depuis qu'ils'étoit établi dans
Tripolidont il
vouloit faire faplacé
d'armes , & lesìçge
de fa
domination , il avoit so.it relever 6c terrasser les
murailles de cette Place. On y avoit ajouté par
son ordre des bastions, & tous lesouvrages que
le terrein avoitpu permettre,
6cqueTart
avoit
inventez én ce tems-là. Le Château n'étoitpas
moins fortifié j 6cmalgré
la situationqui
n'étoit
pas avantageuse, parlés soins continuels
&par
unedépense prodigieuse,
il en avoit fait une des
plusfortes Places de
l'AÍTique.De
grossestours
garniesdune nombreuse artillerie défendoient
l'entrée duport,
6c ceport
servoit dé retraite aux
vaisseaux deDrague,
& à ceux des Corsaires qui
navigeoientsous le
pavillondu Grand
Seigneur j
c'étoit de làque partoient
tous les vaisseaux des
Infidèlesqui
infestoient les côtes de Sicile, de Na-
ples , & même celles d'Espagne.
Le nouveau Vice-Roi de Sicile , pour signaler
son avènement à cettedignité , forma le
projet
d'aísieger Tripoli y 6cpour y réussir, il tâcha d'y
associer le Grand Maître : il n'eutpas
depeine
à
le faire entrer dans un desseinqui
avoitpour
ob-
jetde ruiner cette retraite de
pyrates.Ils en écri-
virent de concert à PhilippeII. Roi d'Espagne j
JEANl;E LA
VALETTJE.
DÉ M Á L T E. L I V. X11.389
ce Prince n'étoitpas guerrier y mais comme il sa-
gissoitde la fureté de ses côtes 6c du
reposde ses
lújets, 6cqu'il craignoit
mêmeque Dragut
n'en-
treprîtde lé rendre maître de la Goulette , il
ap-,
prouvaun
projet autorisé de l'avis du Grand Maî-
tre dont il connoissoit la valeur & lacapacité, 6c
dont fçs Chevaliers dévoient partagerles frais &
lespérils.
\ _
Ce Prince envoyases ordres au Duc de Sesse,
Gouverneur du Milanois , au Due d'Alcalaqui
commandoit dans leRoyaume de
Naples , 6c a
Jean André Doria alors Général de sesgalères, de
joindre leurs forces,de les fairepasser
en Sicile, 6c
if en défera le commandement généralau Duc
de Medinaceli, qu'il chargea expressément de se
conduire dans cetteentreprise par les conseils du
Grand Maître. Mais ces troisSeigneurs dont nous
venons deparler, qui par l'éloignement pu ils
étoient de la Cour, s'étoient rendus comme arbi-
tres de leur devoir, 6c jaloux de l'autoritéque
le
Roi leur maître déféroit au Vice-Roi de Sicile
sous differensprétextes , retardèrent Texécution
des ordres dePhilippe y 6c il salut
quece Prince
envoyâten Italie le Commandeur de Guimerans,
ancien Chevalier quiétoit alors à fa Cour, pour
faire marcher 6c pourconduire ces différentes trou-
pesen Sicile.
Le Grand Maître voyant Tannée fort avancée,
étoit d'avisqu'on
remîtl'entreprise
auprinteins
suivant -, 6c il en écrivit son sentiment au Vice-
Roi, mais ceSeigneur craignant que
le Roi ne
changeât de dessein , ouque par quelque intrigue
Ccc iij
JEANDE LA
VALETTE.
x559-
390 HISTOIRE DE L'ORDRE
de Cour , on ne lui enlevât une commission où
il se fktoit dacquérir beaucoup
degloire,
sepressa
departir y 6c
aprèsavoir
assignéle rendez-vous
généraldes vaisseaux & des
galèresdans l'Ifle de
Malte, malgréla
rigueurdeTa saison, s'y rendit
vers le milieu du mois de Décembre. Ily fut re-
çu avec tous les honneurs quiétoient dûs à fa di-
gnité , 6c aupuissant
Roi qu'il représentoit: les
troupes qu'ilavoit amenées furent
logéescom-
modément j le Grand Maître fit devant ce Géné-
ral la revue de cellesqu'il
avoit destinéespour
cetteexpédition ; elles étoient
composéesde
qua^
tre cens Chevaliers & dequinze
cens hommes à
la solde de laReligion,
lanscompter
les volon-
taires ; le Chevalier d'Urre de Teísieres , grand
Commandeur , & alors Général desgalères , en
avoit leprincipal commandement : & le Grand
Maître &îc Conseilqui
avoient une entière eon~
fiance dans fa valeur 6c dans sonexpérience , lui
avoient même laissé le choix de son Lieutenant, 6c
de rOfficierqu'il fubstitueroit en fa
place,soit pour
commander les troupesde
débarquement,s'il ju-
geoità
proposde tenir toujours la mer, soit
pour
rester sor lesgalères,
s'ilprenoit
leparti
de com-
mander lui-même lestroupes qui
dévoient faire
lesiège.
Le Vice-Roi remercia le Grand Maître d un íî
puissantsecours : il fut fur-tout charmé de voir ce
corpsde
quatrecens Chevaliers qui
devoit s'em-
barquer,tous anciens Chevaliers, &
quiavoient
vieilli dans le service. Ce Général ne futpas
moins
édifié des soinspleins
de charitéque
les autres-
JEANDE LA
-VALETTE.
D E MALTE. Liv. XII. 391
Chevaliers prirent depuisdes Officiers 6c des sol-
dats de ce Vice Roiqui
étoient tombez malades*
6c pendantdeux mois que ces troupes étrangères
restèrent dans l'Ifle, leurs malades furent secourus
& servis avec un zèle, quifdepuisla fondation de
rOrdre n y apoint dégénéré.
Infin lestroupes du Milanois 6c du Royaume
deNaples
ét?nt arrivées à Malte aucomMee-
ment de Février , on tintplusieurs
conseils de
guerresor les
opérations de lacampagne.
Lésiège
deTripoli,
cômme nous yen^
leprincipal objet de cet armement i'mais le Vicér
Roi informé des nouvelles fortificationsqu'on
a4oit faites à eette Place, Sçsurttout que Dragut,
Capitaine redoutable, s'y étoit enfermé, 6cqu'il
y avoit fait entrer cequ'il
avoit de meilleures
troupes , avec un amasprodigieux:
deprovisions
deguerre
6c de bouche, lespérils
de cette entre-
prise6cTincertitude du soccès ralentirent son ar-
deur• 6c
plushabile courtisan
queGrand Capi-
taine, ilproposa
laconquête
de rifle de Gelves^
où ilesperoit trouver de la
jgloiresons
péril.
Le Grand Maître convintqu'à
la vérité il ne
reneontreroit pas d# grandesdifficultez à se ren-
dre maître de cettepetite rfle, ouverte de tous co-
tez, 6c fans autres forteressesqu'un simple
Châ-
teau , & depeu
de défense y maisqueee qui
en fai-
soit la foiblesse , 6c la facilité de laconquête,
era-
pêcheroitde s'y maintenir, & seroit naître aux In-
fidèles , quandla flote seroit retirée, le delsein de
la reprendre ^d'ailleursque
lacampagne
étoitpeu^
piee de Maures ou d'Arabes, quià la faveur des
JEANDE LA
VALETTE.»
391 H-'I S T O I R E DE L'O R D RE
forêts depalmiers, dresseroient des
embuscades^
6cernpêeheroieiht dans un lieu si aride d
allerpui-ser de l'eau dans
cjíielques puits quiavoient été
creusez dans cette Hie-'j-qu'on
avoit même à crain-
dreque pendant qu'on
seroit attaché a cette en-
treprise,la flote du Grand
Seigneurdont on étoit
rrienacé , né sorvînt, 6c ne coulât à fond leurs
galères : au lieuque
s'ilspouvoient se re/ndre maî-
tres deTripoli^
elles trouveroient un a&ile 6c- un
abri danslé!port-
6c mêmeque
les bancs de sor
ble &k lésbassesqui
fë trouvoient lelongdes
cotes
deTripoli,
leur en serviroiènt contre lesgrands
vaisseaux du Sultan;
LeViee Roi jalouxdc Ihonneur de son sentiments
ne voulutpoint
so rendre à ces raisons: il soutint
toujours qu'ilse soròit rendu maître de Tlfle avant
quele Grand
Seigneureût
pu armer, 6c mettre en
mer ía flotte -y 6cque pour
assurer faconquête,
il
seroit fortifier lé Château dequatre
bastionsqui
lemettroient, 6c toute l'Ifle hors de
sorprise6c d'in-
sulte. Des avis siopposez partagèrent
ceuxqui,
composoient le conseil deguerre y mais comme
laplupart
des Officiersdependoient du Vicc^&oi,
îly en eut
peu qui osassent se déclarer contre son
sentiment- En vain le Grand Maître luireprésenta
qu'en changeantle
projet & leplan
de lacampa>-
gne,il alloit directement contre les intentions
du Roi son maître, & les instructions dont il étoit
chargé ; Lacerda demeura obstinément attaché à
son sentiment. La Valettequi prévoyoic
tout ce
qu'on avoit a craindre de cetteentreprise,
lui dit
qu'ilétoit maître de
porterles armes du Roi son
maître
JHAKDE LA
VALETTE.
DE MALTE. Liv. XII. 593
maîtredu côtéqu'il jugeroit
àpropos y mais
ques'il
abandonnoìt lepremier projet que
leRoid'Espagne
avoit approuvé,6c
quiavoit été
communiquéau
Conseil dé l'Ordre, il ne laisserpit sortir aucun-
Chevalier desports
de rifle. Le Vice-Roi chagrin
de trouver tant de fermeté dans le Grand Maître,
6cqui ne se
pouvoit passerde son secours, pa-
rut se rendre à son avis y ilreprit
enapparence
lepremier projet y on ne
parla plus quedu
siège
deTripoli
: mais comme le Grand Maître laiííbit
toujours voirquelque
défiance ;de la sincérité de
sesintentions,le Vice-Roipourl'eblouir, juraso-
lemnellementpar
la vie du Roi son Seigneur,6c
parla tête de Gaston de la Cerda son fils, jeune
Seigneur qu'ilavoit amené avec lui, que
sons s'é-
carter, il se rendroit incessamment devant cette
Place. Cependantce n'étoit
passon dessein y mais
il réservoic de le faire éclater quandil seroit en
mer, & seul maître des mouvèmens & de la
routequ'il
seroit faire à l'arméequ'il
comman-
doit.
Lembarquement
se fît le dix de Peyrier -, le
Grand Maître ajouta auxtroupes
de TOrdre. deux
censpionniers
Maltoispour íéryir au
siègede
Tripoli.Les Chevaliers Flotte &de la Roche eurent
la conduite de lartilseriè qu'on devóiEdébarqucr,
6c le Commandeur Gareie de Contreras fut;chargé
avec plusieurs Chevaliers dursoin jde Vj^ôpitaldes
malades, 6c des Officiels & des soldats quiferoient
blessez. La flote Chrétienne, tint la route: de la
Cote d'Afrique , ô< arriva a^x Sèches de Quer-
quene.L'Ifle de Gelves avoit ; toujp&ís
eu sçs Seï-
Tome III.'"
Ddd
J BANCELA
VALÎTTE,
39^. HISTOIRE DE L ORDRE
gneurs particuliers -ymaisdepuis que Dragut, sous
l'autorité du GrandSeigneur,
s'étoit établi dans
Tripoli,il avoit rendu ces
petits Souverains tri-
butaires de la Porte. Ce Corsaire n'eutpas plutôt
appris quele Vice-Roi étoit avec fa flote à la hau-
teur decette Ifle, qu'il s'yrendit avec deux
galères,
quientrèrent dans le canal de Cantara, dont nous
avonsparlé
dans Tonziéme Livre de cetouvrage.
Le Général Chrétien ayant découvert |ces deux-
galères y en détacha unplus grand
nombrepour
s^enemparer y niais rOffieier
qui commandoit les
gaseres Chrétiennes, ayant apperçûdeux vaisseaux
marchandsqui
vënoiënt d'Alexandrie , l'avidité
du butin lui fitnégliger la poursuite
des deuxga-
lères deDragut : il fut droit aux vaisseaux mar-
chands, & s en rendit maître. Maispendant qu'il
étoit attaché aupillage, Dragut
avec ses deux
galèressortit du canal ; il en envoya une comman-
déepar
le Corsaire Uluchialipour
donner avis à
la Porte, qu'une puissanteflote
composéede disse-
rentes escadres du Roi d'Espagne6c des Cheva-
liers de Malte , ravageoitles côtes
d'Afrique,6c
menâçôit Tripolid'un
siège.Par le même courier
il démandoit unprompt
secours y 6c en 1 atten-
dant, &après
avoir laissé ses ordres dans liste de
Gelvespour
fa défense, il retourna avec la même
diligence cjù'il étoit venu se renfermer dans Tri-
poli.Solimanne&t
pas plutôt reçuces nouvelles,
qu'il envoyadés ordres très
preslansdans tous les
portsdé F
Archipel pour armer incessamment tous
les vaisseaux & íe»galères qu'on pourroit
méttrè
en mer, CáráMustapha
son Grand Amiral,6c qui
J « ANDMLA
V;ALsETTf<
, DE MALTE. LiV. XII. 395
devoit commander la flote, pritle même soin dans
leport
deConstantinople. \
Cependantle Vice-Roi pour
faire de l'eau, fut"*
obligéen différentes fois de
débarquer.Les Gel-
/vains, quoiqueennemis secrets des Turcs, dont
ils soufíroièntimpatiemment
la dóinination y mais
irritez dupillage
de deux vaiíieaux marchandsqui
leurappartenoient, s'opposerent
a ces desoentes ,
chargèrentles^ Chrétiens , & dàríí ces esoármòu-
ehes, Alvare de Sande, uri désprincipaux
Chefs
de Tarmée 'y ysot blesse j 6c lesChrétiens, après
avoirperdu près
de deux cens hommes &cinq
Capitaines d'infanterie, sorentobligez
desorem-
barquer.La flote remit à la voile, tintla route dé
Tripoli,& s'arrêta aux Sèches de Palo, ainsi
ap^
peliezà cause de differens courans
quilaissent
quelquefoiscet endroit de la mer à sec. Le Vice-
Roi en attendant unepartie
de sestroupes qui
n'avoienípu partir
de Malte avéc secorps del'ár-
mée, s'arrêtaproche
de ces courans, 6c il débar-
quafur la côte voisine
quelques compagnies, qui
en differens endroits, creuserent despuits.
L'eau
enparut
claire 6c douce on entransporta
une
grande quantitésor la flote 5 FOfficier comme le
íoldat en but avec avidité; Maisiexperrence
la
fit trouver d'undangereux usage;
laplupart
de
eeux quièn burent, tombèrent malades : il en
mourut même ungrand nombre, &
parmi eùx,
plusieursChevaliers des
premiersde l'Ordre. La
flote Chrétienne eut en même tems àefluyet
une
viosente tempêté, & laCapitane
de Sicileayant
heurté contre legallion de Malte, se brisa, &
Dddij
JEANDB LA
VALETTE..
}$6 M í S T O IR E DE L'ORD R E
coula bas. Ces accidens si ordinaires en mer -, ne
furentque
lespréludes
d'uneperte plus déplo-
rable.
Le Vice-Roi, après quele calme fut revenu,
propose dans le Çonseii de quittercet endroit. Le
Commandeur deyessìeres:, suivant ses instructions,
luipropoía d'aller dabord à
Langir,lieu soin, 6c
d'une bonne tenure y quede-là on se
rerijdroitai-
sement àTripoli jíque parlapriíe
de cette Place,
6c sor-tout dupíort, pstmettroit en soretë la flote
contre les temp^tesj,& même contre l'armee qu'on
disoitqui
venoit deConstantinople y d'ailleurs que
les Maures.& les habitans dupays voyant
les Chré-
tiens maîtres de cette Placé,Je déelareroient avec
plusde confiance contre les Turcs y 6c
qu'aprèsla
conquête deTripoli, celle de Gelves ne coûteroit
qued'en faire le
voyage.
Mais le Viçe^Roi qui n'aimoitpas
les entrepri-
ses difficiles , fousprétexte que
les vents étoient
contraires, rejetta cetteproposition.
Les Officiers
qui composoientle Conseil, 6c
qui dépendoient
de lui, n osèrent être d un avis différent. On re-
vint aux Gelves iesept
de Mars , d'où le Général
desgalères de l'Ordre
dépêchaune
frégateau
Grand Maîtrepour lui donner avis de ce
qúise
passoit , 6c il luimarquoit par fa Lettre
quele
Vice-Roi n'avqit pas eu le couraged'aller jusqu'à
Tripoli.
Les Chrétiensdébarquèrent
dans cette Isle fans
obstacle, &íans;qu'il pairût aucun Maure qui
leur
en disoiitât lentrée. Ils avancèrent dans les terres
&proche
d'un endroit, oùily avoit dés puits
d'eau
J í A NDí LA
VALETTE.
DE MALTE. LIV. XII.397
douce ; mais ils les trouvèrent comblez y 6caprès
qu'onles eut débouchez avec
beaucoupde
peine,
l'eau enparut
très amerepar
laquantité
de feuilles
d'aloësque
les Gelvainsy
avoient jettées. Pendant
cjuel'armée Chrétienne
campoiten cet
endroit,
ily
vint desdéputez,
oupour
mieux dire des es-
pionsdu Cheick ou dû
Seigneurde l'Ifle, qui
sous
prétextede se
plaindre de laguerre qu'on lui soi-
soit sons aucunsujet,
6c sons la lui avoir déclarée,4
demandoit une entrevue avec le Vice-Roi. îlspro^
posèrent de sapart que l'armée sortît de l'Ifle, 6c.
quelà conférence se
put soire à laRòchette, où
ils direntque
les Chrétiens trouveroiènt en aboní.
dànce de bonnes eaux. Le Vice-Roi fansaccepter
ni rejetter tout à soit cetteproposition y leur• dit
qu'ilconféreroit volontiers avec leur maître y mais
quece ne
pouvoitêtre
qu'au pieddu Château, ou
il alloit s'acheminer incessamment. Cesdéputez,
après avoir reconnu ses forces, en firent lerap-
portau Cheick, qui
ne se trouvantpas
en état de
tenir dans une si mauvaise Place contre des trou-
pesnombreuses 6c
aguerries,étoit
disposéà
capi-
tuler. Mais sesprincipauxOfficiers^
6c la jeunesse
sor-tout demandèrent avec degrands
cris le com-
bat : & soitque
ceSeigneur
fût bien aise avant
quede traiter, de tenter le fort des armes , ou
peut-être quen'étant
pastout à fait maître des
habitans , il ne fûtpas
fâchéqu'un peu
de dis-
grâceles rendît
plus dociles, il leurpermit
cequ'il
ne;pouvoit empêcher : 6c ces barbares
pleinsde
fureur;, & avecplus dimpétuosité que d'ordre,
croyant surprendre les Chrétiens, s'acheminèrent
Dddiij
J IA«Dï LA
VALETTE.
393 HISTOIRE DE L'ORDRE
vers lecamp , ils
yétoient attendus, le Vice-Roi
avoit été avertipar
deux esclaves chrétiensqui
s'étoient échapez, qu'ilseroit
attaquéle lende-
main. Il nejugea pas
àpropos
d'attendre le^enne-*
mis j 6caprès
avoirréglé
lerang §c la marche de
sestroupes,il s'avança au devant d^eux. Les Che-
valiers de Malte avec deuxcompagnies
d'Alle-
mands étoient à lavantgarde -, il
y avoit; dans le
corpsde bataille trois mille Italiens 6c Siciliens, 6c
l'arriere-gardeétoitcomposéede trois milleEspa-
gnols.Telse étoit 1 ordonnance de cette
petitear-
mée dans la marche , lorsqueles Gelvains au nom-
bre d'environ deux milse sortant de derrière une
collinequi
les couvroit, 6cpoussant
à leur ordi-
naire des cris horribles , se jetterent l'épéeà la
main sorravant-gatde.
Mais comme ils n'avoient
ni cavalerie, niarquebusiers,
les Chevaliers avec
le feu seul de lamousqueterie,
en tuèrent ungrand
nombre, 6c eurent bien-tôtdispersé
& tourné ert
fuite cette multitude depaysans.
Le Cheickpour
préveniríà
perte,& le
ravagede rifle, traita avec
le Vice-Roi, lui livra les clefs du Château, recon-
nut le Roid'Espagne pour
son Souverain, 6c s'en^
gageade lui
payertribut. La Cerda charmé de
cetteconquête,
se laistà aller à destransports
ex-
traordinaires dejoye : il se vantoit d'être se
pre-
mierCapitaine
de fa Nation, quid
epuis-1 avène-
ment du Roi son maître à la Couronned'Espagne ,
en eût étendu la domination ;. &pour conserver
ce monument de sa valeur, ilentreprit d'y cons,
truire un fort dans la vue de tenir en bride Thu-
meur mutine 6c inconstante des Maures, Suivants
JEANo t. LA;
VALETTE.,
DE MALTE. Liv. XII. 399
le plan qu'ilen fit dresser, cette forteresse devoit
êtrecomposée
dequatre
bastions : André Gonza-
guese
chargeade la construction de celui
quire-
gardoitl'Orient y les Chevaliers de Malte entre-
prirentcelui
quilui étoit
opposé,6c
quise tróu-
voit à l'Occident. Le Vice Roi fit travailler ses
troupesde Sicile à celui
qui regardoitle Midi,
6c Jean André Doria, Général desgalères , em-
ployafa chiourme à travailler au dernier, qui
fut
placéentre celui deá Chevaliers de Malte & celui
du Vice-Roi. L'endroitqui
s'étend de l'Occident
auSeptentrion,
étoit défendupar
la mer, 6c une
épaisse muraille bien terrassée , devoit enfermer
le côtéqui
va duSeptentrion
à l'Orient.
Les Chevaliersqui
avoient amené à leur soite
deux cenàpionniers,
avancèrent considérablement
leurouvrage j mais dans les autres endroits le tra-
vail alloit lentementpar
l'avidité du soldat, quiau
lieu de charier de la terre 6c des matériaux, se dé-
roboit à unouvrage pénible, pour transporter
se-
crètement dans les vaisseaux de la laine, 6c de l'huile
dont il trouvoit unegrande
abondance dans cette
Me. D'ailleurs les maladies se renouvellerent sor
la flote, & dans l'armée de terrepar
les chaleurs
excessives dupays, par l'intemperie
de l'air, l'amcr-
tume des eaux, & sor-toutpar
la nourriture de la
chair des moutons àlongue queue, qui
se trouva
mal faine. Jean André Doria en tomba malade:
Quirico Spinolaen mourut, & outre
plusieursChe-
valiersqui
eurent le même sort, un sigrand
nom-
bre futaffligé
de différentes maladies, quele Com-
mandeur de Teffieres, General desgalères
de la
J E'A N .DE LA
VALETTE.
40o HISTOIRE DE L'ORDRE
Religion, futobligé
d'en donner avis au Grand
Maître, 6c de lui demander ses ordres. Le Grand
Maître fut sensiblementtouché de si fâcheuses nou-
velles : 6c commepar
unelongue expérience
il
connoissoit lepays
& les mersqui l'environnent,;
ilprévit
avec douleurque
si le Vice-Roi restoit
plus long-temsdans cette Ifle, il
pourroitêtre sor»
pris parla flote des Turcs. Il manda à Tessieres
qu'ilne
pouvoit approuverla construction
d'un
Fort dans un endroit stérile , éloignéde tout se-
cours, fans eau, & sor-tout fans portoù les vais-
seaux pussent aborder. Ildépêcha
en même-tems;
un Chevalier au Roid'Espagne, pour
lui donner
avis dupéril
oùpar
untrop long séjour dans l'Ifle,
le Vice-Roiexposoit son armée. Il fit fçavoir la
même chose à la Cerda, 6cpar
le même courier
qu'il envoyaen
Afrique,íl ordonna au Comman-
deur de Tessieres, si le Vice-Roi s'obstinoit,pour
continuer sonouvrage , à rester dans un lieu
sidangereux,
de demander soncongé,
& de re^
venir incessamment à Malte, où son secours seroit
plus utile, si les Turcspour
faire diversion atra-
quoient les Ifles de laReligion.
Peu de jours après
ilrenvoya un second courier
pourdonner avis qu'il
venoit d'être avertique
le GrandSeigneur
avoit
faitpartir quarante galères pour
venir au secours
deTripoli, que
ce Prince croyoit assiégée y que
vingtvaisseaux corsaires dévoient se joindre à
cette flote, quiétoit attendue sor les côtes d'Afri-
que par vingt-deux autres, commandéespar
Dra-
gut , 6cque
cette flotechargée
detroupes fraîches,,
&supérieure
à celle des Chrétiens,, dont la plu-
part
JEANDELA
VALETTÏ.
DE MALTE. LIV. XII. ^oi
partdes soldats étoient
languissans,n auroit
pas
depeineà en
triompher.
Le Commandeur de Tessieres 6c Jean-André
Doria sollicitoientpressamment
le Viceroi d'a-
bandonnerpour
un tems sonentreprise du nou-
veau Fort : l'un 6c l'autre lui conseilloient d'em-
barquertoutes ses
troupes, d'aller au-devant de
la flote deConstantinople jusques
dans TArchipel,
6c dé la combattre avant so jonction avec les,ga-
lères des corsaires j ils luirepresentoient qu'aprés
avoir écarté les vaisseaux du Grand Seigneur,ils
pourroient revenir enAfrique former le
siegede
Tripoli,dont la
conquête aísoreroit celle de l'Ifle.
de Gelves. Mais le Vieeroi étoit sipréoccupé par
lapassion qu'il
avoit d'achever sonouvrage,
& de
laifler enAfrique
une Forteressequi portât son
nom, qu'il ri'écoutoit les avis qu'onlui donnoit,
quecomme excitez
par une jalousie secrette de íà
gloire: rien ne
putvaincre son
opiniâtreté.Le
Commandeur de Tessieresprévoyant
faperte
in-
faillible; 6c laplûpàrt
des Chevaliers, des soldats
& des matelots étant mourans, lui demanda son
congé,& partit.
IIperdit dans la traverse encore
neuf Chevaliersqui moururent de maladie : 6c
peu
de jours aprèsson arrivée ísen mourut lui-même
avec la plupartde ses soldats, des esclaves, & des
forçats y en sorteque
cesgalères
ne furent delong
tems en état de retourner en mer.
Le Grand Maîtrepour
lesremplacer,
6c tou-
jours inquietdu salut de la flote Chrétienne, ren-
voya en Afriquetrois autres
galères,armées de
nouveaux soldats, 6ç d'une nouvelse chiourme.
Tome III. Eee
J ï A NDE LA
VALETTE.
40ÌHISTOIRE DE L'ORDRE
Le Chevalier de Maldonat devoitles commander
en mer, 6c le Commandeurde Guimeran avoit
ordre de se mettre àla tête destroupes
de débar-
quement.Çé petit
secours arriva aux Gelves le
vingt-sept d'Avril, danssemême-temsque
se Lieu-
tenant du Viéeroi deNaples, craignant
une des-
cente des Turcs dans ceRoyaume, avoit envoyé
enAfrique
deuxbrigantins pour
en ramener les
vieux soldatsEspagnols , qu'il croyoit njéceíïaîres
£OUrla défense du
pays.;Le xo de Mài il arriva de
Malte un nouveaubrigantin
danslequel
étoit lé
Chevalier Huguesde
Copones, quele Grand Mafc
treenvòyóit
à Doria, pourlui donner avis
quen-
{finl armée navale des Turcs, composéede
quatre-
vingts-cinq galères,avoit
parusor les côtes du
Goze le septde Mai. Doria
quiétoit malade en-
voya cês lettres au Viceroi, 6c il lui mandaque
s'il ne faisoitrembarquer promptement
ses trou-
pes pendantfa nuít^ & avant
quele jour parût,
ll ne devoitpas s'attendre dechaperala puiíîance
Ibrmidabse des Turcs* Mais rien nepouvoît
dissi-
per ^aveuglementdû ;Viceroi ; &
Quoiqu'il;ne
ïptìt Jîlusdouter dé 1 arrivée de la flote Ottomane,
il se flattaque
le Commandant iroit d'abord à
Tripoli pourconfères avec
Dragut,6c
quedans
l'intervale il aiiròit tout le tems nécessaire de rem-
barquerses
troupes6£ son artillerie. Un funeste
succès fut la fuite malheureuse de son entêtement :
la flote ennemie parut à lapointe
du jòur: Cara
^ûstápiia en^avòit la) conduite, 6c le Bâcha Piali
favori da GrandSeigneur
avoit le souverain com-
jriàhdemeht des troupesde
débarquement.Doria
JE A'NDE LA
VALETTE.
15 6 o.
*o de Mai.
J E A HDE LA
VALETTIÌ
DE MlLTE.LlV. XII.4°3
voyant cette flotte s'avancer en bonne ordonnance,
s'écria : Enfin Vopiniitreté d'un seul homme nous a
tousperdus s mais au moins nous ne ferons pas
vaincus
Jans avoir prévunotre
défaite,
\ A la vue de l'armée des Turcs, la consterna,-
tion 6c le désordre se mirent dans la flote ?Chté-
tiénne; Lesgalères par les maladies étoient fans
un nombre suffisant de forçats &; de soldats §, çha-
cun dans ce désordre & cette confusion ne prenoit
Tordreque
de íapeur :;>§c sons rendre de combats
chaque Capitaine ne cherchoit qu'à écbaper^à la
furie de lìartiilerie des ermemis, Les Turcs prirent
vingt galères6c
quatorze gros navires avec leur
équipage, 6c tous ceu^iquiles montoient j 6c leurs
barques armées de soldats: s'e;mparerent lans ré^k
tance deplusieurs galeresvtífcrétlennes j qus;faute
d eau se trouvèrent alors arrêtées dans ces banc^
de fablequ'on appelloit
les Sèches ou les/Eqjfes.
Le Commandeur de Maldoiiafr; voyant toutéla
flote} en déroute 6cdispersée-x 6ç fçs trois gale^
respoursuivies par celles des ennemis ,; né
per-
dit ni lecourage
ni lejugement
: &; comme il
n'étoitpas moins habile pilote quet£apitairçe
pleinde vaseur , à forcer de 'soire de jsouflfes
routes, & comme s'il eût voulu échouer a térre^
ilgagna
lecap
deSphax
: & de là prenant à droite,
il sc jetta enpleine mer, d'où il íe rendit heureu^
sèment à Malte. ^ , i
Les Turcs ne voyant plusídennemis qui pussémt
leurdisputer
la victoire, la célébrèrent par une
déchargede leur artillerie^ impair
toutes'Jes mâî$
ques d'uneréjouiu^ncepubJique,:ôc ib résolurent
Eee ìj
404 HISTOIRE DE L'ORDRE
dedébarquer
le lendemain lèurstroupes pour
s'em-
parerde llflé, 6c soîre tsolâves ce
qui y restoit de
Chrétiens; Pendantque
sor seur flote tout rëten-
tissoit des cris dejoie,
le Viceroidésespéré
de so
défaite, confus 6c honteux de n'ayoirpas
suivi les
conseils de 'Doria, né laissapas d'y
avoir encore
récours. 11 le vint trouver dans son lit où il étoit
malade, 6c en approchant: ^oriáyhiïúïtJÌ, qui
ave^eUifittldela
sagesse & du bon fins endette oçca-
fion3querhe éonseilléz-yóus dé faire} Seigneur,lui
reporidit^DÓriâ ï<iïmwevótis} commande^les troupes
de terth Çcëst àvous aprendre} k'parti qùìvouspa^:
roîtra leplus avantageux. A l
égardde notre mal-*
heureuse' flote^ f airéfilu fk rnèfiire porter
cette
nuit fur uwleger briganìtin^
de'tâcher depercer*
k lafaveur des ténèbres }au travers de cette forêt de
vaisseaux dont nous firiïmesenvironne^: ^ st je puis
méckaperydecourir'la mer
pour'rallierles tristes
débris de notrjë défaite> ®» degagner ensuite le
port
de Mëjstnëy pour y ^ètenfire lés mdressdela Cour.
Le Viceroi lui ditquil
vouloir le isoivre, 6c
qu'ils abandonnóit à so conduite ; &
quoiquil lui
ïcrtaténcòíe dans lìfle 6c àmi le Fortprésìdeicinq
itíille hoMmes, il aima mseux s enfuir, 6c sorvu
vré à sodéfaites que
de s'ensevelirgénéreusement
sous les ruines de cette forteresse, 11 en laissa le
commandement à Aivâre; de SandeCapitaine
fa„'
meux, quiavoit
acquis beaucoup degloiredans
sesguerres
de Piedmorit. Ils?embarqua
énsoite
âvècpsofîéuWOrficiersigéneraux,
6cpar
l'Kabileté
a^ladrefode Dòriailso d^mélades vaiissbaux Turcs,
gâgìU l'|fle dê>ryialteí^pùiL
sel rendit enSicile^
JEANDE LA
VALETTE.
: DE MALTE. L iv. XII. 405
où il alla cacher sadisgrâce
6c ses malheurs. Ceux
des Chrétiensqui
étoient restez dans lTile ne fini-
rentpas par
la déroute de la flote. Les Turcsayant
débarquéleurs
troupes6c leur artillerie, assiégè-
rent le Fort, & le battoient avec dix-huit canons.
Ce n étoientpas
les seulsennemisaufquels
de Sande
eût à résister : Pendant trois mois de tems qu'il
soutint cesiège
avec uncourage invincible, ikeut
à combattre non-seulement contre des hommes,
mais encore contre lafaim, la soif, 6c pour ainsi
dire, contre tous les élemens. L'eau manquoit dans
les citernes, 6c iln'y
avoitpas même de bois dans
la Forteressepour
cuire les alimens. Laplupart
des,
soldats plutôt quede mourir de soif, désertoient
par bandes, & alloient se rendre à l'ennemi. De
Sande voyant son canon démonté, lesouvrages
de la Place ruinez par celui des Turcs, 6c se trou-
vant fans eau, fans Bois y 6c cequi lui restoit de sol-
dats, malades, exténuez 6clanguissans, résolut par
unegénéreuse
sortie de s'ouvrir unpassage,
6c de
de mourir honorablement & lepée àla main.Après
avoirreprésenté
à ses soldatsque
leur salutdépen-
doit de leurcourage,!)
se mit à leur tête, 6c sor-
tit dans une heure où ilcroyoit surprendre
les In*
fidèles -, mais les Turcs avertis par des transfuges
l'attendoient en armes. Apeine
fut-il sortiqu'il
se
vit environné 6c accablé par differens corpsde
troupes qui tombèrent sor lui. II n eut pasmême
la consolation de mourir lès armes à.la main; il
futpris
& mis à la chaînepar
ces Barbares avec
cequi
lui rçstoit d'Oíflciers 6c de soldats. Le Bâ-
cha entra ensuite dans la Place dont il fit razer
E e eiij
J E A HDE LA
VALETTE-
4o6 HISTOIRE DE L'ORDRE
les fortifications, depeur quaprès
sondépart les
Chrétiens n'yrentrassent r 6c ce Général
repritle
chemin deConstantinople,
couvert degloire,
6c
traînant à so soite lesgalères Chrétiennes, 6c un
nombre infini deprisonniers.
Près dequatorze
mille hommespérirent
dans cette malheureuse ex-
pédition , soit parle fer ennemi, soit
parles ma^
ladies , ou dansTesolavage. L'Efpagne
seule y per-
ditvingt,
huitgalères
6cquatorze
vaisséauik dé char-
ge,sons
comptercelles du
Pape6c deux
qui appar-
tenoient à Cofme Duc de Florence. Pierre Machia-
vel, quiles commandoit en sauva d'abord deux
autres ; maispeu
de tems aprèstreize
galèresd'Al-
gerles ayant rencontrées
prèsde llfle de
Giglio,
elles furent contraintes d'éclìouer contre desécueils
quise trouvent le
longdes côtes de l'Ifle de Corso.
Les Officiers & les soldats se souverent à terreaprès
avoir abandonné lecorps
desgalères, 6c la chiour-
mecomposée
de Mahométans, queces Infidèles
mirent en liberté.
Ce fut àpeu près
en ce tems-làque Cofme ,
Duc de Florence, pourse
précautionnerà I ave-
nir contre leurs incursions, rorma uncorps
de ma-
rine: &pour
en attacher les Officiers à íà for-
tune, il en fit un Ordre de Chevaliersqui
furent
depuisles élevés des Chevaliers de Malte. Ce
nouvel Ordre fut institué sous Tinvocation de S.
EtiennePape,
dont on célebroit la Fête le deuxiè-
me d'Août, jour heureuxpour
ce Prince, 6c au-
quel peu auparavantses Généraux avoient
gagné
contre les bannis de Florence, la bataille de Mar-
ciano. Cofme établit à Pise la Maison Chef d'Or-
Jl A NDE LA
VALETTE
DE MALTE. Liv. XII. 407
dre : ily
attacha degrands
revenus -, lui-même
en dressa les loix & les statuts : &pour
nèpas
\
laisser dans une domination nouvelle unCorps
de
Noblesse réuni sous une autre autoritéque
la sienne,
il s'en fit le Chef & le Grand Maître : & les Princes
ses enfans en furent lespremiers
Chevaliers. lien
avoit trois > François qu'ildestinoit
pourson suc-
cesseur, 6cqu'il envoya depuis
à la Courd'Ëípa^
gne -yJean > qui quoiqueà
peine âgéde seize ans,
étoitdéja
revêtu de la Pourpre Romaine, 6c Garfiè
le dernier des trois, jeune Prince d'une humeur
féroce. Ces deux dernierspar
une jaloùsie 6c une
émulationréciproque,
dès leurplus
tendre en-
fance, avoient conçul'un contre l'autre une haine
dont on avoit jamais puses soite revenir, 6c
qui
éclata en ce tems-là d'une maniéré funeste. Pen-
dantque Cofme soivi de toute so somille, pour
donner une forme constante à son Ordre mili-
taire, visitoit lesports
6c lesplaces
maritimes de
ses Etats, ces deuxjeunes
Princes dans une partie
deehàflequ'ils
firent dans dès boisproche
de Gros
feto, s'étant querellez , de concert s'éloignèrent
de la soite, s'enfoncèrent dans le bois, se battirent,
6c Garsie tua d'uncoup
depoignard
lë Cardinal.
11rejoignit
ensoitè la chasse fans faireparoître
le
moindre trouble, & comme s'il se fût seulement
égaré: il demanda ce
qu'étoitdevenu son frère.
Mais comme ce jeune Prince neparoissoit point,
6cque
la nuitapproehoit,
ses Officiers separta-
gèrent pourle chercher, 6c eèlui
quiétoit
chargé
particulièrementde so conduite, après
avoir couru
tout le bois, le trouva enfin étendupar terre,
JEANDELA
VALETTE.
4oS HISTOIRE DE L ORDRE
mort 6cnoyé dans son
sang.Il courut auflì-tôt
porter une si triste nouvelle à Cofme. Ce Prince
soupçonna aussì-tôt la main d'où un si cruelcoup
étoitparti : mais
quoique pénétréde la
plusvive
douleur, il eut assez de forcepour
la dissimuler:
il ordonna même à cet Officier de tenir la choso
secrette y 6cqu'à
la faveur des ténèbres, il luiap-
portât dans son cabinet lecorps
de son fils enve-
loppédans un
tapis,6c fans
qu'il pûtêtre ap-
perçû.
On né lui eutpas plutôt obéi, qu'il
fitapellerGar-
íìe-, 6caprès
s'être enfermé avec lui,il lui demanda
cequ
étoit devenu son frère. Ce jeune Prince avec
une assurancequi n'étoit pas de son
âge , lui ré-
ponditfroidement
qu'ilravoir
perdu de vue à so
chasse 6c dans lapoursuite
du cerf. Cofme lui com-
manda alors de lever letapis qui çouvroit le
corps
du Cardinal, dont lesplayes jettoient encore du
sangen abondance. A ce
spectacle,le Duc ne
pouvant plus retenir fa douleur 6c fa colère : Mal-
heureux y lui dit-il, voilà lesang
de tonfrère qui
crievengeance
au ciel contre toi :fam-il que f aye mis
au monde unparricide qui par
laperte
de fin frère,
s'est fait un cheminpour affaffiner fin père
même ì
Garsie intimidé , se jetta à sespieds,
confessa! sort
crime : 6cpour
en diminuer l'horreur, alleguâìque
son frère l'avoitattaqué
lepremier,
&qu'il
n a-
voitpu
sauver fa vieque par
sa mort. Mais Cofme
rejettant de si foiblesexcuses, & le
regardantavec
desyeux pleins
de fureur : Ilfaut, lui dit-il yque
je vengemoi-même la mort de Vinnocent
parla
perte
ducoupable , & que
tu rendes la vie a celui de qui
tu
JBANDE LA
VALETTE^
DE M ALT E. LIV. XII.409
m la tiens. En disant cesparoles,
il lui arracha
lepoignard
dont il avoit tué son frère, 6c le lui
enfonça dans le soin. On les enterra ensuite l'un
6c l'autre secrettement : 6cpour
cacher un sigrand
malheur , onpublia qu'ils
étoient morts dans
une maison decampagne
d'une maladie conta-
gieuse , dont la Toscane étoit alors infectée. On
leur fitdepuis
demagnifiques
funérailles dans
laprincipale Eglise
de Florence , ausquelles on
ajouta leur oraison funèbre : 6c dans ce discours,
rOrateur , parordre de Cofme, affecta
exprès,
pourdiminuer le
soupçonde ce meurtre , de s'é-
tendreprincipalement
íur leslouanges
de Garsie.
C'est ainsique
Monsieur de Thourapporte
un
événement sitragique
dans le trente - deuxième
Livre de son Histoire.5 quoiqu'on prétende quece
fait ne se trouve pointdans fa
première édition,.
6cqu'il
a été inférédepuis par
les éditeurs des édi-
tionspostérieures.
Eleonore de Tolède, mère de
ces deux jeunes Princes, & àlaquelle
on neput
cacher les circonstances de leurperte,
en mourut
de douleur. Cofme fans se laisser abattrepar
tant
dedisgrâces,
cherchoit fa consolation dans les soins
qu'il prenoitdu
gouvernement.Sa
principaleoc-
cupationétoit alors de faire fleurir son nouvel
Ordre, 6c ce Prince habile, & un desplus grands
politiquesde son siécle , pour
attacherpar
cette
marquede distinction les
principalesfamilles de
Florence aux intérêts de fa. Maison, avecpermis-
sion duPape
Pie IV. dispensales nouveaux Che-
valiers des loix du célibatqui
s'observoit dans
l'Ordre de Malte, 6c il étendit cettegrâce juso
Tome III. Fff
1
'= JEANDE LA
VALETTE.
JE AIÍDE LA
VALETTE.
410HISTOIRE DE L'ORDRE
qu'àceux
qui avoient été mariez deux fois. IIy
ajouta leprivilège,
au défaut d'enfanslégitimes,
depouvoir
tester de leurs biens en faveur de leurs
bâtards, à condition en ce cas d'en laisser à leur
Ordre laquatrième partie.
Son intérêt ne luiper-
mitpoinÉ
de se conformer sor tous ces articles à
larigueur
6c à la íe vérité des statutsqui
s'obser-
voiencpar
les Chevaliers de Malte, 6c il íe con-
tenta d'exhorter ceux de Saint Etienne ailes imi-
ter au moins dans la valeur & dans le zèle qu'ils
faisoientparoître depuis
tant dé siécles contre les
Turcs 6c les Infidèles.
Ce sot dans cette vue, 5cpourles former dans
ladisoipline^militaire, qu'il
ordonna aux Com-
mandans de sesgalères, quand
ils rencontreroient
celles de Malte, de s'y joindre, devoguer
ensem-
ble, &d'attaquer
de concert tous les Corsaires
qu'ilsrencontreroient. En exécution de ces ordres,
Baccio Martelli, Chevalier de Saint Etienne, 6c
quicommandoit
quatre galèresde Florence, ayant
trouvé à la hauteur duCap-Lupo s Vincent de
ConzaguePrieur de Barlette, Général des
galères
de laReligion,
6cqui
en avoitíèpt
sous sos orclres,
lè salua lepremier,
saborda ensuite, lui demanda
6c obtint lapermission de le suivre : 6c dans leur
course, prit toujours Tordrequ'il
donnoit ensuite
à ses Officiers sobalternes. Le Général avec ces
quatre galères , so trouvant commander à onze
bien armées, courut toutes les mers du Levant,
sauvaplusieurs
vaisseaux Chrétienspoursoivis par
les Infidèles, prit plusieurscorsaires , 6c à la Rn de
lacampagne
il sesépara
des Florentins à la hauteur
de Corfou. Il entra ensuite dans leport
de Malte,
DE MALTE. LIV. XIL 411
où suivantl'esprit
del'Ordre, il
reçût plusde té-
moignagesde
congratulation pourles vaisseaux
v
Chrétiensqu'il
avoit défendus 6csauvez, quepour
—
ceuxqu'il
avoitpris
fur les Infidèles.
\, C'étoit dans cette vueque
lesgalères
de la Re-
ligionétoient
presque toujours en mer. Le Grand
Maître de ses revenus, en fit même construire deux
nouvelles: lesplus
riches Commandeurs à son exem-
plefaisoient tous les jours, 6c suivant leurs forces ,
differens arméniens : jamais l'Ordre n'avoit été si
puissantsor mer y & ce
quile rendoit sor-tout re-
doutable aux Infidèles, c'estque
ces différentes
escadres étoient commandéespar
des Chevaliers
quiavoient vieilli dans le service, 6c dont la
plu-
partauroient été
capablesde commander des ilotes
entières: tels étoient alors le Commandeur Gozon
de Melae, Général desgalères
de laReligion,
le
Commandeur de Guimeran, quele Roi
d'Espagne
avoit demandé au Grand Maîtrepour comman-
der celles de Sicile, les Commandeurs de Giou 6c,
d'Elbeines , 6c les Chevaliers deThiange
& de 1
la Motte, tous excellens hommes de mer, & cé-
lèbrespar
leur valeur & leurexpérience.
Mais
parmices
Capitaines,aucun n'avoit fait tant de
prises6c si considérables
quele Commandeur de
Romegas,Chevalier
qui depuisfa jeunesse avoit
fait la course y personnene connoissoiç auflì-bien
quelui les côtes, les ports 6c
jusqu'auxmoindres
calesqui
se trouvent lelong
de la mer Méditerra-
née: d'ailleurs brave, intrépide, quin'avoit jamais
connu depéril, 6c
quine souffroit dans son bord
que des Officiers & des soldats dune valeur aussi
Fffij
JEANDE LA
VALETTE.
411 HISTOIRE DE L'ORDRE
déterminée. La viequ'il passoit presque
entière à
la mer, lui avoit donné un air farouche : on l'ac-
cusoit même de traiter cruellement sesprisonniers y
mais ilprétendoit qu'il
ne tenoit cette conduite à
leur égard que par représailles, 6cpour
réduire les
corsaires à enagir
avecplus
d'humanité envers les
esclaves Chrétiens. On ne laissoitpas
desoupçon-
nerque
dans cesreprésailles
il ne se faisoitpas
beaucoupde violence, &
queson humeur naturel-
lement dure 6c violentey
avoitpeut
- être autant
depart que
lapolitique.
Quoi qu'ilen soit, ce fut en ce tems-là
qu'il ren,-
contra lelong
des côtes de Sicile une grosse ga-
liote commandée parun fameux corsoire
appelle
Yíuf Conciny, renégat Calabrois, 6c letyran, ou
plutôtle boureau des esclaves Chrétiens. Il en avoit
dans fa chiourme 6c sor son vaisseau deux cens ,6c
deux censcinquante
soldats. Lapartie
étoit assez
égale -, le corsaire n'évitapoint
le combat y les deux
galères s'approchèrent,6c
aprçsavoir
essuyéle feu
l'un de l'autre, on en vint auxcoups
de main. Le
combat se maintint long-temsavec un
avantage
égal6c fans
qu'oneût discerné
quelen seroit le
succès.Romegas
irrité d'une silongue résistance,
s'étant mis à la tête de sesplus
braves Officiers, se
jetta dans lagaliote l'épée
à la main, 6ç franchit
la rambade. Le corsaire le reçût avec le même cou-
rage,& tua deux Chevaliers de so main: mais étant
tombé sor un banc de fa chiourme d'uncoup qu'il
reçut,cès esclaves
pourse
vengerdes mauvais frai- r
temensqu'ils
en avoient reçus, ne virentpas plu-
tôt Romegasmaître du vaisseau, que
fansqu'il s'y
JE ANB.E LA
VALETTE*
DE MALT E. Liv. XII. 413
opposât,ils firent
passerle corsaire de main en
main. Chacun lui donnoit uncoup, plusieurs mê-
mepour
assouvir leurvengeance,
le déchiroient
avec les dents: iln'y
en avoitpoint qui
ne voulût
èn avoirquelque membre, & avant
qu'ilfût
par-
venu au dernier banc, à peine en réstá-t4l là moin-
drepartie. Un
renégatde Melasso èn Sicile ne fut
pasmieux traité. Sous so conduite , des còrsoires
àvóientsorpris cette
petite Place, Tàvoient pillée,
enlevé plultéurs habitáns de diffèrent sexe -y 6c
pour ajouter la lubricité aubrigandage,
un infâ-
me Marabout avoit violé de jeunes filles Chrétièiv
nés. Lesgalères'de
Malte jointes à celle de Sicile,
enayant
étéaverties, poursoivirent
lespyrates-
mais il ne lespurent joindre. Après
cetteexpédi-
tion ils s'étoientséparez,
lesgalères
de Malteplus
legerés quecelles de Sicile & dont la chiourme
étoitplus fraîche, joignirent
laprincipale galeré
des corsaires, 6ccjui portoit
le butin 6c les escla-
vesqu'ils
avoient faits. Comme la résistance d'une
feulegalère
contre toute une escadre n auroit servi
peut-être quala faire couler à fond,les Infidèles
se rendirent. Le Prieur de Barlettequi comman-
doit dans cette occasion délivra la chiourmequi
étoitcomposée
de Chrétiens, mit en leurplace
quatre-vingts Turcs, 6c rasoèna heureusement à
Melasso les hommes & les sommes, quien avoient
été enlevez. Lepeuple après lui avoir témoigné
fa
reconnoissance à fa manière , &par
des acclama-
tions 6c des cris tumultueux dé joie , lui demanda
cerenégat
leurcompatriote, qui
avoit conduit les
corsaires, 6c rmsolent Maraboutqui
avoit traité
F f f iij
JEANDELA
VALETTE.
414HISTOIRE DE L'ORDRE
íi indignementleurs filles.. Le Prieur ne leur eut
pas plutôtabandonné ces deux scélérats, que la
populaceen furie sen fit justice par
ses mains ,
les déchira & lès mit ènpièces. Romegas qui
en
ce tems là étoit à la mer j traitaplus
favorable-
ment ungallion qu'il
rencontra prochede l'Iíle de
Scarpento,6c entre celles de Candie 6c de Rhodes.
Ce gallionvenoit de Satalie }6c il étoit comman-
de parIç Rais^eid Maamer,Ugiy, Capitaine qui
ne manquoit pasde
valeur,&
quiâvoit mêr
me fur son bord grand nombre de braves sol-
dats, 6c accoutumez au sou.Romegas n'avoit alors
queles deux galères qui appartenoient
au Grand
Maître, 6c, dont le Chevalier -,de la Motte com^
mandoit la moindre. Ce Chevalier dont lagalère
étoitplus legere, commença le combat y Rome-
gasetant^nirvenu, s'approchadu
gallion -, 6caprès
savoir examiné 6c vû son, tillae couvert de mous-
quetaires , !&. l'ar tillerie bien servie , if jugeafans
peine quedix
galèreseomme celtes
qu'il com-
mandoit , s'il neçbangeoit
Tordre de sonattaque,
nemporteroient pasce
soperbevaisseau,qui par
so hauteur & encomparaison
desgalères, parois
soit un château flotant. Mais comme les Cheva-
liers necomptoient jamais
íe nombre 6c les forces
de leurs ennemis, ôç quede son caractère fur-tout
il auroit mieux aimé périr qu'oneût
pûlui
repro-
cherqu'il
eût abandonné ionentreprise,
ilprit
le
partide battre de loin cette grosse caraque.
Heu-
reusement un calme étant survenuqui Tarrêta,
les deuxgalères
à la faveur des rames s'enappro-
choient,, faisoient leurdécharge}
6cs'éloignoient:
;JEANI>£LA
VALETTE.
DE MALTE. Liv. XII. . 41J
6caprès
avoirrechargé
revenoient ensuite avec la
même légèreté. Romegas profitantde la bonace, ^
continua cette manoeuvre silong tems, que
le~
gallion aprèsavoir
perdu beaucoupde monde
par
lescoups
de coursier, futobligé
de se rendre. Les
Chevaliers entrèrent dedans, ils le trouvèrent char-
géde riches marchandises : mais à
peineeom-
mençoient-iisíàs'en rendre les maîtres, qu'il
cou-
la-bas des coups qu'ilavoit reçus dans ses cèuvres
mortes : 6c toutce qu'on put soire, fut de souver
Téquipage y parmi lequel
on trouva uct vénerabse
vieillardâgé
de soixante 6c dix huit ans, Sangiae
dû grand Caire, 6cprès de six cens hommes Turcs,
Maures &Nègres, qui
tenoient comme lui là
route deConstantinople.
Pendantque
les Chevaliers de Malteexposoient
tous les jours leurs vies contre les Infidèles, l'E^
gliso Catholique assemblée à Trente dans un Con-
cilegénéral
6coecuménique, opposoit
le zèle 6c
la science de ses Prélats"aux nouveautez des Pro-
testans y le Grand Maître y avoit été invité com-
me les autres Souverains de la Chrétienté. Ce
Prince 6c le Conseil de TOrdrey députèrent
en
qualitéd'Ambassadeurs les Chevaliers de
Villega-
gnon6c
Royasde
Portalrouge y mais lepremier
retenupar
sonâge
avancé &par
unegrande
ma-
ladie , ncs'y put
rendre.Royas s'y trouva soûl y 6c
avantque d'y
être admis, il eut à essuyerde
gran-
desoppositions
de lapart
duCorps
desEvêques,
lesquels représentèrent qu'ila étoit
pas juste qu'un
simple Religieux,6c le
Députéd'une Société de
Frères, prît place parmiles Ambassadeurs, 6c eût
JE AKDE LA
VALETTE.
4i6 HISTOIRE DE L'ORDRE
en cettequalité
lapréséance
sur lesEvêques.
LaE
faire s'accommoda, ôç on convintque
T Ambassa-
deur de Malte seplaceroit parmi
les autres Am-
bassadeurs des Princes Chrétiens, sonspréjudice
desprotestations de TOrdre
Episcopal y ainsi Royas
fini admis dans laCongrégation qui so tint le 7
deSeptembre
de Tannée 1565» Ce Ministre com-
mença &harangue par
excuser lé Grand Maître
& se Conseil, s'ils n'avoientpas envoyé fjplutôt au
: Saint Concile des Ambassadeurs y 6c ilallégua pout
raisonque
Tlfle 6c le canal de Malte étoient in-
festez continuellementpar
des esoadres de Cor-
saires, 6cqui
sombloient attendre la flote du Grand
Seigneur destinéepour entreprendre
laconquête
de Tlfle entière de Malte. Ilpassa
àTorigine
de
son Ordre,fondé, dit-il, 40ans avant
lapremsere
Croisade. Ilparla
ensuitemagnifiquement
des ex-
ploits héroïquesfaits
parleurs ancêtres, & ilajouta
ques'ils ne
pouvoientà
présentles
égaler , c'est
queles Protestans s'étoicnt emparez
d'unepartie
de leurs Commanderies, 6c mêmeque
des Pré-
lats & des PrincesCatholiques,
contre fusage
6c
lesprivilèges
de l'Ordre, se soisoient souventpour-
voirpar
lesPapes
des Prieurez & desplus
riches
Commanderies. Ilpria
les Pères au nom de tout
TOrdre, d'avoirégard
à son ancienneté, à so no-
blesse , 6c aux servicesque depuis
tant de siécles
il rendoit à toute la Chrétienté, d'ordonnerque
les Commanderiesqu'on
avoitusurpées , lui fus-
sent rendues, 6cqu'il
fût fait un décretquelles
ne
pussent êtrepossédées à Tavenir que par
des Che-
valiers, selon leur ancienneté deReligion, &que
le
JEANDE LA
VALETTE.
DE MALTE. Liv.XIL '417
le décret fût suivi d'une confirmation solemnelle
de tous lésprivilèges accordez a TOrdre
depuis so 1
fondation. .r.-w: .1 ..'[ \:\ ---;;-
Le Promoteur luirépondit
en termesgénéraux,
Çj6c au nom duConeilevque
lès: Pères ádmettoient
son excuse sor le retardementojue
TOrdre avoitap-
portéà faire partir ses Ambassadeurs y 6c>
quilsau-
roientégard
a la conservation des Gommanderies
6c desprivilèges
d'un Ordre iì utile: à<TEglise.
sL'Ambassàdeur; donna
des^mémoires aux L&-
gatsdu Concile, concernant la confîtmatíondás
-immunitez de TOrdre , 6c sor-tout pourenobte-î-nir un décret
quiinterdît
lapofscíïiondes Prieur ez
'6c des Commanderies àtoutes:|>ersohite«
;deaquel-
:que dignité qu'ils
fussent ;, qui n^autoient>pasïsoit
les trois voeux folemnels de laReligion
dans TOr-
dre de Saint Jean de Jerùisolem. Les^Légatsno-
serehtíproposercé
décret danslesjCpngregations^
avantíqué
d'être instruits des intentionsdunPape.
Ils lui en écrivirent | Pie IV. quiétoit alors>sor la
Chaire de Saint Pierre, &;très attentif à céqu'il
'né;paííat
rien dansi le Concile euiiiput
donner des
bornes à son autorité ; nignproit ipasi que plusieurs
Papess'étoient crû en droit de nommer aux Prieu-
rez & aux Commanderies vacantes dans Tétendue
de leurs Etats 6c en Cour de Rome,;quoique plu-
sieurs autres Souverains Pontifes eussentpassé
des
déclarations contraires én faveur de TOrdre. Ce-
pendantil récrivit à ses
Légats quele décret
que
sollicitoit le Grand Maître neregardoit point
le
Concile, 6cque
c'étoit à lui seul a faire unpareil
règlement quand il lejugerôit
àpropos
: &après
Tome III*Ggg
JEANDB LA
VALETTE.
^•18Hï S T OI R E DE L*OR,D R E
la conclusion du Concile^ quilui avoit toujours
donné un£eu d'inquiétude,
il oublia lès Cheva-
liers de Malte, 6c les services continuelsqu'ils
ren-
doient à tous les Chrétiens y 6c sor-tout auxpeu-
ples quihabitoient les côtes de Sicile, de Naples,
de Tltalie entier e > Sc suE^tout deTEspagne , dont
depuisla conclusion duConeiso^ ils assurèrent le
repos parla
part qu'ilseurent à la
prisede Go-
mere de Vêlez^isituee sor la côted'Asoique,
£cqui
ri'ltoit auphfS'éloignée
?de;TEÍpagne? ìquè
de qua-
ránte lieuesì: r o : '..;.;1 .i<i.•-.;, ;>,-: .- : ,.- 0;. ; -:-:
Quoiquela
portde cette Place ne
pût pascon-
tenir de;grands Vaisseaux, il en
partoit tous les
jours des fustesîôc desgaliotes
: 6cquand
seuts
armernensétoierk plus considérables, se Roi de Fez
leur voisin seur fburnisioit des soldats, laplupart
rirez desmontagnes voisines, tous
courageux..,..6c
qui pour j;gagner quelque; chose ne .connoissbient
aucunpéril
A rniise pasde cécte vilsefestle;
Pignon
des Veleiz, Mti dans únepetite Me^ bu
pourmieux
dire sor un rocher où Ton ne peut nionterque par
un chemin taillé dans île rocher merne, qui n'est
séparédu continent
que paruh canal íbrt étroit
quilui sort de
port,&
quifie peutcontenir au
plus
quedix ou douze
petitsbâtimens. Gè fort servoit
.d'azise aux cprsoires^ 6cquandils étoient pour-
$nvis, le canondeJaplaceícmpêchoit
leurs ennè-
-niis d'en approcher. Le Roid'Espagne
avoit tenté
inutilement Tannéeprécédente
de se rendre maî-
atre de cette Placei: ilreprit
k même dessein cette
cannée., 6captes;
avoir rassemble toutes ses forces
maritimes, il en écrivit d^sies termes lesplus
JE A NDB LA
VALETTE.
DE MALTE. LIV. XIL 419
pressansau Grand Maître 6c à dissereìis Princes
d^Itálie ses alliez^ pour deítíiander le secours &; la1
jonction de leursgalères.
De eeá ddlíérentes esoa^~
dr es il se forma une puissanteflotte -, dont ce Prince
donna le commandemerip, 6cla comduitdde, cette
entrepriseà Garsie de Tolède;, Vice^Roiyde
jGaiaa
sognev Ce Généralpartit
duport ideMalaga le>diy
xiéme d'Août, 6c ayanteu leovjentì favorable y il
arriva en deux joursdíur les^cotes,d'Africuiei I] dép
parquasons obstacle /ses •
troupes; sjta sohiartilleries
lavant -gardé
étoit !comjpoíée
:detroupes EfpaU
gnôles,6c des Ghev aliers de Malt e, if -p avoit des
Portugais& des Italiens dans le
corps debataille^
6c ses Allemands sormoient liarrnarchei l^rméç
Chrétienne marchant: en bonne drdomnaïncB^ arri^
va devant la ville de Gomere, éloignéeseulement
de six milles; de Tendroit où Ton? avoitd^barqué^
Le GéneralChrétien j pour couperroute^commui
nicarion avec cette; Place, àlagarnisondui^gnon^
&pour Tempêcherden tirer:du secours, avoit ré-
solu de commencer sonentreprise pari
en former
lesiège.
Elle étoit située entre deux montagnes^
6c même sons aucunes fiartifîcationsi ^ çohirne la
plupartdes Places
d'Afrique, qui étoientidans lés
terres. Les habitans àTapproçhe
des Chrétiens Ta^
voient abandonnée 16c s'ètoientréfugiez
avec ce
qu'ilsavoient
pu emporterdans les: endroits les
plusreculez des
montagnes.Garsie
profitantde leur
consternation sempara
de la Ville : 6caprés
avoir
fortifié soncamp par
deslignes
& de bonnes re-
doutes , il fit dresser une batterie de sixgros canons,
quid'une colline voisine tirèrent un jour entier
JlAWP.E:LA
VALETTE*
4tO HlSTÒrR:ErDE L'ORDRE
cóntreleEort^ en même -temsque
du côté de*
lai mer Tesgalères
de Malte & ungrandi gallion
le canonerent íì furieusement, qu'un grand pan-
de muraille 6c une partie du donjon furent renver-
sez. Le Commandantepouvehtá^jôc
ne voyant
point paroîtréde secoursi, résolutidiabandonner so
Place, 6c dé s'enfuir avée: so familse:& sesprinci-
pauxén^ts; Mais com m il n'avoit
qu'un petites;
quify caçhéláu-pieíT^du rocher, vpourieípripéchet
quefa
garnison ne;lqretînt ou^ne se voulûfe soivr e,í
if seúr ditquil
alloit raísemblefdesMontagnards;
qu'ilsomettkoità leur tête, &
qu'il périroit ouquil
forceroitles Chrétiens àsever sesiége.:Maiscette
garnison qiiimetoit que de : trente hornmes^ ne
yfíofâsmsmcvimfesset
dedes-;prornèues y ôcdans s'ini
teresserdavantage a la défense d!une Place aban-
donnée :par:son Gouvierneur;,ne songea plus qu'a
sopropressoreté. jLesfbldats :qúi^sçávoientihager|
gagnèrent;la terre dans, des endroits éloignez d u
campdes Chrétiens : ceux qui étoient privez de
ce secours se rendirent, & ouvrirent lesportes
du
pon^HQ'estí ainsi qu^une^Pjace; qui passbit pour soi-
prenable^ $&eomreBlaqueîso:toutes les fbtces; de
î'Eípa^ne/avoient écjioué Tannée précédente, fut
priseeri
peude joiirsí, autantjpar
laMcheté du Gou>
verneur^quéipac rlai*íaléur\ 6f la capacité du Gé~
néraTGfmécieni ?.nzh ïono ,:a3 M :: -: :>< ;>
• Lebruitldecétte^eonqueteralíarma extrême*
ment tous lès: corsaires de Barbarie : ils enportè-
rent^lesnohvélks;&rleiLÌrspÌaÌHtes jusqu'à Çonstan-
tinopso,2&ils 'fìrèmi représenter
à Solimanque
les
Espagnols étant maîtres de so Goulette, duPignon
J-E'A HDE LA. _
•VÀLLTTE.
DE MAÏ-TE. LIV, XII. 411
de Vêlez, & même de Thunis ,'tenoiênt, pourainsi
dire, toute la côtéd?Afrique
dans leurs sors: Soli- v
man leur £t direqu'en peu
de tems il briseroit~~
ces chaînes ; 6c comme on lui eûtrapporté que
les
galères;de Malte avoient
beaucoup contribué à
cetteconquête,
il forma lé desseins de tomiîîen-
cer""à assurer la liberté deTAfriqùe par laconquête
de Tlfle de Malte •& des ce tems-là, sons s'en ouvrir
qu'àses Ministres, il fit travailler secrètement à
un:puiíïànt armement naval, dont nous verrons;
les effets Tannée soivarite. Une nouvelleprise
faite
peu après parles Chevaliers, acheva d'irriter le
GrandSeigneur 6c hâta son armement.
Après
laconquête
duPignon
dé Vêlez, lescinq galères
de laReligion
commandéespar
le Général de
Giou , 6c les deuxgalères
du Grand Maîtrequi
étoient aux ordres particuliersde
Romegass'étant
jointes, &voguant
de concert, rencontrèrent en-
tré les IflesdeZànte 6c deCephalonié
unpuissant
gallion chargédes
plusriches marchandises de
TOrient, &qui pour
so défense avoitvingt gros
canons de bronze, un grand nombre de moindre
calibre,; de bons Officiers d'artillerie, 6cplus de
deux cens Janissaires tous exeellens Arquebusiers.
Ce vaisseau étoit commandé parle Raïs ou
leCapir-
taineBairan-Ogli,&il
appartenoitau
Kustir-Aga
Chef desEunuques
noirs du Serrais, se ministre des
plaisirsde son Maître, 6c le
gardiendes jeunes filles
6c des beautezqui y sont destinées : plusieurs
même
de ces Damesétoient intéressées dans cegallion;
Le
General de Giouqui fe/voyoit
à la tête d'une es-
cadre de septgaleres^fit dfabord tirer uncoupde
Ggghj
JEANDE LA
VALETTE.
4ív HISTOIRE DE L'ORDRE
canon sans balle, afinque
leCapitaine
âe ce vais
seau amenât : mais les Turcsluirépondirent
d'un
autre coup portant baie, & ils arborèrent aussi-
tôt leurpavillon
& toutes leursenseignes,
com-
me uneídéclaration de:guerre 6c une
marque
qu'ilsétoient résolus de so battre.,
Le Général de Giou 6c le Commandeur de Ro-
megas voyant bienquils
ne se rendroient maîtres»
de ce vaisseauque par
k force des armés, convin»-
rentqu'ils Tattaqueròient
lespremiers^ qu'après:
avoir tait leursdécharges
leplus près qu'ils pour-
roient, les deuxCapitanes
seroient relevéespar
les deuxpatrones,
6c ces deux galères parles trois
dernieres,ensorte quele feu fût continuel & fans
relâche. Mais cet ordre du combat fut rnal obser-
vépar
la jalousie 6c Témulation des deuxCéneraux,
quifans
agirde concert, comme ils en étoient
d'abord convenus , se tìattoientd'emporter seuls
6c à Tenvi Tun de Tautre tout Thonneurde la vic-
toire. LaCapitane
du Général Giou s'étant poussée
jusquessous la
poupede ce
grand vaisseau, se vit
en un instant couverte de feux d'artifices, ì& les
Chevaliers 6c ses soldats accablez decoups
de
pierres6c de
mousquet: le canon même
chargéà
cartouche, en tua ungrand nombre, en sorte
que
le Général futobligé
des'élargir
en nier.Romegas
de son côtéattaqua
légallion
avec sonintrépidité
ordinaire -, mais uncoup de canon
partidu vais-
seau renversant Ta rambade , tuavingt-deux
sol-
dats y 6c un autrecoup
en fit sautervingt
autres
dans la mer,Romegas craignant
d'être coulé à
fondpar un
groscanon
qu'il voyoit braquéà fleur
JM-NDfi LA
VALETTE*
DE MALTE. LIV. XII.413
d'eau j prit, quoiqueà
regret,k
parti des'éloigner
:
pourlors les deux
patroneìs s'avançerent à leur tour,
& chacune d'un cotéJ$c
de concert s'attachèrent
augallion,
6c firent un feu si terrible,, qu'ilstuè-
rent ou mirent hors de combatpjusieurs Janiíïàires.
Mais cettecourageuse milice, dçyat le
corpsen-
tier fait japrincipale force de;
l'Ettìpire Turc, se
battit toujours avec la même intrépidité.Il salut
que ses deux pattones appellálsont à leur secours
ses trois dernieresgalères p6c les de^x Comtóan-
dansaprès avòirchàcun rétabli M remis en ordre
leursgalères , le combat recomrnenea avec une
nouvelle fureur; Il durai cinq heuíès entières sons
qu'on pûtdéméTèr
quelen sorok Tévenenienf : 6c
quelque vaseur que fiísent paroîtreles Chevaliers,
peut-être auroient-ils été obligezde se retirer sor
leurperte,
si les Turcs avoient puso servir de
toute seur artillerie. Maispár rj^alheiirpour eux,
seurs meilleures pièces^ parTavariee :des mar-
chands , s'étant trouvées enibarassées dans des ba-
lots de marchandises, leurs canònsers n'en purent
tirer deiêrvièe, & le feu desgafcre^ devenant su-
périeur , les Chevaliers à là fin jentrerent dans se
vaisseau & s en rendirent les maîtres. Cette victoire
futensanglantée par
la mort de plus desix-vingt
Chrétiens,Chevaliers ousoldats; 6cparmilesCheva-
liers ,-oh regreta principálemenflaEònde,Proven-
çal, Berzet, Italien ^ Parceco^ Espagnol -yAntoine
Fernandes Posselin.Diego , 6c Dinestrofablessez
mortellement moururentpeuide jours après
à Sara-
gouse -, £ernand Rùis deJCérreal, Ernand de Zú-
íiiga , Jérôme Garasse>Nápolitain , & un
grand
JE ANDE LA
VALETTE.
42.4 HISTOIRE DE L'ORDRE
nornbrè d'autres ;né sortirentqu'avec
des blessures
d un còrnbatfilong
M íiopiniâtré.
Les Turcs sons
lès blèsiezy perdirent
de Jèur côté quatre-vingt
Janissaires ^plusieurs Officiers, & entre autres un
Ingènieufí qui pafíbn
courage6c son habileté à
pointerle canofi -, avoiteu
piusde
partà une si
courageuse défense/ quele
Capitainemême du
vaisseau. -
Cetteprise
Etplus^de
bruitàÌConssantinople,;
6c sur^toutídansle'serrail^ quen'auroit soit la
perte
d'une Placeimportantes LeíCustir;Aga,i&lèsOda-
liquèsou ses Favorites du Grand
Seigneur qui y
étoiëntlutëresseesysejetterent auxpieds
du Sultan,
6c lui demandèrentvengeance
des Chevaliers. Ce
Princequi regardoit
cette!prise; comme une in-
solte soite à so Maison même , jura parsotéte
qu'il
extermineroit tout l'Ordre?; &pour consoler ces
Dames 6c le chef desEufáiques?de
leurperte,
il
les endédommagea rnagnifiquernent
des deniers
de son trésor. Laplûpârt
de ses Officiers, 6c les
Ministres de laReligion, entrèrent dans son reso
sentiment : se Muftiqui
en 'étoit le chef, dans
une^audienCepârtiéulief e, lui
représenta queles
Musulmans 6c tous ses Fidèles étantobligez
au
moins une fois en leur vie de visiter le tombeau
de leurProphète , ses isojets de
l'Europene
pou-- voient
plus s'ácqudtterde ce devoir sons
s'èxposor
à devenir laproye
des Gorsoires Chrétiens -y que
Malte étoitremplied'eselavesTurcs,& qu'un grand
Prince auffireligieux qu'il
étoit y & dans ce haut
degréde
puissanceoù Dieu Tavoit élevé, devoit
so faire un juste scrupulede laisser dans les fers 6c
au
JEANDE LA
VALETTI
DE MALTE. LIV. XIÌ.-42,5
aupéril
dechanger deReligion
un sigrand
nombre
de Fidèles. Le KustirAga, quiétoit
leplus animé,
*
6cqui
conduisoit toutecetteintrigue, pourdéter-
'
miner le GrandSeigneur par préférence
à ses au-
tresentreprises , à
porterses armes dans Tille de
Malte, engageaTlman ou le Prédicateur de la
principale Mosquéeà en soir e entrer adroitement
le discours dans son Sermon. Le Grand Seigneur,
Prince Religieux s^yétant trouvé le vendredi sui-
vant, qui parmiles Turcs est leur jour de fête, cet
Orateur , sous^prétexte
de traiter de la charité
qu'ondoit exercer envers les
pauvres& les mise-
râbles, ne manqua pasde
déplorerd'abord & en
termesgénéraux , la
disgrâce& le malheur des
Fidèlesqui gémissoient
dans les chaînes des Chré-
tiens : 6c adressant ensuite laparole
au Grand Sei-
gneur, aprèslui avoir donné: les
louanges queme-
ritoient justement so valeur y sosconquêtes,
6c
même la douceur de songouvernement:,
il ajouta
quil ne
manquòità fa
gloire qued'être le libé-
rateur de tant de malheureux Musulmans, auso
quels les Màltois avoient ravi les biens 6c la liber-
té. Il entra ensuite dans un détail exact de toutes
leursprises,
dontapparemment
on lui avoit fourni
des mémoires, & il fit voirque depuis cinq ans^.
ces armateurs s'étoient rendus maîtres deplus de
cinquantevaisseaux
chargezdes
plusriches mar-
chandises de TOrient fanscompter
lesfelouques ^ .
lesbrigantins,
lesgalères
6c lesgaliotes
armées
en course. Cesvaisseaux,
lui dit-il, leurscharges^
ceuxqui
les montoient 3 tout a été envahi parces im-*
pitoyables Corsaires , @- iln'y
aSeigneur } que
ton
Tome III. Hhh-
JE ANDE LA
VAÈETTE;
4i6 H I S T O I R E D E L' OR DR E
épéeinvincible
qui puifie rompreles
fersde tant de
malheureux : le fils te redemande fin père y lafemme
fin mari ou fis enfans, ^)tous attendent de ta justice
(dfr de tapuissance,
lavengeance
de leurs cruels ennemis.
Un discours si hardi, & en même tems sipa-
thétique , excita dans Taísemblée des murmures
çonsos, quiéclatèrent même en
plaintes,contre ce
quise
pratiquoitordinairement dans les
Mosquées,
où Ton observoit :toujours un silence
religieux*
Soliman enparut sorpris
& mêmeinquiet -, mais
en ayant apprisla cause-, pour
calmer Tassemblée,
il lui fit direparson
grand Visir, quedans
peude
tems ils seroient tous vengez6c satisfaits ,6c il sor-*
tit de laMosquée
dans la résolution, s'il n'en étoit
pas empêché parla
guerrede
Hongrie,de faire
tomber tout Tessort de ses armes fur Tlfle de Malte.
D'ailleurs depuis long-temsil en étoit vive-
ment sollicitépar
Hassan Bâcha ou Vice-Roi d'Ak
ger, fílsi & successeur du fameux Barberousse, 6c
par Dragutalors Gouverneur de
Tripoli.Ces deux
Ministres lui avoient mandéplusieurs fois, 6c sor-
toutdepuis
laprise
duPignon
deVêlez,que
ses
Chrétiens, si on n'ydonnoit ordre , alloieht so
rendre infailliblement maîtres de toutes les côtes
d'Afrique; quetant
queMalte seroit au
pouvoir
des Chevaliers, on nepouvait
sonss'exposer à être
pris,ni leur faire
passerdû secours, ni en tirer
de leursgouvernemens y que
ce rocher étoit com-
me une barrièreopposée
à fapuissance,
&qui par.
ses escadres 6c ses armateurs, interrompoit con-J
tinuellement la communication deTAfrique
avec
TAsie 6c les Istes deTArchipel.
f. HAHDE LA
VALETTE.
DeThoHl.37.
DE MALTE. Liv. XII. 427
Soliman n'ignoroit pas Timportancede cette
conquête j mais en Princesage
6cprudent,
il ne
voulutpoint s'y engager qu'il
n'eûtpris
Tavis de
sesprincipaux Capitaines.
Dans cette vue, 6c sui-
vant la coutume des Turcs , il tint enpleine
cam-
pagne& à cheval un
grandconseil de
guerre. On
agitadans cette assemblée la necestìté de chasser
les Chevaliers d'une Isle d'où ils troubloient tout
le commerce des sujets du GrandSeigneur,
6c in-
terrompoientmême les
pèlerinagesdé Medine 6c
de laMecque.
On convintque
laReligion
&TÉ-
tat étoient égalementintéressez à les exterminer,
6c on examina ensuite lesmoyens d'exécuter ce
projet.
Laplupart
des Bâchasqui
avoientpressenti
Tin-
clination du Sultan, en bons courtisans, lui di-
rentque
laconquête
de Tlfle de Rhodes devoit
faire connoître cequ'on
devoit attendre de Ten-
treprisesor celle de Malte , que
ces Chevaliers
qu'ilstraitoient d'infâmes Corsaires, ne tiendroient
jamais contre la moindrepartie
des forces de so»
Empire,6c
qu'ilsofEsoit
d'yfaire
passersor les
ga-
lèresd'Alger
& deTripoli
uncorps
detroupes qui
s'emparâtde
quelquesforts
queces armateurs
avoient fait construirepour
la défense desports
& des côtes de cette Isle.
Un Lieutenant de Dragut appelle Aly, qu'il
avoitenvoyé exprès
àConstantinople,
6cqui
so
trouva à ce conseil, représentade la
partde son
Général, quesi on commençoit
cetteentreprise
parle
siègede Malte, on ne devoit pas
douterque
les Chevaliers ne tirassent degrands
secours di*
Hhhij.
JEANDE LA
VALETTE»
4i8 HISTOIRE DE L'ORDRE
fort de la Goulette, duPignon
de Vêlez, & mê-
me des Maures de Tunis feudataires de la Goud-
ronne de Castille, 6c enneniis de la domination
des Turcs j que Dragutétoit d'avis d'ouvrir la
campagne parde
siègede la Goulette & celui du,
Pignon de-yelez ;6c qu aprèsavoirchasséles Chré-
tiens des, côtés d'Afrique,6c soumis les habitans
du pays,on
pourfoitTannée suivante porter
les
armes du Grand Seigneurdans l'Ifle dé Malte.
Mahomet le plus ancien des Bâchas , qui avoit
vieillidans le commandement des armées du Grand
Seigneur,6c qui
futdepuis
élevé à ladignité
de
grand Visir, s'opposahautement à
Tentreprisede
Malte j 6c qutre les raisonsquç TAgent
deDragut
avoit alléguées,il ajouta qu'on
devoit faire une
grandedifférence entre Tlste de Rhodes 6c celle
de Malte j quela
premièreétoit située au milieu
de tous ses Etats, très-éloignéede
TEurope6c du
secours des Chrétiens, & dont le terroir abondant
en grains &c en pâturages,avoit fourni de
quoi
sobsister à son armée y queMalte au contraire voi-
sine de la Sicile enpouvoit
recevoir du secours à
tous momens} quele Roi
d'Espagne qui regar-
doit cette petiteIfle comme le boulevard des Etats
quil possedoiten Italie , employeroit pour
fa dé-
fense toutes ses forces ; quela
plupartdes Princes
Chrétienspar
des motifs deReligion , s'intereso
seroient dans cetteguerre y qu'on
ne trouveroit
dans Maltequ'un
rocherescarpé
sansgrains
6c
fanspâturages,
6cpour défenseurs des
guerriers
courageux& déterminez à se faire tous tuer plu-
tôtque
de se rendre ; que supposé même qu'on
J,^,A NOE LA
VALETTB.
D E MA L T E. L i v. XII. 419
s'en rendît maître, il faloit être assuré dy pouvoir
faire subsister l'arméependant qu'on
travailleroit
à en rétablir les fortifications 6c à en ajouter à%
nouvelles y qu'onavoit même à craindre
qu'une
Ligue6c une nouvelle Croisade des Princes Chré-
tiens n'amenât auprinrems
une flote nombreuse,
6cchargée
detroupes
fraîchesqui bloquassent
ses
vaisseaux des Turcs dans Tlfle de Malte , &qu'il
seroit bien plus glorieuxau Grand
Seigneur , 6c
plusutile à son
Empire, d'employerses forces en
Hongrie,ou de tenter la
conquêteide f Italie , ôç
su r-tout de la Sicile, qui par soprise,
seroit tom-
ber nécessairement Malte sous sapuissance j qua-
prèstout sons
s!engagerdans une
entrepriseaufE
difficileque
cellequ'on propofoit
contre les Che-
valiers de Saint Jean, il étoit aisépar
de bonnes
eseortes, depourvoir
à la fureté des Marchands
sojets du Sultan, 6c despèlerins que
la dévotion
conduiroit au tombeau de Mahomet.
Quelquesolides
quefussent ces raisons, Soli-
manqu'on
avoit fçû prendre pardes motifs de
conscience • & touché d'ailleurs desplaintes
6c des
larmes de ses favorites, se déclarapour
Tentre-
prisede Malte : peut-être
mêmeque Tefperance
d'augmenterfa
gloire l'ydétermina y 6c
qu'après
avoir enlevé aux Chevaliers Tlfle de Rhodes , ies
autres Ifles situées dansTArchìpel,
6cqui
en dé-
pendoient,& les Châteaux 6c les terres dont ils
jouissoient dans le continent de TAsie mineure,il
se flataque
laconquête
de Malte rendroit son
nom célèbre 6c formidable dansTEurope6c
dans
TAfrique. Quoi qu'ilen soit de ces differens mo-
Hhh iij
JE-A-NDE LA
VALETTE.
45o HISTOIRE DE L'ORDRE
tifs, on armapar
son ordre dans toute Tétendue
de son Empire,le
plus grand nombre de vaisseaux
£cde
galères qu'on pût trouver dans sesports
en
état de tenir la mer.Uluehialy , renégat Calabrois
lui en amena plusieursd'Alexandrie • le Gouver-
neur de Rhodes fournit sesgalères,
& Hassan 6c
Dragut^Vice-Rois ou Bâchas
d'Alger6c de Tri-
polieurent ordre de se rendre à la tête de tous les;
Corsaires de Barbarie devant leport
de Malte, 6c
d'yvenir
joindrela flote Ottomane , si-tôt
qu'ils
auroientappris quelle y seroit arrivée. Ce Prince
ajouta à tous cespréparatifs
laprécaution
d'en-
voyer jufqua Malte dliabil.es.
Ingénieurs quis'é-
tantdéguisezen
pêcheurs,fous
prétextede jetter
leurs'lignes
dans lès fossez, 6c de vendre ensuite
leurpoisson
dans là Ville, en reconnurent les for-
tifications, & la hauteur des murailles , 6c levè-
rent leplan
entier de la Place , quele'Grand Seu
gneurremit
depuisà ses Généraux»
Il en choisit deuxpour
cetteexpédition, Pialy
&Mustapha. Pialy, quoique
d'une naissance in-
connue, avoitbeaucoup
depart
dans la faveur du
Prince, quilui avoit même fait
épouserune de
sespetites
filles. Soliman au retour de fapremière
campagneen
Hongrie,6c
aprèsla
prisede Belle-
grade,le trouva au maillot
exposésur le soc d'une
charue, oùapparemment
so mère effrayée parla
marche de l'armée l'avoic abandonné. Le Grand
Seigneur qui prenoiten chemin le
plaisirde la
chasse, se le fitapporter,
6c trouvant dans les traits
de faphysionomie , quoique
informe , quelque
chosequi
luiplut ,ille fit élever avec soin : 6c
après;
JEANDE LA
VALETTE.
DE MALÎE. LlV. XII.431
lavoir faitpasser par tous les
gradesde la milice,
il lui fitépouser
une de sespetites
filles. Il le nom-
ma Bâcha de la mer,; & dans cètte occasion, il lui
donna en cettequalité
le commandementgénéral
desoflote.
Plusieurs victoires considérablesque Mustapha
avoitremportées,
lui avoient attiré Testime 6c la
confiance de Soliman, quise nomma Général des
troupesde
débarquement.Cétoit un vieil Ossìcier
âgé de soixante &cinq ans, dû r 6c sévère dans le"
commandement, cruel &sanguinaire
àTégard
des
ennemisqui
tomboient entre ses mains, 6cqui
fé
faisoit sor-tout un mérite de violer ía foi & lapa-
rolequ'il
donnoit à des Chrétiens. Solimanqui
avoit uneégale
confiance en l'un & l'autre, leur
recommanda de vivre en bonneintelligence , d'a-
giren toutes choses de concert, 6c fur-tout de nen-
treprendrerien sons la
participationde
Dragut ;
quilregardoitcomme fennemi déclaré des Che-
valiers, & en même-tems leplus grand
homme de
mer qu'ileût alors dans tout son
Empire.
L'armement des vaisseaux 6c desgalères,
la mar-
che destroupes qui
se rendoient de tous cotez dans
lesports
de laMorée, &les mouvemens differens
quise faisoient dans tout
TEmpireOttoman in>
quietoientextrêmement les Princes Chrétiens,
voisins des Etats du GrandSeigneur,
fanscepen-
dantqu'on pût pénétrer
où tomberoitTorage.
Les
unsprétendoient que
cet armementregardoit
le
Fort de la Goulette, la clef du Royaume,&
par-
ticulièrement de la Ville de Tunis, ou lePignon
de Vêlez, quiouvroit
pareillementTentrée dans
JEANDE LA
VALETTE.'
431 HI S T O I RE D E L* O R D R E
la Province 4 Alger: d'autres
soupçonnaient que*
Malte étoitTunique objet de cette
entreprise : ce
dernier sentiment étoit même confirmépar
diffé-
rentes lettresqui
venoi ent du Levant. Dans cette,
incertitude, le Roi d'Espagne, par rapportà la Si-
cile , ayantun intérêt parisouíièr
à: la conserva-
tion 6c ala défense de Malte, le^boulevard de cètte
Isse, Dom Gareie de Tolède son Vice-Roi en allant
à la Goulettepaíso par
son, ©rdre à Malte- pôurr
en conférer avec se Grand Maître..; Ils *so corn-
muniquerènt réciproquementles disse* ens- avis
qu'ilsavoient reçus ^ ils convinrent, s'ils étoient,
attaquez , de s'aílìsterréciproquement
de toutes 1
soursnforces>; &;. comme le Grand Maître lui &
voirqu'isavoithèsoin;
degrains
& même de sol-
dats , s ilétoitobligéde soutenir un
siège,le Vice^
Roi s'engageaà son retour en Sicile de lui.en en*
voyer une traite; avec deuxÇornpagniesdê
soldats
Espagnols: 6c
pour gagede so
paroleil lui laissa
comme enotage
un de ses enfans, qui prit depuis
Thabit de. laReligion.-
Apeine étoîMl parti de Malte, qu'il y
arriva
de nouveaux avis de Çònstantinopse quejdèseso
pions furs 6c fidèles envòyoierit au Grand Maîtrcí
ilapprit par
leurs lettres queles Turcs ouvriroient
infailliblement lacampagne par
lesiège
de Malte,
&qu'après
laconquête
de Tlste entière: d ont Soli-
man seflatoit, il avoit donné ordre à ses Géné-
raux depaíser
enAfrique,
&d'employer
toutes ses
forcespour en chasser les
Espagnols.
Le Grand Maître nes'épouvènta point
de ces
nouvelles, &après
en avoir faitpart
au Conseil de
í'Ordre,,
3,E ANDE LA
VALETTE..
DE MÀIT?B» LÏV. XII; 43^
TOrdre , avec íàparticipation
6c de son. consente-
ment, par,une citation
généraleil
convoquaà
Malte tous les Chevaliersqui étoient en différen-
tes Provinces de la Chrétienté. LesAgents que
la
Religiontenoit en Italie
y levèrentjusqu'à
deux
mille hommes d'Infanterie, 6c le Vice-Roi de Si-
cile luienvoya
les deuxCompagnies d'Espagnols
qu'illui avoit
promis.Les
galères6c les vaisseaux de
laReligion
ne furentoccupez jusqu'au commen-,
cernent dusiège qu'à transporter
à Malte, des ar-
mes , de lapoudre
6c desprovisions
deguerre
6c
de bouche, 6c on voyoit arriver tous les jours par
la mêmevoye
ungrand
nombre de Chevaliers,
quidans
Tempressementde
signalerleur zèle 6c
leurcourage
contre les Infidèles, accouraient au
secours de laReligion.
La Valette fit de laplupart
de ces Chevaliers,
desCapitalises
6c des Officiers, qui parson ordre
formèrent des habitans des villes 6c de lacampa-
gne , desCompagnies
de nouveaux soldats, laplu-
partbons
Arquebusiers,& dont il
yen avoit
peu
quin'eussent fait la course 6c servi sur les
galères
de laReligion.
CesCompagnies composoient
un
corpsde
quatremille hommes d'infanterie,. Ie
Grand Maître les distribua dans les differens pos-
tesqui
en avoient besoin••-. 6cpour ne,rien omettre:
de cequi pouvoit
contribuer à so défenses il en^-
voyaau
Pape6c à la
plupartdes Princes Chrétiens
lè doubse des lettresqu'il
avoit reçues de Constan-*
tinople y 6caprès leur avoir fait voir le
périloûk
tout son Ordrè alloit être exposé,il leur demán-
doitdu secours en soveur des Chevaliers,quixiem
Tome II M, lik
J E ANDÉ LA ,
VALETTE;.
43 4 H I S T O I R E D E L'O R D R E
avoient besoin que pour résister à Tennemi redou-
table de/tous ses Chrétiens. Pie IV*qui
étoit alors
sor la Chaise de Saint store fit remettret au Com-
mandeur deCambian Ambaíïàdeurde TOrdre à
Rome une somme de dix mille écus. On neput
rien tirer de Ta France ^ àsors; affaibliepanses
divi-
sions 6c par ses ^guerrescivrses ^maisde/Roi d'Eso
pagne/dansla crainte de voir les Turcs
Rappro-
cher siprès
de la Sicile, írésolutd'employer
tou-
tes ses forcespour
les enéloigner;
ll écrivit aux
Ministres qu'ilavoit en Italie, & même à differens
Souverains de; cette dation, ses alliez., de former
ince&mmènt uncorps
devingt
mille hommes
d'Insonterie, 6cqui
futen état des'embarquer
aux
premières;nouvelles qu'on
auroit des desseins des
Infidèles- 6cpar
le même Courier ilichargea
le
Vice-Roi de Sicile de veiller à la défense de Tlfle
de Malte avec le même soinquil apjimeroit
à la
conservation de la Sicile même.
LeVice^Roipersoadé que
dansTinquiétude
ou
ál croyoit quedevoit être Te Grand Maître, ctétoic
lui avancer enquelque^maniere
ce secoursque
de
lui en donner des assurances, lui fitpart
des or-
dresqu?il
avoit reçus de la Cour de Madrid. Le
íGrand Maître n'ylrut pas insensible^ mais lit ne se
dreposo pastellement sor ces
promesses rn^gnifî-
ques, qu'ilne se
préparâtà soutenir avec les seu-
les forces de laReligiontous
les efforts d'unepuis
fiance auíïi redoutableque
eélse des Turcs. Les;
«périlsinévitables qu'il prévit,né firent
qu'exciter
ison courage. C'étoit um bomme dune ferrneté
supérieureaux événemens^ une valeur naturelle
ÎB-AN .
PJE LAVALETTE.
DE TVÍÀLTrE; LIV. XII.435,
lui avoit inspirésons effort une noble indifféren-
ce pourTa vie:-, il avoit
passe partoutes les
charges:
dé laReligion,
& ce passage socceflif à de nouv
velses dignitésàve»itì jtoujoursiété le
témoignage
.fc lairécqmpenfe d'autant exactions mémorables,
qui:Tavoiént; àilacfin élevé àíla d%nite de Grand
Maîtrefc .':.':[:,-; j-\: , v. r.::.
Tel étoit Frère Je.artîde la Valette, que le û≥
de Malte va^mieux faire connoitrey quetontee
que
nouspourrions
dire; d'avance de; cettegrandeuí:
d'âmei-fe. de cette i hauteur: de éouragë ,d quîiltfit
éclater au milieude&psosi grands dangers.
Surises?
ordresM en vertu de lé citation il étoit de jáartk
v é à Malteplus
dej soç censi Chevalier s: , laplupawt>
íuívisì deídoméstiquescourageux^;6t dont; dans la
soite on fit de bons soldats. Les Commandeurs^
qu'un âgeavancé ou des. infirrnitez: retenoient*
dàns leursi Proyinces^ au désout de léursîperson-:
nés, sedépouilserent |^éreusom^nttde^
lenrepartie
de seursv biens; & sos firenícpaster à,
Malte, &plusieurs
anciens:Prieurs parrordredu
Grand Maître restèrent- en Italie dans se^Royau-
me deMaples
&:auprès
du Viee-Roi de Sicile ^
pourhâter le secours
quilavoir promis,
ouponÈ
faciliterTembarquement
dequelques
Chevaliersi
Irançois, Espagnols6c Allemands, qui
rtétoient
pasencore partis
de leurs Provinces. Le, Grandi
Maître ses recevoit tous comme un bonpère, qui
r e voit avecplaisir
ses: enfans : il avoitpourvu
d a^
vance à leurlogement
6c àiseur sobsistance^ Dans
la multitude &iTimportance
dés differens; soins
dont il étoitchargé,
rien ne Tembarassoit, il VOUÌ-
Iiii|
JB;ANDE L>A.'
VA-LÍTTÏb'
43^ HISTOIRE DE L* OR DR E
loit être instruit de tout; ilentroit dans lesplus pe-
tits détails j soldat, Capitaine,Officier
d'artillerie,
Infirmier, Ingénieur,de la même main dont il
avoit tracé une nouvelle fortification, il remuoit
luLméme la terre, 6c on le trouvoitpreíqu'eh
même-tems en differens endroits^ tánròt à la tête
dès travailleurs, tantôt à la visité; desmagasins , 6c
souvent même à Tinfirmeriè, I&i occupéà
pour-
voir ansoukgernènt
'des3 malades; ;
Dernbjuveîlés
lettres lui étant arrivées de differens endroits, 6c
quiJ corafirrrioient
ceqráon*4ui avoit m aride des
desseins du Turc contre Malte, il assembla cequ'il
yavoit alors dé Chevaliers au Couvent
pourlèur
en fairepart
-il nei leurv dissimula ni lagrandeur
dupéril y vk Tincertitude; du secours dont on le
fízttókïVne arméeformidable,
leur dit-il avec une
noble audace, 0- une nuée de Barbares vafondre
fur cette Iste ± w fint s mes frères, les ennemis de
jfe/us- Christ':'il'r.'ss!agit aujpurdhut de la défense
de la Foi rj ffi fi'ï Evangiledoitcéder a l Aléo-
mn 9 T)ieu dans cette occafion nous redemande la vie
\quenous lui avons déja engagée par notre
prose fi
ston.Heureux ceux
qui pourune fihonne cdufi con-
sommerontles
premiersleur
sacrifice s maispour
nous
en rendredignes, allons, mes cheres Frères, aux
pieds
des autels renouvellernos voeux, ®* quechacun
puise
dans lesang
même du Sauveur des hommes, (§?> dans
lapratique fidèle des Sacremens, ce
généreux mépris
de la mort, qui peut seul nous rendre invincibles.
Ilprit
en même téms le chemin deTEglise ^
suivi de tous les Chevaliers : le saint Sacrement y
v étoit expose.
ATexémple
du Grand Maître iln'y;
J:E'A..NDELA
VALETTE.
DE MALTE. LIV. XII. 437
eutpoint
de Chevalier ce jour-là & les soi vans, qui
aprèss'être confessé,n approchât
de la sainte Table; N
ils en sortirent tous comme des hommes renou- ."
vêliez*Après
avoir prisle Pain des forts, il ne
pa-
rutplus parmi
eux aucune foiblésse y plusde divi-
sion, plusde haine
particulière: & ce
quiétoit
encoreplus difficile, on rompit
de tendres enga^
gemens,6c si chers au cceur humain.
ï>epuisce
jour-là nulle liaison avec lespersonnes
de l'autre
sexe , quelqu'innocente quelle pûtêtre y aucune
vue d'intérêt ou /d'ambition.: un péril Certain, 6c
laconsideration d'unemortpreíquinévitable
avoit
fait revivre le détachement du monde, 6c toutes
les vertus de leursprédécesseurs
: tous ces Cheva-
liers s'embrassèrent avec cette tendre effusion de
cceurque produit
la charité, 6c tous protestèrent
hautement derépandre jusqu'à
la dernieregoutte
de leursang pour
la défense de IaReligion
& des
Autels.
Le Grand Maître les voyant dans cette heu-
reusedisposition,
& dans la crainte d'êtreprévenu
6csurpris par
les ennemis, résolutd'assigner
à cha-
que Langueles
postes qu'elledevoit défendre. Pour
Tintelligencede cette distribution
d'emplois6c
des actions quise
passèrenten differens endroits
de Jlfle, quoiquenous ayions déja parlé
dans le
Livre précédentde fa situation, peut-être qu'il
ne
serapas
inutile d'entrer ici dans unplus grand
détail.
Malte est une Iíle située entre la Sicile 6c TA-
friquefous le trente-neuvième
degréde
longitude,
6c letrente-çinquiéme
de latitude. Cette Iste laplus
Iii iij
J E A MDE LA
VALETTE.
438HISTOIRE DE L'Ô R D R E
méridionale del'Europe
estéloignée
de soixante
milles duCap Passaro, & de deux cens soixante 6c
dix milles deTripoli
enAfrique.
Son circuit est
de soixante milles, solongueur
devingt milles„
& solargeur
environ de douze milles. Else a au
Levant la merqui regarde Tisse de Candie^au Cou-
chant lespetites
Iíles ou rochers de Pantalôrée^
deLinoso 6c Lampadouse,la Sicile au
Septentrion,,
& au Midi le Royaumede í unis. Bu côté du Midi;
&deTripoli, on ne trouveque
degrands écueils
& des rochers fans cases niports -, mais ei* tirant:
vers le Levant, on rencontre d^abord k cale de
Marza-Scaia, 6c en retournant à droite vers se
Sud-Ouest^une autre cale ou anseappestéeiRíaf^-
Simceo, quiest
capablede contenir
plusieursvais
seaux. En continuant fa route vers le Lebesohe,0
& entre se Midi 6c le Couchant, on trouve deux,
grands golfes,l'un appelle Antifèga,6c Tautre Jlfe
starro, & à Textrêmité de Tlfle, de ce côté-liì 6c
vers le Ponent, ily
a une anse fortpropre pour
se
mettre à la rade, appellée Méléca, quin est
fëpa*
rée de l'Ifle de Gozeque par
un canal d'environ
quatremilles de trajet. C'est au milieu de ce ea^-
nalque
sont situées lespetites
Iíles de Comino 6c
de Cominote. Si on continue deranger
la côte,
6c enapprochant
de Tendroit de i'istequi
estop-
posoà la Sicile
yon trouve la cale de Saint Foui,
ainsi nommée, parcequele vaisseau
qui portoità
Rome Saint Paulprisonnier, y
fut jette parla tem-
pête. La cale de SaintGeorge,
tournée du côté du
Nord, n'estpas éloignée
de celle de Saint Paul.
Enfin en avançant vers Tendroit de Tlíle qui-re-
3 E A NDELA
VALETTE,
D E M A L T E L i v. X11. 439
garde directement leCap Panaro, on rencontre
deuxgrands ports,
dontl'un3qui
est àmaingau-
,
ches-ap^l\e-Mar%a/Mu%et}<Bu:£eìpDrt Musset, au
-
milieuduquel
on voit unepetite Isle proche de
laquelseles vaisseaux
quiviennent du Levant ou
d'endroitssuspects,
font laquarantaine yl'autre est
appelle simplement Marça ou legrand port, qui
est au Levant.
Ces deuxports
sontféparez par
unelangué
de
terre sorlaquelle
le Prieur deCapoue , comme
nous l'avonsrapporté , avoit fait construire un
fortappelle
lefort
Saint Elme,^m
défendait Ten-
trée de ces deuxports.
11y
a dans legrand port
deuxlangues
de terreparalelles, qui
s'avancent
dans la mer en forme de deuxdoigts ,-6c qui
ont
beaucoup plusde
longueur quede
largeur.Le
ChâteauSaint-Ange , a été construit sor celle de
cespointes qui approche
leplus près
de Tembou^
chure duport
: cetoitTunique
fortqu'il y
eût
dans Tlfle, quandles Chevaliers en
prirent posses
sion. Le Grand*Maître Tlíle-Adam yavoit ajouté
desremparts,
des bastions 6c des fossez y ony avoit
construit des citernes, un arsenal & d esmagasins.
Ce Château avoit servidepuis
de résidence a tous
les Grands Maîtres, mais dans cette conjoncture,
la Valettepour
êtreplus
àportée d'envoyer" du
secours de tous cotez, s'étoitlogé
dans leBourg.
Cequ'on appelloit //tego,
étoit unepetite
Ville
située derrière le ChâteauSaint-Ange ,011 le
corps
entier du Couvent s'étoit établi.
Nous avons déja ditque
sor Tautrepointe de
terre ou de rocherqui
avance dans legrand port,
JEANDE LA
VALETTE.
44®HISTOIRE DE L'ORDRE
6cqui
se trouve à maingauche,
ony
avoit cons-
truit un fort avec unbourg,
6cque cet endroit5
quoiquece ne fût
qu'une ptefqu'Iíle, portoitle
nom de Vlste de laSangle, du nom du Grand Maî-
trequi
Tavoit fait fortifier.. Entre cebourg
6c le
ChâteauSaint-Ange,
on trouvoit unport
où tou-
tes les galèresse retiroiènt, 6c
qu'on fermoit tous
les soirs d'unegrosse
chaîne de fer, quiétoit teni-
duedepuis
laplatte sorme
quiestau
pied du Châ-
teauSaint-Ange, jusqu'à
lapointe de Tlfle de la
Sangle , ou elle étoit attachée avec une groíse
ancre , & elle étoit soutenue &portée
a travers
Teau, & en différentes distancespar
des tonneaux
vuides 6c despoutres croisées. Énfin derrière ce
fort de laSangle ,r on rencontroit un autre
port
destiné à recevoir les vaisseauxétrangers,, que
leur
commerce, ou la crainte des Corsairesobligeoient
de relâcher dans Tlfle. Je neparle point
ici de la
Cité notable, Capitalede Tlfle, &rdont j'ai fait
mention dans le Livreprécédent y je remarquerai
seulementqu'elle
estéloignée
déprés
de six asept
milles des deuxgrands ports
dont nous venons
deparler : ce
quifut cause
apparemment qu'elle
ne futpas
d'abordattaquée , comme les autres
Places, 6c les autres Forts de cette Iíle.
Telle est fa situation, quenous n'avons décrite
que pourmettre le Lecteur au fait de ce
quiso
passa pendantle
siège.Le Grand Maître, avans
queles ennemis
parussent,voulut ieconnoître ce
qu'ilavoit de
troupes àopposeraux Infidèles
pous
les distribuer ensuite dans; les Places 6c dans les
Fortsqui seroient
attaquez. Apresune revue exacte^
JEANÍ>E LA
VALETTE.
DE M AL TE. L IV. XII. 441
il trouvaqu'il y avoit dans Tlfle environ
septcens
Chevaliers , sonscompter
les Frères servans , 6c
huit millecinq
cens hommes deguerre,
tant sol-
dats desgalères , troupes étrangères
à la solde de
TOrdre, quecitadins 6c
paysansdont on avoit fait
descompagnies. Toutes les
Languesse
chargè-
rent de défendre lespostes qui
leur seroient afïi-
gnez,6c on
partageaentre elles , les soldats Sc
les milices dont nous venons deparler.
Les trois
Languesde France se
chargèrentdu
bourg,la Place
laplus importante dellfle ; 6c comme cet endroit
avoit beaucoup d'étendue, ony ajouta une
partie
de laLangue
de Castille.
L'Amiral de Monte avec tous les Chevaliers
de laLangue d'Italie, entreprit
de défendre Tlfle
de laSangle.
LaLangue d'Arragon qui compre-
nois les Chevaliers de ceRoyaume,
ceux de la
Province deCatalogne
avec les Navarrois, occu-
pèrenttout le côté de la
portede Bormole avec
le terre-plein qui yétoit attaché. On
plaçala Lan-
gue d'Angleterre, partiede celle de Castille, les
ChevaliersPortugais
6c les Allemands, fur le môle
du côté dubourg,
6cils s'étendoientjusqu'au
fossé
du ChâteauSaint-Ange.
Le Commandeur Gar-
zeranrôs, Catalan, aveccinquante
Chevaliers 6c
cinqcens hommes des
plus aguerris,comman-
doit dans ce Château , & le ChevalierMefquita,
Portugais,dans la Cité notable 5 & comme ce der-
nierposte
étoit deconséquence , oh ajouta à la
garnisonordinaire
cinq compagniesdes milices
dupays
sous les ordres du Commandeur Vagnon.
Le CommandeurRomegas
si fameux parses
prises,
Tome III. Kkk
J E A HDE LA
VALETTE.
44ÌHISTOIRE DE L'ORDRE
6c si redoutable dans laMediterannée, sechargea
avec les soldats desgalères
de défendre Tehtrée
dugrand port
: 6c le Commandeur Guiral, Cas-
tillan, excellent Officier d'artillerie fit dresser une
batterie de neuf canons pour écarter les ennemis]
quitenteroient de
romprela chaîne
quifermoit
leport particulier
desgalères,
fln'y
avoit ordi-
nairement dans le fort de Saint Elmeque
soixante
soldats fous le commandement du Chevalier Bro-
glio,ancien Officier Piedmontoisj mais avant
que
les ennemisparussent,
le CommandeurEkguar-
ras,Bailli deNegrepont, s'y
enferma avec soixante
Chevaliers , 6c le Grand Maîtrequi
connoissoit
Timportancede ce poste, y fit entrer encore une
compagnied'infanterie Espagnole,
commandée
parle Chevalier Jean de la Cerda. Les cruautez 6c
lesravages que
les Turcs, avantque d'entrepren-
dre lesiège
deTripoli,
avoient exercez dans Tlfle
de Goze, engagèrent plusieurs Chevaliers du Con-
seil, pour empêcher queces Infidèles ne s'en ren-
dissent maîtres une seconde fois, deproposer
d'en
raser le Château. Mais la Valette s'y opposa: il
fut d'avis au contrairequ'on
enaugmentât
lagar-
nison y il soutintqu'il
étoit à íouhaitterque
les en-
nemis , avantque d'attaquer
lebourg
6c le Châ-
teau Saint-Ange,où résidoit le Couvent, 6c la force
de TOrdre, s attachassent à des fortsséparez, 6c
quele tems
qu'ils y employeroient,en donneroit
autantpour
attendre le secoursqu'on
faisoitespé-
rer y 6c mêmeque
si onpouvoit prolonger
la dé-
fense despostes éloignez jusqu'à
la fin deSeptem-
bre , les Turcs dans cette saison sujette aux tem~
JEANDE LA
VALETTE.
DE MALTE. L r v. XII. 443
pétes,auroient de la
peineà tenir la mer. II ajouta ]
pourfortifier son sentiment, que
le Château du yj
Goze , la Cité notable, & le ChâteauSaint-Ange
~~
étant situez sor des collines àpeu près de la même
hauteur, 6cpeu éloignées
les unes des autres, il
ne seroitpas difficile, en cas
quela flote des Turcs
tînt Tentrée des deuxports bloquée,
comme on
n'en devoitpas
douter , d'envoyer de ces Châ-
teaux dessignaux pour
avertir laReligion
de ce
quise
passeroità la mer, sor-tout
quandle secours
approcheront.Il conclut à ce
qu'on envoyât-in-
cessimment au Goze un Commandantplein
de
courage, capable , s'il'étoitassiégé, d'arrêter
par
une défenseopiniâtre
les ennemis leplus
l'ong-
temsqu'il pourroit,
6cqui plutôt que
decapitu-
ler , íe sacrifiât mêmegénéreusement pour
le salut
de son Ordre. Tout le Conseil revint à T avis du
Grand Maître -r &quelque périlleux que
fût cet
emploi,il
yavoit une íi noble émulation entre
les Chevaliers,- qu'il n'y eutpoint
d'anciens Offi-
ciersqui
ne fissent degrandes
instancespour
Tob-
tenir, ou du moinspour
servir sous celuiqui
en
seroit pourvu.Le choix du Grand Maître 6c du
Conseil tomba sor le ChevalierTorreglias Major-
quin,d'une valeur
éprouvée,&
quin'avoit jamais;
connu depéril.
,
Outre ces différentes dispositions,,le Comman*
deurCopier,
de laLangue d'Auvergne,
6c Grand
Maréchal de TOrdre , ancienCapitaine , devoit
observer la flote ennemie, s'opposerà ses descen-
tes autantqu'il pourroit,
la íuivre dans ses diffe-
rens mouvemens : dequand
ses ennemis scroient
Kkk i\t
3 E A N-DE LA
VALETTE.
444 HISTOIRE D E L'ORDRE
débarquez, tomber sur ceuxqui s'écarteroient du
grosde leur armée. Pour Texécution de ces des
léins, ilprit
avec lui un bon nombre de Cheva-
liers , deux cens Insolaires à cheval, 6c uncorps
de six cens hommes d'infanterie, à la têtedesquels
il cotoyoit le bord de la mer dans les endroits ou
la descenteparoissoit plus
aisée.
De sisages précautions
étoient bien nécessaires
contre lapuissance
redoutable des Turcs • niais la
principaleressource de Tlfie consistoit dans la pré-
sence du Grand Maître, dont Tairtranquile
6c la
contenance ferme 6cintrépide infpiroit
unegéné-
reuse confiance aux Chevaliers 6c aux soldats. Il
parcouroit continuellement les differens postes y
il faisoit fortifier les endroitsqui
luiparoissoient
lesplus foibles , marquoit
àchaque
Comman-
dant, s'il étoitattaqué,
les mouvemensqu'il
de-
voit faire, les endroits de la Place où il devoit so
retirerpied
àpied
6c successivement : 6cpar
tout
où ilpassoit,
il laissoit uneimpression
de son cou-
rage, quirendit
depuis.les Chevaliers 6c les soL
dats invincibles.
La flote des Turcs parutenfin à la hauteur de
Malte le 18 de Mai. Elle étoitcomposée
de cent
cinquante-neuf vaisseaux à rames, tantgalères que
galiottes,&
chargéede trente mille hommes de
débarquement, Janissaires , Spahis , lesplus
bra-
ves soldats de cette Nation. Un nombre considé-
rable de vaisseaux decharge
soivoient la flote,, 6c
portoientla
grosse artillerie, les chevaux desSpahis,
6c des munitions deguerre
& de bouche. Lepre-
mierpilote qui pour
reconnoître la côte, 6c un
JSANDE LA
VALETTE.
18 Mai
I565.
DE MALTE. Liv. XII. 445
endroit dont Tabri fût sûr, voguoitun demi mille
devant la flote, tenta de la faire entrer dans une
anse ou calleappellée Mar-^a Siroc, qui
se trouve"
à l'Orient. Mais un ventgrec
& levantin, quisou-
floit alors , Tempêcha d'yentrer : 6c
pour faire
connoîtrequ'il
ne faloitpas s'y arrêter, il fit tirer
deuxcoups
de canon -, 6c continuant so route, il
passa avec toute la flote entre Tisse de Malte & le
rocher de Forfola- &sor la fin du jour, les Turcs
jetterent Tancre à Tentrée de Tanse ou dugolfe
deMugiarro,
où lesgalères
6c Ws vaisseaux s'ar-
rêtérent fur le fer. Le MaréchalCopier
à la tête
de deux cens Chevaliers 6c de millearquebusiers,
pour s'opposerà leur descente, se
portaavec toute
ladiligence qu'il put
au même endroit y maisTA-
miral Turc à la faveur des ténèbres , tira adroi-
tement de sonarrierre-garde trente-cinq galères
chargéesde trois mille hommes
qui débarquèrent
fans obstacle à la case de Saint Thomas, 6cque
d'autresappellent
le Tort de ! échelle j sorquoi
il
est bon deremarquer que quoique
laplupart
des
Historiens donnent le nom deport
auxgolfes 6c
aux ansesqui
se trouvent dans cette Iste , çe ne
sont laplupart,
si on enexcepte
le grand port, 6c
leport Musset, que
des cales, quine font au
plus
à Tabrique
des vents de terre.
Pendantque
les Turcs étoient dans le Golfe de
Muggiaro,le Chevalier de la Rivière avec douze
Chevaliers se mit en embuscade derrière de vieilles
mazurespour surprendre quelque
ennemiqui
aiu
roit été tenté de mettrepied
à terre. Mais un Che-
valierPortugais, qu'on
avoit envoyédu même côté
Kkk iij
JEANI>.ELA
VALETTE.
446 HISTOIRE DE I/ORDRE
à la découverte, ayantreconnu la Rivière, & le
voulant joindre, reçût uncoup
demousquet tiré
parun
partidès Turcs
quiétoient cachez»dans
des rochers voisins, & dont il mourut sor lechamp.
La Rivièrequi
ne le croyoit que blessé, accourut
auffi-tôt à son secours; mais les Turcs firent une
nouvelledécharge,
écartèrent fapetite escorte,
tuèrent sonchey^l, Tenveloperent
6c le firentpri-
sonnier. On le conduisit auflì-tôt au Géneial, qui
Tinterrogeasor la
dispositiondu Grand Maître 6c
des Chevaliers,% fur les forcesque
laReligion
avoit dans Tisse. La Rivière lui répondit qu'il n'y
avoitpoint
de Chevaliersqui
ne fussent résolus
derépandre jusqu'à
la dernieregoûte
de leursang
pourla défense d'une líle
qu'ils regardoientcom-
me leurpatrie, que
tous les Forts étoientremplis
d'une nombreusegarnison,
6c fournis abondam-
ment de munitions deguerre
6c de bouche, 6c
qu'on attendoit de FEurope
6c de toute la Chré-
tienté unepuissante
flotequi
venoitpour
lui livrer
bataille, oupour
se forcer àreprendre
la route du
Levant. Le Général Turcregardant
ce discours
de sonprisonnier
comme uneespèce
débravade,,
&pour
en tirer une connoissance exacte de l'état
de Tlfle , lui fit donner une violente torture. Le
Chevalier la soutintlong-tems
avec la constance
d'un héros, à la fin comme s'il eût cédé à la ri-
gueurdes tourmens, il avoua à ce Barbare avec
une feinteingénuité que
si Malte avoit à êtreprise,
ce ne seroit que parle
postede Castille, Tendroit:
duBourg& de toute Tlfle le moins fortifié, à ce
qu*il.
soi dir..
JEANDE LA
VAÌETTE.
E) E M A L TE. L I V. XII. 447
Le Bâcha sereposant
de la sincérité de son aveu
sur la violence de laquestion,
résolut de commen-
cer lesiège
duBourg par
cet endroit y mais com-
me avantque
des'y engager
il le vouloir recon-
noîcre lui^mêmey ilenvoya
en attendant le Che-
valier de la Rivièrechargé
de sors>sor unegalère
destinéepour
lesprisonniers.]
Lè vent ayantchani
gé , la nuit suivante toute la flote leva Tancre , 6c
à la faveur des fanauxreprit
la route de Marso^
Syroç, où Tarmée degrand
matindébarqua
en
bonne ordonnance. Lespremiers
soins du Géné-
ral furent de faire construire à Tentrée de cette
grandecale 6c de
chaquecôté deux redoutes ou
il mit un bon nombre de soldats, &qu'il garnit
d'artilleriepour
la soretéde ses vaisseaux, 6cpour
empêcherla flote Chrétienne, si elle
paroissoit,
d'enapprocher.
L'arméeTurque s'avança
ensuite
dans les terres , 6ccampa proche
d'unVillage
appelleSainte Catherine.
Mustapha pourrécon-
noîtrepar
lui-même la situation duBourg,
du Châ-
teau SaintAnge,
6c des autres Forts de Tlfle, se
détacha avecquelques Ingénieurs,
&gagna
une
hauteurappellee
ìeMont Calcara, d'où il découvròit
presqueTlfle entière. Il s'étoit fait suivre
parle Che-.
valier de la-Rivière sonprisonnier : il voulut
qu'il
lui montrât le Fort Saint Elme, celui dela-Sangle,
le Château SaintAnge,
& leBourg,
6cqu'il
lui
rendît en même-tems uncompte
exaéf des forti-
ficationsqu'il y avoit-en
chaque endroit) 6c du
nombre detroupes qu'on y avoit mis. Sur quoi
Tadroit Chevalier nemanquoitpasde
le doubler;
mais le Bâcha lufayant demandé où étoit le Poste
JE A NDE LA
VALETTE.
448 HISTOIRE DE L'ORDRE
de Castillequ'il lui avoit
représentécomme le
plus
foible de toute Tlfle, le Chevalier ne lui eutpas
plutôt montré, quece Général Tayant
vu fortifié
d'unlarge boulevard avec un ravelin 6c des case-
mates aupied & dans le fossé, persuadé que
la Ri-
vière ne lui avoitindiqué
cet endroitque pour
le
faire échouer dans cetteentreprise, plein
de fureur,
il luidéchargea
uncoup
de canne fur la tête, 6c le
fit achever àcoups
de bâtonpar
les soldatsde son
eseorte. e^v !>.'•
Pendantqu'une scène auííl cruel le se
passoitsor
le mont Cascara , TarméeTurque répandue
dans
lacampagne
mettoit se feu dans lesvillages,
maso
sacroit lèspaysans, 6c enlevoit les bestiaux
qu'ils
n'avoientpas
eu laprécaution
de retirer de
bonne heure dans lesplaces
fortes. Le Maréchal
Copier quine
perdoit pointde vue les ennemis,
tomboit fur ceuxqui pour piller,
s'éeartoienr de
leurgros,
les tailloit enpièces,
ou les faisoit pri-
sonniers ; 6c dans deux ou trois occasions 6c en
différentes escarmouches, il leur tuaplus
dequinze
cens hommes fans y en avoirperdu plus
dequatre-
vingt, parmi lesquelson
regretasor-tout le Che-
valier d'Elbene, d'une illustre Maison de Florence,
qui aprèss'être
signalédans ces combats
particu-
liers , fut tué d'uncoup
demousquet.
Le GrandMaître, pour
accoutumer sos soldats
à* la vue & aux cris des Turcs, &pour
des mettre
pourainsi direen
curée, souffrit d'abord ces escar-
mouches : mais comme elles n'avoient rien de dé-
cisif, 6cque
la moindreperte qu'il y pouvoit faire,
lui aurpit étéplus préjudiciable dans la fuite, qu'il
n'auroit
JEANDE IA
VALETTE.
DE MALTE. LIV. XII.44$
xsâuroit tiréd'avantage
d unplus grand
nombre
de Turcs, qui y auróient péri , ilrappella toutes
ses troupes, lesrenvoya
dans leurspostes, & les
-
réserva judicieusement pourla défense des forts
qui soroient attaquez,-
Dés le lendemain les Turcs tinrent ungrand
conseil deguerre pour
délibérer de Tendroit où
l'armée s'attacheroit. L'AmiraÍPiah , soivant les
ordres du GrandSeigneur,
voúloitqu'on
sorsrt
touteentreprise jusqu'à
Tarrivée deDragut, qu'on
attendoitdé jour en jour y mais lè Báchâauquel
k crainte du secours dont lui avoitparlé
se Che-
valier de la Rivière , eau soit une secretteinquié-
tude , soutintqu'avant que
desonger
à vaincre ,,
il faloit fansperdre
un moment de tèms, prendre
de si justes mesures, qu'ilsne
pussent être ni sur-
prisni vaincus. IT ajouta que
fi Tarmée Chrétienne
îurvenoit àfimprovistè,
k flote duGrand'Seigneur
se verroitbloquée
dans Tanse où else setoit reti-
rée, &qu'indépendemment
de cequ'on
avoit à
craindre de ce côté-la, elle n'étoitpas même a Ta-
bri des vents orientaux ; & ilopina que
sons diso
ferer, il faloit faire lesiège
du fbrir Saint Elme,,
quiselon ce
qu'il exposa,ne devoit
pas durerplus
decinq
à six jours. Il ajouta que parfa
priseils
feroient maîtres duport
de Marza-Muzet, où 'ils
soroient entrer toute leur flore j &qu'après
lavoir
mise en fureté, ilsattaqueroient
avecplus
de con-
fiance les autres forts, & les différentes Places dé
Tlfle. Cet avispassa
à lapluralité
des voix ,6c se
siègedu fort Saint Elme fut résolu.
Ce fort, comme nous Tavons dit, étoit situé fur
Tome III. LlL
JïANDE LA
VALETTE,
'45 6 "M IS T O IR E DEL' O R DR E
kpointe d'un rocher, à 1extrémité d'une
langue
de terrequi sépare
les deuxports •? cetoit Tbu,-
vragedu Prieur de
Capoue y mais il Tavoit soit
trop petits 6c soitque la Religion
en ce tems-là
ne rutpas en état de fournir à la dépense nécessaire
pour se rendreplus grand 6c psos régulier /soit
quele Prieur en Te plaçant à la
pointé du rocher,,
n'eût eu en vueque
le côté de k mer vifë de se
.servir de ses batteriespour défendre l'entíîée des
ports?,k soite sst voir
qu'il n'avoit pas soft assez
d'attention a la défese meme du fort du côté de
Ta terre, 6cqu'il
Tavoitplacé
dans un endroit dont
le tercein étoit si étroit ou si resserré, qu'onn'a^-
voitpu ajouter au dehors ses ouvrages & les for-
risicarions nécèuaires. Cependantcomme tout se
fend de l'Ifle n'estqu'un roc recouvert seulement
íÇn quelques endroits d^ deux ou trois piedsd'un
terroir pierreux , lesingénieurs Turcs; prévirent
quece m íeroso pas sons uri travail Jpng $c pé~
âiijbsequ'on pourroitouvrir Reconduire la tran*-
.çhée vckutant, plus que eeíjbrt étoit garni d'unie
fnomhreuíç artillerT^ jqu'ils nepourroientîriëjfte
ernpêcher quele prandr Maître à k faveur de
legeres barques,nie fît
passerdu secours par; le
|)ort Mu?et, ô£ quilnerafraîchît %c rie ehanr
geatde tems e^v tems la garnison.
Cequi augr
^nenroit encoreleur inquiétude,e'eso
quese Vice-
|8wOÌ de Sicilerépandpit des bruitís? quoique #veç
plus d'ostentation quede
diligence ^ qu'ilvien-
d[roÌt au premier jour à l.at|te de k ssote du Roi
ion maître, livrer batailso, & çornbattte celle du
^tan.
$ -E A NDÉ LA
VALETTE.
DE MALTE. LIV» XII.4î*
Mais le General Turc, grand capitaine,se roi-
diíïânt contre toutes ces difEcultez , résolut de v
poursoivreson-deísein^6c
aprèsavoir été lui-rnê-
~~
me reeonnoître k Place , il fît avancer sestroupes,
l'invèstit du coté de terre^marqua
kplace de
soncamp, 6c ses dilíerens endroits où il vouloit
soite dresser des batteries. Sestroupes
travaillè-
rent ènsoite à faire leursapproches par
des tran-
chées-<<x- 6cquelque
dureque
fut le rertein 6c le
roc sorlequel
le fort étoitplacé,
à force depk>n>
ráers dont se Bâchaprodiguoit k vie -r 6c
malgré-
le sou continuel de îa £kce, ils ne kiferenii pas*
enplusieurs-
endroits de se mettre à couvert : 6c
dans ceux dont on ne pouvoir entamer le roc, ill
fit construire desparapets qui
renoient lieu de:
tranchées , 6cqui
étoient* formez avec despou*,
tres 8c d'épaiues planches, garnies parderrière de:
terrequ'on
alloitquérir
bien loin , &qu'on
dé-
trempoitensoite îpouKlà liaison, on k méloit:
avec des joncs & de kpaille,
cequi
formoit une
eípeeede murailse
quicouvroit ïè soldat.
Les. lurcs avec le secours des boeufsqullfc
avoient prisdans Tlfle, conduisirent ensuite seur
isanonjuíqu
au mont -Saint Elme, 8caprès avoir;
dressé leurspkttes formes, seurs
gabions6c lents
mantelets , lé Bâcha commençaà faire tirer le
vingt-quatre de Mai avec dix canonsqui portoient;
quatre, vingtlivres de balle. Il avoit outre ces ca-
nons deux coulevrines de soixante, & un basilic
d'une énorme grandeur , qu'on prétend quitiroit
des boulets depierre
de cent soixante livres de
pesanteur»Cette artillerie faisoit. un feu terrible-.s.:
111 m
J E AU-DE IA
VAI JETTE*-
45* HISTOIRE DE L'ORDRE
&quoique
celle de la Place y répondît, comme
ce fort étoitpetit
6c étroit, iln'y avoit
pointde
coup quine
portât,6c
quine ruinât
quelque par-tie des dehors & des défenses : 6c les Infidèles ayant
augmentéleurs batteries, le Bailli de
Negrepont
quicommandoit dans la Place ,.6c qui
nepouvoit t
résister à un feu continuel, vit bienqu'au
défaut
des fortifications, il ne conserveroit laPlace que
parle nombre 6c lecourage
de lagarnisonl
Dans cette vue ilenvoya le Chevalier Lacerda
au Grand Maîtrepour
lui demander du secours :
6cpour Tobtenir, cet Officier
quek
peurrèndoit
éloquent, èxageralê périloù il dit
qu'étoitk Place,
Le Grand Maître enparut surpris,
& encoreplus
indignécontre cet Envoyé, de ce
qu'en présence
d'ungrand nombre de Chevaliers, il avoit été assez
imprudent pourlui dire qu'il
ne faloitpas qu'il
Vattendít qu'on puttenir dans uné auísi méchante
Pkceplusde huit jours. Ruelle perte ave% vous donc
faite, repartitle Grand Maître, pour
crier au se-
cours ?Seigneur,
luirépondit Lacerda, le Château
doit être confideré comme mi malade exténué, (êfr fans
forces ,qutne
peut fe soutenir que pardes remèdes
ft)des secours continuels,
ffen ferai moi-même le
médecin, lui dit le Grand Maître avec undépit
se-
cret , & fy en conduirai d'autres avec moi : s'ils ne
peuvent pas vousguérir
de lapeur,
Usempêcheront
bien au moins parleur valeurque
les Infidèlesne s"em*
parentdu Chute au.
Ce n'estpas que
ce Princesse flatât depouvoir
conserver Iong-tems une Place si foibse, contre
jes attaques continuelles des Turcs ; & ildeplo»
JE A NDE LA
VALETTE.
; DE M ALT E. L IV. XII. 453
tsòit même secrètement, 6c dans le fond de son
ccêur, le fort des Chevaliers quiétoient dans un v
postesi
dangereux -, mais le salut de Tlfle entière ,""
dépendant de la durée de cesiège -, 6c comme
il faloitpar
unecourageuse
résistance donner le
temsau Vice-Roi de Sicile d'avancèr à son secours,
il résolut de sejetter lui-même dans la Place, &
des'y ensevelir plutôt que
de iôufírirque par une
foible défense 6c unecomposition précipitée,
on
mît les Infidèles en état de s'attacher au bourg&
au ChâteauSaint-Ange,
k derniere ressource des >
Chevaliers 6c de laReligion.
La Valette sodifpo-^
soit à conduire ce secours dans le fort, mais le
Conseil & tout le Couvent s'y opposerent , &il íe
présentaen même tems un si
grand nombre de
Chevaliers qui demandoient avecempressement
çette commission, qu'il n'yeût d'embaras
quedans
le choixqu'il
en salut faire. Le Grand Maître mit
a k tête de ce secours les Chevaliers Gonzales de
Medran & de la Motte, avèe lescompagnies
d'in-
fanterie qu'ilscommandoient :
plusieursCheva-
liers obtinrent lapermiíîlon
de le joindre à eux,
6c THistoire a conservé le nom d'un Jean de Sok
Navarròis servant d'armes, 6c brave soldat, qui
en conduisit plusieurs autres, ausquelsil avoit ins-
pirésa fermeté & sa résolution, &qui
à son exem-
ple,se firent tous tuer en différentes oCcasions. Ils
furent depuis remplacez par plusieursChevaliers
de différentes Nations , Anglois, François , Fk-
mans, 6c Allemans, ^ui par Téloignementde leurs
Provinces, n'arrivèrent en Sicileque depuis
le dé-
barquementdes Turcs à Malte, 6c le
siègedu Châ-
Llí iij
JEANDE LA
VALETTE.
454HiST o IRE DE L'ORDRE
teau Saint Elme. Laplupart
sons attendre une es.
cortè , 6c dans Timpatiencede
partager sespérils^
de kguerre
avec leurs frères, se jettoient dans dé-
légères barques V 6c suivant les occasionsqu'ils
en*
troúvoiènt, paíîbiéfìtà la fise y les uns
aprèsìek
aútrèsvAprès
avoir abordé aubourg,M
obtenu ks
pérrniflìondu Grand Maître , à la faveur de bar-
quessons mats ètsohs voiles^de peur
d'être décou-
verts , ils tràvetíbienf leport Muzet,;; 6c Ile jet--
toient dan*k Pkce aíssegée.Le Grand Maître
pou*
sovorisefc leurpassage ^ du Château
Saint-Ange quih
étoit sor unè hauteur, bà^toit eontmuellèment le
camp ennemi. Un boulet de canonparti
de cet
endroits 6cqui
tomba dàns ktranchée, 6c sor une
pierre , k mit enpièces
: Un éckt allafiraper
TA*
miraiPìaly qui
vifìtoir. ses travaux, 6c le bleíía dan~
gereusornènt.Onìe crut mort * 6c
pendant que
dans tout secamp, 6c principalèrnent
sor là fote,
on rfétoitoccupé que
de cet accident ,jl&- ÉrarsoL
Maîtrepour avancer le secours de Sicise,Jk pouf
empêcherk
perte du sort, dépêchak nuit le Che-
valier de k Valette Gornusson son neveu , & le
CommandeurSalvago Génois, pòut conjurer le
Vice-Roi de Sicise de hâter se secoursque
le Roi.
son maître lui avôft faitespérer y 6c il se
prioit de
soirenvoyer
en même ierns deuxgalères
de /k
Religion quiétoient revenues de course avec tous
ses Chevaliers assemblez à Meffine, quià k faveur
de la floted'Espagne , esperoient
rentrer dans le
port.Le Commandeur de k Valette lui remit en.
même tems un mémoire exaêrde la routeque
de-
voit tenir k flote Chrétienne avec le double de &-
JE A NDE LA
VALETTE.
<DE MALTE. LIV. XII. 455
•ghaux qu'il faudroit soire depart
& d'autre, soit
au Goze, ou aux cales voisines où onpourroit dé-
barquer. Le Vice-Roi luirenvoya
auslì-tôt un Cou-
rier avec assurance d'unprompt
socours , qu'ilse-
roit partir au plus tard dans lequinze
de Juin: 6c
ïl lexhortoit juíques en.ce tems-là de soire filer de
nouvelles troupes dans le fort Saint Elme, pour
empêcher les Turcs de s'en rendre les maîtres. La
Valette pour encouragerla
garnison,lui fit
part
des nouvelles qu'ilavoit
reçùesdu Vsee^Roi. Le
Chevalier de Medranqui y avoit conduit le der-
nier secours, fit une sortie , se jetta dans la tran-
chée , surpritles Turcs, 6c favorisé de î'artillerie
du Châteauqui
faisoit un sou continuel, tailla d'a-
bord enpièces
tout cequi
seprésenta devant lui.
Mais les Turcs revenus de lasurprise qu'il
leur
ayoit d'abord causée, s'étant ralliez, retournèrent
en fouse à la charge v &après
un combat fort
opiniâtré, regagnèrentla tranchée, forcèrent les
Chrétiens à se retirer dans k Place. Malheureuse-
ment pourles
assiègesil soisoit un vent violent,
qui repoussoitk fumée de Tartilserie \ cette fu-
mée -comme unnuage épais
se rassembla sor la
contre-escarpe.Les Turcs àla faveur dp cette obs-
curité , s'en emparèrent, y firent unlogement
avec
des arbres, des poutres6c des sacs de laine 6c de
terre, dont ils avoient faitprovision j 6c ils
ydres-
sèrent en meme tems une batterie.
Ces ténèbrespassagères
étantdiisiSpées,
on vit
du fort avecbeaucoup
desurprise
lesenseignes
des Turcs arborées fur cet endroit, d'où ces Infi-
dèles commencerentàbattre le ravelin. Cettepiece
J EA N
Ï?B.LAVALETTE.
3 HANDE LA
VALETTE.
456HISTOIRE DE L'ORDRE
n'étant pasassez élevée, se trouva même
exposeV
au feu de leurmoufqueterie : en sorte
qu'ilne
pa*
roissoit aucun des assiégez quine fût tué aussi-tôt
parles Janissaires, qui
tiroient avècbeaucoup
de
justesse j cequi
donna occasion auCapitaine
de
Lacerda , sousprétexte qu'il craignoit, disoit-il,
queles Infidèles neso
logeassentdans cet ouvrage
avancé, deproposer
de le miner 6c de le faire fau-^
ter. Mais onrèjètta ce conseil, qui
ne soi fitpas
beaucoup d'honneur, 6cqu'on soupçonna
venir
d'un hommequi pâtissoit
dans lepéril,
&qui
eût
souhaité, quelquefut le soccês de ce
siège,;d'en
voir auplutôt
k fin.
Pendantque
les Chrétiens 6c lés Infidèles étoient
tous lesjours
aux mains , on vit arriver dans la
flote des Turcs lerenégat Uluccialy,
fameux Cor-;
faire, avec sixgalères qu'il
avoit amenées d'A^
lexandrie, 6c neuf cens hommes dedébarquement:
6cpeu
dejours après, Dragut
Vice-Roi deTripo-
li , yen amena seize cens sor treize
galères6c deux
galiotes.Nous avons dit
quele Grand
Seigneur
prévenud'estime
pourfa valeur 6c fa
capacité,!
avoitexpressément
défendu à ses Généraux de terré
6c de mer, de rienentreprendre
fans fapartieú
pation.Son mérite ,6c le crédit sor-tout
qu'ilavoit
a la Porte, le fit recevoirpar
toute Tarmée au bruit
de Tartilserie, 6c avec toutes sortes demarques
de
déférence 6c de distinction : il ne futpas plutôa
débarqué, qu'ilvoulut visiter le
camp,6c les
priá-
eipauxendroits de Tille.
Quelquesmesures d'honnêteté
qu'il gardâtavec
les Généraux, iltémoigna qu'il
nepouvoit ap-
prouver
D E MALT E. L I v. XIL457
prouver qu'oneût commencé cette
entreprise par
îesiège
du fortSaint Elme: ilprétendit qu'on
auroit \
du d'abord s'attacher au Château duGoze,& ensuite~
à la Cité notable, quifournissoient des vivres au
bourg6c au Château
Saint-Ange.Il
ajouta que
parla
prisede ces deux Places, non seulement
oh auroitcoupé, disoit.il, les mamelles
quinou-
rissoient le reste de 'Tlfle : mais cequi
étoit bien
plus important, qu'onauroit fermé aux Chrétiens
le chemin du secoursqu'ils prétendoient soire en-
trer dans Tlfle. Le Bâcha , quoiquerevêtu de k
dignitéde Général, mais
quiredoutoitle crédit du
Corsaire,lui
représenta que pourmettre k flote du
Grand Seigneurà Tabri des vents,& même à Couvert
de Tarmée des Chrétiens, il n'avoitpu
sedispen-
serd'attaquer d'abord, le fort, dont la
priselui ou-
vroit une libre entrée dans leport Muzet y qu'a-
près tout, cesiège
n'étoitpas
encore si avancé
qu'onne le
pût lever, s'il lejugeoit
àpropos,
6c
transporterTarmée au Goze 6c devant la Cité. Ce
ne firoit pas leparti
le moinsprudent,
renzxtït T>Ï2L-
gut, fi ïaffairen étoit
pas trop engagée j maisaprès
T ouverture de la tranchée, & plusieurs jours <%atta-
que,on ne
pourroitlever le
fiege fans commettre la,
gloirede Sa
Hauteffe , fç) peut'êtremême fans dé^
couragerle soldat. Ainsi il conclut à
employertou-^
tes les forces de Tarmée poursortir avec honneur
de cette entreprise y 6cpour
faire voirqu'une
basse
envie, 6c cettemalignité
si ordinaireparmi
les
courtisans, n'avoit eu aucunepart
à la libertéqu'il
avoitprise
de dire son «sentiment. Depuis qu'on
eût résolu de continuer lesiège , il s'y employa
Tome III. Mm m
JEANCEÍ.A
VALETTB.
458 HISTOIRE DE L'OI D R E
avec autant decourage
6c d'assiduité, ques'il eût
étéresponsable
du succès. On n'avoit gueres vu
d'Officiergénéral plus intrépide : il étoit les jours
entiers dans la tranchée ou aux batteries. Parmi
ses differens talens , personne n'entendoit mieux;
quelui la direction 6c la conduite de Tartilserie :
e étoit sonpremier métier, comme nous l'avons
dit dans le Livreprécédent : par son ordre, le
pre-
mier de Juin, on dressa unè seconde batterie pa-
ralelle à lapremière , mais plus proche
du fo^t: 84
pourentretenir un sou continuel, eUes tiroient
Tuneaprès
l'autre contre un cavalierqui
couvroit
le fort, Ilplaça quatre
canons du côté duport
Muzet,quibattoient du même eôté,& on mitsor k
contre-esearpedeux autres canons
qui plongeoient
dans le fossé,& batoient la casemate : & sor lapointe
de Tentrée duport Muzet, quia
retenudepuis
ce
tems-là le nom deCap
oupointe
de^Dragut, ì\ y
fît amener de ses galères quatre coulevrines, qui
battoient se flanc du ravelin, du cavalier, & tout
le côté du fortqui regardoit l'Occident.
LesIngénieurs Turcs,à la faveur de leurs mous
quetaires quitiroient continuellement contre lis
ravelin, sortirent de la tranchée j-.& d'uncourage
déterminé, & tout à découvert, pour reconnoîtrè
Tesset de leurs bateries, s'avancèrentjusqu'au pied
de ce ravelin, sansque personne
leur en défendît
lesapproches, soit
quela sentinelle eût été
tuée,,
ou fût endormie, soit auíïìpar
k faute des Officiers,
qui laissoient auxsimples
soldats le soin de faire
les rondes : cesIngénieurs
à la faveur de cepro~
fond silence, reconnurent tout à leur aise Cet OU-
IS ANDE LA?
VAIBTTB.
D E M A L T E. L I V. XII. 459
vragedétaché du fort, 6c
qu'onne
pouvoit y aller
du cavalierque par
uneeípeee de
pont composé-i
dequelques planchés.
Ils découvrirent en même
tems une canoniereplacée
dans un endroit si bas,
qu'unde ces
Ingénieurs étant monté sor lèsépau-
les d'un autre, apperçûtles soldats Chrétiens cou-
cheznégligemment,
6c ensevelis dans unprofond
sommeil; Les Turcs firent aussì-tôt venir des trou-
pes , qui ayant posé des échelles, entrèrentpar
la
canoniere dans le ravelin, s'en rendirent les maî-
tres , 6ccoupèrent
lagorge
à kplupart
des Chré-
tiens. Geuxqui
s'éveillèrent lespremiers, voyant
cette foule d'ennemis, s'enfuirent -, 6cplusieurs,
pouréviter le sabre des Turcs, se
précipitèrentdu
pontdans le fond du fossé. Les Turcs
pour pro-
fiter de leur avantage,so
jetterentsor le
pont pour
passerdans le cavalier y mais ils furent arrêtez
par
GuerareSergent major, qui
au bruitqu'ils faisoient,
y étoit accouru avecquelques
soldats. Iifut bien-
tôt secondépar
les Chevaliers deVercoyran.
6c de
Medran, qui s'yrendirent à la tête de leurs com-
pagnies ; & on vit ensuite arriver le Bailli de Né-
grepontavec plusieurs
Chevaliers. Le combat de~
vint alorsplus égal : les Chrétiens
repoussèrent
même les Infidèles y 6c comme le ravelin, du côté
du cavalier 6c du fort, n'avoit pointde défense,
à la faveur de deux canonsqu'on braqua
contre
cetouvrage,
6c dont lescoups
écartoient lesTurcs,
oneíperoit
de lereprendre
6c de les en chasser.
Mais leur Général de son côté fit avancer differens;
corps d'infanterie, quifans crainte du feu, se jet-
terent dans le ravelin : 6c ayantfait venir des
pion-
M m m ijí
JïANDE LA
VALETTÌ
q.6Ó H I S T 0 IR E D fi r L* O R D R È
niers, des sacs de laine 6c des socs à terre avec des
bariqu.es. :& desplanches, ils s'y logèrent, & tout
1 eiíbrt des Chrétiens ne les enput
chasser.
Ilspoussèrent encore plus
loin leurentreprise;
&voyant que
le Bailli 6c ses Chevaliers, pour so
retirer dans le cavalier, avoientpris
seur chemin
parle bas du foíle, avec une audace que Teípè-
raíice dune entieré victoire leur inípiroit, ils s'y
jetterent l'épéeà k
main, lespouríuivireíit opi-
niâtrement , & ne furent arrêtez que parTartil-
serie du fort 6c parune
grêlede feux d'artifices v
depierres,
decoups
demousquet
6c de canonades
qui tuèrent lesplus hardis, 6c
quien mirent Un
íî grand nombre hors de combat, qu'ilsfurent
obligezd abandonner leur
poursoice y 8t de se re-
tirer même hors du fossé. Onprétend qu'après
s'être ralliez , & avoir reçu un nouveau renfort,
ilsy revinrent par une brèche
qui étoit à la contre-
esoarpe , 6c qu aprèsavoir
placédes échelles au
pieddu fort, ils y montèrent en foule, & avec
uncourage
si déterminé, qu'onne fçait pas quel
auroit été le succès de cette derniereattaque, (ì
heureusement les échelles ne s'étoientpas trouvées
tropcourtes. Ils furent
obligez d'en descendre &
de les abandonner j ce ne futpas
fansperdre
beaur
coup de monde. Onprétend que
cette actionqui
duradçpuis k pointe
du jour jusqu'à midi, leur
coûtaprès
de trois mille hommes desplus braves
de leur armée. LaReligion
de son còté9 outre k
perte du ravelin, eutvingt
Chevaliers de tuez, 6c
prèsde cent soldats. Le Bailli de
Negrepont,le
Sergent major Çuérare, lè Chevalier Adorne, 6c.
JEANDELA
VALETTE.
DE MALTE. LIV. XII. 4Û
k Roche Perura, jeune Chevalier Castillan, furent
blessez. Onrapporte que
le Chevalier Abelde Bri-
diers de laGardampe, ayant reçu un coup
de mous
quetdans le
corps, comme quelques-unsde ses
confrères seprésentoientpour
le relever, & le con-
duire dans un endroit où ilpût
êtrepense, après
les avoir remerciez affectueusement de seur bon of-
fice : Nemecompte^plus,
leur dit-il, aunombre des
vivans s vosfoinsr fieront mieuxemployé^
àYdéfendre
nos autresfrères.
Il se traîna ensoitejusqu'àkCha-r
pelledu Château f 6c
aprèss'être recommandé à
Dieu, ilexpira
aupied
de TAutel, où on le trouva
mort. A la soveur de la nuit, 6cavec kpermission
du Grand Maítreyon transportaau
bourgles bles-
sezpour
lesy
fairepenser : en leur
place , 6c par
la même voye, on ramena cent hommes com-
mandez parle Chevalier Vagnon. L'artillerie du
fort, 6c les batteries du Château Saint-Ange& de
Tlfle de kSangle> fávc»risoient çe passage
: é< quoi-
queles Xurcs cuisent deux canons sor le haut de
kgrotte d'Alicata, qui
battoient Tendroit paroù
onpouyoit
entrer dans le Château, 6cque
ses Janis.
soiresexçellehsarquebusiers,
6cqui
ne sosorvoient
quede
mousquetsd un
gros calibre, 6cqui por-
toient fort loin , tirassent continuellement sor le
rivagele
plusvoisin du fort, ils n avoient
puen-
coreempêcher
cette communication ,&se passa-
gede çes petits secours que
le Grand Maître y
envoyoit.
Ce futpar
le retour de ces blessezqu'il apprit
avec douleur le détail de laperte
du ravelin, 6c
tout cequi
s étoit pane dans cette derniere action;
M m m iij
JEANDE LA
VALETTE.
461 HISTOIRE DE L'ORDRE
6c cequi
ne lui cauíàpas
moinsd'indignation,
c'estqu'il
découvritque
la Cerda, fousprétexte
d'unelegere blenure, dont a
peine on vOyoit k
marque , s'étoit mêléparmi
les blessez. Cette lâ-
cheté dontjusqu'alors
iln'y
avoitpoint
eu d'exem-
pledans k
Religion, a$igèasensiblement k Va-
lette , &quoiqu'il
eûtpitié
de so fbibleíse , iT ne
kiffapas
de ie soire arrêter, 6c deTènvoyer
enpri-
son , châtiment encoretrop
douxpour
iun hom-
me 3 qui pendanttout le
siège , n'avoso soitpa^
foîtfe d'habileté 6c d'adreneque pour s'éloigner
dupéril.
, -'-V- :'--;:'- ~^ ::-y-,
Le Bailli deNégrepont,
le Commandeur Bro-
glio, quoiquebleue z ,6c tous deux fort
agez,rè-
fu serent avecbeaucoup
decourage
Ta permissioii
quele Grand Maître leur avoit envoyée
de rêve*
nir au Couvent : 6cpour
touteréponse,
ils lui de-
mandèrentqu'ils
voulòient mourir dans leu rposte
6c au lit d'hónneurv Ces Chevaljefs si-rèípectâbles;,
toujours sous lès armes, Tesvisages
brûlez & défi-
gurez parTardeur du soleils ne
partoiént point
des endroits où ily avoit le
plus depéril
v &quoi-
qued unè
vieillèlsopreíque caduque^ils
portoient
eux-mêmes de la terre dans les endroitsqu'il
fa-
loit fortifier , ou seeouroient les autres Chevaliers:
quidans une
placesi étroite, étoient à tous mo-
méns blessez^ Orinèvbyoit que
des boiteux, des;
bras enécharpes ,6c même des membres séparez:
ducorps, espars confusément 6c
qu'onn'avoit
pas,
se tems de couvrir de terre ; 6c ces hommes dont
kplupart
n étoientplus que
la moitié d'eux-mêi-
tóes ^ cònsorvoienr uncourage entier, servoient
JEAN.DE LA
VALETTEv
DE MALT E.XIV. XII. 465
Tartilserie, se traînoient jusquessor les brèches y
Scprésentoient par
tout un front redoutable*
Le Grand Maître leur soifoitpaíscr
socceTIive-
ment tous les soeours quek Place
pouvoit çonte^
nir j mais commepar
le feu continuel des enne-*
mis il n'y avoit preíque pointde/jour quil ne per-:
dît ungrand
nombre de Chevaliers 6çde soldats,;
il fit partirla nuit une
barque pour'k Sicile ^ qui
portade so
part des; Lettres au.^iç^^oi-^-oíà'-it:.
lui soisoit part fc
6c il luitnarquoit expressément qu'il étoit surpris
qu'iln'eût pas encore tenté de soire
repasser ^
Malteiùr les deux galères de laReligion * les Gj^eh
valiers quin'att ondoient que cet te 1occasionj pc>ú^
sorendre à leur devoir y St: iflui demandoiten mêi
me tems un secours particulierde milse soldatsi
pour remplacer ceuxqui jxérissoient journellement;
dans le fort.Gomnie-pa;r^
ce Vice^Roi, 6c par le peu> ^empren^mentí qu'ils
avoit à rassembler les différentes esoadres du Ros
d'Espagne , ilcraignoit qu'il nejso det^rmin^t jari
mais à tenter se sort d'un combat n^val ^ il lut
marquoità k fin de so Lettre^ que pourvu rqu'il
voulut sousement débarquer huit mille hommes
dans Tisse, il so flatoit, avec cequi
lui restoit de
troupes,de faire lever le
siège,6c deforcer ie$ enne-
mis a se rembarquer. Le Vie e^ Roi lui renvoya sor le
champ Salvago, qui par ordre du Grand Maître, &>
pourhâter le secours , étoit resté auprès
de lui :
& il se fitaccompagner par un autre Chevalieri
appelle Mirande, despremiers
de TOrdre^ dès'
pluszelez y 6c il les
chargead'assurer le Grand Maî-
JEANDE LA
VALETTE.
464 H i s T 01R E DE 1/ ORDRE'
tre qu'ilne
perdoit pasun moment de tems
pour
rassembler les VaiíseaUx 6c lesgalères
néceûaires
pourlui
porterle secoure quil
attendoit y mais
'qu'iln en avoit
pasencore un assez
grand nombre
pourbazarder unèbataille contre làflote des'Turcsj
qu'ilavoit besoin de cesses de la
Religion -y6c que
pouraccélérer 1
embarquementdes
troupes,il ne
pouvòitles
envoyer tropitòt.
Lesdeu* Ghevalsers léjetterent dansìun ïegèr
brigantin,& esoortéz des deux
galèresde la Re-
ligion quele Vicé-Roi avoit retenues daîris se port
deSaragosse , ils doublèrent le
Capde Passaro ,•
d'wàprès^avoif renvoyélés
galères quine
pou-
voientpॠ^ sons être découvertes , avancer plus
près dirport,à la soyeuf de k huit, ils entrèrent
dans celui de Muzet, 6cgagnerentle rivage lepks
prochedu fort Saint llnm lis
s'yretirèrent
pen-
dant lejour, 6c la^nuit soivarite, après
avoir visité
exactement ses difsereris postesde cette Place, 6c
en avoir reconnu lé mauvais état, ils se rembar-
quèrent& so rendirent au
bourg auprèsdu Grand
Maître* ïTfut fortsofpíis
de les voir arrìver[sons
aucun secours, sor-tout sons les deuxgalères
cîe la
ReIigion,&: quele Vice-Roi non content d ìëicsj-r' ete-
nir, demandât encore lescinq autres, dont
léj'ssol-
dats & k chiourme travailloient contmuellemehr à
fortifier disserenspostes
dubourg
6c de Tille de k
Sangle.Cette conduite le confirma dans le
soup-
çonqu'il
avoitquele
Vice-Roimalgré
sespro-
messes ,& Tostentation d un puissant secours, n'o-
soit házarder une bataille, 6cque par
ces délais
affectez, 6c la demande hors de saisonqu'il
faisoit
des
JEANPELA
VALETTE.
DE MALTE. L i v. XII.467
desgalères,
il ne cherchoitqu'un prétexte pour
sedispenser
de venir attaquerla flote des Turcs, v
11 lui renvoya le Salvago, Chevalierplein
de zèle,
*~
6cqui
aupéril
d'être pris parles
Infidèles, passa
6crepassa plusieurs
foispendant
lesiège
au tra-
vers de Tarmée ennemie. Le Grand Maître le char-
geade
représenterau Vice-Roi
qu'ilhe
pouvort
lui envoyerles
galèresde la
Religion sans une es-
corte sor chacune au moins decinquante soldats,
6c un bon nombre d'Officierspour
contenir la
chiourme & les esclaves, qui pourroientse révol-
ter -y6cque
bien loin de se défaire des uns & des
autres, il ne croyoit pas pouvoirconserver Tlíle,
si en attendant legrand
secoursqu
il lui faisoit es
perer,6c
pourrésister aux
attaquescontinuelles
des Infidèles, il-ne-lui fournissoit de nouvelles re-
crues. Avant qu'il partit,il lui remit
d'amples pou-
voirs de fapart,
& de celle du Conseil, pourle
Prieur Gatinare , par lesquelscet ancien Com-
mandeur, 6c despremiers
de TOrdre, étoit auto-
risé àemprunter
des sommes considérables aux
banques publiques,ramasser & recevoir les
respon-
sions, acheter des munitions deguerre,
6cenvoyer
le tout incessamment à Malte avec les deux galères,,
& tous les Chevaliersqui, pour y passer, s'étoient
rendus à Messine, 6c attendoient avecimpatience
ledépart
de lagrande
flote.
Salvago partitseul
pourla Sicile , Lamirande
pleinde zèle demanda au Grand Maître , & en
obtint lapermission,
de se renfermer dans le fort
alîîegéjil yfut
reçuavec la considération
quiétoit:
due a fa valeur : c etoit un ancien Chevalieréga*
Tome III, Kna
JE AHDE LA
VALETTE.
466 HI ST O IRE D E L'.O R D R E
lement révérépar
sapieté
6cpar
soncourage, 6c
quis'étoit
signaléen
plusieursoccasions. Tous les
Chevaliers de k Place de concert lui déférèrent k
Chargede Major -, il s'en
acquittaavec so valeur
6c socapacité
ordinaires : sonexpérience, soj>ré-
fénce dans tous les endroits-où il en étoit besoin,
& fur-tout sonexemple augmentèrent
lecourage
du soldat ; il leurapprit
la manière, quandle ca-
non des ennemis tiroit, de se mettre à couvert de
sescoups,
6c en même tems depouvoir fans so
découvrir y répondre parse feu de k Place. Par
ses soins il fit entrer unegrande provision
de vin,
devivres, 6c des remèdes pour
les blessez 6cpour
les malades ; c'étoit le père des soldats ; rien n e-
chapoità son attention
quese soin
particulierde
fapersonne,
6c de sapropre Conservation.
Dragut pour empêcherces secours continuels,
£c la communication dubourg
avec le fort , prq-
pofadans le Conseil de dresser une nouvelle ba-
acerie fur lapointe
du grand port, située à l'Orient,
&c à Tendroit ou on avoit élevé des fourches pati-
jbukires. Mais Mustapha lui représenta quecet
endroit étoittrop éloigné
ducamp
6ctrop voisin
du bourg y queles Chevaliers enleyeroient le çà-
iion ,ou du moins, Tencloueroient : qu'onne
pour-
roit conserver cette baterie si on n'érablissoit dans
le même endroituneefpece
decamp
6c uncorps
iConsideráble de troupes pour s'opposeraux sorties
êc auxattaques
des Chevaliers -, queson armée
étoittrop
afíoibliepar
lespertes
6c lesfatigues
du
íîçge, pour pouvoirla
partager ;. mais qu'ilfaloit
remettre ce dessein à Tarrivée du Vice-Roi d'Alger
JE A NDE LA
VALETTE.
DE MALTE. Liv. XII. 467
qu'onattendoit tous les jours avec toutes les for-
ces de songouvernement,
'&qui
seroit raviqu'on ^
îechargeât
de cette entreprise.Le Conseil s'arrêta
à cet avis , &cependant
les Turcs continuèrent
jour & nuit leurs batteries du:c&íé duport Muzet'.-r
& en même tems avec des farines, de la terre, &
dès sacs de laine, ils élevèrent le ravelin au deíïus
duparapet
de 1a Place, d ou ils deeiDUvrôient tout
cequi
sepafïbit
: &après y
avoir fait monter deulc
canonsqui
tiroient continuenement yô£ parle feu
de lamouíquetetie , ils
empêchoiéntles íbldat&
d'approcherdu
parapet: pour pénétrer juíques là,
ils étoient réduits às'y
conduirepar
des tranchées.
&un íòus-terreinquiy
aboútiíïbit. Le Bachàpour
ruiner cette défense, fît avec des arbres,. des an-
tenesde vaisseau, & degrosses planches,
construira
linpont
silarge, que
six hommes y pòúvoient paf-
fer de front : & depeur que
les Chrétiens ptàurlé'
brûler,ne
jettaísentdessus des feux d'artifice, ofo
le couvrit de terrejusqu'à
une certaine hauteur..
Par ce pont,& a la faveur du feu Continuel di* ra-
velin, les TurCs pénétrèrent jusqu'au parapet, s'y
attachèrent, Ôcjoignirent
laiàppe
à la mine. La-
mirandequi
íeportoit par
tout oâ il y avoir le
plusde
danger, ayantreconnu leur de&in, n'eut
pas beaucoup d'inquiétudede la mine
queles In-
fîdeles tâchoient dépousser
dans un endroit ou il
sçavoitbien qu'ils
trouveroient le roc vif x &trop
difficile à entamer.
Mais commepar
la fappeils ruirioient insen-
siblement leparapet-,
derrière cetouvrage
il en fit
construire un second fortifié d'un bon fossé,ôegar^
Kan ij:
JEANBE1A
VALETTE.
46$HI STOIRE DE L'GRDRE
ni d'artillerie : la nuit suivante, il fît une sortie à
la tête desplus
braves soldats de lagarnison. Pen-
"dant
que parune fausse
attaqueune
partie feignoit
de se vouloir jetter dans la tranchée, les autres se
glissèrentfous le
pont, ymirent le feu, & ne s'en
retirèrent qu'aprèsl'avoir vu embrasé de tous co-
tez. Les Turcs, travailleursinfatigables,
le réta-
blirent dès le lendemain , ôc fur le soir firent la
descente du fossé, ôc posèrentdes échelles aijî pied
de la muraille, comme s'ils eussent fait <ieísein de
monter à l'assaut. Les Chevaliers seprésenterent
aufiì-tot fur la brèche avec leurintrépidité ordi-
naire. Les Infidèlesqui
n'a voient fait ce mouve-
mentque pour les obliger
de se découvrir, se re-
tirèrent brusquement , en même tems queleur
artilleriechargée
à cartouche, fit un feu si terri-
ble s quela
Religion y perdit plusde Chevaliers
qu'ellen avoir fait jusqu'alors&dans
lesattaques
ses plus vives,
Ceuxqui restoient, voyant le ravelin
pris, qui
ídécouvroit tout le fort, laplupart
de lartillerie
démontée, les défenses ruinées, degrandes
brè-
ches, &peu
de soldatspour
les défendre j dépu*
terent au Grand Maîtrepour
luirepre/ènter
l'état
déplorablede la Place, & demander que pour pré^
venirqu'on ne les
emportât d'assaut, il leur enr
voyâtdes
barques pourles
repasserdans le
bourg.
Lesassiégez
choisirent pourune si fâcheuse corri-
rniísion le Chevalier Medran , estimé du Grand
Maître parfa valeur, & dont le
rapportne
pou-
vpit êtresuspect
de foiblesse,ni de lâcheté. U dé,,
ílara franchement à ce Prince quela
place n'étpiç
JíANDE LA
VALÍTTI.
DE MALTE. LIV. XII. 469
plustenable , ôc
que quandon
s'opiniâtreroità
y
rester encorequelques jours,
une défense aussi inu-
tile ne serviroitqu'à
fairepérir
le reste de lagar-
nison ; qu'ilne
pouvoitmême arriver rien de
plus
avantageux pour les Turcs, quede faire
passerde
nouveaux secours dans une placesi ruinée, qui
con-
sommerok insensiblement lestroupes nécessaires
pourla défense: des autres forteresses de llíle. Il
ajouta qu'ilétoit
chargé cependant, quelque parti
qu'il prît, de 1'assurer de robéissanceaveugle
des
Chevaliers &delagarnison.
Le Grand Maître fitpart
au Conseil du sujet qui
avoit fait venir aubourg
le Chevalier de Medran,
& de Tétat où se trouvoit le fort ôc lagarnison.
La
plupartdes Grands-Croix
qui composoientle Con-
seil , opinèrentà abandonner une si mauvaise
place,
qui dévoroit, pourainsi dire , ses défenseurs, Ôc
qui peuà
peu,fous prétexte de secours, laisseroit
lés autres forteresses lans ressource. Le Grand Maî-
tre , malgréde si justes motifs, fut d'un avis con-
traire j il convintqu'à
la vérité il ne croyoit pas
laplace tenable, Ôc il avoua même qu'il
nepou-
voits'empêcher
deplaindre
le fort des Chevaliers
quiétoient
exposezdans un
postesi dangereux,
à
périrtous les jours j mais il soutint
qu'il y avoit
des occasions où il faloit hazarder lés membres
particuliers poursauver tout le
corps -, qu'ilétoit
bien avertique
si le fort étoitpris
ou abandonné,
le Vice - Roi avoit déclaréqu'il
ne hazarderoit
point pourla défense du reste de llíle, la flote ôc
lestroupes
du Roi son maître 5 qu'ainsile salue
entier de Maltedépendoit absolument de la du-
Nnn iij
JEANDE LA
VALETTE.
47© HISTOIRE DE L'ORDRE
rée dusiège,& que quoiqu'il
en coûtât à la Reli-
gion,il faloit se
prolongeraussi
lóng-tems qu'on
pourroit.Tout se Conseil revint à ion avis * & de
concert avec eux,il
chargeaMedran de
repré-
senter de fapart aux Chevaliers
qui s'étoienc
enfermez dans se fort , quela conservation
ou laperte
éntieré de Mé \ ôcpeut
- être de
i'Ordrè^ dépendòitdu
plusòu di* moins de tems,
qu'ilstiéndròsent dans cette
placé y qu'ils f| sou-
vinssent dés voeuxqu'ils
avoient faits a leul Pro-
fession , ôcqu'ils
étoientobligez pour
la défense
dé laReligion de sacrifier leurs vies ; qu'on
ne
îaiiferoitpas
de leur fairepaíser
du secours au-
tantque
làpetitesse
du fort enpouroit contenir,
&qu'il
étoit résolu, quandil en seroit besoin,
dé se jetter lui-même dans laplace,
& d'y mourir
avec eux.
Le Medran ayant rapportéCette
réponse, pht-
sieurs Chevaliers, &íur-cóut lesplus anciens,pro-
testèrent de s ensevelir fous les ruines du fort, plu-
tôtque
de i'abandonner -,mais leplus grand
nomw
bre , & des Ofleiers dé lagarnuòn,
trouverenc
cette réponse dure^ Ôc même eruelse : & ils seplai-
gnirént quele Conseil, & des
gens quine
parta-
geoient pasle
péril,les
expoioientfans aucune
apparenced'utilité à la boucherie, & à une mort
inévitable. Une mineque
les Turcs tâchoient de
pousserfous le
premier parapet, augmentaleurs
murmurés j ils écrivirent au Grand Maîtrepour
lui demander lapermission de se retirer dans le
bourg,ôc
parleur Lettre
signéede
cinquante-trois
Chevaliers, ils lui déclarèrentque
si la nuit fui-
J B ANDE LA
VAIETTÍ.
DE M A L T E. L I V. X IL 471
Tante il ne leurenvoyoit pas
desbarques pour
les
tirer d'un endroit où ils allolent touspérir, ils ne
prendroientalors conseil
quede leur
désespoir ;
qu'ilsferoient une sortie l'épée
à la main ,ôc quais
iereroienttous tuerplutôt que
d'être étouffez fous
*ses ruines ; oti si le fort étoit emporté dans ttn
^íïaut ± de se voir ensuiteégorgez
comme des béV
ìtes, ôcexposez
aux tourmensque
la cruautéingéi-
jiieuse des barbares íçaiarpit bien inventer.
Le Commandeur du Cornet ifut porteurde cette
Lettre, que\e Grand MaÉre ne vit
qu'avec beaifc-
coupde trouble &
dlndignation ; mais comme
il avoit un courage supérieuraux plus fâcheux
évenemens ^ il leur récrivit que pourmourir avec
Jionneur, comme ilspretêndoient;,
il ne siifrlíbk
jpasde
périrses armes à la main ; mais
quece de-
voit être encore fous le mérite del'obéiûancequ'ils
lui dévoient, & dans ses occasions qu'ilseur
prés-
criroit 4 ques'ils abamdonnoiem Ie fbrt^ &
qu'il
lesenvoyât reprendre
avec deschaloupes>
on rie
pouvoit plus espérerde secours du Vice^Roi -,que
|es Turcs nemanqueroient pas
aussi-tôt d'investir
£ed'assiéger
lebiourg,
&qu'iky írouveroientégá>-
lement la fin de seur vie, ôc la mortqu'ils
se fla-
îoient deviter parune honteuse désertion du
poste
ídpnt la Religionleur avoit confié la défense j qu'au
reste ils tòtvoìent rien à craindre des mines dans
un fort construitpar
tout fur le roc. Pour tâcher
de les rassurer, oupour
mieux dire dans la vue de
gagnerdu tems, il y envoya trois Commissaires
pourlui faire un
rapportiîdelede retarde la
places,
& combien dejours
ellepoùvoit
encore tenir.
J EA N»B LA
VAtETTl.
Le Com-*mandeur deMedine , Es-
pagnol , leChevalier dela Roche,
François , leChevalier
Caítriotjîta-licn.
47^ HISTOIRE p E L'ORDRE
Ces Commissaires étant arrivez, parlèrent avee
beaucoupde
politesse&; de douceur à tous les
Chevaliersqtii
s'étôient assemblezpour
les rece-
voir : ils donnèrent mêmebeaucoup
delouanges
aucourage
ôc a la fermetéqu'ils
avoient faitpaf
roîtrejufqu/alors , ôc ils ses exhortèrent à ne
pas
ternir leurgloire
ôc -leurréputation par»
une re^.
traite précipitée.Ceux des Chevaliers qui
avoient
écrit au Grand Maître, ^vant^que
de leurj*épon=-
dre-j exigèrent quils visitassent ses difserensìpostes^
de laplace*
Ils tei* firetit voirqu'elle
étoit abso-
lument commandéepar
1exhaussement queles
Tures^depuis qu'ilsétoient maîtres du ravelin,.
y avoient ajouté; quece fort étant serré ôc étroit >?
il né secpauoit point
dejour qu'on
ne leur tuât
beaucoupde monde 7ôc que pour
en mieuxjuger,
il
faloit avoiréprouvé
toute la furie de leur canon &
de leurmouíqueterie} qu après tout 3 plus on y en»
verroit de monde, plus grandeen seroit la
perte ,,
n'ayant plusmême de terre dont ils
pussentse
Couvrir.
Deux des Commiiïaires, gens sages& habiles ^
& qui parleur complaisance, voûtaient amener lés
Chevaliers mécontensàleutsentiment, avouèrent
qu'ilsne
comprenoient pasde
quellemanière on
avoitpu
tenir silong-tems
dans; un petitfort
Jsi
ruiné, qu'ilnè
paroissoit plus quele cadavre dé^-
figuréd'une
placede
guerre- mais ils ajoutèrent
qu'ilsne
desesperoient pas quede si braves Che-
valiers ne trouvassent encore dans leur valeur des
ressourcespour s'y maintenir encore
quelques jours,
ôcpour
donner au Vice-Roi le tems de lès venir
dégager*
JE ANDE,ÌAf
VALETTB.
DE MALTE. Liv. XII. 473
dégager,ôc de faire lever le
siège.Le troisième de
ces Commissairess'appelloit
Constantin Castriot,
Prince Grec , ôc descendu à cequ'on prétendoit
'
de la même Maisonque
le fameuxScanderberg,
le Héros1de l'Albanie, ôc de toute la Chrétienté.
Castriot tout brûlant de zèle , ôc d'un caractère
impétueux , fans avoir recours auxménagemens
de ses confrères, soutint hautementque
laplace
n'étoitpoint
réduite à une sigrande extrémité ,
qu'ilné fût
possiblede
s'y maintenir encorequel-
quetems -, qu'il y avoit disserens moyens de met-
tre le fort à couvert de l'artillerie du ravelin -r qu'en
de-çà des brèches, onpouvoit
faire descoupures
bordées depalissades
& de -bons retranchemens >
d ailleursque personne nïgnoroit qu'une place
bâtie sur le roc nepouvoit
être minée.
Les Chevaliersaufquels ce discours s'adressoit,
leprirent pour
une injure, comme s'il leur eût
voulureprocher,
ouqu'ils
ne sçavoient pasleur
métier, ouqu'ils
n'avoientpas
assez decourage
pourrecourir aux remèdes périlleux
de l'art mili-
taire. Ce fut assezpour
exciter de fâcheuses con-
testations : chacun íoutenoit son sentiment avec
ardeur j ladispute
s'échaussa •quelques
Chevaliers
desplus
vifs s'écrièrentqu'il
faloit retenir un si
habile homme dans laplace,
ôcl'obligerde
met-
tre lui-même enpratique
ses leçons :quelques-
uns coururent à laporte
du fortpour
s'en rendre
les maîtres, &pour
la fermer. Un tumulteperni-
cieux , Ôc dont les Turcspouvoient
seprévaloir T
commençaà s'élever •
pour l'appaiser , le Bailli
deNégrepont
ôc Lámirande firent sonnerîalarme v.
Tome IIL O o o
J E,ArNDE LA
VALETTE.
474 ^ls TQl R E DE I'ORDRE
ce quifit courir tous les Chevaliers chacun à leur
poste.
Les Commissures de retour au bourg, rendirent
compteau Grand Maître du mauvais état où ils
avoient trouvé laplace , Ôc lui déclarèrent franí
chementqu'ils
ne croyoient pas qu@la
garnison
pûtíbutenir un assaut. Castriot au contraires íbit
parattachement pour
fbnpremier avis, ôc
peut-
être aussipar
ressentiment de cequi setoitjj passe
entré lui & les Chevaliers, prétendit quela
place
n'étoitpas
hors de défense, & il ossrit au Grand
Maître , s'il vouloir luipermettre
de leverquel-
ques troupesdans Flfsejde s'enfermer dans lé fort,
& dés'y
maintenir j ufqua larri v ée du se cour s con-
tre tous les eííbrts des Infidèles.
Il y avoitpeut-être
dans cespromesses plus
de
courage& de résolution, que
de connoissance du
véritable état de laplace,
ôc le Grand Maître lui-
même sçavoitbien à
quois en tenir \ mais com-
me il avoit un intérêt essentiel àprolonger
lesiège
àquelque prix que
ce fût, ilaccepta
les offres de
Castriot, dont ilprétendoit
faireplus
d'unusage:
il lui donna même enpublic
degrandes louanges,
ÔcTEvêque
de Malte de concert avec lui, ôc com-
meporté
d'un zèle si convenable à fadignité,
avança de sonargent
les sommes nécessaires pqur
-faire les nouvelles levées, quidévoient relever les
Chevaliers. On battit aussi-tôt le tambour dans se
bourg,Ôc dans toutes les
places.Un
grandnom-
îbre d'habitans de lacampagne
ôc même des prin-
cipauxdes Villes, prirent parti ; chacun a l'envie
vouloir se faire enrôler \ les Chevaliersqui
étoient
JEANDELA
VALETTE.
DE MAITE. LXV. XÎL475
dans le fort , n'enapprirent
la nouvellequ'avec
unesurprise
mêlée dechagrin : ôc ce
qui îaúg- ^
menta encore, C'estque
le GrandMaître leur écri-"
vitdepuis
d'un stile dur Ôc sec, ôcplein
de hauteur,
qu'illeur donnoit volontiers leur
congé-
que pour
un Chevalierqui paroissóit
rebuté de soutenirplus
long-temsle
siège,il se
présentoitdix braves sol-
dats , pleinsde
courageÔc d'ardeur, ôc
quideman-
doient avecempressement
lapermission
dé se jet-1ter dans le fort. Il ajoûtoit qu'il
feroitpartir
inces-
samment fur desbarques
cette nouvellegarnison -,
qu'ils pouvoientremettre leur
posteaux Ossieiers»,
quila conduiroient, Ôc
que poureux ils se servis-
sent de la même voyé pourse rendre au
bourg.
Revene% AU Couvent 3 mes frères, leur disoit-il, vous
y fire^ plusen fureté, (& de notre côté nous ferons
plus tranquilles furla conservation dîme
place impor-
tante•, (gf- d'ou dépendle faim entier de
Vlfle & de
tout notre Ordre.
Les Chevaliers mécbntens $. sentirent vivement
rindifference, & même lemépris que
cepeu
de
mots renfermoit. En remettant laplace
à des re-
crues & à de nouveaux soldats, ils sepresentoient
avéc douleur la confusion dent ils alloient se cou-
vrir à la face de tout l'Ordre, Comment, se disoient-
ils les uns aux autres, foutiendrons-nous la vue du
Grand Maître 3 g)les
reprochesde nos
confrères?
fç)
s'ilfaut que
cette nouvellegarnison soit affe^ heureuse
pour fe maintenir dans laplace jufqua
Varrivée du
secours y quelendroit de la
terrepourons-nous trouver,
afeK éloignédu commerce des hommes , pour y aller
cacher notre honte & notre douleur ? Pleins de ces
O o o ij
JlAHDE LA
VALETTE.
47^ HISTOIRE DE L'ORDRE
tristes réflexions, ils résolurent de se faire tous tuer
plutôt quede céder leur
posteà cette milice, ou
d'abandonner laplace
aux Turcs j Ôc ilsprièrent le
Bailli deNégrepont & le Commandeur Broglio ,
de faire connoître au Grand Maître leurrepentir,
& ladisposition
où ils étoient derépandre jusqu'à
la dernieregoûte
de leursang pour
la défense de
laplace.
Comme il étoit encore jour, &qu'on
vou-
loitprévenir
larrivée desbarques,
le Gouverneur
luidépêcha aussi-tôt un habile
nageur. Illuimar'
quoit parfa lettre l'heureux
changement quis'é-
toit fait dans les esprits,ôc il lui demandoit de la
partdes mécontens, le
pardonde kur fautés ôc
lapermission dé l'éssacer par
une fermeté ôc un
cçurage à lepreuvedes
plus grands périls.
Ç'étoit à cerepentir que
le Grand Maître at-
téndoit les mécontens : ôcquoiqu'il
l'eûtprévu Ôc
même préparé parlemulation ôc là jalousie qu'il
avoit excitée dans lesesprits,
il ne laissapas
d'a-
bord derejetterla
prièredu Gouverneur, ôc il lui
marquoit parfa Lettre
qu'il préféreròit toujours
une nouvelle milice bien disciplinée,à de vieux
guerriers, qui prétendoientse rendre arbitrés dé
leur devoir. Les Chevaliers consternez de fa fer-
meté , lui demandèrent grâcedans les termes les
plussoumis. Comme il eût été
dangereuxde les
réduire audésespoir,
il se laissa fléchir, ôc il vou-
lut bien êtreappaifé : les nouvelles levées furent
congédiées,Ôc on renvoya chaque
habitant au
poste quilui avoit été
assignéavant le
projetôc
J entreprisedu
SeigneurCastriot.
Pendant ces mouyemens, le Commandeur $al-
JE A NDÉ LA
VALETTE*
DE M ALT E. L IV. XII. 477
vagoétoit
repasséen Sicile -yôc
ayant débarquéà
Sarragosse,au défaut du secours dont se Viçe^Roi \
íbus disserensprétextes différeroit le
départ,il or-
~~
donna de lapart
du Grand Maître au Comman-
deur de Cornusson neveu;decei?rince, ôc au Com-
mandeur de Saint Aubin , tousjdeux Capitaines
des,galères de la
Religion , qui etòient'} dans lé
portde cette Ville, de s
embarquer inceííammenç,
Ôc de conduire à Malte tous les Chevaliers;ôc ses,
avanturiers qui s'écoient rendus dans çe port avec
unecompagnie d'infanterie 3 qui
avoit été; levée
des deniers de laReligion,
ôc commandée parle
Chevalier; Augustin Rieca. Ces deux galères char-
gées de cepetit secours, ôc aprés
avoir fait disses
rentes manoeuvres, gagnèrentllíle du Goze, Leur
dessein étoit dedébarquer
dans l'anse ou la cale de
Malte, quileur paroîtroit
laplus sure. Mais ils
furentprévenus par Drágut, qui ayant été averti
de leurdépart par
desespions qu'il entregenoit en
Sicile, avoit mis différentes escadres lelong
des
côtes pour empêcher les vaisseaux Chrétiens d'en
approcher.
Les Chevaliers, Capitainesde deux
galères,ne
croyant pas devoir hazarder contre celles de Drá-
gut,ôc contre des forces si
supérieures,le secours
qu'ils portoientà Make, prirent
leparti
de retour-
ner àSarragosse. Le Grand Maître qui pour
ré-
parerles
pertescontinuelles
qu'ilfaifoit à la dé-
fense du fort, comptoirfur ce secours particulier,
fut sensiblement touché de leurdépart.
Il en fit
parses Lettres de severés
réprimandesà son ne-
veu. Il luimarquoit avçc urie
espècede
mépris,
Ooo iij
J E A NDE LA
VALETTE.
478 HISTOIRE DE L'ÚRDRE
qu'ilétoit ràré
qu'avectant de
circonspection, un
Capitaine pût acquérir beaucoupde
gloire ^ Ôc il
ajoûtoit qu'unChevalier de Malte fur-tout devoit
plusoser
quetout autre
guerrier.
Par le même Courierilécrivit au Commandeur
deSalvago, qui póur
hâter legrand
secours & lé
départde la fiote, résidoit
auprèsdu Vice-Roi,
dereprésenter
de fa partà ce
Seigneur rextrêmité
oû lé fort dé Saint Êlme se trouvoit réduit , & de
se conjurer j s'il n'avoìtpas
encore rassemblé tou-
tes ses forcés, de luienvoyer
au moins ses deux
galèresde la
Religion, d'yen vouloir bien joindre
deux autres déleseadre de Sicile, ôç d'embarquer
fur Cesquatre galères
cequ'il y
avoit à fa Cour ôc
dans lesports
de Plie dé Chevaliers ôc d'avantu-
riérs, ôcd'y ajouter un
régimentd'infanterie
pour
remplacerles soldats de la
Religion morts, ou hors
de combatpar
leurs bleíïures.
Le Vice-Roi toujours magnifiqueen
promesses^
Ôcqui, pour
intimider les Turcs, nepar
loirque
de lagrandeur
despréparatifs qu'il
faifoitpour
le
secours de Malte, se leroit enquelque
maniéré
démenti, s'il en eût refusé un sipetit
: ainsipour
soutenirtoujours
auxyeux
dupublic
les bruits
avantageux qu'il répandoitde les forces, il désit
gnales deux
galères, quide concert avec les deux
delaReligion,dévoient
précéderle
grand secours:
& il ordonna en même tems à Mc-lchior Robles,
Mestre decamp
du Terze de Sicile , de s'embar-
querfur ces
galèresavec son
régiment.Mais fous
differensprétextes , ôc
parla lenteur affectée des
Officiers de terre ôc de mer3 cetembarquement
se
Jï AKDE LA
VALETTE.
DE MALTE. L iv. XII. 479
differoit de jouren jour : ôc le Vice-Roi qui
eût
bien voulu népoint partager
ses forces y ne laií-
íoitpas
de se faire un mérite de ce secoursparti-
culier , dontcependant par
des ordres secrets, il
empéchoit^exécution, ;
Quoiquetout semblât
s'opposerau secours du
Fort, le Grand Maître ne relâehoit rien de sesífoins
ôc de sb n activité ordinaire :par
ses ordres &44a
faveur de la nuit on faifoit paíser=cont inuelse ment
auxassiégez
des recrues ^ des vivres, des muítiitions
deguerre & des feux d^ártisice. ìl ena.voit même
inventépour un assaut d'une nouvelle
efpece.
Cetoient des cercles d'un bois très-leger, qu'on
trémpoitdabord dans l'eau de vie, ou
qu'ònfro-
toit àvec de l'huile bouillante. Ón les couvroit en-
siiite de laine ou de coton, qu'onimbiboit dans
d'autresliqueurs combustibles, & mêlées avec du
salpêtreôc de la
poudreà canon: aprés que
cette
préparationétoit refroidie, on récómmençoitjuf.
qu'àtrois fois la même opération,
ôc dans un assaut,
quandces cercles étoient enfiamez, on ses
pre-
noit avec despincettes,Sc
on les jettoit au milieu des
fplus épaisbataillons. Souvent deux ou trois soldats
ennemis se trouvoient embarassez dans ces cercles
brûlansi & ils étoient exposezeux-mêmes à brûler
tout vifs, à moinsqu'ils
ne seprécipitassent promp-
tement dans îeau , ôcqu'ils
ny
restassentjusqu'à'
l'extinction du feu. Les Chevaliersqui
défendoient
le Fort avoient bien besoin contre leurs redouta-
bles ennemis de ces differens secours.
Depuisle
dix-septde Juin jusqu'au quatorze
de
Juillet on en vint tous lesjours
aux mains j corn-
JE A NDE LA
.VALETTE.
4'8 o HISTOIRE DE L1 O R D R E
me ce Fort n'étoitgueres
bienflanqué,
iln'y eut
pointde
jour que ces 'Infidèles ne tentassent de
remporter par escalade -r maisayant
été autant de
foisrepoussez avec une
grande pertede leurs
plusbraves
soldats, le Bâcha honteux d'être arrêté si
Ipng-tems, devant une si mauvaise Place, résolut
d'y revenir le seize avec toutes sestroupes,
ôc d'y
donner un afíautgénéral.
Pour faciliter cette at-
taque,: lequinze
futemployé
-abattre enbrfjéche,
$c ion ^artillerie n'ayant: j point çeíse de tirer^ raía
la muraillejufqu;au foc fur
lequel else avoit été
construite.. <
Le seize de Juin > jour destinépour Taíïaut,
les galères des Turcs,; des lapointe du jour, s'é-
tendirent vis-à-vis de ce Château & du coté de
la mer, le battirent avec toute l'artillerie des vais-
seaux , pendant quecelle de terre
composéede
trente-six groscanons
fbudroyoit ôc réduiíbit en
poudre cequi restoit fur
piedde fortifications.
Les Turcs au son des tambours, de leurs naeaires
& d autres instrumens barbares, entrèrent dans le
fosséqu'ils avoient
presquecomblé : ôc le
signal
delaííautayant
été donnépar
uncoup
de canon,.
ils y coururent avec uncourage
déterminé. Ils
étoient favorisezpar quatre
mille Archers ou Ar-
quebusiers , quide la tranchée tiroient continuel-
ment contre ceuxqui paroissoient
fur la brèche.
Elle étoit bordéepar plusieurs rangs
de soldats
Chrétiens ;& pourles soutenir ôc les
encourager
on avoitplacé dans ces
rangsôc entre trois sol-
dats un Chevalier. C'étoitTunique
force ôc toute
la ressource du Château > cesgénéreux guerriers,
armez.
JEANPEU
VALÌTTÏ,
DE MALTE. LIV. XIL481
armez depiques
ôcd'espontons composoient com-
me une nouvelle murailleimpénétrable à tous les ,
efforts dés ennemis: on en vint bien-tôt aux mains."
Depuisle commencement du
siègeil ne s'étoit
pointfait encore
d'attaquesi vive yfouvent le Chréi
tien ôc se Turc , après avoir essuyéle feu l'un de
l'autre, brise leursépées,
&rompu
leurspiques,
seprenoient corps
àcorps,
ôc alors lepoignard
déc idtrit du fort duplus
vigoureux ou du
plus adroit.
Le feu de l'artillerie Ôc celui de lamoufqueterié
continuoient des deux cotez -yôc depart
Ôc d'autre
onlançoit
des feux d'artifice. Ce fut en cette oc-
casionque
les Chevaliers se servirent utilement
dé ces cercles enflamez dont nous venons dépar-
ler j ils ses jettoient au milieu des ennemis j & kk
plupartde ceux
qui s'y trouvoientpris,
brûloient
tout vifs.-Les cris de ces malheureux, ceux des
combatans, lesplaintes
des blessez•& dés mourans;.,
se tonnerre & le bruit du canon ôc de lamousquet
terie,tout celarépandoit
depart
ôc d'autre une
espècede terreur, sans
cependant queles Turcs
reculassent ; ôc aussi fansque
les Chevaliers eussent :
encore abandonné unpouce
de terrein:
Du Château Saint-Ange^
ôc même dûbourg, qui;
netoientéloignez
du fort Saint Elmeque
de la lar-
geurdu
port,on découvroit distinctement tout ce
quise
passoitdans une action si terribleôc si meun
triere. Les Chevaliers & lepeuplé spectateurs
de ce
furieux combat, inquietsôc
agitez pourle succès^,
sepassìonnoient
comme s'ils eussent eux-mêmes
soutenu l'aííàut : Ôc onvoyoit
tour à tour dans leurs
cris ôc dans les différées mouvemens de leurs visa-;
TomeJJL, Bps
J E A îîCE LA
V-ALETTBv-
4$1M I S T O I R E D E L'ORD R E
gesune
imagenaturelle des
avantagesou des
pertes
de l'un &rautreparti.
Le Grand Maître stir-tout,au-
quel lagrandeur
de soncourage ôc. son
kabiseté|ne
permettôient pasd'être
ípe^ateurinutiieaiesbatte-
ries du fort S.Ange,du bourg ôc de l'Jfsede la
Sangle
faiíoit tirer continuellement contre ses aCíìegeanSi
pendant quetoute l'iíle étoit
powrainsi dire en
(m 3 trente Raïs Turcs ou Officiers degalères,
Voyant quetoutes les forces des
assiégez s'étfúent
portées dans lendroit où se donnoit raííaut !, en-
treprirentde se rendre maîtres d'un bousetard,
quietoit moins défendu, ils
posèrentdes échelles
<aupied,
3cgagnèrent fans obstacle la
pointe de
ee bastion. Mais le Grand Maître s'en étant ap-
|>ercû,fît aufsi-tot braquerdeux carions de ce còté-
ïà, ôc de lapremière décharge,
en tuavingt.
Les
^dix autres épouventez, se jetterent bien vite dans
leur tranchée, ;'
Les Turcs n'éurent pas un succès plus favorable
augrand cavalier qui
couvroit la tête du fort -, ils
lavoient battu long-tems avec toute leur artille-
rie fans avoir pû ébranler cette masse énorme de
terre, qui se íbutenoit par son propre poids. Ils
présentèrent ensuite î'esealade, Ôc y mpntoient l'é-
pée à la main avecbeaucoup de courage -, mais
le Chevalier Jean-Antoine Giugno , Italien, qui
commandoit dans ceposte s, secondé par plusieurs
autres Chevaliers, ôc fur-toutpar
un Frère servant
de la ville de Marseille , appelleChanault , jet-
toient avec tant d'adresse ces cercles de feu dont
^ous avonsparlé , que
les Turcsépouvantez
de
#es machines, abandonnèrentTatraque.;
Le Ja^
3fEAMDE LA
¥AXETTE.——
DE MALTE. LIV. XII. 485
nissaire leplus intrépide,
~&qui
le sabre à la main
attaquoithardiment le
plusbrave Chevalier, à •>
laspectde ees cercles brûlans , abandonnoit ion
"
poste, ôc s'enfuyoitavec
précipitation , fansque
lesprières,
les menaces, & même lescoups qu'il
recevoir de ses Officierspussent
larrêter. Enfin les
Chevaliers, aprèsavoir soutenu un assaut pendant
six heures entières, quoiquecouverts dé blessures,
brûlezparTardéur
du soleil, &épuisez par une si
longuerésistance , eurent la consolation de voir
les Turcs abandonner lespremiers fattaque. Le
Bâchaaprès y
avoirperdu plus
de deux mille hom^
mes, fut contraint à la fin de faire sonner la re-
traite. Les Chrétiens du fort enpoufserent mille-
cris dejoye, ausquels
lepeupse
dubourg
servit
d'écho, &répondit par
de vives acclamations. "tfj$.
siheureuxsuccès, dont, dans une si mauvaiseplace
©n n eût osé se flater, fut dûuniquement
augéné-
reuxdésespoir
de laplupart
des Chevaliers, qui
setoient enquelque manière dévouez à la mort j
ôc ilsvainquirent, parceque pendant
le combat
ils cherchoient moins a vaincrequ'à venger leur
mortpar
celle dequelque
ennemi.
LaReligion
dans cet assautperdit dix-sept^Che-
valiers, quifurent tous tuez fur la brèche. On
regreta particulièrementle Chevalier de Medran „
qui aprèsavoir arraché à un Officier Turc son en-
seigne,fut tué d'un
coupde
mousquet.Le Grandi
Maîtrepour
honorer fa mémoire, ordonnaqu'il
fût enterréparmi
les Grands-Croix r dignité qui'
étoit bien due a fa rare valeur, ôcqu'il
auroit ob-
tenue avec justice , s'il n eûtpas péri
dans çett&
J ï A NDE LA
VALETTE.
484 HISTOIRE DE L'ORDRE
occasion. Onperdit
encore le Chevalier de Va-
gnon , celui dé la Motte,, quimourut de ses bief-
siires deux jours après l'assaut., & le Commandeur
Âe Morgut^ qui pourse faire
panser, passantdu
Eort auBourg,
eut la têteemportée d'un coup
de
canon- On comptoit outre tous ces Chevaliers,
plusde trois cens soldats tuézy ou misliors de com-
bat. Le Círànd Maître—pour les remplacer, y en
envoya centcinquante, la
petitessedu Tort ne
comportant pas qu'il y en fitpasser
unplus grand
nombre ; ôc il ne choisit même pour défendre uri
postesi
daíngereux ôc si meurtrier, queles Offi-
ciers ôc les soldatsqui s'y offrirent volontairement.
Le Bâchajugeant que
ces recrues quifiloient
continuelseméflt duBourg au Fort ppucroient
faire
durer lesiège autant de tems
qu'il y auroit des
•Chevaliers dans les autres endroits de llíle, réso-
lut de tout tenter pour interrompre ôcpour
cou-
per cette communication. Dans cette vue il tint
dans la tranchée uneefpeCe
de Conseil deguerre
avec Dragut,un
Sangiac, $c sonprincipal
In-
génieur. :•-. j
Dragut, soitpar
sonintrépidité naturelle, íbit
que com me les vieux soldats, ,à force de se trou-
ver dans lesplus grands périls,,il s'en fût fait une
habitude, s'étant avancé au dehors de la tranchée
£c à découvertpóur reconnoître la
disposition du
terrein, fut atteint à la tête & à côté de loreille
droite de replat d'unepierre, qu'un
boulet de
panon, partidu Château -Saint*
Ange,avoit brisée j
M hSangiac
du mêmecoup
fut tué sur se champ..
Pragutn'étoit
gueresen rneilseur état ; il enper.*
JfiANDE LA
'YAtETJE'.
DE MALTE. LIV. XII. 485
dit connoissance, tomba évanoui, ôc jettantdes
ruisseaux desang par
la bouche, parle nez ôc
par
les oreilles, le Bâcha pourne
point épouvanterle
soldat, fitjetter sur lui une couverture-, ôc
après
Tavoir faitporter
dans fa tente, d'un airtranquile
ôcintrépide,
il s'avança en faplace,
& au même
endroit fit ses observations y Ôc Convint avec ì'im
genieur que pour empêcherle secours
qu'onen-
voyoit dans le Fort, il falloit dresser une batterie
fur le mont Caleara, ôc étendre en même tems les
lignes quiétoient au pied du Château; & les pousser
si 011pouvoit jusqu'au rivage
de la mer.
*' Ceposte,
comme nous l'avons dit, avoit été
réservépour
le Vice-Roi d'Alger,&
pourses trou-
pes-,mais comme il n'étoit point encore arrivé,
Mustaphale fit
occuper parun bataillon de Janis-
sairesqui
s'étendirent fur tout du côté de la mer
depuisla
pointedes fourches, & le
longde la Re-
belle , jusqu'àla
pointedu Salvador. On dressa sur
la colline du Calearaqui
étoit comprisedans cette
étendue une nouvelle batterie, & les Janissaires y
joignantle feu continuel de leurs
longuescarabi-
nes, tu oient tout cequi
sepresentoit
aupassage.
Mais ils ne restèrent pas long-temsdans ce
poste,
ôc avantqu'ils y
eussentpu
faire deslogemens
ôc
s'y retrancher, le Grand Maître, quien
prévoyoit
les fuites, fit sortir duBourg
le Maréchal Copier
à la tête d'un bon nombre de Chevaliers ôc de sol-
dats lesplus
braves : ôc le Maréchal chargeasi ru-
dement ces Infidèlesqu'après
en avoir tué unepar-
tie, ilcontraignit
les autres à s'enfuir & à cher cher
leur íàlut derrière les retrancherneris de leurcamp.
Pppiij
JE AKDE LA
VALETTI.
486HlSTÒI R E DE L O R D R E
Le Bâcha fans se rebuter, ôcqui
n'avoit alors-;
pour objet que d'empêcherceux du Fort de rece-
voir du secours duBourg, par
le conseil de son^
Ingénieur,fit faire une
eípecedechemin couvert
derrière la tranchée,, quiétoit au-dessous de la
contrescarpe , &
qu'on poussa ensuitejusqu'au;
rivageôc au bord de la mer, qui regarde
la Re-
nelle. Ongarnit
cette ligne d'un grandnombre
d'Arquebusiers,en forte
que parcet
ouvragéau-
quelles Turcs travaillèrent jour & nuit-, le Fort se;
trouva à la fin investi & enfermé dé tous cotez,,
fansqu'il
enpût approcher
aucunebarque, qui
ne
fût avim-tôt arrêtée ou coulée à fond. *
Lé Grand Maître jugea bienqu'à
moins d'un
puissant secours, ôc capablede faire lever lé
siège,,
le Fort nepourroit plus
tenirlong-tems, Il en écri-
vit aumv tôt au Commandeur Salvágoion résident
auprèsdu Vice-Roi de Sicile , avec ordre dére-*
nouvelser ses instancesauprès
de ceSeigneur pour
se départdu secours. Quoique
ce Chevalier lui
représentât1 extrémité où le Fort étoit réduits qu'il
le fit souvenir despromesses
tant de fois réitérées,
qu'il avoit faites au Grand Maître , &que pour
lé toucher, il réclamât même làparole expresse
ôc sirespectable
du RoiCatholique,
Garsie inquiet
ôc incertain,eût bien voulu encore différer. Mais
fë voyant pressé parle
Seigneur Gatinare, Prieur
de Messine, &par plus de quatre-vingt
Cheva-
liers;qui
étoient abordez de différentes contrées à
Méssinév &. quidemandoient avec dé
grands cris,
quesi là flote entière n'étoit
pasencore en état de
snettre à la. voile, if leur fournit feulement quéfe
JEANDE LA
VALETTE
DE MALT E. LI v. XII. 487
quesvaisseaux
pourles
passer àMalte y ceSeigneur
pourse débarasser de ces
Chevaliers, quile tenoient v
commeassiégé dan son Palais, & vaincu par
la
honteplutôt que par
leursprières, consentit à la
finqu'ils pussent s'embarquer
fur les deuxgalères
quele Chevalier de Gornusson neveu du Grand
^Maître avoit ramenezdeSaragosse.
Ily en
joignit
sseiix autres^fur lesquellesil.'fit
embarquerun ré>
giment d'InfanterieEspagnole \ il donna lé eom*
mandement de cettepetite escadre à Jean de Car-
done sa créature: ôcpar
des ordres secrets, il lui
commanda, s'ilapprenoit que
le Fort de S. Elme
fûtpris,
de revenir fur lechamp
fans mettre à terre
ôe fansdébarquer
lestroupes qu'il
lui confioit,
Cardone se mit aussitôt en mer, ôcs'avança
dans
se canal de Malte. Mais fousprétexte
des vents
contraires, ou de vouloir éviter les escadres des
Turcsrépandues
lelong
des côtes £ au lieu de dé-
barqueren
quelque caTé, il consommoit le tems
pardifferens mouvemens, la
plupart inutiles, ôc il
sembloitqu'il
fûtplutôt parti
de la Sicilepour
mon-
trer de loin le secours^ que pourle
débarquer.
A ne considérerque
la conduite du Vice-Roi,
on auroit crûqu'il manquoit
ou decourage
ou
de fidélitépour
sespromesses -, ôc fa lenteur affec-
tée à secourir Malte , l'avoit même rendususpect
ôc odieux à laplupart des Chevaliers. Mais on ne
faifoirpas
réflexionqu'avant
toutes choses, ce Sei-
gneurdevoir
répondrefur fa tête de la conserva-
tion ôc de la défense de la Sicile, qu'ilétoit à crain-
dre, si les Turcs se rendoient maîtres de Malte>
qu'ilsne revinssent ensuite
l'attaquerdans son gou»
JEANDE. LA.-
VALETTE..
488 HI S T O I R E D E t'O R D RE
veinement, ôcqu'il
avoit des ordres du Roi d'Es-
pagne,en voulant secourir le Grand Maître, dé
'ne
pashazarder témérairement ía flote ôc son ar-
mée, enquoi
consistoit la défense desRoyaumes,
deNaples
& de Sicile, ôc même des côtes d'Es-
pagne.
Les; Turcsprofitèrent
de cet excès deprécau-
tion ;le vingtôc un ils revinrent en foule à lassant r
toute leur armée étoit dans les tranchées, ou au
pieddes murailles.: Le Bâcha, dans
Teíperance
d'emporterla
place,ne
ménagea pointses soldats j-,.
ils trouvèrent dans toutes lesattaques
le mime
courages;la même résistance. Ces Infidèles
quit-
terent &reprirent jusqu'à
trois fois ce terrible a&
faut -y ungrand
nombre de Chevalierspérirent
dans ces combats continuels -, ôc si là nuit,qm
fur*
vint ne les eut fait cesser, ilsn'étoientplusenétat:
de soutenir les efforts de cette foule d ennemis ,
dont ils étoientpressez.
Cette nuitqui
leurprc**
cura unpeu
de relâche ,Jeur fit voir en même
tems lagrandeur
de leurperte
: ils lapassèrent
parmiles
gémissemensde ceux
quise meuroient^
Ôc àpanser
lesplayes
les uns des autres. Le Bailli?
deNégrepont, Lamirande,,,le Chevalier de Mas^
& lesprincipaux Chefs, par
les secours charitables
qu'ilsdonnoient aux
pauvres soldats, s'aquitterent
dignement,& en véritables
Hospitaliersdes devoirs
de leurprofession :.ôc dans cette extrémité, pour
nemanquer
encore à rien de cequi pouvoit con*-
tribuer à leur salut, ou du moins différer leurperte,
ils se servirent d'un excellent nageur quitraversa
leport,
&qui représenta
au Grand Maître jeta*
déplorable,;
1E A N -
D-BLA
VALETTÏ.
DE MALT E. Liv. XII. 489
déplorablede la Place, qui
étoitperdue,
lui dit-il,
avec cequ'il y restoit de Chrétiens , si on ne 1
trouvoit moyen d'yfaire entrer un
puissantsecours.
~
Le Grand Maître fut moinssurpris
d'une si triste
nouvellequ'il avoit bien prévue, qu'il
fut touché
decompassion pour
laperte que
TOrdre alloir
faire de si braves guerriers.Il chercha encore tous
les moyens de leur fairepasser quelques
secours $
on ne laissapas par
son ordre d'armerprompte-
ment cinq grandes barques,où un grand nom-
bre de Chevaliers, tous brûlans de zèle ôc de cou-
rage,se
jetterent en foule. Maisquelques
efforts
qu'ils fissent, ils nepurent pénétrer jusqu'au
Fort.
Mustapha avoit bordé lerivage
de son artillerie,
& d uncorps
demousquetaires ; Ôc l'Amiral Turc
de concert avec lui, avoit fait avancer àl'embou-
chure duport
Muzetquatre-vingt galères
: &pour
plus grande sûreté, il avoit encore jette audevanç
de sa ilotequinze barques,
delegeres frégates,
& désbrigantins chargez
d'excellensarquebusiers,
qui par un feu continuel, forcèrent les Chevaliers
à se retirer. r
Ceuxqui défendoient le Fort
ayant perdutoute
espérancede secours, ne
songèrent plus qu'àfinir
leur vie en bons Chrétiens, & en, véritables Re-
ligieux.Pendant la nuit tous
s'y préparèrent par
la participationaux Sacremens de
rEglise,&
après
s'être tendrement embrassez, &n'ayant plus qu'à
rendre leurs âmes à Dieu , chacun se retira à son
poste pour mourir au lit d'honneur, Ôç les armes
à la main. Ceuxque
leurs blessuresempêchoient
de marcher, se firentporter
dans des chaises jus-
quesfur le bord de la brèche j & armez d'une
Tome 111.Q4°4
Jl AXDE LA
VALETTlr
^90 H-I-S-* 0'13l-k DE I^OiDil
épèé qu'ilstéhoiént à deux mains, ils attendirent
ivec une-fermetéhéroïque, quedes
ennemisqu'ils
nepòuvòièntaller chercher, ses vinssent
attaquer.
Le lendemainvingt-trois
de Juin, lesTurcs,
ides lapointe
du jour, montèrent àfaííaut avec
dégrands Cris, & comme allant a une victoire
squ'ònne
pouvoit plusleur
disputer.Mais le soldat
Chrétien se défendit àvéc uncourage invincible ;
tlsembloit mêméque
la certitudequ
ri avoi t d'une
mortproèhàme&;commune avec les Chevaliers,
lés eût reridus:égaiix
éncourage
& en valeur ^ les
unsjéttoìént des
piètresôc des feux d'artifices ;
d'aiitrés savàìnçoiéritsiéreméntau-devant des en-
nemis ;#c aVécía même audaceque
s'ils en eussent
été Vi&oriéux i^Sc ceuxqui
nepouvoient marcher,
se battoient àcoups
dé moufquét/& aprèsavoir
par
ïin°feu còritinuel consemmé : toute leurpoudre,
ils én ehérchoíént éncôrejusques
dans les fourni-
méns cse ceux deléurs» éamarades, qui avoient été
lirez à leurs cotez. En-finaprès
un assaut soutenu,
fendant quatreheures 1 entières > ils se virent ré-
duits pourdéfendre la brèche, à soixante
person-
nes, -\feis e'étòiéntrplus queueshooimes, qui par
un généreux méprisde la'mort, faifoient encore
trembler leurs ennemis. Le Commandeur de La-
miraridé> de là"Langue dé Castille, grand Capi-
taine,^ quis'étòit
signalé pendanttout le
siège,
fevoyant prêt
d'êtreforcépar
les Turcs, rappella
quelques;soldats Chrétiens
quis'étoient mainte-
âusjjúrqû'alors fur le cavalier^ qu'on
avoit cons,
ttult áudévantduForti Le Bâcha voyantla brèche
fortifiée de ce petit secours, fit cesser tout d'un
£9tip IWattt, comme s'il eût été encore une fois
J%A*.DE LÀ
iVALETTE.
E> E M A L T E, Ll V, XIL 49J
rebuté parune résistance si
opiniâtre, Ôc ilfeignit
de se retirer. Mais ce ne futque pour faire oc-
cuper par des Janissaires, non seulement le cava-
lierqu'on
venoit dabandonner , mais encore tons
lespostes supérieurs
à la brèche, ôc qui voyoient
le dedans du Fort à découvert. Lesassiégez em-
ployèrent çe moment de relâche à bander leurs
playes,moins
pour conserver un resté languissant
de vie, que p°ur pouvoir combattre encore quel-
quesmomens avec
plus de forces. Á onze heu-
res du matin ils virent revenir les Turcs à i'^fc
faut avec une nouvelle fureur -, Ôc ses Janissaires
du haut du cavalier & des autrespostes avec
leursmousquets , choisiíïbient ceux
qu'ilsvou-
loient tuer. Laplupart périrent par
le feuenV
nemi -, le Bailli deNegrepont , le Chevalier
Paul Avogadre^Lamirande,& la
plupartdes Cher
valiers, avec cequ'il
leur restoit de soldats , ae-,
câblezpar
lamultitude*,
se firent tous tuer sitrla:
brèche : & ce terrible assaut ne finitque faute der
çombatans, ôcpar
la mort du dernier Chevalier.
La flote des Turcs entra ensuite dans leport de
Marza Muzet comme entriomphe , Ôc au bruit
du canon , destrompettes
& des autres instru-
mens militaires : tout retentissoit des cris dejoye
des Infidèles.Quelques
Officiers deDragut étant
courus à fa tente lui annoncer laprise
duFort^
le trouvèrent à l'extr-êmité t maisquoiqu'il eût
perdula
parole , il ne laissapas
d'entémoigner
fa joye par quelques signesextérieurs ; ôc levant
lesyeux
au ciel commepour
l'en remercier _,, il
expiraun moment
après:
Capitained une rare
valeur, ôc même plus humainque
ne íe font or-
dinairement les Corsaires-íQil*! $
JïAl»DE LA
VALETTI*
491 HISTOIRE DE L'ORDRE
Le Bâcha entrant dans le Fort, &jugeant par
lapetitesse
de cette Place, combien leBourg
lut
donneroit depeine,
s'écria : £)ue nefèrapasíe pere^
pmfyuele fils qui
efi fi petitnous coût e nos
plus
bmves soldats 1 On convient en effetque
les Turcs
dans lesiège particulier
de ce Fort, perdirentatt
Inoins huit mille hommes : cequi
afrbiblit consi-
dérablement leur armée. Mustaphanaturellement
cruel &sanguinaire, pour s'en venger,
ôc pourin-
timider en même-tems les Chevaliersqui
étoient
dans leBourg
ôc dans les autres Forteresses de llfle,
sitprendre
ceuxqu'on trouva parmi ses, morts, ôí
qui réípiroientencore. Par son ordre on leur ou-
vrit l'estomâch ;ôc aprèsleur avoir arraché lé coeur,
parUne barbarie & une cruauté qui
n avoit point
drexemple,ôc
pourinsulter à l'instrument de notre
salut dont ilsportpsent
lamarque,
on fendit leurs
corpsen croix : ôc
aprèsles avoir revêtus de leur
íubrévesté, on ses attacha fur desplanches,
ôc ù
les fit jetter dans la mer, espérant,comme il arri-
va, quela marée les
porteroitau
pieddu Château
.Saint Ange,& du côté du
Bourg.
Unspectacle
si triste Ôc si touchant tira des lar4
mes desyeux
du Grand Maître : la colère Ôc
une juste indignationsuccédèrent à íà
douleurs
ôcpar représailles,
ôcpour apprendre
au Bâcha à
nepas
faire laguerre
en boureau, fur lechamp
il
fit égorgertous les Prisonniers Turcs, ôc
parle
moyen du canon, & en laplace
des boulets, il en
fit jetter les têtes toutessanglantes jusque
dans
Jeur camp.
fin du douzième Livre,
JEANDE.LA
VALETTE.
AC)Z
P R EUVES D U III- TOME
DE
L'HISTOIRE DES CHEVALIERS HOSPITALIERS
DE S. JEAN DE JERUSALEM^
^ V? - "'' ' '"" T -.....- -.,..,; il,..,. „..:,.< , ^am^-^m*.'-
Histoire pag.86.
FRATER
PHILIPPUSDEVILLERSLmE-ADAMy
Sacrae Domûs Hospitalis SanctiJoannis Hierosolimitani
Magnus Magister humilis, pauperunique JesuTChristiCustos : Sc
nos Conveiuus Domâs ejusdem venerandis Religioíìs, in Christo
nobis praîeariífimis,Fratri Hugoni de Copons nostri ConVentûs
Draperio, nostrarumque triremium Capitaneo, St Joanni Bo-
nifaee bajulivatus nostri Manuascae bajulivo, ac nostri Orclinis
reeeptori generali ySalutem in Domino ,& diligentiam in com-
miffis. Cum Cacsarea, & Caxholica Majestas iuâ mnnificentiâ
nobis, Religionique nostrae conceíïèrir privilegium^cujusténor
sequirur: talis est, NOS CAROLUS QUINTUS, divinâfavente
clementiâ Rornanorum ïinperator íemper Augustus, Joanna
ejus Mater, ôc idem Carolus Dei gratiâ Reges Castelías, Ara-
gonum , utriuíqoe Siciliae , Hierusalem , Legionis , Navar-
re, Granatoe, Toleri , Valentia^ Galirioe, Majoricarum, His-
palis, Sardiniae, Cordubac, Corfícoe, Mursica^ Giennis, Algar-
gii, Algerini, Gibraltarris, Insularum Canariae, née non Iníu-
kxum Indiarum & terra? fïrmas , maris Oceani, Arciduees Aus-
trice, Duces Burgundiac, &Bravantis, &c. Comites Barchiona;,
Flandriae,&Tiroli,&c. Domini Viícaioe, &Molinoe, &c.Duces
Athenarum , & Neopatriae , comites Rossillionis & Ceritanix,
Marchionis Oristania:, &Gociani j Cùm pro restaurandis, &sta-
biliendis Conventu, Ordine, &: Religione Hospitalis S. Joannis
Hierosolimitani,&ut admodum ReverendiVenerabilesv& reli-
giosinobis plurimum dilecti
M.Magister > Priores, Bajulivi, Pras,
CLS14 "j
494 PREUVES DU ÌII. TOMB
ceptoresôc milites dicti Ordinis, qui, amissâ Rhodo Inîûlâ à
Turcis loûgissima & acerrima obsidiane violenter oceupata, plu-
fibus jam annis vagantes ,. firmam tandem sedém obtinere y.
Ôc ea, quaî ad ipíam Religionem perrinènc, in Christian'»' Rei-
jiublicaî bënefieium retorquere valeanty eofumque vires, & ar-
ma contra^ perfi dos ^^^^ Rëíigionis hostes viriliter exer*
cerej devotione moti, ac pro eo animi afíèctu , quo eidem Re-
fligtoni devincimur j praîfatis Magno Magistro ,& Ordini sedem
quiêtam, ne últèrius per orbem vagari eogantur ,ultro cpnee-
deredeerevimus, tenorepra^sentis chartoe nostraí
cunctisI(futuris,
teinporibus firmiter valituiras i de certaícientia, Regiaqueautori-
tate nostrá, & confulto, ac motuproprioper Nos, ôc nostros liere-
desvôcRegnis íucceíïbres quofcumque pradicto admodum Rev*
Mâgho Magistro, Religioni&:Órdini Sancti Joannis Hieroíoli.
rnitanì inieudum perpetuum , npfeilë , liberum & francum ci*
vkateSj castra, loea, Ôc Insulas nostras Tripolis, Meìibeti, ôc
Gaudifîi cuni omnibus ipsarumcivicatum, castrorum, locorum,
& Insularum térrkoriis, juridictionibus mero ôc mixtoimperio,
jureyécpròprietate utilisdominii acgkdii potestacé hominibus,
ôc fceminis in èis j & earum terminis habitantibus, ôc hàbitaturis
cujuseurnque legis, status & conditionis existant,. omnibusquealiis juribus, & pertinentiis , éxemptronlbus , privilegiis,,.pro*
. ventibus^ aHisqueimmunitatibusconcedimus)& liberaliter elârv
gimur 5 ita ut hujusmodi feudumdeinceps teneant, & cognas*
cant à riobis tanquarn Regibus Siciliae ulterioris, & à successo»
ribus nostris in eodem Regno pro témpore regnantibus, íub
cenfu durhtaxac unius Accipitris, feu Falconis quolibet anno in
die festi omnium Sanctorum praeíehtandi per personam, feu p©r-sonas ad id fufficienti mandato íùffultas in manibus Vice Régis,feu PTáï(ìdentis,quitune temporisipsius Regni administrationem,& regimen obtinebit in
signum yerJÉerirecognitionis dicti feudi $&eo cenfu mediante immunes, ac exempti remaneant â qno»
cumqué alio meliori Tervitio de jure debito, & per vaslallos preí-tari solito. Cujus tarnen feudi investiture in omnem casum
novae successiónis renovari, ôc expediri debeat juxtàijuris eom-
munis difpositionem, teneaturque ipfe Magnus Magister qui pro
tempore fueric, pro fe, & universo Ordine proedicto in hujusmodi;
rècognitíone, & investirura juramentum prîestare ,quodex dictis
civitátibus castris 9 locis, & iníulis non patientur, necpermittenc
DE l'HlSTOI RE DE M ALT E.4^
fíeri damnum, aut prarjudicium, vel offensam, nobiSjStatuique,
Regnis , Dominiis , ,& íubditis nostris, nostrorumque, ac in,
djcto Regno íucceíTorum per mare, feu per terram, nec auxiliuirijfeu favorem praestabunt, cuicumque his damnùm inferenti, feù.
ínferre valenti v íedpòtius
omni conatu idipsum avercere cura-
aunt. Et fíqùiipiain ex íubditis iRegni Siciliae praîdicti reus cri-,
miniscapitalis, feu de déliais hujuímodi inculpatus se absenta-
veric, &in hujuímodi insulas, ôc loca irnfeudataconfugerit ^
ílum pro parte Viceregis, feu ;Pr&sidencis, velMagistri justL
ciarii dicti Regni pro tempore existentis requisiti fuerint, renean-
tur talitereonfugientem , seùprofugos expellere, ac indè pe~
nitùsprpfligarevexceptis tamen illis , qui aut sacr*e Majestatis j
aut iia*Fesis rei decernentur, squos nonNejicere, fed ad pmnem
jpsius Viceregis,aut Lpcum tenentis requisitionem capere, & cap»
tivos eidem Viceregi, feù Prassídenti remitcere teneaatur. Praç-
terea , quod jus patror^acus epiícppatus Melibetani remaneat,
prout est, difpoficioni, & praeíençationi nostra: , ac suçcefíbrum
nostrorum Regni praîdicti Sieili» • ira tamen quod past obitum
rReverend.í& dilecti Gonsiliarii nostri Balthaílàris de VualtKiriç
imperialis Viceçancellarii ad ipíam lìcclesiam noviffimè,per nos
praîsentati i feu. in quemcumque eafum alium vaçationis deincepsîècuturum v dictus Magnus Magister, & cpnvejtitus dicti Ordinis
habeant nominare Viceregi Siciliac trçs perfonas ejuí^em. Qrdi-
nisr quàrum una íaltem sit, 6c eiîè debear ex íubditis nostris ^
nostrorum ut in dicto Régna fuccessorum idoneas, & furHcientes
ad ipíam Pastoralempignitatem exercendarn } ex;;quibus tribus
íic nominandis Nos, nostrique fucçeílores in regno prasdicto ,
príefentemus,& prasfentenr, ac praefentare debeamus, & debeanç
ad dictumepiícppatum,
eum quem idonpnenm, íeù idoniorern
judicaverimus, aut judiçaverint.Cui quidem proeíèntato sic ad
dictumepifcopatum promoto
teneacurMagister praçdictus ma-
gnam Crqcem concedere, eumquead concilium dicti Ordinis
cum Prioribusv& Bajulivis admitcere. Item,cum Admiratús dic^a;
Religionisex Lingua,& Natione Italicaeíïè debeat,congruum-
que cenfeatur, ut is, qui ejus vices geret, dum abíèntia, feù im-
pedimenti locus occurrerìt, si aequè idoneus reperiatur ejufdem
Lingua^ & Nacionis existât, habeacurdeinceps ratio, ut data
paritate idoneitatis is potius ad id munus eligi debeat y qui ejus.
dem NationisôcJLinguaîidoneus judicabicur, autaliàsialissic
49<5 PREUVES DU III. TOME
quiofficiumsuum exerceat,nulliquesuspectus censea-tûr. Etquod
de omnibus contentis in his tribus articulis pra;cedentibus fiant
fìatuta, ôc stabilimenra perpétua in dicto Ordine juxtà stylum,
& morem íolitum cum débita sanctissimi Domini nostri, ac Sedis
Àpostoìica; âpprobatione, ôc auctorirate j ôc quod dictus Ma-
gnus MagisterOrdinis pra:fati, qui nunc est, & pro tempore
fuerìt, teneatur hujusmodi statutorum, feu stabilimentprum ob-
servantiam solemniter jurare , &eám perpetuò, ôc iríviolabilitèr
observare. Ulteritis si conîigerit ipfam Religionem recuperare
Insulam Rhodum,ôtearatione, aut aliaex çauía ipfam jReligio-
rjem ab hujusmodi Insulis, ôc loeis infeudatis diícederey& alibi
mansioriem', & sedem eorum stabilire, non liceat ipsis hujuímpdi
infeudata in aliam quamvis personam quovis titulo sine expreílo
mandate ipsius dicti Dominii &feudalis transferre, feu alienare j
fed potius si sine lieentia & consensu alienare praesumpserit,ad nos,
noftròíquesuccessores pleno jure revertantur. Item quod
tor-
roenra-, & machina;, quae in ipsis castro, & civitate Tripolis nunc
existunt,fub débita inventarii deícriptione ibidem jure commo-
dati per triennium retineri poslìnc ad ipsius civitatis, & arcis
custodiam , obligatione tàmen valida accedente de hujusmodi
tormentis, & machinis restituendis ipsotfiénnio
lapso, nisi id
tempus ex nostra gracia, imminenteforfan neceífttate, prorogan-dum videretur, quo tutius
ipsius civitatis, & arcis defènsioni
providers possir. Et demùm verò quod munera, & gratia; tem-
porales, sive perpétuas particularibus personisin hujuímodi lo-
cis infeudatis factac , qua; ratione meritorum, aut alterius obli-
garionis fuerint concessie , eujuícumque qualitatis existant, quac
juste non auferri postent sine débita recompenía, ramdiufirma;
maneant,quoad dictoMagnoMagistro,Conventuique vifumfuerit
pro eis oequas, parefvè possessoribus recompensas dare, ut in hu-
jusmodi récompensai oestimationeomniscontroversia,qua:subóriri
poster,ac litigandi fastidium , &impensa auferatur, ubi Magno
Magistro, Conventuique prardictis commodum vifum fueritcui-
piam recompeníam dare , eligantur duo judiees, unus nostro
iiomine à Vicerege dicti Regni Siciliarxilterioristuncexistente,
alter ab ipso Magno Magistro, Conventuique, qui fummatim ,
& précise perlectis conceffionum privilegiis utriuíque partisra-
tionibus, sine alia forma judicii, vel processus definiant, quid
inter utramque partem jure fieri conveniat : ac si recompensa
danda
DE t'HlStOIlLE DE MAÌTE. 49J
dârida est statuant qualis este jure debear. Quodsi forte duó
judicesdivería; , repugnantisque inter se senientiaî estent, ex
utriûfque partis coníenîu assumatur tertius judex, ac dunv judi-
catur , inquiritur, ôc récompensa, statuitur ,poffestbres pïedictiin
grâtiarum poíleflìône maneant, priviiegíiíquetamdiu fruan*
tur , quoad íàtis ipsis factum a;que fuerit. Sub quibus quìderst
conditionibus supra contentis, & defcriptis, ôc non aliter, nec
aliàs, pramistà omnia, ôc singula praîfatis Magno Magistro, ô£
Conventui in pheudum pradictum,ut
prasmittitur, eoncëdentes,,
ficut melius, plenìus, ôc utilius dieipotest, Ôc fcribi ad illorunt
commódumÔc íalvamenturn, bònumque saniim ôc Favorabi-
tem intellectum, éadem in dicti Mapíi Magistri, Cbnventus, ôc
Réîigíônis jus, dominium utile ôcposte
mittimus atque traníL
ferirnus. Irrevócabilitei" pleno jure ad habendum , tenendum >
dominandum ,. omnimodam jurisdictionem exereendum; perpé-
tuoque, ac pacifice possidendum, & ex causa hujustnadi concef.
sionis, ôc alias prout melius, plenius, ôc fírmius de jure válere-
poterit ôc teneré, dámus, cedimus, ôc donamus dicto Magno
Magistro, Conventui, ôcReligioni omnia jura, omnefquë actio-
nes reales ôc perfonáks, alias quafcumque, qua: nobis compe-
turit, ôccompetere postunt, ôc debent in prasdiébis, quae illis ini
phèndumíùbdictis conditionibus concedimus, ut est dictum ; ÔC-
hi aliis rarione, ôc occasione eorumdem , quibus juiJÈpôcactía-nibus perpetuò
uti poísint, ôc experiri agendo,ícraeet defen-
dendo, ôc alia omnia, ôc singula faciendo , Ôc libère exercendo'
in judicio, ôc extra quaecunfque , ÔC quemadmodumriòsfacere
poslemus , nunc ôc etiam postea quandocumque 5 8c ponêntes
dictum^ Magnum Magistrjum, Conventum, ôcReligionem inproe~
difíis omnibus, &Jîngulisin locum, & vices nostrts constituimus eos
veros Dominos•', utiles, & poternes aBores, & procuratotesinrem
fuampropriamnullo jure, nullaque actione utili in.pracdictîs, quae
illis concedimus, practer fuperius reservata, nobis autcurioe nostra;:
modo aliquo retentis, íeù. refervatis. Mandantes serie eumpra:-
íènti eadem auctorirate nostra universis ,.Sc singulishominibus.
masculis, ôc foeminis,cujufcumque legis , aut conditionis fuerint
in dictis insulis,civitatibus >,terris, locis ôccastris, eorumqúeterri~
toriis habitantrbús, ôc habitaturis quodam modo, dictum Magnum»
Magistrum, Gonvcntumque, Ôc Religionem Sancti Joannis Hie-
rofolimitani pro eòrumDomino, utili,ôcpheudali,acveio
po£-
Tome 111, Rr.r,
>S PREUVES DU III. TOME
îgrê omniumpraidictorum habeant, ôc reputent, íúifque rnari-
tispareant, ôc obediant, pro
ut boni, ôc fidèles vasiàili eorunt
ominis obedire ténentur. Nec non eidemMagno Magistro ^
Conventui faciant, ôc prasstent homagium, ôc fidelitatem,am
juramentum in similibusprasstari folitum j nos etiam nune
ó tune postquám illi juramenta, ôc homágja ipfa praestiterint,
folvimus, ôc libèramus eos ab omni juramènto, Ôc homagio,od nobis., nostriíve praìdecestoribus, aut aliis períbnis nomíne
strp fecerint.y ôcpríestiterint, obligatique fuerint. Illustrissimo
optêrea Phìlijxpd Asturiarúm, Gerundae,Ôcc.silioprimógenitò,
nepoti no:stro ehariísima,ac postreliées- ôc longíevos
di'ès no£-
s, in omnibusRégnis,iÉrDominiis nostris, Deoprppitiîj)^im-
ediato haíredi, legitimòque fucceffori inténtum apenentes nos.
um fub paterne benedictionis obtentu dicimus, illustriffimis qui.
íqu e Ma gistris dilectis con siliáriis , ôc fi delibus nostris, P roregï,
Capitaneo Generali nostró in dicto ulteriori Sieilise Regno,
ágistro justiciario, ejufque in ofEcib locum tenenti,. judicibus
stras, magnas Gurias, Magistris rationabilibus, Magistro pprtu-
no, Magistro fecreto, Thesaurario,ôc Confervatori nostri regii
trimoriii, fifeique nostri patrono, Câpiráneis arcium, praîfee-ôc cùstodìbus, portulanis*, portulanotis, feçretis , eaeteriíque
mùm universis , ôc singulïs officialibus, ôc siibditis nostris in
cto RegÉb_ulcerioris Siciliae, ôc prasertim dictarumInfularum,
civitatïP&c eástri Tripolis , tàmpraíentibus, quám futuris
dem auctorirate prarcipimus , ôc juDemus ad incurfum nostrae
dignationis ôc irae, pcenafque untiarum decem millium à bonis
eusagentis exigendarum, ôc nostris inferendarum serariis, qua-
nus nostram hujusmodi concessionem ôc gratiam, omniaque,
singula praecontenra teneant, fìrmitent, & observent, teneri-
e, ôc observari faciantinviokbiliter per quoscumque ; neenqn
postéíïìonem reàlem, ôc corporalem , seù quasi vacuam , ôc
peditam praedictorum omnium quas eidem Magno Magistro,
Conventui, ut prajdicitur, çòncedimus, illum aut procuracorenim illico immitti, & imponi faciat dictus Prorex noster per se,
t GommiíTarium, seù, Commissarios, quosad id nostro nomine
xeriteligendos j çui,.seù quibus nos omnimodam serie cum.
senti quoad haie, ôc quoad stipulationëm, ôc exactionem, eo-
mque pro parte dicti Magtii Magistri, ôcConventus fupracom-
nda, ôc agenda funt, conferimus potestacem, vicefyue nostras
D E L'Hl S T 01 RE DE M A LT É.4^0
plenariè commìttimus, Ôí postquam posteíîìo ipsatradita fuerit, in
ea dictum Magnum Magistrum, ôc Conventum. manu teneant,
ôc défendant viriliser contra cunctos >rneque fructibus, introiti-
bus , proventibu"?, Gàbellis, & aliis redditibus, Ôc juribus quibuf-
cumque prasdictorum, quae supra in pheudum; cpncedimus ref-
ponderi faciant per quofcumque. Nosenim ad essectum praîsen-
tium, si ôc quatenus opus sit, supplemus omnes defectus, nullita-
tem, aut vicium , solenHiitatumque ommissiones, si qui, vel qua?
possent forían praîmiíîìs apponi, aut fuboriri > vel quompdolibec
allegari j super quibus ex nostra; regiae pptestatis plenitudinëdif-
penfamus. _In cujus rei testimonium praefens fieri juífimusnostrò
communinegotiorunì Siciliac ulterioris sigillo impendenti
muni-:
ttvm. Datum in Castello franco, die xxiii. mensis Martii tertia;
indictionis, anno à Nativitate Domini MD.XXX. Regnorumque
hostrorunx, videlicet Imperii anno decimo,. Çastella; s Légionis,?
Granarar,ôcç. vigesimoseptimo , Navarra; dëcimo sexto, Arago-num , utriusque Siciliae, Hierufalem, ôc aliorum décima quinto
Réunis verò omnium décima quinto. Nos ut privilegium prse-
dictum, ôc omnia in eo contenta illibatapermaneant.,
ôcper-
petuò obferventur fecimus tria stabilimenta super coritentis ia
dicto privilegio, pro ut litterissuper
inde iub Bulla nostra com-
muniplumbeadie xxv. Aprilis proximè prateriti emanacis latius
eanstât, ôc apparet ; quaequidem stabilimenta pro eorum perpe-
tuò, & sirmiori robore per Sedem Apostolicam approbata, ôc
çonsirmata fuerunt, quemadmodum Litttfris Apostolicis légitimémore folito super id expeditis íub data Rpma; vu. Kal. Mail
1530. ab incarnatione, Pòntificatus sanctissimi Domini nostri Cle-
lïientis anno sexto, etiam latiffimeapparet. Hinc est quod nos
Magister; Bajulivi, Priores ;. Praeceptores, & Fratres Consilium
eompletuminvim Capituli Generalis légitime célébrantes, cu-
pientes juxtà mentem pracfatoe Cae£ majestatis, ôc tenorem pri-
vilegii poslèísionem dictorum locorum in eodem privilegio con-
tentorum , ac exequutoriasad id requisitas, ÔC oppofctunas,
consequi, ôc habere confidentes de fidei probitate, exactissimíl
íédulitâte, cura., ôc fufficientia nostra, invicem maturoi, ôc de*
Hberato consilio de nostra cerra scientia, omm meliori via,
modo, jure, ôc forma, quibus melius, ôc validius facere postu-
mus, & debemus s vos veneranlos confvatres nostrosHugonem
deCopons, ôcjpannem Bonifaceproesentes, Ôconus hujusmodi
"%R r r i)
5PO ^pRBtytES Dt? III. TòMfi
fuscipientes íacimus, creamus, constituimus, ôc íblemniter ordî-
namus nostros, nostrasque Religionis, ôc totius Conyentus pro-curatores actores, factores, ôc
negotiorumnostrorum
gestores,ôc nuntios générales., ôc spéciales , ita quod généralisas specia.litati nonderoget, necècontra videlicetspeeialiter, ôcexprestè,
ad, nostro, nostraîque Religionis, ôc Conventus nomine pro no-
bis , ôc fuccessoribus nostris promittendum, ÔC efficacités obli-
gàndum cura juramenito íolemni ,&requisito juxtà continentiam
dic^í privilegii ad observandum, tenendum, ôc perpetuò custo.
diendum omnia , ôc singula in dicto praeinserto privilegio con-
tenta, } ôç praesertim ad praestandum sàçramentum in manibus
illustriûimi Domini Don, Hectoris Pignatelli Dueis Mpn-tis leonis, ac
Regni Siçiliac dignistìmi Proregis, Ôc armorum
Gapitanei Generalis in hac parte repreíentantis períbuarflr
ÍÇue proefata; Gíeíar. ôc Cath. Majestâtis Régis Siçiliac, Ôc Iniu-
larum adjacentium j nec non ad faciendum stipulationem, ÔC
obligationenì de restituendo omnia tormenta, qua; mediante-
inventario habebimus, & nobis consignata fuerint in Arce, íeù
Fortalitio praîdicto; Tri polisin termina in dicto privilegio
con-
tenta , ôç juxtà formam ejufdem. Item ad petendum, Ôc obti-
nendum dictas executorias, ac Commisiàrios deputàndos, ôc des-
tinandosad realem, corporalem ,. civilem ôc naturalem , pacifi-:cam , ôc qujetam postèíïïonem dictorum locorum nobis traden-
dâm Ôc concedendam, ôc per nos eonfequendam , ôc adipiscen-idam juxtà formam, ôctenorem dicti privilegii imperialis nobis ,r
ôc Religioni nostra; in perpettium concestl. Dantes ôc conce-
dences vobis procuratoribus nostris in praemissis, ôc circà pra*-
Biifla pleniffimam, ôc libéra m potestatem, totaliterque vices nos-
ta*as,;quarum vigore.ea facere, ôc adimplere yàleatis, qua: nos«
met facere, ôc adimplere pòstemussi pr&sentes adessemus} etiam-
si talia estent, quaemagis spéciale mandatum requirérent, quam
praîsentibus sit expressum. Promittentes, Ôc convenientes bona
fide hajjere ratum, gratum, ôc firmum omni futuro tempore
quicquid per vos nostros procuratoresin prasmiffis omnibus, ôô;
eorum singulis actum, sacrum, promistum, obligatum, juratum,,
gesturnvè fuerit. Sub hypotheca, ôc obligatione bonorum nofr,
frorum, nostraîque Religionis pracsentium, ôc futurorum, ubi.
tmç existentium mandantes in virtnte sancta; obedientia; univer-
JSs^&iìngulis dictíe domus nostra;, frafribus quacunqueaucto.ì
DE L-HísfbiiiE ÔE MALT«... pttìtate , dignitate , officioque fungentibus prisentîbusôç futuris^ne contra, présentés nostrâs
proçuratorii v ôc mandati lit teras
aliquatenus facere, vel venire praííumanc, fed ea inviolabiliter
studeant obseryare. In cujus rei testimonium Bulla nòstrâ çom*
munis plombea prajíenti&us estappenía., DatuhiSirâcusisôcc, die
xxiv. mensis Maii M.D,XXX. ,
DE B B LLQ M EL/iífi^^^,:í;;ï
Ad Caroìum Coe/arem.,' Micolaìfáll^oegftoms
Commentarmí. HISTOIRE' 1pi>&ti 7 ;
i '
B.ELL
1 à TureharumprincipeMelitensibús;Equitibus:Ìllàti-;
quis fùerit exitus, ex multorùtn'litteris, GarolëCoeíar, co«
gnovisti. Sed ad quem redeat arciúm deditarum infamia , qui
icripíêre , taeúerunc : ôc nacti xemporis occasionera; ,ubi vide-l
renc tibi ôc Julip Pontifiei eum Rege hélium esiè^ culpam amiíïa?>
Tripolis, Legato oratori régla ôc Francis Equitibus;àflìgnarunt i[
detectus tamen páulò post dolus hùc rem addúxit;, ut saisi dam*;
natis fcriptoribus , Franci omnium sententiis inEquitum con-*
cione sint abfoluti. Sed quùmimendàciunï in; yíilgus edituni ^
perltotana.Euíopam prius itocrebuislec,, Ôc hotamúmanimes per-:
îuasistètiquàm absplutioriisítesti^^
non potuit,út ab errore avèrterentur^qui íemel ad pr&grefv
farci famam ,Ì de Francis impirobam opjniojném imbiberant. Id
autëm quàm sic iniquum, ôc ábipíà\Te-ialientim';:Mc''Cèl4.oc€.li>it-
Commmeríta,rÌUS. : f: ; : ; r'rrrrno .o-:;riu/: il:^ A;?, Uï'j ./u. :i
Clastèm apudTurchaSïparari^ïÔC Meliteníès designari,;quunâ
penèomnium sermonibùs! jàctaretuf : joannes•: Gme,des Hifpfc*
nus, Mélitensis militia; princeps, per hbmines idoneos hostium
iter explorandiím esse putavitrut ubicomperiíïèt, quam inpar-
.^tem ejaslìs eontenderec;, Consiliumi sibi!çaperer. Exploratoires ;
dimissis adeuui riunciis;, Melitam peci ^remquenullam ;ampliu^
habere d ubirat ionern ,xonfirm:abanCi Quibus nuntiis Equités ex.*
citati, ab Omede postulant, ut sibi rebuíquefuis i;pà<ítírè prof*
piciat: ne appulsu classis, inppínantes ôc imparati opprimantur,
Omedés resppndec, nulli haee majort esièicura;,!quàm^birîin5>
que se virum existijnari deberle tam nullius uíusq iitrquapdá
res
Rrr iij'
jt>*pREtrvEs DU III. TOME
exigeret,ester defuturus. Nullam noctìs partem intercedere,
quuni relïqui se quieri darent, quin lubductis rations bu s, anxiè
seçum rèputaret, qúemadmodumrei frumentaria;, casieriíque
necestati&, bene cautum ôc provisumestêt : íed banc íabefle
diíficultatem , quòd quum prppter annona; angustiam, â Pro-
rege Sicilia;, commeatu perexiguè levàretuï, ex ukérioribus ré-
gionibus frumentum à se petiturn.,.aérarium exhauferat, ut purn*
morum inopia graviterlaboraret : cui malò ut mederetur, in se
positumnon este. Àiioqui de ïaluteI Comrnuni quantuin fuiffet
ìollicituSj suam diîigentiamin arce munienda este testirnonio :
qua propè haberet effectum, utppera, ôc muâitionës instituts,
spla fpeciei hostes à;^(pe «xpijgnatìénis^eterrereppstèritj hoc\ à
se amplius requiri nihil oportere. Adjecit, ad eorum anijínos
çónfirmaridòsí, i\m hiera:claffiscJaostiunr cornmaverentur, rërft
non eopbsitam
loco ut rjleriíque videretur : classera y miíítò
lòngius i quâm Melitam ípectare :mde rey feire sejplus ôcintek
ligëfe, cjuàmí qui diveríurn ícripiìsleht. (rleque enim ^ qui rerun*
alìqueîn'i ufíim' habeatv h* animum inducturutncj ut credat ípe
Melita; oMn^ndícítantos íum^
pisse,Francis claíîè'm efife.destinâtam r arque Tòionis expectari :
Begatum òratoremTegiuraquinque mulos Massiliàm adduxifíe,
quibus stipetìdiumi Turchisnattuliííètji duasihseper
trirèmes ôc
bifetnem ?unam adarínaéi, quibus;ad/ eos: traníqeheioetur $
hoc
equátís $&%acii& r%ahciaradvec^i?ihdiciavrenere se : cuipòtìus,
qtiám hornimimimperitorum vocibus,: habenda fidestesset. Eo~
dem^etnpoïè:nuntiatur^ Villagagnonem-Messariam appulíutn,
Meiitàm - contenu ère: : in-cu j us adven tum hu jus rei fides r ejieUtut. TJbi advenir, magna omnium expectarione ad'Omedetri
d^dudruir put?de classe: quid âfferret certi, këlligeretur.Hic in-
terrOgàtui, apërtè: negatctassemíusui Fraìncorum ^ sed Solimani
cupidiráti appâratamtesse : ut injuriam , induciis ad Africanum
oppidum violatis, acceptamulcisceretur. Hoc, in Franeia ante
suàtnprofectiònem y palàm factum este à viro pênes quem non
par^vaest reram autoritasi; earïrquelunicam fuiffe eaufam v cur,
negtóarë famiiliari v miffionemi Regepetiissec,
ne tempore ma*
ximè difficilii fodales deseruiste diceretur. Ep fermone confecto^
habere se ab Anna Mommoramio, privati officii mandata ,.com«
memotat^ápud quenupostLiladami
prineipatum, Militia; corn-
Maodà praîcipuo-cammendauonis loco semper fueranr. Is seaiger*
DE L'HisTpiRE DE MALTE. JÔ|
rimèlàturumsighificabat^
si quan>Qrnedes honoris f,aut djgnji-
taris jacturaip faeeret : Spìimanu m JiCjuìtJbus vald,e íqçcejiserer,
proprer pperam C£eíârí ad AÍrícam nupër nayaiám rnegue^ul!!.
ratione deduci potliisse, quoniinus claflern: adpersequendàs inr
juriasinstrueret. A qua, M élira; ÔçTripolinoflnih^ extimé|penr
dum $ proinde Qmedes, videret, ne,quid adveitsijinipar^jtojôij;^
cautp:;sibi çonringejel. Qmedes hpç; reípprÀíp. ^ÌlfôgágP,$n4^
jîimia; ie£reti |enaci^is4níjmulat * qupd. ap^rjrj^nolìeit qujçffe
Régis fui proppsiçp inrellexiíïer, claíîemyFran^óruiio rebusíçoRy.
paratam ad se prpperare. De je autem pipfitetur,; opë£a|^ daU
lurum , ne íjia dij|gentja, r^qu-iratur. jRjoçe^^jeilía^ j^eirí, rd<p
^rebqs,egerm]Me$jna3 cum ;^illágag^pjne^ T:Atqjj>eai$^a^ërn^r^:asurn.. jQmede J^t^tj^;4^
j3Íta!celerit^te,quúmnulîa vétéran
jstorum ôc montanarum delectûfn- hapere çsepir^ qupsy^^iéârjfi
íubsidip t;ran%itter,et. &^
jnilitum inopia çonflictari , nujílaique <?ste''j^^ia^,,,^'^;!^!^'^tráduceremur : deje$pru:m^
.sit, ut eis ad Tripolitanum praesidium u^
xi mi intereffe Republicas christiana;, Milkia;que Méjitensis, eutn
portum servari : ne .amiflus, ad reçeptum pra;dpnibus pateret.
Hoc rjuntio,Ôc Viliagagnonis ajraripne jEsquite^riricitari;, Qrne-
dem circunsistunt. :^i;.:ajd/íeu^.>'-^|E^tp'rric^gr|i)ça)çem , i^rnprí|s
aditum habebant , orabant ut ppínioiie p^ecëderet, §?,, pr;iuf-
quam tempore èxcluderetur, de çmnibus rébus constituerer;,
qua;ad communem íàlutem pertitìebant
: ne íperneret Pror.ëg|s
autoritatem ôc mandata :hunc enim tant:ps furnptus feciste.desçfji-
bendis ôc transmittendis; rnilitious; ^rgum^tiílappíumi pojflfe ,
clasiem Francos non petere. Quibus .o^e^f rebps^ canciliuni
jndicitur. Ibi Omedes ab uítimo repetit, ôç longa narratione
profeqúitur, qua; antea de annona; angustiis expoíuerat : re fru-
mentaria se premi, militum pere.xiguaí> çppias hapere,#a;ris nul-
lam ratipnem. Atque hanc ipíam fuisse çaufem, çur e provipcys
Equités non evocaíTer. Inita ratione quemadmodutì)è tantis dif-
# ficultatibus emergeret j hanc expeditislimamsibi visam, ut sin-
gulis militia; professionibus pecuni* imperarentur :quod non est
improbatuni çpnsilium, fed in íuu.m tempus Ôc oppprtunitateui
_ réservât u m : hoc autem repreheníum est, quod praîíentis peri-
çuli remédia in ioginquuin prodiieeret. .Hac ërgo proçuratiorje
504 PREUVES DU III. TOME
in suam occasionem rejecìa, huic uni reistudenduir. este démons
stràtur, ut asgritúdini pfa;fenti praïsens medicinareperiatur
: ne
rnotá iriterjecta , ad extrernumpéricnlum agat imparatos. Ad-
jungitur, tribus omninoîocisrëm Melitensium cladem ahquam
áçcipere poste ? quibus, quantum ester facultatis, danda eras
opérane
gravius quicquám acciderët. Quod si ob tenuitatem,
omnibus^ fuccurri non liceret : ea deseri opprtere, qua; ab omni
injuria tufca este non postent .: ôc ëprùnï copia^bîs qua; dëfendi
plâcuistet,fubvënire^Dë Gosirainíulàtràctatur, defendi libérer,an dímitti. ^
|gnat|tastïen:Gmedes : docet, castrum editistïma rupe,;aíperrima,
ôc' ^íìrç^nëií^situm esteùTÉ-fatilë hòstes;áditu pròhiberéntui^eò*
infalan^s fë;poste i^ipeië , Aqùpsr rëípecïú^pátria;, natòrutih ôt
prapmquorunì charitas, ad extrême í|<íes
'tuerì cpgeret. Qui sa;pe cúrn^Turehis pâÊentìbus ôc apertis Jbcis
•congreflî estent, victoreíque semper eyasislent, dubiíari non de-
'bèrëy;^ûin; naitura: loei íublëvati, cecti^uë múnirionibus, rHorutii
impëtum suílitïèrent, ôcmus is fuccedentes fúmmoverent. Ho-
'íurn VirtutiÍe multum considère, fed fpem primamconstituistb
in eorum ducis ëquitis Hifpani virtute ôc belli sciëntia : quibusrébus
proclivèest ad omnes casus íubsidîa còmparare
: ac jam ut
suam harc contra apinionemeventrenr, ôc per mfkmitâtem ho-
;stibns reisisti nanpòsiet, judiëii tamen fui non este, protinus
ad le-
"vènv auditionëm, infulanìrelinqùi :
qùòd abfque magnomuni-
cipum detrimentp, fuoquededecore fieri non postes Ç^id enim,
inquit, est levius auc turpius, qúàm antè vifum periculum metti-
promovëri•> Quid si ( quod estmagis probabilë ) hpstes non vë-
niant : quis relicta; patria; damna resarciet ? Hoc ubi çoncio ob-
stinatë sibi negari videt : ad çastri Tripolis muniendi cogitatip-
nëm se confère; Erant eo lococornplures milites, qui actate ÔC
vulneribus confécti, bello idonei este desierant::qui tamen pri-
stina; virtutis memoria ^ stipendia fòvebaiitur, atque definitum:
propugnatorum numerum explebant. Hos mitti oportere judi-
catur : ôc totidem eorum loco fùbstitui, quibus vires labori fè-
xendo fuppeterent. Prascerea, habitoceníu, foeminasôc impubei*
res, omnefque quorum animus aut vires obsidionem íustinere
non valerent, in Siciliam transferendos : ôc in eorum locum ,
centum virtutis probatissima; équités fubmittendos, cum militi-
bus qui àProregé fubsidio advenerànt 5 eum enim locum, nature
ô6.
D E l'H í S T ÒI R E DE M A L %È. fQf.
ÔCoperibus infirmurrï Vnon poste nisi eximia ôc excellenti;so]rtít*t^
dine servari. His omnibus ab Ornéde obsistitur -,imprimisad eo-
rum sententiam non âccedit, qui foeminas ôc liberòs à parenti-bus
íejungendos este censebant : quòd communi vitio natura;
contîngat, íalvis rébus v quas quiíque habet xhariísinias v horni-;
nësfieriíegniares, ut rninori contëntioneí ôc lafcprem fëránt v&v
vira;periculum adeant,pracsertimalienp íolp; ^equêpbtiprem-estè caûíam, Cur emeriti milites amittërentur : ii enim v etíiíof-;
pare non valent 4-ingénia tamen Ôc rerum uíu excellunt * quibus:
beliumjnagis
-quàrri corporís viribus^adminiíjtraiúr/Sim
Equiribuspmntìip sibi yiders ut ad Mê^tam rnaneant :pra5#áre;* c
ledësproprias pîenis cppiis;canfervare,;quàm bis in aliénasdikï
pertitis, utrarumque! jacturam facere Eis^ ratiohibus qua* iuncf
dëmòristrata;, Equités acerfîtos non fuisife : qui adërant, yix tre-
centorum numerum implere, in quibus rei Melitensis íalus pe-riitus consisteret j si addttcentoís redirent r périculumsorfrne aneri
luccumbërenr. His oblatismeommódisrnihil expedMus yideri¥f
quàm ad insula; custòdiam , retentis Equitibus^ milites.à Pro-
tège missps Tripolim tranfmittere j horum quidemsubsidia, eum
locum defendi poste : quòd ea esièt ejus loci natura,ut, propteirstationis incommodum, obsidio diuturna este non
poster. Nam
litúsplanum, exigua altitudine, longp fpatio
in mare deeurrens^in alto naves constitui eogit,
në Eresiis ea annnitempestate; vi •
maxima stantibus, fluctibus naves eompleantur: aut anchons sa-
bulo parum hserentibus, vi tempestatis incitatx, ad terram alli-
dantur : quae res adverses obsidionem magno forent adjumento.Haèc vicit in coneilio senteníia : sed ad navitios milites perlata,;eum incussit metum, ut palàm detrectare militiam non erubek
xerent:se que, quum tôlierentur signa, non sequuturoseste corn.
minarentur. Commonstrabant, sibi tum primùm ab aratro ô£
caulis âbductis, nullo dum etiam ufu militix percepto 4 Tripo-litanum
negòrium longédiffimiles propugnatores exposcere.
Omedes, fi eladis çêrta expectatione deterrkus , suos Equitésillò trajici nollet : cur
potiusin aliéna vita fortunam periclita-
retur ? Ha;c Omedi Prxfectus renuntiat : ôc quàm potest démise
íissimè obsecrat, ut sine ejusanimi ofrensione, illis Hceat in Sici-
Jiam reverti, quòd jussi naves conscendere, dicto non forent au-
dientes. Hue addit multa, quibus Omedem flecti posse conjiee-
ret. At Gmedes, ut hune ab animi coesternatione engeret, af-
Tome 111. Sis
jò£ PREUVES DU III. TOME
sirmàbàt certò sibi: cònstáre, Tripolim militum virtuteprotegï
posle|àtíóquise non este rem in dubium dëvòcaturum j eosenimi,
quorum príësidìò eastrum tenebatur, Ôc Valerium prâifectum ,
óptimë de se mèritùm, virum sihgulâri virtute praíditum,cur
amîttëret }Ì*òstre^áuxiìiaribus 5
eopîìs^ dëfèndi poto í hâ 1âíPr<3ï;eg& mìstìs! nëcesta^
riò itóëndutó;ëstô sitôv nëêju*^uí^íi^ern^
ôC'G^niîlium deípe-*xissë vídèrëturI ëárnqúë òb rem âb^ stlos^non dïmitti. His Trï-B
butío'pstëtìsis,M mtìr^
íîciati'Sìëd ûbí Mil ibuS^èrh
hiiffiòhis iPrà;rìe^
xirtìâirrï fôritìîdmé^
dmediÉèntëiJad pédesf pr^c^níbu^íbntès líostib#WL ^p^íîcium: dedat: íïujus mòveridí c^aía ^ëtiarh rád|ieîun&, sefrustícês hôminës àb olficìo vít^queinstitutb^
per;fl^dêm àbduá;osí\ut;Mëstanam accédèrent v hiérmes pro-
divisilè V^ttb tòitcéírèïî[ttlr Idèo» '§iiulli- UÍui suturas; Quum àpud'eumr b^tíérëïisÔS ^reÉbus
nmilípf òsicêrént
jrébus deíperatis £
indëte^roripiunr/^:ôc
in tafcëriiâculis al>dici, commune ôc instáns
fatum mMefanttir; Eacògnítô; quum ester, suípicio
dueem eum
màhjpùlis teòníèíitirë/ejus signiferùm,virum fbrtem átque in-
tërf îcùrrï, Omedes per hominëm idòneum sollicitât, Ôc edoçetî
quanta eumigr^rhiriia Éér^i; ut ád ialám hastibm mentíónem,
timóre milites sie oppriroêíentur ; utdefpecta
íaeramenti relfc
gìònë, âpërtè militiàmdëfúgërent /hoc non folûm eorum exi-
stimàtioni, ëujús ëstët inprimis habenda ratio, sed etiam viras
fbrtuhisi^uë^ fore periëulowm : quòd fugam cognitamProrex
ëstëtmppiiciò-trudelìffîmo vindicaturus. Tum orationis adhi-í
bítis illeêëbris'"-, addit, de signifero nunqúam se dubitastè, quin,
imperatafacere
pàratús esset : fed studïum ejus, tarditate Ôc ti-
moré ducis impediri : cui incommodo facile pra;verti posset,íî
signifer singulos milites adirer qui qùandamáními fórtìtùdinerav
prá? se ferrent:aë, quantum poster efHcëre,inani metu eos ex-?:
pliëárët,faceretquëùtitërcònficëfe non dubitarent. Hoc sieflet
astëquutus, Tribuno misso, militum pra;féctura fuo nomine funu
gëretur, Ea fpe signifer delinitus, nëgotium aggreditur: singu-.
lôs separatim ambit milites, ôc -quibus porëíï rationibus, ab obi
sidiònis opiniòne dëdùcit, Hoc aniiftadverfo Tribunus, veritiiS
në eumigriorriitìm mittëretur, Ôc niliilo secius
manipvilârés P'^
/i;rij>t«m psticium:exeb^iëréhiíúr, signìferurnaditu ad Óméden» 1
DE L'HISÌTOIRE DE .MALTE. 507
antevemt, ôcquorumdam factipsorum contumaciâ, culpam pra;-
texens, unà çum íuisamnibus r ubiprimîiiu jussus fuerit4 seviam
ìngreíTurum prpfitecur. Id tamen ptonibus preeibus postulabat*ut certus Equitum humérus, perterritis mjflitibus, adiieereturi
quorum ductu ac virtute ,iili animum reciperent His ab Gmedë
in concilia relatis, deliberatur, quot Ôc quaies Equités ryirpnibus
admiseeri placerez Qui iojco, ojb ejus insirmitatem :, diífidebant^
in priori íententiá permanebant^ ÔC eentum addi oportere Vôjçfc.
tendeixinc} quibus tamen Gmedes, his quá; iunt dempnstrata;
rationibus, non acquieícêre î sed eum numerum ad quinque ôc
iViginti rëducendum este dictitare, quas ipljutis ergassulis ,€x eïs
qui maleficii con v icti erant, expleri juífit : ne de Melìta; custodià
quiçquam imminueretur. His rébus constitutis, duae tiremës=im*
ppsitum subsidium Tripolim important. :<quo in terram exppsito,ut mandatum erat, Mejitam revehuntur. Kíori ita multò post fit
Omedes certipr, hpstilem claílëm ad Sicíliam applicuistë : Ôc
ejus principem, eum Prorege, de oppido Africano lecuperanda,uti Qeíari eum Splimano conyenerat, per interpreíem multis
verbis egistè. Sed illúmpostqUam se ad Caeíarem faUendl cauía
rejici cognpvistet, ad oppidum Augpsti prpgreiGRjm, arçemvi
captammilicibus diripiendam eonceffistè. Hoc satis érat causa;,
ad omnem deTurcharumiïineretòllendâm dubitátianem. Ome-
dés tamen àperrinacià-non
modo n;on desistit : sed etiam afKr-r
jaaat Meridianum Sicilia; licus praîteryehi, ut breviore uía; itinere
naves, çitius in Françiám perveniani;:
quod ur perfuasumha-
beant, naúcleris accitis, ex maritimis dimensionibuspsténdit, du-
centis pastùum milhbus, cursum ea parte breviari. Gosirani, ubi
spe auxiliorum se depulsosestè cognoyerunt,fceminâsôc puerps
in tutum censent este transferendos. ltaque duas navieulas onu-
ítas Mélitam traducunt : quarum appulsu Qmëdi renuntiáïu.r:ìl
Oosiranas fui tuendi animum abjecifle, atque defuga cogitaflè:
resque suas eum uxoribus ôc liberis abigere çcepistë: quibusablar
tis, dimiçandi etiam cpgitationem deponerent. Si íalvam cupe*
yet rem Gosiranam, naves Gosiram remitteret, iit propinquo.
rum miferiçprdia, ad pugnandum alacriores redderentur. Quaè
lententia quumilli
valdé.probaretur, naviculas, antequam onus
«xponerent ", revehi jussit : magnisque cavic peenis, ne a bique
venia res nllaexportaretur. Biduo quo haec gesta íunt, leni vento
claiììs Mélitam appulit, porcumque petric,portui, qui arcemsu-
Sisij
$o% PREUVES DU HT. fôMB
bluit, conjunctum, angusto eollis juga interjecto. Ad ejus cpn-
ípectumtantus repente
metus Melitensium mentes occupavit,
tantaque sequuta est pertûrbatio v ut quidpptissimum agendumesset ^ fiítionetni ihiri non dârëtur. Òmnino duo erant oppíday
quibusinlulániàbhóstium përiculaëx agris sese reciperënt : ununi
fub arcis radicibus ^ alterum distans sexpastuum millibus. Hue
viispleniísimis ámnia-importantur, pëcusque cogitur quoad ejus
fiëripotëíl. Oppidumi fub arce
positum $ côlUbus utrinque nie-
diòcrimarîs spatio intermistoycéntinetur. Ex his callibusmagna
âltiipdine impendentibus:/quiahéstes ab
aperto latëremuroîeu-
stodiâsfocilèaepenèriulló labore deturbarent, Ôciis, quinktro
dejectoin
oppidum irrùmperent, resistendi facultatem adimere
postent,oppidumdefêtìdi non
placebat.Arx unieum omnibus,
ôc exágtis cònfugientibus,
ôcoppidanis perfugium relinqueba-
tup: tamètsi vix- anteacaperet Equités, ôc qui fub Equitibus stu.
•përídiamerebant. Alteram
plebis partemurbs
recipiebat.Ad
has angustias hoc etiam accedebat incommodi , quòd quumtanta multicudò admitti tecto non poster,
verùm ei neeestàriò
foret, .stagnante Canicula y fub folis ardoribus interdiu, ôc fub
dio noctu, permanendum :haec /neque corpore laborem tulistèt,'
neque ab odore tetro, qùem situs ôc excrementorum colluvies
generastet,erant morbi longé abfitturi. Calamiratem quoque
non parum augebat difiïeuttas aqua; maxima : cujus quum nulla
extra piuviam estèt copia, neque ad bibendum , sed ne quidem
illaad lavandum íùppeteret, aut erat deditio sequutura, aut popu-
lus miserè excludendus, ôc liastium crudelitatiexponendus. Sub-
ductis ôc ad terram delígatisnavibus , hostes ad
pracdamémit-
tuntur :hi latè pervagati,regionem qua; ad arcem vergit, de^-
populantur : aedificia, ôc quicquidin
agris reliquum erat, velin-
xendunt j vel diripiunt :pecus, quod repentino eorum ineursii
in oppidum cogi non potuerat, íuffodiunt : nullum deniqueper-suciei
genus praetermittunt. Constat insula tota una ôc eonti-
îienti petra : ea re fit, ut quibus locis terra exurgit, lapidibus
confperíàsit. Hinc aecidit, ut illic agri quidquid est, hoctotunt
kicoia;, feu purgando, seudividendo, lapidibus sine lutoinmuri
Jpeeiem aggestis inclulerint : qua; res vias publicas uíque adei
anguctas & obliquas reddidit, ut illinc nisimagno
labore nor/li-
,eeat evagarj.Adverfus hostium incursiones ea commoditate no-
fofr íuble-vâtí, ha^ remédiacornparabanjc. Cpactis navium
pro-
I>EíL*HrSTOîB.ïíDi MAL^E: J09
pugnatoribus, nonnullis admistis remigibus, Guimeranus eques
Hiípanus regionum peritps adhibet î quorum ductu v pqeujLtp itu
nere profectus, opportuno loco suas in insidiis diíponit t ut dis*
perlas hostes/ sine metu ad praedam propérantes » excipiat. : íh
hune ineidunt pauei,quielati
prseda;studio, ab agmine longiu*
procesterant : neque iilla alia réi gerendaî facilitas oblata est»
Interim claflìs princeps, àrcis naturam çpntemplatus, eam pracrsentis oceasipnis nan este judicat. -Hastes vexandis regipnibus
Jbiduaconíumpto, naves lplvunt: ôcsex milihus pastuum pra,
greslì, epnsistunt, ac denuo milites efFundunt : ôç,; rte ulb parsinsula; immunis à calamitate relinqueretur, profligato et*íj?atÌQ;
quod à mari ad urbem intercedity ad eam se inçitanji:. Ëò tanta,
utriufque sexus multitudo fese çonciuserat > ut nullus vaearet
locus : sed qui bello apti estent, quive hostium vel aciern- oçu/
lprum:ferre postent, admodum pauci erant. Ineosimperiumgesrebat Georgius Adprneus, vir prpbata; eximiasque fortitudinis ^
qui denegato sibi ab Omede militum auxilio, rejectus ad mul-
titudinis praesidium, triginta ex navium defeníòribus; ad íuieu*
iìodiam asciverat. Gonspectis hostibus:, eos* exhortatus^ nonnul-
lis ex pastorum ôc oppidanorum multitudine riomiuatim evoca-
tis ôc interjectis, in hostium occurfum eduxit : ut hostes ,lpcii
afperis, in collem in quo oppidum positum est enitentes,mora*
rentur :quod ad ostentationem potius faciebat *quàm quòd vim
hostium reprimere pòsse íperaret. Nostri, urbispropmquitati
ôc a;nearum cannarum adminiculo eonfisi, audacter íe illis op-
ponebant j ôc quandiu aequa ratione pugnarípotuit >.pauci muli-
tas afcenfu prohibebânt. At ubiillas circunfundi,, ôclongacir-euitu montem fuperare conípiciunt, ne eircunventirëditu exclue
dântur, accepta, signa, paueis utrinque desideratis, pedëmre»
ferunt : difcessu nostrorum, illi jugum collisadeptiy simul nullis
resistentibus, suburbiis potiti, considunt ôc castra faciunt. Inter
fuburbia ôc oppidum tantum est intervalli, quantum canna; tueri
possunt. Hiexplorandi causa rari ôcdispersi, ne cannarum irt-
juria; parèrent, incitato cursuperçurreint :muroque succedëntes,
fclopetis nostros tentare ôc laeestere. Hos quoque nostri sclopetis
fummpvebant, fed ob eorum mobilitatem non multvtm proficiç-
bant. Nox pralium diremit. Explpratourbis situ, duabus par-
tibus, collepra;rupto
ôc directo, hanç hostes extare conspiciunt.
Hujus collis tertia pars aípera quidem ôc ardua, sed longé dé-
Sísiij
5itf.PREUVES DfV Cïï.l. TôMEi
cliviòr, in vallém ducentis passibus latam desinit. Hanc tran-
seuntês>/ mans urbi contrariasëkcipit
aíbeníu aifpero y praceipiti
ÔCcircUncUô / cujús mantlis:fassigiumtUirbem;exaîquàtv ?Municiì
peshuie parti minus dissidentes ynullas.1 turres / hullaquë propu^
gnaeula extkârant, quibus teruentes hostes àiatere propellerent:led in speciem, muro lapidibus luto compactas extructo/fuerant
cantëntiîîqui quum per te infîrmusísit/ìatqueíadeò vetustate
earrttptus^ íuà fponte còllabkur. fQuoîÉb hostibus animadveííbi,
partem^ uhde àíubuíbìisiad urbëm;efb:aditus,quòd sitpperibus
Vâjldë munita,omittuntïatque ab infirmiori loeo rem íïbiíige-
íendam este eanstituunt. Hue delati, aream eannis muraMbus
nòctufubstefnere -•$atqueaggerem jacereparabant : Ôc quum pro*
pter, arbòrurn rarkatem ^nateria deesiet^ valvis, omnique hgni
génère,àtectisíuburbiorum ereptis, ad ppus utebantur. Hoc»
ex; strepitu cognito, tantus meeror municipes excepit, ut [isiiae
vitá; durius eonfulere: plerique inciperent, ac se de muro dare
prseeipkesi pmni intentipnis opinione remissa. Adorneus tamen
nan sëdeseritj hosverbis confirmât, ôc fpeauxiliorum objecta,à metu erigere cònatur. At ubi se frustra niti intelligit, à péri-culi magnitudine sibi timens, ad Omedem nuntium allegat, ut
eum doceat, qui; multitudinem versaret timor, ôc ad quas ipse
angustiasredactûs essec : nisi fummiíïïs áuxiliis, formidine muni-
dpes liberarentur, ultimam perniciem quinque ôc viginti milli-
feus capitum maxfubeundàm esse. Nuntius,quum ad arcis op-
pidum pervenistèt, ôc obferatis portis, ingreflu tardâretur , ad
eum ldcum se contulit, quiFrancorum custodia; commissus erat,ut
per mareintromitteretur. Tum ad apus exçubabat Villaga-
gnp/ôc vigilias cireuibat : is ad ëquorum fremitum exclamât
quis adventaret ? Nuhtius, patefactonomine, refpondet maximi
se mòmenti mandata afièrre :rogare
ut coutinuò ad Omedem
rrajiciatur. Exceprus lenunculo/ad Omedem festinatj hoc au-
dito, magnaillum invasit sollicitudo :
neque illi íàtis animo suc-
currit, periculb tamprxsenti quem maxime opponeret. Quum
in hocexplicando
se exerceret,nuntius Villagagnonem com-
mémorât. Hune approbatum, eo ipsa remporis puncto, accersit.
Adeuntem verbis ôc oratione liberaliterproíequitur. Narrât,
quantum ei semper tribuisset :Rempublicam tempore maxime
difficili, ejus pperamÔc
diligenriam vehemerìter expoícere 5 ho-
stes enim urbem obsidione cinxiíïe, quibus id sieri poteratloris:
DE L'PISTOIIIE DE MALTE. p*in ea tameii, qui arma ferre postent ,•magnum numerqmincíui>
sum, quorum pra;sidio urbsplane
teneriposter , si vki idpnei im-
perio regeretur, qui ubi ufus incidisiiet ^ ré média compararetvEis,
Georgíum Adorneum pra»e(Te, fed omniaper
senegotia obire
non poste. Villagagnp reíppiidet, Reipublicá; commoda, prima
semper apud se; fuisse, suaqué: vitapotiora riaeque quìcquramppi.tatius sibi poste cpntingere,/ quàm vitan> prPfrunde^ëi/cujuà^icausa in lucem editus fuifleti Verùmíëusufrierum^ip^
bem vigiliis ôc.periculisinfuetam, facile iníblefìtilabori#tócum^
bere, aç parker viribus ôcanimpcp.ncidere$ hincstepri ,ut quan%.diu munitionibus çoiitëcta sit 3 seejue; jà; perieujt© aj^^î.çrë^at^
a?quo< animp ©mne^Merbitatèsjpe^
murus^iíêuti ^psperit/ôcnap ar^^
dum sir, prajëcta fálutiscura-^prptihus désiciajt^ ;In ëumí^aíum
defeníbribus opus este y non ignavis,• íedj flrenuis;, aelabórisp^*
tientissimis^ôs qui^
pauciòres ëeritenisad eum^íUm^j^íò^qiàrips^ Jkas .fi^i f?.jc;Equlntihus Qmedes adjungeret$:si^smsíâlvam este vestes HuiCitPme-r
des pstendit, Equités ôc nayium prppugnatpresarcis eustodia;4
concih'o assigna-tas este, eujus décretum flpn poster immutarei
Attamenidad se rëcepturum; /ut in pr^oesençem pçc^sijpnem. s Hû*.
eaníulto non expectata, ei Jjex l^uit^s ; cpnçede^enppr. \ ^ibus;
©pponit Vstlagagnav sex viras ^ëve^
tes bostes repulwros : neque aliò sex yirafcumt (ubsi^iumi percir;
nere, quàm ut eòs ad eercam sine honaifë; perniciem perduceretí.;
Refpondet Omedes ± eam rem non este dilputatipnis/^ instan*
tisperieuli; propterea
si ille anima ita; par)içus!;estet, sinejcun-
ctationé eam òperam Reipublica; payaret, 'j quòd ft metu péri-
eulum dëfugërec,se alium rogaturum. Ille, ubi rem in existirna-
tionis difcrimen pertrahividet : Non fum, inquit, Princeps, tan*
acuto stimulq urgendus: faciam ut intelligás ad ignaviam , hanc
meam rationem non ípëctare: ôc jam via; me commitram, ne
in lucem extractus, ingressu prohibear. Exeedens igitur yillaga-
gno,sex ë notis ôc domesticis evocatis, jumenta nactus qua; ex
gregibuscaíu obvenerant, viam ingreditur : tanrùmque pmni-;
bus profectionis fuirstudium, utpars gravi; armprum pondère
onusti,abfque ëphi
eientibus, in os.immissp funieulo,r
dumprogressi^albente coelp>, qtià erat cursus;cpmm<>diísimus,.
pz PREUVES DU III. TOME
cóncitatisi èquis/ad urben* pervëniunt rôc occlusis hostium vîcL^
nitateportis /in fostàm se proruùnt / áefenestris qualinuíum tor-
mèntorum íëlicta; sent, àdmunkiones enituntur. Hos introdu-
ctds, magna hominum turba circunsistit, ôc de auxiliis /quid af,
ferrentfpei sciseitantur : quos bonoahimo este jubet Villa
gagno vôc ípe auxiliorum injecta Confirmât. Deindëv ad Adorneum fe
éònfertPHune dòcet; quem eunv Ómedë sermonëmíde propu-;
gn^iótìis ratione habueritvquM que astequutûs ëo fuerit j deni^
que/ hue se redâctos este Í ut ab alieni subsidii expectatiône éQ-
pulsi/in animi virtute fòkitis ifidueiam constituant. Hue etiam
curam omníem prbfundi oportere /-ùt à terrore; populi men|es
explicarérkur : ôc quibus lacis âb hòstibus tìòceripoíl*/;pròv|sb
remëdaà anteverteretur; Commuai deindë eóusilio res;geritui*
:
Ôc períjpëctó mûri vitia y quò hostes ânimtim appellebanty qup-niam ëíbsistinan
pòteratyrie murus cannis tentatus brevi corruer
reti;hàc ratione oceurrkur. Poífe rôu*um f^si^m fexdecim pedes
laram, altam dëcem/ directis íateribus perducunt. Hujus inte-/riòfi Jabró^inàeëriam tres pëdes ëmihenceï^i, în sex
pedum lati-
tudinemv extrúunt :quàm âmplius extare coníultò noluerunt,
neglobi murum trajicientes /jsimúl maceriam labefacerent, atquefoslarn
implerent. Ad extremas foffas ex duobus tectis â summo
decurtatis j ôc macerias' adarquatis, ca;ca propugnacnla constitue-
runt : ut hostes fostamingreslòs, in maceriam connitentes, ab la-
terey fínëùlidpericulo, tormentis deturbarenr. Qua; munitio-
nes, tantae mu ltkudinis labore non intermisso, brevissimo tem-
pore perfectac funt. At hostes h.-cc difficultas morabatur. Canna;
murales sexroillibuspassuumerant
eis ducenda;, viaasperrima,
magiiis ôc arduis rupibus, nulla jumentorum facultate. Hoc fer-
vorum robore fupplere conati, labore continenti, aliquandiu
proeesserunt. Nam quum viarumangustia;
ôcafperitates, can-
nas rôtis impositas non admitterent, rôtis eximebant, ac nudas
efïèrebanr. Mox xquum locum asièquuti, rotas admovebanr,ôc magner
conatu onus trahebant j sed quoniam id eratsacpius
repetendum, ôc ob vehementem astum plerosque animus reli.
querat : rôtis aliquot effractis, ab itinere supersedérunt : revçca-
tisque qui obsidioni incumbebant, adnavessunt reversi. Ex per-
fugis, cognkumex his causis hoc quoque accessisse, quòd naves
erantlongo intervalle defenforibus vacuae relinquenda;,
aut co.
piis perexiguis urbs oppugnanda. Quorum utrumque reciperecafum
DEl'H.i'Stò'ï.R-É DE MALTE.p$
fcâsumpoffeti si enim , navibus inanibus, Cassariana claffis occur-
rissct : Ôc ea conspecta, hi ad suas conservandas naves se incitas-
sent rtumque obseffi ad pugnam erupislent, copiis ab Omede
mifsis confirmathea itinerum asperitate, quum referre nonpo-
tuissent, cannas amisissenr. Qua; cogjtatio certvffimam obíessis
íalutem attulit. Quamvis enim accidisset ut obseffi ab hostibus:;
seprotégèrent, tamen ob aqua; inopiam, obsidionem diutiusnon;
tu listent. Ubi suburbia esse indicávimus , plures optimi faporisífontes
largiter scatent. Huiccopia; municipes confisi/fbdiendis
puteisanimum non intenderant : paucis exceptis , qui aliunde
aquam esse sibicoUigendam
non ducentes, effoffis.domi cister- 3
nis,pluyiauti malueranr.Haruminitò numera, ôieapitumcensi*
relaro, compertum est, ad duos cyathos cuique quoîrdse vix sex ;
dierum aquam fuppetere. Hostes reductis tormentis 9 ad: insuiahiv
Gosiram contendunt. In Castelium incola; ad unum se incluses
rant. Hoc quia à mari parum abest, expugnationi opportuniusesse judicatum est, Itaquecannis murajibusproductis/ tertia initiai,
vigilia, murum percutere incipiuiit. Hune. impetu continenti"
nullis prohibentibus incurientes, brevi tempore labefaeiunr/seckea est loci natura, ut si vel murusdejectus efset, paucis tàmen>
defendentibus, maxima; quoequë copia; afeeníu prohiberentur*
Nam in rupe editiffima quoquoverfusàbrupta casteliumestpo-:,
situm, inflexo, acclivi Ôcangnsto fpatio, qua vix
singulicârrítrahi possint, ad intròitUm relicto. Muniei pesrhostium ad vent u y
principem,cui tantùm ab Omede tribui demonstravimus:, adeuntr
atque animo perturbatum obtestantur^ ut Rempublicam fc«rtï^
terfuícipiat,
neu se deserat : sed audacter, quid euique sitagen*dum , imperet.
Isfpe
auxiliòrum lapsus., profitetiir fe nihil ha-
bere quod tanto malooppanatratque omiffasuonameura, tectò»
succedk ac delitescit : sic paratus,uc quem cafumforrunaobtu~
listet, quàm asquissimo animo ferret. Ubipopdus
fe destitutumi
perspkir, tanto metu corripirur, ut unà corporrs ôc asnimi virìbus
cad'eret : ôc abpropugnationis artibus, adlacTymas /instanrifque
calamitatis commiferationem averíu:s»,.muruni: dëfensouibus nu-;.
darét. Neque:dum.nocte pugna intermittkur, aurdemolitronemì
obstruere, aut omnino rem uilam administrare qua; ad suam ía-
lutem pertineret,animum induxerunt. Postrrdie,. quum; primai
Juce adopus
hostes redirent, sed'iniqukate loci non ita raultumi
Tome. I1IK Ttt
514. P H. E ts V E S DU ÎII. TE» M E:
promovererït:vir
Anglus,cannamni Magister, animorevocato/
hpnestam mortem turpiservituti anteferens , ad
pngnam se insti.
tuk. Profectus quò ntígoticim postulabat, aptatis machinis, ho>
îles globis impetit, ôc jllatp damiu) cogk ut remissius & leruús
deinde opus agerent j íed hunç paulò post, tranflatis çannis ,
glpbis assequuti, hostes interfidunt/ ^ui viíum eò ieintuleranr,casu exiterriri, quum reliquum haberenr neminsm, quem huio:
lïíuneri ptarfieerent, animiiuopés ôc cpnsilij, ad principem re*
ieuírrun*>ùt sëeum rationein inirer, quid pouffimum administran-
dum. eísec. Hîe magno animorumôcíenienriarum congreffude-
çertátur, nec inter eps depugna convenir. Pastremò, re in jde-
ípgratipnem adducta, àpugna; subsidio ad deditionis consilium
rêeurrunt. Tum de condicianibus agitur ,ôc qui eas perferat j
ejigitur.- Çujps legationisihic erat ekkus, si omnibus incolumibus
efïugium pateret.., arcem hostibus relictum iri. Legatus, de muro
£une demissus, ad classis prasfectum deducitur, qua;que habet
rnandata pronuntiât : atque demiffissim è obseerat, ut misericor*
dia? Ipcus relinquatur. Ad hase refpondet Princeps, priusquam
glQbimururn attigistênt, adaliquam a;quitatem descendipotuisse:re verò àd extremam deditionis neceflîratem perducta,
à victis
jçanditiones ferri non debere, fed hos eis uti, quas victor pras-feriberet 5 se tamen natûra; lenitate ad misericordiam propen-
iùm, nonestej>ro
eorum meritis, qui visis Solimani signis portas
^uas abstruxiû^nt, peenas exácturum, sise fuaque omnia staum
dederent,ôc ejus misericordiam experirentur. Atque hune ita
dimittit; Hoc responfoincksis denuntiato, animus stuctuare,
arque in diverfum trahicoepk. Tandem fuperat eorum senten-
tia, qui morti serviturem pra;tuliffent : sed dux ëòrum sibi conan-
dúm adhue este arbitratus, ducenracapita, quas ipíe nominastet.,,
neeëssitate servkutis liberare, remiffo interprète, id enixè con-
tendebat. Sed is adquadraginta redactis , Bafcianus commi-
natur, nisi statim mandatis paruiffent, nullam eis postea collo-
quii fore porestatem. -Qua denuntiatione perculsi municipes,
quum aliunde nullaesset evasio, imperata faciunr, ôcportas
ob-
structas áperiunt. Èrat in eorumi numéro vir Siculus, cujus insi-
gnem animi (dicamne fortitudinem,an crudelitaterm) praztereun*damesse non putavi. Hic
contractoapud Gosiranos domicilia,'
uxore 4mctá j áaaís eK ea silps isutìwlerat ; : quas yiro macuras, ne ^
rie ^HISTOIRE DE MALTE. :^iy
lÉjutim in potestatemhostium incidissent, oculis sustinere
cogeí.
retur, quod animus ferre non pofíet, ambasgladio trajicit : eah>
dem fortunam tulit mater, ad filiarum necem aceurrens. Hoc
facto, balistam &; fclopetam instruit, fores do mus astérvat,ae
hostibus adpraidam festinanubus se obtrudk : duofque audacius
progredientes miffilibus appétit ôc perimk: deinde stricto gladio
reliquos irruentes moràtur : dpnec circunventus confoditur jhoc
modo seôc familiam servit utiproeripuit.
Castrum hostes d iripiune4,
habentqueuniveríàm ad unum multkudinem praîdá^loca, cap-
tivamque ad naves abducunr. Ea íex •millium treeentorum nu-
merumexplebat. Bâícianus.4 ut fidem de qnadraginta líberandi&
praîstitiffe Videretur, quos íënium ôc adverfa valetudo viribus-
confeeerat, à vineulis exinii ac manumitti jussit. Eorum prineipem
injuriam sibi fieri querenteni, quèd, unà emistus non ester ^êxpái.liatum addixlt
remigiov His rébus bidùo coníumpto, eastró im
cenfo, totaque iníula exinanka , ad reliquam beîli administrât
tionem properantes ', nacti idoneam tempestatem / adJ Africanv
vêladirigunr.
Post eorumdigrestumiy Oniedes de eaíùGasirai.
norum, ôc detrimehto Melitensibus illata^ Prè>regerrt Sibilia^çeis.
tiorem fack. Sed ut deditionisrurpkudinem
eluerer / evoeaífe.
autoribus sibi notis, edixit, utper totam Europam dimiffis litre,
ris, liane opinionemin animas hominum irjffunderënriQuandiu>
eastri prafectu s anima exuperasset, castrum â pericutelangè;a'%-fuisse : sed quando
seegiffet qúò ufus ineiderat, ôCiictuìïcarnfôn-
torum elatus esset, pereulsam destitutamque multkudinèm/^dl
deditionis consilium. devenisse; Hasedissipât* fomaïadeò valuic
temporis opportunitate, ut, quum deineeps exponeretur, quò*
modo resevehifletjfides fíeri non poster; Aliquo postdiei?um inter-
jectù,Aramo Legatus oratof regius, ad Splimârium împeratòi
rem ker habens, Mehtam duabusi trkemibus ôc una biremi ad-
vehitur, ôc jactis anehoris Omedem convenit y eiqiíe in coneilia?
exponit, qua;à
Regeadeumhaberet
mandata/suamqueoperarst^ex Régis prascripto ad omnes. cases
pallice-turf. Omedes.huie
actis gratiis, quanta ad id ufque tempus perpessus esset/ quid-
queadhuc
periculiin arceni Tripolitanam imminërët, amplis,
simè narravit., Haee aurernvpericuli erat íuípieio, quòd ex quo-
Caîsar Tripolim Equitibus attribueras, ob fummam ajrarii renui-
tatem , hi, qua; deestent munitionibus, períicere non potuissenc^
Ea de re^^neobarbiinFranciam trajectione,Caesarem cerna*.
T 11 ij;
516 P -R.E U V ES b U III. 1*;0- ME
renî factum, omnibusqùe precibus rògatum fuisse, ut hujus locî
curam Ecjuitibus adimeret, ae in se reciperec 5 sed hoc eum ref-
poníum dedisté, Tripolim sine M élira fërvári non possè, atquetonias sainte m in alterius sálute consistetë : Equités /aut Melka
.excédèrent, aut utramquefustentarent. Postremò,perexcellens
Régis inEquités studiuni, 6c singularem benevolentiam, Aramo
rogatur^ utlabaiìtenjlâtquë inelinatam fulcirétmilitiâm:totoqueanimo insiste ret /ut ab ïtinerë ad hostes divêrteret, ôc ab oppu-
gnationeTrípplkanaeòsdeduceret. Quod si su o nomine adipiícínon
poster/id autoritateregia nkeretur. Hocôchonori sibi, ÔC
Reipublicaî Christiaiia; eommodo futurum. Ut Aramo heiií fui
iìdemtam intiméimplorari per ípicit,
eu jus insignemcharitáterrt
ergaeum ordinem paulò àmb ad còncilium pertulerat: etsimultis
rationibus ad ker instkurum tráhebatur, ne tamen Omedes querî
posset, taliternpore projéctum se & desertum fuisle /precibusaf.
sentit, & quantum gratia apud Bascianum valeret, seconaturunv
pollicetur :deque ea quod consequi poster, si celox ad hune uíum
rribuéretùr, quamprimùm significaturum. His rébus agi tatis, ac-
cepta eelace, ad Tripolim curíum instituit. Eò devectus, ternie
çannasi murales jam in terram expositas, fossasque duci cceptas,
quibus ha; sine perieuio ad muros producerentur.Non tamen se
abstinuitquin íummis preeibus, totoque ânimi conatu, ab op-
pùgnationis sententia Bascianum deducere contenderet, sed hoc
refponfum tulit, Equités /amiíïà Rhodp/fidem sitarn Solimano
obstrinxiste, contraTurehas arma se nunquarn esse laturos : sed
eosíprëta juris jtrrandi religiône, quum à Carolo Ca;sare Solimano
bellum inferretur, non folùm operam conferre, sed etiam ipso
.quiescente, quantum postent effieere/fuo nomineTurchismole^
stiam exhibere. Hos noviffirnë ad Africanum oppidum, magnum.
Dorguto incommodum attulisse : quam injuriam bello persequiSolimanus decrevisset : eamque ob rem maxime,claíïëm instru-
xisset, ut eos Africa expelleret : hujus non poste mandatum ne-
gligi. Aramo, quum propositumnon obtinuisset/in animo de-
sigit, nullam tèmporis parteniintermissa; navigatione, Solirna-
humeste sibiadeundufn ,ût ab hocimperraret quod. Legatus con*
cedere non porerat. Itaque à Legato petit, ut sua voluntate id
sibi lieeat. Hoc ipse abnuit, ôc paucorum dierum moram postu-lat /dum expectatur quis eventus obsessos excipiat, Aramo ípe
profectionis depulsos,quatuor à clastè. pastuum raillibus naves,
DE L'HI ST O IRE DE M AL TE,J^
suas promovit : atque ad nutum Bafciani, in anchorìs oppugna-itionis
exkumoperitur. Nostri ut conipiciunt operibus hostes ani-
mum intendisse, cannis fortissimo rem gérant, ka ut insolentius
progredientes, ôc machinas incautius proferentes, earum ali-
quibus effractis, regrediultra
pilarum jactum compelierent : ÔC
mediocri latitudine foffasagere ,: npstrisque obducere, quibus
tecti sine perieuio in opère versarentur, machinasque prompye-rent. Erat hoc eis non difficile , wquòd ôc Castro magna objectasit
planifies-, soli- arenacei , Ôc servprum maxima, copia va.
leanr. Hoc artificio, usus tormentorum, quibus omnia nostri
íperavissent, interik. Quin imò hostes efïecerunt, ut viis ça;eis
occulti, scslxcastrisuccedeiites, cannasmaximas sex ôç triginta/nullo suo malo, contra arcem collpcarent;t-tum: fuie ulquequaf
que n ostris iniq ua con tentip. Çastél li m u r u s c oemen t is lut p com*.
pactis constructus est : turribus ab angulis, angusto fpatioulterius
exporrectis , fabuloque -re-fertis congesto. Murum qupquevêtu-
stas sicafFecerat, ut ariditate lutum in pulveremdesinens,pe?nitus destueret : atque coagmenta lapidum giutino destituta dév
hifeerent, antequam Brachamondus eques Hispanus, hujus loci
procurationem adeptus, aiiimadversum vitium calée obduceret,
totumque murum dealbaret. Operibus perfectis v hostes hoc or<-
•dine in adversum murum cannas statuerunt. Duodeeim,eodem
tèmporis articulo ignem concipientes, unum omnes impetum fa-
ciebant. Mox, dum inanes referciuntur -,• sequentes duadeeim,
flammaparker comprehenfa, globos
ad eandem eontusionçm,
quam priores, eodem vestigio ejaculabantur. Protinusordoter-
tius hocexemplo erumpebar. Ita eveniebat, quum
nullapars
tèmporis à pugna intermkteretur, ut Ôc murum afstictum-m-u-
niendi, ôc omnino in eo consistendi facilitas eriperetur. Feeliei-
tate maximacontigerat,
ut quam mûri par tem hostes appâtèrent,ea ester fubstructionibus & aggere objecta firmiffima : quibus mu-
nkionibus, globi quum murum trajecissent, tardabantur. Acee-
debat, quòd globi, fupremumfoslïc labrum transvolantes, mûri
fastigium quasi ad amussim abradebant, tanta inferius altitudine
relicta, quanta ab imo íumma fostà; extabant labra : qua;altitudo,
quòd scalas non admktebat, nostris maximum solatiutn praîbe-
bat. Erat inclu forum in numéro , Provinçialis Çavaglionensis,
qui longamotus
ejus regionisconfuetudine , à ÇbristianarelU
gionç defeceratr& mercede janidiu nostrorum consilia hpstibus
Ttt iij
ptP R t vv B s Du III. TOME*
cfferebat. îríic feu loco timeret, feu pactione eum hostibus itâv
convenistèt, ad eostransfugit
:cognkifque anteacastelli omnibus
incommodis, quid in munkionibus perfectum non esset, quaque
muras attôntandus effet, hostibus enuntiat:illr hod audito, quò
is indicaverat vtormenta provexerunt. Partem indiciocognitanv
Principis habitatioimbeciìlam reddiderat j ha;c enim castri moe-
nia contingk, eundemque eum castro murum habet. Supremumdomus tabulatum, receptui Principis erat accommodatum. Cui
subjectumíjpatium,ufui cella; promptuaria; erat attributum : bine
siebat, ut nullis structionibus, aut aggesta terra, eaparsmeeniumfirmaretur. Ostendimus fumma fosse labraab imo solo tantium
exurgere, ut quum globi transmiffi murum ad librâm discutèrent,
ipsius tamen labèfactati summitatem fcala;producta; pertitigere
non possént* Hoc, ne hostium, mûriihfimisubruendi propofítUm
impedketvii j efïbsta quantum sibisatis este visu m est terra y ôc
egësta, usque eò cannas demiserunt j ut eertiffimè locum à per-
fuganotatum
attingerent. Intentos operi tegebatfossa; paries
ôlim à Ça;íàriánis âdveríò castro tranfductus, ut arenas in fossam
prpstue^esjsssteretyhie
paries,ut
ignis cannis admòvetur, de-
jicitur ^ & ad muros globi perveniunt, eofque brevi tempore per-
fpdiuntipar^^ , celteque te-
ftudine muro, innitente aggravata, frequenti commotione ccepit
prpciimbere. Huie perieuio quum nostri milites nullum 'reme-'
dium invenirentvtantus eis timor, rantaque animi perturbatió
incessit, ut palàm ôc apert£yprojectis armisyab officio discede-
rent : & spemextremam klutis in deditionis subsidio collocantes,
ita per honestislimos fuigeneris inter se eolloquerentur, debere
seijSuelàlutisrationemhabere: quoadlieuerat, sefatisofficio fe-
ciste i re yerò cseípearàtaÔC perdira, non eis esse succensendum, si
sibi consiliuïn caperçnt. Cìaípar Valerius AUpbrox, vir à prima
pubertate,ob animi
proestantiam perpetuamque vitas fcelieita-
tem, ab Equkibus maximo in honoresemper habirus, ôc
prop-terea gravi hoe tempare, eastelli
imperio prafectusfuerat. Is re
€ognita,adyocatasàcerdotej mtemplum eoncesserat, utconfe£
fionis religiprie eonfeientiam íiiamexpiaret,
ôc inde fecurius pe^riculum iníret, suoque exemplo milites in officio contineret, inv
hoc oecupatum nonnullï eorum qui inter milites primastenei.'
bantinterrumpunt. Exponunt, milites sic animis cecidisse, uc:
f ristiníB virtutis immemores v neque vi, neque pudore retineili
©E t'Hl ST O I ïtE DE MA ttE.jï|j
potuistent, quominiíis murum eustodiis vacUum contraimpíeriumj
deseruissent :eórumque rem rediistè, ut servi quatuor Y eatenis
vincti, quà murus surïbssus erat, ad hostes transfugiflent.
Valeí
rius rei iniquitatè permotus Equités accérsit,apUdquos íè in tan*
tis malis derelictum querirur, ac de salure eommuni orat ôc ob-
secrat, ut operum aliquam rationem instituant/quibus averfb
perieuio milires secolligerent ,ôc ad dimiçandum animum reci*
perent. Poësius Franeus, maximi vir animi, uíu rerum ÔC tem*
poris pracrogativà ca;teris anteibat. Hic proíòeiis vérba facit /
ôc inilkibus contumelipsis vocibus castigaris , quòd tatst leviterí -
animadefeeerant, ostendit rem non ita
pròflrgátam esse, si ad fe
redirent, utípes nulla salutis fuperessét. Inde àdvënire se , quò
esset iliatum damnum : cellam promptuariam v quam vis magno
labore, ckò tamen refici poste, si studium adhiberetúr : ÔcfórV
nieem, çujus casum pracipuè fbrmidarent, atìeribus ôc lubneis
fubjectis sufïulciri, dum ceila compleretur.P rieterea turrim non»
ëlpnginqup ad eam partem ípectare, qUa hostibus estèt in arcera
invàdendum. Inde ad fornieem foflam ducere liéere/Ôc hanc
ab labris vallp ihtercludere, neproruentes hostes se di^nderent-s
fed conferti, ôcintra fosse angustias coacti, ad tur^tóré%àper^;venirent. Hue, si quicquid erat tormentòrutn, eastf^fíè^r ;Hôç;
in ad ver sos hostes o bjiceretur, ce r tiffi mo foreàà eos propulseni-'
dos remediò. Quinetiam si ad iplas muriruinas -resgerenda estet^
virtuti tamen locum non defbre : quòd quandiu hostes eum nofir
tris manum conférèrent, eorum eannaî àpugna íupérfédèrent,/
ne utriqué pariter protererentur. ©énique pr&starè /larlitér p*u
gnando,vira eum honore defungi, quàm hostium erudêliffime**
rum arbkrio dedkos, ad íupplicium fummóíquecruciatusi trahi/
In eam sententiam , hoc, Equitum, fuóque nominepròfitetur,
sise milites ad pristinamalacritatem revòcárent"; Ôc Equkibus
Î>ugna
defeffis vellent íuccedere, sese primumhostium impètum
aturos. Hune dicentem arcisArgozilusHispanus,
maxima; in>
ter milites autoritatis, interpellât, Prancorum ôc HiípanorumV
longé diveríam esse rationem : Francos amiciria ôc feedere eum
Turchis conjunctos, quibufeum bellacontinentiâ Hifpanisinter*.
cédèrent. Item quotquot estent castro eonelusi ^îifpanos,aut
aliundeex Cx.saris este ditione, paucis exceptis Francis, quibus
regia; naviîs hostilibus admixta;profugio paterent.
Ea fiduciay
pocfium hanc animi pra;sentum ostentare?sed Gíefoxiani* ter«
fï<s PREWVES cu III. TOME
tam effeperniciem paratam,nisi tempori sibi prospicerent. Bre-
vem este consulendi occasionem , quum usque advesperam mu-
rus stare non postet j nisi hostespugna;
finern facerent. Quòd si
vel diutius óppugnatio fustineretur, ípetamen auxiliorum mili-
tibus adempta, hostibus tandem cedendum este , atque invitam
deditionem subeundam. Aslèntiuntqui aderant Equités Hispani,Tribunus militum ôc Quacstor : quíque militum nomine conve-
nerant. Quibus iratus Poësius, convitiis Argozilum prosequutus,à concilio sefubducit : arque , Agite, inquit, Equités ut lubet :
hac certè re calamkatem meam consolabor, quòd me militia?
nostra; officium integerrimè praesticiste affirmare potero. Hune
reliqui Franci, ôc unicus Germanus, qui eum eo advenerant,
consequuntur. Eorum diseestu his de rébus agitur liberius. Qua;
Argozilus proposuerat, plenius ôc uberius repetk : ac tot viro-
rum, foeminarum ôc puerorum perieuio Valerium ad misera-
tionem cohortatur : quibus omnibus, si castrumirruptione ca-
peretur/miseramservitutemautmortem crudeliffimam pati ne-
ceste ester. Dum adhucaliquid spei restabat,ad aliquam com.
positiofïis xquitatem hostes adduci posse : qui, si expectaretur,dum radicitus murus convulsus essec, nulla erant posthac uíuri
pacisconditione. Valerium Poësii oratio anxium detinebat, ÔC
à concionis judicio distractum ad pugna; cogitationem revoea-
bat. Sed eò aerius commemoratione periculi, ex militum metu,à
perterrkis urgetur.In eam occasionem dux novorum delec-
tuum dejerat, sua; non este porestatis,ut vel unum ex fuis ad
mûri custodiam adigeret. Qua periculi repra;íentatione Valerius
adduckur , ut mktendum esse puter, qui murum dirutum, qua;.
que de operum ratione Poësiusdifferuislèt,diligenterinspiccret.
Huic reiGuivarrus Hispanus pra;fickur,cui propter acratem , ôc
rei militaris ícientiam milites plurimùm tribuebant. Is refert
damnum opinione majus acceptum esse , neque contra talem
tormenrorum impétum , ad nodem murumposte consistere :.
longumôc impedkum sibi videri quod Poësius. ©stenderat. His
in concilio agkatis, ut jam omnia Valerium deficere viderentur ,.
hune impellunt,ut è muro facta significatione, hostes ad collo-
quium evocenfbr. Accurrentesinterrogantur, an liceret obsell
sis ad Bascianum decompositionelegatosmkrere. Dumaffertur
responfum ç de conditionibus deditionis in conciliodisputatur^
Hic tandem omnium íententiarum fuit exitus, si omnibus ad
unum
DE L'HISTOIR! DE MALTE: 4 $itunum pax esset, atque incolumibus excedere concederetur, ôc
ad transmittendum naves attribuerentur , castrum relictum iri.-
His eum Basciano tractandis conditionibusHif^aniduo delegan-
tur, unus Eques, qui suorum nomine promitteret : a-lter Guivar-
rus^ cujus fuprà mentionem habuimus. Hifacta pòtestate , ad
hostesproficifeuntur, quoeque habeant mandata,exponunt. Bail
cianus his audkis, haclegequo cupérent se defeensurum este pro--
nuntiat, si de omnibusimpensis sibi satisfieret. Legati multis ra-
tionibuspropositisr quibus sumptuum rationem non habendam
este contendebant, expenías restitui posse negant rquumque Bas-
cianum minime moverent, re infecta ad castrum se référant. Hos.
Dorgutus Raisius conspicatus, vana delufos ppHicitatipne remo-
râtur/dum à Basciano rediret. Ad quem quum se cantulistet,,'
mpnet ne íuaíponte deditionem maturantes repelleret,eisom-;nia libéraliser promitteret, ôc quum sibi liceret, ad libitum con-:-
cederetrne à praecïfa ípe misericordia; ad animi fortkudinem
(récurrentes, ultimam necèffitatem experirentur. Murorum ma^
gna jam parte dejecta/si reiiquam labefacere perseveraret, ca--
ftrumexpugnatum
maximo labore refectum iri y ôc periçulun*
fore, ne post claffis perfectionem , ejus restkuendi- facultatenv
Caeíar prasriperet.Hac monitione, mutata, fententia, Bascianus
tegatosrevocari jubet. Reverses verborum illecebris irretit.,,.-"
ut credant Salaraisio ôc Dorgutofe remisisse quod dé
fumptibus
reprSKfentandis antè constituera* : atque horumgracia, quam ob-
seffi pacis eonditipnem obtulistent, ratam habere :utque magis-
falleret, vanam jurisjurandi religionem per caput heri Solimani>(
dictis adjungit, atque in fraudem illectos ita dimittit. Hps co-
minus infequitur homo inter Bafciani domestieps exquisitusr
qui Valerium advoearet, ut cura Basciano de návibus pro eapi*tum numéro proeparandis transigeret s quòd si Vaíerius haesitarer ,v
atque egredi dubitaret, affingeret exquisitus ille, se obsidis loco-
remaníurum : intérim singulorumobservaret yultus, quid fídu-
cia; pra; se ferrent. Introjnislus, Valerio-legationem expenit, &
cunctanti verbis assert confidentiam, ac de Basciano docet non-
este metuendum, ne promissonon satisfaceret, quum fidem ju-
rejurando per caput heri astrinxistet, quod ei nationi omnium,
gravissimum & íanctiffimum esse solet. Sumptoad respondendum.;
ípatio, Vaíerius rem ad concilium désert : varia; dicunrur íenten—
tia?: hue tamen omnium fpectabac exkus,ex tèmporisôc rerumv
Tome 1I1„ .'
V u.a.
:jfU" * PREUVES DU IIÏ. TOME
iniquitate consilitjm capi oportere. Eò calamitâtis íe redactos
este, ut hostium manus effugerenon postent, sed eorum navibus
sibi este transmua1um. Itaque prasstare uriius
perieuio experiri
quideffet in eis constantia; ôc fidei, quàm expectare dum univeríì
potestatemfiai faeièntes fide non
fervaca;,périrent. Eos, homines
barbares, iracundos ôc supèrbos esse. Si Vaíerius adeoìloquium.
invitatus prodire recusaret,hoe oeeasionis loco fumptum irifíJ
dei yiolaiída;, eui credendum este non duxïstent. Secundum ha;ç
Vaíerius difôrimini se commktk, Ôc Eqúkemex domesticis via?
eomitem #eiíck, ut si quid contra/ fidem accidistet, perhune
reliqui fëcti cërtiorés si^ Quem obsidis loco rjeti-í
nèré pptêrât, fìoluk j ut niajorem fiducia; significationem ederety
Sed ubi ad Bafciani tabernaculumappropinquarunt, pra;çuîrrit;
ille, ôC enuntiat, unde veniret, omnes este perturbatos :ut quumvvultu metum non
tegerent,non fuerit judicare difficile, eis vi4
4eri nihillongius, quàm ex quibus premerentur angustiis eva-5
dere :siBafeianuspergeret, quaçeuperet, omnia coníequuturum»
Hoc intellecto Bascianus, Valerium acri excipit objurgatione*
quòd in tantumcontemptum ipsi venisset Solimani elaffis, ut
instar alicujus stabuli eastrum contra hane armis tueri in animo
habnisteti hoc eum facto extrema omnia commeruiffe : verum*
tamen si fumptus qui in castelli oppugnatione facti estent, re-í
penderet,ipsi ignotum iri; id si non faceret, óbsessos impensa-.rum loco haberi oportere. Hoe edicto Vaíerius perturbatus;
pactionem initamproponit, fidemque sibi dâtam rèquirit : cujus
si Bascianum poeniceat, ut rem infectam esse velit, hoc se con-
jtentum esse, sibi modo reverti liceat, unde fide publica vocatus
advenerat. Hocei negato, oegrè permktktkur, ut via; comkem.
&é fuos remitteret rei nuntïanda; causa :quo misso,ipsead
naves
cradùckur, ôc in vincula cpnjickur. Qua re per nuntium eoghita>
varius obseffis inceffit dolor. Quumque non satis animo comple-
cterentur, quò se à tamrepentina ôc acerba ealamkate averte-î
rent, luctu ÔC querelis diem confumentes, fui muniendi diligent$iam omittebant :
arque ab Equitibus milites incitati vexatìque
iconvitiis, desixo ad terram vultu, fientes in tabernaculis eum
nxoribus ôc liberis abditi, suam perniciem miserebantur :neque
•ulla ratione obtineri potuit, ut ad dimieandi propositum ani-'
Pïurn adverterent. Postero die, prima luce, idem qui nuntium
l^faiíssum attulerat \ ad hostes remittitur, ut intelligerecura»
DE L'HISTOIRE DÉ MALTE. 523?.Bascianus de durkia quicquam imminuistèt : simul Vaíerius à
Basciano accersitus interrogatur,an probaret diei superiorisedi-ctum de obsidionis
sumptibus reprassentandis, Cui Vaíerius capitísdiminutionem objectans/ostendit nullam se poste sententiam di-
cere, nisi quam jussus esset, feque eum libertate castri pra;fectu*ram & imperium amisislè, parvique referre, Bascianam sanctio-
nemprobaret,animprobaret,quumamplius nullus fui refpectus
Kaberetur : si tamen adhuc sibi quicquam juris reliquum ester,
ìmpellise
nunquam posse, ut censeret aut íiíaderet aliam dedi-
tionis legem fubeundam, atque tegatorum pactionibus conve^
nistet. Ne ha;c fententia; constantia ad obfessos perlatà, eos ab*
instituto consilio deterreret, remque ad pristinam belli rationem
revocaret, pauca Bascianus eum fuis eolloquùtus, eadem usus si-
mulatione de omnibus liberacndis, liuic dexteràm prehendit,.
arque arridens : Nunc, inquit, extrâ omnem exceptionem , pollii.
cita confirmamusrdiuturna obseffipne, ôc animi íuspénfîòne lan-
guentes tandem ad libertatem evoca. Vaíerius femel deceptUs T
fluxa; fidei parum credens, hane in se provinciam non recipit,,íêd vocato incluforum nuntio:Huic, inquit, hère, qua; jubés,,.
pra;eipe, imperio fortuna me dejecit. Quod ergo per Valerium-
facere non potest Bascianus, per nuntium exequitur. ïllos ad-
vocat, eisque nihil nocitum iri fide íuaestè jubet, atque per ca-
put Solimani dejerat. Nuntius hac onustus vankate, adsuospro-
perat, ôc nuntiumeffundit. Hoc audito^metu se militesexpe-
diunc, ac lanitiagestientes exitum parare ineipiunt. Quumque
Equités consideratius exitum fieri oportere pronuntiastent, mi-
lites quicquid tèmporis intercederet, hoc libertatem suam mo-
irari ôc impedire arbitrati, cpncursu ad portas facto , éonferti
eum uxoribus ôc liberis, castro se précipites agunt. Hostes tur-
matim ante portas diípositi, ut emigranteséxciperent ôc depra*-
darentur : id fàciunt, omnibuíque rébus, quas quiíque chariffi-
masabstulisset,expoliatos, praedoelocoad navesabducunt. Mau-
ros ducentos, qui, ex quo tempore Tripolim Equités adeptifue-
rant, ho rum fidem semper erant sequuti, interficiurit 5 parsEqut.
tumexpoliata,
ad Bascianum deduekur, reliquis ad naves ab-
reptis : quibus visis Vaíerius Basciano fidemobjick
:íed hic cuira
canibus fidem se non colère refpondet: tamque sibi liberum esse-
promislanon exolvere, quam illis fidem Solimano Rhodi jura--
tam fefellisse. Hostes eastro potiti, acclamàtionibus, fuo moie^,
Y u u i%
fi4PREUVES DU IIL TOME
ôc cannarum strepku in ca;lum editis, victoriam concélébrant;
Hue Aramo accedit, ôcEquités
humiprostratos inspectans, mi*
fericordia commotus, ad Valerium procedk , eumque quibus
potestver bis ex tempore confolatur. Hoc peracto, fidem à Bas-
ciano violas am intelligit, Ôcobnixè rogatur, ut ab eo contendat,
si fidem intégrénon servaret, numerum tamen à se prasferiptum;
impleréf. E ducentis, quibus initio pactionum ultrò roiffionem
fòoponderat, perpaucos vinculis exemerat. Aramo huic opérant
iuam professes,ad Bascianum se confert, narrât qua; de fide non
servata Vaíerius opponerer. Hic item fide ab Equitibus SoUma-!
nofracta se protegk. Vix tandem obtinetur, ut ducentis catehaï
demerentur. Quin etiam ut ad Gosiram factum demonstravimus/
senio eonfecti, ôc ad rem gerendam inutiles absolvuuntur, Equi-
tibus Hispaiiis asservatis, aliquot Francis adolescentibus ádmix4
tis. Qui ut vineulis solverentur, peeunia Bascianum Aramo ex-
pugnavk, atque illos solutos fuis navibus impofuit. Ad portus in-
troitum, mediperiab arce intervallo, olim Gefariani posturbem
i fe captam turr-im Cxekaverant ^ ha;c uni ex Francis Equitibus
trigintamilitum praesidio eustodienda commiffa fuerat. Hostes/
Castro potici, hane etiam quum expugnare pararent, ad eaídem
^rtes, quibus Valerium fefellerant, confugiunt$ sed is eorum fi-
4ei mimmè confises, rem confultò tractandis conditionibus ex-
trahit, dum naviçulam nancifckur, in quam univerfo contuber-
nip impófito^ad ArampnisNnaves perveniret. His rébusgestis,
Aramo facta poteííate, naves folv^t, Ôc Tripolis reliquias Meli-l
tam trajick. Harum appulfu ,'cafu Tripolis cognitp, ôc cumGo-
siranqrum pernieie collato , Omedes animo graviter laborare
çcepit t'ôc rationem inire quo modo iis de rébus Caefari se pur~;
garet,ut cuipa vacare crederetur} hune verò qua; ange
bat ratio
potissima erat, quòd annis superioribus , quum relatum estèt/
Caeíar, te nolle Tripolis custodiam Equitibus remittere, indictis
ÔC peractis comitiis íolennibus, omnibus cautionibus sancitum
fuerat, ut reliquis curisposthabitis,
in unamrem Tripolkanam
incumberetur, ôc statim ac per opportunkatem liceret, eò mili-
tja transferretur : intérim quotannis Equités quinquagintatranf-
initrerentur, donec ad universitatem deventum estet : quod ta-
men Omede prohibente fieri non potuerat : Pontifias maximí
bénéficie cpneessum est militia; principibns, utsingulisquinquen-;
$jis? eujusque provinciíedéfiniras
posseíïïones vacuas, quibus yi-j
D E L'H I S T O I RE DE M A t TE. Ji Jfam sit commendare/ôc ab eo qui fuerit auctus ea liberalkate ,
anni unius proventum exigere. Hac tamenlege
id est impetra-
tum, ut exactampecuniam
ex aequo Prineepseum serario par-
tiatur, ôc arqua pars in castrorum munitionibus collócetur. No-
yemdecim provinciis militiam constarepîaiïum est, triaque post
initum principatum quinquennia Omedi aírluxisse, quibus ôc rem
suam familiaremgenufque
auxkampliísimé, ôc facukates magnas
asrario fráudato comparavk, domumque avertit. Ei rei Tripoli-:tana; munitiones magnum impedimentum attulissen.t : sed ne/
Casser , ipsi Tripolitanum excidium ascriberesj hoc ille modo
prascurrendum esseputavit. Familiaribus aliquot nominàtim evo-
catis, ôc in cellam a;dium occultiorem retrusis, quòd aliis prae*
sentibus sermones fuos jactari nollet; graviter apvid eos factum
fuum queritur, quòd Aramonis animo non ita probe sibi perspe-cto ôc cognito, hune tamen ad Turchas allegaíset, qui tametsi â
militia; rationibus alienum animum non gereret,erat rìihilomi-
nus fola pra;sentia deditionis caulàm prasbiturus : quòd inclust
navium ejus subsidio confisi , erant eontentionis pertinaciâm ôc
studium deposituri. Quin etiam credibile esté, Aramonem sua;
gentis feedere eum Turcharum natione/rerumque communica-
tione follickatum , Valerio Franco defectionis autorem fuiste /
atque ita ejus alacritatem repressistè -y(cujus torpore ôc târdirate
milites adducti, ad deditionis conditiones defeendistent ) hoc
percontationibus elici & feiriposse. Etenim omnibus mirum v>>
deri quinque omnino diebus, quibus eò ventum sit / arcem vali-
diffimam expugnatam este. Hoc feu diceret, quòd fraudem ad-
mistamessecrederet, feu verecundia ductus, quòd despectocon-cilii judicio mature Tripolis perieuio proevertere récusasses\ quó-
niam compertum non habeo, pro certo ponere nolui. Qui ei ser-
moni intererant, ut se affentiri comprobarent, de suo quisque
addit, qua; ad rem pertinerearbitratur j denique ratiocinatio-
nibus in multam noctem extractis eoncludítur, in Valerium qua;-stionem decerni oportere : sed hoc negotium in Aramonis dif-
cessum este differendum : intérim dum ipse navibus portum oc-i
cupat, clausis castri januis totomuro custodias diffundi,nequídclàm eum Francis commolitus , ex insidiis castrum occuparet.
HÍCC occulte structa technaserpere ccepit latíus, atque alteri ab
altero quasi permanus tradita certo autore occultato, quum
plures autores este viderentur, ac de suo. quisque sempçr aliquid
y uuiij
p6PREUVES DU III. TOME
adderet, sic aucta est , ut castri muniendi causa ànimo dislìmù-
lato magnus postridie ad Omedem Equitum ôc militum fieret
concursus. Ha;c ad Aramoiiem amicorum indicio per vénérant j-
is tamen animi confcientià ôc domestico fretus judicio, in conci-
lium se conferre délibérât, ut redderet à se fuscepta; pròcura-tionis rationem. Adeuntem Omedes magna hominum frequen-tia excipk/ôc juxfa se aífidere faeit. Tum Aramo exponit, ut
fuprà ostendimus, de Castro expugnando qua; Bascianus a Soli-
mano mandata habuisset/ôc , ut hune ab instituto dedueeretr,
quantum ipíe coriatus eslet : quidve résponsi abstuliffetj deinde
ejus perfidiâmemorata i aflerit se omnino astêqui non
potuiste,ut alia
lege, qui in vinculis erantEqukes, abíolverentur, quàm
úttriginta, qui ad Mélitam interceptì fuerantTurchâ;, itidem
libertate donarentur : cujus i?ei âValerio promista; Equitum prë-cibus fidejustôr extkisset. Proinde rogare ut apud se bona fide
deponerentur, ne Bascianus dé eo quëri postèt : multa ad dit ád
Equitum excuíationem, debilitati loci eulpam calamiratis atrri-
buens. Qua oratione suam indiligentiam tangiGmedes fufpi-
catus, paucis, ôc subfrigidè agit ei gratias, ôc confestimfpe
re-
cipiendorum captivorum repellit ad Valerium Ôc íocios hac ex-
eufatione rejectum,quòd captivi prâ;da eorum estent, à quibus
captafuerant : nec aliter haberi eos poíse, quàm pecuniâ redem-
ptos. Misso ad vesperâm concilio, qui pridie secrèti fuerant par-
ticipes, in conclave ab eo sevoeantur j ubi de suspicionibus ôc ra-
tione perficiendi plenius agkur ôc liberius : sed dé Francis labo-
ratur, qua arte câpi poísint, ut dolos non sentiant j hoec enim
natio numéro plurimùm valet, qua; si illorumproposito advería
fuistèt, magnam difficultatem attulistèt. In eam rem hic muni-
tur aditus. Hominés idonéi deliguntur, qui viros primarios sin-
gulatim prensent ôc doceant, nisi in dedkkios summa severitáte
exemplumederetur, quantummilitia; dedecus állatura esset Tri-
polis deditio. Francorum nationem sic semper meruisse, ut nul-
lam unquam ignominiam fustinuerk. Nunc veròmagno Reipu-
blica; Christiana; dëtrimento accidisse, ut qui Tripolis imperiunl
obtinébat Francus, rclicto loco sibidemandato, ab hoste voca-
tus:quoex facto arcis deditio sequutasit. Quum in primislaudi
studeant Franci, eorum este hoc acrius instare, ut causa cognira
de eo statueretur : ne ea parte neglectáaut impedka , admista;
turpitudinis confcii fuiffe crederentur. Rem coneionís árbitrio
DE L'HI s TOI RE DE MALTE. py
îpermktere, unicnm ad omnem tollendamsuípicionëm este re.
médium, ut si neceffitate, quod quidem credibile est, locum des
sertum fuiste constitistet, desertores optimatum fehtentiis abfel-
verentur. His rébus ita concinnatis, primùm invaduìitur aulici,
quòd Omedis gratiam pra; ca;teris omnibus, rébus sectari Crede-
rentur; hicapti laudis imagine, ôc pollicirationibus cireunventi
flectuntur, utípe principes fore ad Valerii noxanípersequéndam
profiteantur. Qui apúd eum ordinem Frameprum nomine appel-
ïantur, diligentia; laudemreliquis prasripiunt, procurant ut suo-
rum prpvincialium concio indicatur. Quùmque permulti cpnve*
nistènt, ôcprinceps eorum non adestèt, quasrkur à senioribus quo
impulsore,ôc,qua de re coivistènt. Ad hoe quum nemo reípon-
disset, re infecìacongregati, dilabi è concipne inçipiebant :sed
illi qua;sita ôc illata causa recedentes recihent, ôceasteros festi-
vos, ôcjocis intentos,ut cujufque natura ôc ingenium ferebat,ad excidii
Tripolkani mentionem convertunt. Commëmorane
edicTioprincipali statutum este, ut uni versa; pravincia; generatim
cogerentur, ôc unaquasque certum quempiam deligeret, qui Va-
lerium Tripolis desertoremadfupplicium deposceretj non sibi
committendum esse, ut postremi ad eam rem fuisse dieerentur,ne desertionis crimen
protegere viderentur. Hocuniversi non
probant,quòd accufationesejusmodi ôc expostulationes adacto*
rem publicum potiuspertineant j estetqueadhucinaudkum» Equi-tés suo nomine eo munere functos este. Hue tamen vario sermone
pervenkur, eligi certè poste, non qui actoris partes impleret, fed
qui ab Omede postularet, ut Valerium in concilio causam dicere
cogérer, cur hostibus ceffisset, locumque dereliquistèt y hoc qui*dem fummis precibus Valerium contendere, sed ei minime réf.-
ponderi. Rem novam non temerè tentandam este : Francorum
hationem ab omni criminis suspicione; semper integram extitisse:
quam laudem nonomnesreliqua;nationes possentufurpare. Rho-
dicontigisse, ut ex Hispanis
unusprodkionis insimulatus,eòque-
nomine damnatus , pâmas daret j non fortasse fore omnibus in^
jucundum, Francos fama; jactura Hispanis exarquari : secundurrt.;
hane fententiamsuffrages adlegkur qui deliberara ad Omeden*
perferat. Hoc ille audito Francorum diligentiam pluribus extol->
lit verbis : verum id negotii in Aramonis discestumprorogat.
Aramo rem frumentariam expediebat, cui rei insumptatridui
mora, ab iniquis dicebatur consultò tempus extrahere , dum
jiS PREUVES DU III. TOME
Turcha; adventarent, ut rem Melkanam eum Tripolitâna con*
jungeret. Post ejus profectionem, Omedispra;cepto , nationes
generatim congrégata;, singulos accuíatoresnuncupant, qui de-
sertionis crimine Valerium accerserent, ôcpeenas expeterenr.
Hoc autem causa eognita fiefi, petentibus Francis, Octavii Fer-
nesii exémplum de Colorgna; arcis prasfecto opponitur j quem
post âreem amistanr Fernesius ad suspendium indicta causa ade-
gerat. Auditis omniumexpostulationibus deeernitur, ut Vaíe-
rius, ôc qui astènse eonsilium ejus coroprobastenr, causam dïce-
rent è vinculis. Qua*stioni tribus Equitibus nominatis adjungitur
Augustinus CombusMelitensis, quem ex infima fortuna ôc v|li
plèbe ad honestumdignitatis gradum Omedes evexerat. Qui
actorispublici officio fungeretur, ôc in reos testes eonstitueret,
aç delegatos instigaret, ex Omedis animo conquisitus Hiípanùs
píoefiekur. HoC urgente Vaíerius in vincula conjieitur, Caeíaraa;
ditionis Equitibus armatis undique confluentíbus,- ôc nespicula.
tòris manus efFugeret, simul carceri custodes admoventur.Jam
non utprius ulla modestia j sed aguntur omniaraptim atquetur.
batèrpalàmque Vaíerius proditionisinsimulatur. Franei, etsi hane
in se calumniam cudiperfpiciebantj
armis tamen jus íuum exe-
qui nolebant : ne diceretur eorum conrentio hue spectaffe, ut res
examini demandata ôc permissa, testibus non conficeretur. Cum
Piglino Italorum duce vêtusVillagagnoni intereedebat amickia;
neceíStudo. IsPiglinus, quòd a;re âlienoplurimùmpremererur/
militia; legibus à dignitatibus arcebatur : reque in controversiâm
adducta, quem nunc tenet dignitatis gradum, ab Omedis libe-
ralkate acceperat j ob qua; mérita ôc ei plurimum fidit Omedes,ÔC propter
amoris afsectum plurimùm tribuk. Villagagno anti-
quam íuam consuetudinem satisestëcauíà;adeumadeundum ju-
dicans, docet quàm insolenter, quantoque seditionis cum peri-euio
gestares estet : vifos fuisse qui non solùm Valerium malè ha-
berent, sed etiamRegem, ejusque Legatum probris estent inse-
ctati. Hoc quoniam est ab omni ingenuitatis ôc honestatis officio
alienum, priusquam resmagisad perniciem inclinaret/ab Orne-
dereprimi
debere. Quùmque apud eum graria tantùm poster,
eumque amickia; locum teneret, petit,ut pro íuain Francosbe-
nevolentia, ôc publica concordia, in hane rem, suam autorka-
tem interponere nongravetur. AfFerebat insuper Villagagno
multas fui judicii rationes, cur in Valerium décréta improbaret :
quarum
DE E'Hisfoio DE MALTE. 519
iquarum h«c erat justissima. Quum castelli infirmitas militibus
ri m o ris causam pra;buifíet, atque hinc accepta calamitasprorsus
emanaret, tamen in Equités, quibus ad virtute'm nulla res defue-
rat, omnis ignominia intactis miliíibus devolveretur, pííêstàre ,utut res éstèt, sic evulgare, quàm Equitibus, viris fortiífrmis,la-bem turpitudinis immeritam inurere. Etenim munkionis imbe-
cillitatem Ôc vitium, a;rarii tenuitate Ôc paupertate èxcusari, at
ìnjustam Equitibus maculam elui nunquam poste. Neque etiam
accideret quin PrincipumChristianoru m aniroos in
Equités hoc
factum irritaret, Régis prîecipuè: quòd sibi fuseque genti perça-
lumniam ôc frudem tantám infamiam irrogàri graviter laturus
ester . fimul Caìsarêm, qui suo nomine jamFrancosodisset, per-fídia; delationibus aurem libenter aceommodaturum , eaqueoblata causa pdio majore in eos exarserum. Quorum principumiracundia , ut erant militia; res inter se communes ôc confùíà;,communi quoqùe damna erat omnes pariter affectura : néqueuni
partinoceri
poste, quin id alterius fieret incómmodo.Piglii
nus, ubi amiffi castelli culpam in desidioíâm ôc inerrem admini-
ítratiortem, aut peravaritiam opéra negaraaverti sensit, hoc teu
lum in Omedem intendi conjectura colligensiraeundiam non
tenuit. llluin quoque veteres inimicitia; ex judicialis controver1-
sia; molestia suícepta; incitabant/Post Rhodi cladem , usqueadOmedis tempora triremium
imperii summáad Italosreípexerat,
ut diutina posseffione, quasi suo jure hoc honoris sibi vendicárent :
atque vêtante & contradicénte Omede quaesitum este defende-
rent. Re ad Pontificem delata/multis uìtrò citròque cxpositisrationibus
agente Valerio, Ôc Roma; ob eam procurationem con-
sidente, Itali causa ceciderunt 5 hujus diligentia; memoria ôc in-
commode Piglinus vehemeutius incendebarur, ôc hactèmporis
opportunitate fpem doloris ulciscendioblâtam è manibus amitti
dolebat, ut in has voees ferrétur-: Non, inquit, eiculpar, cuitu
cladem impingis, sed uni Valerio acceptam feras. Tum apnd suos
glorians : Nos Rhodi murospenè dejectos, urbe etiam capta di-
midia, objectis- tamen cratibus ac paucis fudibus animo infracto
defendimus : si sie faciendum Vaíerius' sibi proposuistèr, nunc
tanto nostro incommoda hostes castro non potirentur $fed bic
nonnulla fpe fretuSj hostem ad colioquium afcivir, ôc fórruría
pugna; non tcntata; turpiterse dedidit. In hune animadverrine-
cesse est, siGacfarij ad quem maxime pertinet cladis incomrïw».-
Tome lli: * }£x'Xí"
53o PREUVES DU III. TOME
dum , ve-limus este purgati, Huic refpondet Villagagno, quód
Rhodum penè everlam, fortissimè tamen de'feníam este objecta-
ret : ea re militum-, virtutena ôc animi constantiam patefacere. At
Equitibus ad Tripolim longè*alker evenistè, qui â militibus der
stituti, vix ad rriginta redacti, hostibus pares este non potuistènt.
Quod verò de satisfaciendo Cassari fubjieeret,âse non irnprobari,
si modestia ôc a;qukas adhibeatur : sed insontem pro noxio pce-nas dare, aut
qui per ignaviam ÔC animi imbeeiìlkatem ofren-
disset, prodkionis crimine damnari, rem esi^imprpbi ôc iniqui
judiçii: atque adeò hocinjustioris, quòd éx Aramonis Legati
praîsentia conficto criminé, Régisquoque optimi/optimèdemi-litia meriti, existimatio laederëtur. Hoc responfo Piglinus
èxcán-
defeens, ad jurgia se epnfparabat ; cujus rei vitanda; c;ausa inde
Villagagno se subduxk. Jamrumoribuspercrebuerât JuliumPòu-tificem & Cajsarem junctis copiis Parmam ôc Mirandulam objsi-
dere, atque Henricum Regembello lacessere /hinc occasionem
nonnul11 captantes quoquo versus dimiísis litteris, exponuntAra-
monem Franeos Tripolim imperio pra;fectos corrupiste , ut ex
eonvento Turchis arcem proderent : ipfumque postea Mélitam
rediisse^ ut hane similem ad casum adigeret: Omedem de prodi-
tpribus supplicium sumere conantem, à Francis claufum ôc ob-
feffum teneri. Ha; littera; invulgus edira;, maximi ad odia in
Franços exckanda momenti fuerunt : adeòque res processif, ut
per imperii provineias, Franeum aliquem dici, ad suppliciumJatis este causa; crederetur. Eas imposturas fòvebat judicii in Va-
lerium costituti formula. Omedes gravibus poenis edixerat nequísante sententiam pronuntiatam pro Valerio
fupplicaret,aut ejus
causam ageret: sed in eum
cujusque generistestes admittèrentùr,
neque ullus essetfamacreípectus. Atque ut major essetadstrueri-
dam calumniam licentia, violatis iegibus, obtinetur, ne dicturi
testimònium reoprasfente jurare cogerentur,
neve lato teftimp-
nio revoearentur, ut idrepeterent atque confírmarent. Praterea,
jsiquis, quòdcum eo
privatas gereret inimickias, aut alia causa
à judicio Iegibus arcebatur , ille de hocfupplicans, expulsis ta-
men propter benevolentia; opinionem nonnullis , rejickur. His
rébus actor publicus confirmarus adfacinus audendum impelli-tur. Ex omnibus qui Tripoli fuerant exportati, paucorum egen-tium ôc perditorum delectum habet, eofque doctos quid pro te-
ÍUmonio dicendum esset, pollickationibus ad id ferendumper-
D E L'H ISTOIRÏ DE MAITL- 53tìicif. Domìnicus Cubillanus, Hispanus, cui aliqnando saisi dam-
nato brachiis post tergum religatis pra;cipitii pcena erat irrogara,testis cooptatur j Vanegaskem Hilpanus, quiabjuratareligione,filios matrimonio fufceptas vendiderat. Praeterea cannarum ma.
gister, ad hostes transfugiensex itinere reprehenfus, eoque no-
mine condemnatus, Valerii clementia mortemessugerar, aiiique
ejusmodi aliquot ad testimonium dieenduin coacti-, affirmant-les-
nunculo noctu ad arcem appuifo, sécréta coìloquia cum Valerio
Turcham habuiffe, acdiepostero ValeriumCavaglionem, quem
ad hostestransfugiffe demonstrâvimus, eum argënti muneribus
ad Bascianum misiste, areemquebiduo post hostibus tradidisse.
Sed quum de rerumtemporibus ôc ordine
interrogarentur, ràm
pertu r bat è ôc variè q ua; docti èran t effu tiebant, u t su a
spont e va-
nitas appareret. Villagagnoubi animadvèrcit talibus testibus quai,
stionem haberi, judices datos Equités convenk • his ostendit fui
esseoffícii, sireíellendorum testium; qua; omnibus estetfaeultas,Valerio
negaretur,ut
ipsi nullos nisiintégra; fâma; restes admit-
terent.Refpondet reorum litem suam se non facturos, fuumque
officium his finibus contineri, ut quosactorpublicus testes pro.
dueeret, interrogarent 5 ille u su eorum testium fretus, ôc Ome-
dani edicti licentia quatuor infuper testes subornaverat, quibus
probaret Àramonera i cannis in terram emissis, arcem cum Tur-
ebis paritér coneuffiste 4idque exvexillis regiisdeprehensum esse $veruntamen quumstulta testium loquacitate frauseffluxistet,ini-
qukatis & calumniae pudore victus sese continuit. Testibus ejusofficio functis, reorum testibus adducendis ôc audiendis octo dies
indicuntur, quamvisactori publico duo ceffistent menfes. ^Equi.tate tamen causa; perfectum est, ut sexaginra virorum
integro-rum testimonio, reorum innocentia confirmata sit $ his de rébus
paulò post ad çoncilium refertur, ôc testitìcata recitantur. Ma-
gna quippe videbantur qua; actoris testes afferebant^ sed iis, qua?funt adducta;, rationibus est fides
abrogata. Itaque omnium ad
unum judiciopronuntiatur, in deditione Tripolkana neque do-
íum, neque fraudem, aut ullam penkus malkiam intervenistèî
fed animorum nimia remiffione è timoré nata, peccatum este 5
quo nomine nullum in eosIegibus Imperaroriis supplicium este
constitutum , à judicibus datis ostenditur j íèd Equitum íânctio-
nibus caveri, ut qui hostibus cesterk , locumve sibi commistum
injussu principis reliquerit, quique desertionis participes Ôc ecnv
Xxxij
3Jt PREUVES D U 111. T o M E
scii extkerint, concilii arbitrio exaugurentur. Haclege eum Va-
lerio Sosam Lusitanum, Herreram Tarraconensem -,Ôc Fusterura
Majoricanum noxios parirer deprehensos unum ôc idem suppli-
cium luere oportere.Ex qua lege, Omedes Hifpanos communi
cum Valerio poeiiíC destinari intelíigens, ôc Poësium, cui ob vê-
tus odiumpefiìmè cupiebat,
omnium sententiiseripi, b tèmporis
exiguitate fumpta occasione causam dividere conatur, atque in
prassentia Valerio damnato, Hifpanosad aliam opportunkatem
reservare. Hoc probare incipit Combus, qui Quaïsitorisvicefun-
ctus erat, ôc ex Omedis animo sententiamcorrigé
ré ^ magnaqué
amrni contentione Hiípanorum culpam extenuare ; quaversejtià
Schilingus Germanus permotus : Tu, inquit, homo es improbusj,
qui te .ta m leviter inflectas j tu nunc affirmabas, quum unàôc
íequaUter omnes dèìiquislent, non posteadmissum seelus expiari,
nisi poenas pariter penderent : are vestigio ad íevem principis,
propositiunculamte immutasti -, tu fané ipse
maximo eruciatu
dignus es. Ad hane sententiam Perus Nugneus eques Hispanus
accedit, atque adjungk ?Tu, ut rêinullius hominem decet, elcw
, quutus es ->rum ab hoc converses ad Omedem, se non pasturum
essè pronuntiat,de Valerio decerni, nisi qui eadem culpa estent
obstricti, idem quoque subirent judicium. Reliqui, Combo con-
vkiis graviter còrrepto,in Nugtiei sententiam pedibus iverunt.
Tandem quum altercàtione, nulla Omedispes evasionis estèt,
reliquorum fententiis se accommodât. Addk tamen atque instar,
de Valerio ôc Fustero aliquanto graviuseste statuendum, quòd
hic ilUus postulata ad hostes pertulistet: ille ab hoste vocatus ,
Í>aruistet,locumque fidei sua; creditum deseruisset ; sed quia re-
igione àcapkisjudicio arcentur Equités,lajcorunjarbitrio exau-
guratos relinqui opprrere. Atque ad eam rem judicem proponic
Combum j hic verò, his de causis qua; de ipsius levkate demon-
strata; fuiit, nonprobatur
: quamvis acriter Omedes contra insi-
steret j fed ipse pudore victus, onus excutk, hoc pra;textu quòd
jam partibus judicis functus estet, atque sententiam suam decla-
rasset. Qua demonstratione Omedes non contentus, rem ad Scri-
bam rejieit, atque ita con.cilium dimittk. Brevi tempore inter-
jecto, in. hane sententiam lkteras a Rege nuntius attulk:Quo-
niam mu.ltorum sermonibus comperistècsuam famam de reTri-
politana per exteras nariones traduci ôc conflictari, ôt ea dere
jyielkenses omnium ceniffimum testimonium fçrre possent, pro
ï> EX* HI ST O IRE BB MALTE. 535suîsin
eosperpetuismeritis postulare,ut ad se rem verîíSmè per-
fcriberent, utsiquid Aramo peccati concepistèt,
aut omnïnorem
Legaro Christianissimiprincipis indignam
conatus ester,. scelèrîs
dareti si verò nihil persona, quam sustinebat, indignum fecisset/
publico militia; testímonio injusta privatis ícriptis macula deter-
geretur. Litteris in concilio recitatis, Ôc postulatorum asqukate
pefpecta , statuitur, Régi quod petéret, concéds oportere j si-
quidem in Âramone nihilculpa; deprehensum erat : sed eum po-
tiusmaximapietatisofficia, tum regio, tum
proprionornineprac-ítkistè. Atque ea de re arctislima
obligatipne militlam ipsi devih-
ctam esse ad unum omnesingénue confitentur, in eamque
declá-
rationem Scriba; ikterasimperant. Át Omedes, missp\concilia,
hune ad se venire jubet, Ôc aliquantum tèmporis mp^ríedere,
dum de ratione conficiendàrum littèrarUm considérâtius delibé-
ratur. Eas tanti ac talis momenti emkti npii debere, nisi optimè
digestas Ôc concoctas.Quum ad scribendum satis tèmporis efflu-
xisleVillagagnoni visum estet, à Scriba litteras requirir.. Ille veró
magnis quibusdam oecupationibus tarditatem suam tëgit, atquein diem
íequentem extendir. Ea mora intermissa, iisdeni quibusufus ante fuerat artibus, diem extrahebat. Quam prolationem
Villagagno non abfque ratione fieri arbitratus, inquirendumeste
putavit, quid aleret hoc mali. Id quum fecisset, reperkcum Çom-
bo Omedem secretò de re Valerii diu loquutum este, éiquecun-
ítanti quingentorum aureorj§m pccna constituta edíxiste, ut il-
lius judicium fufciperet, atque si ufus ester, cruçiatibús extorque-
ret, Aramonem fecum de castri dedkione transegisse per homi-
nem noctumiffum, ut hoc expresto, ôc in acta redacto va;quiflîrma
Régis postulata criminís confeísione deluderet. Eá xçY'\ìhT
gagno provocatus, coacto concilio, Scriba; negligêntia.m áccu-
fareccepk, quòd serius quàm ipsiprarfcriptum esset, litteras con-
ficeretjsi quid obstaret quominus ha; darentur, òmitterentur:
ne mora; illatione ab idònea ad navigandum tempestate in hye-mem Régis nuntius produceretur. Regem fore cpnrentum decla-
ratione secundum reosfacta :hos, neque dolum, neque fraudera
in tradendo Tripolis castro eommisisse , fed per ignaviam op-
preffos formidine hostibus ceffisse. Cum ipso haec diçente alter-
cari coepit Laboretus Eques , Aquitanus, Omedana; gratia; sccta-
tor,.àRege t.estimonium Aramonis innocentia; peritum soljtrá
esse, nonautem in reos dictata. Villagagnonem reípondere; exor-
Xxx iij
534PREUVES r>u ITÎ. TOME
ium Omedes interpellât,ad quem ipíe converíiis :Ur, inquit,,
Princeps,in telligas quibus càu sis ad d ucì us j
u á i.cumpr onu "nti a ta.
estïagitavèrim , consilii mei rationem..;, si per te mihi licuerit ,
paucis expromam. Jam perciebuit, tibiçuro AugustinoCombo
convenisté, ut is in Valerium capìtis judicium ággrediatur/te-
que eipraîfcfípfistè quid ab eo inquirat : atque si Vaíerius diífi-
téàtuf yid Nrmends exprimât Ôc exculpat. Hane tuam cuncta-
tionérn , roararnque litteris ìhterjècta plerique
aírotraht^r, ut ípeeieprpbabiliillatacause Regem post
giclas/JÈtenim Vaíerius, prêtera;tatem in muìtum senium pro-
vëçtam, éstea cprppris hàhitudiàe , Ôc virium imbecilhtate, iut
ab ipso quaequê vánitàs facile prp re yefa tprmentis exrorquèai
tuf. Wbi arcanum Oniedes prpditumeste fëntit,.ita eorreptus/
Villâgâgnoheminerejpat, iubètque patëfaeere à quo haee aceer
pisser. Is autoris npmen minime quaerendUm esté,sed án verum>
ester judicium, reípondk. Moç cùmOmedes falíumefle pronun-
fiasses : Ergo Còmbum, inquk Villagagno, absei^ë^ Princeps/
quingentorumauréorum peena ipsi
à te irrogata/niíí capitis; ju-
dicium in Valerium à te costitutum susciperet. Ipse in tu o con-
cilioignominia notatus, quòd in ferenda sententia parum sibi
çonstitisset, non amplius est rogandus / sed arcendus, atque ejus
loco alter intégra; fama;, si rem rectè judicaram velis ,' surro-
gândus. His dictis, ira simul ôepudore Omedes azstuans, verbis
in Villagagnonem irrtvmpere inci|lebat. Sed Hie ejus rei vitab-
daegratia
è concilio íe reeepit.Eò tamen res redik/ut alius a
Combo judex Valerio fùeritdatus, ae Scriba; imperatum , ut
nulla mora interposita testimonium cònícriberetur. Sed hoc ita
fabricatum est , ut reprehensioni locum relinqueret. Nam ubfí
àffertum este debnerar, Aramonem nihil prorsus contra viri boni
officium fecisse, id definito tempore,ôc quodam verborum au-
cupiocoarctabarur. In eum nempe diem comperturn non fuisse,
hune secus ac virum bonum decuerk, se geífistè denuntiabatur,
perindeac si ejus rei certkudo diuturnitati tèmporis reservaretur.
Itaque hujuímodi testimonium delàturum se esse Villagagnone-
gat, quoddubirationem non rolleret, sed hominum animos fu-
tù.ri tèmporis expectati?ne
sufpenderet.De hoc iterum ad con-
cilium refertur, arque Omedi vehementer reciamanti expugna-
tur, utlktera» omni dubitationis adempra materia reficerentur.
Harura exemplumin Franciam mari proficiscens Villagagno ?l
DE L'H I S T O IRE DE M A LT E. 535à tnis; Caefar, interceptus, ad te misit.-De Valerio autém con-
tigit, ut is àJoanneVassallo, doctiffimo atque integerrimo viro,
nìodis omnibus renitente Combo, absolu tus sit : quòd dolum frau-
demque ab arcis dedkione abfuiste cognitum ôc perspectum effet,sine quibus eau sis Impèratoriam Majëstatem non
poste la;diJu-
lius Ca;saflege promulgata définivk. Hic tamen carçere con-
clusus fubterraneo, ca;co /atque .folis , omnisque lucisprorfus
experte, miserrimam ôc inopem vitàmab Omede bonis omni-
busexppliatus traduck : usque eò, dum tu ejus a;rumnas misera-
tus / Omedis mentem ad lenitatem ôc misericordiam revoeaverís.
Hic fuit belii Mélkensibus illati exitus. îsTune tuum ac bono-
rum omnium, Carole Ca;íar, erit judiçaré, ad quem areium de-'
ditarum déHécuspertineat : quàmque ihiqui Ôc
improbifuerint
v
qui eam cladem in Francos avertere funt canari.
Fin des Preuves du troifième Volume.
LÊsMtLESyfbRTS ET CHATEAUX
::,-Vv:"'- - . -\\: 1724,-/. '-."
-:. V
T A BLE
4ans le troisième Volume*/
jiChmet,;'Général- de Soliman est
^envoyé en Egypte au secours
dé Mustapha , contre lequel il
sâétoit formé un parti de rebelles/
îî . à"seq. Ilse révolte lui-même/éc propose au Pape & au Grand-
>Maître une ligue contre Soliman,..
37. Il est découvert & trahi, 40,
Adrien VI. reçoit avis de la perte de
Rhodes : son attachement aux
intérêts de Charles - Quint, dont
: il avoit été précepteur, lui atti-
re des reproches, 7. U accorde
une Bulle au Grand-Maître pourcontenir les Chevaliers dans l'o-
béissance ,9. Entre dans une li-
gue contre la France, 11. Donne
audience au Grand-Maître de rif-
le-Adam , ij. Meurt : dans quelssentimens, 14.
Africa, ville d'Afrique : fa situation,
214.. Dragut s?en empare, 115.Elle est assiégée & prise par
l'ar-
mée de Charles-Quint & les Che-
valiers de Malte, ajo -, & seq. ôc
offerte par ce Prince à la Reli-
gion, î6)y&jcq.
,Alarçon, Officier Espagnol chargé à
Madrid de la garde de François I.
& á Naples de celle de Clément
VII. qu'il traite fort durement,lomé UL
71. Résiste au* sollicitations du
Cardinal Colonne qui le pressoitde faire^erir ce Pâpe/71,
Albi (le Chevalier d') entreprendinutilement de porter du secours
à Rhodes, 15.
Alençon ( la Duchesse d' ) sçeur de
"François I. est conduite en Espa-
gne par. lé Grand. Maître de rWíè-
Adam , pour y négocier la liberté
du Roi ion frère, 48, 49. Elle ne
réussit point, & repasse en Fran-
ce, sur les avis qu'elle reçoit que
l'Empereur pensoit à la faire arrê-
te*, 54> YÏ-'
/..-''
Alger envahi par les Barberousses,
avechommage au/Grand Seigneur,ij8', 140. Malheureuse expédi-tion de Charles - Quint contre
cette Ville, 196.Amumt, fils de Zizim est amené à
Soliman avec ses erifans , 6. &-
étranglé à la tête de l'armée fous
prétexte d'apostasie, 7.
JJAngleterre consent au schisme par
complaisance pour Henri V 1,11.
ij.j, & tombe ensuite dans l'he-
resie , 550.Aranton ( Gabriel d' ) Ambassadeur
de Henri 11. à la Porte est prié
par le Grand - Maître d'Omedes
de se rendre à la flotte Ottomane
$3* TABLE DES
devant Tripoli /pour en empê-cher le siège,, 177, Z78 ll ne réus-
sit point, & est retenu par le Bâ-cha Sinam, i§i, igz. Il procurela liberté au Gouverneur ôc à quel-ques autres prisonniers, 300. Re-vient à Malte , où le Grand-Màî-,
tre d'Omedes répand fur fa con-duite auprès des Bâchas, des soup-çons désavantageux, $oOï&seq. ÔCnrême dans toute laGhrétienté, 303.Passe à Constantìriòple, 3o5. LeRoien demandejustice>8c l'obtiènt parles foins deVillegagnon, j 1j &Jèf.
Arafiid, fils de Muléy Mahomet Roi-» de Tunis, implore íe secours de
Barberouífe Roi d'Alger contre
Muley Hafcen son -frère cadet,établi sur le trône par son père àson préjudice, 141, Barberouste
l'êngage à raccompagner à Con-
stantinople 5 ot\ ille trahit, & lefait enfermer dans le Serrail, 143.Il se sert cependant de son nom
pour s'emparer de Tunis, 14J.Ardinel ( le Château d' ) pris par les
galères de la Religion, 123.
Anfjonville( le Chevalier d' ) rend
compte de fa négociation auprèsdes Rois d&France & d'Angleterre
pour le secours de Rhodes, 161
Autriche ( Marguerite d' ) fille natu-
relle de Charles - Quint épouseAlexandre de Medicis, $3.
B
TnAlestrin ( Léonard ) Métropoli-J~ tain Latin de Rhodes arrive en
Gandíe avec son Clergé, 6. Mar-
ques de la considération du Grand-
Maître pour ce Prélat, qui prendl'habit de la Religion, & est fait
Prieur de l'Eglise, ibiJ.
Barberoujfe ( Hors uc ) fameux cor-
feirej s'empar,e/du Royaume d'Al-
MATIERES.
ger , dont il fait hommage auGrand Seigneur , 138. Est assié-
gé par lesEspagnols ôc défait,
'Barberoujse ( Airadin) frère cadet de
Horruc,fameùx par fa fortune ScCx
valeur,! $8. Lui succède au Royau-me d'Alger & s'aslocie deux autres
pirates, 149. Par quels rnoyensilí&irend;.rnaître 'da Royaume;deTunis, 14*. Se met en état de dé-fense contre lés attaques de Char-
les-Quint, 150 àrseq, à,qui il pré-sente la bataille , &"est ipis en fui-
te, ifè &fèq* Est obligé de s'en-
fuir de Tunis par la révolte des
esclaves qu'il avoit voulu faire
égorger, 159 &feq. Procure à Dra-
gut "fa délivrance ,211. Meurt de
débauches, 225.Mariette (le Prieur de ) se justifie de
n'avoir point mené de secours à
Rhodes, 13/14.
Tosio, Commandeur & Chapelain de
l'Ordre de S. Jean, est envoyé à
Madrid pour faire la demande des
Ifles de Malte & de Gozé, 33. Re-
vient à Viterbe rendre compte au
Grand-Maître de fa négociation,
34. Est envoyé à Rhodes pour yen conduire une autre, 39. Est dé-
puté par le Conseil au Grand Maî-
tre en France pour deux sujets im-
portans,j|i. Pasle avec lui eh Es-
{>agne,
tbid. Rend compte à Char-
es- Quint des mesures qu'on avoit
prises pour rentrer dans Rhodes ,
$2. Est envoyé en Angleterre pour
négocier une.entrevue du Grand-
Maître avec Henri VIII. 6z. Est
encore envoyé à Rhodes pour re-
connoître la dispositiondes esprits,
74. La découverte du projet l'ex-
pose à un grand danger, 80. Il
propose au Grand-Maître la con-
quête de la ville de Modon, qu'il
TABLE DES
va lui-même reconhoître, 80, 8í. :
Est envoyé en Italie pour presseri'exécution de ce qui regarde Mal-
te j 82. Est chargé de lacté de la
donation pour le porter auGrand-
Maître, 86. Meurt en chemin,'ibid. •
Tojìo (Thomas ) frère du Comman-
deur , nommé à la prière du Papeôc du Grand-Maître par l'Empe-reur à l'Evêché de Malte, dont il
ne prend possession qu'après la
mort de Clément VII. 113&seq.
"Botigella, Prieur de Pise & Général
des galères, reçoit le commande- .ment de la flotte destinée à Tex-
peditiori d'Afrique, 150. Eloge de
fa valeur, i£6 & seq. Fait raser la
tour d'Alcaïde qui bloquoit Tri-
poli., & remporte quelques avan-
tages fur les Infidèles, 172 & seq.
Engage le Conseil à fe déchargerde la défense de Tripoli, ou à de-
mander à l'Empereur de la forti-
fier , 189,Bourbon ( le Connétable de ) se jette
dans le parti de Charles - Quint,
auquel il rend de grands services
en Italie , 6$ & seq. Est tué aux
portes de Rome que son armée
prend d'assaut ^&oìl elle commet
d'horribles excès, 70.'Bourbon ( le Grand Prieur de ) laisse
des marques de fa libéralité en-
vers l'Ordre, 165.
c
f-iHapitre général tenu à Viterbe
Ví par le Grand. Maître de Tlsle
Adam , en 1327, 75; à Malte
par le même, en 1534,1 %6.
Charles -Quint forme une ligue con-
tre la France,dans laquelle en-
trent le Pape Adrien VI & le Roi
d'Angle terre ,10,11. Fait propo-
M.-A T1ERE S. 539fer à rOrdre de S. Jean les Ifles de
Malte & de Goze avec la ville de Tri-
poli ,32,33. Par quels motifs ,?bid.Les conditions qu'il exige, 34. Suite
de cette négociation ,41. Il se forme
une ligue contre lui ensuite de la ba-
taille de Pavie, 4s. Son portrait ,
47. Ses Ministres font saisir en Ita-
taíie les revenus de la Religion, 49.Mesures qu'il prend pour faire ac-
cepter les propositions / touchant
Piste de Malte, ibid&feq. Entre dans
les vues du Grand. Maître touchant
la reprise de Rhodes, à laiquèlle il
s'engage de contribuer d'argent, 53.Donne main ^ levée des biens de la
Religion, ibid. Dureté du; traitement
& des conditions qu'il propose à
François 1. 54. Prend des mesures
pour arrêter la Duchesse d'Alençon , .
55. Cohsent au traité ménagé par le
Grand-Maître ,56, qu'il honore de
plusieurs marques de distinction, 57.Rend le Pape arbitre des conditions
deTinféodation de Malte, ibid. Son
armée conduite par le Connétable de
Bourbon ravage l'Italie & fait pri-sonnier Clément VII. 69 & seq.
L'Empereur fait faire des processions
{)our
la délivrance, 71. L'arrivée de
'armée Françoise commandée parle Maréchal de Lautrec, lui procurela liberté, mais à des conditions des-
avantageuses, 77 & seq. Traite avec
le Pape, ôc s'engage à faire recon-
noîtrè son neveu pour Souverain de
Florence, 83 , 84. Fait expédier à
l'Ordie de S. Jean l'acte de donation
des Ifles de Malte & de Goze/& de
la ville de Tripoli, Sj. Levé quel-
ques dîflìcultez formées par ses Mi-
nistres touchant les droits de traite
& de battre Monnoye, 89 & seq.nomme Thomas Bosio à l'Evêché dé
Malte , dont il ne prend possession
qu'après la mort de Clément VII.
Yyy i)
|4o T A|I>E D ES
qui y avoit nommé lé Cardinal
Chinuccy , 11$$* seq'. Charles-
Quint sollicité par Hascen Roi de
Tunis détrôné par Barberousse ,
§£par le Grand-Maître, craignant
pour la ville de Tripoli, fe dis-
pose à passer en Afrique^, 148 &
seq. Dénombrement de fa flotte,
i|ó. Elle arrive à Ut^que avec les •
secours du Pape & delà Religion,
151. L'Empereur alïîege & prendle sort de là GPulette, JJJ &seq.Met eh déroute Barberousse ve-nu à fa rencontre, 156 ^jSf.ôc entre dansTunis avèelè secours
des esclaves renfermez dans íe
ChâtjeaUj.&quis'étoieHtrévoltez,
119 & seq> Rétablit Hascen à con-dition de relever de la Couronne
d'Espagne,!^, & retient la Gou-
lette,ibid. Repasseen Sicile, 163.Accorde quelques grâces à 1 Or-
dre de S, .Jean, «#&&Donne des
^ordres pour l'attaque de Suzè quiéchoue,186 & seq. Ecartela pro-
position du Conseil de la Religiontouchant Tripoli, 19o; Forme uiie
ligue contre Soliman, qui ne réus-
sit pas par la politique de Doria,
j9i.Ecn0.ue dans une seconde ex-
pédition en Afrique formée mal-
gré la rigueur de là saison, ôc con-
tre 1avis de ses Généraux, 196 &
seq. Se défend encore de rien faire
louchant Tripoli, 210. RenvoyéHascen Roi de Tunis au Viceroi
de Naples, 213. Alarméules pro-
Î;rès
de Dragut, il envoyé contreui Doria avec uneflorte, 228,ÔC
jdes secours de Sicile & de Naples,9.30. Africa est assiégée & enfin
§>rise, 231 & seq. Il fait poursui-vre inutilement Dragut q.ui a'ni-
moit le Grand Seigneur à armer
xontre la Religion, 244 .$"seq.Sa.
$ptte se joint aux galères de là Re-
MATIERES,
ligion à Messine, pour s'opposeraï'ârmernent du, GrandSeigneur/-245<& se q. Il tâche d'attirer à son
service le Prieur Strozzi, 316. Fait
offrir àla Religion la ville d'Â*
frica, )6y&seq.
Chasse-Diables, associé de/Barbey
roussèí& piraté comme lui ,;prertdi'le titre de Roi de Tagior-a,.& lui
en fait hommage, 140. Harcelé
la garnison de Tripoli ,141. Est
attaqué par Muley HaseenRoLdè
Tunis, 141. -Est chargé líe la dé-"
fense du fort de la Gouiétte j 151.Conseille à Barberousse dìègòrgerles eselàves Chrétiens,! jTijEchoué
dans une tentative for Tripoli ,
ijo&seq. / /Chinuccy , Cardinal nomme par le
Pape à rEvêchédeMalte contre la
gré de l'Empereur &duGrandMaî-
tre,renpnceà ses prétentions aprèsla mort de Clément VII. 115&seq.
Civita-Vecchìa. Le Grand-Maître de
l'Ifle-Ádam est obligé de s'y reti-
rer avec le débris de son Ordre,20: Clément VII. consent que les
vaisseaux de la Religion restent
dans le port,30.Clément•'VII. neveu de Léon X. &
successeur d'Adrien VI. Sa nais-
sance : ses dignitez.: ses intrigues
pour parvenir à la Papauté , 24^*
seq. Son affection pour TOrdrede
S. Jean,dont il àvoit été Cheva-
lier, 28. Il assigne aux Chevaliers
, la ville de Viterbe.pour leur rési-
dence^, ôc accorde au Grand-Maî-
tre de grandes marques de distin-
ction, 30. Celui-ci lui proposedifFerens proiets d'établissemens
pour spn Ordre, 31. Le Pape s'ar-
rete aux Ifles de Malte , 32. Ap--
prouve la ligue contre Charles--
Quinr,4j,&ïe voyage du Grand-
maître de l'ifle-Adam enEspa»-
TA B; LE DES MATIERES. v#t
gne, 4,9. Il serêttd^chef de la sainte
Ligue : ses fuites funestes 4 î'Italie
qui róbligerent à_faire Ôcà rom-
préplulìeurs traitez;, ôc à; jse ren-dre prisonnier de l'Empereur, 67
&seel' qui fait faire des processions--'
pour fa délivrance; 7); Le Gâr^
/dinal Colonne presse inutilementi Alàrçon chargé deìaigardei^ déle
s faire périr/ 72. L^rrive'é dnMa-
réçhal de Laùtrec avec une armée
considérable détermine TEnipe-
reur^à le mettre én liberté ^ 77.^Conditions du traité après lequelv,ïjt se fauve pendant là hui t déguise
én marchand,- 79. ;ïl remercié le
Général François dé fa délivrance,ibid. Fait Un traité avec l'Èmpe-'ï£ur, par lequel celui-ci s'engage
; defairereconnoîtrefon heveuAle-...' xahdre de Médicis pour Souverain,
[' dé Florence: les autres conditions,'83, 84/Obtient la donation désIsles de Malte & deGòzei & dela ville de Tripoli, en faveur de
POrdre de S. Jean/85. Engage
TEmperéur à passer par .dessus
, 0i'»q»elques1dïffícultez touchant sesdroits- de traite & de battre món-
... noyé» %9& seqi Nomme le Car-
;i; dinal Chinuçci à l'ÉvêchédeíMal-
tei, &t soutient sa nomination; 113& seq. Ses galères contribuent & la
. ; prise dêC0ron,i2'ód^/í^.& àladé-
fendre l'année suivante, 123 &seq.Colonne (Pompée) supplanté par Ju-
les de Medicis son riva 1-dans'le
Conclave, 24<^/ff.Est:dâpoiiillé-.i . du Cardinalat .par çè-dernier ^de-
venu Pape, fous le .titre dé; Clé-
ment VII. 6$. Sollicite Alarçonde le fairé périr dans fa. prison^.
Commander lésï Lé,Roi ;de.Portugal
s'engage à ne plus, troubler> lesChevaliers dans, là jóuiflance de
ces bénéfices, 59. Là plupart des
' Princes Chrétiens ne s'en.font pas1de scrupule / ibid. Mesurés prises <
par se Grandi. Maître ^pou^y^re-
-"'mcdïéfc-/-'isièi^'-' _j':::^fS '-'--^-'t
€ommandeufstì\M^<^&•là pltìpart
fâiíoient déíléursbieríff/ìtf^
Gourtenaì(le Princedèil-poutqijdila
; Princesse d^nglëterre cMarje? ne"
líépouíeipasj^ji & sr<$ , •
Crïùo (lé? Grand PrseucèdejeriìBòr-
tugal,' Uìn différend élevé: àcëíu-'jet /est térmihé: làgémént par le
Grandi Maître dé 1-lfleiAdàm ^7,
í-À-:-''Í';: : v ?T\.';:r.--l>'..ïA;<iii.hï-
XJOrii*(André) Commandant; de
Ta flotté de í'Empereúr,aide de
; l'eseadte dé la Réligiony&É dés^ga-leres du Pape/prend pà* capitùla-
:""-tion Coron/ ì19 é^sq-Mensuite
Patras, seul, f 23\ Ôcdéfend Ion-
isée suivante '.Coron de l'attaquodes Turcsj ibidi& seq: Commit^
dé l'êfcadre de rErripereúr dans
l'expedition d'Afrique^ rj|3> Dé-
fait avec le Grand Prieur Strozzi
une escadre Ottomane, ìyj&seq.Est fait Généralissime de la flotte
Chrétienne liguée contre So\u
man, 19iwLes motifslquï l'àvoieht
( porté à ;quitter leúservïct de la
'- France^ pour s'attacheràChàries-"'-
Quint yibid. Il:est cause par fapo--
ílitique du peu de succès dé cette
- 'ligue, 193. Détourne l'Empereur-v,fídi'uneisecondé expédition en Afri-
.xme, 197. Reçoit ordre depour-? suivre Dragut j 2.21.Ì :
Doría (Jannetin) neveu d'André,
, r fait prisonnier Dragut, & le relâ-
che quatre ans après à lasollici-
;^''tàcÌoh dés-Genois ,^21/ 222. A>
-r -.:beaucoup dé part à là prise d'Afri-
'::caj n8#/#f.Donnèinutilement,la chasse à Dragut, 247.
Yyyii)
î4vT A1L1 V3S MAT IÇ R. ES.
íûragM, Chef des Cor íairês de Bar-
barie :.;ses/ premier s commence-
ment/^^./íf. Est/pris par le
jeune Doria, & relâehé/4 ans
après à là sollicitation des Génois,
212; Succède a Barberousse
i'}.íe commandement de ía flotte Ot-
•:'.-':tomane, 223, Séíendírpûîcíé. J'A-
/ frica, 21^4 ^;j%? :;Ind|gJié^dë: la
fiertés
déí cette plaeeí, ilbisollicite
e Grand Seigneur à eiì tirer yen-
í : gèànce ùfí là Religion j 244e II
/çést poursuivi iiîútilemenj; par Do-
ria ,227. Fait tenter une deíeénte
dans Malte, 1%. Viéntjpour
la
surprendre, & est repoussé avec
/perte, 377. Fait sa place d'armes
de Tripoli, & se dispose à sòute-
ícnirle siégé, 387 & seq. Sollicite
!Soliman à faite la conquête: de
; iMalte, 416. Marques dé l'estime• -flué té; Grand .Seigneur faisoit de
;ía valeur & de fa capacité, 431.T! arrive au siège de Malte avec
.,: -quelque secours^ 4í;6.illy estJbles-
^,.484,îSc en meurt ,492.
r-:,'-/'./&:: -'/?-/.
yjDouardyi.fils dé Henri mti.
*/?.. &de Jeanne Seimours fa troi-
.:..; siéme femme:, succède à sonpere,. r.$87 & seq.; Embrasse la doctrine
cdès Protestans: foires funestes de
Íce changement autorise par le Par-
ílement / 349. Sarraort y Marie fille
Gainée de HenrfrV-II L& jde Gàthe-
rxina-o" Arragon luiífocçede y$fi.Etienne' ( le Prieur :de5> )i est-accusé
de n'avjojrcpoint:-conduit de/se-
ícourra Rhodes i il se. justifie/13,
jEti/mne.( IíOrdj-e rde.SÏ):.établijpar. íCôrae^de-Medieis íDuc;de Floren-
:ce, 40;*. Particularitezíqui le con-
cernent,.407,409 &seq.
jjErd'nandiJietede Çharles^Quint
-* échoue devant Bude en Hon-
grie,i*4; .--,.,;..Florentins, ( les ) entrent dans la sain- ."
. te Ligues 67, Chatíént-de leur Et^t;; la ;Maiíoh dé; Médícis,^72y a la-
iquéllé: l'Empereur s'érigagepàt un
-traité avec; Clément VI í. d'en
dohher 1C Souverainetés, %, 84.
Erançoîsì. donne des ordres pour le
):, secours de Rhodes i 16'0 Suites de
Q.;vfa'prise à là fcatailse dé<lfâvie/ 4c*''•;'.•Soncaractère, 46.; Ilrefusede sis
racheter aux conditions proposées
parCharles^Quint, 47 \ 54. L'ar-
rivée de fa soeúr& du Grand- Mai-- tre.idél'I fle-Adam le console j mar-
ques dé son estime -pour ce der-
:; niet,ibid. é?seq, 11 signe enfin le
traité ménagé par celui-ci, & ie~
pafleen:France,56, yj.
/::;-:V';:--:;i".-;/ì:G;;v /-;'/:-'
ifFi.Eiv.es.: ientreprise sur cette Isle ,<
S* heureuse d'abord, mais enfin
très-funeste par la faure de Lacer-
da , à l'Efpagne, à la Religion ,. au Pape & au Duc de Florence,- W&feq, -.:..;.;,/i-Gémis •:.('les)alairmez\de l'apprdche
de Barberousse, s'en débàràssent
én lui remétrant Dragut,, 222.
'.Goulette\ là);, fort situé à douze mille
^:deTúnis;, ij2. Assiégé ôí'pris par
rChàrles-Qnint, \$y& feq.^uì le
retient;; 162. !
íGqze /ifle voisine de;cél!e de Malte
j rproposéé auxiChevaliers dé'Saint
7Jean , v2W- sâq. Defcrjption de
: : cette lfle,^3, Elleiest enfin don-
née à l'Oçdtèv-£ j. Les conc?itions,
ibitbJLG Grand;- Maître de rifle-
TA B L E- "B: E S MAT I EK ES. m
Adam pourvoit à sa fureté, 99.
Le Grand-Maître «'Omedes s'ob-
stine à né là point détendre ^0257.Sa situation, 272. Else;est-rava-
gée , ôc le ChâtçaU livré lâche-
ment par íe Gouverneur àrlaflôtte
Ottomane, %7$&sef.^randr-Mattre deM^ejm(]t^^la
première place àla drpite'dnTrô -
ae, quand se Pape cïèrìt Chapelle,
30. Autres marques de distinction
qui lui font accordées par se mê-
me Pape Clément VIL tbid. Rang
qui lui doit êtres déférés 3JSI.Í II
: est invité au Concise dé; Trente,
l4iíj°ïíilenvóyeunAmbassàdeur,'-:..-;^ií/r,o:í-:''^r-/.--;-'i-:-;;;;;':''ì
H
TTAmidáx fils aîné dé Hascen Roi
•**>' de Tunis se soulevé contre lui
Ítendant
son voyage à la Cour de
'Empereur : sous quels prétextes,: zxj, & lui fait crever les yeux ,
Háscen\( M uley ) comment il par-'.. vienc au Royaume de Tunis ,142.:i Est î attaqué* par Barberousse, &
obligé de sortir' de;: fa Capitale ,'-. 145. Implore le secours de Char-
les -rQuint, 147; Est rétabli: à•
quelles conditionsii^2,1 Í3. De-.: mande du secours; à la Religion.i pour reprendre le port dé Sùze,
i8j. Passe à Naples pour sollici-
. ter du secours contre Barberousse
qui menaçoit Tunis & Tripoli,. ÏH. Hamida son fils aînésejsou-
v; lève contre lui;pendant sono ab-
: fencè j & lui faitr crever les yeuxà son retour , 213 & seq.
Henri VIII. reçoit froidement le Dé-
puté du Grand- Maître de l'ifle-
i.: Adam, 16. Prétend réunir à son
; Domaine les revenus de toutes les
Commanderies de l'Ordre de S.
Jean, 59V Ses proeedez violèns à
régard:desAmbaílàdeurs duGrand
', -Maîtres <£op II seìregardè comme
; ;l'àrbitre dé làÇhrétsentí.,,& p^our-
quot, :6*.íL'I^e«Ad:àrn;fë rend au-
iprès delui,:íc0^n^ntil^noéftTeçu/62 #^i LëRoilpromíéÉ tse^con-tribuera l'entréprise suEîRhòdes,
--...6^'i"::C^nfiïùîe/-.\e^ì.privileeé4v'de->-.KÓrdrë / ÔÇfait<iies* préseniì au'Gran^Mâîtrè,í^íixleèsîoùilé pot-
:. teífapàflìónp^uriAnhe!de/Bou-lent cphtrele saint Siige/lés: Ée-
t i clesiastiquésv les fameux Polusì &
ifôFahtìllé/Jes Hérétiques mêrnês,
-cVèhfinl'OblreìdéSw Jean qu'il;•
dépouillé âe^ses;b;ìens:/j32»; Ses
dernières actions,347ïrH meurt
incertain de la véritable Religion,
349; Suites de fa<motttibid.
:v ";: ^rm^í.'nrEan. defertfolei»0Qt$r&ÚS
S. )
Jabandoiïttellfle dé; Rhodes &
les places voisines, 2..Arrivé dans
l'iflè de Candie; aprè^s.avoir;essuyéune violente tempête, v..LeGrand-
Maître y en fait l*irevûe j 4. Se
retira à Messine, .10 ;M JÔC de là
auprcs.de Gumès, 19. Êhfoitë à
Givita-Vecchia, 20. Lé Cheva-
vàlier Jules de Médiéis-est éluPa-
, pé;, fous se nom dé Clément VII.
28 ; &; donne ;à la Religion beau-
coup de marques de bien veillànce,
30 &spji La ville de Viterbe est
assignée à l'Qrdre pour le lieu de
: fa • résidence , ibid. Les ifles de
\Malcé:&de Gòzeàvec là villede
Tripoli lui íòht òfFertës de la partde l'Empereur, Charles». O^int ,32& seq* Sesc Ministres font sai-
sir les revenus de là Religion en
Italie, 49. LeGrand-Maître en
obtient main - levée/, 53, & pro-. messe de l'Empereur & du Roi de
544 TABLE DES M ATI E R ES.
Portugal de contribuer à rentre-
prise de Rhodes, Sc de ne plus-: troubser 1-ordre
*des) bénéfices,
j3j 59. Plusieurs Princésne se font
tpoint *de serùpuse de .èe dernier
ártïcse,ìdentWsèq^J^tpeste obli-
ge les Chevaliers de se retirer une
{lartiëàííièe,í^unepartie à Vfl-
ef ranche ^64/ d'où íls;se/rassem-.L rbsent à Viterbe /ibidi LÍOrdte est
;i=misien possession, des: iflës: de Mal-
te?& de Goze / & de 1^
Tripoli,M, ôc s'y rend!, 94,95.Les Chevaliers éri; prennent le
nom >5;8v Les gàleresvsde là Reli-
gion contribuent àlaprisé de Co-
ron , & s'émparen'c dii château
d'Ardinél,ri20 & seq. ôc obligentl'ànnée suivanteles Turcs à se re-
tirer de devant Çarott,,.i23 &seq.lín différend entre deux Particu-
liers , ôt suivi de voyes de fàit,cause dé Cgrànds troublés parmiles Chevaliers/128 &seq.. Vices
•qui s'étoient introduits; dans í'Or-
\ dr íe, 134, qui est fort maltraité•
pat Henri VIH. 13$. Secours qu'il
aonneà Charles-Quint pour son
expédition d'Afrique , 150. Les
Chevaliers se distinguent à lapri-se dit fort de la Gouletteri yy,&
ìjïf. Eloge de latlibêralité & dueou-
îráge de plusieurs Commandeurs j>
r<5j í-166. Ils forment une entre-
prise fur: Snzë; qui échoue par là
faute du Général de l'Empereur,\%6 &seq. XJZ Conseil propose à
-l'Empereur, ou dereprendre Tri-
:-poli-, ou de la fairé fortifier, 189.
: Ihs'eh défend adroitement.^ 190.. La Religion entre dans: une ligue
íContr-eiSoliman, qui néiéufllt pas'"'
par ; la politique de Doria , 1*93.. Perd un grand riorribre de Cheva-
liers-dans la malheureuse expédi-tion dé l'Empereur contre Alger,
196 &sq$á\t encore de nouvellesinstances touchant Tripoli., maisaussi inutiles,209& seq. Valeur
desChevalsers àlapiise d'Africa,
23 4 &seq. La flotte dé la Religion
sejoint à Celle dé l'Enìpereur pour
s'opposer à l'armèmént du Grand
Seigneur, 249é'seq.dont lestrou-K
pes s'emparent dé Tripoli> 280
&fiq. Il s'excite #s^iv1fi<»is dahsrÓrdre par la passion du Grand-
Maître d^Omedes, 301 Ó^fiq, Gé-
nérosité dés Chevaliersí/íbríqu'ilsfágit dé fortifier Malte j, 3J3Î1.Ten-
tative fur Zòare /fnnestèiàlàRe-
iligibn/333 &£ef{ ''*&&ifetìjtre en la
possession de ses bsens eh Angle-terre , j j6, 357. Pourquoi l'Ordre
n'accepte point la ville d'Afriça,;
363msèq. Un différend au se jet de
l'enlevementídequèlquës galères-;caúse?de là divisions datas l'Órdre,
378 >&seq. qui perd beaucoup de
mondé à la funeste expedition.deGelves, malgré les sages avis du
Gtàndï-;Maître ; 388 & seq. Le
Grand^Maître est invité auConci-
le deTrente/4 ij, L'Ambassadeur
de la Religion y assiste /&prendséance parmi les autres Ambassa*
deurs des Princes Chrétiens;4^6,ôc y soutient les droits dé son Qr-
:4rë, ibid. Les galères se joignent;à la flotte de PhiBppe Ií/pour là
conquête du Pignon de Vêlez,
417 & seq. Tous.; Jes Chev aíiers
font icitez à Malte menacée d'un
siège pat Soliman, ôc se disposentJchcétiennementàJe soutenir^435
éfseq. Le JGr.ahd> Maître fait une
revue exacte de;èe qu'il y avoit de
troupes, & leur assigne leur posté,
441 &seq, Leucvaleùr pendant ce
siégé ,455 & seq. Barbarie inouïe
des aflìégeans ,, exeercée. fur les
corps de quelques Chevaliers
aprcs
TABLE DES MATIERES. 545F aptes leur mort, 142.
y-Acerda ( Jean de) Duc de Me-.*/*/- dina-Celi, Viceroi de Sicile,
propose le siège de Tripoli à Phi-
lippe II. qui donne ses ordres pour; cette expédition, $8j&seq. La
: Religion entre aussi dans ce projet,
íque Lacerda abandonne pour S'at-
jtacher àGelves j 390,391. Il s'ob-•stine à ce dernier parti, malgré
'>^'opposition du Grand - Maître
qtril trompe , 39 2i. L'entreprisefur Gelves lui réussit après quel-
ques difliçiíltez, 398; mais il se
laisse surprendre par la flotte Ot-
tomane j qui tue ou fait prison-niers tous ceux que les maladies
avoient épargnez, 399 & seq. 11
se rend enSicile , après avoir lais-sé la défense de la forteresse au
Capitaine de Sande, 404.
JLautrec{ le Maréchal de ) s'approchede Rome avec une armée consi-
dérable, 77. Ce qui oblige l'Em-
pereur de traiter de la délivrance
de Clément VII. ibid. & seq. Le
Pape en écrit au Général François
pourl'en remercier, 79..
^Àgue entre l'Empereur^ le Roi d'An-
gleterre,©^ le Pape,côntre la Fran-
-•; ce, 21. Entre Clément VII. le Roi
d'Angleterre & les Vénitiens con-- tre Charles-Quint, après la batail-
le de Pavie, 45. Elle est appelléela SAINTE LIGUE, 67. Ses
••':: ÍÙites, 68 & seq.
P Isle-Adam ( le Grand - Maître Vil-
liers de ) donne quelques ordres
Íiourl'exécution
du traité avec So-
iman , & met à la voile pour Can-
die, 1 ; où il arrive après avoir es-
:... suyé une violente tempête ,5,4.Est reçu dans la Capitale suivant
, sa dignité, 5. Se plaint de la con-
7MM ///.
duite des Vénitiens pendant le liègedeRhodeSjí'^V.Rerhet à lá voile pourritalíe,& envoyé desAmbassàdeurs à
laplûpartdesPrincesChrétiens,7.0b-tient úhe Bulle pour, tenir les Cheva-liers dans l'obéiffànce^. Arrive aprèsbien des dangers àMëssine,iô,i 1.Ré-
ceptionqui lui est faite en cetteVilìe,12.Ilcite ceux qui avoient été chargezde conduire du secours à Rhodesj 13.Ils font tous; absous j 17. 11 empê-che le mauvais effet de ces procédu-res, 18. Tiehtjjóurcet effet iine as-
semblée à Messine, ibid. Est obligépar une peste affreuse de se retirer
auprès de Cumes, óù il campe ,19 ,& de là à Ci vitá- Ve cchia, 20. Com-ment il est reçu à Rome & du PapeAdrien VI. 22, 23. La garde du Con-clavelui est confiée après la mort
de ce Pape, 14» Lapàrt qu'il prend à
l'éléction de Clément VII. 28. Ilrend compte du siégé de Rhodes àce Pontife, dont il reçoit de grandesmarques de considération , 29 &
seq. Il lui propose divers établisse-mens pôur son Ordre/ 31. Lé Papes'arrête aux Isles dé Malte & de Gò-
ze, 32. Le Grand - Maître envoyédes Ambassadeurs à Charles - Quint
pour lui en faire là proposition, 33.
Malgré la dureté des conditions pro-
posées par l'Empereur,ilenvoyé des
Commissaires pour reconnoître les
places j 3c. Il écoute ávec plaisir la
proposition d'une ligue contre Soli-
man, & d'une tentative fur Rhodes,
37 & seq. Suites dé l'une & de l'au-
tre; 40. Il envoyé au Pape là rela-
tion que lui font les Commissaires
des Ifles de Malte & de Goze, 41 &
seq. Il refuse de se charger de la ville
de Tripoli, 44. Il conduit en Espa-
gne la Ducheíse d'Alençon, à là sol-
licitation de la Reine de France Re-
gente,avec laquelle ila plusieurs con-
Zzz
J4<? T ABLE LVE S M A T I E R E S.
férencesàMarseìlle,48j49.p3fle en
^Espagne açcpmpa gné duCom man-
dieurBosio, $%.Suite de son fêjpurei cette Cour, où i] a; plusieursentretiens ayèc rEmpereur; ôc le
Roi de France, & reçoit de l'un
& de; Vautre plusieurs marquesd'estime ,5,2 ^ seq. Terminé un
différendiéley.é en Portugal#u sur
jeç, du Gr-an<í Prieuré de Crato,
57,58. Se rend auprès de Henri
VlII.Gornment il en éstreçu,<í2 dr
^.Succès de son voyage, 6y, 66*
Renvoyé Sfosio a: Rhodes./ 74.Tient un Chapitre général à Vi-
terlpe, 75,. î^e rejette point là pto-
position de la conquête de Modoti;mais presse auparavant l'exécutionde çe qui regarde M3116,82. LePa-
Fe
à fa sollicitation obtient de
Empereur la conclusion de cet
article -t85/ U fait prendre poflesrsion des Isles de Malte & de Goze,ôc deja ville de Tripoli, 87 &fiq.Fait lever quelques diflieultez
formées par les Ministres de l'Em-
pereur touchant les droits de trai-
te & de battre ménnoye, 89 ..<$*
. Jeq. Donne ses ordtes pour mettre
les lieux en état d'être habitez su.
rement-, 96 & jamais fans s'yattacher entièrement'/ & pour?qnoi, 97, 98.; :Pouryoit à i* fu-
reté de Goze & de Tripoli,^ $"
seq. Tente Véxé.cution du projetfur k villede Mpdon, qui échoue
après d'heureux eQm.mencern.ens,
jot&fiq. Il demandé à l*£mpérreur de concert avec; le Pape la
nomination de Thpm.às B,osio à
l'Evêçhé de Malce, U}. Suite de
Cette affaire qui ne finit que parla mort de Clément VII. n t.prend de fâggs précautions en cas
d'attaque de la part de Barberouît
se, i2j. Tient un Chapitre Gér
néral, où isfaitdiyerS; régjemens ^126. Est extrêmement affligé d'undifférend entre deux particuliers,suivi de ypyes dé fait ôç de meur-tres , ix8&seq. Aiiifes sujets1 du
chagrin , qui occasionnèrent sa
mort /132. Son éloge, 13&,Londres (le Prieur dé S, Jean de)
ayojtìèancè dans lé Parlement én
qualitp depremiér Barony 13$»
TiJ-Alte. proposée par lès: Mini -*
•4*1 strès dé Char les-.Quint pourservie de résidence aux Chevaliersde S. Jean , 32 , agréée par se
Pape Csement VIÍ. ibid. Lès Am-
bassadeurs du Grand-Maître de
l'Isle-Adam en font la propositionà l'Empereur , 32, qui propose
plusieurs conditions,34. Le Grand
Maître envoyé des Commissaires
pour, reçòunoître l?lfle, ibidi Rap-
port de l'éiat 011ils la trouvent,
Af.\&seq. L'Empereur prend des
mesures pour accélérer l'accepta-tion des propositions ,49 &f6q*ôc promet de rendre le Pape at-'
bitre des conditions de l'inféoda-
tion , 57. Le traité se conclut en-
fin à la sollicitation du S. Pèrei*.',. 85. Les conditions de cette dona-
tion, tant pour le temporel jque
pour TEvêché de Malte, ibid. ôc
86. L'acte en est envoyé au Granl
Maître, qui eu demande là con-
firmation au Pape: celui-ci en fait
dresser une Bulle ,87. L'Qrdre en
est mis en possession, 88. Quel-
ques diflieultez au sujet des droits
de traite & de battre monnaye ,font heureusement levées, 89 &
seq. Situation & particularités de
cette Isle, 94. Tout l'Oidre y est
transporté ,95. On y fait quelques
fortifications, 96, La flotte Ot-
T À B L Ê Ll E S M £ T I E R E S, m•": totnáhe se présente devant un des
ports de l'1-ílô.* 259 : y fait Une
deseente, & assiégé Malte : qúel-< ques pártièularitèz touchant cette
'.'•.'•I.fl'é-j 264^ 265* La vàlèurdeyil-
segáguórí,& un avis supposé d'un
:- secours; que Dòria alloit ámeher,fe»nt lever se sièges 270Wseq\ Le
* PrieùrStrozzi y fait fàirê quelques>
sortificatións,328 #y%^ùffi-bien
que le Grand^Maître dé là Sangle,373. Un ouragant furieux y cau-se une grande/perte, 374 & seq.Soliman pense à s'en rendre mai-
V: trë, 42t. La prise d'un galliondans lequel ses femmes ''étoient
intéressées, achevé;dé l'ydétermi-ner iibid&seq. Mesures que prendle Grand - Maîtrè fur ces avis „
431 & seq. Situation de cette I fie,
437Ì DifFeréns postes occupez parchaque Lague, 441 &seq. La flot-te Ottomane paroît enfin devant
rifle, 444. Campe proche le vil-
lage de Sainte Catherine, 447 ,& commence l'attaquepar le fort
deS. Elme, 451. Particularitez dece siège, ibid. &seq^ où le fameux
Dragut arrive enfin, 45e, & est
tué, 491.'Malte ( les Chevaliers de) Voyez
Jean de Jérusalem (les Chevaliers
deS.)Marie fille aînée de HenriVHI.& de
Catherine d'Arragon, est d'abord
déclarée bâtarde, ôc ensuite re-
connue par son père à l'article de
la mort , 347. Son caractère,• 34S. Elle succède à son frère E-
douard VI. 351. Epouse Philip-
pe, fils de l'Empereur Charles-
Quint, 35i&seq. Mais ne peut le
Faire recohnoître pour Roi d'An-
gleterre, 355. Elle éteint le schis-
me & proscrit 1hérésie, 336. Re-
stitue les biens Ecclésiastiques ,&
particulièrement ceux de 'l'Òrdredé S, Jean,: 357.
Martin (Antoine dé S. ) Prieur de
Catalogne se justifie dé n'ayj&ir
point conduit de secours àRho-*'"
des, 14.Médicis ( laMaison de) est chassée de
Tlotérice-àprès 4á prison de Clè-
nseftt Vïl:72iest mise en possessiondé cettèSóUvérniteté pàrGharles-Quint, 83, 84.
Médicis ( Alexahdíre de ) petit ne<-Yéu ou fils de Clément VII. ob-
- tient ^é -Charles- Quint dont il-
épouseld filse riarUrelseilà Sou-
veraineté de Florence, 83. Se
rend odièt1xv& est poignardé pardés conjurez, à la tête desquelsétóit Strozzi/181; ,
Médicis (Cômcde) succède à Ale---
xandre dé Médicis, à l'âgéde seize
ans, 182. Se saisit des auteurs de
fa mort, & eh tire vengeance,183. Etablit l'Ordre de S. Etienne,
406,407* Evénement tragiquedan s fa famille,: ibid» & seq.
Messine, ville & port de Siciíe , oïlle Grand-Maîcre de l'Ifle- Adam
se rétire avec les débris de son
Ordre, 10, 11. Comment il y est
reçu, 12. II estobligé
d'en sortir,-
19.M«don, ville située dans la Moréé :
le Commandeur Bosio en proposela conquête au Grand-Maître., &
và reconnoître la place, 80 & seq.Suites de cette entreprise, favo-
rable d'abord, mais enfin mal-
heureuse, xox&seq.
Montmorency (Annede) Maréchal de
France, petit neveu du Grand-
Maître de lTsl'e»Adam, vâ au de-
vant de lui à son arrivée à Rome ,22. Iirengage à conduire en Es-
pagne la Duchesse d'Alençon,
48.Zzz ij
548 TABLE DES MATIERES.
Mustapha, beau-freie de Soliman,est assiégé dans le grand Caire parles rebelles d'Egypte dont il étoit
Gouverneur ,,35. Soliman envoyéle Général Achmet à son secours,
36. Suite de cette révolution, ibid.
dr seq.
Mustapha, Officier Turc j son Cara-
ctère, 431. Reçoit la conduite de
l'expedition contre Malle, ibid.
N
-xjOailles (Antoine de ) Ambassà-•*>v deur de Henri 11/ en Angle-
terre, traverse se mariage de la
Princesse Marie avec Philippes U.
354. réussit à empêcher qu'il ne
soit reconnu Roi d'Angleterre,
355-
O
OMedes(Jean d') 3. Grand Maî-
tre de la Langue d'Arragon ,
parvient à cette Dignité par intri-
gue; préjugezfâcheuxdeson gou-vernement ,175. rejette avec en-
têtement les avis du péril qui me-
naçoit les Etats de la Religion, ÔC
s'obstine àne point pourvoir à leur
désensev2ij.^#?.réfnse:au Gou-
verneur de Malte assiégée ses se-
cours qu'il lui démàhdoit, 266.
& seq. Artifice dont il couvre la
lâcheté du Gouverneur de Goze,
fa créature, 276.ilengage d'Ara-
món\ Ambassadeur de France, à
empêcher le siège deTripoli, 277,
278. La perte de Tripoli dont il
craint d'être accusé, lurfait pren-dre lè parti d'en rejetter
la cause
fur d'Aramon, Ambassadeur de
France, & le Gouverneur de Va-
lser , T>O\.&seq. il fait soupçonnerle premier d'intelligence avec les
Turcs, ibid. & seq. ôc s'obstine à
perdre le dernier, 305. Suites decette affaire, où il mec tout en
oeuvre, 306.&seq. Le Comman-
deur deVillegagnon lui résiste seul,
308. & seq. Mauvais traitement
dont il use à l'égard du Prieui;Strozzi , .325. & seq. La jalousie;qu'il en conçoit, lui fait proposer
, une tentative fur Zoare, qui est;
très funeste à la Religion, 3.33.Sa
mort,ses bonnes ôc mauvaises qua-4litez, 357.
'
P
7j Htlippes II. fils de Charles- Quintf*
épouse Marie Reine d'Angle-f
terre, fans pouvoir en être recon*
nu Roi, 352. &seq.approuve l'en-
trcprise du Viceroi de Sicile fui
Tripoly, ÔCdonne des ordres pourl'exécurion , 588. &seq. Suices fu-
nestes de cette expédition, où il
périt plus de 14 mille hommes,
406. II s'empare du Pignon de
Vêlez avec le secours de la Reli-
gion, 418. &seq. Inquiété de l'ar-
mement du Grand Seigneur, il
donne ses ordres pour la défense
de Malte, 452,434.
Pialy, Amiral de la flotte Ottomane:
, comment parvenu à cetteL>ighíté,
430. est fait chef de rexpeditioncontre Malte, ibid.
Pie IV. fournit une somme poùrj se-
courir Malte menacée d'un, siège,
-'43+- -.,
Pignatelli, Viceroi de Sicile, se trouve
au débarquement du Grand: Maî-. tre de l'Ifle- Adam à Messine 12.
. lui fait dès offres avantageuses de
là part de VEm pereur, ibid. donne
aux Ambassadeurs du Grand Maî-
. trë l'investiture des Isles de Malte
& de Goze, &:de la ville deTri-
poly, ôc les en met en possession,; 88..
T A B: L E DE S MAT I E; R ES, j^
^Pignonde Vêlez.'» Forteresse:;<dajïs le
.; Royaume dé Fez, conquise par la
{flotte^ de Philippes 11. & des scs
:. Confederez, 418. &seq.,Polus ;persécuté dans fa personne 8c
1dans ses patens par Henri V111.
./..,>pourjavoir refusé 4'approuver son
divorce, 134.^/^estcréé Car-
.:v^hàl,.^.í4,éft'.'fà-Ìt'LÌ^t:,^35.6'V.':.Pont. ( Pierre du);Grand; Maître,- : son caractère, 137 se rend à Malte,
138. soUieiteGharles-Qúint de pas-ser en Afr)que:contre Barberousse,
5 ìï47.:PreuvèSíde; son attachementw à robservancéde la Règle, 164.
::fà ttíoity'ibid. ;
Portugal (Le Roi de ) s'en gage à ne
f>lustroubler les. Chevaliers dans
a jouissance des Commanderiés ,: ôc à;cOntribuer< a l'éntreprise, dé
Rhodes,59. ;;.:••-;'•';.Prieur de l'Eglise, première Dignité
Ecclésiastique de l'Ordré j ses pré-
rogatives, 6.
'':./':-;/: IV
Jïbodes; tentative formée par le
- Commandeur de la Roche-Ai-
rnon, pour y rentrer, 37. ses suites,
38. L'Empereur Charles-Quint &
le Roi d'Angleterre; promettent:
d'y contribuer, .5.3.,i 59 /.' 65. Le
MetropolitaihGreeprelse l'exéeu-
tion de l'éntreprise, 74. Bosio yest renvoyé pour reconnoîtré la
disposition des esprits, 75. Le pro-
jet est découvert, 80.
Roche-Aimon (La) Commandeur de
l'Qrdrd.de Saint Jean, fòrrneune
entreprise sur Rhodes, 37;.Rome prise par l'armée du Conné-
table de :Bourbon, qui y exerce
. ; d'horribles. excès ; pendant deux
mois, 70;
Romegas (;Le Commandeur ;de ) le
plus fameux ; Chevalier de sen
:•]: tems; son caractère, 41Ì;. ses príny
z--J<;CÌpalesprises^4.ri Ì3jí.*ì•.•;::' ;
i-r.y, ';.";".'•:'/.',:.iMíJ'iOilïC'.ji\ .'.-i:'}..'.'.-.:.i
-:-..;.-, í:^ :^:Í:S r.'ív;//:.-;
ïnAinL faille; ( Didier de-)': Grand
Mi-. Maître^ meurt cn chemin pourse rendre à ,Mal|.ej,ur7í.í ; ::v>
Sangle}^ Claude dé Jâ)i«selaLangue;de Erance ; & Grand Hospitalier ,est élu Grand Maître ; joye de
"
son élection à Rome, où il rési-
-..-'.doit en::qualité d'Ambassadeur ,
;36o:^:comrhent!ÌÍ est rççû;& Mes-- ; sine , $6v:,• 362. n'açceptepoint là
ville d'Africâ, que rÈmpéreur, lui
offre,. 3^3, &. siq. fáitiàijouter de
nouvelles fortifications en diffe-
rens endroits de l'Ifle ,.. 373..".Sa,
.. mort,.3'84>.';':, v,-:\-v...,
Santé ( A1vare dé ) Capitaine fameux,lai fié par Lacerdadans Gelves, y
. signale son courage, 404. est fait
prisonnier, 405.Setìa,yille de rifle de Candie, où
ahbrdése Grand Maître de:Tifle-v
:.í Adam* 3» 5. ?'''"Sforce ( François ) Duc de Milan ,
entre dans ,une ligue contre la
France, xi.il s'étoit emparé dé ce
Duché au préjudice des Princes de
laMaison d'OrleanSj4 5. ilnégocic
une;liguecontréCharles-Quint,4(j.Simeoni ( Paul ) Commandeur de Tu-
rin , & esclave de Barberousse ,
fait révolter ses compagnons, ôc
oblige: ée Corsaire d'abandonner
Tunis , 159. &.seq.:'fi& fait Géné-ral des galères , 185.: ;
Sinan le Juif, Associé dé Barberousse,
140. est chargé de la défense, du
Fort de la Goulette ,151. dissuade- à Barberousse d'égorger les escla-
ves: Chrétiens, «57 , s'oppose à la
descente de lafloteOttomane dans
Malte ,262.Zzz iij
<5Jo T A B £ Et) ES M A TIËÌES.
Soliman fâit etràngléÉ Amurat fils de
Zizim avec sesenfensi <5.ëhvôyele Bâcha Achmet en Egypte pour
y apaiser lés troubles excitez con-
tre Mustapha, 3J. & son favori
Ybrahirtìjpóùr se défaire d'Ach-
met lui-même qui s'y étoit àdfli
révolté ,4©\- 41. reçoit l^horríma-
35ede Barberousse pour lé Royaù-nie d'Alger, 139. forme un arme-
ment extraordinaire poúr la con- »
quête de Tunis-\ qu'il confie à ce
Corsaire, qui ravage les côtes de
^Italie;&r de íhvSieisevíì43>: 144.est attaqué par uné ligué des Prin-
ces Chrétiens^ &démre la guerreaux Vénitiens:, 192-,-.193. Succès
de ses armés en Hongrie, 194.•' donne se commandement de fa
flotte à Dragut après la mort de
Barberousse j ii£j. âlà sollicitation
duquel' il armé:puissamment con-
tré la Religion, 24:4... ^/^•Dé-nombrement dé fa flotte, 2) 1. Elle
ravage lès-côtë's de Sicile ,1*8; se
*': présente" devant Malte ', oii èlle
fait quelques tentatives i que la
valeur de ViUegâguon Ôc un avis
supposé rendent inutiles,-2j*»; &.
7^. elle ravage 'Piste de Gùtt, 273.
&seq. & marche à Tripoli, 278.
qu'elle prend par là trahison & la
lâcheté de ses habitans-, 291. &
seq. Il donne des ordres pour se-
courir Tripoly, 394. Sa ilote bat
Tarmée des Princes Chrétiens ,
403. II pense à conquérir Kíálte ,
411. La prise d'un galliort auquels'interefloient ses femmes,ache-vé de l'y déterminer , ibid. &séq.Mahomet le plus ancien des: Bâ-
chas, s'y oppose , 428. 'máis inu-
tilement, & Soliman dispose tout
pour cette guerre , 419^ dont il
donne la conduite à Piàly ôc à
Mustapha, Qualitez de l'un & de
rautre, 430,431. Dénombrementde fá flòté,qui paroît enfin devant
Malte, 444. débarqué en bonne
ordonnancé , & campe proche du
Village de Sainte Cathetine ,447.
L'áttaqué commehcepatleForr de
SiElmev4yi^particuîaritezdé ce
siégé, ibid.&'seqií.;H- ;: : ;
Jïrbsu^, Prsetìr dé Gapoue,i&^Gé-néral dés gáserès^ déf^àvéííAii-dré ©Oria j úne flotte Ottomane
auprès dfeGoisou, ìffi&fèqyaiïe.." en Italie^ &:de-là eh F íatìcepourv
venger la mort de son pèrecausée
par la maison: deMedicisI 17s. &
/è^. quitté lé service delàiFrarice,
.& se trouvé très émbáràíTé, 323.Mauvais traitement que lui fait le
. Grand Maîtred'Omedes,ibid, &'- seq. il revient à Malte* &>travaille
à y faire quelques fortifications ,
328. dí ^54 est défait avec1
grande
perte dans ùhe tentative fur la ville
de Zoare, 333. & seq. est encorefait G éneral des galères, 345. pour-
quoi il n'est point élu Grand Maî-
tre, 358. & seq. Le Roi de France
lui offre lé Génédalat de ses galè-res , 378. il se démet du Généralat
des galères dé la Religion ,370.
s'embarque pour passer én Tosca-
ne-j ôc est tué en allant décoUyrirune Place dont il voùloit s'empa-rer , 371; son corps est inhumé à
Portercose, & déterré depuis parordre du Duc de Florence , 372.
.;::•;:- ;".--i:/:^'''
ìfOlede ( Dom Garde de ) fils: du* Viceroi de Naples, conduit un
puissant secours au siège d'Africâ,
231. &seq. est fait chef de rentre-
prise heureuse fur la Forteresse du
Pignon de Vêlez., 419. Est chargé
par Philippe II de secourir Malte,
ptíur préserver là Sicile, dont il
TABLE DES M ATIEHES. *«: étoit Viceroi, 432 ,434, Sa len-
teur affectée à exécuter ces ordres,se rendi.sospect à'; la plupart des
.-.GhevàliexS'V-487 &ss.qï ,
Tripoly, Ville située fur les côtes d'A-
frique , proposée par les Ministres- de l'Empereur Gharsesr Quint aux
Chevaliers de5^ Jean ,3:2;:fásitua-tior*
44.pourquoileGrandMaîr-..',. tre refuse" de: s'en charger^ ibid,
elle'.lui est cependant donnée : les
conditions, 8f. le gouvernementen est dorihé à Gaspard de San-
gnesse, Commandeur d'Aliágne,89. & confirmé par le Grand Maî-tre , 99. Chasse - Diables essayeinutilement de la surprendre ,170.& seq. Le Conseil par l'ayis de
Botigella propose à s'Enipeteur ou
de reprendre cette Place, ou de lafaire fortifier : if détourne adroi-tementl'un & l'autre, 189. la Re-
ligion y fait faire quelques ouvra-
ges après un second refus de l'Em-
pereur, xip.&seq, elsefistassiégée jétat,op. eile se trouvoistx8ó, &
ûq. ôc prise par Capitulation, parla lâcheté & la trahison de ses ha-
bitans, 291. &seq.Tunis:,.- Capitale du Royaume de çe,
nom, fa situation, 144. ouvre ses
portes àBarberousle,qui se disoit le
vengeur des droits de í'aîné du der-nier Rpi, 14t. Elle est reprise parCharles-Quint dont l'arméeyexer-ce d'horribles cruautez, i^.&seq.la Couronne en est rendue à Has-cen avec hommage au Roi d'Es-
pagne, 162.Turcs ( Les ) sont battus par l'esca-
dre de l'Empereur commandée parAndré Doria, ôc les galères du
Pape ôc de la Religion ,122. &seq.auprès du canal de Corfou, 177.& seq. Ils s'emparent du port de
Suze, I8J.& de Tripoli, 280. e^
; :y*^.;remp9rten.t: de grands ayanta-: ges. fur la Religion 4ansí'enyre-•j\
,prise.sor,2oaSé»:îí^lf dafisjcelse':;:• contreGelyes, íjjp ^sbagné^ies
autres; Conférerez.,, 4^3?i&fíq.: leur flotte; par ,©$5devant Maire,
: 444. ÔC;.commence se siège parv PàttaqnérdnsFprjibS,, EÍmj?, 451.
pârtjcjilàritez;4é.ce ifiége, ihm &
:j jf^. I)ràg.ut y/arrive ayee quelquesrërisorjES, 45^1,
"
..: ^:,-V'ft:-;T'- 'v..>;:x-::
p^^íígj(iLa\:)í;Çommand^U3t;de la
pi: íLaáignèideiRïpyençej, élisait: :.
GouverneurdeTrippÌy,2i;8. prend, des mesurés sages, pçut .s'y. défen-
dre, 219.
Valette^Jean dela)eft #AP^M-Maiftre^ 38^. Il: remédie:aux abus tou^
;)chant::la íperception des Élelp.on-isionsdans l'Alsernàgue í&?l'Etat de
Venise :, 318j. & seq, (décharge se
Maréchal de Vallier des accusa-. tsens. formée? contre Jui,.387., pro-
pose decáncertaypcle^iceroi de: : Sicile áuR,oid'Espagne;le siégé de
Tripoli, 388. s'oppose à celui de
Gelves,39i. engage le Viceroi à
repalï^r en Italie, 40o:lui envoyé
quelques secours, 401. donne avis
à Doria que la flote Ottomane s'a-
vançoit, 402. Philippes U. lui de-
mande la jonction des galères de
la Religion , pour s'emparer du
Pignon de Vêlez , 419. Informé
du dessein du Grand Seigneur sur
Malte, il pourvoit à tout, 432. &
seq.ion caractère, 434, .435. il se
dispose chrétiennement au siège,
437. fait la revue exacte de ce qu'il
Îr
avoit de troupes, & leur assigneeur poste, 441. &seq. veut luùmê-
me passer dans le Fort de S. Elme,
4Î5«Valier ( Gaspard de ) Maréchal de
<<i TABLE B ES MATIERES.
l'Ordre , &- Commandant- dgns
Trìpoly-j odieux au Grand Maître
d'Omedes ,• & pourquoi, 279. se• '
distingue au siège de cétte Place
par sa valeur, sa pieté & sa fer-•
metéyibid. &seq. est mis en liberté- â là prière de l'Ambassadeur de'' France , 300. Le Grand Maître
'entreprend de se perdre j Ville-
KgagnDn prefid sa défense , 305»&
seq. il est absous par le Grand Maî-
tre de la Valette, 387.
Vega ( Dom Juan de ) Viceroi de-
Sicile, conduit en Afrique le siège
d'Africâ, &s'en attribue la gloires
xy.'&feq. Honneurs qu'il rend au
Grand Maître de la Sangle, 361,
362.Vémttens ( Les ) avoientjvû avec in-
sensibilité la perte de Rhodes : re-
proches qUi seur sont, faits, à ce su-
jet, 56. refusent d'attaquer les
Turcs ,120. ôc d'entrer dans une"
ligue contre Soliman qui seur dé-
clare néanmoins la guerre, 192.
Vtlleoagnon (-'Nicolas Durand -de )
Chevalier áe Si je*«, se distingue
au siège d'Alger , 200. quelques,. particularitez qui le concernent,
251. & seq. il rend de grands ser-
vices, tant pour prévenir,que pourrendre inutile la descente de la
flote Ottomane dans l'ifle de Mal-
te, 252, 254, x66.&seq. prendla défense du Maréchal de Valser,'308.
Vtterbe est accordée par ClementVII.
aux Chevaliers de S. Jean pour. le lieu de leur résidenceI,' 30. Le- Grand Maître de l'ifle-Ad?ns yr tient un Chapitre Général, 75.
Y
•ryBrahim, favori de Soliman, est•*•
envoyé en Egypte pour s'op-
poser à la rébellion d'Achmet, 40.dont il envoyé la tête au Grand
Seigneur ,41.
Z
yrOare , Ville de la Province de^
Tripoly. Tentative du Prieur
Strozzi set cette Place., très fu-
neste à la Religion» iiy^rseq.
^iHidis'tmJ^èrVoUaMi,.