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à Lola, ma captivante aux yeux clairs, pour son sourire à Monument Valley, et pour ses larmes au concert d'Ennio Morricone.

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à Lola, ma captivante aux yeux clairs, pour son sourire à Monument Valley,

et pour ses larmes au concert d'Ennio Morricone.

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du même auteur

Marseille révélée par l’art contemporain Marseille, Editions Jeanne Laffitte, 2007

Pourquoi philosopher en cuisinant ? Méditations autour de 10 recettes de Lionel Lévy

Lyon, Editions Aléas, 2007

Road Movies – 227 fragments sur un genre introuvable Photographies de Bernard Plossu,

Marseille, Images En Manoeuvres Editions, 2012

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méditations westernosophiques

marc rosmini

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Il est aujourd’hui dans l’air du temps de mettre la philoso-phie à toutes les sauces, et de l’inviter à s’exprimer sur les objets les plus variés. La liste des hybridations disponibles en librairie est presque sans fin : philosophie du shopping, du surf, de la bouillabaisse, du zombie, du vélo, du jardinage, du jeu vidéo, de la chirurgie, du champignon, etc. Faut-il ajouter une ligne de plus à cet inventaire hétéroclite ? A quoi bon jouer le jeu du mélange des genres, voire du bazar postmoderne ? Un élément de réponse se trouve sans doute dans l’histoire de la discipline elle-même. Toutes les époques ont en effet vu des philosophes confronter leur pensée à des thèmes variés, voire incongrus. Cette confrontation, à chaque fois, a généré de nouveaux motifs de conceptualisation et de problématisation ; or, justement, un propos n’est philosophique qu’à condition de formuler de nouveaux problèmes, de forger de nouveaux concepts, et de déployer de nouveaux arguments. Réfléchir sur le western nous permettra-t-il de satisfaire

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à ces trois exigences ? Ou peut-être devrais-je plutôt dire « penser avec » que « réfléchir sur », cette dernière expression impliquant mise à distance et attitude surplombante. Une de mes ambitions est au contraire d’être attentif à chaque film, et de prendre en compte ses spécificités, notamment formelles, afin de suivre et de prolonger les questionne-ments qui le travaillent. Vaines sont en effet les approches philosophiques du cinéma qui se contentent de réduire les films à une fonction d’illustration de thèses générales. En cela, elles trahissent l’esprit du cinéma, les films étant alors figés dans leurs dimensions narratives et thématiques ou, pire encore, réduits à leur supposé « message ». Rappelons-nous toujours qu’une œuvre d’art n’est que très exceptionnellement porteuse d’un sens explicite et univoque et que, même dans les cas où elle l’est, sa portée ne se limite pas à une idée ou à une thèse ; car si c’était le cas, cette thèse pourrait tout aussi bien être communi-quée, sans aucune perte, dans une forme complètement différente. Un film devient pesant et didactique lorsqu’il assène un message, et la nature même de l’art, de manière générale, se prête difficilement au déploiement d’argu-ments. N’attendons donc pas des auteurs, notamment des auteurs de westerns, qu’ils cherchent à nous convaincre ou à nous persuader de quoi que ce soit. Evidemment, cela arrive dans certains cas, mais on s’éloigne alors de l’art pour dériver vers des formes plus ou moins subtiles de propagande. Ce ne sont donc pas des arguments, des thèses, ou des « messages » que nous chercherons dans les films, mais plutôt des manières singulières de questionner

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les évidences, de mettre en doute les certitudes, ou encore d’interroger certains concepts. Hésitante et polymorphe, mon approche consistera à saisir la façon particulière dont chacun des westerns évoqués, par son style propre, nous interroge. Outre la spécificité de chaque œuvre, j’essaierai de ne pas perdre de vue la question suivante : devant un film, à quoi faut-il être prioritairement attentif ? La réponse n’est évidente dans aucun des champs artistiques, mais elle l’est encore moins pour le cinéma qui, en tant qu’art synthétique et « impur », emprunte à diverses formes de langages : langage verbal, plastique, musical, etc. Un western, pour peu qu’il soit réalisé par un cinéaste exigeant, peut se prêter à un nombre indéfini de lectures et d’analyses, les plus fécondes d’entre elles ayant le pouvoir de faire varier nos cadres de perception et de compréhension. Comme l’analyse ne peut, et c’est heu-reux, épuiser une œuvre, et à plus forte raison un genre, il convient de faire un choix ; le mien consiste ici à explorer la richesse de questionnement portée par le western en général, et par quelques films en particulier. Hors-la-loi, shérifs, Indiens, pionnières, soldats, esclaves, chasseurs de prime : tous ont leur place dans le cadre de la réflexion westernosophique, qui sera tour à tour éthique et politique, mais aussi esthétique, anthropologique, ontologique, et même épistémologique. Il semble que les analyses philosophiques traitant du western - la westernosophie, même si elle n’a pas toujours porté ce nom, existe en effet depuis longtemps - se soient trop souvent limitées aux notions de droit, de violence, de

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morale, d’histoire, sans s’intéresser suffisamment à celles de réalité, d’illusion, d’interprétation, de signe, ou encore de conscience de soi. On peut expliquer cette tendance en faisant l’hypothèse que, par tradition, les philosophes sont davantage sensibles à l’aspect narratif et, disons, au « contenu » des films, qu’à leur forme. Nul ne contestera que la compréhension du scénario joue un rôle essentiel dans l’appréhension d’une œuvre cinématographique ; mais si le récit épuisait le sens de l’œuvre, la lecture du scénario rendrait superflu le contact avec le film. Or, ne serait-il pas très naïf de penser qu’on a définitivement « compris » un film si l’on a simplement saisi les relations de causalité entre les différents événements qu’il évoque ? Cette question de la compréhension traversera l’ensemble de mon propos, et fera plus particulièrement l’objet du tout premier chapitre, consacré à La Dernière piste, de Kelly Reichardt. Chacun des cinq autres tournera également autour d’une question générale, et d’un film en particulier. Sans m’interdire de faire référence à des westerns plus anciens, j’ai choisi comme têtes de chapitres des œuvres réalisées durant les trente dernières années. Trois raisons expliquent ce choix.Tout d’abord, on peut imaginer qu’un nombre important de lecteurs auront, comme moi, découvert ces films dans une salle obscure l’année même de leur production – ce qui est moins probable, par exemple, pour Tumbleweeds, de William S. Hart, sorti sur les écrans en 1925. Par ailleurs, de nombreux et excellents textes ont été écrits sur les westerns des années cinquante, soixante, ou

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même soixante-dix. Classique parmi les classiques de la westernosophie, L’Homme qui tua Liberty Valance, de John Ford, a notamment été l’objet de doctes méditations sur la force, la droit, la loi, la démocratie, le mythe, etc.1 Une des dernières phrases prononcées dans le film, « When the legend becomes fact, print the legend”2, a acquis, par un étrange phénomène de mise en abyme, un statut lui-même légendaire. A quoi bon, dans ce cas, consacrer un chapitre à ce film ? Il m’a semblé plus fécond d’aborder des œuvres qui, même si certaines sont devenues de grands classiques, ont été moins étudiées d’un point de vue philosophique. Enfin, et surtout, ce choix de films contemporains exprime une option théorique. Depuis longtemps, en effet, la mort du western semble être un fait dont l’évidence est très largement acceptée. Ce genre incarnerait une conception révolue du cinéma, qui aurait rendu l’âme en même temps qu’émergeait le “Nouvel Hollywood”. Or l’affirmation “Le western est mort” est en réalité hautement problématique. “Le western est vivant !” : tel est le titre que j’avais dans un premier temps envisagé de donner à ce livre. D’ailleurs, quelle date faudrait-il inscrire sur l’avis de décès du western ? Sur cette question, ceux qui ne voient en lui qu’un genre défunt peinent à s’accorder. Remarquons par exemple qu’en 1955, déjà, André Bazin écrivait qu’il n’existait presque plus de « vrais westerns », mis à part dans la série B

1 – Outre les pages que Gilles Deleuze à conscré à ce film, on peut citer entre autres l’article de Jean-Jacques Melloui titré « Western et philosophie » dans L’école des philosophes, Lille, Ed. du CRDP, 1998

2 – Qu’on peut traduire par « Lorsque la légende dépasse la réalité, on imprime la légende. »

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ou chez quelques « résistants », au premier rang desquels il plaçait Howard Hawks3. Selon Bazin, des films comme Le Train sifflera trois fois ou L’homme des vallées perdues4 ne sont pas de “vrais westerns” mais des “sur-westerns” (j’aurai l’occasion de revenir sur cette distinction). Pourtant, ces deux films ne sont-ils pas aujourd’hui cités comme des archétypes du genre par ceux qui regrettent le temps du « vrai western » ? Les nostalgiques évoquent parfois l’année 1964 comme étant la date fatale. John Ford réalise cette année-là son dernier western, crépusculairement intitulé Cheyenne Autumn5. De l’autre côté de l’Atlantique, un jeune italien nommé Sergio Leone signe, sous le nom de Robert Robert-son, un film ironique et déconstructeur : Pour une Poignée de dollars - coup fatal porté au « grand » western, diront certains, le genre entrant alors dans une phase caustique, hypercitationnelle, carnavalesque, voire cynique. Parmi ceux qui portent le deuil du western, d’autres pro-posent 1980 comme étant l’année du trépas. Le coupable du westernicide serait dans ce cas Michael Cimino, l’auteur des Portes du paradis. Par les événements qu’il relate, et plus encore par ses qualités formelles, ce film mine de l’intérieur les valeurs et les codes sur lesquels étaient con-struites la plupart des œuvres majeures de l’après-guerre. Cimino malmène non seulement les mythes fondateurs –

3 – André Bazin, « Evolution du western », dans Qu’est-ce que le cinéma ?, Paris, Ed. du Cerf, 2011, p. 235

4 – High Noon de Fred Zinnemann (1952) et Shane de Georges Stevens (1952)5 – Titre français : Les Cheyennes

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la vocation civilisatrice de la conquête de l’Ouest et l’unité du peuple, notamment – mais aussi les codes énonciatifs qui, à leur manière, participent de l’identité narrative du peuple américain. Démystificateur, Les Portes du paradis a, sans doute malgré lui, porté atteinte à l’usine à mythes elle-même, son cuisant échec commercial ayant provoqué la faillite du studio United Artists. A cause, entre autres, de cette banqueroute, les westerns se sont effectivement faits plus rares durant les deux dernières décennies du siècle. Pour autant, je le maintiens : le western est vivant. Il l’est, bien sûr, parce que les « grands classiques » sont toujours capables de nous passionner, de nous interroger, de nous émouvoir – bref, d’intensifier notre existence. Mais sa force vive ne s’arrête pas là, car il sait aussi inspirer les créateurs d’aujourd’hui, soit directement – lorsqu’ils racontent des histoires liées à l’Ouest et à sa conquête – soit indirectement, quand les codes du genre viennent enrichir des œuvres qui, a priori, ne sont pas des « westerns » au sens strict. C’est pour ces différentes raisons que j’ai choisi, comme têtes de chapitres, des films postérieurs à 1980. Dans la mesure où ils ont été tournés assez tardivement par rapport à l’histoire du septième art, il n'est pas étonnant que ces westerns recourent volontiers à la citation, au clin d’œil, et au détournement.En titrant ce livre « Méditations westernosophiques », je me suis moi aussi prêté au jeu du détournement, voire du retournement. Ma démarche est en effet à l’exact opposé de celle de Descartes dans ses Méditations Métaphysiques. La voie cartésienne suppose de mettre le monde à distance,

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et de se couper – au moins provisoirement – de l’agitation infinie des formes sensibles, du kaléidoscope enivrant des perceptions. Protégé des apparences, des sensations, des odeurs, des sons, des couleurs, des affects, l’esprit peut s’examiner lui-même en toute sérénité, et tirer de son essence les règles d’une pensée rigoureuse et méthodique. La westernosophie s’inscrit dans une autre tradition, qui consiste à partir non pas d’un examen de la conscience par elle-même, dans sa transparence et son isolement, mais de sa rencontre fortuite et toujours renouvelée avec ce qui n’est pas elle. Selon Descartes, lorsque nous sommes égarés dans une forêt et que nous ignorons dans quelle direction se trouve la sortie, la solution la plus rationnelle consiste à marcher selon un axe précis, sans jamais s’écarter de la ligne droite. Westernosopher implique au contraire d’accepter le détour, le coq-à-l’âne, la boucle, la spirale, le tête-à-queue, en bref toutes les figures de l’égarement. L’approche de chacun des films choisis, bien qu’ordonnée autour d’une problématique centrale, supposera d’accepter de se perdre, de flâner, et de se laisser surprendre par la façon dont chaque film résiste à l’analyse. Notre modèle sera donc moins le pionnier, qui avance coûte que coûte vers l’Ouest selon un plan bien établi, que le cow-boy6 errant dans les grands espaces au gré des vents, des envies, et des rencontres.

6 – Selon Suzanne Liandrat-Guigues et Jean-Louis Leutrat, il serait plus heureux de parler de « westerner » que de « cow-boy », car « tous les hommes de l’Ouest cinématographique ne sont pas nécessairement des vachers » Cf. Les cartes de l’Ouest – Un genre cinématographique : le western, Paris, Armand Colin Editeur, 1990, p. 12

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1.Sommes-nous condamnés à ne rien comprendre ?Kelly Reichardt, La Dernière piste, USA, 2011

Notre tout premier contact avec un film consiste en général à prendre connaissance de son titre. La clef de compréhension initiale n’est donc pas audiovisuelle, mais verbale. Cette clef peut s’avérer problématique, voire trompeuse : dans l’art du XXe siècle, qu’il s’agisse de cinéma, de musique, ou encore d’arts plastiques, le rapport entre les œuvres et leur titre a constitué un grand terrain d’investigation et de créativité. Redondances, humour, contrepieds, décalages, ironie, mystère, double sens : toutes les formes de jeux se sont déployées dans cet espace particulier qui relie une œuvre à son nom. La traduction d’une langue à l’autre contribue à brouiller encore un peu plus les cartes. En ce qui concerne le west-ern, il existe une étrange tradition consistant à confondre traduction et trahison. Il suffit, pour s’en convaincre, de revenir aux titres originaux de grands classiques de John Ford tels que La Poursuite infernale, La Chevauchée

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fantastique ou encore La Charge héroïque1. Cette habitude se prolonge visiblement de nos jours, Meek’s Cutoff étant le titre original de La Dernière piste. Les premiers westerns ayant été tournés au tout début du XXe siècle, quelques années à peine après la fin de la con-quête, il est logique que l’expression « the last » revienne, à toutes les époques, dans un grand nombre de titres. C’est cette tradition qui, en l’occurrence, a sans doute inspiré les traducteurs. L’expression « la dernière piste » nous plonge dans une atmosphère crépusculaire typique du genre. Or, cette nostalgie est absente du titre que Kelly Reichardt elle-même a donné à son film. « Meek’s cutoff » est une expression dénuée de connotations mélancoliques. Elle se réfère directement, et sans aucun pathos, à l’histoire et à la géographie. Le film s’inspire en effet de faits réels : en 1845, des émigrés sont en route vers l’Ouest et traversent les vastes plaines de l’Oregon. Parmi eux, quelques familles décident de suivre un aventurier, Stephen Meek, pour emprunter ce qu’il présente comme étant un raccourci (« cutoff », en anglais). Grande gueule, braillard, paillard, Meek s’avère surtout être un incompétent, et les pionniers se retrouvent égarés dans des espaces sauvages et inhospi-taliers. Jon Raymond, le scénariste du film, a construit le récit de La Dernière piste à partir des journaux intimes des pionniers, et plus spécialement des pionnières2. Le titre original évoque aussi une géographie bien réelle, puisqu’il

1 – Titres originaux : My Darling Clementine, Stagecoach, et She Wore a yellow ribbon2 – Les Cahiers du Cinéma N°668, Juin 2011, p. 46

Sommes-nous condamnés à ne rien comprendre ?

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2.Le western, par-delà le vrai et le faux ?Clint Eastwood, Impitoyable, USA, 1992

La question de la vérité est sensiblement différente de celle de la compréhension, à laquelle le précédent chapitre a été consacré. Comprendre consiste, pour un esprit, à se projeter vers les intentions d’un autre esprit : il s’agit donc, essentiellement, d’un rapport entre deux vies psychiques, entre deux intériorités. La vérité, dans le sens courant de la correspondance avec les faits, suppose la relation entre une idée (ou un propos) et une réalité extérieure, matérielle, positive. Par exemple, le livre que vous lisez en cet instant précis n’est en lui-même ni vrai, ni faux. Ce qui peut l’être ou non, c’est seulement ce qu’on en dit. La proposition « ce livre date du XIXe siècle », par exemple, est définitivement fausse. L’affirmation « vous tenez ce livre dans vos mains » est vraie mais, a priori, seulement pour une période limitée. Le cinéma étant un moyen de représentation des images et des sons, il pose la question de la nature de sa relation à la réalité, et de son éventuelle prétention à la « vérité ». Certains cinéastes ont fait de cette interrogation un des

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axes majeurs de leur œuvre. C’est le cas, notamment, de Clint Eastwood1. Nous allons voir que la westernosophie, notamment sous son versant eastwoodien, se frotte sou-vent aux notions d’authenticité, d’illusion, de réalisme, d’exactitude et d’inexactitude, ou encore de véracité.

Le western entretient une relation particulière avec l’His-toire2 ; de ce fait, il interroge le rapport complexe qui existe entre les événements (présents ou passé) et ce qu’on dit, écrit ou filme à leur propos.Impitoyable3, de Clint Eastwood, nous raconte une histoire dans laquelle la « vérité » est malmenée de bien des façons. Les écueils qui la menacent sont polymorphes : il y a le mensonge, bien sûr, mais aussi l’oubli, l’erreur, l’illusion plus ou moins volontaire, et même l’hallucination. Ces différentes modalités du faux sont incarnées par plu-sieurs personnages, la complexité du film étant relative à leurs statuts respectifs, et au regard qu’ils portent sur la réalité. Impitoyable se construit ainsi par le croisement de points de vue divers, et propose une subtile réflexion sur la focalisation, ce terme pouvant être pris ici dans ses différentes acceptions. La vérité, pensée comme fidélité d’un discours ou d’une représentation à la réalité, suppose que cette dernière soit

1 – Certains de ses films, comme Mémoires de nos pères, (en VO Flags of Our Fathers), réalisé en 2006, font de cette question leur thème central.

2 – Cf. notamment Jean-Louis Leutrat, Suzanne Liandrat-Guigues, Western(s), Paris, Ed. Klincksieck, Collection « 50 Questions »,, 2007, pp. 58 et suivantes.

3 – Je reviendrai ultérieurement sur les problèmes posés par la traduction du titre original.

Le western, par-delà le vrai et le faux ?

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3.La frontière entre la réalité et l’illusion est-elle claire ?Quentin Tarantino, Django Unchained, USA, 2012

Le passé, c’est entendu, ne pourra être reconstitué ni par le cinéma, ni par quoi que ce soit d’autre. Plus globalement, il existe un écart entre la « réalité » - méta-notion en elle-même hautement problématique – et ses différentes représentations, notamment iconiques. Cet écart soulève des questions non seulement épistémologiques, comme on l’a vu dans le précédent chapitre, mais aussi ontologiques. Quel est l’être des images cinématographiques ? Faut-il systématiquement se méfier de ces dernières ? La notion de réalisme cinématographique a-t-elle un sens ? Pour le dire en termes godardiens, faut-il attendre d’un film des images justes, ou juste des images ? Et que risquons-nous à entrer dans le jeu d’images dont-on ne sait pas si elles se réfèrent à une « réalité », ou à d’autres images ?Lorsque, dans le cadre s’une réflexion westernosophique, on soulève de tels problèmes, deux figures majeures s’imposent : celle de Platon et, plus près de nous, celle de Sergio Leone.

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Outre le port de la barbe, Platon et Leone partagent une particularité : celle d’avoir, directement ou indirectement, changé le cours d’un champ de la culture – la philosophie pour l’un, le western pour l’autre – et aussi, sans doute, la vie d’un grand nombre d’entre nous.Il est difficile de méditer sur l’image et sur sa relation à la « réalité » sans faire un détour, même s’il peut sembler trop convenu, par la caverne platonicienne. Pour l’auteur de La République, on le sait, seules les Idées, les Formes intelligibles, ont une réelle consistance ontologique, et méritent notre attention. Le monde sensible n’étant qu’il-lusion et tromperie, il faut s’en détourner vigoureusement pour tourner notre esprit vers les Essences éternelles. A cet égard, le peintre figuratif, qui vise la ressemblance avec les objets concrets tels qu’ils lui apparaissent, s’éloigne de plusieurs degrés de la vérité. Pour illustrer sa thèse, Platon prend l’exemple du lit. Transposons cet exemple dans l’univers de l’Ouest américain, et remplaçons-le par le tipi. La tente réelle dans laquelle vit une famille indienne n’est déjà qu’une copie dégradée, contingente et imparfaite de l’Idée de tipi, qui existe dans le ciel des Formes Intelligibles. Celui qui envisage de représenter mimétiquement ce tipi – qu’il soit peintre, photographe ou, en ce qui nous concerne, cinéaste – projette donc de faire une copie d’une copie de l’Idée de tipi. En cela, il s’éloigne de plusieurs degrés du Vrai.

Par souci de pédagogie et pour illustrer son système on-tologique, Platon propose dans le livre VII de La République

La frontière entre la réalité et l’illusion est-elle claire ?

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4.Peut-on adopter le point de vue de l’autre ?Kevin Costner, Danse avec les loups, USA, 1990

Il nous faut donc renoncer à une vision exhaustive et ob-jective du monde, et nous contenter d’une accumulation de points de vue. Telle est la leçon métaphysique du cinéma : la caméra ne peut être placée, en un instant donné, à tous les angles possibles. L’idée de point de vue, au-delà de son sens purement vi-suel ou optique, évoque aussi des choix philosophiques, voire idéologiques. A cet égard, on admet souvent comme une évidence l’idée selon laquelle le western raconterait la conquête de l’Ouest « du point de vue des Blancs ». Symétriquement, celui des Indiens aurait été nié, refoulé, trahi, la violence symbolique s’ajoutant ainsi à la violence de la guerre. Cette affirmation, quoique globalement pertinente, doit être nuancée. Parler du « point de vue » des Indiens ou des Blancs suppose une homogénéité de ces groupes. Or, bien évidemment, cette hypothèse est non seulement très réductrice, mais aussi raciste. Chaque culture est certes globalement porteuse d’une vision du monde, mais il existe des variations individuelles chez

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ceux qui appartiennent à cette culture. Ces variations sont d’autant plus fortes dans le contexte de la modernité : qui pourrait prétendre qu’il existe une vision du monde univoque chez les Américains blancs du XXe siècle ? Notamment, par exemple, chez les réalisateurs ayant tourné des westerns ? Quant aux « Indiens », on sait que cet hyperonyme englobe en fait un très grand nombre de peuples dispersés sur un continent immense, peuples qui ignoraient souvent leur existence réciproque. Ceux qui reprochent à Hollywood d’avoir négligé le « point de vue des Indiens » (au singulier) ne se rendent pas compte que cette expression elle-même est porteuse de violence symbolique, en ce qu’elle nie la diversité des cultures amérindiennes. Et, réciproquement, qui peut prétendre s’exprimer au nom des « Blancs » ?

Est-il pour autant plus pertinent de parler du « point de vue » d’un réalisateur ? Sans doute. Mais si l’on associe cette expression à un œil et à une conscience qui projettent leur intentionnalité sur le monde, on constate qu’elle a quelque chose de trop figé. Comme nous l’avons déjà vu, notamment à propos d’Impitoyable, le regard d’un cinéaste peut varier à l’intérieur même d’un film. L’œil et la pensée sont menacés de pétrification lorsqu’ils se cristallisent dans une position immobile.

Ces précautions étant posées, on peut tout de même con-stater qu’Hollywood a façonné l’image des Indiens dans le monde. Les historiens du cinéma ont distingué plusieurs

Peut-on adopter le point de vue de l’autre ?

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5.un acte peut-il être moralement pur ?Tommy Lee Jones, Trois Enterrements, USA, 2005

Il ne fait aucun doute que, depuis sa naissance, le western est un genre qui interroge les valeurs morales. Beaucoup d’entre nous ont commencé à réfléchir sur le bien et le mal, le juste et l’injuste, la vengeance et le pardon, à partir de films mettant en scènes des cow-boys et des Indiens. Le rapport entre l’art – le cinéma en l’occurrence – et la mo-rale est cependant complexe. Il est étonnant de constater qu’aujourd’hui encore beaucoup de gens se demandent, en sortant d’une salle obscure, quelle est « la morale » que le réalisateur a souhaité exprimer, comme si nous attendions des films qu’ils nous dictent une conduite. Etrange attente, en vérité. Car enfin, de quel droit les cinéastes seraient-ils légitimement habilités à nous dire ce que nous devons faire ? Auraient-ils accès à des valeurs qui nous seraient inaccessibles directement à nous, pauvres spectateurs ? Un artiste peut certes s’ « engager » pour telle ou telle cause. Mais cela donne-t-il plus de crédibilité à cette dernière ? Les films de Leni Riefenstahl ont d’indéniables qualités esthétiques. Cela confère-t-il de la valeur à l’idéologie qui

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les irrigue ? Vouloir trouver la « morale » d’un film relève sans doute d’un besoin d’hétéronomie bien ancré dans l’esprit humain, et que Kant brocarda en son temps dans un texte célèbre.1

Pour autant, le cinéma en général et le western en partic-ulier peuvent jouer un rôle essentiel dans notre réflexion sur les valeurs. Ce rôle ne pouvant être ni prescriptif (à moins de tomber dans la propagande), ni même ar-gumentatif au sens strict du terme, il ne peut être que problématisant. La réflexion éthique a précisément besoin d’exercices de simulations, et de stimulations. La fiction est complémentaire de la pure théorie : elle propose des dilemmes en situation ; elle dévoile la complexité d’un contexte  ; elle creuse les différentes dimensions d’une décision, entre calcul rationnel, référence à des princi-pes, prise en compte des intérêts des uns et des autres, et émotions. A cet égard, le western constitue un genre privilégié, les thèmes qu’il aborde posant immédiatement de passionnantes questions éthiques. Dans une optique westernosophique, nous considèrerons donc quelques films en tant que « laboratoires de cas de conscience ».2

En 2005, avec Trois Enterrements3, Tommy Lee Jones répond avec élégance à la question suivante : est-il possible

1 – Qu’est-ce que les Lumières ?2 – J’emprunte l’expression à Frédérique Leichter-Flack, Le laboratoire des cas de conscience,

Paris, Ed. Alma, 20123 – The three burials of Melquiades Estrada

un acte peut-il être moralement pur ?

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6. Je est-il un autre ?Jim Jarmusch, Dead Man, USA, 1990

Les précédents chapitres nous ont confrontés à l’in-stabilité des signes, à l’inconsistance de la réalité, à la réversibilité des points de vue, et à la contingence des valeurs. Les questions posées par les différents westerns dont nous avons croisé la route nous ont plongés dans des abîmes de perplexité. Le scepticisme nous guette. Faut-il renoncer à trouver le moindre point fixe sur lequel nous pourrions nous appuyer ? Sommes-nous incapables de découvrir une idée assez consistante pour fonder sur elle des raisonnements solides ? Echapperons-nous aux apories perpétuelles ?

Confronté à des difficultés similaires, c’est dans le rapport que la pensée entretient avec elle-même que Descartes trouve la voie pour sortir du doute radical. « Cogito » ! Dans les Méditations métaphysiques, la vérité première, pure et indubitable surgit du travail de réfutation le plus corrosif. Si je doute, c’est que je pense. « Je ne pense pas » est une pensée contradictoire, donc impossible, donc absolument

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fausse. « Je pense, je suis » est par conséquent une vérité certaine. D’où je peux conclure, selon Descartes, que je suis une « chose qui pense ». Or cette première déduction pose problème. Puis-je in-férer que je suis une substance – c’est-à-dire une réalité homogène, stable, identique à elle-même à travers le temps – à partir de l’expérience que je fais de ma propre vie intérieure ? Le cartésianisme affirme l’existence d’une « âme » immatérielle et immuable, qui assure la présence du sujet à lui-même au-delà du flux et de l’hétérogénéité de ses états. Parmi les philosophes qui ont discuté cette thèse, Hume est sans doute un de ceux qui ont posé le plus radicalement le problème. Après avoir exposé la thèse des philosophes qui prétendent que l’existence d’un moi substantiel et pérenne est une évidence indubitable, il argumente ainsi : « Malheureusement toutes ces affirmations positives sont contraires à cette expérience même que l’on invoque en leur faveur et nous n’avons aucune idée du moi de la manière qu’on vient d’expliquer. De quelle impression, en effet, cette idée pourrait-elle provenir ? Il est impossible de répondre à cette question sans une contradiction et une absurdité manifestes (…) »1 Selon Hume, l’expérience que nous faisons de la subjectivité ne nous donne accès qu’à du changeant, du contingent, du multiple. Nous ne pouvons pas saisir ce qui consituerait le noyau dur de notre moi. Si cela était possible, notre vie intérieure serait en quelque sorte figée, puisque nous perdrions ce qui caractérise le

1 – Traité de la nature humaine, Livre I, Partie IV, Section VI, « L’identité personnelle », trad. Ph. Saltel et Ph. Baranger, Paris, Flammarion, coll. «GF»,1995, p. 342-344

Je est-il un autre ?

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Conclusion

Ludwig Wittgenstein, un des plus grands philosophes du XXe siècle, adorait les westerns. Faut-il voir dans cette attirance un goût décalé, un écart, une bizarrerie ? C’est en tout cas par cet exemple que le sociologue Bernard Lahire fait débuter le livre qu’il a consacré au concept de « dissonance culturelle »1.

L’image générale qu’on se fait de Wittgenstein est en effet celle d’un « personnage ascétique et austère » qui détestait tout ce qui pouvait lui sembler « superficiel, futile, mondain ou vaniteux »2. Après avoir présenté l’auteur du Tractatus comme un homme réfractaire à la mode et à l’air du temps, Lahire écrit ceci  : « C’est donc avec étonnement, pour une partie de son entourage comme pour les commentateurs de sa biographie, qu’on découvre la même personne passionnée de westerns et de magazines d’histoires policières (…) ». Tout le propos du sociologue va consister à montrer que nous ne

1 – La culture des individus – Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, Ed. La Découverte, 2004

2 – Idem, pp. 7-8

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devrions pas nous étonner de ces « écarts », dans la mesure où les différences et les hiérarchies culturelles ne se situ-ent pas seulement entre les classes, ou les individus, mais aussi à l’intérieur même de chacun de nous. La frontière, d’ailleurs rarement très nette, entre « haute culture » et « basse culture » n’existe pas qu’entre les groupes sociaux : elle est aussi intra-individuelle. Cet exemple est essentiel d’un point de vue westerno-sophique dans la mesure où l’ « étonnement » évoqué par Lahire suppose que le goût pour les westerns et la pratique de la philosophie sont a priori considérés comme incompatibles. On a rapporté que Wittgenstein lui-même s’expliquait mal cette attirance. Il aurait confié à un de ses proches qu’après des heures de cours sur des questions extrêmement ardues, aller voir un film de cow-boys au cinéma lui faisait « l’effet d’une bonne douche »3.De fait, on ne trouve dans les écrits de Wittgenstein aucun propos sur le western. On pourrait donc penser que sa pratique de spectateur était complètement déconnectée de son activité de théoricien. Je suis pourtant convaincu que la question « Qu’est-ce qu’un western ? » peut tout à fait se penser en termes wittgensteiniens4, à l’instar des questions « Qu’est-ce qu’un nombre ? », « Qu’est-ce qu’un jeu ? » ou « Qu’est-ce que le bleu ?», qui ont irrigué la pensée de l’auteur du Cahier bleu.

3 – Idem, p. 84 – Rêvons un peu : dans un grenier, un jour, on retrouvera peut-être un manuscrit de

Wittgenstein dans lequel il prendrait comme exemple, pour développer sa philosophie du langage, la question « Qu’est-ce qu’un western ? »

Conclusion

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REMERCIEMENTS

Ce livre est largement inspiré des Chroniques Westernosophiques que j’avais proposées sur Radio Grenouille

de 2009 à 2011 (elles sont toujours en écoute sur le site de la radio). Merci à mon complice Marc Voiry,

qui avait réalisé ces chroniques.

Merci à William Benedetto d’accueillir le cycle Cinéphilo à l’Alhambra, le cinéma qu’il dirige, et merci à Elisabeth Viola,

directrice interrégionale de la Caisse des Dépôts Provence Alpes Côte d’Azur, de soutenir ce projet.

Merci à Vincent Thabourey, le directeur de l’association Cinémas du Sud, de me permettre de cinéphilosopher

régulièrement dans les salles obscures du Sud Est de la France.

Merci à Bernard Plossu, qui m’a orienté vers les éditions Médiapop.

Merci aux amis qui, d’une façon ou d’une autre, m’ont encouragé dans ce projet d’écriture : Vladimir Biaggi,

Eve-Marie Crut, Bernard Fauconnier, Pascal Jourdana, Abdoul Kouyate, Baptiste Lanaspeze, Odile Pagano,

Christian Pesci, Julien Rochedy, Henri Siguan et Emmanuel Vigne – sans oublier Stone et Charden,

qui se reconnaîtront.

Merci à Frédo, mon père, de m’avoir initié au western et de m’avoir emmené voir Il était une fois dans l’Ouest

sur grand écran à l’âge de dix ans.

Merci à mes proches – Coco, Inès, Lola, Christina, Kaki et les autres – qui me soutiennent dans tout

ce que j’entreprends.

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déJà ParuSLa Courneuve, mémoires vives Préface de Cloé Korman & Solène Nicolas Raqa. L’histoire n’est encore qu’un regard d’enfantde Christophe FourvelÎles grecques, mon amour de Philippe Lutz avec des photographies de Bernard Plossu Un même moment d’existencede Geneviève Pernin avec des photographies de Lin DelpierreL’Amour de la marche de Philippe Lutz avec des photographies de Bernard Plossu Le Lieu du mondede Nathalie SonntagComme neige au soleilde Pascal BastienBerlin 2005de Jean-Christophe Bailly et Bernard PlossuJe peux écrire mon histoirede Abdulmalik Faizi, Frédérique Meichler et BearbozDe la futilité et autres nuits rapportées2001-2005, entretiensde Michel Collet et Matthieu MessagierEn chemin vers Saint-Guilhemde Philippe LutzDu thé et des sourires de Francis Kauffmann, préface de Bernard PlossuMonument de Bernard HeizmannConstellations photographiques de Anne ImmeléLa photo du jourde Philippe Lutz (préface de Éric Franceschi)1, 2, 3 Istanbulde Bekir AysanAujourd'hui, c'est toujours maintenant?de Pascal Bastien

COLLECTION aILLeurS

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à ParaîtreHôtel Bar Restaurant Le Vaubande Christophe Miossec avec des photographies de Léa Crespi Magnificence (amours Blondie)de Emmanuel Abela – Illustrations : Jennifer Yerkes

déJà ParuSAbout Rock, Sex and Cities de Denis Scheubel et Henri WalliserFar out ! Les années hip : Haight-Ashbury, Big Sur, India, Goade Bernard Plossu Songs to learn and sing de Vincent Vanoli, textes de Calou, Philippe Dumez, Everett True et Fabrice VonéDe Buffalo Bill à Automo Bill de Bernard Plossu & David Le BretonSmall Eternity de Ayline Olukman avec un texte de Emmanuel AbelaLa faute aux dinosaures de Anthony GhilasFunky Boy de Yves TenretFourt de Yves TenretLe saut de l’ange (hommage à Daniel Darc)Ouvrage collectif sous la direction d’Emmanuel Abela et Bruno ChibaneTraqueuse de fantômesde Laure Vasconi, préface de Serge KaganskiFaire dépressionde Yves TenretAmerica de Ayline OlukmanBefore Instagramde Philip Anstett (préface de Daniel Carrot)

COLLECTION SubLIme

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Texte : Marc RosminiConception et réalisation : STAR★LIGHT

Relecture : Marie Marchal et Marc Schweyer

Achevé d’imprimer en octobre 2015 sur les presses de l’imprimerie Printachats pour le compte de médiapop éditions

Diffusion-Distribution : R-Diffusion www.r-diffusion.org

ISBN : 978-2-918932-40-6ISSN : 2259-5813

Dépôt légal : octobre 2015

Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication - Direction régionale des affaires culturelles d'Alsace,

de la Région Alsace

© médiapop éditions, 2015 / www.mediapop-editions.fr

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