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« Accompagner les parents, Pourquoi, comment ? Une expérimentation de parents acteurs, chercheurs et citoyens : Les Universités Populaires de Parents » Colloque organisé par l’ACEPP Le vendredi 30 mai 2008 À Sciences Po

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« Accompagner les parents, Pourquoi, comment ?

Une expérimentation de parents acteurs,

chercheurs et citoyens :

Les Universités Populaires de Parents »

Colloque organisé par l’ACEPP Le vendredi 30 mai 2008

À Sciences Po

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SOMMAIRE

OUVERTURE par Alain Martin-Rabaud, Président de l’ACEPP ________________ 4

Intervention de Madame Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la Politique de la Ville__________________________________________________________________ 6

I – PRESENTATION DES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS ___________ 10

1. « Origines et fondements », par les coordinateurs des différentes Universités Populaires de Parents ____________________________________________________ 10

2. Présentation des groupes d’Universités Populaires de Parents ________________ 16

II – TABLE-RONDE :« L’IMPLICATION DES PARENTS DANS LES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS, QUELS EFFETS ? »_____________________________ 17

Gérard Neyrand, grand témoin :___________________________________________ 22

III - PRESENTATION DES RECHERCHES DE L’UPP DE PAU ET DU BASSIN MINIER - «VALEURS EDUCATIVES DE LA FAMILLE ET VALEURS DE LA SOCIETE : QUELLE COHERENCE, QUELLE TRANSMISSION » ? ______________ 24

1. Présentation des travaux de recherche de l’Université Populaire de Pau ________ 24

2. Présentation partielle des travaux de recherche de l’Université Populaire du Bassin Minier _________________________________________________________________ 34

IV - TABLE-RONDE : « LE PARTENARIAT PARENTS - UNIVERSITAIRES : QUELLE PRODUCTION DE SAVOIRS ? » ____________________________________________ 38

V - PRESENTATION DE LA RECHERCHE DE L’UNIVERSITE POPULAIRE DE PARENTS DE SAINT GENIS LAVAL/ PIERRE-BENITE. « LE DECROCHAGE SCOLAIRE EN QUESTION » _______________________________________________ 45

VI - SYNTHESE DES DIFFERENTES RECHERCHES DES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS _______________________________________________ 49

VII – TABLE-RONDE : « LES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS : UN IMPACT POLITIQUE ET CITOYEN » ________________________________________ 52

Frédéric Jésu, grand témoin_______________________________________________ 55

VIII –TABLE-RONDE INSTITUTIONNELLE : « POURQUOI ET COMMENT IMPULSER DES DEMARCHES D’ACCOMPAGNEMENT DES PARENTS ? »______ 57

IX – INTERVENTION « LE RÔLE DES PARENTS : UN ENJEU DE SOCIETE «____ 61

Par Marine Boisson : chargée de mission au département « questions sociales » du Centre d’analyse stratégique et Doctorante à Sciences-Po Paris _________________ 61

X – LES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS, AVENIR ET PERSPECTIVES : VERS UN RESEAU EUROPEEN D’INITIATIVES CITOYENNES DE PARENTS____ 67

Katinka Beber: Les Universités Populaires de Parents à Berlin _________________ 68

Katelijne de Brabandere : Les Universités Populaires de Parents en Flandre ______ 69

Isabelle Alix, vice Présidente de l’ACEPP. ____________________________________ 71

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OUVERTURE par Alain Martin-Rabaud, Président de l’ACEPP1 Madame la Ministre, chers amis et parents qui avez réalisé ces universités populaires de parents. Je suis très heureux de vous accueillir ici, dans cette école prestigieuse qu’est l’Institut des Sciences Politiques, et je voudrais tout d’abord remercier chaleureusement le directeur de cette institution qui a permis à l’ACEPP et aux parents des Universités Populaires de Parents de présenter leurs travaux ici. Ce lieu est pour nous un symbole fort car s’y enseignent les sciences politiques, s’y organisent de multiples débats de société, y sont accueillis de multiples personnalités du monde politique intellectuel, de ceux qui pensent et font le monde et l’actualité. Et aujourd’hui ce sont des parents de diverses régions de France, de divers horizons sociaux qui vont prendre la parole pour nous dire comment ils perçoivent, pratiquent et conçoivent ce rôle primordial qui fonde le ciment social, l’éducation des enfants et des jeunes, l’avenir de notre société, bref le rôle des parents. Parler de la parentalité est un sujet majeur qui a sa place dans la réflexion universitaire et politique car on mesure trop souvent son importance à partir de faits divers, de mesures plus ou moins fondées et étayées sur la délinquance, l’échec scolaire, bref ce qui ne va pas. Or ce sont des réflexions d’un tout autre ordre qui s’imposent et que vont nous présenter les Universités Populaires de Parents. Nous valorisons aujourd’hui, ensemble, une autre forme d’accès au savoir qui s’inscrit dans la démarche de l’éducation populaire : jeter des ponts entre les universités et d’autres formes d’apprentissage, démocratiser l’accès aux savoirs sont les objectifs centraux de ces Universités Populaires de Parents. J’en profite également pour remercier tous les universitaires qui ont bien voulu prêter leur concours tant aux universités locales qu’aux travaux de synthèse. Ce travail fut certainement enthousiasmant pour eux, et aussi difficile qu’inaccoutumé. Il n’en a que plus d’intérêt et de valeur. Je remercie aussi tous ceux qui ont permis, à travers cette idée que nous avions au niveau national, de concrétiser ces Universités Populaires de Parents sur le terrain : COLLINE ACEPP NORD PAS

DE CALAIS et PYRENE PETITE ENFANCE qui sont des associations régionales de l’ACEPP, le collectif Paroles de Femmes, les lieux d’accueil, les clubs de prévention, la ville de Lezennes. Sans eux cette idée serait restée une utopie. Un merci aussi pour nos partenaires belges et allemands, ici présents, qui ont à leur tour créé des Universités Populaires de Parents à Gand et à Berlin, donnant ainsi une dimension européenne et un nouvel élan à cette initiative. Je remercie enfin tous les partenaires qui ont soutenu le projet des Universités Populaires de Parents depuis son origine: la Fondation Bernard Van Leer, la DIV2, le Ministère des Affaires Sociales, la CNAF3, L’ACSE4 et d’autres partenaires locaux. Je voudrais aussi bien-sûr remercier les parents des Universités Populaires de Parents qui ont travaillé avec passion et ferveur dans leur recherche, ont mobilisé

1 ACEPP : Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels 2 DIV : Délégation Interministérielle à la Ville 3 CNAF : Caisse Nationale des Allocations Familiales 4 ACSE Agence pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances

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les acteurs de leur territoire et relevé avec nous le défi des Universités Populaires de Parents, transformant ainsi ce que nous pensions être une utopie en réalité. Enfin, je remercie tout particulièrement Madame Fadela Amara, ici présente, qui a répondu à notre invitation avec beaucoup d’enthousiasme et nous fait l’honneur d’ouvrir ce colloque, démontrant ainsi son intérêt pour ce projet et son implication sur les questions qui touchent la parentalité. Avant de vous céder la parole Madame la Ministre, quelques mots pour vous situer notre réseau. L’ACEPP est un mouvement parental qui fédère des initiatives de parents, dont environ 800 lieux d’accueil petite enfance gérés et animés par les parents. Depuis 25 ans, maintenant, nous cherchons à faire valoir la place des parents, non seulement dans les lieux d’accueil mais dans tous les lieux de vie de l’enfant. L’éducation est, pour nous, fondamentalement, une responsabilité partagée entre parents et société. C’est pourquoi, nous sommes convaincus qu’il est nécessaire de construire partout où cela est possible des espaces de co-éducation, d’échanges et de dialogue entre parents, professionnels et élus. L’enjeu est important puisqu’il s’agit de dépasser les incompréhensions, les représentations des uns sur les autres, reconnaître l’expertise de chacun pour construire ensemble un environnement porteur pour les enfants. Voilà trois ans que cette aventure des Universités Populaires des Parents a commencé, cinq ans que nous y pensons. C’est pour l’ACEPP un projet central sur lequel nous avons beaucoup investi de temps et d’énergie mais dont nous sommes fiers. Car ces Universités Populaires de Parents sont l’incarnation de nos valeurs autour de la place et du rôle des parents. Elles montrent qu’il est possible que les parents s’investissent comme citoyens, acteurs, auteurs des projets. Elles nous confirment aussi que les parents ont des savoirs, et qu’ensemble, ils peuvent être sources de propositions. Ils peuvent être des ressources, non seulement pour leurs enfants, mais pour les professionnels et la société. A partir de cette expérience des Universités Populaires de Parents, nous souhaitons, au cours de cette journée, nous interroger avec vous et avec les participants, sur la place et le rôle des parents aujourd’hui. Sur les méthodes et politiques à développer pour accompagner les parents, non seulement à être parents de leurs enfants, mais aussi à être parents ensemble, dans la cité. Je ne doute pas que notre démarche et nos objectifs autour d’une parentalité active et citoyenne trouvent avec vous, Madame la Ministre, une oreille attentive ici, aujourd’hui. Je vous souhaite à tous un bon colloque et je cède la parole à Madame la Ministre.

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Intervention de Madame Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la Politique de la Ville Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour ces mots de bienvenue. Avant toute chose, je veux vous dire combien je suis heureuse d’être ici parmi vous. Je suis heureuse de participer à cette journée consacrée à l’accompagnement des parents,

- Parce que les parents tiennent une place centrale dans nos quartiers populaires et dans « Espoir banlieues », la nouvelle dynamique que nous sommes en train de lancer en faveur de ces quartiers.

- Parce que je me reconnais dans la démarche que vous avez choisie d’organiser des Universités Populaires de Parents. Cela veut dire : donner la parole aux parents, leur permettre d’être acteurs, créer des espaces d’échanges, croiser des savoirs.

Cette démarche correspond à ma conception du débat démocratique et à ma conception de notre République métissée. La parentalité n’est pas qu’un sujet d’experts. Chacun doit s’approprier ce débat. Et rien ne se peut se faire sans les parents. J’en profite pour saluer et dire notre fierté à tous les parents, ici présents, qui se sont engagés dans ce projet, malgré peut-être parfois quelques appréhensions ou hésitations. Je vais être directe : j’en ai marre des discours stigmatisants, notamment envers les parents de nos quartiers populaires. J’en ai marre de ces discours culpabilisants qui sont dangereux pour la cohésion de notre pays. Non, les parents ne sont pas des coupables qu’il faut sanctionner. Non, les parents ne sont pas responsables de tous les problèmes sociaux de notre pays. A l’inverse, je pense que les parents sont les vecteurs du lien social de nos quartiers. D’ailleurs, ce sont eux, et notamment les mamans qui, en novembre 2005, ont apaisé et calmé les esprits. Les parents sont porteurs de citoyenneté dans nos quartiers. Les parents sont et restent les premiers éducateurs de l’enfant. Faisons leur confiance ! Et respectons-les ! Ce respect est une condition essentielle au bien-être et au développement de leurs enfants, de nos enfants. Ces convictions, elles ont été confortées lors des rencontres territoriales que j’ai engagées dès ma prise de fonctions. Dès le mois d’août 2007, j’ai entrepris un tour de France des banlieues. Je suis

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allée à l’écoute des habitants, des parents, des jeunes, qui vivent la cité avec beaucoup de passion, de bonheur, de frustration et de douleur aussi. J’ai écouté, participé. Plus de 300 rencontres territoriales. Plus de 100.000 contributions. Constructives. Interrogatives. Autant de manifestations d’appartenance, dont une partie de notre élite avait fini par douter. Les fortes attentes de ces habitants se sont exprimées. Loin des clichés, des étiquettes, de l’isolement, ils ont retrouvé une lueur d’espoir. Cet espoir m’engage. Le 8 février 2008, au terme de plus de six mois de concertation et de mobilisation générale dans tout le pays en faveur des quartiers prioritaires, le Président de la République a décliné les axes de son projet pour les banlieues. La dynamique qu’il a impulsée, en mettant l’évaluation et la mobilisation de tous les Ministres au cœur de cette démarche, est une véritable rupture avec plus de trente ans de politique de la ville. La politique de la ville n’est plus celle d’un seul Ministre, celle qui se substitue à un droit commun trop dilué. Elle est celle d’un Gouvernement tout entier. Chaque Ministre ciblera désormais ses actions, en mobilisant ses moyens et son administration, en direction des quartiers prioritaires. Elles seront annoncées très officiellement par le Premier Ministre, entouré des membres du Gouvernement, au cours d’un Comité Interministériel des Villes qui se tiendra le 16 juin prochain à Meaux, en Seine-et-Marne. Le CIV ne s’est pas réuni depuis le mois de mars 2006. Désormais, il se réunira deux fois par an et chaque fois au plus près du terrain, pour examiner l’état de santé des quartiers les plus problématiques et pour décider, lorsqu’il le faut, de mettre le paquet dans tel ou tel domaine. Ce que nous voulons faire, avec le Président de la République et le Premier Ministre, c’est tirer, une fois pour toutes, les enseignements de trente ans de politique de la ville. Nous voulons rompre avec une politique de la ville qui dilue tout et qui ne règle rien. Par cette nouvelle politique je veux traduire dans les faits l’ambition que j’ai pour notre République et pour le vivre ensemble :

• Je veux réduire les inégalités entre les territoires. • Je veux assurer le développement humain et économique à ces 5 millions de

personnes qui vivent dans les quartiers difficiles. • Je veux faire de nos quartiers populaires le vivier des compétences et des

élites de la France de demain, au service d’une République métissée. • Je veux rompre avec la logique des catalogues de mesures qui s’imposent

par le haut. • Je veux une politique sur-mesure qui colle aux réalités de terrain. Une

politique de la ville qui s’appuie sur l’expertise locale. Une politique de la ville qui répond aux besoins des individus et des familles.

Une des priorités d’Espoir banlieues est la réussite éducative et l’excellence de nos enfants.

- Parce que tous les enfants des cités méritent d’avoir les mêmes chances que d’autres d’accéder à l’élite.

- Parce que, justement, à terme, une partie de notre élite viendra de ces cités.

- Parce que nos enfants des quartiers construisent la France de demain.

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Plus d’une dizaine de dispositifs est prévue dans ce domaine par Xavier DARCOS, qui s’est beaucoup impliqué dans la démarche. A la rentrée prochaine, trente lycées d’excellence situés dans les quartiers prioritaires accueilleront leurs élèves. Dans ces établissements labellisés, il y aura des filières d’excellence, des spécialisations en langues étrangères, en nouvelles technologies ou dans des filières artistiques et culturelles. Il y aura des enseignants plus spécialisés et mieux formés. Les élèves issus de la cité élargiront ainsi leurs perspectives d’avenir. Quant aux autres jeunes, ceux des autres quartiers, s’ils veulent accéder à ces filières, il leur faudra y venir. C’est également à la prochaine rentrée scolaire que l’accompagnement éducatif pour les élèves d’écoles primaires sera effectif : Deux heures par jour consacrées à des cours de soutien gratuits, ou des activités culturelles et sportives. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas les moyens, que l’on habite à cinq dans un T2, ou que ses parents ne maîtrisent pas la langue de Molière, que l’on est destiné à l’échec. Certains peuvent s’offrir les services de prestataires privés. Ceux des quartiers y auront également droit, avec une plus forte implication de l’éducation nationale, qui donne là encore plus de noblesse à sa mission de service public. Egalement à la rentrée prochaine, nous expérimenterons le « busing » dans 50 communes volontaires. Un principe simple, qui consiste à délocaliser des classes d’écoles de quartiers difficiles dans des quartiers plus prospères, pour ouvrir les horizons des enfants. Leur permettre d’avoir d’autres amis, de rencontrer d’autres univers. Pour que les enfants des beaux quartiers s’ouvrent aussi à la diversité. Tout cela, sans aucun impact sur les habitudes de vous, parents, qui continuerez à emmener vos enfants devant l’école habituelle – avec quelques minutes d’avance pour qu’ils puissent prendre le bus – et les reprendrez le soir au même endroit, comme si de rien n’était. Voilà la meilleure réponse aux dérives possibles de la suppression de la carte scolaire. J’ai voulu mettre en place, aussi, des banques de stages dans toutes les académies. Des espaces neutres, où la demande et l’offre se rencontreront sur la base d’un seul critère : la compétence et le profil, parce que trop d’enfants sans réseau ni piston sont confrontés, dès leur plus jeune âge, aux méfaits de la discrimination. Enfin, nous avons ouvert les classes préparatoires aux jeunes bacheliers des quartiers prioritaires. Je ne serais pas complète si je ne parlais pas de l’ambition présidentielle en matière de seconde chance. L’enjeu est énorme. On estime entre 120.000 et 150.000 le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. Nous avons le devoir de les repérer, de les suivre et de les réorienter vers les filières qui leur correspondent. C’est cela aussi, le sur-mesure. C’est pourquoi nous soutiendrons un programme ambitieux de développement des écoles de la deuxième chance. Toutes ces mesures éducatives n’ont de sens que si elles sont construites localement avec les parents. Le rapprochement entre les parents et l’école est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Parce que l’implication des parents dans le parcours éducatif de son enfant est essentielle pour sa réussite.

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Dans toutes les instructions que nous avons données aux recteurs et aux préfets, nous avons été particulièrement exigeants sur ce point : vous devez être associés le plus tôt possible aux projets qui concernent vos enfants et leur avenir. Mais, je veux aller plus loin. C’est le travail que nous allons mener avec Nadine MORANO, la secrétaire d’Etat chargée de la famille.

• Je veux promouvoir la place des parents dans nos quartiers et soutenir les dynamiques locales.

• Surtout, je veux favoriser la diversité des lieux d’accueil des enfants. • Je veux développer les modes de garde qui correspondent aux besoins des

parents de nos quartiers populaires. • Je veux développer des lieux d’accueil pour les enfants dont les parents ont

des horaires décalés. Il faut une offre de garde d’enfant adaptée : Une offre qui corresponde aux besoins des familles monoparentales. Une offre qui corresponde au rythme de vie des enfants : par exemple, si les parents achèvent leur journée de travail à 22 ou 23 heures, les enfants doivent pouvoir terminer tranquillement leur nuit à la crèche. C’est de la construction de notre avenir commun qu’il s’agit. Je m’implique totalement dans la réussite de cette ambition. Je vous engage, vous tous, vous parents, acteurs de la vie de nos quartiers, à y prendre toute votre part. Je vous remercie.

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I – PRESENTATION DES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS 1. « Origines et fondements », par les coordinateurs des différentes Universités Populaires de Parents Aurore Chanrion, animatrice : Vous représentez l’équipe qui a piloté ce projet, à la fois Emmanuelle et Michelle qui travaillez à l’ACEPP nationale, Anne-Francoise, Samia, Lorette et Mireille qui avez coordonné une ou plusieurs UPP au niveau local. Par des allers-retours entre local et national, par des échanges entre vous, vous avez, de fait, mené une recherche-action sur la démarche. J’ai cru comprendre que vous étiez parties d’une idée, que, pas à pas, vous avez essayé, ensemble de concrétiser…. C’est en analysant ce que vous mettiez en place au fur et à mesure que vous avez construit la méthode. Les Universités Populaires de Parents sont donc une démarche pensée et expérimentée collectivement que vous allez nous présenter ensemble. Je vais être le fil rouge de cette présentation en vous posant différentes questions, auxquelles vous allez répondre assez brièvement, parce que nous aurons l’occasion d’y revenir tout au long de la journée. Aurore Chanrion : Une question au national d’abord : L’ACEPP est connue comme réseau de crèches parentales. Comment êtes-vous passés des crèches parentales aux Universités Populaires de Parents ? Emmanuelle Murcier : L’ACEPP est effectivement, à l’origine, la fédération des lieux d’accueil petite enfance à implication parentale. Et c’est à partir de l’expérience d’implication des parents dans ces lieux que nous avons fondé notre réflexion sur l’accompagnement des parents. Ces lieux d’accueil sont animés par des professionnels en coopération avec des parents. Ils construisent ensemble un projet commun pour le lieu d’accueil et l’animent au quotidien. Cette expérience a mis en évidence l’apport pour les enfants, les parents mais aussi pour les professionnels, d’un partenariat entre eux, d’un croisement de regards et de savoirs. Nous avons ainsi constaté que, lorsqu’ils ont de réelles responsabilités, les parents pouvaient être acteurs et que souvent cette expérience d’implication leur donnait envie de s’investir plus largement comme citoyens dans le quartier ou le village. Notre mouvement défend certaines valeurs mises en place dans ces lieux d’accueil comme la place des parents, la co-éducation active entre parents et professionnels, la démarche participative. Cette expérience dans ces lieux d’accueil a permis de fonder son approche de l’accompagnement des parents qui repose sur certains principes forts;

- S’appuyer sur les ressources des parents et non sur leurs difficultés

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- Reconnaître leurs propres valeurs et pratiques éducatives familiales et ne pas en proposer sans eux

- Donner des occasions de faire ensemble, de construire ensemble, entre pairs - Reconnaître aux parents un droit à l’initiative et à la parole et leur

permettre d’avoir un pouvoir réel. Dans la suite des lieux d’accueil petite enfance à implication parentale, nous avons mené différents projets avec des parents, qui reprenaient ces principes, par exemple, des cafés de parents, des ateliers parents-enfants. Finalement, les Universités Populaires de Parents mettent en œuvre les mêmes valeurs de co-éducation, de valorisation des compétences des parents, de démarche participative, mais avec des moyens différents et en s’adressant à des parents d’enfants de tous les âges. Aurore Chanrion : Comment et pourquoi vous est venue cette idée des Universités Populaires de Parents ? Emmanuelle Murcier : Cette idée nous est venue, il y a 5 ans maintenant. C’était un moment où la question de la parentalité était publiquement soulevée et faisait l’objet d’un débat médiatique assez intense. En outre, des experts très divers, philosophes, psychologues, sociologues définissaient le rôle des parents. Qu’est ce qu’être parent ? Comment les parents doivent-ils assurer leur rôle ? Cette médiatisation, même si elle avait le mérite de montrer l’importance du rôle des parents dans l’éducation et pour la société, nous semblait pouvoir présenter plusieurs dérives.

- Les messages envoyés par les médias étaient peu nuancés en fonction du contexte de vie des parents et des enfants, de la diversité des pratiques et des histoires de vie. Dès lors, le risque était de mettre en avant certaines pratiques éducatives, voire même un modèle du « bon » parent, invalidant ceux, qui pour diverses raisons, avaient des pratiques éloignées.

- Une partie de ces messages nous paraissaient stigmatiser les parents des quartiers populaires, en faisant des liens rapides et généralisateurs entre attitudes des jeunes et éducation parentale. A L’ACEPP, nous rencontrions pourtant des parents préoccupés de l’éducation de leur enfant et qui souffraient de cette idée que les parents des quartiers pouvaient baisser les bras.

En tout cas, ce qui nous apparaissait clairement, c’est que les parents, premiers intéressés, étaient totalement absents du débat. Leur point de vue notamment celui des parents des quartiers populaires restait inaudible, invisible. Leurs pratiques éducatives et leurs projets, aussi. Notre préoccupation était alors de chercher à savoir comment donner la parole aux parents ? Comment leur permettre d’apporter leur point de vue, leur «perspective » sur la parentalité ? Comment changer le regard porté sur les parents ? Comment faire reconnaître leurs savoirs ? C’est alors que nous avons eu l’idée de recherches sur la parentalité qui seraient menées par les parents eux-mêmes, leur permettant ainsi d’exprimer leur point de

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vue, leur regard sur leur vécu. C’était un défi. Un tel défi que les questions vertigineuses sont apparues : Etions-nous sûrs que des parents, y compris de milieu populaire, pourraient mener des recherches sur la parentalité et par là même apporter leur perspective sur la parentalité? Comment mobiliser des universitaires ? Qu’est-ce que cette alliance entre universitaires et parents pouvaient produire ? Quels en seraient les effets au niveau local ? Parviendrait–on ainsi à construire des dialogues entre différents acteurs ? Aurore Chanrion : Quels étaient les objectifs de départ ? Qu’est ce finalement qu’une Université Populaire de Parents ? Michelle Clausier : Les objectifs de départ sont au nombre de trois:

- Donner la parole aux parents, pour qu’ils apportent leur point de vue, leur perspective sur la parentalité,

- Construire un savoir croisé autour de la parentalité entre parents, experts et politiques,

- Permettre aux parents de débattre avec d’autres acteurs. De façon simplifiée, on peut dire que l’Université Populaire de Parents est un groupe de quinze à vingt parents qui mènent une recherche sur un thème lié à la parentalité, avec le soutien d’un universitaire. Lorsqu’ils produisent un savoir assez construit, ils mettent celui-ci en débat avec d’autres acteurs, élus, enseignants, travailleurs sociaux, pour croiser les points de vue et construire ensemble du dialogue. Aurore Chanrion : Pourquoi cette appellation Universités Populaires de Parents ? Michelle Clausier : Nous avons mis du temps à choisir ce terme, et nous y tenons, car il reflète bien ce que sont les Universités Populaires de Parents.

-Le mot « Universités » parce qu’il s’agit de mener des recherches, fonction habituelle des universités.

-Le mot « Populaires » qui s’inscrit en référence au mouvement des Universités Populaires du début du siècle qui cherchaient à permettre un accès aux savoirs tout au long de la vie et pour tous. L’idée forte était alors la culture comme outil de promotion individuelle et collective et outil de rencontres. Le mot « populaires » insiste aussi sur le fait que les Universités Populaires de Parents s’adressent à tous les parents et veulent favoriser la rencontre entre parents de milieux différents. Enfin, le terme « Universités Populaires » inscrit les UPP dans l’héritage d’autres projets dans lesquels nous nous reconnaissons comme celui des Universités Populaires, d’ATD quart-monde.

-Le terme « Parents » insiste sur le fait que les parents sont à la fois les auteurs et les acteurs de ces Universités.

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Aurore Chanrion : Nous allons voir maintenant, comment vous avez pu concrétiser cette idée ? Comment et où avez-vous constitué les UPP locales ? Lorette Tricca : L’idée a été lancée dans le réseau ACEPP et dans d’autres réseaux. Un réseau externe à l’ACEPP a répondu, « Paroles de Femmes ». Au sein du réseau ACEPP, des lieux d’accueil (« Petit à Petit » à Pau, « Arc en Ciel » à Vénissieux) et des associations régionales de l’ACEPP se sont associées au projet : Colline Acepp Nord Pas de Calais et Pyrène Petite enfance. Ce sont ces personnes qui ont constitué un groupe national, ici présent, qui a cherché, douté, construit et ajusté la démarche ensemble. La première tâche, et sans doute celle où nous avons eu le plus de doutes, a été de créer concrètement ces Universités Populaires de Parents. Pour cela, il a fallu convaincre des partenaires locaux, constituer des groupes de parents, parfois directement, parfois par l’intermédiaire de relais qui pouvaient mobiliser des groupes, comme par exemple, les clubs de prévention dans le Bassin Minier. De fait, les parents ont été très vite enthousiasmés et nous ont boostés. Parce que chaque UPP a pris racine sur un terrain différent en fonction des opportunités locales, les contextes dans lesquels se sont créés les différentes UPP sont très divers et c’est une richesse pour l’expérimentation.

- Une Université Populaire de Parents a été créée à partir d’un lieu d’accueil petite enfance à Vénissieux (Rhône)

- Une à partir du Collectif Paroles de Femmes à Saint Genis Laval et Pierre Bénite

- Une à partir du lieu d’accueil à Pau - Une à partir de clubs de prévention dans le Bassin Minier du Pas de Calais - Une à partir d’une demande de ville à Lezennes dans l’agglomération de

Lille - Une autre s’est créée très récemment à l’Ile Saint Denis, - Une est en cours de création à Saint Quentin dans l’Aisne.

Ainsi, les parents des différentes UPP ont des enfants de tous les âges et les moyens par lesquels ils se sont rencontrés, eux aussi sont différents. Aurore Chanrion : Comment fonctionne chaque Université Parentale ? Anne-Françoise Dereix : Dans chaque UPP, il y a :

- Un ou des animateurs, qui ont en charge la cohésion des groupes. Les animateurs sont garants de la démarche en s’assurant que chacun trouve sa place dans la recherche et dans le projet. Ils sont à la fois sur le terrain en travaillant avec les groupes, ils font le lien avec l’universitaire et ils font partie de la coordination nationale dans la conduite du projet. Ils sont donc comme des pivots, mettant en lien les différents acteurs.

- Un universitaire, qui a pour rôle de soutenir méthodologiquement les recherches des parents. Les 3 Universitaires venaient de Paris X, Lyon II et Mons Hainaut en Belgique.

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- Il y a aussi, bien sûr, les parents, qui sont au cœur de l'UPP, décident du thème, de la méthodologie, des acteurs à rencontrer. Les rencontres de parents ont lieu théoriquement une fois par mois, en fait les parents se sont vus beaucoup plus souvent, car ils ont organisé des rendez vous entre les rencontres pour faire avancer les travaux.

Concrètement, après expérimentation, nous identifions plusieurs phases de cette démarche, que nous avons construite au fur et à mesure :

• Dans un premier temps il s’agit de créer une cohésion au sein du groupe dans lequel chacun puisse se sentir à l’aise et reconnu par les autres. Pour cela les parents échangent sur leurs questionnements et leurs expériences individuelles. • A partir de ces questionnements individuels, les groupes ont identifié une thématique commune pour élaborer ensemble, avec l’aide de l’universitaire, une question de recherche. Les questions individuelles ont ensuite permis d’aboutir à des questions collectives. Cela permet à chaque parent de se décentrer et de se mettre dans une posture de chercheur. • Les parents formulent alors des hypothèses et construisent une méthode de recherche propre à chaque groupe. • Enfin ils analysent les données. • Ils mobilisent également les acteurs sur leur territoire pour mettre leur réflexion en débat avec selon les Universités Populaires de Parents, des élus, des enseignants, des travailleurs sociaux, d’autres parents, souvent en organisant des forums locaux, nous y reviendrons dans la table ronde de cet après midi. • Si chaque groupe a choisi son thème de recherche en lien avec la parentalité, ils peuvent toutefois être regroupés autour de trois thématiques plus larges : - L’école et le décrochage scolaire - La co-éducation et la cohérence éducative - La transmission des valeurs.

Aurore Chanrion : Quel a été le rôle du niveau national ? Mireille Grange : Très important, c’est un espace de ressourcement, d’analyse pour les coordinateurs et les universitaires. Nous avons monté un groupe de pilotage constitué d’un représentant de chaque UPP. Nous avons travaillé comme dans une recherche-action, en expérimentant, analysant, réajustant. Les réussites des uns ont été reprises par les autres, et on a fini par construire la démarche. Ce groupe était également un soutien dans les moments de doute. Pour les parents, le niveau national a aussi été très présent. Nous avons organisé des séminaires nationaux de parents dans lesquels ils ont pu échanger sur leurs travaux. Peu à peu, une identité « parents des UPP » a émergé et a stimulé tous les parents. De plus, nous avons organisé deux forums nationaux avec des partenaires, deux premiers colloques en 2005 et 2007.

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En fait les différentes Universités Populaires de Parents ont fonctionné en réseau, et ces échanges entre elles ont été des gages de réussite. Nous pensons que sans cette connexion entre elles, les Universités Populaires de Parents n’auraient pas pu aboutir. Aurore Chanrion : En conclusion, une question pour : quelles sont les avancées de cette démarche ? Samia Zemmit : Cette démarche montre que les parents, y compris de milieu populaire, peuvent être acteurs et actifs quand ils ont la possibilité de prendre de réelles responsabilités, si ce qu’on leur propose est utile, non seulement pour eux mais pour la société. Elle montre aussi l’importance, pour favoriser cette implication, d’interpeller les ressources des parents, et non leurs difficultés. Le fait de travailler sur une recherche avec un universitaire, de pouvoir ensuite diffuser la réflexion a été le moteur central de la démarche car il a interpellé chaque parent dans sa dignité, dans sa richesse, dans ce qu’il avait de meilleur. Elle nous prouve aussi que c’est avec des défis et des utopies qu’on parvient à bouger un peu les lignes et à innover ; à changer les regards des uns sur les autres. Enfin, nous constatons que les acteurs, enseignants, élus, travailleurs sociaux, eux aussi ont envie de bouger, et c’est pour nous très prometteur pour inventer des espaces de co-éducation ! En fait, les Universités Populaires de Parents s’inscrivent dans différents champs : l’éducation populaire, l’accompagnement des parents, la démarche participative, la démocratie locale et le développement social. En concrétisant cette alliance entre parents, professionnels, élus et universitaires, elle ouvre peut-être de nouvelles pistes d’expérimentation pour donner de nouveaux élans à la co- éducation, la cohésion sociale, pour inventer de nouveaux vivre ensemble. Aurore Chanrion : Et selon vous, quels sont les points qui pourraient encore être travaillés ? Anne-Françoise Dereix : La mobilisation des Universités. Pour l’instant, ce sont davantage des personnes qui se sont impliquées que des institutions. Le champ que nous avons ouvert sur l’alliance entre parents-citoyens et universitaires doit être encore affiné. Il présente de multiples possibilités d’inventions pour permettre que les savoirs populaires soient mieux reconnus; il reste à perfectionner les méthodes pour faire fructifier ces alliances. 2. Présentation des groupes d’Universités Populaires de Parents

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Groupe de Pau présenté par Delphine Lebleis L' UPP de Pau s'est constituée à partir d’une structure petite enfance. Nous avions la volonté que notre groupe soit diversifié et hétérogène de par nos âges, nos situations familiales et sociales. Nous sommes donc 20 parents pour qui les UPP représentent une volonté d’engagement et de résistance pour reprendre notre place et notre parole de parents. Groupe de Lezennes présenté par Delphine Ribeyre L’UPP de Lezennes est née d’une volonté de la municipalité de proposer aux habitants de la ville un groupe de réflexion autour de l’éducation. Le groupe est constitué de parents de tous horizons professionnels, au profil diversifié, aux opinions différentes parfois contradictoires. Nos recherches nous permettent d’ouvrir de nouvelles perspectives de dialogue dans la ville en dehors des institutions ou des associations existantes. Groupe du Bassin Minier présenté par Mickaël Desgardin Nous sommes l’UPP du Bassin Minier dans le Pas de Calais, nous sommes de communes différentes, tous engagés dans nos quartiers dans des actions avec trois clubs de prévention spécialisée. L’UPP pour nous, c’est être ensemble pour apprendre, comprendre, réfléchir avec des professionnels et des universitaires. L’UPP c’est pour nous l’occasion de sortir de nos quartiers, de ne plus être laissés pour compte, de reprendre confiance en nous, de transmettre notre savoir et d’être entendus. Groupe de Vénissieux présenté par Dalila Mesdour Nous sommes un groupe de parents qui venons des Minguettes à Vénissieux dans la banlieue lyonnaise. Notre groupe s’est formé à partir de la crèche parentale Arc en Ciel. Nous sommes un groupe de parents multiculturel, très diversifié. Et la diversité est la richesse de notre groupe et de notre recherche dans les UPP. Groupe de Pierre Bénite et Saint Genis Laval du Collectif Paroles de Femmes Présenté par Samia Nassralah, Thony Bikhamu et Sylvie Chevallier Au sein du collectif Paroles de femmes Rhône Alpes, nous sommes de sacrées bonnes femmes : black, blanc….beur. Nous sommes des femmes habitant les cités. Nous sommes un réseau régional d’expertise, d’utilité sociale qui travaille les questions de société. Nous sommes un mouvement social des quartiers populaires. Ensemble : père-mère-jeunes-enfants, pour l’avenir des enfants, pour l’avenir des jeunes. Avec les UPP, nous voulons que les regards sur les familles des quartiers populaires changent. Nous voulons passer de parents démissionnés à parents citoyens. Enfin et surtout, ce que nous voulons le plus, c’est que nos enfants réussissent, à l’école et dans la vie, parce que nous, quand on pense école, forcément, on pense réussite.

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II – TABLE-RONDE :« L’IMPLICATION DES PARENTS DANS LES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS, QUELS EFFETS ? » Table ronde animée par Quentin Verniers Quentin Verniers : Pourquoi avez-vous eu envie de participer aux Universités Populaires de Parents ? Qu’est ce qui vous a intéressé ?

• Anne-Chrystel Subias, Parent, UPP de Pau : Au départ, quand on nous a sollicités pour les UPP, on ne nous a pas dit : « Venez parler de vos problèmes, on va trouver une solution. » On nous a dit : « Votre savoir et votre expérience sont importants, on en a besoin. On va construire une recherche avec des universitaires pour porter la parole des parents dans l’espace public. Et cela, c’est vrai que pour nous cela a été non seulement très dynamisant, mais valorisant. Ensuite, ce qui était très motivant, c’était de se construire ce projet entre parents, en partant de nos connaissances et de nos pratiques et non des théories imposées. Finalement on était positionné dès le départ comme des parents acteurs, et on s’est senti tout de suite investis d’une mission et c’est vrai que cela nous a boostés. Ensuite, les UPP mettaient en valeur nos ressources de parents, notre créativité, notre intelligence, sans rentrer dans nos difficultés personnelles. C’est comme si elles s’étaient adressées dès le départ au meilleur de chacun d’entre nous. Cela nous a donné des ailes pour nous investir. Nous souhaitions faire savoir que nous prenions notre rôle de parent à cœur et que nous voulions lutter contre une image peu valorisante de la famille. On voulait montrer que nous ne sommes pas de mauvais parents, ni de bons parents, mais des parents tout court. Ce qui nous a motivé, c’est aussi la volonté de vouloir échanger avec des acteurs locaux comme la CAF, la mairie. Ainsi les parents acteurs que nous étions pouvaient se positionner comme de vrais parents citoyens.

• Dalila Mesdour, Parent, UPP de Vénissieux: Ce qui m’a motivé c’est qu’en tant qu’habitants d’un quartier des Minguettes, à Vénissieux, nous sommes très stigmatisés. Les UPP me donnaient ma place, me permettaient d’exprimer mon point de vue de parent. Depuis quelques années, les parents sont rendus responsables voire coupables de tous les maux de la société en oubliant que d’autres sont également investis et responsables de l’éducation des enfants. Les parents des quartiers populaires sont le plus souvent présentés négativement. J’avais envie de faire savoir que les parents ne sont pas démissionnaires. En tant que parent de la crèche Arc en Ciel, je connaissais l’ACEPP depuis longtemps, nous avions déjà participé à des projets sur la parentalité. Les UPP étaient une opportunité de pouvoir affirmer un point de vue. Ma réflexion et mon savoir étaient pris en compte sans jugement, sans préjugés. Avec l’aide d’un universitaire, nous avons pu structurer notre réflexion dans son intégrité, notre parole n’ayant pas été dénaturée. Lorsque la réflexion sur l’expérience et les savoirs des parents sont valorisés et reconnus, lorsque plusieurs

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personnes ou institutions s’impliquent dans ces projets, lorsqu’ils prennent ensemble le sentier de la parentalité, cela aboutit à cette belle aventure humaine que sont les UPP initiées par L’ACEPP.

• Fatiha Saïd, Parent, UPP du Bassin Minier Venir aux UPP c’était pour moi pouvoir s’exprimer, oser prendre la parole et espérer être écoutée et entendue. Malgré toutes les contraintes de la vie on a participé régulièrement pendant plusieurs années et moi je suis fière d’être aux UPP et d’avoir réussi. Quentin Verniers : Qu’est ce que cela vous a apporté de participer à des Universités Populaires de Parents ?

• Rabbia Ouadi, Parent, UPP du Bassin Minier De la force, de l’assurance pour aller vers l’extérieur, plus de contact. On nous voit autrement, on nous prend au sérieux. On a appris à se poser des questions, à ouvrir le débat avec d’autres parents, ne pas chercher des solutions toutes faites. On a mieux compris notre vie sociale, l’histoire des corons. On est resté trois années sur le projet sans baisser les bras, et on est fier.

• Elisabeth Charier : Parent, UPP de Lezennes

Cela m’a apporté deux choses : La première, c’est qu’on ne se sent plus isolé dans les difficultés du quotidien. On a pu dédramatiser, on a eu la possibilité de discuter, d’entendre les expériences des autres parents, ce qu’ils ont réussi, les idées qu’ils ont eues, les petits trucs qu’ils ont trouvés. Personnellement, j’ai pu prendre de la distance par rapport à mes angoisses vis-à-vis de mon ado. Cela m’a aidé à réfléchir. Et puis, et c’est le deuxième point positif, faire les enquêtes auprès des professeurs des écoles nous a permis de les descendre un peu de leur piédestal, de parler d’égal à égal et non de se sentir, nous, parents, comme des élèves face à eux puisque c’est nous qui posions les questions et eux qui répondaient. C’est un rapport avec les institutions plus facile : oser les rencontrer. On a une reconnaissance de la part des institutions.

• Anne-Chrystel Subias, Parent, UPP de Pau :

Tout d’abord, il est important de préciser que notre groupe s’est construit avec une réelle volonté d’ouverture à la diversité sociale des familles : dans notre groupe des parents viennent de l’association ATD quart monde et d’autres d’une association de familles monoparentales. Cette mixité nous a apporté des échanges plus denses, de la tolérance et un enrichissement mutuel. Cela nous a demandé d’avoir une attention particulière pour que chacun de nous puisse s’exprimer et trouver sa place au sein du collectif. Nous avons découvert que chacun ne s’exprimait pas de la même manière, ne vivait pas les mêmes choses dans sa vie et que cela pouvait induire de grands décalages au sein du groupe. Mais finalement nous en avons fait notre force. Ces échanges nous ont appris à communiquer avec des personnes ayant des points de vue différents et à déconstruire des a priori.

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Un sentiment de solidarité s’est fortement construit pendant ces trois années de cheminement ensemble. Cela nous a permis de mettre en œuvre un travail collectif important dans la confiance, la solidarité, sans peur du jugement de l’autre. Grâce aux savoirs et aux compétences de tous, on a pu accéder à la démarche de la recherche. On a eu de la satisfaction et de la fierté à écrire quelque chose collectivement. Quentin Verniers : Quelle est la place des parents dans les UPP ? En quoi est-elle originale ?

• Elisabeth Charier : Parent, UPP de Lezennes

Notre place est la meilleure. Nous sommes les acteurs principaux dans une Université Parentale. Pas des élèves qui viennent apprendre comment élever nos enfants. Chercher c’est mieux comprendre. On fait la recherche, c’est actif, sur des thèmes essentiels à la survie de notre société (autorité, respect, violence, comment la comprendre et peut-être l’enrayer.) On savait qu’on serait soutenu, aiguillé par un animateur. Et comme on est motivé par le bien-être de nos enfants, des enfants en général, on a envie de partager, proposer, échanger avec d’autres parents, des profs, des animateurs, des toubibs, des grands-parents, des nounous, des ados… il faut communiquer et les UPP sont ouvertes à tous. Pour une fois, on n'était pas là pour recevoir des conseils sur comment élever nos enfants, mais pour réfléchir, faire notre propre chemin de parent, agir, faire des propositions.

• Rabbia Ouadi, Parent, UPP du Bassin Minier On est les auteurs et les acteurs dans ces recherches : c’est nous qui les avons faites, on a également organisé les forums avec les partenaires. C’est un projet national et européen, on rencontre des parents d’autres régions. On n’était pas là pour qu'on nous dise comment mieux élever nos enfants, mais pour chercher, proposer. Et puis j’ai un enfant qui va à l’université à Lille, lui dialogue avec des universitaires, et moi je suis au même stade que lui quand je parle avec des universitaires, cela joue dans nos relations. En tant que parent cela fait du bien, on se sent un peu plus intelligent.

• Fatiha Saïd, Parent, UPP du Bassin Minier Nos questions ne sont uniquement individuelles mais elles concernent d’autres, beaucoup de parents, et la façon dont les parents y répondent est liée au contexte dans lequel ils vivent.

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Quentin Verniers : Quels « enseignements » ou « inspirations» peut-on en tirer pour penser la place des parents dans d’autres dispositifs ?

• Roselyne Janvier (CAF Pau) En ce qui nous concerne, nos premiers objectifs sont d’activer et réactiver les relations sociales. En cela, en permettant aux parents de pouvoir confronter leurs expériences familiales à d’autres réalités pour en tirer une reconnaissance parmi les autres, les Universités Populaires de Parents répondent totalement à cet objectif. L’enseignement majeur que l’on peut en garder, c’est que les parents sont les acteurs de ce dispositif. Ils peuvent faire entendre leur parole en tant qu’expert à côté d’une autre parole d’expert qui jusque là était la seule reconnue dans notre société. Les UPP réalisent donc un grand pas en avant. Ensuite, quelles que soient les actions ou dispositifs menés dans le cadre de nos politiques sociales à la Caf que je représente, dans les REAAP, ou à la politique de la ville, il s’agit aussi, comme l’a évoqué le groupe de Vénissieux, d’impliquer toute la communauté éducative autour du jeune et de l’enfant. Vous avez témoigné du fait que vous aviez retrouvé votre place de parent en n’ayant plus peur de rencontrer l’école, le conseil général. On peut donc aussi tirer un enseignement au niveau du regard que vous portez vous-mêmes, sur les parents mais aussi que les institutions portent sur les parents avec une plus grande proximité avec les familles. Pour conclure, je dirais que les Universités Populaires de Parents ne sont pas une fin en soi puisque les parents sont déjà sur d’autres projets de parentalité. L’engagement des parents n’est pas virtuel, il rebondit autrement et ailleurs. Notre rôle est alors dans le soutien de ces projets de proximité qui tiennent compte du capital culturel et social de chacun. La question de l’éducation et de la parentalité est une question centrale qui nous interroge beaucoup en tant que parents, professionnels, institutions parce que trop souvent évoquée en terme d’impuissance ou de démission. Nous avons une preuve immense des ressources des parents, il suffit de les reconnaitre.

• Anne-Marie Tételin (DDASS Pas de Calais) Notre approche et notre évaluation de l’impact des UPP, nous les gérons par référence à un dispositif, celui des REAAP - les Réseaux d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents.-. C’est d’ailleurs par référence aux valeurs que porte ce dispositif que nous avons adhéré immédiatement au projet et que nous avons apporté des financements. Notre intérêt était aussi lié au fait qu’il s’agissait d’un concept développé par l’ACEPP et que nous avons toute confiance dans son expertise. C’est d’ailleurs Colline ACEPP Nord-Pas-de-Calais qui, associée à la Fédération des Centres Sociaux et à des acteurs associatifs locaux, pilote l’animation départementale des REAAP dans le Pas-de-Calais. Entre autres valeurs qui nous intéressaient :

Le projet UPP misait sur les compétences des parents : nous avons toujours été convaincus qu’ils détiennent ces compétences ;

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Ce projet associait plusieurs structures et il participait bien à une démarche en réseau. Le résultat va au-delà de nos espérances :

- En premier lieu, cela nous conforte dans notre approche des parents, et quand bien même nous en étions déjà convaincus, cela nous redynamise, nous donne de l’énergie, à nous les institutionnels. Cela nous donne aussi beaucoup de poids quand nous essayons de faire passer le message qu’il faut systématiquement associer les parents, notamment en ces temps où, entre la Protection de l’Enfance et la Prévention de la Délinquance, nous craignons parfois de perdre un peu notre âme et de voir nos valeurs perdre leur sens profond

- Au travers de cet exemple des Universités Populaires de Parents qui est exemplaire, le discours pour faire passer les valeurs du REAAP « les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants » a plus de poids : on le savait, mais désormais, les parents des UPP le savent également et cela s’est bien révélé. Ces valeurs sont d’ailleurs totalement intégrées dans la démarche mise en place dans le cadre du Plan de Réussite Educative (et des crédits PRE participent désormais au financement de l’action).

- Et puis, vous avez entendu Rabbia et Fatiha, les parents de l’Université Populaire de Parents du Bassin Minier sont force de proposition. Ils ont développé leurs capacités à entreprendre, à prendre du recul par rapport à leurs questionnements personnels. Les parents mobilisés dans les UPP ont développé un savoir et ils ont le désir de transmettre ce savoir : ils sont en totale capacité de porter témoignage auprès des autres parents, de les convaincre qu’eux aussi, ils peuvent se donner le droit de s’exprimer. Et s’il s’agit de nous les transmettre, nous sommes diablement intéressés au niveau de la DDASS parce que les valeurs sur lesquelles ils ont travaillé : l’autorité le respect se retrouvent, parfois fort empreintes de nostalgie dans les propos de la quasi-totalité des familles du Pas-de-Calais : les recherches menées peuvent ainsi profiter à tous. Par ailleurs, il est une autre préoccupation forte des familles dans le Pas-de-Calais, c’est l’école. Et à l’heure où l’Education Nationale mobilise ses enseignants et des crédits sur le soutien scolaire aux enfants, nous avons envie de faire de nos priorités le soutien aux parents dans l’accompagnement de la scolarité de leurs enfants. L’expérience des UPP nous a conforté dans notre conviction que rien ne se fera sans les parents, c’est avec eux qu’il faudra construire le contenu de cet accompagnement. Et si nous ne réussissons pas à les mobiliser, nous ferons appel à Rabbia, Fatiha et à tous les autres membres des UPP comme ambassadeurs, pour les convaincre. Et nous revenons bien ici aux valeurs du REAAP : ce sont les parents qui apportent des réponses aux interrogations des parents.

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Gérard Neyrand, grand témoin : Les réflexions que m’inspirent les UPP en tant que chercheur sur la parentalité, analyste de la parentalité :

- L’importance du dispositif UPP, qui s’inscrit dans le processus d’ouverture de « l’action sociale » à la participation des personnes concernées, ici les parents. L’objectif est bien la requalification des parents dans la reconnaissance de leur compétence parentale. En même temps, cet objectif demande à être décliné selon différentes modalités, compte tenu de la diversité des populations en jeu.

- Cette démarche s’inscrit en faux, en contestation de la réactivation du contrôle social, à partir des situations les plus problématiques. Elle manifeste un décalage avec un certain discours médiatique et politique ambiant, centré sur la « prévention/répression de la délinquance », l’identification de « troubles des conduites » ce qui montre à quel point la parentalité est une question politique.

- L’importance et l’intérêt de la démarche d’implication de parents motivés dans une procédure de recherche, avec la production de résultats très intéressants, montre notamment l’importance du travail de construction de la position parentale qui, heureusement, recoupent mes propres résultats.

- La possibilité de déboucher sur un colloque et sur un ouvrage s’avère à cet égard très importante et riche de significations (valorisation, légitimation, publicisation du travail….) Les nouvelles mesures de soutien à la parentalité essaient de sortir de la logique antérieure d’application de normes pré-construites aux familles, en proposant de nouvelles réponses coordonnées, qui se déploient dans le rapport au vécu des personnes (médiation familiale, groupes de parole, écoute...) et par-là cherchent à proposer une aide plus efficace, et surtout mieux acceptée, notamment par les parents de ces milieux qui demeurent méfiants à l’égard des mesures classiques de soutien. La participation parentale est donc devenue le maître mot de ces dispositifs d’aide et de soutien, qui nécessitent pour être efficaces que les parents y soient à la fois impliqués et légitimés comme tels. Et on voit bien à quel point les Universités Populaires de Parents s’inscrivent dans cette démarche, en apportant quelque chose de plus : la participation des parents non seulement à la réflexion sur leurs problèmes, mais aussi à la construction de la connaissance sur les parentalités et les réponses possibles. Comme on l’a vu, ce vécu au sein des Universités Populaires de Parents est très positif avec :

- Une affirmation personnelle des parents qui manifestent leur requalification parentale

- L’intérêt du travail en collaboration avec un chercheur, - Le positionnement des UPP comme nouvel acteur dans le jeu socio-politique,

avec une mission importante de contribuer à redresser la barre concernant les mesures de soutien à la parentalité. Les acquis de l’expérience sont multiples. J’en évoquerai seulement trois :

- Passer de « parents démissionnés » à « parents requalifiés », participatifs,

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relégitimés dans leurs compétences éducatives. - La nécessité de travailler le plus tôt possible au repositionnement parental

et éducatif, lorsque l’on sait que la culture familiale des enfants d’origine modeste est mal adaptée à la culture « plutôt couches moyennes » de l’école, ce qui favorise les échecs scolaires. Je ne peux, dans cette perspective, qu’être d’accord avec la proposition du groupe Pierre Bénite- Saint Genis Laval, qui interviendra plus tard, de « dépsychologiser » et « démédicaliser » les problèmes pour les « resociologiser ».

- Plus globalement, les Universités Populaires de Parents constituent une démarche issue de la société civile pour s’élever contre les processus de précarisation des familles et de la parentalité, et leur rôle peut être moteur, tant au plan local que social.

Ce qui signifie : une ouverture sur un travail productif avec des professionnels, une ouverture sur des positionnements socio-politiques, et l’intérêt de former des « groupes de pression » pour faire évoluer les lois. En conclusion, je dirai que les UPP permettent de mettre en actes les objectifs annoncés de participation des parents, à un niveau véritablement sociétal, à partir de l’expérience parentale. En ce sens, le dispositif de production de connaissances habituel se retrouve inversé, et producteur d’un sens nouveau. On passe ainsi d’un parent placé en position d’objet à un parent véritablement sujet.

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III - PRESENTATION DES RECHERCHES DE L’UPP DE PAU ET DU BASSIN MINIER - «VALEURS EDUCATIVES DE LA FAMILLE ET VALEURS DE LA SOCIETE : QUELLE COHERENCE, QUELLE TRANSMISSION » ? 1. Présentation des travaux de recherche de l’Université Populaire de Pau I- La phase exploratoire Les premières rencontres font l’objet pour les parents de différentes questions autour de :

• Phénomènes de société • Parents et professionnels (la relation de confiance, le respect de la culture) • La transmission (ce qu’on reçoit, ce qu’on transmet)

Nous formons trois sous-groupes pour explorer trois axes qui ont émergé :

1. La place de chacun, l’autorité, le respect. 2. La pratique, l’exercice de la parentalité. 3. Les valeurs, la représentation et la transmission.

Nous choisissons alors les thèmes suivants :

- respect, protection, limites, transmission - suivi scolaire, choix d’un projet, les acteurs qui interviennent

En intégrant au groupe le point de vue de la chercheuse Anne-Marie Doucet, nous parvenons à démêler nos réflexions et nous nous rassemblons autour de la notion « être parent responsable. » II- la question de départ Pour nous, la responsabilité est parentale et partagée par une ou deux ou plusieurs personnes. Nous visons deux angles d’attaque : le projet éducatif et l’influence de l’extérieur. Notre axe central : Être parent responsable

1. Le projet éducatif 2. L’influence de l’extérieur

Ce qui nous a amené à la question départ de la recherche : « Les parents, avant la naissance de leur enfant, ont un projet éducatif pour lui. Comment ce projet éducatif est-il ensuite influencé par d’autres acteurs qui évoluent autour de l’enfant ? »

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III- Les hypothèses Nous allons travailler la question centrale à partir de nos deux angles d’attaque et en formulant deux hypothèses différentes : Hypothèse 1 : Le projet éducatif anticipé avant la naissance ne correspond pas toujours à la réalité vécue lorsque l’enfant grandit. Hypothèse 2 : L’évolution de projet éducatif est liée aux influences d’autres acteurs qui interviennent auprès de l’enfant IV- Vérification des hypothèses sur le terrain A partir de là, nous voulons vérifier ces deux hypothèses en allant interroger d’autres parents. Pour mener cette démarche, nous choisissons comme outils de recherche les questionnaires et les entretiens semi-directifs. 1.Notre méthodologie : Comment ? :

- Des questionnaires - 7 entretiens filmés

Qui ?

- Des parents dont les enfants sont âgés de moins de 14 ans pour les questionnaires

- Des adolescents lycéens pour les entretiens. Où ? Les lieux ressources : - Ludothèque - ATD Quart Monde - Médiathèque - Crèches - AFM, Accompagnement Familles Monoparentales - Ecoles

- Lycée professionnel pour les entretiens

2.Le déroulement L’élaboration des questionnaires se fait en sous-groupes et en communiquant par email avec l’universitaire. Le travail s’étale sur trois à quatre mois fastidieux. Il faut gérer les disponibilités, les frustrations de chacun, faire un effort de formulation et de clarté pour que les réponses puissent apporter des éléments d’analyse. Trois mois de plus sont nécessaires à la distribution et à la collecte des questionnaires. En moyenne, chaque parent se charge de distribuer 20 à 25 questionnaires dans différents lieux. Cette phase de terrain s’avère également difficile : « l’approche est délicate, les gens ne sont pas toujours motivés, le questionnaire ne revient pas souvent, il faut l’accompagner … » Un des deux groupes a décidé de réaliser en plus, des entretiens filmés auprès d’adolescents de 16 à 19 ans. Les entretiens, eux, sont efficaces et positifs : un vrai contact avec des jeunes motivés par le sujet. C’est une révélation rassurante pour certaines d’entre nous, « ça alors ! L’éducation, ça marche !! »

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Le travail de dépouillement consiste à repérer les réponses des enquêtés, les différents thèmes qui apparaissent. Il faut organiser toutes ces réponses pour dégager des profils, des tendances, pour peut-être dégager de nouveaux questionnements de recherche. Il n’y a pas qu’une demande de résultat scientifique. Le but de cette démarche est aussi de se décentrer et d’avoir un point de vue distancié de notre place de parent. Même si certains aspects de la démarche scientifique manquent, nous sommes dans une production de savoir. V- Analyses et perspectives Munis de tous nos résultats, le travail de rédaction de la recherche peut commencer. Il s’agit de croiser les travaux des deux groupes et de recouper nos résultats vers la grande question de départ. VI- Les résultats quantitatifs Rappel de l’hypothèse 1 Le projet éducatif anticipé avant la naissance ne correspond pas toujours à la réalité vécue lorsque l’enfant grandit Nous tenons à expliciter les termes de « projet éducatif anticipé » Au départ nous avons questionné les enquêtés à partir du terme « idéal ». Très rapidement nous nous sommes rendus compte des limites de ce terme. Nous avons donc banni la notion d’idéal. Il nous est apparu que c’était une notion trop large, chacun y mettant trop sa propre définition personnelle. Nous avons donc préféré employer les termes de projet éducatif anticipé (ce que les parents souhaitent pour leur enfant), au sens où il s’agit du projet avant la naissance. Pour répondre à l’hypothèse 1 : Nous avons donc construit nos questionnaires selon deux parties : une avant naissance, une autre après naissance et nous nous sommes demandés comment les parents définissent avant la naissance le projet éducatif de leur enfant ? Nous avons interrogé les enquêtés sur l’environnement affectif dans lequel les parents souhaitent voir évoluer leur enfant L’environnement affectif (les personnes qui vont rentrer en interaction avec l’enfant) va nous permettre de savoir qui va être associé au projet éducatif, qui va le partager. Avant la naissance, les enquêtés ont répondu pour 64% qu’ils souhaitent faire bénéficier leur enfant d’un entourage affectif élargi, c’est-à-dire la famille au sens large (père, mère, grands-parents, oncles et tantes.) Après la naissance, 85% des enquêtés annoncent construire leur projet éducatif avec un entourage réduit au père et à la mère. Nos commentaires : Nous nous rendons compte que dans la pratique, la notion d’environnement affectif se réduit à une cellule familiale construite autour du noyau père-mère. Nous avons ensuite interrogé les enquêtés sur leur choix de garde.

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Avant la naissance, les parents souhaitent un mode de garde que nous avons qualifié de type « familial » 13% souhaitent que la mère garde l’enfant 21% souhaitent que le père prenne un congé parental, 21% souhaitent que ce soit un membre de la famille qui garde l’enfant. Après la naissance, les parents nous répondent que la garde se fait par une assistante maternelle ou par la crèche. Nos commentaires : 1. Le résultat « 21% pour un congé parental pris par le père » correspond à un souhait avant la naissance et nous interpelle. Est-ce que ceci peut témoigner d’une volonté d’implication du père dans le projet éducatif de son enfant ? Ou d’une volonté de la mère d’impliquer le père dans ce projet dans la mesure où ce sont 80% des femmes qui ont répondu aux enquêtes ? 2. Le constat du choix de garde de type « nounou ou crèche » ne serait-il pas lié :

- au désir pour la femme de poursuivre une activité professionnelle et sa carrière

- ou à l’obligation des deux parents de travailler, compte tenu des impératifs socio-économiques actuels, les parents ont-ils vraiment la possibilité de choisir le mode de garde qu’ils souhaitent pour leurs enfants ?

Nous avons interrogé les enquêtés sur les besoins à satisfaire pour la construction de l’enfant. A cette question nous entendions besoins physiologiques, besoins psychologiques (personnels) et environnementaux (sociaux).Les besoins cités par les parents sont principalement : alimentation, sommeil, affection et cadre de vie. Ce sont des besoins très classiques. Il nous est apparu important de questionner les parents sur les valeurs auxquelles ils étaient attachés pour le projet éducatif de leur enfant.

Respect 51% Politesse-Partage 33% Famille 30% Amour 35% Développement de la confiance en soi 30%

Nous avons proposé un choix de valeurs à cocher afin que les réponses des enquêtés ne soient pas trop vagues et on verra plus loin que lorsqu’on laisse les enquêtés répondre librement, la palette des valeurs est beaucoup plus large et riche. Il semble que les valeurs énoncées sont surtout des valeurs auxquelles ils pensent et non pas qu’ils pensent faire ou qu’ils font. Les réponses présentées sont du domaine de la pensée et non pas de l’action. Mais qui dit pensées dit actions ? Nos commentaires : Les valeurs principalement cochées sont respect, politesse, famille. Ce sont des valeurs que l’on pourrait qualifier de « classiques », classiques en référence aux générations précédentes, ce sont des valeurs véhiculées par nos grands-parents et parents. Ces valeurs sont partagées par tous types de familles, quelle que soit leur constitution : vie maritale, famille monoparentale etc…

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Ces valeurs ne nous renvoient-elles pas à des préoccupations actuelles face à des schémas véhiculés par les médias : violence, insécurité, l’idée que l’enfant gouverne, parents démissionnaires, incivilités… ? Les réponses que nous avons obtenues des parents sont-elles le reflet d’un véritable attachement à ces valeurs, ou sont-elles influencées, biaisées par le regard porté par la société et/via les médias ? A noter que dans la palette des valeurs, celle de travail n’apparaît pas dans les réponses ni dans l’avant ni dans l’après naissance, alors qu’il y a cinquante ans cette valeur était prédominante et que (paradoxe) 85% des enquêtés travaillent. Est-ce que c’est parce que les parents sont dans des situations de travail précaire, d’où un manque d’intérêt ?

- est-ce que c’est parce qu’ils ne travaillent pas (chômage)? - Est-ce que ce n’est plus une valeur en soi, mais devenu une raison

économique ? - Est-ce que ce n’est plus une valeur en soi, mais devenu une raison de vivre,

qualités relationnelles ? Dans les réponses des enquêtés apparaît spontanément l’amour. Lorsque nous avons questionné les parents sur l’après naissance, il s’agissait de savoir s’ils avaient réalisé le projet éducatif projeté, et de le comparer à l’avant naissance. Comment s’est passée la confrontation avec l’enfant en chair et en os ? Pour 36,6% des parents enquêtés, ils ont réalisé le projet éducatif tel que pensé avant la naissance. Il faut cependant nuancer ce constat compte tenu de l’ensemble des commentaires donnés par les parents à ce sujet. En effet, des parents affirment avoir réalisé leur projet éducatif parce que « l’enfant semble bien dans sa peau, il est gentil, il est respectueux, il est autonome.» Cependant d’autres parents mettent l’accent sur les points à améliorer. Et d’autres encore déclarent avoir un atteint le projet éducatif, mais réalisent qu’ils sont toujours entrain de le réaliser. Ces deux derniers points nous permettent de constater qu’ils se disent dans la construction permanente vis-à-vis du projet éducatif et que c’est au fur et à mesure qu’ils se rendent compte de sa réalisation. Quand il y a projet, il y a projection, donc une mouvance perpétuelle. Pour les autres parents, 63,4%, ils déclarent ne pas avoir atteint les objectifs déterminés lors du projet avant la naissance. - pour plus de la moitié de ces parents, pour des raisons diverses, c’est

impossible à réaliser - pour presque 19%, ils ont été confrontés au désaccord avec le conjoint et/ou

la famille proche : désaccords liés à la culture, au milieu social. - pour les autres, la non-réalisation du projet éducatif « anticipé » est liée au

contexte socio/économique, conditions matérielles qui changent.

On s’est posé la question suivante : Le projet éducatif est irrémédiablement en mouvement perpétuel. Evolue-t-il en projet rigide, ni statique ? Ce mouvement est-il lié au fait que l’enfant soit en construction permanente ? Est-il lié au fait que l’enfant soit au centre du projet ?

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N’influe t-il pas de manière permanente sur la construction du projet en le faisant évoluer et en le modifiant ? « je m’adapte à l’enfant, je me remets en question » Y a-t-il une prise de conscience de considérer l’enfant comme une personne, un être humain à part entière ? Est–il lié à des influences extérieures, notamment l’influence de la psychanalyse (Winnicott et Dolto) dans la place donnée à l’enfant ? Rappel de l’hypothèse 2 : L’évolution du projet éducatif est liée aux influences d’autres acteurs qui interviennent auprès de l’enfant. Nous avons interrogé les enquêtés sur les personnes qui ont joué un rôle dans le projet éducatif de leur enfant. Les résultats positionnent :

- en 1 le père et la mère à 80% - en 2 les grands-parents à 47% - en 3 les professionnels à 30% - en 4 les amis à 20% - en 5 les oncles et tantes à 18%

Le constat : Le cercle familial, au sens où on l’entendait avant, a changé. Aujourd’hui les familles sont plus éloignées les unes des autres, donc les parents se rapprochent plus de leur environnement géographique et affectif, les professionnels, les amis de l’enfant et des parents. Selon les enquêtés, les personnes qui jouent un rôle dans le projet éducatif de l’enfant sont celles que l’enfant côtoie tous les jours (pour les professionnels) ou qui ont une valeur affective « classique » (père, mère, grands-parents.) A noter que nulle part n’apparaît l’école. Hors nous avions beaucoup parlé dans la partie exploratoire de la recherche de la relation parent/école : d’une part du fait que cette relation semblait inexistante et d’autre part du fait que lorsque cette relation existe, elle n’est vécue que lors des difficultés de l’enfant à l’école. Au final, l’école n’est pas citée de façon explicite, mais peut-être est-elle intégrée pour les réponses des parents dans la rubrique « les professionnels « ? Nous avons ensuite questionné les parents pour en savoir plus sur ces personnes qui côtoient leur enfant Est-ce que les personnes citées ci-dessus et qualifiées d’importantes par les parents partagent les mêmes idées qu’eux sur le projet éducatif de l’enfant ?

- oui à 70% - non à 30%

Les parents enquêtés souhaitent donc créer un environnement pour leur enfant avec des personnes qui sont en accord avec leur projet éducatif. Nous estimons que nous ne pouvons pas négliger la part des « NON », car nous avons demandé aux enquêtés si malgré leur désaccord avec ces personnes, ils leur confieraient quand même leurs enfants, et ils répondent oui. Nous leur avons donc demandé comment ils gèrent les différences, les désaccords.

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62% de ces parents nous répondent gérer les différences éducatives en acceptant de faire des concessions. A travers ces résultats, il apparaît que les parents préfèrent la position de négociateurs avec les acteurs de l’environnement de l’enfant : les proches, les professionnels de l’enfance, l’école, etc. … pour éviter le conflit, pour ne pas se retrouver dans une relation de conflit.

- Les enquêtés sont-ils représentatifs d’une génération de parents négociateurs ?

- Ce statut de parent négociateur, qui privilégie avant tout le cadre relationnel de l’enfant, ne serait-il pas le moyen d’ouvrir le projet éducatif de leur enfant vers l’extérieur et de faire la place aux différences ?

Nous avons questionné les parents sur les valeurs qu’ils partagent avec les différents acteurs qui évoluent autour de l’enfant. Les parents répondent : respect, politesse, tolérance, amour, partage, écoute. Ce sont aussi les valeurs qu’ils avaient citées à transmettre à leur enfant. Les enquêtés veulent transmettre à leurs enfants les valeurs morales, des valeurs qui touchent au rapport à soi, au rapport à l’autre et le rapport à la société. De leur côté, les adolescents interviewés citent les valeurs identiques à celles des parents : respect, respect des autres, respect de soi, politesse, tolérance, amour, pardon, confiance. Cependant les entretiens auprès des ados nous font ressortir fortement le manque ressenti de cadres et de limites.

- Le partage de telles valeurs (celles énoncées par les parents enquêtés et les ados interviewés) n’est-il pas représentatif d’un souhait d’évoluer dans un environnement de « vivre bien ensemble ? »

- Les enquêtés n’intègrent-ils pas dans le projet éducatif une ouverture aux différences ?

- Cette démarche ne démontre-t-elle pas une société plus ouverte, plus citoyenne, du fait d’une mixité sociale et culturelle plus affirmée ?

Les limites de notre recherche : des biais Avant de développer nos conclusions, nous avons souhaité identifier les limites de notre recherche. En effet suite à notre recherche, nous nous sommes questionnés sur la parole manquante des hommes (80% de nos enquêtés sont des femmes) et aux vues des résultats que nous avons obtenus, nous avons voulu vérifier s’il y a avait eu effet miroir. Nous nous sommes questionnés sur l’effet miroir C’est pourquoi, nous enquêteurs, nous nous sommes nous-mêmes enquêtés. Ayant répondu à nos questionnaires, nous avons croisé nos réponses et celles des enquêtés en nous demandant si on avait choisi un public « en accord » avec nous. Au regard des résultats sur la diapo, il y a des similitudes : On note par exemple que les valeurs respect et amour dominent chez les enquêteurs à l’identique des enquêtés. Et on peut se rappeler que chez les enquêtés la valeur travail n’apparaissait pas et c’est aussi le cas chez les enquêteurs. Cependant apparaissent chez les enquêteurs d’autres valeurs dominantes telles que la solidarité, la sensibilité à la différence (valeurs qui ne dominaient pas chez les

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enquêtés). L’écologie, le goût de l’effort et l’identité culturelle sont cités pour la première fois. Pour nous, il n’y a pas de réel effet miroir. Pour être complet quant à la démarche de l’effet miroir, voici ce qui ressort pour les enquêteurs suite à la vérification des hypothèses 1 et 2.

1. Pour l’hypothèse 1 qui traite du projet anticipé et projet réalisé, c’est s’adapter et rester fidèle à ses valeurs qui sont nécessaires, et que l’éducation est un investissement

2. Pour l’hypothèse 2 qui traite de l’influence des autres acteurs auprès de l’enfant, c’est l’harmonie avec l’entourage et le partage au travers d’activités, de rencontres et d’ouvertures sur l’extérieur qui sont privilégiées.

Nos premières conclusions :

1. Le projet éducatif est irrémédiablement en mouvement perpétuel Nous avons pu constater que : Au démarrage il y a un projet éducatif anticipé par les parents avant la naissance. Les parents sont confrontés à leur propre cohérence éducative, une cohérence éducative pour soi et une cohérence éducative entre parents. Après la naissance, les parents sont dans la réalité du projet. C’est à ce moment là que les parents souhaitent mettre en place une cohérence éducative avec les autres acteurs qui évoluent autour de l’enfant. Ces acteurs ont ainsi une influence sur le projet éducatif, ce qui le fait évoluer constamment. Pistes de développement : Suite à cette conclusion et pour aller un peu plus loin dans notre recherche, nous pourrions envisager une piste de développement concernant la notion de projet éducatif sans cesse en changement. Au-delà de cette recherche, il serait intéressant d’établir des connexions entre l’évolution du projet, l’influence « sociétale » et l’enfant en construction. Nous pourrions étudier la relation qu’il existe entre l’enfant qui est en construction permanente et ce projet éducatif aussi en construction permanente.

2. Parents négociateurs Suite à la question soulevée dans la présentation des résultats de la recherche : Les enquêtés sont-ils représentatifs d’une génération de parents négociateurs ? Nous pouvons constater que : Le principal acteur, dans le projet éducatif, est l’enfant L’évolution du projet éducatif est fortement façonnée par les caractéristiques de l’enfant (sexe, fratrie). La personnalité de l’enfant est influencée dans la façon dont les parents l’élève en fonction de ces caractéristiques De plus la construction et la réalisation des cohérences éducatives autour de l’enfant passent par des comportements d’écoute, de dialogue et des échanges en terme de communication avec l’enfant. Ce sont ces habitudes qui amènent à un positionnement plus de négociation Ce qui retient notre attention :

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Les parents adopteraient comme mode de fonctionnement la négociation. Et pourtant, les adolescents nous parlent du manque de cadre et de limites. Piste de développement : Comme piste de développement, il serait intéressant d’établir des connexions entre le point de vue des parents et celui des adolescents. Nous pourrions envisager 2 enquêtes à partir de ces deux axes :

- Parents et pratiques éducatives autour de la négociation avec l’enfant Les parents seraient aujourd’hui confrontés à la tâche de trouver la mesure juste entre une attitude de négociation vis-à-vis de leur enfant, et ne pas perdre de vue leur rôle qui les place comme référant et donc comme garant d’un cadre.

- Adolescents et notions de cadre et limites ressenties comme provenant des Parents. Pour les parents, négocier ne s’oppose pas à un cadre et des limites, mais pour les adolescents enquêtés ils ne le perçoivent pas suffisamment. Serait-ce lié au libre choix, au trop de libre de choix qu’ils ont eu, les parents ne prenant pas toutes les décisions pour leurs enfants (mais les laissant aussi, en tout cas dans la mesure du possible décider pour eux-mêmes, dans la perspective d’une relation de confiance) ?

3. Choix d’un vivre bien ensemble en faisant la place aux différences - Le statut de parent négociateur privilégie avant tout le cadre relationnel de

l’enfant, et ouvre le projet éducatif vers l’extérieur. - Cette démarche peut être considérée comme représentative d’un souhait

d’évoluer dans un environnement de « vivre bien ensemble » en faisant la place aux différences

Nous touchons là les notions de diversité et de mixité sociale. Piste de développement Nous pourrions réaliser des enquêtes sur les pratiques éducatives en fonction des statuts familiaux, en fonction des catégories socioculturelles. En espérant vérifier que :

- Dans toute pratique éducative il y a de bonnes choses à prendre - toutes les pratiques éducatives contribuent à l’enrichissement de chacun - Il n’y pas d’enfant type, standard, d’enfant modèle, chaque enfant est

unique VII- Notre position de groupe Notre sentiment général vis-à-vis des questionnaires et donc des parents enquêtés.

- Nous avons bien ressenti que les parents étaient impliqués dans l’éducation de leur enfant, qu’ils étaient bien dans la démarche du projet éducatif, qu’ils ont bien l’envie de donner une éducation à leurs enfants, qu’ils veulent transmettre des valeurs, des principes, même s’ils n’en parlent pas directement.

- En tous cas, même s’ils n’emploient pas l’expression de « projet éducatif », ils sont bien dedans.

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- Considérer le projet éducatif comme une expression à la mode, un terme « d’intellectuels » réservé à une « élite » est erroné, il est évident que c’est une réalité pour tous les parents.

Le terme de parents négociateurs Attention au terme négociateurs et à ce qu’on attend par là. Ce n’est pas l’enfant qui décide tout, mais c’est une prise en compte de l’enfant en tant qu’individu. Les parents négocient = les parents s’adaptent à l’entourage, à l’enfant pour son bien être, son équilibre = aussi les parents sont ouverts au dialogue, respectent la parole d’autrui (l’enfant et de tous les acteurs.) Il nous semble donc que chaque parent est porteur de son propre projet éducatif, qu’il l’ouvre à la variété des acteurs qui interviennent autour de l’enfant. Pour nous, c’est cela qui nous permet de dire qu’il n’y a pas de modèle unique d’éducation. Nous appartenons à différentes communautés et c’est cette diversité d’interactions qui nourrit la construction identitaire de l’enfant. L’enjeu aujourd’hui serait donc bien de prôner, favoriser et défendre l’accompagnement des familles. Chaque intervenant, le parent, l’enfant, l’environnement au sens large, est une personne à part entière ayant son rôle à jouer, il est donc un acteur de plein droit. D’où la nécessité de prévenir plutôt que de mettre en place des mesures répressives.

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2. Présentation partielle des travaux de recherche de l’Université Populaire du Bassin Minier

Qu’est-ce qui a changé dans l’autorité et pourquoi ? HIER AUJOURD’HUI Comment a-t-on élevé nos enfants ? Comment on élève nos enfants ? Qu’est-ce qu’on a reçu ? Qu’est-ce qu’on leur transmet ?

Est-ce vraiment un choix d’être moins durs avec nos enfants ?

Qu’est-ce qui a changé dans le respect et pourquoi ? HIER AUJOURD’HUI Fête religieuse Traditions se perdent Repas familiaux Fessées étaient normales On ne sait plus ce à quoi on a droit Travail à 14 ans Scolarité plus longue Enfants plus longtemps chez les parents Est-ce vraiment un choix d’être moins durs avec nos enfants ?

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D’où notre question générale:

• Les parents choisissent-ils vraiment la manière dont ils éduquent leurs enfants ?

• Ou sont-ils contraints à un mode éducatif défini par les normes nouvelles de la société et par les contrôles mis en place par les institutions ?

Nos deux hypothèses : • Aujourd’hui comme hier, les familles estiment important de transmettre les

valeurs d’autorité et de respect • L’évolution de la société et la pression sociale rendent cette transmission

plus complexe

Trois logiques pour l’éducation entre hier et aujourd’hui : • Ce qui a trait à l’affectif et à la communication • Ce qui a trait aux repères et à la norme (aux règles) • Ce qui fait référence aux mauvais traitements

Affectif-Communication • Hier, peu de dialogue, affection peu exprimée • Aujourd’hui, forte tendance à la volonté de communication entre parents et

enfants

Repères, Normes • Hier, sont transmis par le père :

Fermeté, sévérité, rigueur, discipline • Aujourd’hui, recherche de compromis par le père et/ou la mère et le couple

Plusieurs façons d’exprimer son autorité Positionnement différent des institutions (école, justice, services sociaux, mairies…)

Ce qui fait référence aux mauvais traitements • Hier, coups, Injustice, Privation de la part des parents et des professionnels • Aujourd’hui, souffrance vécue que l’on ne veut pas reproduire.

Pour les enquêtés • L’autorité est une question de transmission familiale • Mais les principaux repères semblent donnés par la société et moins par la

famille qui cependant doit éduquer Est-ce lié à l’histoire du Bassin Minier ? Hier, prise en charge de tous les aspects de la vie quotidienne par les Houillères : école, logement, chauffage, santé, loisirs, vacances, ducasses, culture, sports Notre enfance dans le Bassin Minier C’était l’époque où l’autorité faisait référence avec l’éducation. L’éducation était un mot noble à cette époque. Il fallait obéir, se plier aux règles de la société, ne pas se faire remarquer par les voisins, si proches et si lointain à la fois. Il fallait être irréprochable, net et propre, dans un monde où la valeur était le travail, uniquement le travail. De temps à autre, une fête, un événement heureux, ou encore une catastrophe unissait les gens de la fosse, mais sans trop d’effusion.

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Tout était égal chez les mineurs : la façon d’être, de vivre. Nous vivions ensemble dans les corons. Coron, ce mot tiré du wallon achorum signifiant jusqu’au bout. Nous étions tous pareils, jusqu’au bout, jusqu’à la fin. Des gueules noires à l’odeur d’anthracite et de sueur. Une fois les yeux clos, plus aucune couleur ne viendra éclaircir ce visage. Au fond, au charbon, ils étaient tous frères : plus de nationalité, plus de race, ils étaient tous mineurs. Bien que ces échanges de souvenirs ravivent parfois la rudesse de notre éducation, la mémoire olfactive nous dirigeait sur le chemin du bonheur éphémère, celui qui conduit chaque jour à la dure réalité du travail harassant de nos parents. Ces odeurs particulières de lessive, qui, dès notre réveil, inondaient la cuisine, se mêlant à celle du café. Parfum d’enfance, celui qui donnait la cadence de la semaine. Car la lessive, c’était le lundi, uniquement le lundi, le lundi pour tous. Nous, enfants, avions chacun nos tâches : les garçons aidaient le père au jardin et cassaient le bois. Nous les filles assistions notre mère aux tâches ménagères. Nous avions chacune un poste bien défini, dans un roulement établi : l’une au repassage, l’autre au ménage. Il fallait aussi faire les courses. Nous avions un carnet sur lequel la liste des courses était établie. Le commerçant notait la somme due et la reportait sur son registre. La plupart d’entre nous étions soumis à ce système de crédit. A la quinzaine, les parents allaient régler la note. A cette époque, les ouvriers percevaient leur quinzaine en deux versements. Quand nous avions l’âge légal, il fallait travailler. Nous les filles, c’était la filature, la confection, ou encore, nous étions placées en famille à la semaine. Pour les garçons, la fosse les attendait, comme le père. Notre maigre pécule était directement reversé et intégralement rendu aux parents. Bien que nous participions financièrement à la vie de la famille, il fallait prendre toutes les précautions pour ne pas déroger à la routine familiale. En plus de notre travail, les corvées étaient à faire pour avoir l’autorisation de sortir. Il y avait parfois des sorties familiales. Elles étaient rares, mais pour cette occasion, nous étions tous endimanchés. Nous partions en famille, pour une fois, ensemble sans notion de travail, que de la joie. Ces jours étaient rares et précieux, jour de ducasse, de fête, quelques heures de bonheur partagé nous faisaient oublier momentanément la rudesse de notre situation. Et aujourd’hui :

• Les parents se sentent toujours concernés par l’autorité et montrent une attention particulière aux enfants

• Les parents ne signalent pas de changement dans l’exercice de l’autorité par rapport au partage des rôles entre hommes et femmes, mais un changement en raison de leur situation de travail et financière (fermeture des mines, plus d’ayants droits, chômage)

• Et en raison de la pression sociale : - Influence des médias (télé, internet..) - Davantage d’interventions de la société dans les familles. Les services sociaux ne facilitent pas toujours l’éducation (normes nouvelles pas toujours explicitées, contrôle, suspicion). Par exemple, le numéro vert peut être vécu comme une limite à l’autorité des parents. Les repères sont multiples au niveau de la société :

• Méthodes éducatives différentes • Évolution des mentalités • Manque de distance entre les générations

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Et dans ces multiples repères, on s’y perd !

• Les parents sont plus livrés à eux-mêmes car

• Ils ont des injonctions contradictoires entre elles, ou qu’ils ne peuvent pas appliquer.

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IV - TABLE-RONDE : « LE PARTENARIAT PARENTS - UNIVERSITAIRES : QUELLE PRODUCTION DE SAVOIRS ? » Table ronde animée par Quentin Verniers Quentin Verniers : Comment vous y êtes vous pris pour faire les recherches ?

• Farida Belkacem, Parent, UPP de Lezennes Le groupe est parti des questions de chaque personne, questions individuelles, de nos problèmes pour aller vers une question centrale pour tous. Par exemple, nous sommes partis de discussions sur autorité/autoritarisme, et sur les questions de respect et de violence, comment on se débrouillait avec ces questions au quotidien. On s’est rendu compte que les avis étaient différents, alors on s’est posé tous ensemble la question de la cohérence éducative, du regard porté par les parents sur leurs enfants et du regard des autres adultes qui s’en occupent, et en particulier sur la ville. Nous avons défini notre question de recherche : « La cohérence éducative des adultes qui s’occupent des enfants existe t-elle dans notre ville ? » Et puis nous avons défini une hypothèse qui nous a permis de lancer notre recherche avec l’aide méthodologique de notre universitaire : tout d’abord l’élaboration de l’enquête : questionnaire, guide d’entretien. On a réalisé les enquêtes auprès des personnes de notre entourage, puis auprès des personnes choisies. On a rassemblé tous les questionnaires et entretiens écrits puis nous avons dépouillé les données ensemble et enfin l’analyse.

Quentin Verniers : Est-ce que vous avez tous utilisé les mêmes méthodes ?

• Blanche Mabeka, Parent, UPP de Vénissieux Notre groupe a souhaité travailler sur la transmission des valeurs éducatives. Pour cela, nous avons d’abord identifié les valeurs importantes pour le groupe, pour les confronter ensuite à celles véhiculées par la société. Pour avoir le point de vue de la société, trois méthodes ont été retenues : des questionnaires, l’analyse de revues et celle d’une émission télévisée grand public. Le rapprochement des trois méthodes met en évidence le fait que des valeurs communes ressortent : le respect comme valeur permanente et le dialogue comme valeur nouvelle. La première méthode était les questionnaires qui visaient à analyser trois niveaux de transmission :

- Les valeurs que chacun a reçues dans le cadre familial et qu’il veut transmettre

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- Les valeurs reçues qu’il ne souhaite pas transmettre - Les valeurs non reçues dans le cadre familial qu’il souhaite transmettre

La deuxième méthode permettait d’identifier des valeurs à partir de l’analyse de revues classées en deux catégories : celles qui ciblent le public des familles, et celles qui s’adressent plutôt aux professionnels. La troisième méthode permettait d’analyser une émission télévisée portant sur l’éducation : « Super Nanny » qui propose des méthodes éducatives en lien avec des valeurs. Une émission controversée par les parents d’une façon générale. Pour travailler cette série, nous avons enregistré quatre émissions et construit avec l’universitaire une grille d’observation de chaque personnage pour analyser les messages concernant les valeurs et les méthodes éducatives du personnage Super Nanny. Il en ressort que les modèles qui sont transmis sont les mêmes pour toutes les familles, des modèles érigés en norme, quel que soit le contexte familial qui n’est jamais pris en compte. Ce qui conduit à une dévalorisation des parents par le fait qu’ils échouent là où elle semble réussir, et les laisse dans la confusion.

• Hakima L’Ghoul, Parent, UPP de Pierre Bénite-Saint Genis Laval

Nous avons utilisé la méthode de Paolo Freire parce qu’elle correspond à tout le monde, qu’on sache lire ou non. Dans un premier temps on s’est intéressé à ce que chaque membre de l’UPP a en elle, lui permettant d’exprimer ses pensées, par la parole, le regard. Tous ces moments sont recueillis sur des bandelettes de papiers de couleur, de sorte que même si on ne sait pas lire ou écrire, on est à l’aise parce qu’on sait que nos paroles ne seront pas déformées. Ensuite, on trie, ce qui suppose de beaucoup discuter entre nous pour nous expliquer. On sélectionne donc des paroles fortes sur le thème donné. C’est la première étape de notre travail, notre phase exploratoire. Quentin Verniers : Qu’est ce que cela vous a apporté de faire une recherche ?

• Farida Belkacem, Parent, UPP de Lezennes C’est le fait de faire une recherche qui nous a permis de prendre du recul par rapport au quotidien qui peut être parfois chaotique. Le recul vient parce qu’on travaille ce quotidien. Cela nous permet de comprendre mieux les différents points de vue selon chaque place : prof, parent… C’est une valorisation : on n’a pas forcément fait des études mais faire une recherche cela nous permet aussi parfois de nous rapprocher de nos enfants qui en font.

• Blanche Mabeka, Parent, UPP de Vénissieux C’était très passionnant de pouvoir faire un travail intellectuel, ce qui n’est pas facile quand on a des enfants. On a laissé les bancs de l’école depuis longtemps, alors il fallait revenir en arrière, chercher les définitions dans les dictionnaires, on a croisé nos travaux avec ceux du sociologue Claude Martin, « Faire une recherche cela nous sort de nos casseroles ». Et puis avoir à travailler sur l’émission Super

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Nanny m’a permis d’avoir des discussions à ce propos avec mes filles. Cela nous a demandé beaucoup d’efforts de concentration, on a dû faire des statistiques, calculer des pourcentages… mais c’est valorisant pour nous de voir qu’on a réussi. Ensemble on a réussi, toute seule j’aurais peut-être abandonné, alors qu’on avait tous envie d’aller au bout du travail entamé. On s’est senti engagé et responsable vis à vis de soi mais surtout vis à vis des autres. Cela nous a permis de prendre de la distance par rapport aux médias, d’avoir un regard critique construit sur les messages qui nous sont transmis.

• Hakima L’Ghoul, Parent, UPP de Pierre Bénite-Saint Genis Laval On s’y est mis à fond, on est toutes mamans ou grand- mamans et on s’est donné à fond parce qu’on veut aller plus loin. On a travaillé dans un espace d’égalité avec l’universitaire qui nous a accompagnées.

• Thony Bikhamu, Parent, UPP de Pierre Bénite-Saint Genis Laval L’universitaire nous a rassurées. Parce que quelquefois, après avoir beaucoup discuté, on rentre à la maison sans plus très bien savoir où on en est, on revient la semaine suivante avec un peu de confusion et il nous aide à avancer pour arriver aujourd’hui jusqu’ici. Quentin Verniers : Est-ce que c’est facile ?

• Farida Belkacem, Parent, UPP de Lezennes Non ce n’est pas facile, on prend sur notre temps personnel. Il y a des difficultés d’organisation. Pour passer l’enquête, il peut y avoir des difficultés de compréhension de communication. Entre parents et universitaires, ce n’est pas toujours simple entre terrain et théorie, il faut s’écouter pour se comprendre pour avoir le même langage.

• Tony Bikhamu, Parent, UPP de Pierre Bénite-Saint Genis Laval Pour moi qui travaille j’ai dû parfois courir, j’ai dû prendre des jours de congé pour participer. Mais parce que je voulais aider mes enfants à s’en sortir, j’ai pu le faire. Quentin Verniers : Quel a été votre rôle en tant qu’universitaire dans la recherche ?

• Christine Barras, Universitaire UPP de Lezennes L’universitaire devait faire du parent un chercheur, ce qui va plus loin que la simple considération du savoir des parents. Si le parent se fait chercheur, il a pour tâche de mener des enquêtes, d’en analyser les résultats. Dans les recherches de type traditionnel, ce n’est pas le public qui effectue ce travail. L’universitaire devient alors une sorte de coach, un peu en retrait, lui fournissant des outils pour s’en sortir dans cette aventure. Les rôles sont nouveaux, ils sont à inventer.

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• Anne-Marie Doucet-Dahlgren, Universitaire, UPP de Pau, Vénissieux et Bassin Minier

L’Université Populaire (par sa spécificité) fait que l’universitaire (enseignant et chercheur) joue un rôle qui est différent de celui qu’il a au sein de son UFR : Intervenir dans les groupes, c’est : - Accepter de se déplacer pour des rencontres prévues, et de consacrer du temps, voire d’être régulièrement sollicité par les différents partenaires. - Etre une personne ressource, capable de maintenir les liens et de rendre compte de réflexions qui permettent aux groupes d’avancer. - Instaurer un va-et-vient autour de différents pôles d’activités des groupes. - Développer des relations avec les parents, centrées sur les échanges de savoirs d’expérience (en l’occurrence, sur la pratique de la parentalité). - Mettre les parents en recherche à partir d’un thème. - Permettre aux parents de rentrer dans la peau d’un « apprenti- chercheur ». - Revisiter les méthodes (de la recherche) à utiliser pour conduire le projet.

• Daniel Thin, Universitaire, UPP de Pierre-Bénite et Saint Genis-Laval Selon cette orientation, le rôle du chercheur a été principalement un rôle d’accompagnant de l’Université Populaire de Parents : ni spécialiste apportant un savoir déjà constitué dans les recherches et risquant de se substituer à la production du collectif ; ni expert en méthodologie proposant une méthode propre au champ de la recherche universitaire. Accompagnant donc, aidant à l’accouchement des savoirs sur le « décrochage scolaire », à leur systématisation et à leur organisation cohérente. Accompagnant aussi en aidant à percevoir les contradictions dans les propos ou propositions, en montrant les enjeux associés aux analyses émises par le collectif ou encore en établissant des relations entre les recherches sur le « décrochage scolaire » et les « savoirs d’expérience » des participantes à l’UPP. Quentin Verniers : Qu’est ce que cela vous a apporté ?

• Christine Barras, Universitaire UPP de Lezennes Il fallait postuler que l’objectif était réalisable, malgré tous les doutes qui pouvaient exister. En tant qu’universitaire, j’ai pu confronter mes connaissances à la réalité du terrain, prendre du recul vis-à-vis de mes pratiques de chercheur, comme les parents ont pris du recul par rapport à leurs pratiques de parents. J’ai dû donner davantage de pouvoir aux parents. Et je me suis retrouvée parfois en tant que parent, dans les réunions, ce qui aidait à effacer les frontières.

• Anne-Marie Doucet-Dahlgren, Universitaire, UPP de Pau, Vénissieux et Bassin Minier

A l’inverse d’autres contextes de recherche dans le champ de l’éducation familiale qui est le mien, - Les rencontres ne sont ni organisées ni ciblées autour des problématiques de recherche de l’universitaire. - Participer à ce type d’expérience, cela demande à l’universitaire une prise du recul progressive d’une image idéalisée de l’éducation parentale.

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- Intégrer une instance spécifique et sans aucun doute, inhabituelle. - Accepter le rappel incessant des capacités parentales à observer, à appréhender de nouvelles pistes de réflexion par rapport à leurs expériences et à se lancer dans de nouvelles expérimentations. - Porter un regard sur la pratique des parents, nuancé, voire différent de celui que l’universitaire a pu avoir vis-à-vis de parents participant à d’autres recherches. - Observer s’il y a appropriation de connaissances et de méthodes appartenant au monde de la recherche.

• Daniel Thin, Universitaire, UPP de Pierre-Bénite et Saint Genis-Laval Des compléments à mes recherches sur les ruptures scolaires. La recherche de l’Université Populaire de Parents sur le décrochage scolaire, venant après une recherche sur les ruptures scolaires conduite comme chercheur, m’a apporté à la fois une confirmation de mes analyses, une approche du type de connaissance que les mères construisent dans leurs relations avec l’école, etc. La démonstration et la confirmation de la capacité des parents à élaborer collectivement des points de vue fondés et argumentés. L’importance du collectif dans la construction et la valorisation de points de vue.

Quentin Verniers : Quelle adaptation, posture sont nécessaires ? • Christine Barras, Universitaire UPP de Lezennes

Etre chercheur est un métier qui se caractérise par : - Le recours à des savoirs théoriques, un encadrement méthodologique ; - Des phases de tâtonnement, des tâches ingrates (décodage d’entretiens, par exemple), un travail ancré dans la durée; - La mise en écriture scientifique, avec citations, démonstration, présentation et discussion des résultats.

Pour les parents, il s’agissait d’abord d’acquérir une posture de chercheur qui implique :

- La volonté de mettre en débat ses pratiques, ses routines ; - La construction d’un savoir commun issu d’expériences individuelles et spécifiques ; - La possibilité de mise à distance du savoir, dans une démarche réflexive, celle de prendre de la hauteur ; - L’essai de généralisation du savoir produit.

Le projet UPP a permis aux parents d’acquérir cette posture de chercheur, sans s’inscrire dans une démarche professionnelle ou académique.

• Anne-Marie Doucet-Dahlgren, Universitaire, UPP de Pau, Vénissieux et Bassin Minier

La place de l’universitaire est originale : Il est éloigné de toute autre personne lui ressemblant et ne fait partie ni d’une équipe de recherche ni du groupe. Sa posture est distanciée : en extériorité par rapport aux acteurs (animateurs et groupes de parents). Il a la possibilité de :

- Aborder les questions (ciblant par ex. la pratique de la parentalité) de façon

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moins impliquée. - Engager à rassembler le groupe autour de points d’ancrage significatifs. - Mettre le zoom sur une multiplicité d’expériences et de situations

éducatives. - Mettre bout à bout des savoirs à partir de vécu individuel, afin de proposer

aux acteurs d’en venir à la phase d’analyse. - Conduire le groupe à se poser de nouvelles questions et à développer de

nouvelles connaissances basées sur l’expérience.

La posture essentielle est une posture d’écoute et de « mise au service » du groupe. La posture d’écoute et d’empathie est inscrite dans ma démarche de chercheur en dehors même de l’Université Populaire de Parents. Je ne sais pas si c’est une adaptation, mais il me semble important de ne pas imposer des analyses bien sûr, mais aussi des méthodes ou manières de faire que le chercheur importerait de sa pratique. Si, en tant que chercheur, j’ai pu apporter de mes savoirs et de mes savoir-faire, la démarche vers laquelle nous avons tendu et qui me semble importante c’est une démarche de co-construction qui laisse toute la place aux parents pour décider de leurs manières de faire ce qui doit être « leur » recherche en s’appuyant sur les propositions ou suggestions du chercheur ; démarche de co-construction qui suppose que le chercheur s’approprie aussi les propositions ou suggestions des participants. Quentin Verniers : Qu’est ce que cela apporte à l’université ?

• Christine Barras, Universitaire UPP de Lezennes En tant qu’universitaire, j’ai mis l’accent non pas sur des connaissances académiques, mais sur l’acquisition d’une posture de recherche. L'image de l'université par rapport aux UPP est ambivalente. D'une part, c’est un endroit où les recherches se font, donc un lieu de vie, et d’autre part, il s'agit aussi d'un monde hermétiquement fermé aux autres. Les difficultés qu'a connues l'ACEPP pour trouver des collaborations avec les universités montrent que l’université n’est pas vraiment disposée à déléguer du pouvoir aux parents-chercheurs. Si les parents ont affirmé « être devenus plus intelligents » grâce au projet, on peut sans aucun doute retourner le compliment : les universitaires engagés dans le projet UPP sont, eux aussi, devenus plus intelligents.

• Anne-Marie Doucet-Dahlgren, Universitaire, UPP de Pau, Vénissieux et Bassin Minier

Il y a nécessité de faire un lien entre les caractéristiques de l’Université Populaire et de l’Université : L'université Populaire

- ne correspond pas à un simple lieu de diffusion d’un savoir théorique divulgué par un enseignant - chercheur.

- Est une structure destinée à un public qui, en général, n’a pas accès aux instances académiques.

- Est un espace de partage de savoirs : réflexions à partir d’un vécu permettant à tout participant de tirer des conclusions.

- Sans système d’évaluation et d’examen

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- Sans suprématie de savoirs venant de la part d’un spécialiste. - Avec un fonctionnement autonome. Cependant, pour exister, l’Université Populaire a besoin du soutien d’une Université et de ses principaux acteurs (enseignants et chercheurs). Or, la posture même de l’enseignant à l’université fait qu’il ne se sentira pas forcément prêt à s’engager (ou intéressé) dans ce type de démarche où il faut partager et mettre en sourdine ses propres références et savoirs. L’université en France reste en retrait par rapport aux différentes expériences qui sont menées sur son territoire et en Europe (c’est dommage).

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V - PRESENTATION DE LA RECHERCHE DE L’UNIVERSITE POPULAIRE DE PARENTS DE SAINT GENIS LAVAL/ PIERRE-BENITE. « LE DECROCHAGE SCOLAIRE EN QUESTION » « Nous, ça fait plus de 10 ans qu’on cherche… » En effet, le collectif Paroles de femmes, qui a créé l’UPP, travaille depuis de nombreuses années sur les thèmes liés à la famille, l’éducation, l’école, la parentalité. Nos travaux ont donné lieu à deux livrets : - « Paroles de parents sur l’éducation », et - « Paroles de parents sur l’école » Nous avons également mené un travail d’expertise sur la démission des parents des quartiers populaires:

«Parents démissionnaires? Parents démissionnés ! » Ces différents travaux constituent la phase exploratoire de la recherche que nous avons souhaité mener dans le cadre des UPP. « Nous, on est face à un gros problème collectif » :

La question de l’enfant décrocheur C’est notre problématique. Nous prenons alors le taureau par les cornes pour affronter …. La question de recherche :

« Enfants décrocheurs ? Enfants décrochés ? » : Le décrochage scolaire des enfants des milieux populaires

en question Pour répondre à cette question, Nous en tant que parent on a bien une petite idée sur la question » : ce sont : Nos hypothèses.

1 •Les enfants dits décrocheurs, sont en réalité décrochés 2 •Les enfants décrochés sont décrochés par le fonctionnement de l’école 3 •Les enfants décrochés sont les enfants des parents démissionnés C’est le départ de notre recherche et : Nous, quand on cherche, ça déménage.» Nous mettons au point : La méthode d’enquête: Pour cela nous avons des outils de recherche déjà expérimentés ou que nous mettons en place :

- Notre méthode des petits papiers - Les monographies

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- L’observation participante - Le croisement des savoirs avec un groupe d’ATD quart monde - Les travaux d’universitaires - Un groupe de professionnels de l’Education Nationale

Nous si on cherche, c’est pour trouver ! Nous mettons donc au point : Une démarche

Nous travaillons tout d’abord sur des situations de crise que nous analysons avant de croiser nos résultats avec d’autres.

Dans ces situations de crise, le groupe de Pierre Bénite identifie des freins ou des obstacles, ce que nous avons appelé : Les 7 nœuds de l’école :

- Culpabilisation - Humiliation - Stigmatisation - Postures professionnelles - Vides institutionnels - Centre de tri - Cris d’alarme

Ce sont nos analyses mais« Nous, si on reste entre nous, ça sert à rien.» Nous devons donc confronter nos points de vue avec d’autres qui se sont engagés avec nous. Il s’agit :

- du mouvement ADT-Quart Monde - d’un comité de suivi constitué de l’Académie, l’IUFM, le centre Michel

Delay, le CESR, l’Association région Rhône Alpes) - Daniel Thin (universitaire) - La MRIE (Mission Régionale d’Information sur l’Exclusion)

« Qu’il est long le chemin… » Mais il est nécessaire de procéder par étapes.

1. Dans un premier temps le travail s’organise entre pairs. Le groupe UPP clarifie alors un point de vue collectif. Le groupe de professionnels travaille lui aussi sur les causes du décrochage scolaire de leur point de vue.

2. Dans un deuxième temps nous réunissons le groupe UPP et celui des professionnels pour une présentation réciproque. Nous avons alors pu confronter nos résultats pour arriver à un consensus, car

« Nous, si on cherche, c’est pour que ça change ! »

3. Dans un troisième temps nous regroupons les résultats croisés pour mettre en évidence cinq aspects intervenant dans le décrochage scolaire :

- 1. Les relations entre les familles populaires et l’école

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- 2. Les relations entre enfants et enseignants - 3. Le temps de l’orientation scolaire - 4. Le cadre institutionnel et ses contraintes - 5. Les choix pédagogiques

Nous reprenons chaque point pour les travailler selon un schéma identique. A titre d’exemple, nous présentons la démarche à partir de deux thématiques :

- La relation entre enfants et enseignants, - la relation entre familles populaires et école

a) La relation Enfants / Enseignant

Les deux groupes (UPP et professionnels) travaillent séparément :

• Leurs résultats avant le croisement : - Pour le groupe UPP la relation enfant / enseignant est omniprésente. C’est une cause essentielle de décrochage. - Pour le groupe de professionnels la relation enfant / enseignant n’est pas mentionnée. Elle ne constitue pas une cause de décrochage.

Puis les deux groupes se rencontrent, travaillent ensemble dans le même espace. Cela permet d’arriver à des consensus.

• Les résultats du croisement parents/professionnels Les deux groupes sont d’accord pour dire :

- L’école valorise peu les enfants «peut mieux faire » - L’estime de soi, la confiance en soi sont primordiales pour apprendre - La relation enfants / enseignants est une cause à part entière de décrochage

scolaire. Nous cherchons alors à comprendre ce qui différencie les deux groupes (parents et enseignants) dans la question de la relation entre enfants et enseignants.

• L’analyse Pour les professionnels : l’affectif n’est pas de leur ressort Pour les parents de l’UPP l’affectif (le dés-amour) est le cœur du décrochage, en précisant ce que nous entendons par « affectif », pour nous c’est croire en eux (les enfants)

b) La relation Familles Populaires / Ecole Les deux groupes (UPP et enseignants) travaillent séparément :

• Leurs résultats avant le croisement Les deux groupes travaillent séparément :

- Pour le groupe UPP la relation famille/école est omniprésente : humiliation, stigmatisation, culpabilisation des familles populaires : c’est une cause essentielle du décrochage.

- Pour le groupe de professionnels, la relation famille/école n’est pas mentionnée, elle ne constitue pas une cause de décrochage.

Puis les deux groupes se rencontrent, travaillent ensemble dans le même espace. Cela permet d’arriver à des consensus.

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• Résultats du croisement La thématique de la relation familles / école est omniprésente dans tous les ateliers : Elle est validée comme une cause à part entière de décrochage scolaire.

• L’analyse - Pour le groupe UPP : Culpabilisation, Humiliation, Stigmatisation sont des réalités et le virus CHS est à carshériser. C’est la psychomania, il y a urgence à Re–sociologiser, Re-citoyenniser. - Pour les professionnels, les parents n’éprouvent pas des sentiments

d’humiliation, de culpabilisation, de stigmatisation : c’est un déni des parents, une individualisation des familles, une médicalisation, une psychologisation.

Nous, on cherche depuis le berceau et aujourd’hui …. Notre conclusion - Les enfants des quartiers populaires ne sont pas dans les normes éducatives dominantes de notre société: ils dérangent à l’école qui n’est pas adaptée. Ils ne sont alors plus accueillis. Ils sont décrochés par une école qui ne s’ajuste pas. - Les parents des quartiers populaires sont méprisés, soupçonnés, démissionnés. Les enfants ont honte de leurs parents, de leur milieu. Ils sont décrochés par une société qui démissionne leurs parents. Nos perspectives : Un avenir pour chaque enfant Un avenir pour chaque jeune

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VI - SYNTHESE DES DIFFERENTES RECHERCHES DES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS Quels que soient les thèmes des recherches que nous avons choisis, dans toutes les UPP, nous avons été amenés à traiter de façon directe ou indirecte la question de la transmission entre parents et enfants et la question de la cohérence éducative. 1. La transmission L’éducation est une affaire de transmission. Transmission de valeurs, de comportements, d’habitudes, de règles. Mais comment fait-on, en tant que parents, pour assurer ce rôle ? Quel sont les processus de transmission ? Qu’est ce qui facilite cette transmission ? Qu’est ce qui la rend plus difficile ? La société véhicule des injonctions contradictoires entre elles L’UPP de Vénissieux a montré, dans sa recherche, qu’en tant que parents, nous recevons des messages multiples de la société par l’intermédiaire de la publicité, des magazines, des travailleurs sociaux, des émissions comme « Super Nanny », de l’école sur la manière dont il faut élever les enfants. Mais ces injonctions sont parfois contradictoires entre elles et mouvantes selon les époques : Il faut par exemple avoir de l’autorité, mais ne pas être autoritaire ; il faut accompagner notre enfant, mais favoriser son autonomie, le laisser faire ses expériences, mais le cadrer. Tenir les cadres, punir pour certains, dialoguer pour d’autres. En fait, nous recevons des injonctions multiples. On s’y perd. A quoi se référer, qui croire ? De plus, ces messages qu’on nous envoie sont parfois paradoxaux ; Par exemple, de plus en plus de parents travaillent en horaires décalés. Or on nous dit à la fois de travailler plus et de s’occuper plus de nos enfants. Comment faire pour répondre en même temps à ces deux demandes? En fait, les parents se retrouvent à gérer et à porter des injonctions paradoxales de la part de la société et à les gérer au sein de la famille. On fait porter aux parents des questions de société non tranchées. Ces injonctions sont de plus parfois en décalage avec ce que nous voulons ou pouvons transmettre en fonction de nos contextes de vie. Ce que nos recherches montrent, celles de Pau, de Vénissieux et du Bassin Minier, c’est que les parents ne peuvent être à l’aise dans la transmission que s’ils s’appuient sur ce qu’ils ont reçu, sur leur culture et histoire. Cela ne veut pas dire transmettre à l’identique TOUT ce qu’ils ont reçu, car il y a parfois des choses qu’ils ne veulent pas retransmettre à leurs enfants. Mais il est indispensable de s’appuyer sur ce qu’ils ont en chacun d’eux. Or ces injonctions sont parfois différentes de ce qu’ils veulent transmettre ou de ce qu’ils peuvent transmettre, parce que c’est très éloigné de ce qu’ils ont reçu. Par exemple, lorsqu’on est de milieu populaire, les valeurs qu’on veut transmettre sont en général les mêmes (le respect) mais on peut le faire de manière très différente.

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Ce décalage existe aussi lorsqu’on est issu d’une autre culture. On voudrait transmettre à ses enfants ce dont on est fier de notre culture d’origine et pourtant, parfois, c’est en contradiction avec ce qui est attendu de la société. De plus ces injonctions sont parfois difficiles à mettre en œuvre en fonction des contextes de vie. Ce qui est bon dans un contexte familial et social ne l’est pas forcément ailleurs. Certes, les enfants ont besoin d’activités, de sorties dans les musées, mais quand on habite à 50 kilomètres d’une ville, ce n’est pas évident ! Certes, les enfants ont besoin de nature, mais quand on habite dans une cité, ce n’est pas évident ! Il ressort de cette pression de la société sur les parents une fragilisation de ceux-ci, qui ne peuvent plus se faire confiance et sont perdus entre des repères très différents. S’ils tentent de se conformer à ce que l’on attend d’eux, ils se coupent de leurs propres ressources. Pourtant tous les parents ont des ressources. Pourtant, comme nous l’a montré l’UPP du Bassin Minier, dans les cultures minières, ouvrières, populaires, il y a aussi beaucoup de choses qui paraissent intéressantes : la solidarité, la débrouillardise, le sens de l’effort mais qui sont souvent peu valorisées. Les parents des milieux populaires pour s’adapter à la précarité, inventent de multiples attitudes adaptées à leurs contraintes, à leur culture et leur contexte de vie. Mais ces compétences sont souvent rendues invisibles car on ne peut les percevoir et les comprendre que si on les resitue dans leur contexte. Interpréter des attitudes sans tenir compte du contexte, fait vite basculer dans le jugement. 2. la cohérence éducative Comme nous l’ont montré les recherches de l’UPP de Lezennes et de Pau, de nombreux acteurs interviennent auprès des enfants et influencent son éducation : les parents, les grands parents, les enseignants. Pourtant, ce n’est pas toujours facile d’assurer une cohérence éducative, de s’entendre sur un projet éducatif avec ces différents intervenants. Il y a parfois des malentendus entre parents et professionnels. Chacun a son cadre de références, regarde l’autre avec ses propres lunettes, à ses propres représentations du rôle des parents. De plus, les professionnels sont aussi parents, ils ont leurs propres valeurs éducatives, et parfois, ils peuvent regarder la situation à partir de leur manière à eux d’être parent, elle-même liée à leur histoire et leur milieu social. Quand les pratiques éducatives sont différentes entre parents et professionnels, c’est alors que le malentendu arrive. On s’entend mal, on ne s’entend plus, on ne se comprend plus, on se juge et on s’éloigne les uns des autres. C’est particulièrement vrai quand un enfant rencontre des difficultés. En fait, tous les acteurs (parents, enseignants) sont à ce moment là en difficulté. Alors, on a vite fait de reporter la difficulté sur l’autre. La recherche de l’UPP de Saint Genis Laval/Pierre Bénite nous a montré qu’en tant que parents, nous avons tendance à penser que l’école est la cause des difficultés scolaires des enfants. Mais d’un autre coté, l’école, pense que les difficultés scolaires sont liées au contexte familial.

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En fait, il y a à la fois des causes individuelles, familiales et sociales aux difficultés. Or, quand on n’a pas de solution, on individualise les problèmes, et finalement, le plus souvent, on fait porter aux parents seuls ces problèmes. Ce qui est sociologique devient psychologique. Cela stigmatise les parents, les culpabilise, les invalide, on n’avance pas. L’éducation est une responsabilité partagée entre parents et autres intervenants. De ce fait, chacun parent, enseignant, éducateurs est responsable du développement de l’enfant. Les parents ont besoin d’être reconnus dans leur rôle et d’être considérés comme responsables. Mais responsable ne veut pas dire coupable. Les parents ont besoin de la part des professionnels, pas forcément de conseils, ni d’aides mais de dialogue, avec les enseignants, les travailleurs sociaux. Seul le fait de dépasser les préjugés entre parents et intervenants permet de vraiment construire la cohérence éducative. Individuellement, les parents doivent être interpellés pour tout ce qui concerne leurs enfants. De plus, collectivement, en devenant de vrais partenaires des institutions comme nous l’avons été dans les UPP, nous pouvons même être des ressources pour les professionnels, faire des propositions, lancer des dynamiques de partenariat. Pour cela, il faut que les parents soient vraiment considérés comme des acteurs responsables, partenaires égaux des professionnels et qu’on favorise leur implication partout, de la petite enfance à l’adolescence, qu’on les conforte dans leur rôle. Au-delà de nos recherches, en tant que parents des UPP, nous souhaitons tous ensemble dire :

- Qu’il y a nécessité urgente qu’on RE MISSIONNE les parents, individuellement et collectivement Et non pas qu’on les DE MISSIONNE.

- Que les politiques sont responsables du cadre qu’ils offrent aux parents pour élever leurs enfants :

Agir sur les conditions de vie, c’est soutenir la parentalité. Donner l’occasion aux parents de se rencontrer, d’échanger, c’est leur donner l’occasion de s’enrichir, c’est soutenir la parentalité. Reconnaitre les pratiques de chaque parent, essayer de les comprendre, apporter son point de vue sans juger, aider chacun à trouver ses propres solutions, être conscient qu’il peut y avoir plusieurs manières valables d’assurer l’éducation et ne pas vouloir à tout prix imposer le sien, quand on est professionnel, c’est soutenir la parentalité. Et pour tous, parents, professionnels, élus : construire des espaces de dialogue entre professionnels, parents, élus, c’est un défi pour mieux se comprendre, c’est inventer des espaces de co-éducation, c’est considérer les parents ni comme « à former », ni comme « baissant les bras » mais juste comme des partenaires précieux à renforcer, car ils sont irremplaçables, comme le sont les élus et les professionnels.

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VII – TABLE-RONDE : « LES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS : UN IMPACT POLITIQUE ET CITOYEN » Animé par Quentin Verniers

Quentin Verniers : Comment avez-vous associé d’autres acteurs ? Qu’est ce que les UPP produisent dans l’espace local politique ?

• Véronique Dubois-Savary, Parent, UPP de Lezennes Pour nous, la mise en place de l’Université Populaire de Parents est à l’initiative de la ville. Le groupe s’est en effet construit à la suite d’une soirée débat que la ville a organisé sur le thème de l’adolescence, une soirée animée par du théâtre forum. La ville qui est donc bien présente dans le projet a mis en place un comité de pilotage auquel participe des parents représentants du groupe UPP, des représentations de parents d’élèves, la coordinatrice petite enfance, COLLINE –ACEPP

NORD PAS DE CALAIS. A la suite de ses premiers travaux, le groupe UPP a organisé une rencontre en soirée avec les acteurs de la ville, parents, enseignants, éducateurs, élus, afin de lancer un large débat autour de l’éducation des enfants dans la ville. Ce débat a permis de mettre en évidence l’écart entre la perception des parents et les intervenants socioéducatifs. Afin de promouvoir une plus grande cohérence éducative, l’UPP a travaillé à l’élaboration d’une charte d'éducation pour la ville où chaque acteur de la ville pourrait s'engager pour lui-même par rapport aux autres acteurs (parents, enfants, élus, animateurs, enseignants).

• Mohamed Drici, Parent, UPP du Bassin Minier Les questionnaires ont été un élément déclencheur pour associer les parents et les professionnels, pour discuter sur la parentalité. Je me suis engagé à distribuer le questionnaire dans le collège de mon enfant. Je lui ai demandé de le remettre à l’enseignant, ce qu’il a pu faire en donnant des explications parce que je lui avais parlé des UPP L’enseignant m’a « convoqué. » En fait nous avons peu parlé de mon enfant ! L’enseignant voulait surtout en savoir plus sur les UPP et la recherche. J’ai évoqué le droit et le devoir à l’éducation, les difficultés liées à la question des limites à poser aux enfants, et en particulier le rôle des parents à l’école. Le fait que beaucoup de parents se sentent incompétents et exclus de l’école, exclus du dialogue avec les enseignants. J’ai suggéré l’intérêt de faire venir les parents dans l’école pour des moments positifs festifs. L’enseignant a pris conscience que les parents se sentent concernés, peuvent agir sur des problèmes de société. L’UPP a donc été sollicitée pour présenter ses travaux au collège. L’enseignant a demandé l’aide de l’UPP pour réfléchir sur les valeurs éducatives et prévenir l’apparition de problèmes dans le collège. De même, à partir d’un forum organisé par l’UPP dans le cadre des REAAP, les travailleurs sociaux qui animent des groupes de parents ont demandé que le groupe

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de parents des UPP vienne débattre avec eux. Ils se sont aperçus qu’on ne peut pas travailler sur la parentalité sans associer les parents eux-mêmes.

• Sylvie Chevallier, Parent, UPP de Pierre-Bénite-Saint Genis-Laval Pendant qu’on travaillait sur le décrochage scolaire, la MRIE a réuni un groupe de professionnels de l’Education Nationale (enseignants, assistantes sociales, proviseurs…) pour travailler sur la même question. Après 6 ou 7 mois, nous nous sommes retrouvés pour croiser nos analyses. Nous avons eu à négocier pour arriver à des consensus. La restitution de ce croisement s’est faite avec des responsables institutionnels et associatifs. Quentin Verniers : Comment avez-vous fait pour mobiliser l’éducation nationale ?

• Sylvie Chevallier, Parent, UPP de Pierre-Bénite-Saint Genis-Laval Toutes les UPP ont associé des institutions, des professionnels, d’autres acteurs à leur réflexion pour mener leur recherche. Pour le Collectif Paroles de Femmes qui souhaitait rencontrer l’Education Nationale depuis longtemps, le lien avec la MRIE a été très aidant, de même que le cadre des Universités Populaires de Parents. Quentin Verniers : Qu’est ce que le croisement a produit pour les parents et les enseignants ?

• Sylvie Chevallier, Parent, UPP de Pierre-Bénite-Saint Genis-Laval En tant que parent, on a un peu changé nos regards. On a rencontré des enseignants motivés. Les enseignants ont aussi changé leur regard en découvrant les causes que nous évoquions : le fait que pour les parents la relation affective est importante dans l’apprentissage, par exemple. L’IUFM a été intéressée par la démarche et a demandé à l’UPP d’intervenir auprès des enseignants en formation initiale et continue. Nous intervenons également dans les formations de travailleurs sociaux, avec des coordonateurs du PEL5, des coordonateurs des PRE6 dispositif dans lequel nous participons à l’évaluation. Quentin Verniers : Au-delà du changement de regard, qu’est ce que l’UPP produit dans le territoire où elle est ?

• Cécile Boulonneau, Parent, UPP de Pau Comme tu l’as dit Sylvie, nous aussi comme toutes les UPP, nous avons organisé des forums avec des partenaires locaux institutionnels. Mais je ne reviendrai pas là dessus. Pour nous, suite aux UPP, nous avons ouvert un local pour les parents. Son nom actuellement est « Pause Parents »

5 Projet Educatif Local 6 Programme de Réussite Educative

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Ce local, proche de l’entrée de la crèche, facile d’accès, est très visible sur le quartier en donnant directement sur la rue. Nous souhaitons qu’il participe à la dynamique du quartier et du centre ville. De par sa situation géographique, ce lieu va nous permettre d’entretenir les relations avec les associations environnantes et créer du lien et donc des réseaux de solidarités. L’objectif est de créer un lieu convivial, pouvant accueillir les parents du quartier. Mais aussi il est un lieu pour d’autres associations et surtout il permet aux parents qui le font vivre de porter des débats et des engagements sur la place publique. Au fil des UPP, notre engagement a donné à certaines d’entre nous l’impulsion pour s’engager plus fortement dans leur vie locale.

• Cécile Boulonneau, Parent, UPP de Pau Rose et moi avons participé aux UPP où nous avons partagé des valeurs d’entraide de soutien et de dynamisme associatif. Fortes de ces valeurs, nous y avons puisé l’énergie de créer notre propre association « Solifem ». Elle est composée de femmes de cultures différentes. Les objectifs sont :

- des actions solidaires entre les membres - une épargne commune pour des projets de micro-crédit - favoriser la transmission de la culture d’origine au travers de la danse et

de la langue. Quentin Verniers : Pour conclure, quelles sont les idées fortes que vous gardez sur l’impact des UPP ?

• Cécile Boulonneau, Parent, UPP de Pau La recherche n’est pas la finalité des UPP. La finalité est bien de changer le « vivre ensemble » de permettre aux parents, institutionnels élus de mieux se comprendre. Les UPP ont fait des parents des chercheurs. Mais elles vont plus loin : en qualifiant leur savoir les UPP leur permettent d’être des citoyens actifs de prendre une place politique. Ces débats ont lieu au cours de forums, où les parents peuvent débattre avec des acteurs locaux, des élus croiser leurs analyses, pour modifier le regard porté les uns sur les autres. L’enjeu final est de réinventer ensemble des espaces de coéducation où se discute à partir de ce croisement de savoir et de la complémentarité des places, le monde que nous voulons pour nos enfants.

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Frédéric Jésu, grand témoin L’éducation n’est pas seulement l’affaire des parents, c’est aussi l’affaire des enfants, des jeunes, et c’est aussi celle de la coéducation, c’est à dire la mise en table ronde des parents et des professionnels que les parents vont retrouver dans les différents espaces et temps, un temps qui pour eux va de zéro à dix-huit ans au moins. Ces professionnels dépendent souvent de services et institutions gérées par des collectivités territoriales villes ou départements. Derrière ces professionnels, il y a donc des élus locaux. C’est pourquoi il faut vraiment s’intéresser à cette dimension politique dans l’éducation, parce que ces professionnels, ces services sont fortement impliqués dans une démarche de coéducation. Ils peuvent choisir de participer ou non à cette démarche. Les élus peuvent inviter les professionnels qu’ils gèrent à co construire avec les parents les conditions d’éducation des enfants d’un territoire donné, dans les services tels que halte-garderie, crèches, ludothèques, lieux d’accueil parents/enfants. Les élus construisent des bâtiments petite enfance ou scolaires. On pourrait donc imaginer que les maires mettent dans les cahiers des charges le principe d’avoir systématiquement une salle réservée aux parents par exemple. Par ailleurs, cette coéducation s’inscrit dans un contexte d’Etat qui semble vouloir privatiser de plus en plus les responsabilités éducatives en rappelant aux parents de façon autoritaire et contraignante qu’ils sont les premiers détenteurs de cette responsabilité. En même temps, cet Etat confie de plus en plus ces compétences importantes avec de moins en moins de moyens pour les assurer. Ainsi, les parents ne sont pas les seuls à vivre des injonctions paradoxales. Il est demandé aux maires d’assurer à la fois les conditions d’éducation des enfants et la sécurité, les amenant par exemple à faire des choix entre des services petite enfance et des caméras de vidéo-surveillance. C’est pourquoi les élus locaux peuvent avoir intérêt et le souci d’associer les parents dans les décisions qu’ils prennent au niveau de leur commune, en sollicitant leur expertise de parents, d’habitants citoyens, pour rechercher avec eux la cohérence éducative nécessaire aux enfants. Une cohérence qui évite pour les enfants les tensions entre les logiques familiales et celles de l’institution. Ces tensions sont pour eux des souffrances qui les rendent moins disponibles pour les apprentissages scolaires, les empêchent de s’investir dans les activités culturelles ou sportives. Il est donc important que les élus puissent voir les parents non plus comme des problèmes pour eux, mais comme des acteurs du diagnostic et des solutions à apporter sur un territoire. Ce qui pose la question de la représentativité. Comment tous les parents peuvent –ils avoir un dialogue avec les élus, alors que certains sont loin de pouvoir voter, ceux-là même à qui on rappelle le plus agressivement leurs responsabilités ?

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Il faut donc qu’il y ait d’autres parents qui parlent suffisamment fort pour que toutes les voix soient entendues et pas seulement les voix électorales. C’est l’expertise spécifique, citoyenne des parents qui doit être sollicitée. Les Universités Populaires de Parents agissent en ce sens puisqu’elles élaborent un savoir de parents populaires pour lui donner une dimension générale. Le travail mené dans la recherche permet un recul sur une expérience du quotidien des parents, une mise en valeur et une communication de cette expérience. Pour les communes, il est important de bénéficier du miel de ce travail, les Universités Populaires de Parents constituent un pont particulièrement intéressant. Cependant si l’élu doit avoir une écoute privilégiée de ces groupes de parents, il ne doit pas avoir une réponse dirigée à leur seul égard. La "pause parent" dont parlaient les parents de Pau par exemple est destinée à tous les parents et pas seulement à ceux du groupe. Pour conclure sur les atouts pour un élu de bénéficier des travaux d’une Université Populaire de Parents, la participation des parents dans la démarche d’élaboration, de développement et d’évaluation d’un projet éducatif local est une chance formidable pour assurer une cohérence éducative. Dans le travail du Bassin Minier, on voit bien qu’il s’agit d’une plus value de sens sur les décisions prises en terme d’aménagement du territoire ; ce que les parents disent des valeurs travail, autorité, respect, aide à comprendre quelle émotion il y a à voir son ancien lieu et ses outils de travail devenir un musée ou un roller parc. Le fait que cela se passe en une génération demande un accompagnement. Et les parents peuvent faire cet accompagnement auprès de leurs enfants dans le cadre intime de la vie familiale. Cela permettra sans doute que le roller parc soit investi et respecté. Un parent disait « on cherche pour que cela change. » Un élu local a certainement beaucoup d’intérêt à voir autour de lui « des gens qui cherchent à ce que cela change. »

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VIII –TABLE-RONDE INSTITUTIONNELLE : « POURQUOI ET COMMENT IMPULSER DES DEMARCHES D’ACCOMPAGNEMENT DES PARENTS ? » Table ronde animée par Xavier Lionet Xavier Lionet : A l’écoute des différentes interventions de la journée, qu’est ce qui vous a surpris, dérangé, qu’avez-vous appris ?

• Mélissa Fort, chargée de mission au bureau de l’enfance et de la famille à la DGAS7

Tous les travaux présentés ont montré l’intérêt et la spécificité de la démarche des Universités Populaires de Parents dans son approche de la parentalité. Les parents sont au cœur du dispositif, ils sont les initiateurs de la réflexion et deviennent ainsi les acteurs de la parentalité. La valorisation de leur compétence apparaît dans la parentalité mais aussi dans la construction d’un savoir non pas académique mais au plus près de la vie des familles et qui crée du lien social. Cette démarche s’inscrit complètement dans les objectifs de soutien à la parentalité des REAAP en s’appuyant sur les compétences, les ressources et les savoir-faire des parents. Je ferais une remarque concernant l’implication des pères, qui bien qu’existante, reste indirecte dans ces travaux.

• Marie-Dominique Calça, chargée de mission au bureau de l’animation territoriale à la DGAS

Le dispositif des Universités Populaires de Parents a été financé par nos services en ce qu’il est un des endroits où les habitants peuvent monter en compétence, en prendre conscience et la montrer dans les institutions et dans leur territoire en participant à de vrais programmes. Aujourd’hui, j’ai entendu des parents citoyens participer avec succès dans un colloque national avec le même rang que les institutionnels et les collectivités. C’est le choix de programme qu’il faut continuer. Nous avons financé ce programme et nous allons donc nous interroger pour la suite.

• Serge Nédélec, chargé de mission éducation à la DIV8 Les territoires de politique de la ville, qui correspondent aux zones sensibles, représentent près de cinq millions d’habitants. C’est parmi cette population que l’on rencontre les personnes les plus stigmatisées qui vivent, dans leur rapport aux institutions, les situations d’humiliation qui nous ont été contées. Les travaux qu’ils ont présentés, même si c’est à contre-courant de ce qui se dit et fait dans notre pays, montrent que c’est une voie à suivre et à laquelle nous tenterons de maintenir notre soutien.

7 Direction Générale de l’Action Sociale 8 Délégation Interministérielle à la Ville

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J’ai le sentiment d’avoir vu une méthode qui contribue à fabriquer une élite de parents. Elite, car c’est un processus qui permet à chaque personne de collectivement s’élever, ce qui est rare et précieux. Alors comment mieux encore capitaliser ce travail des Universités Populaires de Parents afin que ces travaux et ces groupes puissent devenir une masse critique et nous permettre de mieux appréhender cette question sociale qui reste cruciale.

• Kaïs Marzouki, directeur de l’action éducative et de la solidarité à l’ACSE9 Cette démarche est intéressante par sa nouveauté, bien qu’elle soit également très ancienne puisqu’elle renoue et redonne un coup de fouet à une tradition d’éducation populaire qui est en perte de vitesse. Elle évoque également la démocratie participative par le fait que des personnes réinvestissent l’espace public pour se prendre en main.

• Véronique Delaunay-Guivarch, conseillère technique à la direction des politiques familiales et sociales à la CNAF10

Les parents ont à vivre un changement complet parce que les repères ont bougé. Ils ne sont pas démissionnaires, ils peuvent avoir des doutes. Il faut donc accompagner ces changements, et depuis des années la CNAF encourage le soutien à la parentalité et ne partage pas le diagnostic de parents démissionnaires. Depuis des années nous sommes attentifs à la place des parents, et les Universités Populaires de Parents sont une nouvelle mise en actes, particulièrement intéressante de la question de la place des parents. Elle permet d’écouter ce que les parents ont à dire de les intégrer dans le diagnostic des besoins. C’est donc appuyer des politiques sur ce que les parents en disent. Cela nous questionne donc sur la manière dont les politiques vont s’emparer de ces initiatives et comment maintenir de telles politiques. Cette construction qui rapproche universitaires et parents est très élaborée, elle présente un défi que nous pourrons, je l’espère, relever. Xavier Lionet : Pourquoi votre institution a-t-elle soutenu cette démarche de création des UPP ?

• Mélissa Fort : L’accompagnement des familles constitue un objectif soutenu par les pouvoirs publics, et concernant plus particulièrement l’accompagnement des parents, un dispositif de soutien à la parentalité, les REAPP a été mis en place suite à la conférence de la famille de 1998. C’est un dispositif issu des réflexions sur l’ampleur des mutations qui pouvaient toucher la sphère familiale, les relations conjugales, les rôles parentaux. Il est apparu nécessaire d’avoir une réflexion sur une démarche d’accompagnement des parents qui leur permettrait d’exercer au mieux leur parentalité en s’appuyant sur leurs ressources, leurs compétences. Les parents gardent le premier rôle dans l’éducation de leur enfant, mais ils peuvent être confrontés à des interrogations, à des doutes, et dans ce cas, ils doivent être en mesure d’avoir accès à un soutien adapté. Les REAAP ont donc vocation à mettre en réseau des actions visant à conforter les compétences parentales à travers le

9 Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances 10 Caisse Nationale des Allocations Familiales

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dialogue. Les grands domaines d’intervention des REAAP sont multiples, une diversité qui reflète celle des questions auxquelles les familles sont confrontées : les relations familles écoles, l’aide aux parents d’adolescents, la co-parentalité ou la conciliation vie familiale- vie professionnelle. Il peut s’agir de conférence débat, de groupe de paroles entre parents, d’activité parents/enfants ou de théâtre forum. Les parents trouvent un soutien mutuel dans des réponses adaptées à leurs besoins. L’implication des parents est fondamentale pour esquisser des réponses hors de valeurs pré-pensées et normatives.

• Marie Dominique Calça : Au-delà de la parentalité au sens relation parents/enfants, parents/ institutions, ce dispositif met les parents en regard de leur situation dans leur territoire, participant également au développement de celui-ci au travers d’activités. C’est ce que l’Etat souhaitait. L’article 20 de la loi d’orientation et d’aménagement durable du territoire de 1999 précise : « Il est nécessaire que les habitants participent à l’élaboration de projets de territoire.» Quand vous êtes des parents organisés qui comprenez votre territoire, vous avez une place individuelle et collective dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets.

• Serge Nédélec : Pour la DIV, la démarche de ce réseau d’initiatives parentales qu’est l’ACEPP, s’inscrit dans les fondements de notre politique. L’ACEPP, par sa démarche participative en réseau partenarial appuyé sur des territoires, constitue pour nous un partenaire important. La DIV conserve un rôle de tutelle, d’évaluation et d’expertise des actions. Dans les PRE, il est prévu que les parents puissent être associés dans les actions individuelles ou collectives pour les enfants en fragilité. Or, s’il y a la volonté littérale, elle est rarement mise en œuvre pratiquement. Il y a là pour l’ACEPP et d’autres associations de parents, un champ à investir. Je vous invite donc à voir comment vous pourriez être ressource, partenaire de ces programmes pour qu’ils puissent promouvoir des actions qui permettent de mieux impliquer les parents puisque c’est votre domaine de compétence et votre richesse. Concernant le projet des UPP, nous espérons pouvoir continuer à aider l’ACEPP à poursuivre ce travail de capitalisation et de développement d’un réseau des Universités Populaires de Parents.

• Véronique Delaunay-Guivarch : Les CAF interviennent dans différents aspects de la parentalité : - Le développement d’équipement petite enfance dans lesquels les professionnels puissent être ressource pour les parents - Une diversification et une convergence des offres spécifiques d’appui à la parentalité. Nous avons deux objectifs :

- conforter et maintenir le lien parent enfant - valoriser les compétences parentales.

Pour cela, l’institution appuie de nouveaux services aux familles. Les CAF sont mobilisées sur les REAAP, la médiation familiale, soutiennent les CLAS (contrats locaux d’accompagnement à la scolarité) Les UPP nous ont présenté une démarche particulièrement aboutie en terme de participation des parents dépassant le niveau de la consultation, de la concertation pour mettre en valeur l’expertise des parents. Une expertise qui peut aider les

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institutions à mettre en place des équipements et des services qui répondent aux besoins des parents. Nous espérons que cette dynamique pourra être soutenue au-delà de cette première phase pour en favoriser le développement.

• Kaïs Marzouki : L’axe qui intéresse l’ACSE est la question des étrangers qui doit être prise en compte à deux niveaux : avec une prise sur le public lui-même et une intervention sur la société d’accueil et plus particulièrement sur les professionnels pour que la diversité culturelle ne coproduise pas des discriminations. Les Universités Populaires de Parents, telles qu’elles ont été présentées, sont totalement rassurantes de ce point de vue. Xavier Lionet : Qu’est-ce qui, selon vous, est important dans cette démarche, et comment pourrait-on aller plus loin dans ce sens ?

• Kaïs Marzouki : L’expérience des Universités Populaires de Parents est tout à fait intéressante, nous ne pouvons que souhaiter l’élargissement de l’expérimentation et surtout sa modélisation.

• Mélissa Fort : Les Universités Populaires de Parents développent un aspect spécifique de l’appropriation des connaissances par les parents, via la collaboration des familles avec les universitaires. C’est donc une démarche qui fait totalement sens avec les politiques que nous soutenons actuellement.

• Marie-Dominique Calça : Dans une filiation de développement social depuis des années nous ne pouvons qu’être satisfaits de ce qui s’est passé depuis trois ans. Plutôt que modélisation, je parlerais d’essaimage de la démarche de manière à ce que les outils puissent permettre une adaptation à chaque réalité. Il y a les conventions habituelles entre l’Etat et l’ACEPP qui permettent de développer des programmes comme celui-là, mais j’engage chacun à réfléchir comment s’inscrire dans les projets de territoire qu’ils soient d’intercommunalité, de communauté d’agglomération, qui commencent par un diagnostic pour comprendre ensemble ce qui se passe sur le territoire et en inventer l’avenir.

• Véronique Delaunay-Guivarch : Dans une période où nous nous re-projetons dans une convention d’objectifs et de gestion, il serait très riche que nous puissions nous appuyer sur ces dimensions de parentalité, sur la richesse de ce qui nous a été présenté aujourd’hui pour alimenter, au-delà du diagnostic des experts, notre démarche. Cela paraît donc évident qu’il y a un avenir pour les Universités Populaires de Parents pour enrichir et croiser les points de vue dans les démarches politiques que nous avons impulsées.

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IX – INTERVENTION « LE RÔLE DES PARENTS : UN ENJEU DE SOCIETE « Par Marine Boisson : chargée de mission au département « questions sociales » du Centre d’analyse stratégique et Doctorante à Sciences-Po Paris Les démarches d’accompagnement, d’appui et de soutien des parents pourraient relever de quatre facteurs : Parents « vulnérabilisés » Nouveau modèle Educatif normatif Démarches d’accompagnement Réformes de l’Etat providence d’appui et de soutien aux parents Démocratie « participative » et Nouveau modèle de citoyenneté 1. Parents « vulnérabilisés »

Les parents sont l’objet d’un double mouvement d’incrimination – valorisation. A la fois on valorise les parents en tant qu’ils apportent des biens insubstituables : on nous dit maintenant « nul ne peut se substituer aux parents dans ce qu’ils apportent dans l’éducation, la socialisation et le développement de l’enfant. » Et en même temps, on voit bien quel est l’envers de ce discours. Ce parent insubstituable et pièce maitresse du développement de l’enfant, c’est aussi ce parent défaillant qui est mis en scène dans les questions de délinquance et dans les questions d’échec scolaire. On est à un moment assez particulier où on voit que la notion de parentalité est abordée bien au-delà de la seule pratique quotidienne et privée. La parentalité est mise en relation avec un premier discours des risques sociaux, et de la parentalité comme risque en soi. Les risques sociaux sont ces enfants décrocheurs, violents, inciviles, dans lesquels on fait des parents une pièce maitresse, ce qui est l’aspect incrimination. Elle est aussi mise en relation avec un deuxième discours de la parentalité comme fonction de promotion et de protection de l’individu. C’est la figure valorisante du bon parent, celui qui sait accompagner le bon développement de l’enfant, sa scolarité. Il y a également un troisième niveau de discours dans lequel on fait de la parentalité une fonction sociale de préservation de l’ordre public et une fonction de cohésion sociale. On est face à cette parentalité qui est risque et remède, défaillance et à la fois source de bien substituable. Ce regain d’intérêt pour la parentalité est central dans le soutien qu’apportent les pouvoirs publics aux actions de parentalité. Ce qui permet aujourd’hui un essor des initiatives autour de la parentalité c’est le fait que, contrairement à ce qui pouvait être mené dès les années 70 ou 80, on a de l’argent public, mais on arrive à une masse critique

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d’initiatives, parce qu’on a des financements qui vont du PRE au REAAP, et on voit cette idée derrière ces politiques, qu’il faut accompagner les parents dans la prise de responsabilité. L’idée est de permettre ou espérer une participation plus active, intense, à la vie familiale à l’éducation des enfants mais aussi de la vie du quartier de la part des parents. Ce présupposé des politiques qui visent les parents à devenir responsables ne nous dit encore rien des dispositifs qu’on peut mettre en œuvre. On peut avoir de la parentalité prescrite, normative et de l’action parentalité compréhensive, compensatrice, c'est-à-dire offrir à des publics de nouvelles ressources pour gagner en initiatives. Les actions parentalité se nourrissent d’un constat sociologique sur le fait qu’être parent aujourd’hui serait plus difficile par l’évolution de la société. Il y a là l’ensemble des facteurs que les parents maitrisent peu ou mal, dont on va arguer pour ces politiques qui vont de raisons familiales (désunions du couple, monoparentalité) de raison plus socio- économiques (développement de la précarité, difficulté d’intégration des personnes migrantes et de leurs enfants) puis une mutation sociale plus large (inflation des exigences scolaires, et exigences de diplôme et formation de plus en plus élevé pour accéder à l’emploi). Tous ces éléments impactent très fortement les familles. On reste encore dans un schéma binaire dans lequel les démarches d’accompagnement d’appui et de soutien à la parentalité ont à voir essentiellement avec les parents. Les parents auraient changé, les pouvoirs publics auraient accompagné ce mouvement et on aurait ainsi des démarches. Cette hypothèse est simpliste. Si on veut comprendre les enjeux de société qui sont derrière les représentations des parents, il faut considérer au moins trois autres mutations qui génèrent ces démarches d’accompagnement. 2. Un nouveau modèle éducatif, normatif On a un nouveau modèle éducatif normatif qui est une partie de ce qui rend les parents vulnérables. Ce n’est pas toujours mis en avant, et aujourd’hui on l’a très bien entendu, car ce sont les parents les plus impactés par ces nouveaux modèles éducatifs, qui en parlent le mieux.

Ce qu’on peut entendre par nouveau modèle éducatif normatif, c'est-à-dire dominant : tout ce qui touche à la fois à la vision de l’enfant comme individu et sujet de droit, l’enfant est une personne et pas seulement un enfant de la famille. Cette vision de l’enfant personne, renvoie à tout ce qui est développement personnel, d’autorité négociée. On n’est plus simplement dans une transmission auprès de l’enfant de la famille, qui perpétue la famille. Il y a également d’autres exigences qui ne sont pas uniquement liées à la personnalité de l’enfant ou à une nouvelle vision de la personnalité de l’enfant mais aussi à une société d’une économie de la connaissance et des services, c'est-à-dire les activités dans lesquelles on pourra s’intégrer plus tard, ce qui suppose de la connaissance et de pouvoir remplir des activités de services. Cela valorise ainsi d’autres qualités que celles reconnues auparavant : un haut niveau de formation ce qui n’est pas toujours facile d’accès, et certaines aptitudes relationnelles telles que maitrise de soi, empathie, motivation, autonomie. Les parents du Bassin Minier ont bien montré comment ils avaient fait l’objet d’exigences éducatives normatives tout à fait différentes, on leur demandait de savoir tenir leur place, de se rendre

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disponibles et d’accepter le travail très tôt. Ils ont montré également comment aujourd’hui ils sont confrontés à de nouvelles exigences. 3. Réformes de l’Etat providence

Le troisième facteur qui joue dans le développement de cette démarche c’est une réforme de l’Etat providence qui impacte les parents dans leurs conditions socio-économiques. Il y a aujourd’hui, pour un certain public qui a vécu la précarité une perte de sécurité. Ces Etats providence ne sont plus ceux des trente glorieuses, ils font place à beaucoup plus d’insécurité. Mais c’est aussi la manière dont l’Etat providence doit intervenir. L’Etat providence, aujourd’hui, ne veut plus seulement intervenir en tant que réparateur, compensateur des inégalités constituées, mais, au nom de l’idée de l’investissement social, de l’égalité des chances. Il y a cette idée qu’il vaudrait mieux investir, équiper les personnes, dès le début de la vie c'est-à-dire auprès des enfants, mais aussi auprès des familles. C’est l’idée d’un Etat partenaire, qui ne prétend pas tout faire, mais qui va chercher des relais pour son action, ou tenter d’agir de concert avec la société civile. Ce n’est pas nécessairement ce qui se passe, mais ce sont les idéaux ou la façon dont aujourd’hui, on promeut les réformes. 4. Démocratie « participative » et nouveau modèle de citoyenneté

C’est aussi une aspiration à une démocratie participative et un nouveau modèle de citoyenneté. On est souvent sur cette vision mécanique : les actions parentalité comme réponse aux difficultés des parents. Mais on ne doit pas axer le mouvement top down (du bas vers le haut) qui est plutôt l’idée qu’on a aujourd’hui des formes de mobilisation, de revendication de participation à la raison commune, au nom d’une expertise, d’un savoir qui ouvre par exemple sur les groupes de parents ou les UPP. On voit dans les UPP une mobilisation à partir d’une identité de parents, de mères, qui était essentiellement privatisée et qui permet aujourd’hui un développement de coopération sociale, de collectifs plus ou moins mouvants ou stables dans le temps, mais avec une revendication construite. Cette revendication d’égalité était bien présente à travers toutes les interventions de la journée. La participation sociale et politique fait sortir d’un langage individualisant les situations de chacune des familles, ou de chacun des parents, pour ouvrir sur des destins collectifs. Il y a peut être là un paradoxe dans le fait qu’on a beaucoup mis en avant les problèmes, les virus nommés CHS culpabilité, Humiliation, Stigmatisation, (Paroles de Femmes) et le fait que c’est parce que ces formes de domination sont vécues comme inacceptables, que l’on peut avoir cette dénonciation. Cette dénonciation n’existerait pas tant aujourd’hui parce que les phénomènes de domination seraient plus intenses, mais aussi parce qu’il y a une revendication d’égalité, un sentiment de dignité bien installé qui permet de revendiquer et de dire non à ces phénomènes CHS. La stigmatisation n’existerait pas sans ce sentiment de dignité

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On a donc dans ces enjeux sociaux et politiques des dispositifs d’accompagnement à la parentalité, quelque chose qui déborde largement les parents : un double mouvement d’incrimination – valorisation. Mais il faut aussi compter avec les l’intérêt des pouvoirs publics, à savoir un développement des savoirs sur la parentalité, et des savoirs sur le développement et la socialisation. Ce dernier est lui aussi est à double face. Il permet à la fois d’avoir une approche plus compréhensive des enfants et des parents et des familles. Mais en même temps, il nous rend peut-être plus exigent vis-à-vis des parents en tant qu’éducateurs, et des normes que nous nous fixons dans le développement des enfants (l’aspect de norme éducative évoqué précédemment). Aujourd’hui nous sommes sensibles à des notions qui vont de l’équilibre émotionnel au développement des attitudes dans la toute petite enfance. Ce qui naturellement rend plus exigeants à l’égard des parents, les valorisant tout en multipliant les risques de culpabilisation face aux échecs. On est face à des Etats providence qui depuis les années 60 ont développé des critiques des traitements institutionnels des difficultés de l’enfance : trop d’enfants retirés de leur famille sans qu’on ait donné aux familles les moyens de s’occuper d’eux, sans chercher à mieux les aider. Dans les années 80-90, ce discours d’insuffisance des solutions institutionnelles a également été porté vis-à-vis de l’école sur le fait qu’elle ne savait pas prendre en charge un certain nombre de publics qui nécessitaient de s’intéresser à leur environnement et donc aux familles dont ils étaient issus. Que peuvent donc apporter les différents dispositifs d’accompagnement des parents aux intéressés, les bénéficiaires ? Quels risques et quelles opportunités pour les parents ? De nouveaux services, de nouveaux liens, de nouveaux savoirs ? De nouveaux services ? Tout dépend de ce qu’on met derrière « dispositif d’accompagnement des parents ». Il y a une grande diversité, une incertitude aussi parfois dans les principes. L’idée est d’apporter de nouveaux services sans apporter de nouvelles surveillances. De nouveaux liens ? Il a été mis en avant au cours de la journée qu’un des fondements de l’action parentalité c’était aussi apporter du capital social qui est un soutien, une entraide mutuelle, une rencontre, une reconnaissance. Tout cela conforte, donne de la maitrise aux parents qui participent à ces collectifs. Au-delà de la technicité (conférences que l’on peut faire pour les parents dans le cadre des REAAP pour être meilleur parent, mieux comprendre ses compétences de parents.) L’arrivée des universités dans les UPP est aussi une forme de capital social : avoir d’autres liens avec d’autres personnalités qui ont d’autres ressources. De nouveaux savoirs ? Ce ne sont pas nécessairement les savoirs classiques, pédagogiques, c'est-à-dire ceux qu’on doit apprendre, qu’on vous apporte de l’extérieur. On a vu ici des savoirs beaucoup plus hybrides, locaux, de parents, issus de la pratique pour accéder à des formes de généralités, on a vu des savoirs sur soi qui vont pouvoir

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être mutualisés, mais surtout une coproduction de savoirs avec la personne ressource, entre parents, avec son environnement. On n’est donc pas dans les savoirs prescrits, mais dans un savoir conquis qui ouvre sur une parentalité accompagnée, sur un processus de gain en maitrise. C’est l’opposition qui est faite entre le modèle classique qui est celui du "training" (se former au métier de parent comme on se forme à d’autres choses) et celui de "l’empowerment" (qui vient de pouvoir, gagner en pouvoir) Il y a dans les UPP un lien direct entre savoir et pouvoir. Les savoirs conçus dans les UPP visent trois choses :

- pouvoir sur soi - pouvoir d’organisation collective - pouvoir sur son environnement, dans les services publics et les

institutions Dans ce cadre là je parlerais d’un accompagnement « compréhensif » voire « compensateur » Compensateur car on voit l’intérêt de ces actions pour des publics dits défavorisés ou désavantagés. Mais aussi parce qu’apporter, comme c’est le cas dans les UPP, ses ressources, ses savoirs qu’on va y construire, c’est peut être un moyen de corriger un certain nombre d’inégalités. Les grandes inégalités face à la parentalité : On a donc aujourd’hui une vision de la parentalité plus exigeante, en termes de norme, de compétence. Ce discours a parfois tendance à lisser les différences, les inégalités. - Les parents les plus favorisés arrivent à tenir ce que sont aujourd’hui les exigences de la parentalité, par la bi-activité et le fait d’être à la fois un parent aimant et manager de cet enfant. Le parent aimant et manager sait à la fois donner de l’épanouissement personnel et obtenir de la discipline, de la réussite éducative, du travail scolaire. En même temps ces parents sont aussi des travailleurs et peuvent concilier ces différentes qualités. La force des milieux favorisés est qu’ils ont la possibilité de sous-traiter ou externaliser un certain nombre de ces tâches en recourant à des services comme l’accompagnement scolaire, une employée ménagère. C’est le fait que le travail domestique soit externalisé qui permet de se concentrer sur la partie la plus noble de ce travail de parents. - Pour les parents des classes moyennes, qui vivent dans des pavillons, dans les zones périurbaines, avec des transports très longs, on voit que les tensions sont déjà beaucoup plus fortes. Pour eux la conciliation vie professionnelle vie familiale est beaucoup plus difficile car ils n’ont pas forcément les moyens de s’offrir ces services. Il s’agit là d’une parentalité sous tension : « comment réussir à faire tout ce que la société me demande ? » - Pour les parents les plus populaires, cela devient la double peine : parce qu’ils sont parfois en dissonance avec les exigences normatives. Certains sociologues ont mis en avant le fait que lorsqu’on ne se vit pas dans un milieu destiné à la réussite professionnelle, il n’est pas évident d’investir fortement l’école. Difficile aussi d’avoir cette disposition pour le loisir, l’éducation, la culture, lorsqu’on est confronté à des enjeux de précarité, de survie.

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Cette double peine c’est le fait d’avoir nettement à la fois intériorisé les demandes de la société, l’idée de ce qu’est un parent qui pourrait aider au mieux son enfant, et d’avoir une absence de moyens pour pouvoir le réaliser. Les UPP permettent ici de faire un effet de révélation ou une forme de « remédiation cognitive » c'est-à-dire d’avoir une représentation plus juste des contraintes qui pèsent sur soi. A minima de pouvoir sortir de la responsabilisation – culpabilité, et à maxima comme ici, pouvoir commencer à construire de nouvelles stratégies éducatives qui ne seraient pas vouées à l’échec. Les stratégies éducatives qui sont menées par les familles qui vivent leur difficulté comme purement individuelles dans le milieu populaire, sont souvent très culpabilisantes et n’ouvrent pas sur les clefs. Ces stratégies éducatives qui sont resituées et remises dans des collectifs ouvrent sur des voies d’action plus pratiques parce qu’elles engagent des groupes de parents d’un lieu, d’une classe, d’une histoire donnée par rapport aux institutions. Ce qui se joue alors n’est plus l’échec personnel mais une négociation entre groupes institués. Le pire que je vous souhaite est de pouvoir continuer dans ce travail, les UPP ont beaucoup à apporter

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X – LES UNIVERSITES POPULAIRES DE PARENTS, AVENIR ET PERSPECTIVES : VERS UN RESEAU EUROPEEN D’INITIATIVES CITOYENNES DE PARENTS

• Emmanuelle Murcier

Les Universités Populaires de Parents se sont constituées autour de recherches menées par les parents, recherches qui leur ont permis de débattre avec des acteurs locaux, de s’inscrire dans une citoyenneté active. Aujourd’hui les recherches de ces Universités Populaires de Parents sont terminées ou en voie de l’être. Mais la plupart d’entre elles ne souhaitent pas se dissoudre pour continuer à agir sur leur territoire, à divulguer leurs travaux et susciter des débats, des rencontres. Nous pensons donc que leur durée de vie peut être plus longue que celle de la recherche. Et avec elles, nous allons continuer l’aventure. D’autre part, nous souhaitons lancer de nouvelles Universités Populaires de Parents en septembre 2008. Un groupe national avec les personnes intéressées va se constituer pour piloter ensemble la création de nouvelles Universités Populaires de Parents. Pour cela, les personnes intéressées peuvent prendre contact avec l’ACEPP. Nous souhaitons que les nouvelles Universités Populaires de Parents qui se créent le soit en connexion avec l’ACEPP, car la force des Universités Populaires de Parents, c’est l’échange entre elles, la mutualisation. De plus, les prochaines Universités Populaires de Parents s’inscrivent dans un cadre européen. En effet, des partenaires ont accroché à l’idée en Allemagne et en Belgique. Un programme européen a été monté dans le cadre de Grundtvig. Il permettra de faire :

- des séminaires européens de parents - des séminaires européens d’universitaires et d’animateurs

De plus et enfin, nous souhaitons mettre en réseau, plus largement qu’aujourd’hui, autour des Universités Populaires de Parents, des initiatives parentales dans les quartiers et villages qui se retrouvent autour de valeurs fortes : la citoyenneté, la solidarité pour faire avancer la co-éducation. Nous sommes ainsi en voie de créer un réseau au sein de l’ACEPP qui regroupe les anciennes Universités Populaires de Parents, les nouvelles, et des initiatives, qui sans nécessairement mener des recherches, se retrouvent dans l’idée que les parents ensemble, peuvent être des citoyens actifs, force de propositions sur les territoires. Ceux-ci seraient appelés « Collectifs de parents citoyens. »

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Katinka Beber: Les Universités Populaires de Parents à Berlin

Il y a un an j’ai participé au colloque des Universités Populaires de Parents et j’ai été déjà très impressionnée ! Aujourd’hui, je ressens beaucoup de respect pour votre travail et j’admire les résultats de vos recherches. « Chapeau ! » Et je suis heureuse de vous annoncer que nous avons déjà constitué le premier groupe d’Universités Populaires de Parents à Berlin, dans le quartier de Kreuzberg, avec actuellement 15 parents, 11 mères et 4 pères, dont 2 allemands, 2 polonais, et 11 d’origine turque. Il y a des couples et des mamans seules. Il y a une animatrice allemande, Dorothea Schütze, et un animateur d’origine turque, Müslüm Bostanci, et l’accompagnement d’un universitaire philosophe, Heike Weinbach. Un autre groupe est déjà prévu dans un autre quartier avec Moctar Kamara comme animateur et Stefanie Woschniok et moi-même comme coordinatrices.

Nous espérons mettre en place trois autres groupes à partir de Septembre-Octobre 2008 mais il nous manque encore des financements. Nous attendons avec plaisir les échanges européens pour pouvoir apprendre et profiter de vos expériences.

En Allemagne, le contexte autour de la parentalité est similaire à celui de France : On entend un discours fort de culpabilisation des parents par les politiques, les professionnels et dans les médias. De plus, il y a un débat sur la protection de l’enfance et le rôle de la famille dans le développement de l’enfant. Ainsi, on parle surtout des parents dans un cadre de prévention et de menace du bien-être de l’enfant. Ainsi, des projets se développent pour éduquer et former les parents, avec des risques importants de normer la fonction de parent autour d’un modèle qui nie la diversité des familles. Dans les faits, pendant que les écoles exigent l’implication des parents, elles refusent une vraie participation ! Les institutions sociales et d’éducation des enfants continuent leurs pratiques d’exclusion ! Je voudrais vous donner un exemple : En général les écoles se plaignent de la non-implication et du manque d’intérêt particulièrement des parents d’origine étrangère. Nous avons alors dû réaliser un petit projet visant à former des mamans immigrantes à la lecture à haute voix et à la présentation de livres d’enfants en langue maternelle et en allemand dans les lieux d’accueil et dans les écoles. Les mamans ont participé à la formation pendant 3 week-ends, les pères se sont occupés des enfants pendants ce temps. Les résultats étaient excellents et encourageants :

- Force de confiance en soi - Collaboration des mamans avec des bibliothèques du quartier - Valorisation des mères autour de la joie de lire - Fierté des enfants (et des maris)

Mais peu de temps après le directeur d’une école a refusé à une mère de venir lire avec les enfants parce qu’elle portait le voile ! Nous partons de ces contradictions sociales comme base de travail pour les Universités Populaires de Parents. Nous voulons remercier l’ACEPP et tous les partenaires français pour cette démarche des Universités Populaires de Parents que nous allons adapter de la manière la plus belle possible à Berlin !

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Katelijne de Brabandere : Les Universités Populaires de Parents en Flandre Beste ouders, Chers parents Au nom des Belges, ici présents, je veux vous féliciter vraiment pour votre travail extra-ordinaire dont les résultats de recherche sont non seulement intéressants mais surtout très importants pour le débat social concernant l’éducation et la parentalité. Je crois sincèrement que les partenaires de Belgique sont encouragés et encore plus motivés qu’avant pour développer la démarche des Universités Populaires en Flandres. C’était je crois, en décembre 2006, à Paris, que j’ai fait connaissance avec les Universités Populaires de Parents. En janvier 2007 lors d’une réunion du réseau DECET11 à Birmingham, le sujet des Universités Populaires de Parents a été évoqué de nouveau. Emmanuelle Murcier et Michelle Clausier ont raconté de façon si passionnée l’aventure des Universités Populaires de Parents en France que j’avais été convaincue de créer des Universités Populaires de Parents en Flandres. Nous avons relevé le défi parce que nous croyons que c’est vraiment nécessaire que les parents eux-mêmes, aient une voix étayée pour s’exprimer dans le débat actuel sur l’éducation et la parentalité, un débat qui est mené aujourd’hui surtout par des psychologues, pédagogues et les politiques. Alors, le VCOK, le centre de formation dans lequel je travaille, est devenu partenaire dans le groupe de travail du réseau DECET « la voix des parents » et a pris dans ce cadre, l’engagement d’introduire en Flandres la pratique, la méthode des Universités Populaires de Parents et d’organiser pour 2008-2009 des groupes « Ouders als Onderzoekers » en français : « Parents Chercheurs.» En Flandres, nous avons choisi de procéder par étapes : Depuis septembre 2007 nous sommes dans la phase de préparation et de l’exploration. En octobre 2007, nous avons eu l’opportunité d’accueillir L’ACEPP, à Gand : parents, coordinateurs et animateurs ont informé les membres de notre réseau local des objectifs et de la méthodologie des Universités Populaires de Parents en France. Cette présentation des parents chercheurs a motivé le réseau de Gand pour entamer, localement, un travail d’information et de sensibilisation auprès de parents. Début 2008, à l’issue d’une réunion avec plusieurs organisations, quatre groupes de « Ouders als Onderzoekers» sont pressentis comme groupes de parents chercheurs. - Des parents issus de STOP, un organisme de soutien aux jeunes enfants ayant des problèmes de comportement en lien avec leurs parents et les enseignants. - Des mères, d’origine étrangère, réunies depuis un an dans un projet de soutien aux parents étrangers lié à l’éducation et à la cohésion sociale dans des quartiers de Gand. - Des parents, d’origine turque, dont les enfants vont à la même école primaire, ayant un souci avec la participation des parents dans l’école. - Des parents défavorisés à Renaix, dont l’engagement est lié à l’éducation de leurs enfants. 11 Diversity in Early Childhood Education and Tranining

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Actuellement, nous sommes dans la phase de constitution de ces groupes de parents et nous espérons qu’ils sont désireux d’entamer une recherche dans le cadre des Universités Populaires de Parents de Flandres. Des animateurs sont déjà identifiés et le soutien méthodologique des groupes sera effectué par l’Université de Gand et l’Ecole Sociale Supérieure à Gand. En septembre 2008, la recherche commencera pour deux groupes : celui des parents de l’école primaire à Gand et celui des parents défavorisés à Renaix. En janvier 2009, ce sera au tour des deux autres. Tous projettent de participer au forum transnational qui se déroulera en septembre 2009 avec la France et l’Allemagne dans le cadre du programme Grundtvig que nous avons monté. Je vous remercie de nouveau pour cette journée qui était pour nous une source d’inspiration riche.

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Isabelle Alix, Vice-Présidente de l’ACEPP Il m’est demandé de conclure cette journée. Tâche difficile, car c’est une journée très riche, qui nous apprend beaucoup et surtout qui nous fait réfléchir. Je vais reprendre la question de ce colloque et essayer d’y répondre à partir de ce qui s’est dit aujourd’hui. Pourquoi accompagner les parents ? Pourquoi mettre en place des politiques et dispositifs autour de la parentalité ? Je dirai d’abord que la réponse est toute simple : parce que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, qu’ils ont un rôle incontournable dans l’éducation des enfants. Se préoccuper des parents, de leurs conditions de vie et d’exercice de leur parentalité, c’est miser sur l’avenir de nos enfants puisque les parents en sont les premiers artisans. Ensuite, parce que la parentalité, on l’a vu avec la recherche de Pau est en constante évolution et se construit par le contact avec les autres. Etre parent n’est pas inné, on le devient, on l’apprend, on grandit en tant que parent, en fonction de son histoire, de sa culture, des ses conditions de vie, de ses expériences et de ses erreurs, de ses rencontres. Et on n’est pas parents tout seuls. On construit ses pratiques en référence aux autres. On construit sa parentalité par rapport à ce qu’on a reçu, mais on arbitre aussi en fonction de la société dans laquelle on vit. Il y a donc nécessité de pouvoir se « frotter » à ces valeurs, non pas pour s’y conformer, car il est impossible, comme les parents nous l’ont dit, de transmettre quelque chose de complètement différent de ce qu’on a reçu, mais pour négocier ces adaptations, les reprendre à son compte, en faire son alchimie propre. Mettre en place des espaces où vivre sa parentalité à plusieurs, c’est permettre à chaque parent de construire sa parentalité. Une troisième raison est que la parentalité est sans doute un moteur, un tremplin pour favoriser la cohésion sociale, la rencontre entre des parents de milieux différents, notamment lorsque les enfants sont petits. Car la naissance de l’enfant est un temps dynamique où les parents, souhaitant le meilleur pour leurs enfants, sont prêts à se dépasser et à s’impliquer. Dans les lieux d’accueil de l’ACEPP on voit bien comment le projet autour des enfants peut fédérer au-delà des différences, peut permettre à des parents qui ne se seraient sans cela jamais rencontrés d’échanger. Accompagner les parents, leur proposer des projets à mener ensemble, c’est renforcer le lien social. Une dernière raison est que l’éducation est sans doute la tâche la plus complexe qu’il soit et que personne, quel que soit son milieu social, n’est à l’abri de doutes de difficultés dans l’éducation.

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Chaque parent peut ressentir le besoin, à un moment donné d’être soutenu par des spécialistes. Il est donc primordial de se préoccuper de parentalité, de mettre cette question au cœur des politiques et des pratiques des professionnels. Comment ? Lorsqu’on pense accompagnement des parents, on pense très souvent à des actions spécifiques, pensées par des professionnels, autour des questions de parentalité. Pour l’ACEPP, l’accompagnement des parents est plus large. C’est une question de politique et de pratiques des professionnels. Je dirais que la première manière qu’il pourrait y avoir d’accompagner les parents est de veiller à ce que les conditions de vie de tous les parents soient favorables à l’exercice de leur parentalité. Mener des politiques d’accompagnement des parents, ce n’est pas seulement construire des dispositifs de soutien aux parents, c’est avant tout et surtout, mettre cette question au cœur des autres politiques. Penser l’emploi, les horaires de travail, les modes de garde, le logement, pour permettre aux parents de concilier ceci avec leur rôle parental. La parentalité n’est pas une politique sectorielle, elle doit être au cœur de toutes les politiques. De même, au niveau des professionnels, la parentalité doit être une préoccupation et une posture transversale et au cœur des pratiques. L’implication des parents doit être encouragée dans tous les espaces d’éducation, et pas seulement dans les actions construites autour de la parentalité. C’est à la maternité, à l’école, dans les lieux d’accueil petite enfance, dans les hôpitaux que doit se jouer la co-éducation. C’est à ce moment là que les parents doivent être interpellés comme partenaires incontournables, dans le respect de ce qu’ils sont. Engager des relations de co- éducation avec tous les parents, c’est forcément travailler sur ses propres représentations, notamment par rapport à l’éducation. Cela nécessite aussi de reconnaître et d’accorder de la valeur aux pratiques familiales, même éloignées des siennes, y compris populaires, qui restent très souvent dans l’ombre, ou sont dévalorisées. Car, quelle que soit la situation, il n’y a pas pire solution que l’absence de dialogue ou la substitution au parent. Il faut au contraire, tisser du dialogue, du débat, croiser les regards pour mieux se comprendre. Finalement, comme l’ont montré les parents des UPP, l’enjeu primordial est de favoriser la cohérence éducative car l’éducation est une responsabilité partagée. Partagée entre politiques, professionnels et parents. Les réussites ou les difficultés d’une éducation ne sont jamais liées à un seul des acteurs. Penser, dire que les parents pourraient être à l’origine de la délinquance ou de l’échec scolaire, par exemple, c’est simplifier à l’extrême ce qui est du ressort du complexe. Non, il n’y a pas qu’une cause, il y a des causes. Non les

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choses ne sont pas simples, parce qu’elles articulent des facteurs individuels, des facteurs sociaux. Parce qu’elles sont fondamentalement de l’ordre de l’humain. Et que l’humain n’est ni prévisible totalement ni réductible. Les procès autour de la culpabilité des uns et des autres sont de véritables impasses qui ne permettent pas d’avancer, invalidant les uns et les autres. Alors oui, il y a besoin aujourd’hui dans notre société d’accompagner les parents pour construire avec eux des espaces de co-- éducation. Et cela non pas dans des logiques de réparation mais de partenariat. Parallèlement, il y a aussi à mettre en place des dispositifs d’écoute, de soutien aux parents pour ceux qui en éprouvent le besoin puissent être dans une démarche plus individuelle. Chaque parent peut être en questionnement à un moment ou à un autre et avoir besoin de professionnels. C’est la complémentarité entre démarches collectives et individuelles d’accompagnement des parents qui permet de tisser un environnement dans lequel les parents pourront puiser les ressources dont ils ont besoin. Dans cette problématique de l’accompagnement des parents, les Universités Populaires de Parents peuvent apporter leur pierre à l’édifice :

- Elles apportent une valorisation des parents en s’appuyant sur leurs ressources et en croyant en eux. Elles positionnent les parents comme de réels partenaires, acteurs et auteurs de la démarche, détenteurs de savoirs collectifs.

- Elles permettent un dialogue nouveau entre parents-citoyens et universitaires, ciment de la co-éducation

- Elles renouvellent la démocratie locale - Elles permettent de « casser » les murs existants de notre société, murs

entre parents, entre parents et universitaires, entre parents et élus. - Elles créent des réseaux de convivialité et de solidarité.

Centrées sur la parentalité, les Universités Populaires de Parents n’en sont pas moins des outils de développement social et d’éducation populaire. C’est en s’appuyant sur ces Universités Populaires de Parents que l’ACEPP souhaite mettre en réseau toutes les initiatives qui se retrouvent dans les principes évoqués aujourd’hui. Qu’elles soient issues des Universités Populaires de Parents ou non. C’est un enjeu pour notre association, car il s’agit de constituer un réseau de parents, acteurs, citoyens qui agissent dans les quartiers et les villages, pour faire reconnaître la place des parents sur les questions de l’éducation et de l’organisation des vies familiales, non pas dans la revendication, mais en se situant comme partenaires des professionnels et des politiques locaux dans l’élaboration et la conduite du projet de développement local et dans le traitement des questions et problématiques qui nuisent à la cohésion sociale. Au nom de L’ACEPP, de ses bénévoles, de ses parents, des ses professionnels et de son réseau, je vous remercie de toute l’attention que vous avez portée à cette journée et je vous souhaite un agréable retour.