Upload
independent
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
-Une Cigale-marteau chez les Cicadidae-
EPHE N° 20, C.M., Décembre 2013 : 3-8, 3 fig.
Une Cigale-marteau chez les Cicadidae Nouvelle espèce, nouveau Genre, nouvelle sous-Tribu
(Cicadettinae, Cicadettini)
Michel BOULARD et Stéphane PUISSANT Muséum National d’Histoire Naturelle, Département Systématique et Évolution,
UMR CNRS 7205 OSEB, CP 50, 45 rue Buffon, F-75005 Paris, France,
<[email protected]> <[email protected]>
Résumé.- Description illustrée de Cicadmalleus micheli n. g., n. sp. : fantastique découverte
en Thaïlande d'une « Cigale-marteau » se révélant appartenir à une sous-Tribu nouvelle.
Summary.- Pictorial description of Cicadmalleus micheli n. g., n. sp., astonishing discovery
from Thailand of a “Hammer-head cicada” belonging to a new subtribe.
Mots-clés.- Rhynchota (Hemiptera), Cicadomorpha, Cicadidae, Cicadettinae, Cicadettini,
Cicadmalleuina, sous-Tribu nouvelle, Cicadmalleus, n. g., espèce nouvelle. Asie continento-
tropicale, Thaïlande.
Introduction
En 2001, lors de l’une de ses Missions en milieux tropicaux conduite en
Thaïlande, notre confrère Bruno Michel, spécialiste des Névroptères (Fourmis-
lions) eut la bonne fortune de capturer deux petites Cigales, au cours de battages
permettant d’attraper au filet les adultes de ses sujets d’études.
Bonne fortune… Tout d’abord non considérée comme telle ! Bruno
étiqueta et conserva les petites cigales avec quelques prises de chasses non
immédiatement contrôlées, pour être revues dans un plus tard… oublié.
Ce ne fut que tout récemment, parlant « terrain et recherches
entomologiques » avec l’un de nous (SP) que notre collègue se souvint des
petites Cigales en questions. Il les lui montra alors par simple curiosité…
Stéphane, à son dire, en tomba plus qu’à la renverse, pris deux clichés qu’il
envoya derechef à MB… Lequel, à son tour, n’en crut pas ses yeux, les
documents l’assommant pour un temps sur sa chaise : le cicadologiste
chevronné, qui venait de faire paraître un gros travail, précisément sur les
Cigales thaïlandaises, avait devant lui et pour la toute première fois une Cigale
aux yeux symétriquement hyper-pédonculés, et Thaïe qui plus est (!), lui
évoquant rien de moins que… la tête d’un requin-marteau… Puis, tout de même,
celles, entomologiquement si particulières, des Diptères Diopsides, fameux à ce
sujet et également présents en Thaïlande (Földvári & al., 2007).
Nous nous trouvions donc devant deux « Cigales-marteau » identiques,
d’une espèce inimaginable depuis… Latreille (1804) jusqu’à Boulard (2002,
2007, 2013), mais bien réelle : à nommer, puis à classer.
-Michel Boulard et Stéphane Puissant-
4
Derivatio nominis et diagnoses
Pour le nom de genre, nous avons opté pour la formule latine plus
accessible que la formule grecque : Cigale-marteau = Cicada malleus d’où
Cicadmalleus n. g.*. Genre masculin. Objectivement, marteau au
singulier, la tête composant un double marteau.
S’agissant du statut spécifique, nous ne pourrons mieux faire que
de dédier cette espèce fantastique à son heureux inventeur, notre
collègue névroptériste Bruno Michel.
Cicadmalleus Boulard & Puissant, genre nouveau.
Les Cigales de ce genre sont caractérisées par la conformation
extraordinaire de la tête et jusqu’ici totalement inédite dans la Famille des
Cicadidae. Le vertex et joues développant deux fortes dilatations tubulaires,
symétriques par rapport à l’axe du corps et déportant, latéralement et loin
devant, les yeux normalement globuleux (fig. 1 et 2). Le nom de genre est donc
donné par référence avec la conformation « double marteau » également
présentée par quelques autres organismes.
Autres singularités :
-> Frange arrière du métanotum visible dorso-latéralement
-> Ailes antérieures longues et larges (plus qu’habituellement : Ratio Longueur /
largeur = 3,375) ; nervure médiane M et première nervure cubitale Cu1 quittant,
en deux points légèrement séparés, l’angle externe de la cellule basale ; cellule
radiale très nettement plus longue que la cellule post-costale (Ratio cR/cP-c =
1,31), obliquant ainsi fortement la ligne nodale ; cellule médiane
surdimensionnée réduisant la huitième cellule apicale à un étroit et long trapèze
(ce qui est peu ou pas vu ailleurs) ; nervule cubitale et nervure cubitale
postérieure atteignant la nervure ambiante en deux points éloignés de telle sorte
que le côté latéro-postérieur de la cellule cubitale est en partie confondu avec la
nervure ambiante ; aire ulnaire près de deux fois plus étendue que l’aire apicale.
-> Ailes postérieures égalant en largeur l’aire anté-nodale des ailes antérieures ;
six cellules terminales, parfois cinq (aberration).
Ces singularités ajoutées conduisent à placer Cicadmalleus n. g. dans une
nouvelle sous-Tribu, celle des Cicadmalleuina, Tribu des Cicadettini. Le
nouveau genre reçoit donc Cicadmalleus micheli n. sp., ci-après présentée, puis
décrite.
-----------------------
*) D’après le Code de nomenclature zoologique, Art. 11.8, un nom du niveau genre doit être un
substantif au nominatif singulier.
-Une Cigale-marteau chez les Cicadidae-
EPHE N° 20, C.M., Décembre 2013 : 3-8, 3 fig.
5
Présentation (Fig. 1 et 2, ci-dessous ; fig. 3, page suivante)
Figures 1 et 2.- Cicadmalleus micheli, n. g., n. sp.
1) Habitus en vue dorsale de l'holotype femelle, les ailes étalées.
2) Tête en vue frontale.
-Michel Boulard et Stéphane Puissant-
6
Figure 3.- Cicadmalleus micheli, n. g., n. sp.
Tête en vue dorsale. (Clichés Stéphane Puissant)
Cicadmalleus micheli, espèce nouvelle, description.
Matériel nominal
Holotype et un paratype femelles.
Sous chacun des deux spécimens sont portées les informations suivantes :
étiquette 1 « Station Suwan Farm. Env. 10 km Pak Chong. » ; étiquette 2 « 1-04-02.
Thaïlande. B. MICHEL. ».
La localité de capture se situe en Thaïlande Nord, dans la Province de Nakhon
Ratchasima, dans une zone fortement anthropisée entre la Station de Recherche
agronomique de Suwan Farm et Pak Chong. Les deux spécimens ont été capturés par
battage et au filet. Bruno Michel réc. et leg., Collection Stéphane Puissant.
Description
Les mesures sont livrées en millimètres sous la forme : moyenne ± écart-type
(min - max).
Très petite espèce à teinte générale brun clair plus ou moins renforcée de
bandes et facies beaucoup plus sombres.
Tête en double marteau (Figures 1 à 3) : vertex et joues composant deux tubes
céphaliques maintenant les yeux très éloignés de l’axe frontal du corps : ailes
antérieures étalées, la limite sphérique de chaque œil se situant au milieu de la cellule
-Une Cigale-marteau chez les Cicadidae-
EPHE N° 20, C.M., Décembre 2013 : 3-8, 3 fig.
7
basale. Ocelles rubis ; distance d1 entre un ocelle latéral et l’œil correspondant = 2,05
± 0,07 (2 - 2,1) et le ratio d1/d2 = 5,46 ± 0,19 (5,33 - 5,6) : chiffres sans commune
mesure avec les normes habituelles. Ocelle médian en position subfrontale. Arcades
antennaires et insertion des antennes non affectées par les inflations du vertex ;
antennes longues et non arquées, scapes et pédicelles relativement allongés et d’un
brun rougeâtre ; fouets longs également brun rouge sur son tiers basal, le reste
jaunâtre. Postclypéus non proéminent, face clypéale cependant bombée, comptant neuf
bourrelets (correspondant intérieurement aux attaches des muscles aspirateurs) de part
et d’autre du sillon médian, celui-ci peu profond. Rostre très long dépassant nettement
les coxas postérieurs.
Thorax normal (Figure 1) : pronotum deux fois plus long que l’axe de la tête ;
bande médio-dorsale bistre d’abord pleine puis s’évasant légèrement en deux filets
enserrant une tache axiale rougeâtre ; sillons latéraux profonds, presque noirs ;
collerette étroite, hormis les lobes supra-huméraux relativement larges, un petit
rectangle bistre dès avant chacun d’eux. Mésonotum avec une bande bistre médio-
dorsale poursuivant celle du pronotum et courant se terminer sur le premier tergite
abdominal ; facies obliques conformes au schéma habituel, les externes étant les plus
longues.
Ailes (Figure 1): antérieures remarquables, particulièrement longues et larges
avec tout de même un ration L/l = 3,46 ± 0 (3,46 - 3,46). Costa uniformément ocre ;
cellule basale finement rectangulaire, hyaline, l’arculus bistre ; cellule radiale
particulièrement étendue, très nettement plus longue que la cellule post-costale (Ratio
cR/cP-c = 1,31), cellules ulnaires largement et longuement développées, surtout la
médiane cM qui se trouve interférer sur le développement des dernières cellules
apicales : la c7 considérablement réduite et plus encore la c8 (seconde cubitale) réduite
à la surface d’un étroit trapèze, disposition peu vue ailleurs. Nervation de couleur ocre,
hormis les anales coalescentes et la Cu2 (bistre), la base de la ligne nodale (entre le
ptérostigma et la M1), l’extrémité des quatre dernières longitudinales (M), ainsi que
toutes les nervules sont surlignées plus ou moins largement de bistre (cela beaucoup
plus densément chez le paratype), couleur envahissant aussi le limbus mais devenant
obsolète sur l’extrémité des trois premières longitudinales (R3, R4+5, M1+2).
Ailes postérieures entièrement hyalines, plutôt larges et à six cellules
terminales.
Pattes uniformément ocre clair, presque jaune.
Abdomen (Figure 1) : plus long, nettement, que l’avant-corps (tête+thorax),
caractérisé par sa conformation conique prononcée prise dès le quatrième urite et
prolongée par un pygophore en un cône également allongé, peu vu en Thaïlande ou
ailleurs. Tergites parcourus par quatre bandes bistre inégales.
Principales dimensions de la série type
Envergure = 38,5 ± 0 (38,5 - 38,5). Longueur totale (ailes comprises) = 21,1 ±
0,14 (21 - 21,2). Longueur de l'avant-corps ac (tête + thorax) = 5,8 ± 0,14 (5,7 - 5,9) ;
-Michel Boulard et Stéphane Puissant-
8
longueur de l'abdomen ab = 7,35 ± 0,21 (7,2 - 7,5) ; ratio ab/ac = 1,26 ± 0,01 (1,26 -
1,27) ; longueur du corps = 13,15 ± 0,35 (12,9 - 13,4). Longueur des homélytres Lh =
18 ± 0 (18 - 18) ; plus grande largeur des homélytres lh = 5,2 ± 0 (5,2 - 5,2) ; ratio
Lh/lh = 3,46 ± 3,46 (3,46 - 3,46). Largeur de la tête t (yeux compris) = 6,2 ± 0,14 (6,1
- 6,3). Largeur m du mésonotum = 3,85 ± 0 (3,85 - 3,85) ; ratio t/m = 1,61 ± 0,04 (1,58
- 1,64). Distance d1 œil–ocelle du même côté = 2,05 ± 0,07 (2 - 2,1) ; distance d2 entre
les ocelles latéro-postérieurs = 0,37 ± 0 (0,37 - 0,37) ; ratio d1/d2 = 5,46 ± 0,19 (5,33 -
5,6).
Références
BOULARD, M., 2002.- Diversité des Auchénorhynques Cicadomorphes,
forme, couleurs et comportements (Diversité structurelle ou
taxonomique. Diversité particulière aux Cicadidés).- Denisa 04,
zugleich Kataloge des OÖ. Landesmuseums, Neue Folge Nr. 176 (2002),
171-214, 59 fig.
BOULARD, M., 2007.- The Cicadas of Thailand. Volume 1 General and
Particular Characteritics.- Bangkok, White Lotus Pub., Juanary 2007:
i-xvi, 1-103, 53 Text-fig., 46 colour Plates +
1 Audio CD:tracks 1-40. N°ISBN: 978-974-480-080-0 (2007).
BOULARD, M., 2013.- The Cicadas of Thailand. Volume 2 Taxonomy and
Sonic Ethology.- Siri Scientific Press: 436p., 487 B.& W. figs, 96
colour Plates + 111 Audio tracks available in line. N°ISBN: 78-0-
9567795-9-5 (2013).
FÖLDVÁRI M., POMIANKOWSKI A, COTTON S. & CARR M., 2007.- A
morphological and molecular description of a new Teleopsis species
(Diptera: Diopsidae) from Thailand. Zootaxa 1620: 37–51.
LATREILLE, P.A., 1804.- Famille quarante-huitième. Cicadaires;
Cicadariae. Histoire naturelle, générale et particulière des
Crustacés et des Insectes. Ouvrage faisant suite aux oeuvres de
Leclerc de Buffon et partie du cours complet d'Histoire naturelle
rédigé par C.S. Sonnini. Dufart, Paris. Vol 12: 5–424.