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Traits de vie d’une Population d’Azuré du Serpolet de la Réserve Naturelle Régionale de Château-Gaillard Frédéric Beau, Jean-Marc Thirion et Marianne Forti Nature Environnement 17, 20 rue du Bastion Saint-Nicolas 17000 La Rochelle [email protected] Résumé : La réserve naturelle régionale de Château-Gaillard abrite une population d’Azuré du serpolet Maculinea arion. Cette population a été suivie au cours des mois de juin et de juillet 2004. Divers aspects de ces traits de vie ont été analysés, telles que la dynamique de la population par la méthode de capture-marquage-recapture de Jolly-Seber, mais également la distribution spatiale des adultes, l’analyse des relations entre les densités de la plante hôte, de la fourmi Myrmica sabuleti et la densité des adultes. Les résultats obtenus montrent une corrélation positive entre les densités d’adultes d’Azuré du serpolet et les densités d’Origan. Mais également la nécessité de la présence simultanée de l’Origan et de Myrmica sabuleti, ce qui engendre une problématique pour la gestion des habitats de l’Azuré du serpolet. De plus, la pluie qui peut paraître à première vue néfaste aux populations, semblent favoriser certains facteurs de la dynamique de population de l’Azuré du serpolet comme les taux de survie et les gains. Mots clés : Azuré du serpolet Maculinea arion, Origan Origanum vulgare, Myrmica sabuleti, dynamique de population, taux de survie, gains, précipitations. Summary : The regional natural reserve of Château-Gaillard have a population of Large blue Maculinea arion. This population was studied during the month of june and july 2004. Some of traits of life was analysed, like dynamic population with the method of Jolly-Seber, spatial pattern of adults, the analyse of the relation between the density of the host plant, of Myrmica sabuleti and the density of adults. The results show a positive correlation between the density of Large blue adults and the density of Origanum vulgare. But also the need of the simultaneous presence of Origanum vulgare and Myrmica sabuleti. Which created a problematic in the habitat management of the Large blue. More, the rain seems to favoured some factors of the population dynamic, like survival rates and the number joining. Key-words : Large blue Maculinea arion, Origanum vulgare, Myrmica sabuleti, population dynamic, survival rate, number joining, precipitations. Introduction Nous vivons actuellement une phase d’érosion générale de la biodiversité à laquelle les lépidoptères rhopalocères n’échappent pas. La majorité des causes de ce déclin est imputable à l’Homme. Au-delà de l’emploi de produits phytosanitaires dans l’agriculture

Traits de vie d'une Population d'Azuré du Serpolet de la Réserve Naturelle Régionale de Château-Gaillard

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Traits de vie d’une Population d’Azuré du Serpolet de la Réserve Naturelle Régionale de Château-Gaillard

Frédéric Beau, Jean-Marc Thirion et Marianne Forti

Nature Environnement 17, 20 rue du Bastion Saint-Nicolas 17000 La Rochelle

[email protected] Résumé : La réserve naturelle régionale de Château-Gaillard abrite une population d’Azuré du

serpolet Maculinea arion. Cette population a été suivie au cours des mois de juin et de juillet 2004. Divers aspects de ces traits de vie ont été analysés, telles que la dynamique de la population par la méthode de capture-marquage-recapture de Jolly-Seber, mais également la distribution spatiale des adultes, l’analyse des relations entre les densités de la plante hôte, de la fourmi Myrmica sabuleti et la densité des adultes. Les résultats obtenus montrent une corrélation positive entre les densités d’adultes d’Azuré du serpolet et les densités d’Origan. Mais également la nécessité de la présence simultanée de l’Origan et de Myrmica sabuleti, ce qui engendre une problématique pour la gestion des habitats de l’Azuré du serpolet. De plus, la pluie qui peut paraître à première vue néfaste aux populations, semblent favoriser certains facteurs de la dynamique de population de l’Azuré du serpolet comme les taux de survie et les gains.

Mots clés : Azuré du serpolet Maculinea arion, Origan Origanum vulgare, Myrmica sabuleti,

dynamique de population, taux de survie, gains, précipitations. Summary : The regional natural reserve of Château-Gaillard have a population of Large blue

Maculinea arion. This population was studied during the month of june and july 2004. Some of traits of life was analysed, like dynamic population with the method of Jolly-Seber, spatial pattern of adults, the analyse of the relation between the density of the host plant, of Myrmica sabuleti and the density of adults. The results show a positive correlation between the density of Large blue adults and the density of Origanum vulgare. But also the need of the simultaneous presence of Origanum vulgare and Myrmica sabuleti. Which created a problematic in the habitat management of the Large blue. More, the rain seems to favoured some factors of the population dynamic, like survival rates and the number joining.

Key-words : Large blue Maculinea arion, Origanum vulgare, Myrmica sabuleti, population

dynamic, survival rate, number joining, precipitations.

Introduction Nous vivons actuellement une phase d’érosion générale de la biodiversité à laquelle

les lépidoptères rhopalocères n’échappent pas. La majorité des causes de ce déclin est imputable à l’Homme. Au-delà de l’emploi de produits phytosanitaires dans l’agriculture

moderne, les milieux ouverts qui accueillent des peuplements importants de papillons tendent aujourd’hui à disparaître. En effet, la perte et la modification de certaines pratiques agricoles engendrent un enfrichement et un isolement des milieux ouverts, et par la même un isolement des populations.

Face à ce morcellement du paysage, des études sont réalisées pour comprendre la dynamique de population de rhopalocères. Ainsi, il est alors possible de proposer des mesures de gestions conservatrices permettant de dynamiser ces populations (Schtickzelle, 1998 ; Baguette et al., 2000 ; Baguette et al., 2003). Cependant, les facteurs pris en comptes sont essentiellement les taux d’émigration et d’immigration entre populations au sein d’un système métapopulationnel en fonction du paysage. Mais quels sont les facteurs pouvant expliquer les variations des effectifs et des taux de survie au cours du temps ?

Suivant les espèces, les rhopalocères sont inféodés à une ou plusieurs espèces de plantes pour leur cycle de développement. Pour certaines, telles que les espèces appartenant au genre Maculinea, il s’ajoute la nécessité de la présence d’une esp èce de fourmi. Comment ce type d’exigence écologique influence -t-il la distribution des adultes d’Azuré du serpolet Maculinea arion ? En d’autres termes, existe -t-il une relation entre les densités d’adultes d’Azuré du serpolet, les densités de la plante h ôte et les densités de la fourmi nécessaire au développement ?

Méthodologie L’espèce

L’Azuré du serpolet Maculinea arion est l’un des plus grands Azurés de notre entomofaune. L’espèce est considérée comme localisée et en régression en France (Lafranchis, 2000). C’est la raison pour laquelle elle est inscrite sur la liste rouge française (en danger), et sur la liste rouge mondiale (quasi-menacée et proche de la vulnérabilité) (Fiers et al, 1997 ; Lafranchis, 2000). Elle est également inscrite sur l’annexe IV de la Directive «Habitats, faune, flore » (Fiers et al, 1997).

La complexité du cycle de Maculinea arion explique sa vulnérabilité. En effet, hormis la nécessité de la présence de la plante hôte : diverses espèces de Thym Thymus sp. ou l’Origan Origanum vulgare (Tolman & Lewington, 1999 ; Delmas et al, 2000), l’Azuré du serpolet a besoin de la présence de fourmilière de Myrmica sabuleti, où la chenille passe l’hiver (Lafranchis, 2000).

Le site d’étude

L’étude a été effectuée au cours de l’été 2004 au s ein des pelouses sèches calcicoles de la réserve naturelle régionale de Château Gaillard. Celle-ci se situe à cheval sur les communes de Juicq et d’Annepont en Charente -Maritime.

Protocole

Le suivi des populations de Maculinea arion de la réserve a été réalisé par la méthode de capture-marquage-recapture de Jolly-Seber et analysé à l’aide du logiciel Ecological Methodology (Krebs, 1999). Les individus capturés à l’aide d’un filet à papillon étaient individualisés en inscrivant un numéro à la base de l’aile postérieure.

Afin d’obtenir un maximum d’informations nous avons décidé d’effectuer un passage quotidien sur la réserve avec une prospection systématique des parcelles. Cependant, compte tenu de la surface à prospecter, la réserve a été divisée en deux parties. Ainsi, l’ensemble du site d’étude était parcouru en deux jours. De cette manière chaque parcelle était visitée tous

les deux jours, et ce quelle que soit la météorologie. De plus, lors de l’analyse, les périodes de captures ont été regroupées par deux, et seul les résultats de la parcelle « la Pertuzaine » seront

Lors de la première capture, l’individu était marqué puis relâché sur le lieu de la capture. Une fiche individuelle était alors remplie avec les données suivantes : numéro de l’individu, da te de 1ère capture, coordonnées géographiques, sexe, comportement lors de la capture, état physique de l’animal avant et après le marquage. Puis, lors des passages suivants, l’historique de capture était complété en notant les dates de recapture, les coord onnées géographiques, le comportement et l’état physique de l’animal. Parallèlement la météo était noté de façon quotidienne.

De plus, afin de mettre en évidence une relation entre les densités d’adultes, la présence de la plante hôte Origanum vulgare et les densités de fourmis, nous avons mis en place des pièges à insectes sur cinq sites d’une des parcelles (la Pertuzaine). Ceux -ci ont été placés en fonction de la densité d’adultes de Maculinea arion et d’ Origanum vulgare.

Et enfin, nous avons réalisé un transect journalier de 7 heures à 20 heures avec un passage toutes les heures. L’évolution des températures était notée heure par heure. Ce transect fut réalisé sur un secteur à forte densité d’adultes d’Azuré du serpolet et sur une distance de 200 mètres.

Résultats Distribution spatiale

Grâce à l’analyse des coordonnées géographiques de première capture de chaque individus, nous avons pu calculer la distribution spatiale de l’Azuré du serpolet au sein d’une des pelouses sèches calcicoles de la réserve, la Pertuzaine. Celle-ci est significativement sur-dispersée (÷² = 626,06 ; ddl = 125 ; p<0,05) avec un indice de dispersion : I = 4,317.

Les raisons de cette

distribution contagieuse sont essentiellement écologiques et résultent de la disponibilité de la plante hôte : l’Origan Origanum vulgare. Ainsi, la distribution de l’Azuré du serpolet est significativement corrélée avec la répartition de l’Origan (r = 0,7038 ; t = 5,242 ; ddl = 28 ; p<0,05).

Fig. 1. Relation entre le nombre d’Azuré du serpolet et de plante hôte, l’Origan sur la pelouse sèche de la Pertuzaine.

Cependant, au-delà de la disponibilité en plante hôte, nous observons sur certains

secteurs (quadrats 4 et 5) la présence de nombreux pieds d’Origan et la quasi -absence de l’Azuré du serpol et. Alors que sur d’autres (quadrat 1 et quadrat 2), nous remarquons une bonne densité d’Azuré du serpolet, d’Origan et de la fourmi Myrmica sabuleti. Les densités

y = 0,5291x + 0,6267r = 0,7038

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°C

d’adultes d’Azuré du serpolet sont donc corrélées à la densité d’Origan mais également à la présence de Myrmica sabuleti.

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Quadrat 1 Quadrat 2 Quadrat 3 Quadrat 4 Quadrat 5

de ns ité

Fig. 2. Relation entre la densité d’Azuré du serpolet (traits obliques), de l’Origan (petits points) et de la fourmi Myrmica sabuleti (carrés) sur la pelouse sèche de la Pertuzaine.

Rythme nycthéméral d’activité

L’Azuré du serpolet ne vole pas au premières heures du jour. Ainsi, les premiers individus en vol sont contactés avec une température de 20°C. On note un maximum d’individus volant avec une température de 25°C. Aux heures les plus chau des, on remarque une chute marquée des effectifs volant. Lorsque le soleil est au zénith entre 14h et 15h, les températures sont respectivement de 27°C et 28°C, il est alors noté une baisse du nombre d’observation d’individus en vol jusqu’à 6 adultes. Vers 16h lorsque la température diminue à 26°C, on observe de nouveau une reprise d’activité avec une remontée des effectifs en vol. En fin de journée, la diminution des effectifs est progressive. A 20h, lorsque la température est proche de 20°C l’espèce n’est plus contactée en vol.

Fig. 3. Rythme nycthéméral d’activité de l’Azuré du serpolet (bâton strié) en fonction de la température (courbe avec point losange) effectué le 28 juillet

2004 sur la pelouse de la Pertuzaine.

Paramètres démographiques

Sur la période du suivi, nous avons capturé et marqué sur la pelouse de la Pertuzaine 473 Azurés du serpolet. Les estimations les plus importantes de la population sont de 267 individus le 22 juillet et de 274 individus le 26 juillet. La fluctuation des effectifs dépend directement du taux de survie ainsi que du gain. Le taux de survie moyen est de 0,323, il varie entre 0,047 pour le 6 juillet et 0,579 pour le 22 juillet. De la même manière, le gain en nombre d’individus fluctue entre 20 individus pour le 10 juillet et 228 individus pour le 18 juillet.

Tableau. I. Paramètres démographiques de la population d’Azuré du Serpolet de la Pertuzaine estimés par la méthode de Jolly-Seber sauf pour le 30 juillet où la population a

été estimée par la méthode de Petersen.

Date Taille population (N)

Minimum (N)

Maximum (N)

Taux de survie (Ö)

Gain (B)

24/06 27 0,531 28/06 93 37 547 0,367 42 2/07 77 36 509 0,096 78 6/07 86 86 1020 0,047 27

10/07 31 31 353 0,111 20 14/07 23 23 200 0,512 110 18/07 122 48 716 0,346 225 22/07 267 131 1020 0,579 119 26/07 274 163 722 106 30/07 115

Le graphique suivant nous indique deux pics dans les estimations de la taille de la

population d’Azuré du serpolet de la pelouse sèche calcicole « la Pertuzaine » de la réserve naturelle régionale de Château-Gaillard (Cf. fig.4). Ainsi, on note un premier pic entre le 28 juin et le 6 juillet, puis une baisse des estimations le 10 et le 14 juillet avec respectivement 31 et 23 individus. Et enfin, un deuxième pic plus important entre le 18 et le 30 juillet, avec un maximum de 274 individus le 26 juillet.

Fig. 4. Variation temporelle de la taille estimée de la population d’Azuré du serpolet (bâton) avec l’intervalle de confiance (moustache).

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24-06 28-06 2-07 6-07 10-07 14-07 18-07 22-07 26-07 30-07

Effectif Interval le

Date

On note une certaine symétrie entre la variation temporelle de la pluviométrie et les taux de survie (Cf. fig.5). En effet, lors de périodes sans pluie ou de faible pluie, les estimations de taux de survie chutent. C’est par exemple le cas de la période du 24 juin au 6 juillet. De plus, lors d’une période de forte pluie comme le 10 juillet, le tau x de survie augmente le temps de cette période et baisse de nouveau à partir de l’arrêt des précipitations.

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24-06 28-06 02-07 06-07 10-07 14-07 18-07 22-07 26-07 30-07Date

Pluviométrie (mm)

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0,70Taux de survie

Fig. 5. Variation temporelle du taux de survie de la population d’Azuré du serpolet

(courbe avec trait plein et point triangle) en fonction de la pluviométrie (courbe avec trait en pointillé et point rond).

On note également un gain important après les périodes de pluie qui se traduit par un

nombre important de métamorphoses (Cf., Fig. 6.). Dans les premières heures de la journée, ces nouveaux individus ont des ailes toutes particulièrement fragiles.

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24-06 28-06 02-07 06-07 10-07 14-07 18-07 22-07 26-07 30-07Date

Pluv iométr ie (mm)

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250Gain

Fig. 6. Variation temporelle du gain de la population d’Azuré du serpolet

(courbe avec trait plein et point triangle) en fonction de la pluviométrie (courbe avec trait en pointillé et point rond).

La sex-ratio est déséquilibrée en faveur des mâles avec en moyenne 70 % de mâles et

30 % de femelles. Cependant, on note dans la population d’Azuré du serpolet une variabilité temporelle significative de la sex-ratio (÷².= 21,19 ; ddl = 9 ; p<0,05). Ainsi, elle est la plus

basse le 2 juillet avec 79% de mâles et 21 % de femelles. En revanche, elle est quasi équilibrée le 26 juillet avec 56 % de mâles et 44 % de femelles.

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24-06 28-06 02-07 06-07 10-07 14-07 18-07 22-07 26-07 30-07

pourcentage

Fig. 7. Variation temporelle de la sex-ratio de la population d’Azuré du serpolet :

femelle (bâton foncé) et mâle (bâton strié)

Discussion Distribution spatiale

Sur la réserve naturelle régionale de Château-Gaillard, les femelles ont été observées pondant sur les têtes florales d’Origan, et aucune sur le Thym serpolet Thymus serpyllum pourtant présent sur la réserve, et ce, bien que des auteurs annoncent divers Thyms comme des plantes hôtes, à savoir Thymus pulegioides (Lafranchis, 2000), Thymus serpyllum et Thymus praecox (Tolman & Lewington, 1999 ; Delmas et al., 2000).

Les résultats obtenus nous ont permis de mettre en évidence la relation existante entre les densités d’adultes de Maculinea arion et d’ Origanum vulgare. Il existe une corrélation positive entre les densités d’Origan et les densités d’adultes d’Azuré du serpolet, de telle sorte que des secteurs à forte densité d’Origan sont également des secteurs à forte densité d’adultes. Cependant nos résultats nous ont également permis de confirmer la nécessité de la présence à la fois de l’Origan mais également de la fourmi Myrmica sabuleti, pour conserver de bonnes densités d’adultes.

Il se pose alors un problème majeur dans la gestion des habitats favorables à l’Azuré du serpolet. En effet, l’Origa n, nécessaire au cycle de l’Azuré du serpolet, est une espèce caractéristique des friches argilo-calcaires (Baron, 1996), et nécessite donc une évolution naturelle des pelouses sèches calcicoles vers un pré-boisement sans dépasser le stade qui engendrerait sa disparition. Alors que la fourmi Myrmica sabuleti décline si la végétation persiste à plus de 5 cm de hauteur (New, 1997). Cependant, d’après Lafranchis (2000) les exigences écologiques des populations méridionales pondant sur l’Origan semblent différentes, les colonies les plus fortes peuplant des milieux peu entretenus à végétation herbacée assez dense. Ainsi, pour les populations locales pondant sur l’Origan, il serait nécessaire de préserver à la fois des zones d’enfrichement favorables à la plante hôte Origanum vulgare. Et, afin de maintenir les populations de Myrmica sabuleti, de conserver des zones à végétation rase, obtenue par le piétinement et le pâturage d’ovins et de Lapin de

garenne Oryctolagus cuniculus. Pour New (1997), la myxomatose ayant affectée les populations de Lapin de garenne en Angleterre aurait une grande part de responsabilité dans le déclin puis la disparition de l’Azuré du serpolet du Royaume -Unis en 1979. Cette gestion devant être réalisée de façon fine pour permettre la proximité de bonnes densités d’ Origum vulgare et de bonnes densités de Myrmica sabuleti.

Rythme nycthéméral d’activité

Le transect journalier que nous avons réalisé montre un pic d’activité entre 12 heures et 13 heures, puis une chute des effectifs en vol aux heures les plus chaudes, entre 14 heures et 15 heures, et de nouveau une augmentation. Le protocole des Réserves Naturelles de France, réalisé pour le suivi des milieux ouverts par les Rhopalocères, indique une température minimale pour effectuer la prospection (Demerges, 2002). Or il semble également y avoir une période moins favorable pour des suivis d’espèces ou de peuplement, cependant ces résultats préliminaires sont à confirmer pour l’Azuré du serpolet et pour d’autres espèces. De même, certaines act ions de gestion, notamment la fauche, pourront être orientées à la vue de ces résultats.

Paramètres démographiques

La population d’Azuré du serpolet de la réserve naturelle de Château -Gaillard semble relativement importante au regard du nombre d’individus marqués sur la seule parcelle de « la Pertuzaine », 473 individus, et d’après les estimations de taille de la population allant jusqu’à 274 individus pour le 26 juillet. Ces résultats étant supérieurs à ceux que nous avons obtenus en 2003 pour une étude similaire menée sur le Cuivré des marais Lycaena dispar et sur le Damier de la Succise Euphydryas aurinia. Cependant les populations d’Azuré du serpolet en France sont connues pour être localisées mais abondantes (Lafranchis, 2000).

La mise en parallèle de 2 facteurs démographiques que sont les taux de survie et les gains, avec la pluviométrie, nous indique un rôle prépondérant des précipitations dans leurs fluctuations. Nous avons pu mettre en évidence que lors de périodes sans pluie ou de faible pluie, les estimations des taux de survie diminuent, et à l’inverse augmentent avec les précipitations. Nous pouvons alors poser comme hypothèse que la pluie augmente les taux de survie de l’Azuré du serpolet. En effet, lors de pluie, le papillon se réfugie dans la végétation (obs. pers.) et de ce fait s’expose moins à la prédation. Par conséquent la pluie aurait une fonction « refuge » pour la survie de l’imago de l’Azuré du serpolet face à la prédation. De la même manière, l’augmentation des gains après une période de pluie laissent à penser que les précipitations pourraient être un déclencheur pour la nymphose des chenilles situées dans les fourmilières.

Conclusion L’étude que nous avons réalisée au cours de l’été 2004 sur la réserve naturelle

régionale de Château-Gaillard nous a permis de mettre en évidence quelques traits de vie des populations d’Azuré du serpolet.

Ainsi, les exigences écologiques de cette espèce demandent une gestion fine des habitats favorables à sa conservation. En effet, elle nécessite la présence d’une plante, Origanum vulgare et d’une espèce de fourmi Myrmica sabuleti dans son cycle de développement. Or ces deux espèces ont des conditions de survie différentes, la première étant caractéristique de friches argilo-calcaires et la seconde nécessitant une végétation rase.

La présence de bonnes densités de ces deux espèces assurent la présence de fortes densités d’Azurés du serpolet.

De plus l’activité journalière de Maculinea arion montre une baisse d’activité aux heures les plus chaudes. Ce suivi pourra être poursuivi afin de confirmer ces résultats préliminaires, et ainsi orienter dans le temps des suivis et des actions de gestions.

Et enfin, ce qui peut paraître paradoxale a priori, les périodes de pluie semblent être favorables à la dynamique de l’Azuré du serpolet. Lors de précipitations, il est probable que les adultes qui se mettent à l’abri au sein de la végétation sont en même temps protégés de la prédation. Ces précipitations semblent également être le déclencheur de la nymphose des chenilles au sein des fourmilières.

Remerciements Nous tenons à remercier le propriétaire de Château-Gaillard, monsieur de Cugnac. Nos

remerciements s’adressent également à Jean -Claude Martin pour son aide précieuse sur la connaissance des Rhopalocères, ainsi que Michael Guillon et Marie-France Thirion pour leur aide lors des prospections de terrain.

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