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Physiologie de la jonction neuromusculaire et mécanisme d’action des curares

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2011) 15, 329—338

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

Physiologie de la jonction neuromusculaire etmécanisme d’action des curares

Physiology of the neuromuscular junction and mechanism of action ofneuromuscular blocking agents

Nazinigouba Ouédraogoa,1,∗, Flavien A. Kaboréa,Georges Mionb

a Unité de formation et de recherche en sciences de la santé, université de Ouagadougou, 01BP 7022, Ouagadougou 03, Burkina Fasob Département d’anesthésie-réanimation, hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce,74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France

Disponible sur Internet le 17 novembre 2011

MOTS CLÉSJonctionneuromusculaire ;Physiologie ;Physiopathologie ;Récepteurcholinergique ;Curares

Résumé Le médiateur physiologique de la jonction neuromusculaire est l’acétylcholine,synthétisée grâce à la choline acétyltransférase, et hydrolysée par la cholinestérase.L’acétylcholine libérée par l’influx nerveux se fixe sur le récepteur nicotinique postsynap-tique ; l’ouverture du récepteur-canal dépolarise le sarcolemme, générant le potentiel d’actionmusculaire qui ouvre les canaux calciques voltage-dépendants. L’augmentation de la concentra-tion cytosolique de calcium déclenche la contraction musculaire. Les récepteurs présynaptiquesà l’acétylcholine jouent un rôle déterminant dans la régulation de sa libération, ainsi quediverses protéines des vésicules. La dénervation entraîne une sur-régulation des récepteurs,L’occupation des récepteurs par les curares inhibe la transmission neuromusculaire. La succinyl-choline, curare dépolarisant, est un agoniste de l’acétylcholine. Elle induit un bloc dépolarisant,mais peut produire un bloc non dépolarisant en cas d’utilisation prolongée ou de déficit enpseudocholinestérases. Les curares non dépolarisants sont des antagonistes de l’acétylcholine,induisant un bloc par compétition. Les maladies induisant des situations de sur-régulationdes récepteurs exposent à des risques majeurs d’hyperkaliémie et d’arrêt cardiaque en casd’utilisation de la succinylcholine. À l’inverse la destruction des récepteurs postsynaptiquesou le déficit en acétylcholinestérases exposent à des curarisations prolongées avec les curaresnon dépolarisants. Le monitorage instrumental de la curarisation et la levée d’un bloc nondépolarisant résiduel par les anticholinestérases contribuent à la sécurité des patients enanesthésie-réanimation.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Ouédraogo).

1 Photo.

1279-7960/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pratan.2011.10.013

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330 N. Ouédraogo et al.

KEYWORDSNeuromuscularjunction;Physiology;Pathophysiology;Cholinergic receptor;Myorelaxants

Summary The physiological mediator of the neuromuscular junction is acetylcholine, synthe-sized by choline acetyltransferase, and hydrolyzed by cholinesterase. Acetylcholine released bynerve impulses binds to postsynaptic nicotinic receptor, opening this receptor-channel and thendepolarizes the sarcolemma, generating the muscle action potential, which opens voltage-gatedcalcium channels. The increase in cytosolic calcium triggers muscle contraction. Presynapticreceptors to acetylcholine and various proteins of the vesicles play an important role in regu-lating its release. Denervation leads to upregulation of receptors. The receptor occupancy byneuromuscular blocking agents inhibits neuromuscular transmission. Succinylcholine, a depola-rizing myorelaxant, is an agonist of acetylcholine. It induces a depolarizing block, but can alsoproduce a non-depolarizing block in prolonged use or pseudocholinesterase deficiency. Non-depolarizing muscle relaxants are antagonists of acetylcholine, inducing a block by competition.Diseases-inducing situations of receptors upregulation expose to a great risk of hyperkalemiaand cardiac arrest in case of succinylcholine use. On the other hand, the destruction of post-synaptic receptors, or acetylcholinesterase deficiency, exposes to prolonged neuromuscularblockade with non-depolarizing muscle relaxants. Instrumental monitoring of neuromuscularblockade and the reversal of a residual non-depolarizing block by anticholinesterases contributeto patient safety in anesthesia and intensive care.© 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

La jonction neuromusculaire est une des synapses les mieuxétudiées : elle a été le support des recherches sur laneurotransmission, en particulier le rôle des médiateurschimiques. Elle est historiquement associée aux curares :c’est par l’étude de l’action des curares naturels queClaude Bernard, en 1856, a décrit les divers aspects de latransmission neuromusculaire [1].

La connaissance de son fonctionnement est importantepour la compréhension du mécanisme d’action des myo-relaxants et la prise en charge anesthésique des patientsporteurs de maladies neuromusculaires.

Anatomie fonctionnelle de la jonctionneuromusculaire

Anatomie

La jonction neuromusculaire est l’ensemble des contactssynaptiques entre l’arborisation terminale d’un axonemoteur et une cellule musculaire striée. L’organisationmusculaire se fait par « unités motrices » : un motoneuroneinnerve trois à 1000 fibres musculaires via son axone.

Les motoneurones ont leur corps cellulaire dans lesnoyaux moteurs du tronc cérébral ou dans la corne ven-trale de la moelle épinière. Les axones de ces neurones,myélinisés, forment les nerfs moteurs crâniens ou rachidiensqui innervent les muscles striés squelettiques. La gaine demyéline s’interrompt lorsque l’axone s’arborise à la sur-face de la cellule musculaire, les fines branches axonalesnon myélinisées présentent alors de nombreuses varicositésqui se logent dans une dépression à la surface de la cellulemusculaire : la gouttière synaptique.

La jonction neuromusculaire est formée par la juxtapo-sition de la terminaison d’un axone moteur et du domainesous-synaptique de la fibre musculaire striée, ces deux élé-

ments étant séparés par une fente de 50 à 100 nm de large(Fig. 1) [1,2].

Terminaisons nerveuses présynaptiquesLes terminaisons nerveuses présynaptiques sont riches envésicules, concentrés au niveau de barres denses aux élec-trons. Elles renferment de l’acétylcholine. L’ensemble barredenses—vésicules synaptiques forme une « zone active pré-synaptique », en face des replis de la membrane plasmiquepostsynaptique. Chaque zone active avec les replis du sarco-lemme qui lui font face forme un complexe synaptique. Laterminaison axonale porte des récepteurs (présynaptiques)à l’acétylcholine.

Fente synaptiqueLa fente synaptique est étroite (200 A) et occupée par unemembrane basale qui renferme l’enzyme de dégradation del’acétylcholine, l’acétylcholinestérase.

Figure 1. Structure de la jonction neuromusculaire : 1 : axonemoteur ; 2 : gaine de Schwann ; 3 : vésicules d’acétylcholine ; 4 :fente synaptique ; 5 : mitochondries ; 6 : myofibrilles ; 7 : récepteursnicotiniques de l’acétylcholine.

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Membrane postsynaptique, plaque motriceLa membrane plasmique musculaire est différenciée en« plaque motrice » : elle présente de nombreux replis,portant au niveau des crêtes les récepteurs postsynaptiquesde l’acétylcholine.

Récepteurs cholinergiques

Récepteurs postsynaptiquesLes récepteurs postsynaptiques de l’acétylcholine sont detype nicotinique (nAChR) [3]. Le récepteur est une glycopro-téine pentamérique formée de deux sous-unités � associéesà trois sous-unités, �, � et �. Les extrémités N- et C-terminales des chaînes protéiques � baignent dans le liquideextracellulaire de la fente synaptique et la protéine � formequatre hélices M1 à M4 au travers de la membrane postsynap-tique (Fig. 2).

Le récepteur nicotinique est un canal cationique dontl’ouverture provoque un courant entrant rapide. La liaisonde l’acétylcholine à la sous-unité � provoque l’ouverture ducanal. Les sous-unités � ou � ont pour fonction la stabilitédu stade fermé du récepteur.

La demi-vie des récepteurs adultes est de quatre àsix jours ; elle dépend du peptide lié au gène de la cal-citonine (CGRP) et d’un facteur neurotrophique. En casde dénervation, on assiste à une réduction des amas derécepteurs nicotiniques à l’acétylcholine postsynaptiquesnormaux, avec apparition de récepteurs de type fœtal (2�,�, �, �) à demi-vie courte et de sensibilité plus grande auxagonistes.

Figure 2. Structure des récepteurs nicotiniques del’acétylcholine. A. Sous-unité � (NH2 : extrémité N-terminale ;COOH : extrémité C-terminale). B. Complexe pentamérique.Chaque sous-unité comprend quatre domaines hélicoïdaux M1 à M4.Les domaines M2 forment la paroi du canal ionique. Les moléculesd’acétylcholine se fixent aux extrémités N-terminales des unités� — � et � — �. Le canal ionique ouvert est également perméable ausodium (Na) et au potassium (K), mais peu au calcium (Ca).

Des mutations génétiques peuvent affecter les sous-unités � et �, prolongeant l’ouverture du canal ; cellesaffectant la sous-unité � augmentent l’affinité du récep-teur nicotinique à l’acétylcholine pour les agonistes. Laquinidine, stabilisant l’ouverture du canal ionique, est effi-cace sur ces syndromes myasthéniques congénitaux à canauxlents.

Récepteurs présynaptiquesLes récepteurs présynaptiques de la terminaison axonalesont moins bien connus. Ce sont aussi des récepteurs-canauxnicotiniques, à l’origine d’un rétrocontrôle positif de lalibération de l’acétylcholine. L’acétylcholine est libérée enpermanence, même en l’absence de stimulation, entraî-nant une faible dépolarisation sans contraction musculaire(potentiel miniature postsynaptique, ou MEPP : miniatureendplate potential).

La fixation de l’acétylcholine sur ces récepteurs entraînel’ouverture de canaux ioniques et la mobilisation des vési-cules d’acétylcholine. Les protéines de la membrane desvésicules jouent un rôle important dans la libération del’acétylcholine et l’activation des récepteurs présynap-tiques [1,3] :• protéine G : rôle dans l’ancrage des vésicules sur la

terminaison nerveuse, choix du site de libération del’acétylcholine et recrutement de nouvelles vésicules lorsde stimulations répétitives ;

• synaptobrévine : arrimage des vésicules sur les sites delibération ;

• synaptophysine et synaptotagmine : régulation de la libé-ration du contenu des vésicules et ouverture de pores dela terminaison nerveuse ;

• synapsine I : arrimage des vésicules de réserve (actives encas de stimulation prolongée).

D’autres substances comme l’adénosine et le peptideCGRP interviennent dans la régulation de la libération del’acétylcholine en stimulant la pompe Na+/K+.

Le rôle des récepteurs préjonctionnels à l’acétylcholineest mal élucidé. Ils sont impliqués dans le phénomène de« fading » et sont activés uniquement par les stimulations àhaute fréquence (1—50 Hz). Ils sont aussi activés par certainscurares non dépolarisants, comme le rocuronium.

Potentiel d’action et contractionmusculaire

La conduction du potentiel d’action du nerf moteur se faitde manière saltatoire d’un nœud de Ranvier à l’autre.Lorsque le potentiel d’action atteint la terminaison ner-veuse, au niveau de la membrane présynaptique, les canauxcalciques voltage-dépendants sont activés, l’entrée de Ca2+

entraîne la libération d’acétylcholine dans la fente synap-tique. L’action de l’acétylcholine au niveau de la membranepostsynaptique va générer le potentiel d’action musculaire[1—3].

Synthèse et stockage de l’acétylcholine

L’acétylcholine est synthétisée dans le cytoplasme de la ter-minaison nerveuse à partir de l’acétyl coenzyme A et de la

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Figure 3. Synthèse et stockage de l’acétylcholine dans la jonc-tion neuromusculaire : 1 : terminaison nerveuse ; 2 : vésiculesd’acétylcholine ; 3 : vésicules en réserve ; 4 : vésicules libérablesimmédiatement ; 5 : acétylcholinestérases ; 6 : récepteurs post-synaptiques ; 7 : replis ; 8 : membrane basale ; 9 : récepteursprésynaptiques ; 10 : zones actives ; Ach : acétylcholine ; AcCoA :acétyl coenzyme A.

choline, par une réaction catalysée par la choline acétyl-transférase. L’acétylcholine est stockée dans des vésiculesprésynaptiques avec de l’adénosine triphosphate (ATP), desions H+, Mg2+, Ca2+ et des protéoglycanes.

L’acétylcholine est concentrée dans les vésicules par unmécanisme utilisant l’ATPase. Un grand nombre de vésiculesne sont mobilisées qu’en cas de stimulation nerveuse à hautefréquence (tétanos ou effort). Pour chaque vésicule mobili-sable, on dénombre 100 à 200 vésicules de réserve, retenuespar la synapsine I (Fig. 3 et 4) [1,4].

Libération de l’acétylcholine et potentield’action

Au niveau de la terminaison axonale : libérationd’acétylcholineLa dépolarisation de la membrane de la terminaison axonalepar l’influx nerveux induit l’ouverture de canaux calciquesvoltages-dépendants. L’afflux de calcium à l’intérieur de laterminaison axonale entraîne une libération du médiateurdans l’espace synaptique.

La libération du contenu d’une vésicule présynaptique(un quantum) provoque un potentiel miniature postsynap-tique de 0,5 à 1 mV. Un influx nerveux provoque la libérationde 20 à 200 quanta. L’amplitude du potentiel postsynaptiqueainsi généré, somme des potentiels miniatures postsynap-tiques, est de 15 à 20 mV [1,3].

Lors d’une stimulation nerveuse à fréquence rapide(tétanos), l’acétylcholine active les récepteurs nicoti-niques « présynaptiques », facilitant l’influx de calciumdans l’axoplasme ; le calcium provoque la fusion des vési-cules avec des récepteurs des zones actives, entraînantl’exocytose et la libération d’acétylcholine. La migrationdes vésicules sur les zones actives nécessite l’activation deglycoprotéines de la surface des vésicules, la synaptophysineet la synaptotagmine. Le calcium est également responsable

de la mobilisation des vésicules de réserve en causant leurséparation de la synapsine I (Fig. 3 et 4) [2].

L’ion magnésium a un rôle inhibiteur sur la transmis-sion neuromusculaire par un blocage des canaux calciquesprésynaptiques et une diminution de la sensibilité àl’acétylcholine des récepteurs musculaires.

Dans l’espace synaptiqueL’acétylcholine diffuse et se lie aux récepteurs postsynap-tiques. Au repos, le récepteur nicotinique laisse passer lesions potassium mais pas les ions sodium. Cette différencede perméabilité est responsable du potentiel de repos post-synaptique de −90 mV. L’activation du récepteur ouvre lecanal ionique et les mouvements du sodium et du potas-sium s’effectuent librement : le potentiel de membranelocal chute, par entrée massive de sodium. La dépolarisationdépend du nombre de récepteurs activés simultanément etdu potentiel de repos. Selon l’équation de Nernst, le poten-tiel de repos dépend du rapport des concentrations intra-et extracellulaires de potassium (Ki/Ke). Celui-ci n’est per-turbé que dans les grandes déplétions potassiques acquisesou congénitales (paralysie périodique familiale, alcalosemétabolique sévère. . .) [3].

Du côté de la fibre musculaire : potentiel d’actionL’afflux d’ions sodium dans la fibre musculaire au niveau dela zone de jonction (plaque motrice) produit une dépolari-sation locale, appelée potentiel de plaque motrice. Lorsquece potentiel atteint une valeur seuil, il induit l’ouverturede canaux sodium voltage-dépendants, générant ainsi unpotentiel d’action musculaire qui se propage le long du sar-colemme et ouvre les canaux calciques voltage-dépendants.Le couplage de cette action avec la libération de calcium parle réticulum sarcoplasmique (récepteurs canaux à la ryano-dine) déclenche les phénomènes chimiques et mécaniquesde la contraction de la fibre musculaire. L’entrée lente ettardive de potassium restaure le potentiel de membrane etmet fin à la contraction [1,2].

Fin de l’action de l’acétylcholineL’acétylcholinestérase, présente dans l’espace synaptique,hydrolyse l’acétylcholine et neutralise son action en moinsde 5 ms. La membrane redevient sélective aux différentséléments, la pompe à sodium—potassium entre en jeu pourrétablir ainsi l’équilibre antérieur. La fibre musculaire, aprèsavoir retrouvé la différence de potentiel qui la caractériseau repos, est alors susceptible de répondre à une nouvelleémission de transmetteur.

Couplage excitation—contraction

Le couplage excitation—contraction est acétylcholine-dépendant. La dépolarisation du sarcolemme déclenche lalibération du calcium du réticulum sarcoplasmique dans lesarcoplasme. Ce couplage fait intervenir diverses protéines :calséquestrine, canaux calciques, ryanodines, récepteur àla dihydropyridine. La libération de calcium s’effectue pardeux types de canaux :• le récepteur à la dihydropiridine, localisé au niveau de

la membrane du tubule T, est un canal calcium voltage-dépendant ;

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Figure 4. Rôle des protéines membranaires dans la mobilisation des réserves et la libération d’acétylcholine dans la fente synaptique(d’après Naguib et al. [4]) : 1 : stockage ; 2 : mobilisation ; 3 : arrimage des vésicules au site de fusion ; 4 : fusion ; 5 : endocytose (vésiculesrecouverts de clathrine) ; 6 : recyclage.

• le récepteur à la ryanodine, localisé au niveau de la mem-brane du réticulum sarcoplasmique, est un canal activépar les médiateurs.

Les canaux de libération d’ions calcium non associés avecles canaux voltage-dépendants sont ouverts par l’influx ducalcium dans le cytosol. Leur ouverture est stimulée pourune faible concentration d’ions calcium intracytosolique(moins de à 0,1 mM), elle est inhibée pour des concentra-tions plus élevées (0,5 mM) [2,3].

Après le passage du potentiel d’action, les canauxvoltage-dépendants se referment et le calcium est recyclé etrejoint le réticulum sarcoplasmique par l’intermédiaire despompes calcium—ATPases localisées au niveau de la mem-brane du réticulum sarcoplasmique.

Implications physiopathologiques etpharmacologiques

Le mécanisme de libération de l’acétylcholine rend comptede certains phénomènes physiologiques ou pharmacolo-giques. Ainsi, l’épuisement tétanique lié à une curarisationpartielle par un curare non dépolarisant serait lié àl’absence de mobilisation des vésicules de réserve ; une sti-mulation nerveuse intense mobilise des vésicules de réserve,mais à l’arrêt de la stimulation, le nombre de vésiculesmobilisables ne revient pas immédiatement à l’état basal etune nouvelle stimulation libère une quantité d’acétylcholinesupérieure à l’état basal, d’où la potentialisation post-tétanique.

Effets des toxinesLa toxine botulinique agit sur un récepteur de la membranevésiculaire, la synaptobrévine pour stabiliser les vésiculesprésynaptiques et les empêcher de libérer l’acétylcholinedans la fente synaptique, entraînant ainsi la faiblesse et lesparalysies musculaires.

Le venin de l’araignée veuve noire, l’� latrotoxine,agit sur le récepteur nicotinique présynaptique, produi-sant la libération massive d’acétylcholine, ce qui entraînedes spasmes musculaires. Après déplétion des stocksd’acétylcholine, la toxine empêche le remplissage des vési-cules et leur arrimage aux zones actives de la membraneprésynaptique, entraînant des paralysies.

La synaptotagmine, qui intervient dans l’exocytose desvésicules présynaptiques, pourrait être la cible d’anticorpsprésents dans le syndrome myasthénique de Lambert-Eaton.

La recharge des vésicules présynaptiques est dépendantede protéines G de faible poids moléculaire. Ce mécanismeest inhibé par les toxines botulinique et tétanique.

Rôle de l’acétylcholinestéraseL’acétylcholine a une demi-vie très courte dans la fentesynaptique, de 1 à 2 ms. Cela est dû à l’action del’acétylcholinestérase, dont la concentration est très élevéeet dont la répartition est superposable à celle des récepteursnicotiniques postsynaptiques.

Le déficit congénital en acétylcholinestérasea pour conséquence un syndrome myasthénique.L’intoxication aiguë par les organophosphorés, qui inhibentl’acétylcholinestérase, provoque une exposition prolon-gée de la plaque motrice à l’acétylcholine, avec pour

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Figure 5. Sur-régulation des récepteurs à l’acétylcholine lors d’une dénervation. A. Situation normale. B et C. En cas de dénervation,augmentation du nombre de récepteurs modérée (B) ou intense (C), avec apparition de récepteurs immatures (•).

conséquence sa désensibilisation et un bloc dépolarisantprolongé. L’exposition chronique peut provoquer uneintrusion importante de calcium par les canaux ioniquesdes récepteurs de l’acétylcholine, responsable d’unemyopathie nécrosante, ou de syndromes comportant unegrande fatigabilité musculaire chronique (syndrome desvétérans de la guerre du Golfe) [5].

Sur-régulation des récepteurs de l’acétylcholineD’après un principe pharmacologique général, la diminu-tion de l’exposition à un agoniste provoque la sur-régulationdes récepteurs postsynaptiques, et l’augmentation del’exposition à l’agoniste, la dérégulation. Dans le cas dela synapse neuromusculaire, la sur-régulation des récep-teurs nicotiniques lors de dénervations fonctionnelles ouchirurgicales est caractérisée par la multiplication extra-jonctionnelle de récepteurs de type fœtal (�2, �, �, �)(Fig. 5). De plus, à côté des canaux sodiques matures appa-raissent des isoformes immatures. Les récepteurs fœtauxont une sensibilité accrue aux myorelaxants dépolari-sants qui produisent une prolongation de l’ouverture ducanal ionique et une extrusion accrue de potassium. Toutedégénérescence nerveuse expose donc à des accidentsd’hyperkaliémie en cas d’utilisation de succinylcholine (ousuxaméthonium), après 48 heures ; l’interdiction du suxa-méthonium est définitive chez ces patients. Le mêmephénomène est décrit chez les patients grabataires ouimmobilisés en fauteuil et les brûlés, après un délai dequatre à cinq jours ; lors de la remobilisation, la récupéra-tion demande environ 20 à 50 jours avant que les agonistespuissent être administrés sans risque.

Atteintes de la transmissionneuromusculaire

Myasthénie

L’affection la plus fréquente de la jonction neuromusculaireest la myasthénie acquise [6]. Le mécanisme de la maladieest une destruction, d’origine auto-immune, des récepteurspostsynaptiques de l’acétylcholine. Les formes congénitalesainsi que le syndrome acquis d’Eaton-Lambert sont rares.

Au cours de la myasthénie, une très faible dose de myo-relaxant non dépolarisant peut provoquer une curarisationde longue durée [5].

Polyneuropathies et myopathies deréanimation

Les parésies et paralysies musculaires chez les patients hos-pitalisés en réanimation sont dues dans 40 % des cas à unemyopathie et dans 30 % des cas à une neuropathie périphé-rique. Des syndromes myasthéniformes ont aussi été décrits.

La polyneuropathie de réanimation est une neuropa-thie axonale diffuse qui s’observe chez 50 à 70 % despatients atteints de défaillances viscérales multiples.L’administration prolongée de curares et l’immobilisationdes patients pourraient jouer un rôle dans leur physiopa-thologie en provoquant un phénomène de sur-régulation desrécepteurs. La succinylcholine est contre-indiquée chez cespatients [4,7].

Affections démyélinisantes

Parmi les affections démyélinisantes, on peut citer : la sclé-rose en plaque, les affections du neurone moteur (scléroselatérale amyotrophique, atrophie bulbo spinale, paraplégiespasmodique héréditaire), les syndromes de Guillain-Barré,la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Elles sont caractériséespar une prolifération des récepteurs de l’acétylcholine detype fœtaux postsynaptiques. Le suxaméthonium peut pro-voquer une poussée d’hyperkaliémie chez ces patients etdoit être évité. Il y a souvent une hypersensibilité para-doxale aux myorelaxants non dépolarisants [4,5].

Maladies musculaires

Dystrophies musculairesLes myopathies héréditaires (dystrophie de Duchenne, mala-die Limb-Girdle) ont en commun une faiblesse musculaireet une amyotrophie. On retrouve un mélange de formesmatures et fœtales des récepteurs postsynaptiques, avecune sensibilité augmentée au suxaméthonium, un risqued’hyperkaliémie et d’arrêt cardiaque surtout chez l’enfant(forme préclinique). Il existe une sensibilité paradoxale auxcurares non dépolarisants. Elles exposent les patients à

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Physiologie de la jonction neuromusculaire et mécanisme d’action des curares 335

l’hyperthermie maligne en cas d’administration d’agentshalogénés.

MyotonieLa myotonie, ou maladie de Steinert, est une affec-tion héréditaire qui se manifeste par une contractionprolongée des muscles après stimulation nerveuse oustimulation directe du muscle par percussion. Elle se carac-térise par des anomalies des canaux sodés et chlorésvoltage-dépendants postsynaptiques entraînant une hyper-excitabilité musculaire. La sensibilité aux curares nondépolarisants est normale, mais le suxaméthonium et lesanticholinestérasiques peuvent provoquer des contracturesprolongées.

Mécanismes d’action des myorelaxants

Le blocage plus ou moins complet de la transmissionneuromusculaire peut être provoqué par des mécanismesprésynaptiques, comme la diminution de la synthèsed’acétylcholine, de son stockage ou de sa libération.Les myorelaxants sont des médicaments qui bloquentde manière réversible la transmission neuromusculaire,en se combinant aux récepteurs postsynaptiques del’acétylcholine. Il existe deux groupes de myorelaxants,selon leur mécanisme d’action [4] :• les curares dépolarisants : decaméthonium et suxamétho-

nium ;• les curares non dépolarisants : mivacurium, atracurium,

cis-atracurium, vecuronium, rocuronium, pancuronium.

Curares dépolarisants

La succinylcholine, ou suxaméthonium, est un agoniste desrécepteurs nicotiniques à l’acétylcholine : elle se fixe sur lessous-unités � des récepteurs, avec une affinité supérieure àcelle de l’acétylcholine. Cette fixation entraîne une dépo-larisation à l’origine d’un potentiel d’action musculaire.

Le métabolisme de la succinylcholine se déroule endeux étapes catalysées par les pseudocholinestérasesplasmatiques. L’existence de formes atypiques de pseudo-cholinestérases, déterminées génétiquement, rend comptede l’effet prolongé de la succinylcholine chez certainspatients.

L’action des pseudocholinestérases est lente, et la suc-cinylcholine persiste environ dix minutes dans la fentesynaptique : elle réagit de facon répétée avec les récepteurspostsynaptiques, provoquant la dépolarisation de la plaquemotrice. Le passage rapide de la contraction musculaire àla paralysie, malgré cette dépolarisation répétée, est dûau fonctionnement particulier des canaux sodiques voltage-dépendants du sarcolemme. Ces canaux comportent deux« portes » (une dépendante du temps, d’inactivation ; l’autredépendante du voltage, d’activation) qui contrôlent lesmouvements du sodium. Le passage transmembranaire dusodium requiert l’ouverture simultanée de ces deux portes,qui interviennent de manière séquentielle. Le canal sodiquepasse par trois états : (1) au repos, la porte dépendante dutemps est en position ouverte, la porte voltage-dépendante,est fermée : aucun transfert sodique ne peut se faire ;

Figure 6. Fonctionnement du canal sodique. A. Au repos, la portedépendante du temps (portillon inférieur) est en position ouverte,la porte voltage dépendante (portillon supérieur) est fermée. Aucunpassage ionique n’est possible. B. Lors d’une dépolarisation, la portevoltage-dépendante s’ouvre, alors que la porte temps-dépendanteest ouverte. Un courant entrant sodique s’établit. C. Très rapide-ment, la porte temps-dépendante se ferme et reste fermée tantque persiste la dépolarisation : le courant ionique s’interrompt.

(2) lors d’une dépolarisation brutale, la porte voltage-dépendante s’ouvre alors que la porte temps-dépendanteest ouverte et un courant sodique s’établit et entraîne ladépolarisation membranaire ; (3) très rapidement, la portetemps-dépendante se ferme et reste fermée tant que per-siste la dépolarisation : le courant ionique s’interrompt.Le canal sodique repasse en position de repos lorsque ladépolarisation de la plaque motrice prend fin, la partievoltage-dépendante se referme et la partie dépendante dutemps s’ouvre (Fig. 6).

Le cycle d’activation du canal sodique est rapide lorsquela plaque motrice subit l’action de l’acétylcholine, mais ladécroissance lente de la concentration de la succinylcho-line dans la fente synaptique prolonge la dépolarisation,maintenant la partie temps-dépendante dans la position fer-mée (canal inactivé). La libération d’acétylcholine par unestimulation de la fibre nerveuse est incapable de modifierl’état d’inactivation des canaux sodiques, la transmissionneuromusculaire est bloquée. Le muscle reste cependantexcitable par stimulation directe [4].

Le bloc neuromusculaire induit par la succinylcholineévolue en deux phases :• bloc de phase 1 (« depolarizing block ») : cinq caractéris-

tiques :◦ fasciculations lors de l’installation du bloc (contrac-

tions musculaires),◦ diminution de la réponse à une stimulation (effet cura-

risant proprement dit),◦ absence de fatigue à une stimulation répétée (train de

quatre ou tétanos),◦ pas de facilitation post-tétanique,

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◦ potentialisé par les anticholinestérasiques (bloc noncompétitif) ;

• bloc de phase 2 « non-depolarizing block » :◦ en cas d’administration prolongée de succinylcholine,

ou de déficit en pseudocholinestérases,◦ bloc non dépolarisant, caractérisé par une fatigue

musculaire lors des stimulations répétées, la facilita-tion post-tétanique, l’antagonisation par les anticholi-nestérases.

L’action de la succinylcholine est très marquée sur lesmuscles riches en fibres à contraction rapide (larynx, dia-phragme), riches en récepteurs à l’acétylcholine. Elle estaussi très intense en cas de dénervation, alors qu’on observeune résistance aux myorelaxants non dépolarisants.

Les propriétés agonistes des récepteurs nicotiniques dela succinylcholine expliquent la plupart de ses effets secon-daires :• en particulier cardiovasculaire : stimulation du système

parasympathique : chute de la pression artérielle et bra-dycardie ;

• fasciculations et douleurs musculaires ;• augmentation des pressions intragastrique et intraocu-

laire ;• hyperkaliémie en cas de lésions neurologiques centrales,

brûlés, Crush syndromes. . .

Les principaux effets secondaires sont l’hyperthermiemaligne, le risque de rhabdomyolyse, l’hyperkaliémie etl’arrêt cardiaque en cas de myopathies non diagnostiquées,les réactions allergiques avec risque de choc anaphylac-tique. Son utilisation doit être prudente chez les enfants etadolescents qui ont des récepteurs immatures à sensibilitéélevée [4].

Curares non dépolarisants

Le blocage de la transmission neuromusculaire résultede la compétition pour l’occupation des sous-unités �des récepteurs postsynaptiques entre l’agoniste naturel,l’acétylcholine, et un antagoniste, le myorelaxant. Cettecompétition obéit à la loi d’action de masse : la courbedose—réponse a la forme d’une sigmoïde et sa portionlinéaire se situe entre 25 et 75 % de réduction du twitch.La puissance des myorelaxants comme antagonistes desrécepteurs nicotiniques postsynaptiques est exprimée parla relation dose—réponse.

Le bloc induit par les curares non dépolarisants n’est cli-niquement détectable et la force musculaire ne diminueraque si au moins 75 % des récepteurs postsynaptiques sontoccupés par le curare (90 % pour le diaphragme). Le blocest complet, au niveau des muscles périphériques, quandenviron 92 % des récepteurs sont occupés [4].

Les cinq caractéristiques du bloc non dépolarisant sont :• pas de fasciculations lors de l’installation du bloc ;• diminution de la réponse à une stimulation (effet curari-

sant proprement dit) ;• fatigue à une stimulation répétée (train de quatre ou téta-

nos) ;• facilitation post-tétanique (bloc compétitif) ;• décurarisation du bloc accélérée par les anticholinestéra-

siques (bloc compétitif).

Les caractéristiques pharmacocinétiques définissant leprofil d’un curare non dépolarisant sont :• le délai d’installation de la curarisation : temps qui

sépare la fin de l’injection du bloc maximum. Il est de40 à 60 secondes pour la succinylcholine, mais de troisà cinq minutes pour les curares non dépolarisants. Seulle rocuronium, grâce à son double effet présynaptiqueet postsynaptique, provoque un bloc de 100 % en deuxminutes ;

• la durée d’action clinique : temps qui sépare la fin del’injection de la récupération de 25 % de la hauteur dutwitch ;

• la durée d’action totale : temps qui sépare la fin del’injection de la récupération de 90 % de la hauteur dutwitch ;

• l’index de récupération : temps qui sépare la récupéra-tion de 25 % et de 75 % de la hauteur du twitch. Il permetde distinguer les curares d’action courte, moyenne oulongue.

En pratique, le choix d’un myorelaxant est guidé parses propriétés pharmacocinétiques, ses effets secondaireset son coût. Le choix des doses à administrer est impor-tant pour obtenir l’effet attendu et éviter une curarisationrésiduelle [8].

La levée du bloc non dépolarisant peut être réa-lisée en clinique par l’emploi d’anticholinestérasiques(néostigmine). Le terme d’antagonisation est inexact, ils’agit de déplacement des myorelaxants des récepteursà l’acétylcholine selon la loi d’action de masse, en aug-mentant la concentration d’acétylcholine dans la fentesynaptique. L’utilisation des anticholinestérasiques est limi-tée par un effet plafond, et il est nécessaire d’attendre unerécupération partielle suffisante du bloc avant leur adminis-tration [9].

La décurarisation de blocs induits par le rocuroniumpeut être obtenue par l’utilisation du sugammadex : c’estune cyclodextrine qui forme avec le rocuronium descomplexes inactifs. Il permet une décurarisation très rapideet ne semble pas présenter d’effets secondaires signi-ficatifs ; sa place en pratique clinique reste discutée[10].

L’évaluation de la levée du bloc résiduel, utile pourpratiquer la décurarisation, est essentielle en cliniquepour la sécurité du patient. Elle est faite par le moni-torage instrumental, application de la physiologie de latransmission neuromusculaire [8,9] : une stimulation selondifférentes modalités est délivrée sur le trajet du nerfmoteur et la réponse du muscle enregistrée (en généralau muscle adducteur du pouce). Le train de quatre (Td4)et le rapport T4/T1 sont le plus utilisés ; le compte post-tétanique (CPT) explore mieux la curarisation profonde ; ledouble-burst stimulation (DBS), ou double stimulation téta-nique brève, permet de mieux détecter une curarisationrésiduelle.

Conclusion

Des progrès importants ont été réalisés ces dernièresannées sur la connaissance de la physiologie de la trans-mission neuromusculaire. Les progrès les plus récents,

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Physiologie de la jonction neuromusculaire et mécanisme d’action des curares 337

dus en particulier aux techniques de biologie molécu-laire et d’imagerie, ont permis de mieux comprendre lapathologie neuromusculaire et les mécanismes d’actiondes agents myorelaxants utilisés en anesthésie. Cettecompréhension fonde les principes du monitorage de lacurarisation et de la prise en charge des patients por-teurs de maladies neuromusculaires. Ces progrès ouvrentla voie au développement de nouveaux curares et anta-gonistes, plus spécifiques et présentant moins d’effetssecondaires.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

POINTS ESSENTIELS

• La jonction neuromusculaire est l’ensemble descontacts synaptiques entre l’arborisation terminaled’un axone moteur et une cellule musculairestriée. Elle comprend : l’extrémité axonale, richeen vésicules contenant de l’acétylcholine, etportant des récepteurs présynaptiques ; la fentesynaptique, riche en acétylcholinestérase ; lesarcolemme, différenciée en plaque motrice,portant les récepteurs postsynaptiques.

• L’acétylcholine, médiateur physiologique dela jonction neuromusculaire, est synthétiséesous l’action de la choline acétyltransférase.Elle est hydrolysée par l’acétylcholinestérase.Les récepteurs pré- et postsynaptiques del’acétylcholine sont de type nicotinique (nAChR) ;ce sont des glycoprotéines pentamériques formantun canal cationique.

• L’influx nerveux déclenche dans la terminaisonaxonale la libération de l’acétylcholine. La fixationde l’acétylcholine sur le récepteur postsynaptiqueouvre le canal ionique et laisse entrer lesions Na+, ce qui entraîne une dépolarisationlocalisée (potentiel de plaque). Les récepteursprésynaptiques jouent un rôle déterminant dans larégulation de la libération de l’acétylcholine, enparticulier lors de stimulations à fréquence rapide(tétanos).

• Le potentiel de plaque, à partir d’une valeurseuil, entraîne l’ouverture de canaux sodiumvoltage-dépendants, générant le potentiel d’actionmusculaire qui se propage le long du sarcolemmeet ouvre les canaux calciques voltage-dépendants.L’influx de Ca2+ par ces canaux et par la libérationde Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique (canaux à laryanodine), élève la concentration de calciumcytosolique et déclenche les phénomèneschimiques et mécaniques de la contractionmusculaire.

• La dénervation anatomique ou fonctionnelle, lespolyneuropathies et myopathies de réanimation, lesaffections démyélinisantes, les dystrophies muscul-aires sont caractérisées par une sur-régulation desrécepteurs exposant à des accidents d’hyperkaliémieà la succinylcholine. À l’inverse, la destruction des-récepteurs postsynaptiques (myasthénie) ou le défi-cit congénital en acétylcholinestérases (syndromemyasthénique) exposent à des curarisations pro-longées avec les curares non dépolarisants.

• L’occupation des récepteurs par les curares dépolari-sants ou non dépolarisants (pancuronium, vécuro-nium, atracurium, mivacurium, rocuronium etcisatracurium) inhibe la transmission neuromuscul-aire et provoque une paralysie musculaire réversible.

• La succinylcholine est un agoniste des récepteursde l’acétylcholine. Elle induit un bloc dépolarisant(phase 1), caractérisé par des fasciculations, unediminution de la réponse à la stimulation isolée,sans fatigue ni facilitation à la stimulation tétanique,une potentialisation par les anticholinestérasiques.Un bloc non dépolarisant (phase 2) survienten cas d’utilisation prolongée ou de déficiten pseudocholinestérases. La succinylcholine estformellement contre-indiquée en cas de sur-régulation des récepteurs (risque d’hyperkaliémie etarrêt cardiaque).

• Les curares non dépolarisants sont des antagonistesde l’acétylcholine, induisant un bloc parcompétition. Ce bloc n’est cliniquement détectableque si au moins 75 % des récepteurs sont occupéspar le curare. Il est caractérisé par l’absence defasciculations à l’installation, la diminution de laréponse à une stimulation isolée, la fatigue à lastimulation répétée, la facilitation post-tétaniqueet la décurarisation par les anticholinestérasiques.

• Le monitorage instrumental de la curarisation etla levée d’un bloc non dépolarisant résiduel parles anticholinestérasiques, applications cliniquesde la physiologie de la jonction neuromusculaire,contribuent à la sécurité des patients en anesthésie-réanimation.

Annexe A. Matériels complémentaires

Les matériels complémentaires accompagnant la ver-sion en ligne de cet article sont disponibles surhttp://www.sciencedirect.com et doi:10.1016/j.pratan.2011.10.013.

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