24
1 Article publié dans MAIGRET Eric, MACE Eric (dir.) (2006), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin. "Mouvements et contre-mouvements culturels dans la sphère publique et les médiacultures" Eric Macé "Nous nous sommes vite rendu compte que c'était une erreur de nous focaliser sur les objets, comme si le sujet de nos recherches était des tableaux statistiques, des cartes, des récits ethnographiques ou des films. Il a semblé plus fécond de considérer ces artefacts comme les traces figées d'une action collective (as the frozen remains of collective action), réanimées à chaque fois que quelqu'un se les approprie : en rédigeant ou en lisant une carte ou un texte, en produisant ou en regardant un film". Howard Becker, "Telling about society" La tradition critique et dénonciatrice, principalement représentée par l'école de Francfort, a longtemps régné sur l'analyse de la sphère publique et des médiacultures 1 . Le raisonnement était simple. La conjugaison de l'idéologie des classes dominantes et de l'industrialisation de la production culturelle ne pouvait que conduire à la mystification des masses, à la marchandisation des subjectivités et à la corruption du politique par la société de spectacle. Autant de bonnes raisons pour se focaliser sur une sociologie de la reproduction sociale plutôt que sur une sociologie de la production de la société. Or un changement de regard donne accès à une autre dimension de la réalité sociale qui n'est plus seulement celle de la domination, mais celle des rapports de pouvoir et leur dynamique conflictuelle 2 . On observe alors que ce qui permet d'articuler la sphère publique, les industries culturelles et les subjectivités, c'est moins l'emprise d'une culture unidimensionnelle que la conflictualité des rapports sociaux jusque dans le champ culturel. Ainsi, qu'on s'intéresse aux controverses publiques, aux représentations médiatiques ou à l'expérience des "publics", c'est au fond la même chose qu'on étudie : la manière dont les mouvements culturels (qu'ils soient conservateurs, réactionnaires ou transgressifs) construisent conflictuellement la réalité à 1 Adorno, Horkheimer (1974) ; Marcuse (1964). 2 Touraine (1978).

«Mouvements et contre mouvements culturels dans la sphère publique et les médiacultures»

Embed Size (px)

Citation preview

1

Article publié dans MAIGRET Eric, MACE Eric (dir.) (2006), Penser les médiacultures.

Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin.

"Mouvements et contre-mouvements culturels

dans la sphère publique et les médiacultures"

Eric Macé

"Nous nous sommes vite rendu compte que c'était une erreur de nous focaliser sur les objets, comme si le sujet

de nos recherches était des tableaux statistiques, des cartes, des récits ethnographiques ou des films. Il a semblé

plus fécond de considérer ces artefacts comme les traces figées d'une action collective (as the frozen remains of

collective action), réanimées à chaque fois que quelqu'un se les approprie : en rédigeant ou en lisant une carte ou

un texte, en produisant ou en regardant un film".

Howard Becker, "Telling about society"

La tradition critique et dénonciatrice, principalement représentée par l'école de Francfort, a

longtemps régné sur l'analyse de la sphère publique et des médiacultures1. Le raisonnement

était simple. La conjugaison de l'idéologie des classes dominantes et de l'industrialisation de

la production culturelle ne pouvait que conduire à la mystification des masses, à la

marchandisation des subjectivités et à la corruption du politique par la société de spectacle.

Autant de bonnes raisons pour se focaliser sur une sociologie de la reproduction sociale plutôt

que sur une sociologie de la production de la société. Or un changement de regard donne

accès à une autre dimension de la réalité sociale qui n'est plus seulement celle de la

domination, mais celle des rapports de pouvoir et leur dynamique conflictuelle2. On observe

alors que ce qui permet d'articuler la sphère publique, les industries culturelles et les

subjectivités, c'est moins l'emprise d'une culture unidimensionnelle que la conflictualité des

rapports sociaux jusque dans le champ culturel. Ainsi, qu'on s'intéresse aux controverses

publiques, aux représentations médiatiques ou à l'expérience des "publics", c'est au fond la

même chose qu'on étudie : la manière dont les mouvements culturels (qu'ils soient

conservateurs, réactionnaires ou transgressifs) construisent conflictuellement la réalité à 1 Adorno, Horkheimer (1974) ; Marcuse (1964). 2 Touraine (1978).

2

travers cette forme spécifique de médiation qu'est la médiation médiatique. On n'a donc

aucune raison d'opposer une sphère publique idéale qui serait "démocratique" à des

médiacultures qui seraient "mystificatrices". Bien au contraire, les dynamiques culturelles

peuvent s'y saisir à chaque fois. D'un côté, en observant comment les "conflits de définition"

qui animent la sphère publique trouvent leurs traductions jusque dans les médiacultures, ces

dernières considérées alors comme l'ensemble de ces "traces figées d'actions collectives" dont

parle Howard Becker3. D'un autre côté, en montrant comment les médiacultures ainsi

configurées sont des ressources culturelles importantes dans les processus d'acculturation qui

sont typiques des sociétés transnationalisées de la seconde modernité. On passe ainsi d'une

définition étroite de la sociologie de la culture, indexée sur les légitimités culturelles (petites)

bourgeoises et nationales, à une définition anthropologique et constructiviste plus large

permettant de saisir les dimensions politiques des imaginaires collectifs. La sphère publique

peut alors être saisie comme est un espace de conflictualité entre mouvements culturels

hégémoniques et mouvements culturels contre-hégémoniques, dont les médiacultures en sont

l'expression via la médiation des industries culturelles.

Comme on le voit, je déroge ici à l'usage qui veut qu'en français on utilise le terme "d'espace

public" depuis la traduction du livre éponyme de Jürgen Habermas4. En effet, le terme

"d'espace public" ne permet pas de distinguer deux dimensions articulées mais différentes :

d'un côté la sphère publique symbolique et politique immatérielle des débats publics, et d'un

autre côté les espaces publics urbains. C'est pourquoi je préfère, tout comme en anglais, le

terme de "sphère publique", réservant celui "d'espace public" aux espaces urbains concrets.

Cette distinction permet notamment de mieux montrer en quoi les espaces publics sont une

scène spécifique d'expression des normes et des tensions d'une sphère publique plus large. On

va le voir avec la question des stigmatisations dans les cas français et turc. A propos des corps

féminins découverts ou voilés, il y a d'évidentes interactions entre la question de la visibilité

des corps sexués dans les espaces publics et l'état des rapports sociaux relatifs aux genres ou

aux minorités tels qu'ils s'expriment, via les mouvements culturels, au sein de la sphère

publique.

De la mystification idéologique à la conflictualité culturelle

3 Becker (1999), p. 152. 4 Habermas (1993).

3

Les médias de masse ont pour particularité d'être à la fois la scène et l'un des acteurs de la

sphère publique. Ils en sont la scène principale depuis que les débats publics ne se limitent

plus aux enceintes parlementaires et à la presse écrite savante, mais passent par la médiation

et la diffusion de masse des images et des discours médiatiques. Du fait de cette médiation

médiatique quasi obligée qui s'impose à tous les acteurs pour l'accès à la sphère publique, les

médias de masse en sont aussi un des principaux acteurs, y développant leurs propres logiques

d'actions qui sont celles d'industries culturelles. C'est en raison de ce double statut que la

pensée critique a longtemps dénoncé les médias et la culture de masse marchande comme les

agents corrupteurs d'une sphère publique originellement "rationnelle" et "critique". Cette

approche "classique" me semble tout à fait discutable et une "critique de la critique" permet

d'inverser le questionnement : il s'agit moins de montrer en quoi les médias de masse

pervertissent la sphère publique que de montrer en quoi les dynamiques de production

culturelles propres à la sphère publique trouvent à s'exprimer et à se traduire jusque dans les

médiacultures.

La sphère publique idéale et sa critique

Historiquement, c'est le "principe de publicité" qui motive la création d'une sphère publique

politique nationale au 18e siècle, contre l'opacité et l'arbitraire d'un pouvoir monarchique qui

avait littéralement privatisé les affaires publiques, et qu'illustre la maxime attribuée à Louis

XIV : "l'Etat c'est moi". Les philosophes des Lumières et les dirigeants républicains

révolutionnaires, nourris de références à la démocratie athénienne, ont défini la sphère

publique comme un "tribunal de la raison" qui devait examiner, au moyen de discours et de

débats argumentatifs, les fins et les moyens des affaires publiques, sous le regard attentif et

critique du public des citoyens. Passant de la Cité grecque à l'échelle des nations, cette sphère

publique moderne ne pouvait plus se limiter au seul espace physique de la place publique

qu'était l'agora athénienne où tous les citoyens étaient simultanément orateurs et membres du

public. Cet espace concret des débats a été reproduit sous la forme de l'enceinte du Parlement,

mais le public ne peut plus se réduire aux membres de l'assemblée puisqu'il est constitué par

l'ensemble des citoyens de la nation. Les séances du Parlement sont certes ouvertes au public,

mais le véritable public de la sphère publique moderne n'existe dorénavant qu'à travers la

médiation de la presse qui "rend public" les débats et les décisions de l'assemblée auprès d'un

public de citoyens attentifs. Non seulement ces derniers commentent autour d'eux ces débats

(dans la sphère privée ou semi-publique des cercles, clubs, associations, organisations...),

4

mais ils interviennent également par voie de presse, exprimant ainsi une "opinion publique"

vigilante quant aux décisions prises au nom du peuple.

Ce modèle démocratique idéal de sphère publique, de public et d'opinion publique a

cependant été l'objet de nombreuses critiques portant d'une part sur la réalité de la

participation de tous aux débats politiques, d'autre part sur les effets de cette médiation

obligée par la presse et les médias. Tout d'abord, la sphère publique démocratique de la

Révolution française comme celui d'Athène était fondé sur une série d'exclusion : les femmes,

les métèques et les esclaves pour les Grecs, les hommes du peuple et toutes les femmes pour

les républicains des Lumières. Cette sphère publique de débats seulement accessible aux

citoyens mâles "éclairés par les lumières de la Raison" et possédant quelques biens et

propriétés apparaît ainsi comme un espace élitiste réservé à un groupe social particulier : les

hommes (blancs) de la classe bourgeoise. A partir de là, c'est l'universalité du point de vue

développé au sein de cette sphère publique qui est remis en cause dans la mesure où, en droit

comme en fait, l'égalité des points de vue n'existe pas dans des sociétés hiérarchisées et

inégalitaires5. C'est pourquoi cette définition idéale et normative de la sphère publique a été

contestée par les groupes exclus eux-mêmes. Par le mouvement ouvrier, qui a introduit la

question des rapports de classes et des droits sociaux pour aller au-delà de l'égalité abstraite

des droits civiques. Par les mouvements anti-esclavagistes, anti-ségrégationnistes et anti-

coloniaux en introduisant la question des discriminations raciales et ethniques. Par les

mouvements féministes, en contestant une vision masculiniste de la politique et du partage

entre la sphère publique (libre, prestigieuse et masculine) et la sphère privé (contrainte,

domestique et féminine).

C'est précisément cette irruption au sein de la sphère publique de la masse concrète du

"peuple", des "indigènes" et des "femmes", avec la somme de leurs particularismes et de la

conflictualité désordonnée de leurs revendications et de leurs intérêts, qui a conduit nombre

de théories de la sphère publique à penser la situation contemporaine propre aux démocraties

de masse en termes de dégradation de l'idéal républicain6. Ce point de vue est d'ailleurs

largement articulé avec une analyse critique des effets des médias de masse sur la sphère

publique et dont le livre de Jürgen Habermas, l'Espace public, est la meilleure illustration.

Considérés comme des industries culturelles commandées par une logique commerciale sans 5 Fraser (2001). 6 Ferry (1989).

5

rapport avec le nécessaire désintéressement du politique, les médias de masse sont l'objet de

deux analyses critiques, l'une cynique et l'autre dénonciatrice. Du point de vue cynique de

l'élite dirigeante qui se veut dépositaire de l'expertise rationnelle et de "l'intérêt général", les

médias doivent être considérés comme des instruments de manipulation des opinions afin

d'échapper à l'irrationalité populaire de la "tyrannie de la majorité". Puisque les conditions

d'une "opinion publique" informée et raisonnée ne sont plus réunies dans les démocraties de

masse, il s'agit de lui substituer une "opinion publique" forgée sur la base de sondages

mesurant de façon tout à fait artificielle les opinions privées de personnes le plus souvent peu

informés des enjeux (sinon par les médias). De sorte que cette "opinion publique" apparaisse

comme l'expression du "peuple" alors qu'elle n'est que la marionnette des ventriloques que

sont les commanditaires et les commentateurs de ces sondages - autrement dit les acteurs

dirigeants eux-mêmes. Ce tour de passe-passe par lequel la "publicité des débats" est

remplacée par les stratégies "publicitaires" de la communication politique, est rendu possible

par la dimension spectaculaire des médias de masse, qui font confondre ce qui est visible avec

ce qui est important. Tout comme Louis XIV mettait en scène de façon spectaculaire sa vie

privée à Versailles tout en privatisant et en occultant l'exercice réel du pouvoir, les médias de

masse divertissent le public avec les dimensions privées ("psychologiques") de la politique et

de ses dirigeants, tout en occultant la réalité des enjeux et des rapports de pouvoir. C'est

d'ailleurs ce qui conduit les approches non plus cyniques mais dénonciatrices, à mettre en

garde contre une corruption généralisée du monde par les médias de masse, ces derniers

emportant ce qui pouvait rester de pensée "universelle" et "critique" (l'art, la science) dans les

logiques irrationnelles de la "société de spectacle" et du divertissement.

De l'idéologie à l'hégémonie

Dans ce débat sur la sphère publique et les représentations culturelles, le principal apport de la

tradition critique (de Marx à Bourdieu en passant par l'école de Francfort) a certes été de

montrer en quoi tout rapport social est fondamentalement asymétrique : la construction

sociale de la réalité du monde se fait souvent du point de vue des groupes sociaux dominants à

travers l'emprise de leur "vision du monde" sur l'orientation des actions, des normes et des

identités7. Mais la principale limite de cette tradition est d'avoir considéré que cette asymétrie

était nécessairement une domination conduisant à une mystification généralisée quant à la

7 Martuccelli (1999).

6

véritable "réalité" du monde, et en particulier quant à cette asymétrie elle-même. De sorte que

dominants et dominés en viendraient à partager une même vision "naturalisée" de l'ordre des

choses que seul le "savant" serait à même de révéler, voire de dénoncer - même si, pour ces

auteurs, l'exercice leur apparaît vain au fond tant, selon eux, l'emprise idéologique est

puissante et liquide par avance toute capacité d'action de ceux-là même à qui on révèle leur

mystification. Mieux vaut s'en remettre, si on est historiquement optimiste comme Marx, à

l'énergie des forces productives et aux contradictions à venir du capitalisme. Si on est

objectiviste comme Bourdieu, au petit cercle des "voyants", moines séculiers de la

connaissance scientifique. Ou bien, si on est pessimiste comme Adorno et Horkheimer, savoir

inutile de s'en remettre à quiconque, et s'offrir un dernier frisson esthétique en sombrant avec

le Titanic de ce que fut l'humanité (celle de la "négativité" de l'art et de la Raison) avant

qu'elle ne soit liquidée par le capitalisme avancé et ses industries culturelles.

C'est sans doute pour échapper aux apories de ce "pessimisme de l'intelligence" qu'Antonio

Gramsci et après lui Stuart Hall et les Cultural studies ont préféré penser l'asymétrie des

rapports sociaux moins en termes de domination qu'en termes de pouvoir8. Un pouvoir dont

Michel Foucault précisait qu'il ne se possède pas mais qu'il s'exerce, c'est-à-dire qu'il est

actualisé et remis en jeu à chaque fois que des acteurs sont en relation9. C'est ce que marque le

passage de la notion marxiste d'idéologie à la notion gramscienne d'hégémonie. L'asymétrie

des relations de pouvoir dans les rapports sociaux peut bien conduire à des "effets de

domination" (lorsque les individus, dominants et subalternes, ne se rendent pas compte que

l'asymétrie de leur relation est un "construit" pour y voir un "fait de nature" ou bien quelque

chose de "normal"), mais cette emprise tout comme la pérennité de l'exercice de ce pouvoir

est "sans garanties" en raison à la fois des contradictions internes aux groupes dominants et

aux résistances des groupes subalternes10. On peut dès lors observer que l'exercice du pouvoir

au sein des rapports sociaux donne lieu en permanence à des "conflits de définition" entre

légitimation et délégitimation, "naturalisation" et "problématisation", transgression et

disqualification, justification et contestation, dépolitisation et repolitisation, occultation et

publicité, événement et non-événement, force de l'institué et dynamique de l'instituant,

performativité et subversion des codes. C'est d'ailleurs bien sur cette base que les Cultural

studies ont été fondée, en considérant la culture non plus comme un champ de domination

8 Morley, Chen (1996) ; Ferguson, Golding (1997). 9 Foucault (1976). 10 Hall (1996).

7

idéologique mais comme un champ de conflits entre hégémonies et contre-hégémonies. Et

ceci est vrai pour toutes les formes d'expression culturelle, indépendamment des hiérarchies

culturelles "légitimes". Il ne s'agit plus, à la Francfort, d'opposer "l'art" à la "culture de

masse", ni même, à la suite de Hoggart, Bourdieu et Passeron, la "culture populaire" à la

"culture de masse"11. Il s'agit plutôt d'observer, au sein de chaque forme d'expression

culturelle, y compris la culture de masse (et jusque dans ce qu'on désigne comme la

"pornographie"12), l'expression des "conflits de définition" entre mouvements culturels et

contre-mouvements culturels, entre points de vue hégémoniques et points de vue contre-

hégémoniques13. Autrement dit, les Cultural studies n'ont rien d'une bizarrerie exotique

anglo-saxonne que les Français "découvriraient" avec 30 ans de retard, elles participent

pleinement du projet d'une sociologie des rapports sociaux dans la culture (au sens

anthropologique le plus large et le plus politique), en tant qu'elles étudient "les relations entre

culture et pouvoir"14 dans la totalité des productions, des objets et des pratiques culturelles.

Ce que la sphère publique fait aux médiacultures

Ni idéal démocratique abstrait toujours menacé de dégradation, ni spectacle mystificateur, la

sphère publique est ainsi moins un tribunal ou un théâtre qu'une arène symbolique constituée

par les luttes de légitimation et de disqualification que se livrent, via les mouvements et

contre-mouvements culturels, les acteurs inscrits au sein de rapports sociaux asymétriques.

Dynamiques des arènes publiques

Le principe de publicité reste un trait essentiel de la sphère publique, comme le souligne

Habermas dans ses travaux ultérieurs post-Francfortiens15. Non seulement pour les luttes

démocratiques au sein des régimes non-démocratiques. Mais aussi dans les régimes

démocratiques dès lors que l'exercice du pouvoir ne se limite pas à l'action législative et

11 Pour une discussion des interactions théoriques entre Stuart Hall, Richard Hoggart, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, voir Macé (2000). 12 Williams (2004). 13 Paradoxalement, alors que la sociologie de la culture française se veut critique envers les effets de domination produits par les classements sociaux entre objets culturels "légitimes" et "illégitimes", elle s'en est elle-même tenu à l'étude des seuls objets "légitimes", au point qu'en 2004 la prise en compte des objets de la culture de masse comme objets "légitimes" passe pour audacieuse (alors que pour les cultural studies anglo-saxonnes, la question ne se pose plus depuis les années 1970) : Lahire (2004). 14 Couldry (2000), p. 6. 15 Habermas (1997).

8

gouvernementale, mais s'exerce à travers le développement relativement opaque de la

technocratie, des techniques, du marché et des rapports sociaux de subordination. De sorte

que le principe de publicité ne concerne pas seulement ce qu'il est convenu d'appeler le

"politique", mais aussi ce que Ulrich Beck désigne par les "subpolitics", c'est-à-dire

l'ensemble de ces domaines qui semblaient réservés aux ingénieurs, aux technocrates, aux

scientifiques, aux experts ou à la sphère "privée". Ces domaines sont en effet de plus en plus

l'objet de contestations, de controverses, de scandales et d'accidents typiques d'une situation

d'incertitude, elle-même propre à une "seconde modernité" qui ne croit plus aux lendemains

radieux du "progrès" et de la "civilisation" mais sait qu'elle produit elle-même les problèmes

(environnementaux, éthiques, politiques, culturels) qu'elle doit nécessairement résoudre16. On

peut ainsi considérer, contre la tradition athénienne de philosophie politique prolongée par

Hanna Arendt, qu'il n'existe pas de sphère publique (vs "privée") dont les contours seraient

définis a priori (les "fins de la cité"), mais que les contours de la sphère publique sont

coextensifs à l'étendue des formes de problématisation de la "réalité" par les acteurs.

Cela signifie que le seul principe de publicité ne suffit pas à rendre compte de cette "arène"

qu'est la sphère publique. Il faut aussi prendre en compte ses dimensions conflictuelle,

asymétrique, plurielle et plastique. Loin d'être un espace rationnel, la sphère publique est le

lieu d'un intense conflit de définitions entre acteurs inscrits dans des rapports sociaux et des

mouvements culturels divergents. Tout le monde n'a pas les mêmes ressources politiques,

économiques et symboliques pour faire valoir son point de vue ou pour disqualifier celui de

ses opposants ou adversaires. C'est ce que, pour les rapports et les identités de genre, Judith

Butler appelle la dimension "performative" des représentations : nommer, représenter, c'est à

la fois faire exister et définir un cadre interprétatif plus ou moins hégémonique ou subversif17.

Cela ne signifie pas que la sphère publique soit nécessairement dominée par le point de vue

des acteurs dominants, mais que les acteurs sociaux ou les points de vue subalternes dans les

rapports sociaux asymétriques sont aussi subalternes dans la sphère publique et qu'ils doivent

avant tout construire leur légitimité. C'est parce que la sphère publique n'est pas égalitaire que

certains groupes sociaux ou certains points de vue doivent d'abord se constituer en "contre-

publics subalternes" et développer au sein d'un réseau propre (ayant souvent leurs propres

supports médiatiques) la définition de leurs adversaires, de leur identité et des "problèmes"

16 Beck (1994, 2001). 17 Butler (2005).

9

devant être "pris en compte" au niveau plus général18. Cela a d'ailleurs souvent pour effet de

reconfigurer ces groupes eux-mêmes et la définition des "problèmes" qu'ils soulèvent. On peut

le voir, par exemple, lors des controverses socio-techniques relatives à l'environnement19, ou

bien dans la manière dont la minorité musulmane en occident s'auto-transforme du fait même

qu'elle se constitue en "contre-public subalterne" pour à la fois résister à la stigmatisation dont

elle l'objet et, tout particulièrement en France, pour acculturer réciproquement l'islam à la

laïcité et la république aux minorités20. Dès lors qu'ils acceptent le jeu démocratique, ces

"contre-publics subalternes" se constituent au sein de la sphère publique en mouvements

culturels contre-hégémoniques pour contester et relativiser les points de vue et les

représentations dominantes et instituées en "allant de soi". Et ceci sans que cela préjuge pour

autant de leur caractère "conservateur", "progressiste" ou "réactionnaire". On peut tout autant

considérer comme des mouvements culturels contre-hégémoniques d'un côté la minorité "néo-

conservatrice" aujourd'hui triomphante au sein de la droite états-unienne, et d'un autre côté le

point de vue queer, toujours marginal y compris au sein du féminisme et des mouvements

gays et lesbiens21. C'est la raison pour laquelle la sphère publique est plurielle. Elle n'est pas

constituée d'une seule scène (qui serait la scène politique et médiatique nationale et

transnationale), mais d'une sphère publique globale en lien avec de nombreuses sphères

publiques locales que sont ceux des associations, des réseaux scientifiques, artistiques,

syndicaux, religieux... etc. , qui font en sorte d'accéder au sein de l'espace public global pour y

légitimer leur point de vue. Au cours de ces mobilisations politico-symboliques, les différents

acteurs élargissent l'espace politique et celui de la sphère publique en y introduisant de

"nouveaux être" ou de nouveaux "problèmes" qu'il s'agit de faire "prendre en compte" afin de

reconfigurer la définition même de la "réalité" sur laquelle on veut intervenir22. C'est cette

diversité des points de vue et des acteurs en présence qui fait finalement la plasticité de l'arène

publique au sens où ses contours ne sont pas prédéterminés mais varient à mesure que de

nouveaux problèmes ou de nouveaux acteurs apparaissent et demandent à être pris en

compte23. La sphère publique est ainsi reconfigurée à chaque fois qu'une "représentation" ou

qu'une "identité" est problématisée conflictuellement (on le voit avec la question des

minorités), mais aussi à chaque fois qu'un "fait", jusqu'alors considéré comme "privé",

18 Fraser (2001). 19 Callon, Lascoumes, Barthes (2001). 20 Macé, Guénif-Souilamas (2004). 21 Warner (2002). 22 Muller (2003). 23 Cefaï (1996).

10

"scientifique" ou d'une façon générale comme non problématique, est transformé par des

acteurs en "problème" puis promu par ces mêmes acteurs comme un "problème public"

devant à la fois être "rendu public" et débattu publiquement. L'exemple le plus significatif est

sans doute celui des mouvements culturels féministes qui, en affirmant que "le privé est

politique", ont transformé en "problème public" des questions le plus souvent reléguées dans

la sphère domestique, comme les violences conjugales ou la "double journée" (c'est-à-dire

l'assignation préférentielles des femmes aux charges domestiques et parentales bien qu'elles

sont dorénavant autant salariées que les hommes). On peut ainsi penser que ce qui définit la

vivacité d'un régime démocratique, c'est précisément sa capacité à générer des "contre-publics

subalternes" susceptibles de porter des contre-discours au sein de la sphère publique globale

et d'ainsi élargir continuellement les objets et les termes du débat public et politique.

Porosité des industries culturelles

On l'a dit, la sphère publique contemporaine est nécessairement médiatique. Cela signifie que

les médias de masse ne se contentent pas de "rendre public" l'actualité de la sphère publique,

mais qu'ils en font une traduction particulière, que ce soit dans les programmes d'information,

de fiction ou de divertissement. C'est cela que la sphère publique "fait" aux médiacultures :

elle constitue le principal matériau de ce que "représentent" et "expriment" les médiacultures,

faisant de ces dernières ni le "reflet" d'une improbable réalité "objective" du social, ni le reflet

idéologique du point de vue des groupes sociaux dominants, mais le reflet du niveau

d'intensité des conflits de définition au sein de la sphère publique.

C'est évident pour l'information comme le montre l'ensemble de la sociologie du journalisme.

De Greenpeace24 ou Act Up25 mettant en scène de façon spectaculaire des "événements"

destinés à agir sur l'opinion publique et les dirigeants économiques et politiques, jusqu'aux

stratégies ordinaires de communication et de publicité émanant des centres de pouvoir, les

médias sont devenu la cible de stratégies d'instrumentalisation visant à légitimer ou à

disqualifier tel point de vue ou tel "problème". Le plus souvent ce n'est pas les journalistes qui

vont à l'information, mais "l'information" qui va aux journalistes, via des "faits" construits en

"événements" par des acteurs et promus comme "information" auprès des journalistes (que ce

soient la publication des "chiffres de la délinquance" par le ministère de l'intérieur ou le 24 Derville (1997). 25 Barbot (2002).

11

lancement d'une campagne de boycott d'un produit par une organisation écologiste)26. A

charge pour les journalistes de décider ou pas de "traiter" ces informations en fonction des

contraintes de format propre à leur support et aux "scripts interprétatifs" dominants du

moment27. De sorte qu'en situation de routine, l'agenda journalistique des "problèmes publics"

n'est que l'écho de l'agenda politique en la matière (comme on le voit en France pour les

questions d'insécurité urbaine ou routière)28, et il faut quelques accidents non-intentionnels ou

l'action résolue d'acteurs subalternes pour qu'apparaissent des "scandale" qui voient l'agenda

journalistique s'imposer à l'agenda politique (comme ce fut le cas en France pour le sang

contaminé29).

Par contre, la porosité des médiacultures aux conflits de définition au sein de la sphère

publique semble moins évidente en ce qui concerne les fictions, la publicité ou le

divertissement. Pour établir de telles interactions, il faut en effet disposer d'une théorie des

industries culturelles qui le permette, et il faut bien avouer que sur ce point les recherches

françaises sont particulièrement sous-développées par rapport à l'ensemble de la littérature

anglo-saxonne. De nouveau, on doit ici s'éloigner de la thèse critique dénonçant la dimension

"unidimensionnelle" des industries culturelles et de la culture de masse, une thèse dominante

dont on trouve les traces jusque dans la vulgate de la dénonciation de "l'audimat", ce "dieu

caché qui règne sur les consciences" selon Pierre Bourdieu30. On peut à l'inverse montrer,

ainsi qu'Edgar Morin l'avait fait dès les années 1960, que les industries culturelles, tout

comme la sphère publique, ne sont pas un lieu de pure domination idéologique, mais le site de

tensions dynamiques qui conduisent à la production de représentations où l'hégémonie

conservatrice est nécessairement travaillée par l'ambivalence, l'ambiguïté, voire l'innovation

transgressive31. Il faut comprendre pour cela que les industries culturelles sont les premières

formes historiques de production non institutionnelle de la culture commune (non pas la

culture de tous, mais celle connue de tous). D'abord définies par l'instabilité du marché et la

diversité des publics, c'est dans le cadre d'une véritable économie du risque qu'elles doivent se

développer32. Cela vient du fait que plus le public est grand, et plus il est hétérogène. Plus

l'offre est concurrentielle, et plus les engouements et les modes sont imprévisibles. Plus les 26 Molotch, Lester (1996). 27 Bosk, Hilgartner (1988). 28 Macé (2005). 29 Champagne, Marchetti (1994). 30 Bourdieu (1996), p. 25. 31 Morin (1975). 32 Hesmondhalgh (2002).

12

consommations sont mesurées, et plus les usages sont opaques. Plus la standardisation est

nécessaire, et plus chaque produit demeure un prototype. Plus le volume d'offre est important,

et moins la productivité des "symbolic creators" est planifiable. Plus les rentes des succès

passés sont élevées, et plus la répétition risque de lasser. Plus l'innovation culturelle (ou la

contre-programmation) est un risque commercial, et plus c'est aussi une opportunité de

"jackpot". Cela a pour effet principal un taux d'échec commercial considérable avec, par

exemple en 1998 aux Etats-Unis, seulement 2% des albums musicaux, 3% des films et 20%

des livres considérés comme "rentables"33.

C'est pour cela que les industries culturelles cherchent en permanence à réduire les risques au

moyen de stratégies qui, tout comme le gramscisme par rapport au marxisme, sont "sans

garanties". Il est en ainsi de la spirale inflationniste de "nouveautés", et on comprend mieux

en quoi cette surproduction systématique participe de la nécessaire réduction des risques, à

travers la boutade d'un professionnel du disque expliquant que la meilleure stratégie de

programmation consiste à "balancer la sauce sur le mur et à attendre de voir ce qui reste collé"

("throwing mug against the wall and seing what stiks")34. Par ailleurs, on engage de grandes

manœuvres de concentration verticales et horizontales des groupes de production et de

diffusion. On cherche à réduire l'incertitude liée à ce que chaque nouveau produit-prototype a

d'inconnu (disque, film, série TV), en multipliant les "marques" rassurantes que sont les noms

d'acteurs, de chanteur ou de personnages déjà connus. On créé de nombreux "marchés de

niche" au moyen d'autant de "genres" et de "sous-genres" cinématographiques, télévisuels,

musicaux, avec chacun leurs amateurs, fans, revues et sites et forums web spécialisés. On

élargit le vivier des "symbolic creators" par une concurrence accrue via la disparité de fortune

entre la masse de ceux qui gagnent peu et la minorité de ceux qui décrochent le "gros lot". On

constitue des "geocultural markets" permettant d'élargir la diffusion au-delà des frontières

nationales, et l'étendre à des régions culturelles et linguistiques relativement homogènes, pour

ainsi concurrencer localement et influencer globalement ce qui reste de l'hégémonie de

médiacultures américaines de plus en plus cosmopolisées par Mexico, Sao Paolo, Hong Kong,

Tokyo, Dubaï, Le Caire, et Bollywood.

En dépit de ces stratégies de réduction de l'incertitude, les professionnels des industries

culturelles doivent en permanence faire des arbitrages entre les rentes du conservatisme et les 33 Idem, p. 18. 34 Idem, p. 19.

13

bénéfices de l'innovation, entre l'habituel "less objectionable" destiné au "grand public" et les

stratégies "d'invention" de publics ou de points de vue émergents (insistons cependant sur le

fait que la sociologie de ces professionnels reste à faire en France35). Ils disposent pour cela

de toute une batterie d'aide à la décision que sont les mesures quantitatives (dont "l'audimat")

et les études marketing qualitatives. Mais c'est aussi la connaissance qu'ils ont de la culture

médiatique antérieure et concurrentielle, et surtout l'idée qu'ils se font de ce qui pourrait

"intéresser les gens" qui les conduit à faire en permanence des "paris" quant au succès de tel

ou tel produit en y introduisant (ou en occultant) telle ou telle dimension qui leur semble

stratégiquement efficace ou, en tout cas, significatif du conformisme du moment qu'ils

imaginent être celui d'un "public" lui-même imaginé36. Cette dimension au fond "artisanale"

de la créativité sous contrainte qu'est le travail dans les industries culturelles est bien

évidemment informée, alimentée, cadrée par ce qui constitue à la fois l'environnement et la

matière première de ces professionnels, c'est-à-dire l'état et le niveau d'intensité des "conflits

de définition" qui animent la sphère publique. Nous devons donc considérer les industries

culturelles comme des usines de production, à flots continus, de représentations du monde qui

prennent en compte, d'une manière ou d'une autre, la diversité des publics (c'est-à-dire la

somme d'individus complexes qu'il s'agit "d'intéresser") et la diversité des points de vue tels

qu'ils apparaissent configurés au sein de la sphère publique, en fonction de la capacité des

acteurs à rendre "visible", voire légitimes, leurs définitions des choses et leurs visions du

monde.

C'est parce qu'il en est ainsi qu'on peut considérer les médiacultures comme une forme

particulière d'écho de la manière dont les sociétés se définissent elles-mêmes ou définissent

leurs "problèmes". Cela peut s'observer diachroniquement, et on peut par exemple suivre les

oscillation de la légitimité de la problématique féministe aux Etats-Unis à partir de l'étude de

la manière dont il est "pris en charge" par les fictions télévisuelles. Légitimation de

l'autonomie conjugale et professionnelle des héroïnes dans les années 1970, backlash anti-

féministe dans les années 1980, post-féminisme utopique dans les années 199037, et peut-être

un retour des mises à jour d'un sexisme persistant depuis les années 200038. On pourrait

35 On ne connaît que quelques travaux pionniers qui restes isolés : Pasquier (1995), Chalvon-Demersay, Pasquier (1990). 36 Macé (2003). 37 Dow (1996). 38 C'est semble-t-il le thème d'une série américaine récente diffusée avec succès sur ABC, Desperate housewives ("femmes au foyers désespérées") qui sape l'idéal normatif américain du bonheur domestique et familial en

14

également montrer comment, entre les "reality-shows" des années 1980 en France et les

succès de la "télé-réalité" du type Loft Story, la mise en scène de l'imaginaire populaire est

passée d'une solidarité communautaire face à une même "peur de l'exclusion", aux stratégies

individualiste d'un "training" et d'un "coaching" pour y échapper39. On peut également

observer cette manière d'écho socio-historique des médiacultures de façon synchronique à

travers la juxtaposition ambivalente de propositions contradictoires ou l'ambiguïté du "double

speak"40. Ainsi, dans les programmes de la télévision française, on voit de plus en plus

d'homme dans les publicités pour produits ménagers - mais ils sont incompétents ;

l'homosexualité masculine est de plus en plus prise en compte - mais les lesbiennes sont

toujours aussi invisibles ou disqualifiées ; il y a bien quelques téléfilms édifiants sur

"l'intégration" des personnes liées à l'immigration - mais les quelques non-blancs des

émissions ordinaires restent stéréotypés. De sorte que, au final, cette extrême sensibilité des

médiacultures aux balancements hégémoniques et aux problématisations culturelles au sein de

la sphère publique, permet de considérer le "double médiatique" de chaque société comme un

bon observatoire de la "réalité" de l'état de ses rapports sociaux et de ses conflits culturels41.

Ce que les médiacultures font à la sphère publique

Si les médiacultures sont aussi poreuses que nous le disons aux hégémonies, contre-

hégémonies, tensions, torsions et décalages qui animent la sphère publique, on peut alors

penser, en retour, qu'elles ne comptent pas pour rien dans les transformations des contextes

qui les ont produits. Il est bien évident que la contribution des médiacultures aux changements

socio-historiques ne peut se penser dans les problématiques propagandistes qui ont fait les

beaux jours des théories de la communication et des "paniques morales"42. Une bonne

manière de ne pas réduire ainsi la question est de s'interroger non pas sur ce que les

médiacultures font aux individus, mais sur ce qu'elles "font" à la sphère publique dès lors que

les individus les constituent en ressource culturelle au sein de leur expérience. montrant des femmes que ce régime met à bout. On mesure par là à la fois les effets du backlash antiféministe qui a conduit à re-idéaliser aux Etats-Unis la femme au foyer, et la sensibilité de la télévision aux tensions que cela produit. D'autant plus que le scénariste Marc Cherry est présenté comme un républicain gay ayant eu l'idée de la série après que sa mère lui ai avoué, à propos du reportage sur un infanticide regardé en commun et à la stupeur de son fils, qu'elle aussi avait eu cette tentation : "je me suis dit que si ma mère avait vécu ce genre de moments, chaque femme doit se sentir régulièrement sur le point de péter un câble", cité dans Libération, samedi 5 février 2005. 39 Ehrenberg (1995), Macé (1993, 2003). 40 Burch (2000). 41 Macé (2006). 42 Maigret (2003).

15

Globalisation et acculturation créative

On doit sans doute à Edgar Morin d'avoir développé le premier, dans son livre l'Esprit du

temps, une approche anthropologique de la culture de masse, montrant en quoi elle constituait

dorénavant une ressource culturelle de première importance dans la formation des imaginaires

individuels et collectifs43. Contrairement aux travaux nord-américains qui se focalisaient sur

les questions "d'influence" et de "d'effets" (et, plus tard, sur le seul moment de la

"réception"44), Edgar Morin a cherché à comprendre en quoi la culture de masse participait

des grands changements socioculturels qui marquaient, au milieu du 20e siècle, le passage des

sociétés industrielles aux sociétés post-industrielles45. A travers un syncrétisme culturel qui

débordait les frontière classique de classe, d'âge et de genre, la culture de masse proposait

ainsi à flot continu un nouvel "idéal du moi" à travers le mythe du "bonheur individuel". Une

idée alors transgressive de bonheur qui en appelait à l'autonomie individuelle, en particulier

celle des femmes et des jeunes, au sein d'une société moderne encore très fortement organisée

autour des statuts sociaux de classe et de "race" et des rôles sociaux de genre et d'âge. Et c'est

sans doute cette sape infrapolitique du modèle d'autorité patriarcal par ces figures de femmes

fictionnelles affranchies et de jeunes musiciens chevelus, qui a constitué le terreau subjectif

du radicalisme politique émancipateur des mouvements politiques et contre-culturels des

années 196046. Dans le contexte latino-américain, Jésus Martin-Barbero a bien montré

comment la culture de masse a constitué la matrice de l'acculturation des milieux populaires à

la modernité, et le vecteur de leur participation active à la formation de la "communauté

imaginée" des Nations de ce continent47. Et ceci par un double mouvement : d'un côté par la

"transformation de l'idée politique de nation en vécu, sentiment et quotidienneté"48 ; d'un autre

côté par la prise en charge, par les médias de masse, des préoccupations des groupes sociaux

subalternes "qui se trouvaient exclues du discours de la culture, de l'éducation et de la

politique"49. Les travaux ne manquent pas qui montrent comment, notamment au Brésil, la

sphère publique n'est pas pensable sans prendre en compte la manière dont les telenovelas, qui

rythment la vie collective des quartiers les plus huppés aux favelas hérissées d'antennes 43 Morin (1975). 44 Dayan (1992). 45 Pour une présentation détaillée, voir Macé (2001). 46 Morin, Macé (2005). 47 Martin-Barbero (2002). 48 Idem, p. 155. 49 Idem, p. 196.

16

paraboliques, configurent les divers "problèmes" historiques, culturels sociaux ou de mœurs

qui travaillent la société et les subjectivités brésilienne50. Ce n'est donc pas étonnant si,

comme le souligne Arjun Appadurai, la plupart des études anthropologiques portant sur le

travail de l'imagination dans un contexte de transnationalisation culturelle avancé ne peuvent

que mettre en évidence les processus d'acculturation réciproque et de transformation des

contours de la sphère publique, moins "par le haut" (les institutions et le système politique)

que "par le bas" (les médiacultures) : "l'imagination est devenue un champ organisé de

pratiques sociales, une forme de travail et une forme de négociation entre des sites d'actants

(les individus) et des champs globalement définis de possibles"51. Il ne s'agit pas en effet de

déplorer une éventuelle homogénéisation culturelle au prétexte de la "globalisation". Bien au

contraire, toute culture locale est le produit d'une acculturation entre une culture située

("ethnoscapes") et ses formes propres de traduction des apports culturels et de ce "répertoire

complexe" qu'offrent les médiacultures ("mediascapes"). De sorte, comme le souligne Nick

Couldry, que le principal effet de la globalisation est moins l'homogénéisation culturelle que

"l'homogénéisation des manières d'exprimer ses différences"52. Et cela est vrai jusque pour le

terrorisme dit "islamiste", qui sait parfaitement utiliser les techniques et les stratégies de

communication les plus modernes pour faire valoir, au sein de la sphère publique

transnationale, un point de vue religieux lui-même anti-traditionnel et complètement

acculturé à la modernité : le monde entier s'en est aperçu le 11 septembre 2001 avec la

performance technique et visuelle des attentats sur New York53.

Sur les fronts de l'acculturation transnationalisée

Il n'est sans doute pas de meilleur observatoire des interactions des médiacultures avec les

contours de la sphère publique que les situations de forte acculturation. Outre les nombreuses

études de cas mentionnées par Appadurai dans la littérature anglo-saxonne (sur la nostalgie

paradoxale des chansons américaines des années 1950 aux Philippines ou sur la

"décolonisation" du cricket britannique via son traitement par la culture de masse en Inde) ou

certaines études relatives à la pop culture japonaise (à la fois comme produit de l'acculturation

occidentale et comme source d'acculturation de l'Occident)54, on retiendra, à titre

50 Martin-Barbero (2000), Peralva (2001). 51 Appadurai (2001), p. 66. 52 Couldry (2000), p. 98. 53 Göle (2001). 54 Gomarasca (2002).

17

d'illustrations significatives, deux études sociologiques françaises : l'hispanisme au Etats-Unis

et l'islamisme en Turquie.

Aux Etats-Unis, Leïla Ben Amor a montré comment un ensemble d'intérêts administratifs,

économiques et politiques ont conduit à l'invention d'une "communauté hispanique" à travers

la création de chaînes de télévisions hispanophones55. Le terme "hispanique" n'a pas de sens

"ethnique" puisqu'il recouvre des populations (plus ou moins) hispanophones résidents aux

Etats-Unis et qui sont extrêmement diversifiées dans leurs origines nationales et ethniques

(métis mexicains, blancs argentins, indiens guatémaltèques), comme dans leurs statuts

civiques (citoyens comme les Porto-Ricains ou fraîchement immigrés comme les clandestins

mexicains). Or cette "communauté hispanique" en est venue à se revendiquer comme "réelle"

par les hispanophones à la suite d'une double stratégie "d'institution" de cette communauté.

D'un côté, la volonté de l'Etat fédéral de transformer une somme de susceptibilités et de

particularismes nationaux d'immigrants en une minorité culturelle et politique ("pan-

ethnique") proprement américaine, à travers la catégorie "hispanique" proposée lors des

recensements. Si cette catégorie n'est pas spontanément considérée comme pertinente par les

personnes concernées, il leur est rapidement apparu qu'elle pouvait être une ressource

considérable au sein du jeu politique américain. D'un autre côté, cette "communauté

hispanique" constitue l'objet du désir d'industries culturelles (d'abord mexicaines, puis, succès

aidant, à capitaux "anglos") qui voient là l'occasion de transformer des "segments" de marché

résiduels (les minorités immigrantes) en une "cible" publicitaire d'autant plus intéressante

qu'elle est en croissance démographique, jeune, et en mobilité sociale ascendante à mesure

qu'elle "s'américanise" et, réciproquement, qu'elle "hispanise" (en un spectaculaire

retournement historique) les Etats du sud anciennement mexicains. C'est en effet la nécessité

économique de "production des consommateurs" qui conduit à la production d'un "public"

hispanique porteur d'une "opinion publique" et d'une "hispanicité" reconfigurant, dans une

certaine mesure, la sphère publique médiatique et politique des Etats-Unis dans leur

ensemble. Les dirigeants de ces télévisions sont en effet conscients de mettre en œuvre une

véritable stratégie d'acculturation, c'est-à-dire de production d'une identité hispano-américaine

totalement originale faite à la fois de références culturelles "communautaires" et d'injonction à

la "modernisation" individualiste. Car cette "hispanicité" n'est pas seulement identitaire et

consumériste, elle est aussi très largement politique en raison de l'expérience toujours très

55 Ben Amor-Mathieu (2000).

18

ancrée qu'ont les "hispaniques" des rapports de domination symboliques, sociaux et

géopolitiques dans leur relation aux Etats-Unis et à une société américaine très largement

inégalitaire et raciste. De sorte que les journalistes des télévision hispaniques sont en mesure

de faire valoir le "besoin d'information" de leurs publics et la dimension "service public" de

leurs reportages et de leurs émissions de débat, contribuant ainsi très largement à développer

un "point de vue" sur l'actualité beaucoup plus critique, international et problématisant que la

plupart des réseaux "anglos", au point que les télévisions hispaniques sont dorénavant un

passage obligé des campagnes électorales américaines. Les télévisions hispaniques auront

ainsi assuré le "passage d'une vision américaine de l'Amérique hispanique à une vision

hispanique de l'Amérique américaine"56. On a ici une belle illustration de la paradoxale

reconfiguration critique d'une sphère publique nationale à partir de la réappropriation

collective, par des groupes sociaux subalternes, de stratégies institutionnelles et commerciales

"d'invention d'une communauté".

Sur un autre "front" de l'acculturation, Nilüfer Göle a montré comment c'est par les

médiacultures et la consommation que l'islamisme turc participe d'une acculturation

réciproque de l'islamisme à la post-modernité individualiste et de la Turquie laïciste à une

démocratisation post-kémaliste57. Les espaces publics en Turquie tout comme la sphère

publique kémaliste n'étaient pas des espaces définis par les libertés individuelles et la

publicité des débats et des identités, mais par l'imposition d'un modèle modernisateur tendant

à éradiquer toute manifestation particulariste, et dont la figure de la femme "moderne" (anti-

traditionnelle et laïque) était le signe le plus marquant. Or la libéralisation du régime politique

et des médias au début des années 1980 a vu la formation et l'expression d'une "société civile"

diversifiée, et en particulier le développement d'un mouvement islamiste parmi les jeunes des

classes moyennes les plus diplômés. Cette société civile islamisque a contribué à la

reconfiguration profonde de la sphère publique turque dans ses dimensions à la fois urbaines

et médiatiques. D'un côté à travers la multiplication des formes de consommation

"islamiques" de biens et de loisirs (littérature, cinéma, musique, journaux, mode, hôtels et

restaurants), ainsi qu'à travers la revendication du port du foulard islamique à l'université et

dans les lieux publics. Cette affirmation de la "différence" renvoie autant à des catégories

esthétiques que religieuses ou politiques. Tandis que, à la manière des noirs américains, il est

ainsi affirmé que "islam is beautiful", c'est, au-delà, toute une partie de la Turquie 56 Idem, p. 9. 57 Göle (1997).

19

musulmane, orientale et ottomane éradiquée par le kémalisme qui est ainsi réinvestie, jusqu'à

ouvrir de nouveau espaces dans l'imaginaire national turc aux minorités arméniennes et

kurdes qui avaient été liquidées ou réprimées par le nationalisme républicain. D'un autre côté,

la sphère publique turque est également reconfigurée à travers la création de chaînes de

télévision islamiques où les femmes journalistes et présentatrices, avec ou sans foulards,

redéfinissent de façon spectaculaire la question de la "visibilité" publique des femmes

(musulmanes). C'est bien cette question des femmes et de leur "représentation" qui est au

cœur de la sphère publique turc post-autoritaire, mais en des termes non "traditionnels"

puisque ce sont des femmes islamistes actives et diplômées, c'est-à-dire engagées dans la

sphère publique qui animent la controverse. De sorte que chaque augmentation de la visibilité

des femmes islamistes conduit à de nouveaux débats publics et médiatiques non seulement

entre islamistes et laïcistes, mais au sein des islamistes eux-mêmes, constituant ainsi "un

enjeu permanent de débat et de séparation entre les différentes conceptions islamiques de la

sphère publique selon les positions idéologiques des divers courants islamistes" et contribuant

à l'apparition d'une "conscience de soi hybride à la fois islamique et féministe"58. Plus

généralement, on peut penser que le processus d'intégration de la Turquie à l'Union

Européenne constitue un des principaux "fronts" contemporains d'observation des frictions

politiques et symboliques dans la sphère publique, que ce soit dans les controverses traitées

par le journalisme ou dans les représentations fictionnelles, à propos notamment des "crimes

d'honneurs" patriarcaux et des identités de genre, de l'identité nationale et des minorités ou

des enjeux de l'acculturation "par le bas" liés à l'émigration et aux médiacultures. Des enjeux

d'ailleurs vraisemblablement très proches de ceux des sociétés maghrébines (en dépit d'un

contexte beaucoup moins démocratique et institutionnellement plus sexiste), qui connaissent

une forte acculturation migrante et médiatique post-coloniale, ainsi qu'on a pu l'observer à

l'occasion de la réception de l'émission française de "télé-réalité" Loft Story59.

Une queerisation réciproque de la sphère publique et des médiacultures ?

Les effets d'acculturation ne sont pas réservés aux populations et aux cultures extra-

européennes, et la question des rapports sociaux et des identités de genre me semble une de

celle qui est la plus "travaillée" simultanément dans la sphère publique et par les

médiacultures. On sait que les mouvements culturels gays et lesbiens ont bataillé ferme pour 58 Idem, p. 113. 59 Voir les articles de Lofti Madani, Riadh Ferjani et Younès Alami dans Lochard, Soulez (2003).

20

lutter contre les discriminations, les injures et les stéréotypes en "dénormalisant"

l'homophobie. Et ceci non seulement, à la manière radicale d'Act up, en "forçant" à modifier

les regards portés sur le sida et les malades homosexuels, mais aussi en agissant sur le terrain

de la loi concernant la conjugalité et la parentalité, ou encore en constituant des espaces (bars

et quartiers) et les événements (la "gay pride") urbains d'une "culture gay" étendant son

influence dans les domaines de la mode masculine et, plus généralement, sur les

représentations publicitaires du corps masculin. En ce sens, les mouvements gays et lesbiens

ont agi, tout comme auparavant les mouvements féministes, en "contre-publics subalternes",

contribuant de la sorte à animer conflictuellement la sphère publique et à promouvoir de

nouvelles figures et de nouvelles thématiques dont les médiacultures puissent, sans trop de

risques, se saisir. Certes, l'homophobie semble toujours solidement ancrée dans les

représentations (hétéro)sexistes hégémoniques (à la fois dans les pratiques, les discours et les

représentations médiatiques ordinaires), et on connaît les effets de "backlash" dont le

mouvement gay et lesbien, tout comme le féminisme depuis les années 1980, pourrait être la

cible60. Mais on peut tout de même s'interroger sur les formes d'acculturation à la relativité et

à la diversité des identités de genre que semble favoriser une certaine tendance à la

banalisation (voire au "glamour") de l'homosexualité , de la bisexualité et du transgenre dans

les médiacultures61. Qu'ils soient ou pas explicitement "queer", les exemples ne manquent pas

de fictions ou de personnages médiaculturels qui banalisent les déplacements et les diversités

de genre. C'est vrai, par exemple, pour les fictions télévisuelles anglo-saxonnes récentes

diffusées en France comme Princesse Xena, Absolutely Fabulous, Queer as folk, Ally Mc

Beal, Friends, Sex in the city62. C'est vrai aussi pour certaines séries policières françaises et

pour des émissions comme C'est mon choix ou Loft story. Il faudrait ainsi observer de quelle

manière cette (relative) banalisation dans les médiacultures contribue à légitimer, au-delà

d'une tolérance libérale indifférente, l'expression, dans la sphère publique, de points de vue

queer et de revendications anti-discriminations plus nombreuses. De sorte, en toute hypothèse,

que ce serait moins l'homosexualité que l'hétérosexualité qui deviendrait un "douloureux

problème"63, et que l'indifférenciation légale à propos des pratiques sexuelles ne produirait

plus que de marginales "sex panics" au sein de la sphère publique64.

60 Warner (1999). 61 Gauntlett (2002). 62 Pour une vue d'ensemble anglophone de la question queer dans les séries, voir Miller (2002). 63 Michel Feher cité par Eric Fassin dans sa préface à Butler (2005), p. 18. 64 Bourcier (2005).

21

En saisissant ainsi la sphère publique comme une arène symbolique et les médiacultures

comme une scène et une ressource culturelle de type anthropologique, on devrait parvenir à

rompre définitivement avec la maladie infantile de toute étude sur les médias qu'est le

médiacentrisme. Cependant, tout comme le vaste chantier sociologique des industries

culturelles et de leurs professionnels reste à investir, le dépassement des études de réception et

des publics par celles des mouvements culturels et des "conflits de définition", à l'échelle des

subjectivités comme à celle de la sphère publique, reste à faire.

22

Références

Adorno, Theodor. Horkheimer, Max. La dialectique de la raison, Gallimard, Paris, 1974.

Appadurai, Arjun. Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation,

Payot, Paris, 2001.

Barbot, Janine. Les malades en mouvement. La médecine et la science à l'épreuve du sida,

Balland, Paris, 2002.

Beck, Ulrich. "The reinvention of politics : towards a theory of reflexive modernization", in

Reflexive modernization, Stanford University Press, Stanford, 1994.

Beck, Ulrich. La société du risque. Sur la voie d'une autre modernité, Aubier, Paris, 2001.

Becker, Howard. "Telling about society", dans Propos sur l'art, L'Harmattan, Paris, 1999.

Ben Amor-Mathieu, Leïla. Les télévisions hispaniques aux Etats-Unis. L'invention d'une

communauté, CNRS éditions, Paris, 2000.

Bosk, Charles L. Hilgartner, Stephen. "The rise and the fall of social problems : a public arena

model", American Journal of Sociology, 94, 1, 1988.

Bourcier, Marie-Hélène. Sexpolitiques. Queer zones 2, La Fabrique, Paris, 2005.

Bourdieu, Pierre. Sur la télévision, Liber, Paris, 1996.

Burch, Noël. "Double speak. De l'ambiguïté tendancielle du cinéma hollywoodien", Réseaux,

n° 99, 2000.

Butler, Judith. Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, La Découverte,

Paris, 2005.

Callon, Michel. Lascoumes, Pierre. Barthes, Yannick. Agir dans un monde incertain. Essai

sur la démocratie technique, Seuil, Paris, 2001.

Cefaï, Daniel. "La construction des problèmes publics. Définition de situations dans des

arènes publiques", Réseaux, n° 75, 1996.

Chalvon-Demersay, Sabine. Pasquier, Dominique. Drôles de stars. La télévision des

animateurs, Aubier, Paris, 1990.

Champagne, Patrick. Marchetti, Dominique. "L'information médicale sous contrainte. A

propos du scandale du sang contaminé", Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°

101/102, 1994.

Couldry, Nick. Inside culture. Re-imagining the method of cultural studies, Sage, London,

2000.

23

Dayan, Daniel. "Les mystères de la réception", Le Débat, n°71, 1992.

Derville, Grégory. "Le combat singulier Greenpeace - SIRPA. La compétition pour l'accès

aux médias lors de la reprise des essais nucléaires français", Revue française de science

politique, vol. 47, n°5, 1997.

Dow, Bonnie J. Prime time feminism. Television, media culture, and the women's movement

since 1970, University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 1996.

Ehrenberg, Alain. L'individu incertain, Calmann-Lévy, Paris, 1995.

Ferguson, Marjorie. Golding, Peter (ed.). Cultural Studies in question, SAGE, London, 1997.

Ferry, Jean-Marc. "Les transformations de la Publicité politique", Hermès, n° 4, 1989.

Foucault, Michel. Histoire de la sexualité. La volonté de savoir, Gallimard, Paris, 1976.

Fraser, Nancy. "Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie

telle qu'elle existe réellement", Hermès, n° 31, 2001.

Gauntlett, David. Media, gender and identity, Routledge, London, 2002.

Göle, Nilüfer. "L’instantané terroriste", Confluences Méditerranée, n°40, 2001.

Göle, Nilüfer. "The gendered nature of the public sphere", Public Culture, 10(1), 1997.

Gomarasca, Alessandro (dir.). Poupées, robots. La culture pop japonaise, Autrement, Paris,

2002.

Habermas, Jürgen. Droit et démocratie. Entre faits et normes, Gallimard, Paris, 1997.

Habermas, Jürgen. La sphère publique. Archéologie de la publicité comme dimension

constitutive de la société bourgeoise, Payot, Paris, 1993.

Hall, Stuart. "The problem of ideology : marxism without guarantees", dans Morley, David.

Chen, Kuan-Hsing (dir.). Stuart Hall, critical dialogues in cultural studies, Routledge,

London, 1996.

Hesmondhalgh, David. The cultural industries, SAGE, London, 2002.

Lahire, Bernard. La culture des individus. Dissonnance culturelle et distinction de soi, La

Découverte, Paris, 2004.

Lochard, Guy. Soulez, Guillaume. "La télé-réalité, un débat mondial. Les métamorphoses de

Big Brother", Médiamorphoses, Hors-série, 2003.

Macé, Eric. "Eléments d'une sociologie contemporaine de la culture de masse. A partir d'une

relecture de l'Esprit du temps d'Edgar Morin", Hermès, n° 31, 2001.

Macé, Eric. "La télévision du pauvre. Sociologie du public participant", Hermès, n° 11-12,

1993.

Macé, Eric. "Le conformisme provisoire de la programmation télévisuelle", Hermès, n° 37,

2003.

24

Macé, Eric. "Les faits divers de violence urbaine : effets d'agenda et de cadrage

journalistique", Les Cahiers du journalisme, n° 14, 2005.

Macé, Eric. "Loft Story : un 'Big Brother' à la française ", Médiamorphoses, Hors-série Télé-

réalité, 2003.

Macé, Eric. "Qu'est-ce qu'une sociologie de la télévision ? Esquisse d'une théorie des rapports

sociaux médiatisés", Réseaux, n° 104, 2000 et n° 105, 2001.

Macé, Eric. La société et son double. Classes, races et genres dans l'imaginaire national

télévisuel, Armand Colin, Paris, 2006.

Macé, Eric. Guénif-Souilamas, Nacira. Les féministes et le garçon arabe, éditions de l'aube,

Paris, 2004.

Maigret, Eric. Sociologie de la communication et des médias, Armand Colin, Paris, 2003.

Marcuse, Herbert. L'homme unidimensionnel, Minuit, Paris 1964.

Martin-Barbero, Jésus. "Décentrage culturel et palimpsestes d'identités", Hermès, n° 28, 2000.

Martin-Barbero, Jésus. Des médias aux médiations. Communication, culture et hégémonie,

Paris, CNRS Editions, 2002.

Martuccelli, Danilo. Sociologies de la modernité. L'itinéraire du XXe siècle, Gallimard, Paris,

1999.

Miller, Toby (ed.). Television studies, British Film Institute, London, 2002.

Molotch, Harvey. Lester, Marilyn. "Informer : une stratégie délibérée de l'usage stratégique

des événements", Réseaux, n° 75, 1996.

Morin, Edgar. L'Esprit du temps, t. 1, Nevrose, Grasset, Paris, 1975.

Morin, Edgar. Macé, Eric. "La culture de masse : le choc des années 1950 et 1960",

Médiamorphoses, n° 13, 2005.

Morley, David. Chen, Kuan-Hsing (ed.), Stuart Hall : Critical dialogues in Cultural Studies,

London, Routledge, 1996.

Muller, Pierre. Les politiques publiques, PUF, Paris, 2003.

Pasquier, Dominique. Les scénaristes et la télévision, Nathan, Paris, 1995.

Touraine, Alain. La voix et le regard, Seuil, Paris, 1978.

Warner, Michael. Publics and counterpublics, Zone books, New York, 2002.

Warner, Michael. The trouble with normal. Sex, politics, and the ethics of queer life, Harvard

University Press, Cambridge, 1999.

Williams, Linda. Porn Studies, Duke University Press, Durham, 2004.