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Anvie – 14, rue de Liège, 75009 Paris 01 42 86 68 80 – www.anvie.fr Relations intergénérationnelles, nouvelle source d’innovation managériale Mixité intergénérationnelle au travail : comment faire quand l’expérience n’est pas la compétence ? Compte rendu – Première séance

Mixité intergénérationnelle au travail : Comment faire quand l’expérience n’est pas la compétence ?

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Anvie – 14, rue de Liège, 75009 Paris

01 42 86 68 80 – www.anvie.fr

Relations intergénérationnelles,

nouvelle source d’innovation

managériale

Mixité intergénérationnelle au travail : comment faire

quand l’expérience n’est pas la compétence ?

Compte rendu – Première séance

Apparition de nouveaux métiers, obsolescence de familles entières de compétences, fin du monopole

de l‘expertise pour les anciens, organisation du travail collaboratif qui remet en question

l’autorité hiérarchique et la bureaucratie, allongement de la vie professionnelle, départs à la retraite

massifs exigeant le recrutement et l’intégration de nouveaux arrivants : la conjonction de ces différentes

évolutions transforme les relations dans l’entreprise et requiert de la part des équipes RH et managériales

de sérieuses capacités d’innovation.

Dès lors, comment répondre aux nouveaux enjeux de recrutement, de carrière, de rémunération, de

formation ? Quels modes de management pour favoriser la collaboration ? Dans quelle direction innover

et sur quelles bases renouveler le contrat social dans l’entreprise ?

Animateur scientifique

Eric-Jean GARCIA, Professeur affilié, Sciences Po Paris, directeur de l’Executive Master Trajectoires

dirigeants, maître de conférences en stratégie et politique des ressources humaines

Intervenants

Jean-Luc BERARD, DRH Groupe, Safran

Olivier CARLAT, Directeur du développement social et des relations du travail, Veolia Environnement

Sakura SHIMADA, enseignant-chercheur, maître de conférences en sciences de gestion, Cnam

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Introduction

Eric-Jean Garcia

Dans La cohabitation des générations, Josée

Garceau s’interroge précisément sur cette

cohabitation, en se demandant s’il s’agit d’une

construction sociale ou d’un fait objectif. Force

est de constater que cette

question fait l’objet, souvent, de

profondes généralisations, sans

fondement scientifique… alors

même que les ouvrages sont

légion !

Surtout, force est de constater que les « bornes »

de chaque génération changent selon les

analyses. Mazars par exemple a interrogé 3 000

de ses collaborateurs, tous appartenant à la

génération Y. Pour eux, un leader c’est, avant

tout, un nice type, proche du gentil organisateur

du Club Med. Si l’on pose la même question à

des étudiants suivant les enseignements du

master GRH de Sciences Po, on constate qu’ils

espèrent avant tout un… manager pionnier. Ces

résultats sont donc très largement contre-

intuitifs…

Ainsi, ce que l’on essaie d’affirmer à propos de

la cohabitation générationnelle n’obéit à

aucune généralisation. Ulrich Beck explique très

bien que l’on change de monde, vers plus de

cosmopolitisme, où les généralisations

deviennent de moins en moins possibles. Ce

constat vaut naturellement pour la

problématique intergénérationnelle, si

problématique il y a.

Lorsque l’on parle de générations,

il faut avoir à l’esprit que l’on va

vers davantage de fragmentation

que de généralisation.

L’individualisme, la mass

customization, le grégarisme

généré à travers les communautés virtuelles,

l’explosion des micro-cultures conduisent assez

logiquement à cette fragmentation.

Les tentations de généralisation, sur les

générations, vont à l’opposé de tendances de

fond qui, de surcroît, sont mondiales. On peut

par exemple avancer, sans prendre trop de

risques, qu’un étudiant français de Centrale a

plus de points communs avec un étudiant

américain ou chinois de Harvard… qu’avec un

jeune Français de son âge, non-diplômé et

vivant dans un quartier défavorisé de la banlieue

parisienne. Dans un tel contexte, c’est

probablement moins aux jeunes entrant sur le

marché du travail de s’adapter à l’entreprise…

que l’entreprise de s’adapter aux jeunes.

.

Eric-Jean Garcia

est professeur affilié, maître de

conférences RH et directeur

de l’Executive Master

« Trajectoires Dirigeants »

à Sciences Po Paris.

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Du contrat de génération au débat sur le

management intergénérationnel : Veolia

Olivier Carlat

C’est à l’occasion des négociations sur le contrat de génération que Veolia a

choisi d’aborder de manière radicalement nouvelle la problématique des

âges en son sein : un véritable management intergénérationnel a pu être mis

en place, l’objectif étant de parvenir à l’accès et au maintien dans l’emploi

de tous, hors de toute logique d’âge.

Eléments de contexte

Veolia est présent dans 77 pays (80% des salariés

sont présents dans 15 pays), sur tous les

continents. 88% des 174 000 salariés sont des non-

cadres – les politiques sociales, de

formation, etc. sont sans surprise

très largement tournées vers cette

population. 91% des salariés

bénéficient d’un CDI :

l’engagement de l’entreprise vis-à-vis de ses

salariés s’inscrit dans la durée, parfois dans le

cadre d’une carrière complète. De fait, plusieurs

générations cohabitent les unes avec les autres.

20% des salariés sont des femmes (9% dans les

catégories Ouvrier, 25% parmi les managers). La

moyenne d’âge, en France, s’établit à 46 ans.

Les effectifs sont légèrement plus jeunes dans

l’activité Propreté, et légèrement plus âgés dans

l’activité Eau. La pyramide des âges est

relativement équilibrée.

Les négociations sur le contrat de génération,

base d’une nouvelle approche de la

problématique intergénérationnelle

Le Groupe a lancé des négociations sur le

contrat de génération dans la deuxième moitié

de l’année 2013, alors que le Groupe était en

pleine transformation : Veolia menait alors une

grande campagne de désengagement

stratégique, en se séparant de ses activités de

transports et d’énergie. Cette campagne a

modifié la présence de Veolia dans le monde, a

réduit ses effectifs globaux, a directement

impacté l’organisation, et, de façon générale, et

a profondément modifié son business model.

Lorsque les négociations sur le contrat de

génération sont lancées, le contexte national est

caractérisé par un fort taux de chômage des

jeunes, un faible taux d’occupation des seniors,

et une réelle attention portée à la

question de la transmission des

compétences.

Ces préoccupations, d’ordre

national, transparaissaient très

largement dans la vision qu’avaient les

partenaires sociaux de la problématique

intergénérationnelle, largement teintée de

stéréotypes. Il apparaissait ainsi, pour les

partenaires sociaux de Veolia, que la formation

et les compétences des jeunes risquaient de

n’être pas adaptées aux besoins de demain des

entreprises. En ce qui concerne le maintien dans

l’emploi des seniors, ils craignaient une certaine

obsolescence des compétences, des difficultés

d’adaptation aux évolutions des métiers

(utilisation des systèmes de géolocalisation par

exemple). Les partenaires sociaux craignaient

en outre une perte de savoirs liée aux futurs plans

de départs volontaires et aux départs liés à la

pénibilité.

A noter que les partenaires sociaux

négociateurs sont, majoritairement, des non-

cadres, âgés de 50 ans environ, présents depuis

longtemps dans l’entreprise, ce qui, pour partie,

explique leur vision lors du lancement des

négociations.

En ce qui concerne enfin la transmission des

savoirs, les anciens étaient clairement vus

comme les sachants ; ce sont eux qui, d’ailleurs,

Olivier Carlat est Directeur du

développement social

et des relations du travail

chez Veolia Environnement.

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jouaient le rôle de tuteurs et de référents. Enfin, ils

pouvaient avoir une vision stéréotypée sur les

comportements et les savoir-être de la jeune

génération.

D’une politique générationnelle à une véritable

politique d’emploi

Malgré ces constats liminaires, les négociations

ont très rapidement « évacué » la question des

générations : il ne s’est plus agi d’évoquer

l’embauche des jeunes, mais la politique

d’emploi, donc d’ouvrir un débat beaucoup

plus large où la question du maintien de l’emploi

des seniors a pu être évoquée… comme celle du

parcours professionnel. La question de la

pénibilité a aussi été précisée, au profit d’une

discussion sur les conditions de travail de tous les

salariés – et en particulier des jeunes –

permettant de ne pas réduire la pénibilité aux

seuls seniors. La formation et la transformation

des métiers ont pu être évoquées également, en

passant d’une vision générationnelle initiale à

une approche centrée sur l’organisation du

travail et sur la polyvalence. La mixité dans

l’emploi également a été abordée sous un angle

différent, dépassant très clairement la notion de

génération : l’objectif a été de faire en sorte que

tous les métiers (y compris les métiers

traditionnellement masculins, ceux de la collecte

et du tri des déchets par exemple) soient

accessibles aux femmes et aux hommes, sans

logique d’âge. Enfin, à propos de la transmission

des valeurs, les organisations syndicales ont

reconnu que les tuteurs n’étaient pas forcément

les plus anciens – on rompt donc avec le

« dogme » dans lequel l’expérience est

synonyme de compétences.

L’accord conclu (signé par trois organisations

syndicales sur quatre) favorise donc directement

les logiques intergénérationnelles, partant du

constat que l’intergénérationnel est un vecteur

de performance pour l’entreprise, et que

l’ensemble des générations doit apporter ses

compétences dans l’entreprise.

Ainsi, le dialogue social et le débat sur le contrat

de génération ont été le déclencheur d’une

réflexion plus large sur les politiques sociales et les

générations, et les stéréotypes que l’on pose

traditionnellement sur ces dernières. Cet accord

est donc également conçu pour générer un

débat et lutter contre les préjugés et les

stéréotypes.

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Quand les relations intergénérationnelles

ne sont pas un problème : Safran

Jean-Luc Bérard

Face à des défis aussi nombreux que majeurs, qui impactent directement le

mode de fonctionnement de l’entreprise et son modèle économique, Safran

refuse d’opposer les générations les unes aux autres : compétence, expertise,

dynamisme, capacité à changer… n’ont en effet aucun lien avec l’âge des

individus.

Eléments de contexte

Né en 1905, Safran est un Groupe spécialisé dans

la production de pièces destinées à des

systèmes de défense, dans la

sécurité (systèmes d’identification

et de reconnaissance des

individus) et, surtout, dans la

production et la maintenance de

pièces destinées à l’aéronautique : moteurs,

commandes de vol, trains d’atterrissage, etc.

Safran est de fait un fournisseur de rang 1 et a

deux principaux clients : Boeing et Airbus. En

coopération avec GE, Safran maîtrise 75% du

marché mondial de la propulsion aéronautique.

Entreprise en forte croissance, Safran réalise un

chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros et

emploie 72 000 personnes environ, dans le

monde entier (40 000 en France, 13 000 aux

Etats-Unis et au Mexique, 3 000 au Maroc et 8 000

dans une soixantaine d’autres pays). Son carnet

de commandes est plein pour les dix années à

venir, en raison de l’excellente santé – et des

perspectives très prometteuses – du marché du

transport aérien. L’activité est néanmoins très

cyclique, ce qui impacte directement la

politique de recrutement. Depuis six ans, Safran

a recruté… 48 000 personnes, la moitié en

France.

Safran a ceci de particulier de conserver

quasiment toute la « matière grise » en France,

où tous les bureaux d’études sont localisés. La

moitié des effectifs français, de facto, est

composée de cadres (il s’agit principalement

d’ingénieurs), une proportion qui ne se rencontre

nulle part ailleurs dans le monde. Parmi ces

ingénieurs, Safran recrute environ 25% de

femmes, une proportion supérieure à celle de

jeunes femmes présentes dans les

écoles d’ingénieurs. Les efforts en

faveur de la mixité sont donc

réels.

La problématique

intergénérationnelle, un non-sujet ?

La pyramide des âges de l’entreprise en France

est en forme de sablier : part significative de plus

de 50 ans, peu de quadras, de nombreux moins

de 35 ans. 15 000 collaborateurs de plus de 50

ans vont quitter l’entreprise dans les dix années à

venir ; la « relève » direct va donc être pour

partie absente… mais sera extrêmement

importante ensuite.

Par ailleurs, Safran se trouve face à une question

majeure : la transformation des modes de

fonctionnement de l’entreprise, qui est une

entreprise industrielle, face à l’arrivée et

l’inévitable généralisation des outils numériques,

d’une part, et à l’arrivée de nouveaux acteurs

sur des marchés qui, a priori, apparaissaient

comme réservés, d’autre part. A titre d’exemple,

un contrat d’approvisionnement en eau, à

Malte, a été remporté par… IBM ! Si l’on en

revient à Safran, on peut par exemple imaginer

que les compagnies aériennes choisissent, grâce

à de nouveaux procédés de fabrication pour

lesquels les premiers essais se révèlent

prometteurs, de faire fabriquer des pièces

directement dans leurs escales, sans « passer »

par Safran. Que doit faire l’entreprise dans ce

Jean-Luc Bérard est

le Directeur des ressources

humaines Groupe de Safran.

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cas précis ? Comment faire pour conserver le

marché des pièces de remplacement, d’où

vient l’essentiel de la marge de l’entreprise ? Les

technologies numériques, donc, vont

profondément modifier le business model de

l’entreprise et, au-delà, la façon dont Safran

conçoit son activité. A titre d’exemple, Safran

doit-il ouvrir ses bases de données (sur l’utilisation

de ses produits par exemple) à des tiers pour

concevoir et proposer de nouvelles offres, nouer

des partenariats ?...

De façon générale donc, la révolution

numérique va avoir un impact considérable sur

l’activité, les métiers, les implantations, la

politique de formation… de l’entreprise.

Face à ces défis, Safran refuse d’opposer les

générations aux caractéristiques prétendument

fort différentes. A titre d’exemple, les projets de

transformation ne doivent pas être forcément

confiés aux jeunes, la gestion de l’expertise aux

seniors… Il n’y a donc pas de différentes de

traitement et d’approche selon les générations.

L’exemple de l’introduction récente de

technologies numériques dans les ateliers de

production en atteste : il n’est pas du tout

apparu que les jeunes étaient plus à l’aise avec

celles-ci… De fait, Safran mixe les générations

dans les formations dispensées sur son tout

nouveau campus en région parisienne, quelle

qu’en soit la nature. Il n’y a donc aucune

difficulté générationnelle liée au métier, à

l’ancienneté… à l’activité chez Safran. Cette

absence de difficulté se constate également au

niveau managérial : il n’y a aucun problème de

« cohabitation » ou d’incompréhension entre les

générations.

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Le poids des cultures dans la transmission

intergénérationnelle : une comparaison

entre la France et le Japon

Sakura Shimada

Le contexte et, au-delà, les cultures ont un rôle central sur la manière dont la

transmission entre générations est mise en œuvre. Un regard croisé sur la

France et le Japon atteste parfaitement de ce phénomène.

Le besoin d’une approche contextuelle

Il faut rappeler tout d’abord que la génération

est à la fois un concept multidimensionnel (âge,

sociologie, carrière…), un ensemble non-

homogène (comme toute

catégorisation sociale, on

regroupe dans une génération

des individus qui, naturellement,

ne sont pas tous semblables, loin

de là), et dont les caractéristiques spécifiques

restent à prouver – les contours et les spécificités

de la « génération Y » en particulier demeurent

largement indéfinis, à tel point que l’on peut

s’interroger sur son existence. De fait, une

approche contextualisée se révèle

indispensable.

La notion d’âge en particulier est tout

particulièrement contextuelle –

alors que l’on pourrait penser le

contraire. L’âge en effet n’a pas le

même sens, par exemple, selon le

métier exercé.

Le cube d’âge au travail est un excellent

schéma pour montrer que ce concept d’âge est

« multi-aspects » :

Source : Sergers, Inceoglu et al. (2014)

Sakura Shimada est

enseignant-chercheur et

maître de conférences en

sciences de gestion au Cnam.

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L’enjeu de la transmission intergénérationnelle

Les préjugés, le ressenti vis-à-vis des générations

auxquelles on n’appartient pas ont toujours été

très forts. Aristote jugeait déjà « la jeune

génération impudente, égocentrique et ne

respectant pas les valeurs » ! De fait, on peut se

demander en quoi la transmission

intergénérationnelle de nos jours serait plus

problématique qu’avant.

Force est de constater, à ce titre, que ce

mouvement est sous le coup de trois facteurs :

La nécessité d’assurer la transmission des

savoirs détenus par les seniors ;

La nécessité d’intégrer au mieux les

jeunes arrivant sur le marché du travail ;

Le renouvellement démographique de la

population active, lié au départ en

retraite des baby-boomers :

Les tensions et l’incompréhension entre

les générations – qui n’ont ceci étant rien

de nouveau ;

L’évolution rapide et profonde des

métiers, sous le coup du numérique en

particulier.

Une telle situation n’est pas sans conséquences

pour les entreprises : si la transmission

intergénérationnelle n’est pas (ou mal) assurée,

certaines expériences deviennent obsolètes ;

certaines pratiques sont à réinventer. Dans le

même temps, de nouvelles idées peuvent

émaner de nouveaux entrants, ce qui peut

constituer naturellement une bonne chose pour

les organisations.

De fait, les modalités de la transmission

intergénérationnelle – donc la façon dont

l’organisation assure son renouvellement, la

continuité de sa propre existence - doivent

aujourd'hui être repensées.

Le poids de la culture dans la transmission

intergénérationnelle : les contextes français et

japonais

Le contexte a un rôle éminent sur la façon dont

la transmission intergénérationnelle est pensée,

et gérée, comme l’atteste le tableau suivant :

Source : S. Shimada

De fait, les générations ne sont pas du tout

appréhendées de la même manière dans ces

deux pays. En France, « l’ancien », c’est l’expert

alors qu’au Japon, on utilise le terme de vétéran.

L’expert en France, c’est celui qui connaît bien

le métier, la technique ; au Japon, c’est

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quelqu’un qui connaît parfaitement

l’organisation, qui a occupé plusieurs postes.

L’ancien au Japon, c’est le sempaï, c'est-à-dire

celui qui connaît l’organisation mieux que soi, qui

y est présent depuis plus longtemps que soi – ce

n’est donc pas forcément « le chef ». Sans

surprise, en France, le nouveau est celui qui ne

connaît le métier ; au Japon, c’est celui qui ne

connaît pas les lieux.

Sans surprise encore, on ne transmet pas les

mêmes connaissances selon que l’on se situe en

France et au Japon.

En France, on transmet les grands

principes, les « ficelles du métier », ce qui

se fait ou ne se fait pas.

Au Japon, on transmet des attitudes et

des comportements, et une capacité à

savoir anticiper les comportements des

autres.

Comment transmet-on, comment apprend-on

dans ces deux pays ?

En France, transmettre, c’est poser les

jalons… sans faire d’ingérence.

Apprendre, c’est faire ses preuves,

gagner sa place… voire la prendre.

Au Japon, transmettre c’est s’occuper

du nouvel arrivant – le kohaï -, et le

réprimander si besoin. Apprendre, c’est

« suivre les sempaï », se fondre dans les

lieux.

Pourquoi apprendre, et pourquoi transmettre ?

Dans l’Hexagone, le sens du devoir repose sur

une éthique profonde, une réelle conscience

professionnelle : on transmet pour être certain

que le travail continuera à être effectué

correctement. En France toujours, la transmission

et l’apprentissage reposent très largement sur

une adhésion à la communauté métier, ou à

l’organisation. Au Japon la transmission est

caractérisée par une réelle conscience du rôle

de chacun – sempaï et kohaï. De surcroît, la

transmission et l’apprentissage reposent très

largement sur la volonté de s’intégrer à ce qu’il

est convenu d’appeler, dans l’archipel, « le

milieu ».

Conclusion

Chaque contexte a donc sa structure

démographique. La dynamique d’évolution des

compétences peut varier fortement… comme,

de fait, les rapports intergénérationnels. Chaque

organisation doit donc mener une réflexion sur

ses modes de reproduction et le renouvellement

de son collectif, en fonction de ses propres

caractéristiques et de son propre contexte.

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Synthèse des acquis

Eric-Jean Garcia

L’intergénérationnel est souvent appréhendé –

en France à tout le moins - comme une forme de

problème, source de tensions, comme s’il

s’agissait forcément d’une question difficile à

gérer. Or, de toute évidence,

l’intergénérationnel est aussi

caractérisé par de belles histoires –

l’intergénérationnel est bel et bien

une opportunité.

L’intergénérationnel peut donc

parfaitement être traité de

manière positive et optimiste… sauf si l’on part

du présupposé (voire du postulat) que les

« jeunes » et les « vieux » ne se comprennent pas,

et ne peuvent pas se comprendre. Les exemples

présentés lors de cette séance prouvent bel et

bien le contraire… à tel point que certaines

entreprises considèrent que le management

intergénérationnel est purement et simplement

un non-sujet. Bien souvent, les problèmes

rencontrés ne sont pas des problèmes ayant trait

à l’âge, à la génération

d’appartenance : il s’agit

davantage de problèmes de

comportements, individuels, sur

lesquels on « colle » un stéréotype :

dit autrement, on analysera un

problème de comportement à

l’aune de l’âge (« il est comme ceci parce qu’il

est jeune » ; « il est comme cela parce qu’il est

vieux »), alors que ce même problème est de

tout autre ordre. En atteste l’exemple des

« jeunes d’aujourd'hui », qui font montre de

comportements d’une extraordinaire

hétérogénéité.

Eric-Jean Garcia

est professeur affilié, maître de

conférences RH et directeur

de l’Executive Master

« Trajectoires Dirigeants »

à Sciences Po Paris.