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Les îles du Dodécanèse, une fois libérées de l’occupation italienne (1912-1945),
furent rendues à la Grèce après une période transitoire de deux années sous adminis-
tration anglaise (1945-1947). En juin 1947 entrait en fonctions le premier éphore des
Antiquités grec, Ioannis Kondis, qui reçut de façon exemplaire des mains du dernier
éphore italien, Luigi Morricone, la direction de l’éphorie des Antiquités et de tout
le patrimoine archéologique, à l’exception des bijoux en or qui avaient disparu pen-
dant la guerre. Kondis s’attela immédiatement à l’organisation de l’éphorie, secondé
par deux jeunes épimélètes des Antiquités, Georges Dontas et Pavlos Lazaridis. En
très peu de temps, il répara les dégâts de la guerre, rendant à la ville médiévale de
Rhodes son ancien éclat grâce à la restauration des murailles médiévales du grand
port et de l’édifice du Musée archéologique, où il organisa la première exposition.
Il inaugurait en même temps d’intenses recherches archéologiques et scientifiques
dans la cité antique de Rhodes. Ses études fondamentales sur le plan hippodamien de
la ville hellénistique constituèrent une base solide pour la reconstitution de la trame
urbaine1. Pendant les décennies qui suivirent, son œuvre fut poursuivie par ses suc-
cesseurs, Gregoris Konstantinopoulos, Eos Zervoudaki, Christos Doumas et Ioannis
Papachristodoulou.
En ce qui concerne les fouilles proprement dites, l’éphorie des Antiquités s’est
concentrée sur l’actuelle ville de Rhodes, qui occupe toujours la même position pri-
vilégiée, à l’extrémité nord de l’île, depuis la fin du ve siècle avant J.-C. Le fort déve-
loppement touristique et immobilier de la ville a été à l’origine de centaines de
fouilles de sauvetage. Quant aux sites de l’acropole et de la nécropole de Rodini, ils
ont été intégrés dans des zones protégées, déclarées non constructibles, et préservés
en vue de fouilles futures.
Cette intense activité de fouilles, qui a pour objet la protection et la documenta-
tion scientifique des antiquités menacées par les travaux de construction et autres
projets « utiles au bien public », a eu comme résultat la découverte de la ville classique
Les fouilles grecques
m e l i n a f i l i m o n o s - t s o p o t o u
e t t o u l a m a r k e t o u
1 Kondis 1958.
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2 Zimmer et Bairami 2008.3 Filimonos-Tsopotou 2004. 4 Patsiada 2013.5 Zervoudaki 1988 ; Giannikouri 1999.6 Kantzia 1999.7 Papachristodoulou 1999 ; Fantaoutsaki 2004.8 Filimonos et Kontorini 1989.9 Fantaoutsaki 2011.
10 Konstantinopoulos 1990 ; Papachristodoulou et al. 1993 ; Hoepfner et Schwandner 1994,p. 51-67 ; Filimonos-Tsopotou 2003.
11 Dreliossi-Herakleidou 1999.12 Maiuri 1916a, no 27, p. 150-151 ;
Fraser 1977, no 20, p. 8.13 Triantafyllidis 2007.14 Filimonos-Tsopotou 2004, p. 128.15 Sampson 1987.16 Dietz 1974 ; Marketou 2013, p. 178.17 Marketou 1990a ; Marketou 1997 ;
Marketou 2010, p. 776-777 ; Marketou 2013,p. 177-178.
18 Doumas 1988 ; Marketou 2009a, p. 90.19 Papazoglou-Manioudaki 1982 ;
Marketou 1988 ; Marketou 2010, p. 779-786.20 Monaco 1941 ; Furumark 1950.21 Marketou 1998a.22 Marketou 2009a, p. 88.23 Marketou 1988 ; Marketou 1990b.24 Marketou 2009a, p. 82-92 ; Marketou 2010,
p. 779-786.25 Marketou 1990a ; Marketou 1997 ;
Marketou 2009a, p. 73-82.26 Marketou 2013.
et hellénistique : des maisons, des rues, des bains, des ateliers2, des installations por-
tuaires, les aménagements hydrauliques, l’enceinte fortifiée3, mais aussi sa nécro-
pole étendue4. Outre les sanctuaires et les édifices publics de l’acropole, mis au jour
pendant l’occupation italienne, ont été fouillés de nombreux édifices intégrés à l’an-
cien tissu urbain : le sanctuaire de Déméter5, celui de tous les dieux (le Panthéon)6,
celui d’Asclépios (l’Asclépiéion)7, le Gymnase du bas (le Ptolémaion)8, le temple
d’Isis (l’Iseion)9. Rhodes est peut-être aujourd’hui un exemple unique de ville
contemporaine densément peuplée, riche d’une vie ininterrompue pendant deux
mille cinq cents ans, dont nous puissions reconstituer avec certitude le plan hippo-
damien10.
Les résultats des fouilles de sauvetage de la ville ont montré que l’extrémité nord
de l’île avait été occupée à différentes époques de la préhistoire, ce qui semble rai-
sonnable eu égard à la situation stratégique du lieu et à l’existence de ports naturels
exceptionnels11. L’hypothèse de l’installation d’un habitat organisé dans les parages
de Ialysos dès avant la fondation de la cité de Rhodes en 408-407 avant J.-C. avait été
formulée environ un siècle plus tôt, lors de la découverte de la stèle funéraire de
Charonidas, qui remonte au début du ve siècle avant J.-C.12 Cette hypothèse a été
confirmée en 2001 avec la mise au jour de deux tombes à fosse, datant de la première
moitié du vie siècle avant J.-C.13 (fig. 55). Ces tombes, découvertes dans la partie
méridionale de la ville, entre le mur d’enceinte hellénistique et l’avant-mur (protei-
chisma), devaient faire partie d’une nécropole organisée, en activité au moins
jusqu’en 300 avant J.-C., date à laquelle elle fut détruite, en raison de l’extension de
la ville vers le sud et de la construction du rempart hellénistique14.
Les fouilles menées par l’éphorie ajoutèrent de nouvelles données aux résultats
des recherches plus anciennes, et permirent de compléter l’historique de la topogra-
phie de l’île depuis le Néolithique jusqu’à la période mycénienne. Les fouilles effec-
tuées dans les grottes attestaient l’implantation progressive des premiers habitants
sur la partie orientale de l’île, et sporadiquement sur sa partie occidentale, au
Néolithique moyen et récent (5300-3400 avant J.-C.)15. L’absence de données sur le
Bronze ancien16 fut comblée par les fouilles d’Asômatos près de Krémasti, qui révé-
lèrent le plus ancien centre proto-urbain de l’île, datant de la période des premières
cités, avec ses grands édifices en forme de mégaron, indice de liens avec le nord-est
de l’Égée, ainsi qu’avec le littoral d’Asie Mineure et son arrière-pays17.
Par ailleurs, l’éphorie a défini à Ialysos des zones archéologiques protégées, et
surveille sévèrement les activités de construction. Ainsi a-t-on pu découvrir des ves-
tiges disséminés de l’âge du bronze récent IA , et, s’étendant au moins jusqu’à l’aéro-
port, l’épaisse couche de cendres provenant de l’éruption du volcan de Santorin18.
Les dizaines de fouilles entreprises à Trianda19 avaient comme objectif de décou-
vrir le site minoen et mycénien dont les fouilles menées par l’archéologue Giorgio
Monaco en 1935-1936 avaient révélé l’existence20. Elles ont apporté des données nou-
velles sur la structure urbaine du site à chacune de ses phases cruciales, depuis le
Bronze moyen jusqu’au Bronze récent IIIA2/ IIIB1 (2050-1900 – 1400 avant J.-C.).
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La bonne conservation des vestiges architecturaux de la ville, protégés par la
couche de cendres volcaniques, les polythyra et les édifices ornés de fresques
murales rivalisant avec celles d’Akrotiri à Santorin ou avec celles des palais et des
cours princières de Crète, la céramique minoenne importée, les tables à offrandes
peintes et les figurines d’orants21 montrent que Rhodes était peut-être la première
porte de la mer Égée vers la Méditerranée orientale et les côtes de l’Asie Mineure au
Bronze récent IA22. Avec une superficie de plus de 18 hectares, c’était l’une des villes
protohistoriques les plus importantes de la mer Égée, et, vers 1630-1610 avant J.-C.23,
elle était devenue une escale commerciale de premier plan sur la route de la
Méditerranée24.
La découverte la plus surprenante n’en est pas moins celle d’un vaste complexe
d’habitations du Bronze moyen, situé en dehors des limites de la ville du Bronze
récent, et qui s’étendait sur la partie nord-est de l’île25. Ce grand ensemble architec-
tural du Bronze moyen, doté du plus ancien polythyron connu à ce jour en mer Égée,
ainsi que la couche de destruction découverte plus à l’ouest, avec des prochoi
(cruches rituelles) et deux cents défenses de sanglier dorées à la feuille et décorées
d’ornements26 (fig. 25), indiquent que Rhodes, dès avant l’expansion minoenne, avait
développé une civilisation remarquable, marquée par des caractéristiques locales.
Les tremblements de terre, l’éruption du volcan de Santorin et la pluie de cendres
eurent de lourdes conséquences sur la vie paisible des habitants. La pauvreté de la
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fig. 25Trianda (Ialysos). Site d’habitation du Bronze moyen. Couche de destructioncontenant des cruches rituelles et des défenses de sanglier.
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nécropole de Ialysos, située au bord de la mer, avec ses sépultures à même la terre ou
en jarres, témoigne de l’ampleur des désastres subis par le site27.
La vie y continua malgré tout à la période mycénienne. Dans la partie nord-ouest
du site, on construisit des digues pour affronter les inondations provoquées par les
catastrophes naturelles28. C’est là que furent découverts des édifices rectangulaires
et les traces d’une rue datant du Bronze récent IIIA229. Des digues protectrices
contre les inondations furent aussi édifiées aux phases ultérieures de l’occupation
du site, jusqu’à la dernière inondation, qui fut la cause de son abandon définitif à la
fin de la période IIIA2/IIIB1 du Bronze récent30.
C’est de cette même époque, celle de l’abandon du site, que date le four de
potier31 (fig. 26) découvert dans sa partie nord-est. À l’intérieur du four se trouvaient
des vases et seize pesons discoïdes de métier à tisser. Un peu plus au nord, on a
découvert dix-huit exemplaires similaires, disposés par paires, qui accompagnaient
les restes d’un métier à tisser. Les deux ateliers, situés à une certaine distance des
autres habitations du site mycénien de l’époque, furent scellés à jamais par les allu-
vions que charriaient les fleuves en crue lors de l’ultime inondation qui transforma
la région en marécage inhabité.
La vie continua cependant à Ialysos jusqu’à la fin de la période mycénienne,
comme en témoignent ses nécropoles, mais à un autre emplacement, toujours non
identifié. Il est possible que ce nouvel emplacement ait été le sommet de la colline de
Philérimos, où se trouve le sanctuaire d’Athéna Ialysia, l’un des trois principaux
sanctuaires de l’île. La présence d’objets mycéniens dans le riche dépôt votif du
sanctuaire, comme une plaque d’ivoire à reliefs [cat. 73], va dans le sens de cette
hypothèse.
Les objets mis au jour par les fouilles, ainsi que les précieuses offrandes funé-
raires, laissent entendre que le site cessa désormais de vivre en économie fermée
l ’ h i s t o i r e d e s f o u i l l e s
27 Marketou 1998b, p. 60-61 ; Marketou 2010,p. 783-784.
28 Marketou 1998b, p. 61-62 ; Marketou 2007.29 Papazoglou-Manioudaki 1982, p. 145-149 ;
Benzi 1988b ; Marketou 1988, fig. 9 ; Karantzali 2005 ; Marketou 2007.
30 Monaco 1941, p. 139-149, fig. 98-107 ;Marketou 2007.
31 Marketou 2004.32 Marketou, Karantzali et al. 2006.33 Marthari, Marketou et Jones 1990.34 Karantzali 2005 ; Marketou, Karantzali
et al. 2006, p. 31-55, fig. 4-13.35 Karageorghis et Marketou 2006 ;
Marketou 2009b.36 Maiuri 1923-1924 ; Jacopi 1930-1931 ;
Mee 1982, p. 8-47 ; Benzi 1988c ; Benzi 1992.37 Charitonides 1963, p. 133-134.38 Charitonides 1963, p. 135-140.39 Karantzali 2009a, p. 229, 252-262.40 Karantzali 2001.41 Karantzali 2009a.42 Dietz 1984, p. 67-74 ; Karantzali 2009a, p. 262.43 Konstantinopoulos 1972 ; Mee 1982, p. 74 ;
Benzi 1992, I, p. 448-449.
fig. 26Four de potier mycénien et vestiges de métier à tisser du secteur sud-est du site d’habitation préhistorique de Trianda (Ialysos).
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pour se tourner essentiellement vers le commerce. Des vases de style maritime ou
végétal furent importés d’Argolide et de Béotie32, ainsi que de l’atelier de Cos33, resté
en activité à la période mycénienne. Les analyses d’argile confirment que les impor-
tations de vases ainsi que les échanges commerciaux se poursuivirent du xve à la fin
du xive siècle34. En même temps que les céramiques étaient importés des bijoux,
des pierres sigillaires, des sceaux cylindriques de type chypro-syrien, des armes de
bronze et divers objets exotiques. Dès le Bronze récent IIA/IIB , on fabriqua, pour
les nécessités du commerce, outre des céramiques locales, des imi tations de vases
chypriotes, tandis que les importations en provenance de Chypre se poursuivaient35.
L’organisation de la ville nouvelle de Ialysos et le développement du commerce
coïncident avec l’arrivée des premiers Mycéniens sur l’île, vers le milieu du xve siècle
avant J.-C., et avec l’apparition des premières tombes à chambre, dans la plus grande
nécropole mycénienne de Rhodes, située sur les collines de Makria Vounara et de
Moschou Vounara, laquelle, sur l’ensemble de sa période d’activité, c’est-à-dire
jusqu’au Bronze récent IIIC , comptait plus de deux cents tombes36.
Les offrandes funéraires, qui se multiplièrent rapidement sur l’île, complètent
les informations réduites qui nous sont fournies par l’habitat. De récentes décou-
vertes ont affiné l’image convenue que les recherches antérieures nous avaient lais-
sée de la Rhodes mycénienne. En 2009, trois tombes à chambre ont été localisées
dans une nécropole nouvellement découverte sur le site de Kokkiata, au nord-est de
Philérimos. Dans l’une d’entre elles, seize vases du Bronze récent IIIC ont été mis
au jour. En 1949 a été remis au premier éphore des Antiquités, Ioannis Kondis, un
ensemble de six vases du Bronze récent IIIA-IIIC , trouvés à Koskinou et provenant
tous, sans doute possible, de la même tombe37. La même année, I. Kondis fit fouiller
deux tombes de la même période sur le site de Mala ou Petrokopio, au nord-ouest
d’Archangelos38. La majorité des vases mycéniens remis à l’éphorie en 1998, en pro-
venance d’une tombe de Vigli, près d’Archangelos, étaient des produits d’ateliers
rhodiens. Il s’agit de trois vases intacts et de sept vases lacunaires, accompagnés d’un
couteau de bronze du Bronze récent IIIA2-IIIC39.
Sur le site d’Aspropilia, près de Pylona, dans le sud de Rhodes, a été fouillée
en 1993 une petite nécropole constituée de six tombes à chambre de la période du
Bronze récent IIIA2-IIICC , contenant de riches trouvailles40, parmi lesquelles un
rhyton conique décoré d’une représentation du Maître des animaux et d’un bucrane
en relief (fig. 36). À l’emplacement d’Aghios Georgios Koutsos à Gennadi a été
fouillée en 1998 une tombe à chambre utilisée du Bronze récent IIIA2-IIIC41. La
datation des vingt-quatre vases de cette tombe correspond à celle d’ensembles
d’offrandes funéraires analogues provenant des nécropoles de Pylona et d’autres
sites du sud de Rhodes. Plus au nord, sur le site de Trapeziès, près d’Apolakia, où
les archéologues danois avaient fouillé une nécropole mycénienne, a été retrouvé
en 1993 un alabastre de la période IIIA2 du Bronze récent42.
À Lindos, des découvertes fortuites résolvent de façon inattendue la question de
l’existence d’une occupation mycénienne du site43. En 2012 en effet, deux tombes
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à chambre ont été localisées dans la partie nord, aujourd’hui en ruine, du koilon
du théâtre antique. Les vases qu’elles abritaient indiquent la présence d’un habitat,
du moins à partir de la fin de l’âge du bronze.
À la même période appartient la nécropole découverte sur le site côtier d’Aghia
Agathè, au nord de Lindos, particulièrement importante pour la datation des ultimes
phases de l’époque mycénienne44. La typologie des tombes et la pratique des sépul-
tures individuelles apportent de nouvelles données sur les coutumes funéraires du
temps [cat. 22].
À Rhodes, les trouvailles les plus anciennes de l’époque historique sont datées
du Protogéométrique récent45. Du Géométrique ancien, seules quelques rares sépul-
tures sont conservées. Bien que les Italiens aient mené des fouilles intensives dans
les nécropoles de Ialysos, les recherches récentes ont réservé quelques surprises. Les
sondages effectués sur l’ancienne propriété Koukkias46 en 2000 ont révélé deux
sépultures du Géométrique ancien47. La première a livré une amphore cinéraire
emplie d’ossements carbonisés, accompagnée de nombreuses armes indiquant que le
mort était un guerrier48. La seconde sépulture était celle d’une toute jeune fille ense-
velie dans une fosse rectangulaire et accompagnée de riches offrandes funéraires,
essentiellement des vases de terre cuite.
Sur le terrain Lagos49, situé plus à l’ouest, la fouille de sauvetage menée en 1993
a révélé encore onze crémations du Géométrique récent50. Ce sont des fosses rectan-
gulaires dotées à leurs angles de quatre cavités, du type le plus répandu dans les
nécropoles de l’île à partir du milieu du viiie siècle51. La crémation 3, datée vers 800
avant J.-C., appartient à un autre ensemble funéraire.
Le processus de structuration des trois cités-États de l’île s’accomplit au cours du
viiie siècle avant J.-C. C’est la période à laquelle les grands sanctuaires urbains de la
déesse Athéna, situés sur les acropoles de ces trois cités, reçoivent une avalanche
d’offrandes, ainsi que l’indiquent les dépôts votifs. Avec les offrandes funéraires de
Ialysos et de Camiros datant de la même période, elles nous renseignent sur la situa-
tion de l’île à l’époque archaïque.
Le quartier de Ialysos où se trouvent les nécropoles archaïques fouillées par les
Italiens est à présent construit et le paysage ne rappelle en rien celui que montrent
les photographies des premières fouilles52. L’éphorie des Antiquités du Dodécanèse
a fait fouiller un nombre important de tombes de la fin de l’archaïsme et du début
de la période classique. Presque toutes étaient des tombes à ciste, ce qui devint à peu
de chose près l’unique mode de sépulture à Ialysos à partir de 550 avant J.-C.53 Ces
tombes étaient de construction particulièrement soignée, recouvertes de plaques de
tuf, orientées nord-sud, la tête du mort étant en général placée au sud. À l’extérieur
de la tombe, aux deux angles du côté sud, étaient disposées une ou deux amphores
à fond pointu, indispensables à la cérémonie de l’ensevelissement, avec comme cou-
vercle, le plus souvent, une kylix attique à figures noires54. Cette coutume a perduré
dans les premières nécropoles de la ville de Rhodes après le synœcisme de 408-407
avant J.-C.55
l ’ h i s t o i r e d e s f o u i l l e s
44 Zervaki 2001-2004 ; Zervaki 2011.45 Desborough 1952, p. 225-233 ; Lemos 2002,
p. 182, 239.46 Jacopi 1929, p. 54-71, 127-129.47 Marketou 2000 ; Farmakidou 2004.48 D’Agostino 2006, p. 59.49 Jacopi 1929, p. 72-81, 83.50 Gregoriadou 1993a ; Gregoriadou,
Giannikouri et Marketou 2001 ; D’Agostino2006, p. 60 ; Bourogiannis 2007, p. 101-103.
51 Papapostolou 1968, p. 83-84.52 Jacopi 1929, p. 9, fig. 1-2.53 Gates 1979, p. 264-268.54 Jacopi 1929, p. 13, fig. 4.55 Patsiada 2013, p. 51, n. 111, fig. 12.56 Maiuri 1923-1924, p. 288-326 ; Jacopi 1929.57 Marketou 1998c.58 Voir Jacopi 1931a, p. 182, fig. 197 ;
CVA Adria 2, pl. 1, nos 1-3.59 Voir Vokotopoulou, Despinie et al. 1985,
p. 42-43, no 52.60 Sur la pyxide, voir Payne 1931, p. 323,
nos 1325-1327, p. 331, no 1490 ; Amyx 1988,p. 449-450. Sur les exaleiptra, voir Payne 1931,p. 335, no 1519 ; Amyx 1988, p. 473.
61 Sparkes et Talcott 1970, p. 263, no 397, pl. 19 ; CVA Heidelberg 4, pl. 180, nos 1-3.
62 Kefalidou 2001, p. 214, nos 11-12.63 Gregoriadou 1993b.64 Villard 1953 ; Beazley 1956, p. 189 ;
Heesen 2011, p. 212-227.65 Marketou 1987.66 Voir CVA Amsterdam 2, pl. 117, nos 7-8,
pl. 118, nos 1-2.67 Feytmans 1950, p. 161 fig. 13 à gauche
(Ialysos A, Gr. 3).68 Marketou et Kostomitsopoulos 1987.
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fig. 27Krémasti. Vases provenant de tombes perturbées du terrain Tsambikakis (ancienne propriété Drakidis).
Les recherches menées dans l’ancienne propriété Drakidis56 ont révélé une basi-
lique paléochrétienne et, dans les couches archéologiques inférieures, trois tombes
à ciste57. Au sud des tombes se trouvait un mur du début du ive siècle avant J.-C. dont
le remblai contenait des vases brisés et des ossements provenant de tombes plus
anciennes, qui avaient été détruites. Parmi les trouvailles, mentionnons une ampho-
risque du style de Fikellura58, deux plémochoés attiques de type B 59, une pyxide et
deux exaleiptra de la période du Corinthien récent II60, une coupe de Droop peinte
en noir61 et deux phormiskoi en terre cuite62 (fig. 27). À la même nécropole appar-
tiennent les six tombes découvertes plus à l’est, sous la route actuelle, et remontant
elles aussi à la seconde moitié du vie siècle avant J.-C.63 De la tombe 1 provient
la coupe à lèvre, avec deux guerriers se poursuivant sur chaque face, attribuée au
Peintre des Centaures64 (fig. 28).
Près de l’église de Panaghia de Krémasti ont été fouillées cinq tombes à ciste65.
À l’extérieur de la tombe 5, près de la traditionnelle amphore surmontée de sa coupe,
étaient disposés des vases attiques à vernis noir et une coupe de Cassel66 (fig. 29).
La sixième tombe, probablement d’un enfant, était une inhumation dans un pithos
à reliefs, avec un décor réparti en cinq zones : sur la frise inférieure est représentée
la lutte d’un centaure contre un homme nu67.
En 1985, des fouilles ont été menées dans un secteur d’une nécropole inconnue
située à l’ouest de Krémasti, sur le site d’Asômatos68, qui a révélé quinze sépultures,
dont douze dans des tombes à ciste orientées nord-est. Là aussi, aux angles du côté
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70
sud de chaque tombe, étaient placées des amphores, chacune surmontée d’une kylix
attique. Dans certains cas, il y avait davantage d’offrandes funéraires disposées à
l’extérieur qu’à l’intérieur de la tombe. C’était le plus souvent des objets personnels
du défunt : bagues, boucles d’oreilles, strigiles, petits objets de bronze et vases à
parfum. La sépulture de la tombe 5 devait être celle d’une femme, à en juger d’après
ses offrandes funéraires : la bague en argent passée à un doigt de la main gauche,
et le coquillage – tridacne (Tridacna squamosa) – tenu dans la main droite. Ce
coquillage orné d’une décoration incisée est le premier trouvé à Ialysos, le premier
aussi à avoir été découvert dans une tombe69. La nécropole est datée de la seconde
moitié du vie siècle au ve siècle avant J.-C. Parmi les vases découverts dans la
tombe 3, mentionnons la coupe à bandes du groupe du Louvre F 8170 (fig. 3o), ainsi
que deux amphorisques du style de Fikellura71.
Une découverte exceptionnelle des dernières années fut celle de la fosse à
offrandes votives mise au jour dans un terrain situé dans la plaine de Trianda, à l’est
des nécropoles de la période archaïque72. Il s’agit d’une fosse circulaire construite en
pierre, dans laquelle trente olpès et douze coupes étaient disposées la tête en bas
autour d’une grande cruche qui ne portait aucun décor verni. À l’extérieur de la
fosse, on constata la présence de vingt-huit autres olpès et de six autres coupes, elles
aussi renversées et disposées en demi-cercle et en couches alternées dans le sable. La
majorité des coupes appartiennent au type rhodien TocraVI73. Les olpès, sans décor
ou peintes seulement sur la lèvre ou sur leur partie supérieure74, traitée en noir ou
décorée de bandes75, s’échelonnent du vie siècle à la première moitié du ve siècle
avant J.-C. Deux graffiti, «Τ Ο Κ Ε Ρ Κ Α Β Ο » (« to kerkavo ») et « Κ Ε Ρ Κ Α Φ Ο »
(« kerkapho »), incisées autour du col de deux des olpès, renvoient au culte du héros
mythique Kerkaphos, l’un des sept fils d’Hélios et de la nymphe Rhodos76. Un amon-
cellement de pierres long et étroit (vestige d’un autel construit ?) provient probable-
ment du lieu de culte du héros, détruit aux temps paléochrétiens lorsqu’une
basilique fut érigée au même emplacement, survivance du culte en ce lieu. Les olpès
et les kylikès étaient utilisées pour les libations lors des cérémonies du culte ances-
tral de Kerkaphos, père de Ialysos, Camiros et Lindos, qui se partagèrent l’île à sa
mort (voir Pindare, Olympiques, VII , 73-75).
l ’ h i s t o i r e d e s f o u i l l e s
69 Tous les tridacnes trouvés en Grèce et en AsieMineure provenaient de sanctuaires dedivinités féminines, sauf celui du BadischesLandesmuseum à Karlsruhe, qui provient aussid’une tombe de Rhodes. Voir Stucky 1974,p. 96 ; sur les dix tridacnes provenant dusanctuaire d’Athéna à Lindos, Blinkenberg1931, p. 179-182, nos 553-562, pl. 19-21 ; voiraussi Furtwängler 2011.
70 CVA The State Hermitage Museum 8, pl. 20,no 2.
71 Voir Cook 1933-1934, p. 51, no Y 44 ; CVAMunich 6, pl. 278, no 1 ; CVA Berlin 4, pl. 173,nos 7-8.
72 Marketou 1991.73 Kinch 1914, p. 24-25, fig. 12, pl. 27, nos 4, 18,
20 ; Boardman et Hayes 1966, p. 112-113.74 Maiuri 1923-1924, p. 281, fig. 180 ; Jacopi
1929, p. 177, fig. 171, p. 246, CCXXIX 2, pl. III ;Jacopi 1931a, p. 149, fig. 149, p. 272, fig. 302 ;Laurenzi 1936, p. 152, fig. 138.
75 Jacopi 1929, p. 111, L X I X , pl. III ; Blinkenberg1931, p. 617-619, no 2565, pl. 123 ; Jacopi1931a, p. 127, fig. 318 en bas.
76 Papachristodoulou 1992, p. 260 ;Konstantinopoulos 1997, p. 84-85.
77 Papachristodoulou 1988, p. 208, fig. 9 ;Fantaoutsaki 2012.
78 Beazley 1963, p. 142-144, 1628.79 Papachristodoulou 1989, p. 125, 222-224.80 Papachristodoulou 1989, pl. 48 β. Voir Jacopi
1929, pl. IV, CXXIX ; Lund 2001. Un exemplaireidentique a été trouvé dans la nécropoled’Asômatos.
81 Marketou 1993.82 Voir Jacopi 1931a, p. 114-115, fig. 108, p. 289-
290, fig. 327 ; Higgins 1954, p. 69, no 141, pl. 26.83 Voir Blinkenberg 1931, p. 545, no 2256, pl. 104 ;
Higgins 1954, p. 64, no 19, pl. 22.84 Technique du noyau, groupe méditerranéen I
(fin du V I e siècle – V e siècle avant J.-C.).85 Voir Knigge 1976, p. 179, no E 48, 1, pl. 91.86 Voir Jacopi 1931b, p. 174, fig. 181.87 Voir Sparkes et Talcott 1970, p. 100 et n. 13 ;
Vokotopoulou, Despinie et al. 1985, p. 210,no 333.
fig. 28 fig. 29
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Du côté oriental de l’île, dans le village de Koskinou, fut découverte en 1983 une
section d’une nécropole inconnue datant de la même époque77. Treize tombes invio-
lées, à ciste pour la plupart, ont été fouillées, ainsi que trois sarcophages de tuf.
Les tombes étaient cette fois orientées est-ouest, et à l’extérieur, aux deux angles du
côté où se trouvait la tête, étaient placées des amphores à fond pointu, chacune
surmontée d’une coupe à vernis noir. À l’extérieur d’une tombe d’enfant fut trouvée
une kalpis attique à figures noires, avec la représentation d’Hermès devant un char
à trois chevaux ; elle était surmontée d’une kylix à figures rouges, œuvre du Peintre
de l’Héraion78. Sept ossuaires et neuf enchytrismoi de nourrissons – des inhumations
dans des amphores à fond pointu non accompagnées d’offrandes funéraires –
faisaient partie de la nécropole de Koskinou, en activité de la fin du vie siècle jus-
qu’au milieu du ve siècle avant J.-C., ce qui montre bien que le site fut habité sans
interruption depuis les temps mycéniens.
Plus au sud, au nord-ouest de l’église Katholiki Afandou, des vestiges de tombes
ont été localisés en 1975, ce qui a conduit à la mise au jour d’une partie de la nécro-
pole comportant six sépultures, dont les trouvailles vont du viie siècle au début du
i i ie siècle avant J.-C.79 À l’époque la plus ancienne appartiennent les fragments d’un
pithos à reliefs, et un aryballe sphérique orné d’une scène de comâstes typique du
Corinthien ancien. La tombe 2 était un enchytrismos dans une amphore chypriote de
commerce du Chypriote archaïque II80.
Enfin, trois crémations et deux enchytrismoi ont été localisés en 1993 dans la par-
tie sud de Ialysos, à Archangelos81. Dès avant le début des fouilles, des trouvailles
d’importance avaient été remises à l’éphorie, dont plusieurs provenaient vraisembla-
blement du même pithos funéraire : une protomé féminine en terre cuite82, une figurine
féminine avec ses deux enfants du début du ve siècle83, un alabastre en verre84, une
coupe (kylix-cotyle) attique à figures noires85, une amphorisque du style de Fikellura86,
et une kylix attique à vernis noir du type de Rhénée87 (fig. 31). La seule sépulture à
fournir un mobilier important, pouvant être daté du dernier quart du vie siècle avant
J.-C., est la crémationB : une œnochoé à embouchure trilobée et une coupe, toutes
deux de Vroulia, un aryballe sphérique, décoré d’un motif à quatre feuilles du
Corinthien récent I-II , un lécythe et une amphorisque à décor peint (fig. 32).
71l e s f o u i l l e s g r e c q u e s
fig. 28Coupe à lèvre attribuée au Peintre des Centaures545-535 avant J.-C.argileh. 9,4 cmdécouverte à Krémasti, rue Eleftherias, tombe 1 (1993)r h o d e s , m u s é e a r c h é o l o g i q u e , Π 2 0 7 1 7
fig. 29Coupe de Casselvers 530 avant J.-C.argileh. 8,7 cmdécouverte à Krémasti, terrain Zervos, tombe 5 (1986)r h o d e s , m u s é e a r c h é o l o g i q u e , Π 1 0 2 0 0
fig. 30Coupe à bandes attribuée au groupe du Louvre F 81540-530 avant J.-C.argileh. 17,6 cmdécouverte à Asomatos, tombe 3 (1986)r h o d e s , m u s é e a r c h é o l o g i q u e , Π 1 0 2 0 7
fig. 30
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72
Camiros, la plus petite cité-État de Rhodes en superficie, détenait la partie sud-
ouest de l’île, soit des régions montagneuses et des vallées fertiles. La création d’une
zone archéologique protégée et la situation des agglomérations actuelles, loin de la
ville antique et de ses immenses nécropoles, garantissent la protection des antiquités.
Si bien que l’on a rarement l’occasion de procéder à des fouilles de sauvetage, comme
celle d’une tombe à chambre située à Kéchraki, que l’on avait découverte pillée88.
Camiros est étroitement associée à la figure mythique d’Althémène, auquel on
attribue aussi la fondation du premier sanctuaire de Zeus sur le mont Atavyros. Le
grand sanctuaire panrhodien de Zeus Atavyrios avait été révélé en 1927 par des
fouilles rapides menées par des archéologues italiens89. Depuis 2010, des recherches
systématiques sont effectuées dans le sanctuaire, dans le cadre desquelles on pro-
cède à un relevé topographique et architectural des vestiges architectoniques. Un
dépôt votif a livré de nombreux objets en bronze allant du Géométrique ancien à la
période romaine, dont des figurines d’animaux en bronze moulé, principalement des
bisons de type indien et des taureaux, parfois inscrites. À un niveau inférieur ont été
identifiés des vestiges de constructions datant du viiie au viie siècle avant J.-C., ainsi
que des figurines de taureaux en bronze et des lamelles de bronze détourées en
forme de bovidés, datant d’une époque d’activité plus ancienne du sanctuaire. Le fait
que l’on ait trouvé des objets datant de l’époque protohistorique est important :
il atteste qu’un culte était célébré en ce lieu dès avant le Ier millénaire avant J.-C.90
Une seconde fouille systématique est menée dans la région de Kymisala, en par-
tenariat avec l’Université de l’Égée91. L’importance archéologique de cette région
est connue depuis le xixe siècle, époque où Alfred Biliotti fouilla des tombes
archaïques ; à cette occasion furent identifiées pour la première fois des coupes du
type de Siana. Les musées de Copenhague et de Rhodes possèdent des armes et des
88 Filimonos 1980.89 Jacopi 1928b.90 Triantafyllidis 2013.91 Stephanakis et Patsiada 2009-2011.92 Maiuri 1916b ; Maiuri 1928c.93 Archontidou 1977 ; Archontidou 1983.94 Friis Johansen 1958.
fig. 31Découvertes provenant d’un pithos funéraired’Archangelos (terrain Giakoumaki).
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vases mycéniens provenant de cette région, qui attestent qu’elle était habitée dès
l’époque mycénienne. Mais les fouilles archéologiques et l’étude scientifique propre-
ment dites ont commencé avec les archéologues italiens92. Sur le versant oriental de
la colline, où fut découverte la célèbre stèle funéraire de Kymisala [cat. 17], vingt
tombes ont été fouillées. Les rares trouvailles caractéristiques sont datées du vie siècle
et confirment la datation des tombes les plus anciennes à la période archaïque.
Plus au sud, sur la côte occidentale de l’île, se trouve Monolithos, qui faisait par-
tie du territoire de Lindos. En 1948, non loin de l’école primaire, Ioannis Kondis fit
fouiller trois crémations, dont une seulement était inviolée. Cette dernière, datée
vers le milieu du vie siècle avant J.-C., contenait vingt-neuf vases, en majorité des
aryballes et des alabastres, dont certains étaient des imitations locales de modèles
corinthiens, des vases annulaires ou en forme d’oiseaux, des plats locaux de style
« mélien » et une fibule de bronze93.
Lindos était la plus grande cité-État de l’île. La stérilité de son sol obligea ses
habitants à se tourner vers la mer. Dès le viie siècle, la cité procède ou participe à la
fondation de colonies : à Soloi et à Phasélis sur les côtes méridionales de l’Asie
Mineure, à Cyrène et à Géla. À la pointe sud de l’île de Rhodes, le petit site côtier de
Vroulia, fondé à la fin du viiie siècle avant J.-C. et dont l’existence fut de courte
durée, était une étape sur la route maritime vers la Phénicie et l’Égypte.
Sur le territoire de Lindos, l’archéologue danois Karl Frederik Kinch a fouillé en
1914 la nécropole d’Exochi, située en face de Lardos, et datée du milieu du
viiie siècle au milieu du viie siècle avant J.-C.94 Plusieurs décennies plus tard, on
localisa un second site important de la période géométrique dans le sud de Rhodes.
En 1974 et 1976, Christos Doumas et Ioannis Papachristodoulou fouillèrent une
partie d’une nécropole du Géométrique moyen sur le site de Kaourokambos, près
73
fig. 32Vases provenant d’une tombe à crémationd’Archangelos (terrain Giakoumaki).
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74
du village de Vati95. On découvrit deux tombes à fosse avec des restes de crémations.
Le type des offrandes indiquait le sexe des défunts : trente-six vases, des bijoux en or
et de petits objets de métal accompagnaient la sépulture féminine 1, tandis qu’un
cratère, une œnochoé, deux poignards de fer et une pointe de lance se trouvaient
dans la sépulture masculine 2, qui était celle d’un guerrier96.
Un matériel archéologique consistant a été recueilli sur les plus anciens sites
d’habitat et de nécropoles du territoire de Lindos, tandis qu’à Lindos même très peu
de trouvailles ont été mises au jour sur le site des premiers temps historiques. Des
vestiges d’un édifice du Protogéométrique récent ont été localisés en 1904 sur le ver-
sant occidental de l’acropole, au lieu-dit Kopria97 ; des tessons protogéométriques et
géométriques provenant de Vigli sont sans doute liés à un culte des premiers temps
historiques98. L’inscription découverte par Philippe Kostomitsopoulos à Vigli
constitue, elle aussi, une trouvaille importante99.
Il est certain que l’habitat de Lindos au début des temps historiques était installé
dans la plaine, au pied du piton rocheux de l’acropole, entre les deux ports, où il
subsiste encore aujourd’hui. L’interdiction de construire de nouveaux édifices dans
cette zone protégée explique la rareté des occasions de fouilles de sauvetage, là aussi.
Au cours de la décennie 1980-1990, seuls trois terrains contigus entre eux, situés un
peu à l’ouest du théâtre antique (fig. 33), ont donné lieu à des fouilles de sauvetage.
Sur le terrain situé le plus à l’est ont été mises au jour les fondations d’un édifice
rectangulaire, dont une pièce, de 5,30 m sur 3,80 m, a pu être dégagée sur toute
sa superficie100. Sur le terrain situé le plus à l’ouest a été découvert un mur imposant
de 15 mètres de long, orienté de façon oblique par rapport aux vestiges d’habitations
environnants. Son épaisseur importante, 2 mètres environ, laisse penser qu’il s’agit
d’un mur d’enceinte fortifiée.
La céramique trouvée dans la couche la plus profonde et non perturbée des deux
terrains va du Géométrique récent au début du ve siècle avant J.-C. Mentionnons une
tête de figurine de taureau du Géométrique récent101, un fragment de lampe ouverte
de type chypro-phénicien102, des tessons peints Black-on-Red (BoR) et Bichrome-Red
l ’ h i s t o i r e d e s f o u i l l e s
95 Papachristodoulou 1975 ; Papachristodoulou 1983 ; Farmakidou 2009a.
96 D’Agostino 2006, p. 62-63.97 Blinkenberg 1931, p. 57-60, fig. 7.98 Wriedt Sørensen 1992, p. 25-57.99 Kostomitsopoulos 1988, p. 122.100 Kostomitsopoulos 1980.101 Voir Berges 2006, p. 178, no 573, pl. 110, 1.102 Voir Kinch 1914, p. 159, pl. 27, 6a.103 Stibbe et Nafissi 1989, p. 35-36, type 2 ou 3 ;
Wriedt Sørensen 1992, p. 62-63, fig. 39.104 Papachristodoulou 1988, p. 208, fig. 10 ;
Papachristodoulou 2006, p. 38-39, fig. 34.105 Comme Diagoras Damagètou Rhodios
(464 avant J.-C.), voir Moretti 1959, p. 94,no 252.
106 Papachristodoulou 1989, p. 33-34 et n. 41 ;Gabrielsen 2000 ; Malkin 2011, p. 65-95.
fig. 33Lindos. Site de l’enceinte fortifiée et des vestiges d’habitations.
théâtre antique
Acropole de Lindos
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de la période chrypro-archaïque I, des tessons du style des chèvres sauvages et de la
lèvre d’un plat du style de Nisyros, un rebord de cratère laconien du deuxième quart
du vie siècle avant J.-C103, des fragments de coupes de Vroulia, des tessons de pithos à
reliefs, d’une amphorisque du style de Fikellura et de coupes attiques à figures noires
(fig. 34). La fortification, qui remonte à la fin du vie ou au début du ve siècle, est pro-
bablement liée à la période troublée des guerres médiques104.
Les trois cités-États de Rhodes, « l’île aux trois villes », comme l’appelle Pindare
(Olympiques, VII , 18), coexistaient en paix et faisaient partie, en tant que membres
distincts, de l’Hexapole dorienne. Cultivant des liens étroits fondés sur le mythe
commun de leur descendance des fils-héros d’Hélios, leurs habitants prenaient part
aux cérémonies religieuses des sanctuaires panrhodiens, celui de Lindos et celui de
Zeus Atavyrios, et aux grands jeux Panhelléniques en tant que « Rhodiens »105. Selon
Thucydide (VI , 4.3), Antiphémos de Rhodes a fondé la colonie de Géla, en Italie, et
c’est la référence identitaire commune que les Rhodiens mettaient en avant dans
toutes leurs expéditions lointaines. La façon dont Hérodote (II , 178.2) mentionne
Rhodes comme l’une des quatre villes doriennes qui participèrent à la fondation de
l’Hellénion de Naukratis, en Égypte, est aussi un exemple parlant. Il semble donc
que dès le vie siècle avant J.-C., les trois villes aient montré une tendance commune
vers l’unité politique106, laquelle est devenue réalité en 408-407 avant J.-C., lorsque
« les habitants de Ialysos, Camiros et Lindos s’installèrent ensemble dans la ville que
l’on appelle aujourd’hui Rhodes » (Diodore, XIII , 75.1).
75l e s f o u i l l e s g r e c q u e s
fig. 34Tessons provenant du terrainIakovidis/Melenos à Lindos.
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