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Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais De tous les métiers de l’alimentation, les bouchers ont depuis longtemps exercé une sorte de fascination sur les médiévistes. Il y a au moins trois rai- sons à cet intérêt. On a d’abord ausculté ce groupe social pour voir comment a pu germer en son sein une « conscience politique » qui entraîna sa parti- cipation aux émeutes des cabochiens ; on l’a aussi étudié car c’est le métier qui a été le plus tôt réglementé et les archives urbaines abondent généra- lement en textes normatifs qui l’encadrent et l’organisent ; enfin, la viande a tenu une place éminente dans l’alimentation de l’homme de la fin du Moyen Âge. De fait, plusieurs recherches de ces dernières décennies se sont atta- chées à nous faire mieux connaître les boucheries urbaines, leur organisation et leurs occupants. Citons notamment les études consacrées aux marchands de viande parisiens, poitevins, tourangeaux, bourbonnais ou bourguignons de la France du Nord et du Centre 1 qui répondent à celles vouées à leurs 1. Abréviations : ADC (Arch. dép. Cher) ; ADCO (Arch. dép. Côte-d’Or) ; ADN (Arch. dép. Nièvre) ; ADY (Arch. dép. Yonne) ; AMD (Arch. mun. Decize) ; AMLC (Arch. mun. La-Charité) ; AMN (Arch. mun. Nevers) ; AMSP (Arch. mun. Saint-Pierre-le- Moûtier) ; AN (Archives nationales) ; BMN (Bibl. mun. Nevers). Duberc (H.), « La grande boucherie de Paris. Notes historiques d’après les archives privées (xii e -xvi e siècles) », Bull. phil. hist., (1955-56), CTHS, 1957, p. 65-125. Favreau (Robert), « La boucherie en Poitou à la fin du Moyen Âge », Bull. phil. hist., 93 e Congrès national des Sociétés savantes, Tours (1968), I, Paris, 1971, p. 295-317. Chevalier (Bernard), « Les bouche- ries, les bouchers et le commerce de la viande à Tours au xv e siècle », dans Commerce, finances et société (XI e -XVI e siècles) – Mélanges Henri Dubois –, Ph. Contamine, Th. Dutour et B. Schnerb (éds.), (Cultures et civilisations médiévales, IX), Université de Paris- Sorbonne, 1993, p. 157-169. Mattéoni (Olivier), « Les bouchers de Montluçon du milieu du xv e au milieu du xvi e siècle », Bull. des Amis de Montluçon, t. 40, 1989, p. 9-64. Hivert (Florent), La corporation des bouchers à Dijon et ses rapports avec l’autorité municipale aux XIV e et XV e siècles, mémoire maîtrise, Université de Bourgogne, Dijon, 1990-1991, 118 p. Theurot (Jacky), « Boucheries et bouchers à Dole du xiv e au xv e siècle », Soc. Emul. Jura, 1985. Citons aussi l’intéressant tableau des déboires des autorités de Bourg- en-Bresse avec les bouchers de la ville soupçonnés de toutes les malhonnêtetés, Chagny (A.), Les syndics de la ville de Bourg et la corporation des bouchers de 1445 à 1550, Bourg, 1905. Annales de Bourgogne, 82-1, 2010, p. 107-138.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais

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Les bouchers dans les petites villes

à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais

De tous les métiers de l’alimentation, les bouchers ont depuis longtempsexercé une sorte de fascination sur les médiévistes. Il y a au moins trois rai-sons à cet intérêt. On a d’abord ausculté ce groupe social pour voir commenta pu germer en son sein une « conscience politique » qui entraîna sa parti-cipation aux émeutes des cabochiens ; on l’a aussi étudié car c’est le métierqui a été le plus tôt réglementé et les archives urbaines abondent généra-lement en textes normatifs qui l’encadrent et l’organisent ; enfin, la viandea tenu une place éminente dans l’alimentation de l’homme de la fin du MoyenÂge. De fait, plusieurs recherches de ces dernières décennies se sont atta-chées à nous faire mieux connaître les boucheries urbaines, leur organisationet leurs occupants. Citons notamment les études consacrées aux marchandsde viande parisiens, poitevins, tourangeaux, bourbonnais ou bourguignonsde la France du Nord et du Centre 1 qui répondent à celles vouées à leurs

1. Abréviations : ADC (Arch. dép. Cher) ; ADCO (Arch. dép. Côte-d’Or) ; ADN(Arch. dép. Nièvre) ; ADY (Arch. dép. Yonne) ; AMD (Arch. mun. Decize) ; AMLC(Arch. mun. La-Charité) ; AMN (Arch. mun. Nevers) ; AMSP (Arch. mun. Saint-Pierre-le-Moûtier) ; AN (Archives nationales) ; BMN (Bibl. mun. Nevers). Duberc (H.), « La grandeboucherie de Paris. Notes historiques d’après les archives privées (xiie -xvie siècles) »,Bull. phil. hist., (1955-56), CTHS, 1957, p. 65-125. Favreau (Robert), « La boucherieen Poitou à la fin du Moyen Âge », Bull. phil. hist., 93e Congrès national des Sociétéssavantes, Tours (1968), I, Paris, 1971, p. 295-317. Chevalier (Bernard), « Les bouche-ries, les bouchers et le commerce de la viande à Tours au xve siècle », dans Commerce,finances et société (XI

e -XVIe siècles) – Mélanges Henri Dubois –, Ph. Contamine, Th.

Dutour et B. Schnerb (éds.), (Cultures et civilisations médiévales, IX), Université de Paris-Sorbonne, 1993, p. 157-169. Mattéoni (Olivier), « Les bouchers de Montluçon du milieudu xve au milieu du xvie siècle », Bull. des Amis de Montluçon, t. 40, 1989, p. 9-64. Hivert

(Florent), La corporation des bouchers à Dijon et ses rapports avec l’autorité municipaleaux XIV

e et XVe siècles, mémoire maîtrise, Université de Bourgogne, Dijon, 1990-1991,

118 p. Theurot (Jacky), « Boucheries et bouchers à Dole du xive au xve siècle », Soc.Emul. Jura, 1985. Citons aussi l’intéressant tableau des déboires des autorités de Bourg-en-Bresse avec les bouchers de la ville soupçonnés de toutes les malhonnêtetés, Chagny

(A.), Les syndics de la ville de Bourg et la corporation des bouchers de 1445 à 1550,Bourg, 1905.

Annales de Bourgogne, 82-1, 2010, p. 107-138.

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collègues toulousains ou provençaux du Midi 2. Ces études qui s’appuientsouvent sur des textes normatifs ont généralement fait la part belle à laréglementation de la boucherie et à la pratique du métier proprement ditalors que le groupe social formé par les bouchers demeurait mal connu. Demême, si le commerce de la viande et ses acteurs ont été bien étudiés pourles centres urbains d’importance, on reste assez ignorant sur l’organisationdu métier et de ses professionnels pour les petites villes.

À cet égard, les bouchers du Nivernais de la fin du Moyen Âge nousoffrent un champ d’investigations intéressant même si rien, a priori, ne lesprédisposait particulièrement à être, à leur tour, l’objet d’une telle enquête.En effet, ici comme ailleurs, la viande a vraisemblablement joué un rôleessentiel dans l’alimentation des citadins mais les marchands de chair niver-nais n’ont à leur actif aucune révolte ni aucune émeute et les archives localesn’ont conservé aucun texte réglementaire pour leur métier. Pourtant, mal-gré l’apparente indigence des archives locales pour une telle approche, nousavons voulu relever la gageure de dépeindre l’organisation des boucheries ducomté et surtout les hommes qui les animaient. Pour ce faire, nous avonsessentiellement puisé dans les importantes séries de comptes communauxde Nevers et Decize, dans les minutes des notaires de cette dernière loca-lité, dans les archives de la Chambre des Comptes bourguignonne de Dijon(qui avait autorité sur le Nivernais au xive siècle) et, accessoirement, dans lemaigre fonds de la Chambre des Comptes de Nevers (xvie s.).

Les localités concernées ici sont toutes de taille modeste, à commencerpar Nevers, la capitale, qui avoisinait seulement les 5000 âmes au xve siècle 3

tandis que Decize et Clamecy, qui se disputaient le deuxième et le troisièmerang 4, étaient déjà regardées par les contemporains comme de « petitesvilles » 5. Loin derrière, on dénombrait plusieurs localités significatives néesà l’abris des fortifications d’un siège de bailliage royal (Saint-Pierre-le-Moûtier), du siège d’une châtellenie comtale (Cosne-sur-Loire, Saint-Saulge,Moulins-Engilbert ...) ou à l’ombre d’un puissant établissement monastique

2. Wolff (Philippe), « Les bouchers de Toulouse du xiie au xve siècles », Annales duMidi, t. 65, 1953, p. 375-393. Stouff (Louis), Ravitaillement et alimentation en Provenceaux XIV

e et XVe siècles, Paris – La Haye, 1970.

3. Leguai (André) dir., Histoire du Nivernais, 1999, p. 138.4. Coquille (Guy), Les coutumes du pays et duché de Nivernois, Paris, Chez Abel

l’Angelier, 1605, Titre X, art. 18 rapporte que Decize était considérée au xive siècle, avecClamecy, comme étant « du second rang après Nevers » et chacune disputait à l’autrela première place lors des cérémonies organisées par la maison de Nevers. À la fin duxvie siècle, il constate toutefois que Clamecy a pris le pas sur Decize.

5. Nicolay de (Nicolas), Description générale du Bourbonnais en 1569, publié parM. d’Hirisson d’Hérisson, Moulins, 1875, p. 148-149.

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(La-Charité-sur-Loire). Plus que sur la boucherie et les pratiques profession-nelles, nos sources apportent un éclairage intéressant sur les bouchers, leurfamille, leurs affaires et leur place dans la société. Enfin, les nombreux proto-coles notariés conservés pour les marchands de chair decizois, tant pour leursaffaires privées que commerciales, nous ont permis d’esquisser les généalogiesde quelques dynasties bouchères de la ville.

Les boucheries

Pour d’évidentes raisons de contrôle de la qualité de la viande et de limi-tation des pollutions engendrées par l’abattage sauvage des bêtes dans deslieux inappropriés, les marchands de viande médiévaux ont été soumis trèstôt à des règlements dans les principales villes du royaume. Notamment, ilsont été contraints de se regrouper dans des quartiers ou bâtiments spéciali-sés – les boucheries – au lieu de continuer à pratiquer leur abattage et leurnégoce dans des ouvroirs disséminés dans les ruelles des cités. S’il est courantde trouver des boucheries signalées dès le xiiie siècle dans les textes méridio-naux 6, il faut attendre 1316 pour que celle de la capitale nivernaise soit citéedans un texte à l’occasion de sa construction – voire sa reconstruction – suiteau grand incendie d’une partie de la ville huit ans auparavant 7. Cette pre-mière mention concerne la grande boucherie qui était installée dans la ruede la Boucherie qui reliait la rue de la Revenderie à l’église Saint-Arigle. Uneboucherie de plus petite taille desservait également le faubourg Saint-Étiennemais on ne possède presque aucun renseignement à son sujet. Cette secondeboucherie, parfois qualifiée de Boucherie Saint-Étienne, était installée audébut de la rue des Tanneries, face au prieuré dont elle dépendait 8.

Dès le milieu du xive siècle, on trouve successivement mention d’uneboucherie dans les deux villes les plus importantes du comté après Nevers :Clamecy (1350) et Decize (1366) 9. La situation de cette dernière est donnéepar plusieurs actes où elle apparaît comme confront de maisons vendues ou

6. Par exemple à Marseille, Avignon ou Salon, Stouff (Louis), op. cit. note 2,p. 125-126.

7. AMN, HH 4, construction (reconstruction?) des halles et de la boucherie sur desterrains offerts par Clairambaut de Paris (1316). Les mentions de cette halle se multiplientà partir de 1383 : ADCO, B 5504, fol. 2 v (1383-84) ; B 5505, fol. 1 v (1384-85) ; B 5499,fol. 6, 14, 15, 21, 29 v (1395-97) ; B 5500, fol. 5, 15, 20 v (1397-99).

8. Vente d’une maison dans le faubourg Saint-Étienne en la rue de la Tannerie parlaquelle on va « de la boucherye dudit bourg à la porte de la Barre », ADN, H 94, noncoté (12/1/1524).

9. Clamecy : Obituaires de la province de Sens, III, p. 391 (1350), 357, 405, 406(autres mentions du XV

e s.). À Decize : à l’occasion d’un repas préparé au château deDecize, le receveur comptabilise une dépense de cinq sous « pour char de porc prise en laboucherie », ADCO, B 4407 (1366- 67), fol. 32 v.

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acensées : elle est localisée « en la rue des bouschiers alent de la Revanderie

à la porte de l’Abreuvoir » (1458) 10. Un accord intervenu entre la veuve d’unboucher et le notaire Jean de Vaulx en 1396 laisse imaginer que la boucherien’était alors qu’une succession de boutiques installées dans des maisons voi-sines plutôt qu’un regroupement de commerçants assemblés sous une mêmehalle. Cette composition mentionne en effet « ung estaul de boucher assis

à Disise tenant à la maison Jehan Comain d’une part, et à la maison Philippe

de la Broce d’autre part, et au chemin publicque d’autre part et à l’esteaul que

tenoit aloé dudit Johan de Vaulx, Johan Quinole, boucher » 11. Au début duxve siècle une bâtisse réservée au commerce de la viande paraît avoir été fina-lement édifiée : voici en effet Jeanne Tironne, veuve du boucher Pierre Jayot,et son fils Guillaume, boucher également, qui vendent au curé de Saint-Privéune masure contiguë à leur maison située dans la rue des Bouchers « devant

la bocherie » (1457) 12. Plusieurs détaillants en chair demeuraient dans cetteruelle à l’exemple de George Le Taulx qui occupait une maison tenue à bor-delage du noble Jean de Druy 13. Cependant, tous les bouchers ne vivaientpas dans cette venelle ou aux abords de la boucherie. Citons simplementRobert Normant qui habitait le faubourg de Crotte dans les années 1460 14 ;les Mordon et les Quinolle qui résidaient en la rue Boulière 15 ou encoreJean Monneau et sa sœur Jeanne qui possédaient un hôtel dans la rue duPavillon 16. En mars 1489, pour une raison inconnue, la boucherie primitivefut délaissée et un hôtel fut alors loué par l’ensemble des bouchers de la villeà Jeanne Moreaul, la veuve de noble Victor de Druy, remariée à un bourgeoisde Corbigny. La même année – conséquence ou cause de ce déménagement? –des « ordonnances et accords » réglementant le métier de boucher à Decizefurent conclus avec l’administration comtale sans qu’on en connaisse le détailmais qui témoignent certainement d’une grave crise de la profession 17 et desa réorganisation. Le loyer de cette nouvelle boucherie s’élevait à 10 livresannuelles payables en deux termes (Noël et la Nativité de saint Jean-Baptiste)et le bail stipule que la bâtisse était louée à la communauté des bouchers

10. ADN, 3 E 1 / 75, fol. 83 ; 3 E 1 / 119, minutes Botequarre, non folioté (autrelocalisation, 26/11/1481).

11. ADN, 1 F 188, n◦ 1 (18/7/1396).12. ADN, 3 E 1 / 74, fol. 4 v (22/4/1482).13. ADN, 3 E 1 / 74, fol. 57 v.14. ADN, 3 E 1 / 78, fol. 32 v-33 (20/8/1466).15. ADN, 3 B / 72, fol. 64 (Mordon, 1507) ; 3 E 1 / 120, terrier Varrier, fol. 58 v-59.16. ADN, 3 E 1 / 73, fol. 223 v (29/5/1474).17. En 1489 encore, plusieurs habitants et les taverniers de la ville reçoivent un

soutien financier des autorités municipales pour engager un procès contre les boucherspour une raison non précisée, AMD, 095/02, brouillon, 1489, fol. 8.

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dont les membres s’engageait à payer « la rente dehue sur icelle pour leur

part et cothité » à l’un des leurs désigné pour collecter la totalité de lasomme. Il appartenait au groupe de faire respecter ce principe en excluantau besoin tout mauvais payeur 18 voire en le contraignant « par la prinse,

vente et vendicion de leurs chairs » comme le précise un renouvellement dubail en 1520 19. Le nouvel édifice occupait une place très centrale contiguëau four banal de Saint-Pierre et jouxtait la place principale de la ville, larue du Pavillon, et la rue joignant la Revenderie à la porte de l’Abreuvoirencore désignée comme la rue de la Boucherie au pont de Loire 20. Même enl’absence d’une localisation très précise de l’ancienne halle des bouchers, onpeut affirmer que le nouvel édifice decizois était situé sur le côté opposé de lamême rue. Très rapidement le bâtiment neuf fut logiquement désigné sous leterme de nouvelle boucherie (1493) tandis que la boucherie délaissée devint« la vielle boucherie » (1507) 21.

La plupart des autres villes nivernaises de quelque importance devaientégalement posséder une boucherie même si les sources sont avares de tellesmentions. Il y avait ainsi plusieurs bouchers à Prémery à la fin xiiie siècleet ils devaient 60 sols à l’évêque pour leurs étals mais on ignore s’ils étaientregroupés en un lieu unique 22. La boucherie de La Charité sur Loire est citéeen 1378 et 1469 ; celle de Cosne est attestée avec certitude en 1547 et fonction-nait peut être déjà dès 1413 ; celle de Saint-Pierre-le-Moûtier appartenant auprieur du lieu est mentionnée en 1470. Une autre est connue à Châtillon-en-Bazois en 1503 et une boucherie existait à Varzy au début du xvie siècle 23.Plus étonnement, de très petites localités étaient dotées également d’un tel

18. Si un boucher ne paye pas son droit, « en icellui cas les bouchiers paians ladsomme pourront mectre hors le non paient de lad boucherie et jusques adce qu’il ayt paiéla somme qu’il en pourra devoir » (bail de 1490, voy. infra n. 38).

19. ADN, 3 E 1 / 84, fol. 203-204 (24/9/1520).20. ADN, H 281, fol. 30 v (18/10/1490), 43 v (23/11/1501) ; 3 E 1 / 74, fol. 308

(13/03/1493) ; 3 E 1 / 79, fol. 181 (27/1/1494).21. ADN, 3 E 1 / 74, fol. 308 (nouvelle boucherie, 1493) ; 3 B 72, fol 36 (vieille

boucherie, 1507).22. Tanneau (Jacques), Naissance et affirmation d’une société seigneuriale : aspects

du Nivernais médiéval (Xe -XIIIe s.), mémoire maîtrise, dactyl., Université de Clermont-

Ferrand, 1987, p. 99 n. 4.23. Obituaires de la province de Sens, III, (diocèses des Nevers), publ. par A. Vidier

et L. Mirot, Paris, 1909, p. 284 (La Charité, 1378). ADN, 27 H, fol. 149 v (La-Charité,1469). ADY, G 1689 (inventaire des titres de Cosne, xviiie s.), fol. 94 – Durye (Pierre),Le bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier de sa création au milieu du XV

e siècle, thèses del’École de Chartes, 1943, p. 175 (1470). ADN, 3 E 19 / 46, actes non cotés et non reliés(les deux fils du boucher Gilbert Tiron renoncent à une maison tenue à cens à Saint-Pierre-le-Moûtier près de la fontaine du Bourg et de la Boucherie, 11/12/1483). 3 E 1 /367, registre 1, non folioté (Châtillon, 10/2/1503). ADY, G 1718 (compte du receveur deVarzy pour l’évêque d’Auxerre, 1527 – 28), non folioté.

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emplacement : ainsi, une boucherie est attestée vers 1500 dans la modestebourgade de Beaumont-la-Ferrière 24 dont la population se limitait sûrementà quelques centaines de charbonniers, mineurs et ouvriers employés dans lesateliers sidérurgiques installés sur la Nièvre. Plus surprenante encore est laprésence d’une boucherie dans le troisième quart du xve siècle dans le villagede Brassy près de Lormes 25. Le petit chef-lieu de châtellenie de Druyes pos-sédait quant à lui deux étaux de boucher au début de la guerre de Cent Ansmais ils furent rasés avant 1378 « pour la seurté du chastel » et le châtelaindu lieu n’emploie jamais explicitement le terme de boucherie à leur propos.Ces étaux n’étaient toujours pas reconstruits en 1403 et leurs occupantspoursuivaient probablement leur négoce dans une maison louée à l’intérieurde l’enceinte castrale 26.

Même quand une ville disposait d’une boucherie de longue date, il n’étaitpas toujours aisé pour les autorités d’empêcher le commerce de la viande end’autres lieux. Ainsi, à Nevers au milieu du xve siècle les occupants successifsd’une petite bicoque située vers l’entrée de la boucherie du comte « faisoient

fait de boucherie et y vendoient chair au très grant dommaige et préjudice de

la chose publique » en vertu d’usages anciens liés à cette maison qui appar-tenait à la chapelle Notre-Dame-de-Crotte. En 1465, une composition entrele comte et les chapelains mit fin à cette pratique et ces derniers renoncèrentau droit attaché à leur bâtisse contre une rente de 55 sols annuels accordéeà titre de dédommagement sur des maisons et jardins que le comte détenaitdans la rue Saint-Martin 27.

On ne sait rien de l’agencement intérieur de ces halles bouchères enNivernais : les marchands étaient-il confinés au rez-de-chaussée des édificesou bien trouvait-on des boucheries à étage comme à Poitiers ou Thouars enPoitou 28 ? Les boucheries étaient-elles construites à la manière de cloîtres

24. ADN, 29 F 3, vente et mention à plusieurs reprises du quart d’une maison appeléela boucherie, située au bourg de Beaumont en bordure du grand chemin de Prémeryà La-Charité-sur-Loire, non coté (9/5/1518), n◦ 20 (28/1/1529), n◦ 104 (27/8/1538),n◦ 148 (27/4/1578).

25. ADCO, B 3997, fol. 86 (mention de la boucherie, 1462- 63) ; B 4002, fol. 76 (autremention, 1474- 75). D’après une cherche de feux bourguignonne de 1475, ce petit villagecomptait 8 feux francs et 72 francs serfs. Il s’y tenait une foire annuelle le jour de la saintGervais, B 11510, fol. 192 v.

26. ADCO, B 4642, fol. 1 v, 2 v, 28, 36 (1378- 88) ; B 4643, fol. 3 v, 42 (1388- 89) ;B 4645, fol. 4 v, 17 v, 29 v, 40 v (1394- 97) ; B 4646, fol. 3, 34, 45 v (1398-1403). Entre1378 et 1387, le châtelain loue au boucher Guillaume Bejette un appentis qui se tientdevant la maison de Dame Lote pour 5 sols annuels puis une petite maison et une étableà Guillaume le Boucher pour 10 sols.

27. ADN, 2 G 265 (12/2/1465).28. Favreau (Robert), op. cit. note 1 , p. 305-306.- Sur la disposition de la boucherie

montluçonnaise, voir Mattéoni (Olivier), op. cit. note 1 , p. 32-33.

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avec une cour centrale et des coursives couvertes réservées aux marchandscomme à Dole 29 ? Comment les étals étaient-ils disposés ? Étaient-ils toussemblables? Voilà autant de questions auxquelles il est impossible de répon-dre. La Grande Boucherie de Nevers fut rénovée en 1384 et on refit alorsla couverture, les portes et « les étaulx des dites boucheries ». Le bâti-ment possédait deux portes surmontées de pommeaux aux armes comtales etleur ouverture et fermeture était effectuée par un garde gagé par le bailli 30.À La-Charité-sur-Loire au xvie siècle, la boucherie disposait d’anneaux enfaçade auxquels les animaux destinés à l’abattage devaient être exposésdurant une heure et demie au public afin de juger de leur état sanitaire etchaque boucher devait disposer près de son étal un écriteau indiquant « en

grosses lectres le prix de chascune livre de chair qu’ilz vendront et débite-

ront » 31. À Decize, seuls deux baux conclus en 1490 par le châtelain decizoispermettent de préciser que le premier banc situé à l’entrée de la boucherie,du côté gauche, vers la Revenderie, était tenu par le boucher Pierre Chorrotaidé de sa mère et de son fils et qu’une seconde table, contiguë à celle desChorrot, était acensée à Guiot Copin. Les deux étals devaient le même censannuel de 40 sols à payer au châtelain du comte de Nevers la veille de Noël 32.

On ne peut dire non plus si les boucheries nivernaises étaient exclusive-ment réservées au négoce de la chair ou bien si on y pratiquait égalementl’abattage des bêtes. Cette seconde hypothèse reste toutefois la plus probablecar aucun document de l’époque ne mentionne des écorcheries ou emplace-ments spécifiques qui seraient réservés à cet effet et les bouchers de la grandeboucherie de Nevers abattaient encore leurs animaux au sein de la grandehalle à la fin du xviiie siècle 33. On imagine les nuisances de toutes sortes quepouvait engendrer cet abattage des bestiaux au cœur des villes, à l’endroitmême où on faisait commerce de la viande. Les cris des troupeaux menésà l’abattoir, l’accumulation des nombreux déchets et leur odeur nauséabondeont contraint bon nombre de cités du royaume à exporter ces tueries urbaines

29. Theurot (Jacky), op. cit. note 1 , p. 203.30. ADCO, B 5504, fol. 84 v- 85 (travaux, 1384) ; B 5505, fol. 55 (1384-85) ; B 5506,

fol. 58, 65 v (1385-86) ; B 5517B, fol. 51 v (pommeaux, 1403-1404) ; B 5499A, fol 14 (1395-1396), B 5499B, fol. 29 v (1396-1397). Autres travaux mineurs en 1459 : ADN, 3 B 233,chambre des comptes de Nevers, quittances diverses, cédule de février 1459 non cotée.

31. AMLC, HH 3 (1581).32. ADN, 3 E 1 / 119, minutes Charvet, fol 99 (16/4/1490).33. Quelques projets de déplacement de ces tueries pestilentielles hors de Nevers

furent envisagés au xviiie s. mais aucun ne se concrétisa, Lyonnet (J.), Les gens demétier à Nevers à la fin de l’Ancien Régime (17e et 18e siècle), 1941, p. 313- 314. Guéneau

(Lucien), L’organisation du travail à Nevers aux XVIIe et XVIII

e siècles (1660-1790),Paris, 1919, p. 206-212.

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dans les faubourgs et à proximité des cours d’eau pour évacuer plus facile-ment le sang et les viscères 34. Quel que soit l’emplacement des boucheries etdes tueries, les pollutions et les nuisances étaient inévitables. Dans les années1470, les fossés de Saint-Pierre-le-Moûtier sont si régulièrement encombréspar les immondices rejetés par les occupants de la boucherie que le bailli royalintente une procédure devant le Parlement de Paris contre le prieur qui enest le propriétaire pour le contraindre à doubler sa participation à l’entretiendes remparts et des fossés 35. À Nevers, les édiles tentent très modestementde limiter la pollution engendrée par le tuage des bestiaux en faisant poserde vieilles planches au pont Saint-Arigle pour obstruer un passage empruntépar les bouchers pour aller déverser leurs ordures dans la Loire 36, sans douteen empruntant la bien nommée rue des Boyaux séparant la boucherie desrivages du fleuve 37.

Le bail de la nouvelle boucherie decizoise conclu en 1489, renouvelé en1490 et enregistré encore une fois en décembre 1491 38 pour y adjoindre unmarchand oublié lors du renouvellement, nous fait alors connaître la totalitédes négociants en viande de la cité soit douze individus. Il convient peut-être d’augmenter cet effectif d’un autre marchand connu par ailleurs, ce quiporterait le nombre des bouchers actifs à 12 ou 13 vers 1490. Quel que soitleur nombre exact, les dix livres exigées pour la location de la boucherie rap-portées au nombre des marchands représentent un montant d’une quinzainede sols par an ; somme dérisoire si on la compare au tarif pratiqué à Neversun siècle plus tôt. Dans les années 1400, la grande boucherie de la capitaleappartenait au comte et n’abritait pas moins de 25 ou 26 bouchers et lesloyers de ses étaux lui procuraient selon les années de 120 à 140 L.t. derevenus. Le loyer annuel de chaque commerçant neversois, sûrement propor-tionnel à son emplacement et à la longueur de son étal comme à la fin de

34. Leguay (Jean-Pierre), La pollution au Moyen Âge dans le royaume de Franceet dans les grands fiefs, Paris, 1999, p. 22-23, 52-56 ; À Autun, les bouchers pratiquaientl’abattage et la vente au sein de la grande boucherie bâtie à proximité de sources etde fontaines pour nettoyer plus aisément les lieux, Bardiau (Delphine), Artisans etcommerçants à Autun aux XIV

e et XVe siècles, mémoire maîtrise, dactyl., Université de

Bourgogne, Dijon, 2000-2001, p. 32-34, 52-53 ; leurs collègues dijonnais étaient installésen bordure du Suzon et ceux de Bourg-en-Bresse tenaient leur écorcherie sur les bergesdu Cône, Hivert (Florent), op. cit. note 1, p. 10 ; Chagny (A.), op. cit. note 1, p. 3, 8.

35. AN, X/1A/8311, fol. 324 ; X/1A/1485, fol. 189 v cité par Durye (P.), op. cit.note 23 p. 175.

36. AMN, CC 45, fol. 14 v – 15 (1442).37. Cette rue est attestée dès 1399, ADCO, B 5501A, fol. 24 et suiv.38. ADN, 3 E 1 / 74, fol. 162-163 (31/3/1489), 206 v-207 (14/6/1490), 249 v-250

(5/12/1491).

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 115

l’Ancien Régime 39 variait de 40 s.t. pour Jean Picart à cinq ou six livres pourles Barleuf ou les Carimantrant qui payaient les plus fortes quote-part de lahalle 40. En 1527- 28, les neuf marchands de viande de Varzy versaient aureceveur de l’évêque d’Auxerre une livre chacun pour l’étal qu’ils occupaientdans la boucherie 41. En 1520, un nouveau bail de la boucherie decizoise –désormais possédée par un homme de loi de Nevers – montre que le loyer dubâtiment était resté inchangé depuis 1490 42.

Les bouchers decizois devaient aussi s’acquitter d’un cens envers le comte,perçu chaque année par son châtelain. Après le remuement dans la nouvelleboucherie et la conclusion de l’accord de 1489 entre le comte et les mar-chands de viande, le cens fut fixé à 40 sols annuels par commerçant 43. Avantd’emménager dans cette halle, les bouchers étaient probablement déjà cen-sitaires du comte de Nevers pour leurs tables mais on ignore le montantde leur redevance : on trouve bien qu’en 1467, le châtelain donna quittanceà Robert Normant pour 60 sols « à cause de son banc de boucherie qu’il

a tenu et porté audit Disise » mais cette somme intégrant des arrérages,voire le loyer de son étal, ne permet pas de connaître le montant annueldu cens 44. Les bouchers de la plupart des cités nivernaises devaient encoreacquitter une ancienne redevance féodale d’un membre de bête qui étaitcouramment pratiquée dans de nombreuses villes du temps 45. À l’image desmoines de Corbigny qui s’appropriaient les langues des grosses bêtes tuéessur place 46, le comte de Nevers retenait des bouchers de Saint-Saulge la moi-

39. Lyonnet (J.), op. cit. note 33, p. 315.40. ADCO, B 5501A, fol. 37- v (1399-1400) ; B 5501B, fol. 97 – v (1400-1401) ;

B 5502, fol. 22 v – 23 (1403).41. ADY, G 1718 (compte du receveur de Varzy pour l’évêque d’Auxerre, 1527 – 28),

non folioté. Le 10e banc de la boucherie était affermé à un mercier pour 20 s.t. annuels.42. ADN, 3 E 1 / 84, fol. 203-204 (24/9/1520), la boucherie appartient alors à maître

Jacques Bolacre, licencié en droits.43. Ceux « qui ont tué et vendu chair au lieu et boucherie de Desise ceste pré-

sente année doivent chascun an pour droit de boucherie 40 s.t. de cens pour chascunbochier franchement et quictance à mons. selon les ordonnances et accords faiz en l’an-née finnissant mil CCCC quatre vingts et huit » (1489 n. st.), ADN, 3 B 72, comptesde la châtellenie (1507-08), fol . 105. Deux quittances contemporaines confirment ce tarif,3 E 1 / 119, minutes Charvet, fol 99 (16/4/1490).

44. ADN, 3 E 1 / 78, fol. 48 v (8/4/1467).45. En Bourbonnais, les occupants de la petite boucherie de Moulins doivent au duc

de Bourbon « chascun, la veille de Noël, la cuisse du meilleur bœuf contenu en icelleboucherie », Litaudon (Marie), Moulins en 1460, Moulins, 1947, p. 26. En Provence, lesbouchers doivent souvent verser au seigneur local les langues des bêtes abattues. Stouff

(Louis), op. cit. note 1, p. 123-124. Cette redevance se rencontre aussi à Dole et Besançon,Theurot (Jacky), op. cit. note 1, p. 214.

46. Marlière (A.), Statistique de l’arrondissement de Clamecy avec notice histo-rique, topographique, etc., Clamecy, 1859, p. 250.

116 Christophe Giraudet

tié des langues pour chaque grosse bête abattue 47. Le comte exigeait ausside leurs collègues de Nevers l’un des membres de chaque animal 48 alorsqu’à Moulins-Engilbert il conservait un membre de chaque bête débitéepar les bouchers durant la foire de la mi-août 49. Une redevance compa-rable quoique plus complexe était également réclamée par le maître de laléproserie de Varzy aux bouchers de la ville 50 et les occupants de la petiteboucherie de Brassy versaient aussi au receveur du lieu les langues des bovinsqu’ils tuaient 51.

En Nivernais, ce droit traditionnel n’était pas nécessairement lié à laprésence continuelle d’une boucherie dans une localité ou à une quelconqueréglementation du métier de boucher. Ainsi, le petit seigneur de Saincaizepossédait un droit similaire de prélever la langue de chaque grosse bête tuéeet détaillée en sa seigneurie 52alors qu’il est certain que cette minuscule loca-lité ne possédait pas de boucher installé à l’année. Bien que le texte ne précisepas les conditions de levée de cette taxe, il est assez probable qu’elle frap-pait les marchands présents lors des foires ou marchés à l’instar de ce qui sepratiquait à Cronat, modeste bourgade de la seigneurie de Vitry aux confinsdu Nivernais et de la Bourgogne 53, et non les simples particuliers pour leur

47. Le comte possédait ce droit par moitié avec le prieur du lieu. Il amodiait sa partchaque année et elle rapportait moins d’une dizaine de livres tournois et quelques livres decire chaque année au Trésor, ADCO, B 5505, fol. 23 v (1384-85) ; B 3306, fol. 24 (1385-86) ;B 5509, fol. 2 v (1388-1389) ; B 5513B, fol. 29 v (1394-95) ; B 5515A, fol. 4 v (1397-98) ;B 5515B, fol. 28 v (1398-1399). Sur les préparations culinaires des langues de bœufs, voirLe ménagier de Paris, II, p. 133, 177.

48. Ce droit était affermé chaque année par l’administration comtale : à la fin duxive siècle il procurait une trentaine de livres environ, ADCO, B 5505, fol. 1 (1384-85) ;B 5506, fol. 1v (1385-86) ; B 5500, fol. 4 (1397-1399). En 1287 déjà, les bouchers de Neversdevaient à l’évêque un morceau de viande d’une valeur de 3 deniers pour chaque animalqu’ils tuaient. Cet impôt n’était exigible que lorsque le seigneur était présent et l’évêque etle comte se partageaient le droit s’ils étaient tous deux dans la ville, Lespinasse (R. de),Registre-terrier de l’évêché de Nevers..., p. 17. Sur ce même droit : Marolles (Abbé de),Inventaire des titres de Nevers, publ. par le Comte de Soultrait, Nevers, 1873, col. 83(lettres de Robert, évêque de Nevers, concernant les sabots des animaux tués par lesbouchers de Nevers et qu’ils doivent à la comtesse de Nevers même en l’absence du comte,29 juillet 1423). ADN, 1 G 28 (Procédures postérieures à 1565 opposant les bouchers deNevers à l’évêque qui revendique le paiement de son droit de sabot ou de trumeau surchaque bête –petite ou grosse, jeune ou vieille– abattue par les marchands).

49. ADN, 3 B 73, fol. 42 v (1511-1512) ; 3 B 74, non folioté (1517-1518).50. ADN, 3 E 28 / 40, minutes de Pierre Boinnault, registre non folioté (Varzy,

7/3/1510). Ces derniers lui devaient les langues des bestiaux tués les vendredi et samedisauf lorsque ces jours coïncidaient avec Pâques, la Pentecôte, la Toussaint ou Noël ou sil’une de ces fêtes était célébrée un dimanche ou un lundi.

51. ADCO, B 3997, fol. 86 (1462- 63) ; B 4002, fol. 76 (1474- 75).52. AMN, GG 50 (1516).53. Les bouchers présents lors de 2 foires annuelles devaient au seigneur de Vitry

la langue des grosses bêtes tuées, Sochet (Claire.), La seigneurie de Vitry sur Loire auXV

e siècle, DES, dactyl, 1966, p. 151 citant le tarif de la laide de la seigneurie de 1525(ADN, 1 F 60, fol. 22). Cronat, Saône-et-Loire, arr. Charolles, cant. Bourbon-Lancy.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 117

abattage domestique de bestiaux. Les autorités municipales de Saint-Pierre-le-Moûtier percevaient également des droits sur les bouchers de la ville maisle registre des délibérations municipales reste muet sur leur nature exacte :versement d’un membre de bête comme évoqué ici ou paiement d’un droitpar étal 54 ? Étonnement, les bouchers decizois ne paraissent pas avoir été sou-mis à une telle redevance d’un membre d’animal mais on trouve en revanchemention de deux taxes prélevées ponctuellement sur leurs ventes de viandeou sur les bouchers eux-mêmes. À l’extrême fin du xive siècle, les archivescitent ainsi un droit de 12 deniers par livre frappant les ventes de viande ;cette taxe de 5 % n’est plus jamais évoquée par la suite et il est probablequ’elle fut éphémère 55. Tout aussi ponctuel a dû être ce droit perçu à la findu siècle suivant par le grand queux du roi qui « a envoyé en ceste ville lever

sur les bouchers, taverniers, hostelliers, et autres vendeurs et revendeurs de

chars et autres cuisine » un droit de cinq sols 56.

Du nombre des bouchers ... à l’estimation du nombre des habitants

On a déjà dit que dans les années 1400, la boucherie de Nevers hébergeaitenviron 25 marchands mais les sources font défaut pour suivre l’évolution deleur effectif dans la suite du siècle. Pour déterminer le nombre de bouchersexerçant à Decize à la fin du Moyen Age, nous avons relevé tous les boucherscités dans les archives et reporté leurs durées d’exercices sous forme d’his-togrammes [Figure 1] en faisant l’hypothèse qu’un boucher est resté actifentre sa première et sa dernière mention. Avant 1450, les archives sont troplacunaires pour autoriser une estimation ; au-delà, la multiplication des sour-ces rend notre recensement plus fiable et signale entre six et dix marchandsactifs concurremment dans les années 1450-1487. Pour les années 1489-1491,on a vu que les baux de la nouvelle boucherie nous livraient douze patro-nymes de bouchers 57 et on peut effectivement estimer que le nombre des

54. Biver (André), « L’administration de Saint-Pierre-le-Moûtier, notices et extraitsdu registre des assemblées d’habitants (1530-1537) », Bull. phil. hist., (1936-1937), Paris,1938, p. 230-233.

55. ADN, 3 E 1 / 70, fol. 159 v (1390).56. AMD, 095 / 2, brouillon, 1486, fol. 4 v.57. Si on confronte cette liste avec la lecture de notre graphe on constate que Pierre

d’Auvergne dit Chenillot, pourtant mentionné comme boucher dans deux protocoles denotaires en 1489 ne figure pas dans les lettres de bail de la boucherie, ce qui porteraità treize le nombre des bouchers en exercice. L’homonymie entre Pierre d’Auvergne etle boucher Jacques d’Auvergne, expressément identifié comme boucher dans les lettresde bail, laisse imaginer qu’ils étaient du même lignage. Peut-être Pierre tenait-il alorstemporairement un banc avec son parent ; il paraît d’ailleurs avoir quitté la ville peu après.Pierre d’Auvergne reçoit de son beau-père ce que celui-ci avait promis à sa fille dans soncontrat de mariage, ADN, 3 E 1 / 74, fol 167 (23/6/1489) ; il vend aux maréchaux Regnautet Étienne d’Auvergne ses droits dans la communauté qu’ils formaient, 3 E 1/119, minutesde Geoffroy Boulard, fol. 7 (30/1/1489).

118 Christophe Giraudet

bouchers decizois actifs vers 1490 était de 12 ou 13 individus. Cet effectifqui s’est maintenu durant plus d’une décennie a certainement corresponduà une période de grande prospérité de la ville. La perception du cens dû auchâtelain de Decize par les bouchers a également donné lieu à une précieuseénumération des professionnels « qui ont tué et vendu chair au lieu et bouche-

rie de Desise » chaque année dans ses rares comptes qui nous sont parvenuspour le début du xvie siècles. Pour les trois premiers registres conservés, lechâtelain dénombre successivement 9 (1507-08), 7 (1511-12) puis 5 (1518-19) professionnels de la viande. Peu ou prou, ces chiffres coïncident avecnos comptages et paraissent fiables 58. Certes, la ville manquait probable-ment de bouchers, de l’aveu même des habitants qui déploraient dans unerequête en 1506 « que depuis demi an en ça, ilz [les bouchers] sont en petite

quantité » 59 ... mais ces chiffres reflètent, à n’en pas douter, un déclin de lapetite cité.

En 1520, l’effectif des bouchers est remonté jusqu’à neuf individus commeen témoignent les lettres de renouvellement du bail de la boucherie et il fauty voir le signe d’une nouvelle vitalité de la ville. Hélas, l’embellie fut brèveet, en mai 1525, une bande de mercenaires italiens pilla et incendia unepartie de la ville en laissant près de 300 morts derrière elle. À la fin de ladécennie, le dernier compte conservé pour la châtellenie ruinée (1527-28) faitétat de seulement quatre commerçant ! À la même époque Varzy comptaitneuf bouchers en exercice (1510- 1528) alors que seulement quatre collèguesofficiaient à Moulins-Engilbert (1511-1518) 60.

Les traditionnelles sources fiscales médiévales comme les compoix, livresd’estimes ou registres de taille faisant malheureusement défaut pour nosvilles nivernaises, on peut s’appuyer sur ces effectifs de bouchers pour propo-ser quelques fourchettes d’estimation de ces populations urbaines. À défautd’un moyen plus précis, le nombre des bouchers actifs permet en effet d’avan-cer quelques estimations chiffrées du nombre d’habitants des localités qu’il

58. En 1507-1508, le châtelain ne mentionne pas Guillaume Morin alors qu’il estrégulièrement cité comme boucher entre 1506 et 1528. À cette date, il était vraisemblable-ment encore jeune valet ou apprenti et ne tenait sûrement pas un banc en propre ; mentionde 1506 : ADN, 3 E 1 / 82, fol. 306 (3/9/1506). Pour l’exercice 1518-1519, Guillaume Jayotest également omis par le châtelain alors que son activité est attestée entre 1515 et 1528.Avait-t-il quitté la ville pour un temps ou travaillait-il en association avec l’un des 5 bou-chers cités ? Mentions antérieures à 1518 : ADN, 3 E 1 / 86, fol. 118 v (20/11/1515) ;3 E 1 / 88, fol. 61 (1/6/1517).

59. ADN, 3 B 72, lettre épinglée au folio 105.60. ADN, 3 B 99, fol. 42 v (1511-12) ; 3 B 100, non folioté (1517-18). Varzy : ADN,

3 E 28 / 40, non folioté (7/3/1510) ; ADY, G 1718 (compte du receveur de Varzy pourl’évêque d’Auxerre, 1527- 28), non folioté.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 119

conviendra de manier avec prudence. Pour établir un ratio entre le nombre decitadins et celui des bouchers « applicable » à nos petites villes, nous avonsrelevé les données chiffrées concernant les boucheries de plusieurs villes dontles pratiques alimentaires différaient vraisemblablement peu de celles descitadins nivernais. Nous avons ainsi écarté les taux calculés pour les villesprovençales en raison des trop grandes disparités entre les modes alimentairesméditerranéens et ceux de la France centrale. Ainsi, pour les villes prochesdu Nivernais on peut raisonnablement retenir un ratio de un boucher pour150 à 220 habitants tandis qu’à Arles ou à Carpentras Louis Stouff a calculédes rapports assez éloignés de un boucher pour 256 arlésiens en 1306 et deun pour 294 en 1436 contre un boucher pour 355 habitants à Carpentras vers1470 61. Certes, la méthode utilisée est encore moins sûre qu’une estimationreposant sur l’application d’un coefficient au nombre des foyers comptabilisésdans les documents fiscaux.

Ville / date

Estimation de la population

nombre de bouchers

1 boucher pour X habitants

référence

Bressuire (Deux-Sèvres, 1452) 1000 à 1200 10 110 FAVREAU (R.), op. cit. note 1, p. 300 et La ville de Poitiers à la fin du Moyen Age, Poitiers, 1978, II, p. 575, n. 756.

Dole 4000 à 4500 15 à 20 2 à 300 THEUROT (J.), op. cit. note 1, p. 213

Montbrison (Loire, début XIVe) 2000 10 à 12 166 à 200 PERROY (E.), op. cit. note 123, p. 116.

Montluçon (Allier, c. 1490) 4000 18 220 MATTÉONI (O.), op. cit. note 1, p. 24

Moulins (Allier, fin XVe) 5 à 6000 40 125 à 150 Ibid.

Orléans (début XVe) 10.000 50 200 THIBAULT (J.), Orléans à la fin du Moyen Age (vers 1380-vers 1450), thèse dactyl., Paris IV, 1997, p. 182, 265-266

Toulouse 1322

1398

40.000

25.000

177

94

226

266

WOLFF (Ph.), op. cit. note 2, p. 376-378

Tab. 1 – Populations urbaines et nombre de bouchers

Avec toutes ces réserves faites sur la fiabilité de la méthode utilisée, cetteestimation d’un marchand de viande pour 150 à 220 individus, rapportéeaux nombre de bouchers des localités nivernaises, nous conduit à estimer lapopulation Nevers à 4 ou 5 000 âmes vers 1400 62 et à situer celle de Decizedans une fourchette de 1 800 à 2 400 individus à la fin du xve siècle contremoins d’un millier vers 1520. Pareillement, dans les premières décenniesdu xvie siècle, Varzy aurait pu compter environ 1 500 habitant et Moulins-Engilbert seulement la moitié.

61. Stouff (Louis), op. cit. note 2, p. 171.62. Leguai (André), op. cit. note 62, p. 138 avance une fourchette similaire de 4 000

à 5 000 habitants sans expliciter ce nombre.

120 Christophe Giraudet

Le métier de boucher

Les archives nivernaises n’ont pas conservé d’ordonnance médiévale orga-nisant la boucherie mais quelques indices montrent cependant que plusieurschartes successives ont dû régler cette activité dès la fin du xive siècle.

Un article d’un règlement de 1399 à destination des ouvriers et artisansde Nevers stipule déjà « que nulz bouchiers de la ville de Nevers ne autres ne

soient si hardiz de vendre en la boucherie jurée de la dicte ville, char de porc

grevé et sur la poyne » de 30 sols d’amende 63. Cette disposition prévenantla vente de chair avariée – celle du porc dont la conservation est la plusdélicate – reprend vraisemblablement un article d’une ordonnance antérieuresur le commerce de la viande à Nevers. Il est assez probable en effet que cetteboucherie attestée dès 1316, et qualifiée très tôt de « boucherie jurée » 64,a bénéficié d’une organisation et d’une réglementation contemporaines decelles édictées en 1380 par le duc Louis II pour le Bourbonnais voisin. Sil’existence d’un premier règlement des professionnels neversois de la viandedemeure hypothétique pour ces années 1380, on a bien trace, en revanche,d’ordonnances régulières promulguées à partir de 1400 par les comtes deNevers pour régir la boucherie de la capitale et ses professionnels mais aucunene nous est parvenue 65.

De même que le texte bourbonnais de 1380, conservé dans son intégra-lité 66, ne cite que Moulins et Montluçon mais s’appliquait à l’ensemble lesvilles du duché, il est probable que les ordonnances du comte de Neverspour les bouchers de sa capitale administraient aussi les principales villes deson domaine.

Il faut attendre 1489 pour trouver des « ordonnances et accords » spé-cifiques aux bouchers decizois, mais ce texte non plus n’a pas été conservé.Cette année 1489 connut peut être un remaniement profond des boucheries

63. AMN, HH 5.64. AMN, HH 5 (1399).65. Parmentier (Charles Antoine), Archives de la ville de Nevers, Paris, 1842, II,

p. 77-78 cite des statuts de la corporation des bouchers de Nevers donnés ou confirmés parles comtes en 1400, 1454, 1464 et 1549 et précise qu’ils « ne sont point sur les livres de laville ». Ils figuraient certainement dans les coffres de la chambre des comptes inventoriéspar lui et pillés à la Révolution. Marolles (Abbé de), Inventaire des titres de Nevers,col. 85 signale quant à lui une ordonnance concernant la boucherie de Nevers datée de1421 mais elle est également perdue.

66. Ce règlement s’attachait à encadrer l’abattage des animaux, à contrôler la qualitéde la viande vendue ainsi que le nombre et les aptitudes des bouchers et enfin à combattretoute tentative de monopole, Mattéoni (Olivier), op. cit. note 2, p. 11.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 121

nivernaises car les professionnels de la viande de Moulins-Engilbert semblentégalement avoir été l’objet d’un texte réglementaire 67.

Au siècle suivant, un règlement régissant les pratiques des professionnelsde La-Charité-sur-Loire est cité avant 1542 68 et un autre, comprenant unedizaine d’articles, est conservé pour l’année 1581 69. À la même époque, onconnaît encore une ordonnance réglementant les activités des bouchers deClamecy (1585) 70.

On a vu que l’accord decizois de 1489 fixait le montant du cens annueldes bouchers et coïncida avec leur déménagement dans un nouveau local.Ce texte prévoyait sûrement aussi l’accession au métier dont il est ques-tion quelques années plus tard à l’occasion d’un litige opposant bouchers ethabitants de la ville 71 (1506). Comme souvent à cette époque, les habitantset les autorités redoutaient plus que tout un monopole ou une entente entremarchands qui renchérirait le prix de la viande. Dans une requête au comteet aux échevins decizois « le commun peuple » dénonce le faible nombredes bouchers de la ville et souligne le risque grandissant d’un monopole :« y a grant inconvénient pour ce qu’ilz vendent laditte chair à leur plaisir et

volonté ». Pour pallier les abus possibles, les échevins ont imposé au prin-temps 1506 la réception d’un nouveau professionnel, Jean Gilbert, qui futreçu « au rapport desdits bouchiers qui ne requirent que ledit Gilbert fist son

chief d’ouvre ». L’acte rapporte aussi que les bouchers decizois étaient assezpeu exigeants sur les qualités requises des nouveaux impétrants et qu’ilsles recevaient « pourveu qu’ilz feussent ydoines et souffisans ». La réali-sation d’un chef d’œuvre destiné à apprécier leur savoir-faire ne leur étaitjamais demandée 72. Les seuls contrôles imposés aux bouchers locaux étaientdes « visitacions » régulières effectuées par un ou plusieurs membres de

67. Un compte du châtelain de Moulins-Engilbert de 1512 cite une redevance d’unmembre due par chaque boucher ayant tué des bêtes pendant la foire de la mi-août, etdont le détail de l’application figure dans son compte de l’année 1488-1489, ADN, 3 B 99,fol. 42 v ; autre mention de ce droit en 1517-1518, 3 B 100, non folioté.

68. ADN, 27 H, fol. 119.69. AMLC, HH 3. Le règlement impose notamment de fixer 3 fois l’an un prix de

référence pour la livre de viande de bœuf, de vache, de veau et de mouton ; limite laquantité de chair qu’un habitant ou un marinier peut acheter en une fois.

70. Marolles (Abbé de), Inventaire des titres de Nevers, col. 459 mentionne cetteordonnance sans en donner le détail.

71. ADN, 3 B 72, lettre épinglée au folio 105.72. Les habitants précisent par la voix du grenetier qui se fait leur porte parole que

« jamais ne virent faire chief d’oeuvre de bouchier qui ont esté receu audit mestier ; etque plusieurs ont esté receuz à excercer leur mestier qui n’ont fait aucun chief d’oeuvre,lesquelx vendant et distribuant chascun jour chair en lad. boucherie ».

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1507

1508

1509

1510

1511

COSSELIN, Jehan avant 1441

QUINOLLE, Jehan

RIPPONEAUL, Guiot

JARDEAU, Jehan

COSSELIN, Pierre

LE TAULX, Georges

GEOFFROY, Jehan de TERNANT

JAYOT, Pierre 2

MORDON, Etienne I

BOYER, Simon

CHORROT, Pierre 1

BOYER, Guiot 2 DAYAT

QUINOLLE, Guillaume

DAYAT, Guiot

JAYOT, Pierre JAYAT

MORDON, Etienne 2 Le Jeune

NORMANT, Robert

ARCHAMBAULT, Jehan 1 GRIVEAUL, Huguenin 2

MORIN, Philibert 2

MORIN, Anthoine

MONEAUL, Jehan

JAYOT, Guillaume 2

PODEMAIN, Jehan 1

COPIN, Guiot

MARTIN, Jehan 13

CHORROT, Pierre 2 l'aîné

QUINOLLE, Pierre 2

CHAULMIGNY, Girbert VERO

DAUVERGNE, Jacques

PORTANT, Claude COUTANCE

MORICE, Pierre

les baux de la boucherie

durées d 'exerc ic e des bouc hers de Dec ize

(1430-1530)

d'après :

les cens payés au châtelain pour la boucherie

les comptes municipaux et protocoles de notaires

Fig. 1 – Durées d’exercice des bouchers de Decize (1430-1530)

Les

bouchers

dans

lespetites

villesà

lafin

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pledu

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ais123

1476

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1526

1527

1528

1529

1530

GRIVEAUL, Guillaume 2

DAUVERGNE, Pierre 2 CHENILLOT

CHAULMIGNY, Jehan VERO

PODEMAIN , Durand

MARCHE, Morice

DAYAT , Jehan

GILBERT, Jehan 2

MORIN, Guillaume

ARCHAMBAULT, Pierre l'aîné

CHIREAU , Georges Gaillard

CHORROT, Pierre 3

NORMANDIE, Jehan

ORAULT, Anthoine

CHAULMIGNY, Aré

BARBIER, Jehan 6

GONTIER, Jehan

JAYOT, Guillaume 3

PODEMAIN, Jehan 2

QUINOLLE Jehan 2 VOISIN

VERO Pierre de

ARCHAMBAULT, Pierre le Jeune

ARCHAMBAULT, Fiacre

CHAULMIGNY, Toussaints

124 Christophe Giraudet

la profession 73. Des embauches externes imposées par les échevins commecelle de Jean Gilbert à Decize restaient exceptionnelles et les statuts debouchers de l’époque stipulaient généralement que les bouchers se recru-taient de père en fils ou de beau-père à gendre. En cas de crise, les autoritéslocales conservaient toutefois le pouvoir d’établir et de nommer de nouveauxprofessionnels : on vient de citer le cas des magistrats municipaux de Decizemais le prieur et les religieux de La-Charité-sur-Loire se virent confirmer cemême droit en 1494 74.

Dans les petites villes où le métier n’était pas réglé – ou juré – les mar-chands exerçaient sans grand contrôle et ne disposaient probablement pasde lieu réservé au commerce de la viande. C’était semble-t-il le cas dans lapetite ville bourbonnaise du Veurdre, sise la frontière du Nivernais et duBourbonnais, où Jean Barrillier, fils d’un tonnelier du lieu, « s’est meslé

à vendre char en détail, [et] par long temps en a vendu » sans empêchementalors qu’il avait été successivement apprenti chez un mercier d’Orléans, puisserviteur chez le maître de la Monnaie de cette ville avant de revenir auVeurdre travailler comme marinier puis comme carrier 75 !

Même en l’absence de statuts professionnels pour nos villes, l’étude despatronymes des possesseurs des bancs de la boucherie de Nevers entre 1399et 1404 révèle l’existence de véritables dynasties « bouchères » où les fils suc-cèdent aux pères et où plusieurs membres d’un même lignage occupent desétals concurremment. Qu’on en juge plutôt en examinant les patronymesdes bouchers actifs à Nevers vers 1400. Voici les Barleuf : Jean Barleufdétient deux étals en 1399-1400 ; un prénommé Hugues est cité en 1400-1401 ; un Simon occupe un autre banc entre 1399 et 1404 et le fils de celui-ci (Simon également) apparaît à son tour en 1403-04. Durant cette courtepériode de cinq années, quatre Jacquelin ont tenu un banc : Guillaume,Guiot, Jean et son fils qui portait le même prénom. Terminons par lelignage des Carimantrant dont trois membres au moins ont occupé une table :Simon – disparu avant 1399-, puis Girart et Guiot. Au total, les 42 bou-chers mentionnés dans les comptes du bailli entre 1399 et 1404 (dont 4 sontdécédés avant 1399) se répartissent entre 27 noms patronymiques différents

73. Le règlement des bouchers de La-Charité impose de même aux marchands de laville une visite tous les trois mois, AMLC, HH 3 (1581).

74. ADN, 27 H, fol. 218 v.75. AMN, FF 9, confession de Jean Barrillier prisonnier à Nevers (1493). Le Veurdre :

Allier, arr. Moulins, cant. Lurcy-Lévis.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 125

mais 23 marchands de chair (54,8 %) appartiennent à seulement 8 lignages(29,6 %) alors que les 19 autres bouchers se dispersent entre 19 familles 76.

Il en va de même à Decize où quatorze des vingt-six familles de bouchersde la ville se sont alliées à une autre lignée de bouchers. Voici le lignage desMordon qui est lié au nom de Maurice Marche après le mariage de celui-ci avec la fille d’Etienne Mordon le Jeune ; voilà les Chorrot qui admettenttour à tour dans leur cercle familial Guiot Copin puis Jean Barbier qui furentles époux successifs de Gilberde Chorrot. Vers 1440, nous trouvons PierreJayot qui est le gendre de son collègue Jean Jardeau et sûrement le beau-frère de Guiot Boyer. Enfin, les Quinolle, dont des bouchers ont porté lenom durant plus d’un siècle, unissent leur patronyme à celui des Morin en1483 à l’occasion du mariage de Marie Quinolle – fille et sœur de boucher– avec Antoine Morin. On pourrait multiplier les mentions de tels mariages.Arrêtons-nous simplement sur deux généalogies significatives : les lignageMordon-Marche et Chorrot-Barbier [figure 4].

Les familles des bouchers decizois multiplient les alliances entre elles maisne paraissent pas chercher à s’unir avec d’autres dynasties de bouchers desvilles voisines. Hormis le cas de Regnaude Mordon qui épouse un boucher deMoulins en Bourbonnais au milieu du xve siècle 77, on ne relève aucun patro-nyme commun entre la liste des marchands de chair de Decize et leurs col-lègues de Nevers, de Moulins-Engilbert, de Varzy, de Saint-Pierre-le-Moûtierou de Moulins et Montluçon en Bourbonnais dont les noms sont parvenusjusqu’à nous.

Les protocoles de notaires mettent aussi en lumière quelques relationsd’affaires qui rapprochent un peu plus ces familles. Toujours à Decize, GuiotBoyer et Etienne Mordon détiennent conjointement des bovins par un bailà cheptel conclu avec un paysan de Cossaye et les deux collègues ont achetéune pièce de terre à défricher avec Pierre Jayot dans la paroisse deDevey 78. Citons encore Jean Podemain qui achète deux bœufs à crédit avecson confrère Guillaume Jayot en 1489 79 ou Antoine Morin qui se portegarant de Durand Podemain quand celui-ci remporte aux enchères la fermemunicipale de la mesure du vin en 1500 80.

76. Par famille ou lignage nous regroupons ici les porteurs d’un même patronymecar les sources ne nous permettent pas d’établir les liens qui auraient pu unir différenteslignées à la suite de mariages des filles de bouchers.

77. ADN, 3 E 1 / 72, fol. 9 (1449).78. ADN, 3 E 1 / 77, fol. 56 v (30/5/1463), 186 (2/2/1465).79. ADN, 3 E 1 / 119, minutes de Geoffroy Boulard, fol. 12 (11/4/1489).80. AMD, 095/15, brouillon, 1500, fol. 22 v.

126C

hristopheG

iraudet

FIG. 3 − Famille Chorrot – Barbier (Decize)

FIG. 2 − Famille Mordon – Marche (Decize)

Jehan TESTE

: boucher cordonnier

: ordre des mariages (mariages multiples)

Pierre CHORROT Jehanne TESTE Jehan de COLONGES Agnes TESTE

cordonnier

1444-1475 1469-1500 1468-1476

Pierre Huguette de HENOUVILLE Hugette Jehan BARBIER Gir berde Guiot COPIN Phileberde Bienvenue

1479-1500 morte avant 1486 1507-1518 1482-1520 1476-1500

vers 1500 1482

Pierre Marie SELLIER

1490-1522

12

1

: boucher : ordre des mariages (mariages multiples)

Etienne MORDON Ysabeau

1442-67 1449-69

Jehannin DARGENT Jehanne BRISSON Etienne MORDON Simon BERTRAND Regnaude Jehan Marguerite VIGNAULTtiss. draps le Jeune queux du duc

1467-1507 Moulins Moulins Moulins

Jehan CHARRETON Marie MORDON Morice MARCHE Pierre MORDON Pournon ALIXANDRE Anthoine ORAINchapelier marchand1488-1518 1500-1507 mort avant 1518

1500

notaire

Guillaume MORDON

BéatrixPhileberde

Marguerite Guillemete Simone

Arée MORDON

1

1

21

2

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 127

Ces solidarité matrimoniales ou marchandes paraissent plus développéesentre les lignages importants de bouchers qui ont compté plusieurs membresdans la profession, qu’au sein des famille connues par un seul marchandde viande. C’est comme si les « vieux » lignages de bouchers cherchaientà pérenniser et à accroître leur position dans la distribution de la viandeau sein de la ville. Cette forte cohésion du monde des bouchers transparaîtaussi quand l’un des leurs se rend chez le notaire pour réaliser un contratet qu’il se fait accompagner de ses confrères qui figurent au bas de l’acteen qualité de témoins. Le phénomène se trouvait encore renforcé par leurregroupement géographique aux abords de la boucherie à l’instar du decizoisJean Archambault qui occupait la maison voisine de celle de Pierre Chorroten 1486. L’analyse des généalogies et des notices prosopographiques établiespour les professionnels decizois montre de façon encore plus éclatante laprédominance de recrutements familiaux susceptibles d’étayer les craintes demonopole exprimées par la population. Si les 55 bouchers decizois identifiésdans notre graphe sont issus d’une petite trentaine de familles, douze lignagesont fourni deux ou trois, parfois six ou sept marchands de viande à la ville etregroupent à eux seuls plus des 2/3 des bouchers. La concentration apparaîtplus forte encore si on met en lumière les relations matrimoniales ou d’affairestissées entre ces lignages [Figure 4].

Il faut toutefois tempérer cette vision très fermée du monde de la bouche-rie et constater que les clans de bouchers ne paraissent pas durer très long-temps dans le temps. Sur la vingtaine de lignages bouchers connus vers 1400à Nevers, seules les familles Maillard et Carimentrant disposent encore d’unreprésentant à la grande boucherie en 1594 81 ! Le lignage des Carimentrantmérite d’ailleurs d’être signalé car il a régulièrement fourni des bouchersà Nevers jusqu’à la fin de l’Ancien Régime mais cette longévité reste uni-que 82. Pour Decize, en dehors de la famille Quinolle qui a eu des représentantsentre 1396 et 1520, les lignages ne semblent pas se perpétuer au-delà de deuxou trois générations et n’occupent un rôle dans la distribution carnée que

81. ADN, 1 G 28, droit de l’évêque sur les bouchers de Nevers (1563-1752).82. De nombreux bouchers appartenant à ce lignage sont connus mais l’absence de

sources notariales médiévales rend impossible l’esquisse d’une généalogie de la famille.Guiot est le premier cité dés 1389 (ADN, 1 E 106, famille Carimentrant, 23/12/1389).Huguenin est signalé en 1426 (Caquet (M.-F.), La ville de Nevers au xve siècle, mémoiremaîtrise, Histoire, Dijon, 1974, p. 58) ; Girart également en 1426 (AMN, CC 30, fol. 42) ;Philibert en 1504 et 1535 (ADN, 1 F 349, n◦ 6 ; 1 F 314) ; Philippe en 1691 (ADN,fichier Flamare, famille Carimentrant) ; feu Louis et Jean, tous les deux bouchers, sontcités en 1750 (fichier Flamare) ; procédure de l’évêque en 1752 contre le boucher SimonCarimentrant pour cause de non paiement du droit de trumeau ou sabots pour les bestiauxtués dans la boucherie en 1752 (ADN, 1 G 28).

128 Christophe Giraudet

pendant cinquante à soixante-dix ans. Au-delà de cette durée, les lignages debouchers s’éteignent et sont remplacés par de nouveaux arrivants. Les raisonsde leur disparition peuvent être multiples sans que nos sources permettentd’apporter une réponse très nette : changement d’activité, manque d’héri-tier mâle pour perpétuer le nom, émigration 83 ? Sauf crise majeure commecelle de 1506 à Decize, le recrutement familial limité aux fils et aux gendresde bouchers, voire à quelques époux de veuves de bouchers, devait suffireà fournir à chaque ville ses détaillants en viande.

L’entrée dans le métier par l’apprentissage était par conséquent excep-tionnelle et le minutier decizois n’a conservé que deux contrats de placementde garçonnets chez un maître qui « luy monstrera son mestier de bouche-

rie » 84, soit moins de 2,2 % des actes de ce type. La durée de l’apprentis-sage est de trois ans dans les deux cas. Dans aucun texte nivernais nousn’avons trouvé cités de « valets » ou « serviteurs » qui assistent si souventles bouchers dans la plupart des boucheries de l’époque 85. Les veuves de bou-chers paraissent pouvoir tenir un banc seules ou avec un parent. À Moulins-Engilbert, la veuve de Philippe Resmond détient ainsi l’un des quatre étalsde la ville en 1511 86 tandis qu’à Decize Jeanne Chorrot continue l’exploi-tation du banc familial avec son fils et son petit-fils après la disparition deson époux. Sa fille Girberde Chorrot poursuit également le commerce de laviande au décès de son mari Guiot Copin, vraisemblablement avec son neveuPierre (1520) 87.

Sur l’activité proprement dite des bouchers on est mal renseigné : aucundocument notarié ou normatif ne décrit leur ouvrage au quotidien derrière

83. On connaît quelques rares cas d’émigration de bouchers nivernais. Etienne Colonalias Fillaulde, installé au bourg de Saint-Étienne de Nevers, part s’établir à Saint-Révérienau nord du comté en 1514, ADN, H 94 (16/6/1514). Aré Chaulmigny, boucher à Decizeentre 1507 et 1515 a quitté la ville peu après et demeure à Cercy-la-Tour en 1519, ADN,3 E 1 / 88, fol. 129 (28/2/1519). On trouve bien un Jean Jayot, boucher à Moulins enBourbonnais en 1460 mais sa simple homonymie avec la famille de bouchers decizois nepeut suffire à établir qu’il est originaire de notre ville, Litaudon (Marie), op. cit. note 45,p. 115.

84. ADN, 3 E 1 / 78, fol 231 (9/11/1474) ; 3 E 1 / 82, fol. 119 (24/8/1500).85. On les trouve mentionnés en Poitou, Favreau (Robert), op. cit. note 1, p. 299,

comme à Montluçon ou Dijon, Mattéoni (Olivier), op. cit. note 1, p. 19-20 ; Hivert

(Florent), op. cit. note 1, p. 31.86. ADN, 3 B 99, fol. 42 v (1511-12).87. ADN, 3 E 1 / 84, fol. 203 - 204 (24/9/1520). Pierre (I) et Jeanne Chorrot eurent

au moins 3 enfants : Pierre (II) devenu boucher, Girberte qui épousa le boucher GuiotCopin en 1482 et Huguecte. Pierre (II) eut un fils aussi prénommé Pierre (III) et égalementboucher ; c’est ce dernier qui est cité avec sa tante Girberte dans le bail de 1520.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 129

leur étal et il est vraisemblable qu’en Nivernais comme dans les provincesvoisines, ils n’ouvraient leur boutique que quelques jours dans la semaine 88.

ARCHAMBAULT GRIVEAUL MARTIN

CHORROT BARBIER

COPIN

CHAULMIGNY / de VERO MORDON MARCHE

GEOFFROY

JAYOT JARDEAU

BOYER / DAYAT COSSELIN GONTIER

PODEMAIN de MORICE

QUINOLLE MORIN GILBERT

d'AUVERGNE CHIREAU

JAYOT 4 bouchers ou + dans le lignage

LE TAULX

MORIN 2 ou 3 bouchers dans le lignage

COPIN 1 seul boucher connu RIPPONEAU

lien matrimonial NORMANDIE

lien d'affaire MONEAUL

Fig. 4 – Solidarités matrimoniales et marchandes entre les familles de bouchers

de Decize (XVe - début XVI

e siècle)

On suppose aussi qu’ils délaissaient parfois leur échoppe pour se rendreaux foires de la région comme à celle qui se déroulait le jour de la Saint-Rémidans la seigneurie de Tresnay, à la frontière bourbonnaise, où les seigneursdu lieu avaient « le droit de lever et exiger sur chascun boucher qui vent

chars à détail aud. lieu et vient à Trenay le jour de la feste sainct Remy, la

somme de 5 s.t. (...) pourvu que lesd. seigneur doivent fournir ung banq (...)pour vendre et detailer leurs chars » 89.

88. À Léré en Berry, sur la rive gauche de la Loire face à Cosne, les quatre occupantsde la boucherie qui appartenait à la collégiale Saint-Martin devaient tenir leur boutiqueouverte les samedi, lundi, mardi et jeudi et devaient veiller à ce qu’elle soit correctementapprovisionnée. ADC, 22 G 12 (août 1483).

89. AN, Q 1* 822/3, terrier de Tresnay, 1489, fol. 3 – v.

130 Christophe Giraudet

Hormis la vente de leurs animaux débités en quartiers ou, plus rare-ment, d’une seule pièce 90, on peut imaginer que les bouchers nivernais prati-quaient le commerce des tripes et abats car la documentation ne cite jamaisde tripier. Les boucher decizois détaillaient peut-être aussi du poisson fraiscomme leurs collègues de Bourges, Dole, Chartres ou même de Florence 91 caraucun « marchant de poysson » ou poissonnier n’y est connu alors qu’ils sontattestés en grand nombre dans les comptes de Nevers 92. Une poissonnerieest bien citée dans le faubourg Saint-Privé de Decize dès 1370 et une ruede la poissonnerie est mentionnée fréquemment à partir de 1477 93 mais lesarchives ne soufflent mot des vendeurs qui les fréquentaient ni des produitsqu’on y vendait. Plus sûrement que la vente de poisson, nos marchandsde viande faisaient commerce des produits restant après l’abattage des bes-tiaux et en particulier des peaux 94. Notons d’ailleurs que l’abattage des bêtesn’était pas partout le monopole exclusif des bouchers. Si une sentence tardivede 1575 réserve aux bouchers de La-Charité le droit d’abattre des bêtes etde débiter de la chair 95, les habitants de Saint-Pierre-le-Moûtier avaient enrevanche droit de sacrifier un porc pour leur usage de la Toussaint jus-

90. Pour offrir au comte de Nevers lors de son entrée dans sa capitale le 1er décembre1408, le boucher Jean Belorssier vend à la ville un bœuf gras (16 L.t.) ; son collègue GuiotMaillart en vend un second au même prix ; et Jean Sehu cède 25 moutons gras à 16 s.8 d.t. pièce (soit 20 L. 16 s. 8 d.t.). AMN, CC16 (1407- 08), fol. 27.

91. AN, X 1a 9199 (Plaidoiries), fol. 128 v-129 (Bourges - 1428). Billot (Cl.),Chartres à la fin du Moyen Âge, EHESS, Paris, 1987, p. 134.- Redon (Odile.), « Lesusages de la viande en Toscane au xive siècle » dans Denis Menjot (dir.),Colloque de Nice(15-17 octobre 1982), 2- Cuisine, manières de table, régimes alimentaires, 1984, p. 121.

92. Par exemple, Dinant Huait et Jean Macon sont « marchant de poysson » etPerreau Cornuete est qualifié tour à tour de pêcheur et poissonnier, AMN, CC 12, fol. 24v, 25 v (1403-1404). La poissonnière Hugecte Quarteronne fournit un saumon aux échevinsde Nevers qui veulent en faire le présent au comte de Nevers, AMN, CC 16, fol 32 v (1407-1408). Les bouchers neversois étaient peut-être aussi habilités à vendre du poisson : leboucher Pierre Gilet et un confrère doivent plus de 23 L.t. à deux decizois pour des carpessans doute destinées à la revente, ADN, 3 E 1 / 73, fol. 282 v (3/3/1479).

93. ADCO, B 4410, fol. 3 v (1370-71) ; B 4413B, fol. 24 (1396-97) ; B 4415A, fol. 10(1400) ; ADN, 3 E 1 / 73, fol. 271 (26/11/1477), 285 (11/6/1479) ; 3 E 1 / 74, fol. 13 v(13/5/1482) ; 3 E 1 / 79, fol. 202 v (26/9/1496) ; 3 E 1 / 83, fol. 294 v –295 (31/12/1520).En 1516, Pierre (III) Chorrot s’associe avec deux marchands pour la concession de prendretout le poisson de l’étang de Briffault dans la paroisse de Saint-Hilaire-Fontaine moyennant340 livres tournois, 3 E 1 / 86, fol. 143 – v (18/3/1516).

94. Le decizois Guillaume Quinolle vend pour 100 sols quelques peaux de mouton,ADN, 3 E 1 / 77, fol. 71 (8/8/1463). Son collègue Robert Normant règle une partie de sesdettes en versant « une toison de layne », 3 E 1 / 78, fol. 27 v (10/6/1466). Devant unnotaire de Varzy, le boucher Simon Fortet d’Auxerre reconnaît devoir à un certain EtienneBeaulvillain six « cuirs de vache à poil » 3 E 28 / 40, non folioté (12/7/1508).

95. ADN, 27 H, fol. 219.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 131

qu’au Carême 96 comme ceux de plusieurs villages de la châtellenie deMontreuillon 97.

Outre le négoce de la viande, certains bouchers faisaient manifestementle commerce, voire l’élevage, de bestiaux qu’ils vendaient sur pied. Le cas lemieux documenté est celui du decizois Pierre (I) Chorrot dont on a conservé39 baux à cheptel passés de son vivant entre 1444 et 1475 ou par sa veuvedans les six ans qui suivirent sa mort. Les contrats qui nous sont parvenusreprésentent un cheptel de cent têtes environ estimé à près de 300 livrestournois. Ce troupeau ne comprenant ni porc ni chèvre est composé de46 bovins, 45 équidés et 9 ovins : seize baux concernent uniquement deschevaux (31 %) et vingt-deux actes (56 %) comportent des chevaux seuls ouaccompagnés d’autres bêtes alors que les mêmes pourcentages relevés pourl’ensemble de notre corpus représentent respectivement 18 % et 26 % 98. Lesdeux espèces privilégiées par Chorrot suggèrent qu’il avait certainement cou-tume de se procurer une partie des bovins destinés à son étal directementauprès des paysans avec lesquels il avait conclu des baux à cheptel et onpeut imaginer qu’il privilégiait les contrats portant sur des chevaux animalnon utilisé pour sa chair à cette époque – pour en faire le commerce 99. Demême Jean Jardeau faisait sûrement le commerce ou l’élevage de moutonssinon comment expliquer son achat à crédit d’un troupeau de 41 « moutons

à layne » 100. Pareillement, Robert Normant achète à crédit de nombreuxanimaux pendant les premiers mois de 1472 - ici 14 moutons ; là un bœuf ;plus tard 24 autres moutons- et il est difficile de croire qu’il les a tous abattusimmédiatement pour ravitailler son étal 101. Cet autre achat de 25 moutonsopéré par un boucher de Moulins en Bourbonnais chez un paysan d’un villagevoisin de Saint-Pierre-le-Moûtier confirme encore que les bouchers devaientcouramment constituer de petits cheptels de bêtes qu’ils mettaient à l’em-bouche pour les abattre au fur et à mesure de leurs besoins 102.

96. Procès entre les bouchers et les habitants car ces derniers tuent des bête endehors de la période autorisée, Biver (André), op. cit. note 54, p. 255 (27/10/1535).

97. Les habitants des villages de Villiers, Grant-Rie, Charnay et Marigny doiventpayer au châtelain un droit dit des « os courts des porcs » : ce droit était dû par leshabitants le lendemain de Noël « touteffois qui tuent bacons pour leur hostel entre lafeste de Toussains et Noël », B 5482B, fol. 20 (1391- 92).

98. Corpus de 644 baux à cheptel pour la période 1438-1518.99. Il achète aussi deux poulains à crédit en 1456 , ADN, 3 E 1 / 72, fol. 231

(24/5/1445). De même, le boucher et marchand de Nevers Jehan Adam dit Petiot achètepour le revendre un grand cheval de poil grison âgé de 8 ans environ, ADN, 3 E 1 / 367,registre 1, non folioté (16/6/1502).

100. ADN, 3 E 1 / 71, fol. 26 (1441).101. ADN, 3 E 1 / 78, fol. 160 - v (26/11/1471), 162 v (2/1/1472), 181 (22/6/1472).102. Achat de 25 moutons par le André Guischard à Girbert Girard de Chantenay-

Saint-Imbert, 3 E 3 / 1, non folioté (1/9/1514).

132 Christophe Giraudet

Pour élever les bêtes dont ils faisaient commerce ou pour terminer l’em-bouche des animaux à abattre, la plupart des bouchers possédaient oulouaient des pacages à proximité des murailles urbaines car la détention dubétail était strictement limitée à l’intérieur des villes comme le rappelle laCoutumes du Nivernais : « dedans les murs de la cité de Nevers, l’on ne peut

nourrir pourceaulx, truyes, boucs, chèvres, cochons, chevreaux et autres sem-

blables bestes sur peine d’amande et aussi es villes de Clamecy et Desize » 103.Cette interdiction devait être régulièrement enfreinte par les bouchers commepar les autres habitants si l’on en juge par les nombreux rappels à l’ordre desmunicipalités et les multiples différends au sujet des divagations d’animaux.Par exemple, la municipalité de Saint-Pierre-le-Moûtier punit d’une amendede sept sols quiconque laissera pénétrer des pourceaux dans la ville et faitpreuve d’une sévérité accrue lors des épidémies de peste 104. Lors d’une visitedu couple ducal de Bourbon à Decize en 1495 les rues sont nettoyées et lesporcs sont chassés de l’enceinte ; deux décennies plus tard des pourceauxappartenant à Etienne de Colons sont encore saisis par des sergents et lecrieur de la ville alors qu’ils errent dans le faubourg de Crotte 105. En 1396,un porc qui divaguait dans les rues de Moulins-Engilbert, sans doute à l’ori-gine d’un accident ou coupable d’avoir dévoré un nourrisson comme cela seproduisait parfois, est condamné à être exécuté « pour ses démérites » telun criminel 106 !

Les prés et les bois où les bouchers font pacager leurs bêtes sont en généralloués individuellement par les marchands tel le decizois Pierre Archambaultqui paye 70 sols et une épaule de mouton chaque année pour jouir des pâtu-rages comtaux de Monceaulx 107.Il n’est pas rare non plus que plusieurs bou-chers s’associent pour prendre un pacage en commun à l’image d’EtienneMordon qui prend à bordelage avec son collègue Jean Archambault les grandsprés « de monseigneur le conte » 108 ou de Guiot Boyer qui acquiert une

103. Coquille (Guy), op. cit. note 4, titre X, article 18.104. AMSP, registre des délibérations, fol. 30 v, 40 v (peste de 1532). Biver (A.),

« L’administration de Saint-Pierre-le-Moûtier... », p. 256- 257.105. AMD, 095/15, brouillon, 1495, fol. 36 ; ADN, 3 E 1 / 86, registre 2, fol.102 v

-103 v (5/8/1515), l’affaire est portée jusque devant la Chambre des Comptes de Neverspour être tranchée.

106. ADCO, B 5514B, fol. 48 (1396- 97). Sur la pratique des procès faits à desanimaux, voy. Pastoureau (Michel), « Une justice exemplaire : les procès intentés auxanimaux (xiiie -xvie s.) », dans Cahiers du Léopard d’or, 9 (Les rituels judicaires), 2000,p. 173- 200.

107. Monceaulx : écart de Decize. ADN, 3 E 1 / 86, fol. 99 v -100 (13/7/1515). PierreChorrot le Jeune prend à cens du prieuré de Moutier-en-Glénon la paisson de tous ses boispour cent sols annuels, 3 E 1 / 83, fol. 11 v (16/7/1515).

108. Etienne Mordon est associé à cette amodiation pour 1/6e et son collègue JeanArchambault pour 1/32e , ADN, 3 E 1/ 77, fol. 145 (8/4/1464).

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 133

pièce de terre en buissons dans la paroisse de Devey pour la défricher avecses confrères Etienne Mordon et Pierre Jayot 109. Pour nourrir ce bétail dansl’attente de la vente ou de l’abattage, les bouchers achètent également régu-lièrement du fourrage ou le droit d’herbage de tel ou tel pré 110.

Fortune et niveau social

Leur activité de marchands de chair, parfois combinée avec celle d’éle-veur et de négociant en bestiaux, faisait-elle de nos bouchers des gens riches?À défaut de sources fiscales pour évaluer leur patrimoine et répondre à cettequestion, on s’intéressera à plusieurs indices de leur bonne ou mauvaise for-tune et en premier lieu aux actes commerciaux passés par eux chez lesnotaires de la ville, en particulier à Decize où les sources sont suffisantespour cette approche.

Les bouchers sont nombreux à placer leurs économies dans des bauxà cheptel et à mi-croît réalisés avec des paysans des paroisses voisines :Etienne (I) Mordon, Jean (I) Archambault, Huguenin Griveaul par exempleet surtout Pierre (I) Chorrot pour lequel on a conservé une quarantained’actes de ce genre représentant un troupeau d’une centaine de têtes estiméà environ 300 livres. Hormis le cas exceptionnel de Chorrot qui faisait sûre-ment le commerce de chevaux et privilégiait les contrats d’équidés, les bovinsdominent dans les troupeaux dans lesquels investissent nos bouchers alorsque porcs, caprins et moutons sont peu représentés. Ce type de placement,particulièrement adapté à des mises répétées et modestes, procure aux bou-chers de traditionnels revenus en argent et en grains au fur et à mesure quele cheptel initial se développe mais leur permettrait aussi de s’approvisionnerplus aisément en bêtes à tuer quand le troupeau s’étoffait.

On ne voit aucun boucher manier de grosses sommes d’argent chez lenotaire ou investir dans des affaires d’envergure en dehors de Pierre Chorrot,troisième du nom à embrasser le métier, qui paraît délaisser peu à peu soncommerce de viande au début du xvie siècle pour s’adonner à d’autres activi-tés commerciales sûrement plus lucratives et, en tout cas, plus honorifiques.En 1512, il prend à ferme avec deux marchands decizois le port de la Logesitué sur la Loire à partir duquel s’exporte le charbon extrait des minesde la forêt de Glénon 111. L’année suivante, il achète au praticien decizois

109. ADN, 3 E 1 / 77, fol. fol. 56 v (30/5/1463).110. ADN, 3 E 1 / 72, fol. fol. 202 v (25/2/1445) ; 3 E 1 / 76, fol. 162 (2/6/1455).111. Les preneurs versent une redevance de 40 sols et 2 charrettes de charbon par

an, ADN, 3 E 1 / 86, fol. 13 v (5/8/1512).

134 Christophe Giraudet

Claude Piga un important ensemble de terres et de bâtisses pour un mon-tant de 110 livres. En 1516, il s’associe avec deux marchands pour acquérirdu châtelain le droit de prendre tout le poisson de l’étang de Briffault dans laparoisse de Saint-Hilaire-Fontaine moyennant la coquette somme de340 livres tournois 112. Avec son père il prend aussi à cens une attache pourun moulin flottant sous une arche du pont de Loire qu’il loue ensuite à unmeunier contre quelques mesures de froment et de seigle chaque année 113. Ausoir de sa vie, sa fortune paraît assez considérable puisqu’un acte le montrecapable de vendre pour quelque 300 livres divers droits de rente et de borde-lage au seigneur de Chevigny 114. À une moindre échelle, Jean Chaulmignya aussi fait preuve d’initiative en prenant à ferme la coûteuse exploitationd’une mine de charbon nouvellement ouverte dans la forêt de Glénon 115

mais ces deux personnages ne paraissent pas avoir eu d’imitateurs parmi lesautres bouchers decizois. Généralement, les protocoles de notaires ne citentdes bouchers qu’au détour de modestes baux à cheptel ou lorsqu’ils louentou vendent une vigne, un pâturage ou une insignifiante maison.

Toujours pour apprécier le niveau de richesse de nos marchands, l’étudedu montant des dots consenties à leurs filles ou à leurs épouses n’est pas trèséclairante car les promesses de mariage les concernant sont trop clairsemées.Toujours dans le minutier decizois, les quelques actes recensés dépeignentplutôt des situations modestes. L’épouse de Guiot Boyer ne lui apporte que4 livres en dot (1478) alors que Jean Archambault laisse à sa fille une petitevigne pour ses épousailles ainsi que 20 livres dont il étale le versement entrois termes sur deux ans. Quand Marie Quinolle épouse le boucher AntoineMorin, elle ne reçoit de son père, boucher également, qu’un cheptel de bêtesprisé 10 livres, une moitié de vigne et un classique trousseau composé deliterie, d’ustensiles de cuisine et de vêtements 116. Au-dessus de la moyenneon relève la dot de 40 livres et un poulain versée par Etienne Mordon à safille Marie en 1500 mais une fois encore, la seule famille à se singulariser

112. ADN, 3 E 1 / 86, fol. 23 v- 24 (5/1/1513), 143 – v (18/3/1516).113. ADN, 3 E 1 / 83, non folioté (6/6/1508), 317 (17/9/1521). En 1509, le seigneur

de Beaudéduit amodie aussi à Pierre Chorrot le Jeune l’étang du Perraz et le moulinqui est au-dessous pour 6 ans moyennant 36 L. 10 s.t. par an , 3 E 1 / 368, non folioté(3/6/1512).

114. ADN, 3 E 1 / 83, fol. 242 v- 243 (17/1/1519), 303- 305 (2/4/1521).115. ADN, 3 E 1 / 86, fol. 100 - 101 v (3/8/1515). Le boucher Pierre Archambault

s’est également essayé à l’exploitation d’une mine de charbon vers 1515 mais il paraîts’être rapidement dessaisi de ses droits au profit de deux autres exploitants, 3 E 1 / 86,fol. 154 v (11/7/1516).

116. ADN, 3 E 1 / 78, fol. 359 v (12/5/1478) ; 3 E 1 / 79, fol. 238 - v (7/5/1501) ;3 E 1/ 74, fol. 60 v - 61 (14/10/1483).

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 135

vraiment est celle des Chorrot qui dote Gilberte d’au moins cent livres, deuxvaches et une jument quand elle s’unit au boucher Guiot Copin en 1482 117.

Le niveau de fortune des bouchers decizois se révèle encore à l’aune deleurs mises pour enlever les fermes des impôts indirects de la ville que leshabitants se disputent annuellement aux enchères pour les profits qu’ellesdégagent. Les rares mentions de marchands de viande dans la liste desenchérisseurs et des adjudicataires laissent imaginer leurs faibles ressources.Robert Normant enchérit sans succès de 1468 à 1470 pour la ferme dubarrage du pont de Crotte attribuée chaque année pour une douzaine delivres seulement mais parvient à la décrocher pour les années 1471-1475. En1516, son collègue Guillaume Jayot propose une modeste mise de 23 livrespour la même ferme mais elle lui échappe à 32 livres. Les fermes plus coû-teuses ne sont qu’exceptionnellement convoitées par les bouchers et seulsJean Chaulmigny (203 L.t. en 1524) et les deux associés Antoine Morin etDurand de Podemain (83 L.t. en 1500) obtirent la ferme de la mesure du vin.Presque numériquement deux fois plus nombreux que les barbiers, les bou-chers decizois sont bien moins opiniâtres qu’eux pour décrocher les fermesde la ville et ils ambitionnent essentiellement les moins onéreuses 118.

Quand le boucher diversifie ses activités professionnelles il perd son titrede boucher dans les protocoles de notaires et se pare de l’épithète plus avan-tageux de marchand même s’il poursuit effectivement son négoce de bouche-rie : c’est le cas de Jean Chaulmigny et de Pierre Chorrot le Jeune dans lesannées 1510. Seulement à ce moment, il atteint une certaine respectabilitéet peut briguer une charge municipale. Chorrot accède ainsi à l’échevinat en1509, 1526 et 1535 au moins et devient receveur des deniers communs de 1515à 1525 119. La réussite d’un Pierre Chorrot ne doit pas faire illusion et à notreconnaissance aucun autre boucher decizois n’a accédé à de telles responsabili-tés communales. Ultime preuve de la réussite du lignage des Chorrot enrichi

117. BMN, ms. 39, fol. 103 (6/10-1500) ; ADN, 3 E 1 / 74, fol. 38 (19/12/1482).118. Giraudet (Christophe), « Le milieu médical à Decize à la fin du Moyen Âge »,

Annales de Bourgogne, t. 72, 2000, p. 261-262. Sur la même période nous avions recenséune trentaine de barbiers. À Autun entre 1410 et 1447, les archives laissent imaginer unesituation comparable à celle de Decize. Les bouchers sont nombreux à enchérir sans succèsdans les fermes fiscales et les barbiers, qui sont relativement aisés, paraissent être moinssouvent déconfits qu’eux lors des enchères, Bardiau (Delphine), op. cit. note 34, p. 85-87,102-103.

119. AMD, 095/03, 1509, fol 14 (échevin).- En avril 1522, il reçoit une injonctiondes autorités du bailliage du Nivernais de présenter ses comptes avant un mois sous peinede cent livres d’amende, 095/03, injonction à Pierre Chorrot (1522). Il est vraisemblablequ’il a abandonné son métier d’origine à cette époque : Il n’est plus cité comme boucheraprès 1522 et il est absent du dénombrement des bouchers de 1528-29.

136 Christophe Giraudet

par trois générations de commerce de la viande et d’affaires bien gérées :la fille de Pierre le Jeune épouse le notaire Pierre Piga. Les sources never-soises plus limitées ne permettent pas d’apprécier la fortune des négociantsen viande et le cas du boucher Jean Sehu qui fut retenu en septembre 1468pour accompagner à Saint-Pourçain, en Bourbonnais, une délégation com-posée d’échevins de Nevers et de l’official « par devers le roy estant audit lieu

pour lui remonstrer les affaires et necessitez de lad. ville » 120 semble assezmarginal et peu significatif de la place réelle des bouchers dans l’appareilmunicipal. En cela, les marchands de chair nivernais sont proches de leurscollègues poitevins, tourangeaux, dolois ou toulousains 121.

Même si les sources sont souvent trop clairsemées pour bien saisir la miseen place et l’organisation des boucheries au cœur des ville nivernaises, lesactes retrouvés jettent un éclairage intéressant sur le fonctionnement de cemétier à l’échelle des petite ville. Les archives nous font connaître diverslieux d’implantation de ces boucheries urbaines, l’importance numérique deces professionnels, les charges qui pesaient sur eux, et, surtout, elles situentles hommes sur le devant de la scène. Avec prudence, nos dénombrementsde marchands de viande peuvent aussi permettre d’estimer la population dequelques localités, voire de souligner les périodes de prospérité et de déclinpour Decize. Les nombreux protocoles de notaires mettent particulièrementen lumière la grande solidarité de ce groupe social qui se traduit principa-lement par une forte endogamie mais aussi par des achats ou des locationsde biens à communs frais. On aimerait en savoir plus sur les pratiques pro-fessionnelles de nos bouchers derrière leurs tables mais on est parfois mieuxrenseigné sur les activités qu’ils développent verticalement, en aval ou enamont de la vente de la viande proprement dite (élevage, commerce de bes-tiaux, vente de peaux). Les archives fiscales font défaut pour apprécier larichesse de ces commerçants et leur place dans la société. On constate toute-fois que la plupart de nos marchands sont modestes et que leurs transactionshabituelles sont de faible ampleur. En général, ils ont peu de fortune et

120. AMN, CC 62, fol. 31. Ce boucher exerçait depuis 1448 au moins. Il occupaitalors une maison rue du Fer, ADN, 2 G 107, non coté (11/12/1448) ; 2 G 128, non coté(16/11/1448). En 1408, un homonyme exerçait déjà la boucherie à Nevers : son père ouson grand père probablement? AMN, CC 16 (1407- 08), fol. 27.

121. Favreau (Robert), op. cit. note 1, p. 300 ; Chevalier (Bernard), op. cit. note 1,p. 167 ; Theurot (Jacky), op. cit. note 1, p. 220- 221 ; Wolff (Philippe), op. cit. note 2,p. 383.

Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen Âge : l’exemple du Nivernais 137

d’ambition en affaire et leurs revenus, voire leur métier, leur ôtent toute pos-sibilité d’accession à l’élite du corps communal. Quelques rares lignages semontrent plus entreprenants et disposent d’assez de capitaux pour gommerleur origine « bouchère » et se hisser dans le monde de la « marchandise »qui seul peut leur ouvrir les portes de la maison commune pour un mandat.Au total, c’est surtout un groupe très disparate 122 : quoi de commun entre unPierre (III) Chorrot ou un Jehan Chaulmigny, dont la réussite rappelle celledes Chambon foréziens 123, et les bouchers sans grade et impécunieux à l’ins-tar d’un Pierre Cosselin ou d’un Guillaume Griveau, serf affranchi devenuboucher 124?

Christophe Giraudet

Doctorant, Université Lumière-Lyon 2, UMR 5648

122. Ce constat de grande hétérogénéité du groupe social des bouchers est relevépar tous : Stouff (Louis), op. cit. note 2, p. 158-166 ; Wolff (Philippe), op. cit. note 2,p. 377-379 ; Mattéoni (Olivier), op. cit. note 2, p. 37.

123. Perroy (Etienne), « Les Chambon, bouchers de Montbrison (c. 1220-1314) »,Annales du Midi, 1955, p. 105-127.

124. En 1507 ses héritiers doivent une redevance 40 sols et une géline au châtelainpour leurs tailles et manumissions en vertu d’un acte enregistré « ou livre des composi-cions », ADN, 3 B 72, fol. 88 v.