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Le mobilier en fer du bâtiment 30 de Châtenois (67)
Mémoire de Master sous la direction de Jean-Jacques Schwien 2016
Aspects de la vie économique, domestique et sociale à la fin
du Moyen Age
Présenté par :Florent Minot
Table des matières
Remerciements p.7Introduction p.91. Le contexte p.101.1 Contexte géographique et morphologique p.101.1.1 Situation géographique p.10
1.1.2 Situation Topographique p.11
1.1.3 Description du Plan p.13
1.1.4 Un cimetière fortifié à Châtenois ? p.17
1.2. Le château de Châtenois : chronologie et phasage p.181.3 Historiographie p.211.3.1 Monographies et articles historiques p.21
1.3.2 Les données archéologiques : de la découverte fortuite à la fouille programmée
p.23
1.4 Archéologie du bâtiment 30 : les données de fouille p.251.4.1 Bâti p.25
1.4.2 Elements de stratigraphie p.30
1.4.3 Mobilier et datation p.32
2. L’étude p.372.1 Présentation du corpus et méthodologie p.372.1.1 Cadre matériel de l’étude p.37
2.1.2 Etat de la recherche p.392.1.2.1 Les armes p.41
2.1.2.2 Les outils p.43
2.1.2.3 Méthode et objectifs p.45
2.2 Etude de l’armement p.462.2.1 L’armement offensif p.47
2.2.1.1 Les projectiles p.47
2.2.1.2 Les armes d’hast p.54
2.2.1.3 Les armes de main p.57
2.2.2 L’armement défensif p.60
2.2.2.1 Protection de tête p.60
2.2.2.2 Protection des jambes p.68
2.2.2.3 Autres pièces p.69
2.3 Etude de l’outillage agricole p.722.3.1 Le travail de la terre p.72
2.3.1.1 Pic et pioche p.73
2.3.1.2 Houes à crocs p.75
2.3.1.3 les houes plates p.78
2.3.2 Travail sur les végétaux : élimination et récolte p.80
2.3.2.1 Les grandes serpes p.80
2.3.2.2 serpes à vigne p.82
2.3.2.3 Les faucilles p.88
2.3.2.4 La fourche p.91
2.3.2.5 Le cure soc ou échardonnoir p.93
2.4 Les outils de l’artisanat p.952.4.1 Le travail du bois p.95
2.4.1.1 Les haches p.95
2.4.1.2 Les scies p.98
2.4.1.3 L’herminette p.98
2.4.1.4 Les tarières p.100
2.4.2 Le travail du métal p.103
2.4.2.1marteaux p.103
2.4.2.2 Pince et tenailles p.105
2.4.3 La construction p.106
2.4.3.1 Burin p.106
2.4.3.2 Truelle p.106
2.4.3.3 Fil à plomb p.108
2.5 Élevage maréchalerie et équitation p.1092.5.1 Les soins au cheval p.110
2.5.1.1 Etrille p.110
2.5.1.2 Boutoir p.110
2.5.1.3 Les fers p.112
2.5.2 Harnachement et équitation p.116
2.5.2.1 Mors p.116
2.5.2.2 Eperons p.119
2.5.3 Elevage p.123
2.5.3.1 Forces p.123
2.5.3.2 Clarines et sonnailles p.126
2.6 Outils et ustensiles domestiques p.1282.6.1 Couteaux p.128
2.6.2 Raclette à maie et pétrin p.132
2.6.3 Epingles et Aiguilles p.135
3. Caractérisation de l’habitat : La vie dans et autour du bâtiment 30 à partir du mobilier métallique. p.1373.1 Le bâtiment 30 et ses habitants p.1373.1.1 Une maison de chevalier ? Aspects fonctionnels du mobilier militaire p.137
3.1.2 Le mobilier comme marqueur social p.139
3.1.3 Bellatores et Laboratores p.140
3.2 Des travaux et des jours p.1423.2.1 Polyculture et élevage : subsistance ou diversification ? p.142
3.2.1.1 Céréaliculture p.142
3.2.1.2 Autres cultures p.145
3.2.1.3 Elevage p.146
3.2.2 Vigne et Vin p.146
3.2.3 Artisanat domestique p.150
Conclusion et perspectives p.153Bibliographie p.156Données numériques p.160
Sauf mention contraire, les photos, dessins et croquis ont été réalisés par nos soins.
7
Le bâtiment 30 de Châtenois : Introduction
Remerciements
En premier lieu, je souhaite remercier vivement Jean-Jacques Schwien, d’avoir
accepté de diriger ce travail de recherche et pour ses précieux conseils et suggestions.
Je tiens également à adresser mes remerciements sincères à Jacky Koch, de
m’avoir offert ce magnifique corpus et de m’avoir accompagné dans l’étude de celui-
ci, me formant et me corrigeant au gré des différentes (longues) étapes de mon travail.
Je pense également à Matthieu Fuchs et à l’ensemble de l’équipe du Pôle d’Ar-
chéologie Interdépartemental Rhénan qui ont mis à ma disposition un espace de tra-
vail, m’ont offert un soutien logistique et de précieux conseils, je pense particulière-
ment à Agathe Mulot, Gaëlle Harouard, Solenne Milbled, Anaïs Vigneron, Mathias
Higelin et Franck Abert.
J’exprime ma reconnaissance à André Hugel pour son aide précieuse et la mise
à disposition de l’iconographie en sa possession.
Pour l’aide apportée à la réalisation de certains dessins, je souhaite remercier les
étudiants venus fouiller à Châtenois lors de la campagne de fouille de 2012.
Je pense aussi à la commune de Châtenois, au soutien indéfectible qu’elle ap-
porte à ces campagnes de fouilles, ainsi qu’au groupe Patrimoine et Histoire de Châte-
nois et plus particulièrement Luc Adoneth et Jean-Philippe Dussourd.
Je souhaite enfin remercier mes proches, famille et amis, mais aussi ma com-
pagne, pour leur soutient et leur patience.
9
Le bâtiment 30 de Châtenois : Introduction
Introduction
En 2011, nous rencontrons M. Jacky Koch, archéologue territorial au Pôle d’Ar-
chéologie Interdépartemental Rhénan (PAIR), au château du Schrankenfels. Nous dis-
cutons des fouilles qu’il mène sur le bâtiment 30, à l’intérieur de l’enceinte cimétériale
de Châtenois, et il nous suggère d’entreprendre un travail sur le mobilier métallique
de cette fouille dans le cadre d’un Master. Rapidement convaincus par ce projet, nous
nous y engageons sous la direction de M. Jean-Jacques Schwien, maître de conférence
en archéologie médiévale à l’Université de Strasbourg. Ce choix répondait à notre sou-
hait de spécialisation en archéologie du mobilier métallique, un domaine quelque peu
délaissé par la recherche dans la région.
Les problématiques scientifiques étaient multiples, il s’agissait dans un premier
temps de réaliser un catalogue de dessins et de photos du corpus, afin de le documenter
et d’en assurer la sauvegarde, et dans un second temps de réaliser une étude plus pous-
sée visant à comprendre la fonction de chaque objet afin de connaître et d’illustrer les
aspects de la vie quotidienne du site à la fin du Moyen Âge. Ces étapes, très formatrices,
ont bénéficié d’un soutien du PAIR, tant au niveau des infrastructures et du matériel
mis à ma disposition que par la qualité des échanges scientifiques avec le personnel.
Le bornage chronologique s’impose de lui-même dans la mesure où nous étu-
dions un corpus unique, de même pour les questions de limites géographiques.
Il nous a paru nécessaire de faire le point sur les données historiques et archéo-
logiques disponibles à l’échelle du site fortifié de Châtenois, afin de poser le décor et
de situer les objets étudiés dans un contexte plus large. L’étude du mobilier à propre-
ment parler, de même que les aspects méthodologiques et historiographiques qui s’y
rattachent, vient dans un second temps et forme le coeur de notre travail. Les conclu-
sions que nous pouvons tirer de cette étude à l’échelle du site font l’objet de notre troi-
sième partie, la deuxième se consacrant uniquement aux aspects morphologiques et
techniques. Cette mise en perspective finale nous permettant d’approcher les aspects
de la vie économique, domestique et sociale du bâtiment 30 à la fin du Moyen Âge.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
10
1. Le contexte
Ce travail de synthèse et de compilation des données existantes a pour objectif
de mettre en perspective notre étude du mobilier métallique, qui ne doit pas être une
fin en soi, mais un moyen de contribuer à l’histoire du site. C’est pourquoi un rappel
des connaissances historiques sous forme de préambule nous a paru nécessaire afin
d’éviter au lecteur de se plonger dans la bibliographie de référence. Globalement, nous
reprendrons donc les conclusions des auteurs qui se sont penchés sur le sujet avant
nous, ce qui ne nous empêchera pas d’apporter l’une ou l’autre information complé-
mentaire notamment à la lumière des dernières données de fouille. Nous nous arrê-
terons tout d’abord sur les données géographiques et topographiques du cimetière
de Châtenois, passage obligatoire et nécessaire qui nous amènera à parler de la place
de cette fortification au sein de l’ensemble des cimetières fortifiés Alsaciens. L’histo-
riographie sera traitée sur deux plans. Les deux premiers traiterons chacun d’un type
de travaux, historiques ou archéologiques, le quatrième compilera et synthétisera les
données recueillies pour brosser un tableau chronologique de l’occupation du site.
Après cela nous entrerons dans le vif du sujet en abordant les données archéologiques
concernant le bâtiment 30, autant pour le bâti que pour le mobilier. Ce travail aura
aussi pour objectif de mettre en évidence les indices de datation et de préparer ainsi
notre étude de mobilier.
1.1 Contexte géographique et morphologique
1.1.1 Situation géographique (fig. 1)
A l’ombre du Hahnenberg, colline sous-vosgienne de 599 m d’altitude1
qui la domine à l’ouest, la petite ville de Châtenois s’étend le long de la route des vins
qui la traverse du sud au nord, et au débouché des vals de Lièpvre et de Villé. Géologi-
quement, le terrain est composé d’une part de lœss argilo-sableux et d’autre part d’un
dépôt alluvial formé par des ruisseaux.
1 Données IGN
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
11
Fig 1 : Situation géogra-phique du site. (IGN)
1.1.2 Situation Topographique
Châtenois était ceinte d’une levée de terre avec fossé, une description de
1779 conservée à la bibliothèque humaniste de Sélestat mentionne « Quatre portes et
un fossé » ainsi qu’ « une espèce de rempart de terre »1. La double enceinte en pierre
du cimetière fortifié de Châtenois, aussi appelé « quartier du Château », occupe le
sud-ouest de la petite ville, à 203 mètres d’altitude2. Dominant légèrement la plaine
d’Alsace, cet enclos construit dans la pente forme un quadrilatère irrégulier aux angles
arrondis orienté nord-sud. L’enceinte extérieure délimite un espace de 192 mètres de
long pour 120 mètres de large. L’enceinte intérieure suit la même orientation, ses di-
mensions plus réduites sont de 140 mètres du nord au sud et de 68 m d’est en ouest3.
Chacune de ces enceintes est bordée par un fossé. La position de cette fortification n’a
rien d’avantageuse et sa domination sur la plaine n’est que relative. De ce fait elle n’est
pas très visible dans le paysage alentour. Le flanc ouest de la fortification est dominé
par les contreforts du Hahnenberg, cependant la pente est relativement douce à cet
endroit, ce qui, sans donner une position dominante depuis la fortification, permettait
un tir tendu depuis le haut des remparts4.
1 DUSSOURD (J.-P.), L’Amthaus ou la maison du bailli dans le quartier du château de Châtenois, in Annuaire de la société d’histoire du val de Villé, n°24, 1999, p.67.2 Donnée IGN3 Pour les dimensions des enceintes : KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2008 p.11.4 KOCH (J.), information orale.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
1219
Y=75.700
Y=75.800
Y=75.900
X=975.400
X=975.500
700Y=75.
800Y=75.
900Y=75.
400X
=975. 500X
=975.
11e et 12e siècles (clocher)
13e siècle
15e siècle
du 15e au 17e siècle
zone sépulcrale (Brenner - 1966)
Fig. 2 : CHÂTENOIS, Jardin du Presbytère : plan chronologique du site, DAO J. Koch sur fond Cab. Faller-Schaller, éch. 1/1000.
3050
80
70
Fig 2 : Plan du site fortifié, DAO Jacky Koch sur plan cadastral (2013). Echelle 1/1000e
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
13
1.1.3 Description du Plan (fig. 2)
L’intérieur de la première enceinte est occupé par un habitat dense (fig.
3), à l’exception des abords de l’église au sud et des jardins autour du presbytère au
nord. L’espace séparant les deux enceintes est libre de toute construction au nord à
l’ouest et au sud, là ou le tracé du rempart intérieur est encore conservé. Large d’une
trentaine de mètres et mis en herbe, il était encore occupé par des vergers au XXe siècle1.
La partie est est quand à elle fortement urbanisée et le tracé du rempart est interrompu
en plusieurs endroits. Ici, le rempart a été littéralement absorbé par des constructions
postérieures alors que sur les trois autres côté celles-ci ne font que s’y appuyer du côté
intérieur. Le fossé intérieur est remblayé sur toute sa moitié est, le fossé extérieur a lui
été remblayé à l’ouest, et la zone est occupée par le vignoble. L’Église du XVIIIe siècle
et son enclos occupent le tiers sud de l’enceinte intérieure. Cet édifice occidenté rem-
place une construction romane de dimension plus réduite et orientée2. Seul le clocher
de cette église a été conservé et intégré à la nouvelle construction. Le rempart intérieur
a été arasé pour permettre cette construction qui dépasse son tracé de quelques mètres
à l’est. Le quartier du Château abrite une quinzaine de maisons d’habitations dont une
partie est accolée au rempart. Le bâtiment 30 se situe en contrebas du presbytère, au
milieu du rempart intérieur nord sur lequel il s’appuie. La densité des constructions
actuelles est inférieure à ce qui existait à la fin du Moyen Age puisqu’un registre de cens de
1489 dénombre 20 maisons devant un cens en chapon au Grand Chapitre, chiffre déjà supérieur
au nombre de construction actuelles bien qu’excluant les éventuelles habitations exemptes de
cens ou le payant d’une autre manière3. Les trois bâtiments découverts dans le jardin du
presbytère illustrent bien cet état de fait. La partie Nord de l’enclos abritait égale-
ment une chapelle sous le vocable de Saint Pierre et son cimetière attenant4. Celle-ci
se trouvait probablement au niveau du virage de la rue du Château, en contrebas
1 BRENNER (H.), Châtenois, au pied du Hahnenberg, Corpur, Strasbourg, 1998.2 ADONETH (L.), DUSSOURD (J.-P.), avec la coll. de KOCH (J.), METZ (B.). — Le quartier du château de Châtenois au Moyen-Âge. Groupe Patrimoine et Histoire, présentation de la conférence du 09/03/07, livret 1/2, Châtenois, 2007, p.9.3 DUSSOURD (J.-P.), L’Amthaus ou la maison du bailli dans le quartier du château de Châtenois, in Annuaire de la société d’histoire du val de Villé, n°24, 1999, p.82.4 ADONETH (L.), DUSSOURD (J.-P.), avec la coll. de KOCH (J.), METZ (B.). — Le quartier du château de Châtenois au Moyen-Âge. Groupe Patrimoine et Histoire, présentation de la conférence du 09/03/07, livret 1/2, Châtenois, 2007, p.15.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
14
Fig 3 : Vue aérienne du site fortifié depuis l’ouest (2013), Photo Andrew Warring-ton
Fig 4 : Les tourelles d’angles de la première enceinte (2014), au sud-est à gauche, au nord-ouest à droite
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
15
de l’actuel portail du presbytère1. L’enceinte intérieure est flanquée de deux petites
tours rondes (fig. 4) ; la première est accolée au presbytère dans l’angle nord-ouest, la
seconde, disparue lors du remblaiement lié à la construction d’un parking en 1969, a
été redécouverte par une fouille à l’angle sud-est, à moins de deux mètres de l’église.
Le mur d’enceinte atteins 1.40 m d’épaisseur, il est composé de deux parements et d’un
blocage central comme c’est généralement le cas pour les enceintes castrales2. Haut
d’environ 10 m, il était doté d’un chemin de ronde avec crénelage, encore visible du
côté ouest (fig. 5). Cet enclos était percé d’une porte qui se situait au début de l’actuelle
rue du Château et dont les fondations ont été observées par Brenner lors de travaux
dans les années 603. Son mur nord était probablement en contact avec l’angle sud-est
de l’Amthaus, auquel elle est toujours associée dans les sources4. Dussourd mentionne
également un pont dormant reliant cette porte à celle de la seconde enceinte et permet-
tant d’enjamber le fossé intérieur. Le rempart extérieur est d’une morphologie toute
différente, ici, pas de parement ni de blocage, un mur simple d’une épaisseur de 0.65
à 0.90 m s’appuie vers l’intérieur sur une imposante levée de terre située en avant du
fossé de la première enceinte5. Ce rempart est doté d’une porte fortifiée encore en place
sous laquelle passe la rue de l’église (fig.6). Le tracé du rempart est complet même si
des habitations s’y appuient dans la partie est. Il possédait une tour de flanquement à
base ronde dans sa partie sud-est, mais celle-ci a été détruite en 1929, lors de l’aména-
gement de la rampe d’accès à l’église reliant la rue Saint Georges à la rue de l’église6
(fig. 7). La défense du rempart était complétée par des meurtrières aménagées pour
les armes à feux, ainsi que deux contreforts au sud dont la partie supérieure est percée
d’ouvertures de part et d’autre permettant un tir parallèle au tracé du rempart.
1 Brenner y a observé de nombreuses sépultures orientées est-ouest.2 ADONETH (L.), DUSSOURD (J.-P.), avec la coll. de KOCH (J.), METZ (B.). — Le quartier du château de Châtenois au Moyen-Âge. Groupe Patrimoine et Histoire, présentation de la conférence du 09/03/07, livret 1/2, Châtenois, 2007, p.7.3 BRENNER (H.), Châtenois, au pied du Hahnenberg, Corpur, Strasbourg, 1998.4 DUSSOURD (J.-P.), L’Amthaus ou la maison du bailli dans le quartier du château de Châtenois, in Annuaire de la société d’histoire du val de Villé, n°24, 1999, p.81.5 Ibid. p.68.6 METZ (B.), Les cimetières fortifiés, in FIXOT (M.) et ZADORA-RIO (E.) (dir.), L’église la campagne, le ter-roir, CNRS, Paris, 1989, p.36.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
16
Fig 5 : Vestiges du crénelage de la première enceinte (2014)
Fig 7 : La tour de flanquement de l’enceinte extérieur en 1839, litho-graphie de Jacques Rothmuller
Fig 6 : La tour porte de l’enceinte extérieur (2013)
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
17
1.1.4 Un cimetière fortifié à Châtenois ?
L’église et le cimetière ont au Moyen Age un rôle prépondérant dans
la vie rurale, non seulement pour leur caractère sacré, mais aussi par ce qu’ils repré-
sentent un refuge régi par le droit d’asile1. Certains de ces espaces ont été fortifiés, le
plus souvent pour protéger les biens ecclésiaux ou pour servir de refuge aux habitants.
Elisabeth Zadora-Rio classifie ces enclos en trois ensembles, selon leur superficie et
leur type d’occupation2. Avec ses 1,8 ha, la double enceinte de Châtenois entre dans
la troisième catégorie de cette typologie, à savoir celle des cimetières les plus vastes,
aux côtés des cimetières alsaciens de Dambach-la-Ville (1,5 ha) et Dettwiller (1,5 ha).
En Alsace justement, les cimetières fortifiés apparaissent dans les sources écrites aux
XIIe et XIIIe siècles sans qu’il y ait pour autant d’acte de fondation, ce qui n’exclue pas
qu’ils soient plus anciens. Certains d’entre eux étaient des cimetières seigneuriaux, laïcs
ou ecclésiastiques, les autres appartenaient à la communauté villageoise. Châtenois, à
l’instar du cimetière d’Epfig, appartenait à l’évêque de Strasbourg et abritait un pala-
tium épiscopal3. Les fortifications maçonnées doublées d’un fossé semblent particuliè-
rement fréquentes en Alsace mais la double enceinte de Châtenois reste un cas à part.
Cette particularité est accentuée par l’existence de véritables fiefs castraux répartis à
l’intérieur même de l’enclos et par sa partition en deux aires distinctes avec d’un côté
l’espace purement ecclésial et cimétérial et de l’autre côté un espace castral avec tout
ce que cela entend4. L’appellation de cimetière fortifié ne correspond pas vraiment à
la réalité du site de Châtenois et nous verrons que ces questions sémantiques ont posé
problème dès le Moyen Age ou différentes nominations se succèdent. En fin de compte
la désignation actuelle de « quartier du Château » semble plutôt appropriée.
1 FIXOT (M.) et ZADORA-RIO (E.) (dir.), L’église la campagne, le terroir, CNRS, Paris, 1989, p.11.2 Ibid. p.13.3 MARCHAL (C.-L.), Châtenois et son histoire, Oberlin, Strasbourg, 1978, p.29.4 DUSSOURD (J.-P.), L’Amthaus ou la maison du bailli dans le quartier du château de Châtenois, in Annuaire de la société d’histoire du val de Villé, n°24, 1999, p.68.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
18
1.2. Le château de Châtenois : chronologie et phasage
C’est dans les vestiges archéologiques que l’on trouve les premières traces
d’occupation du site de Châtenois. Cette première phase correspond à deux vestiges
antiques, le premier, un bassin carré de quatre mètres de côté observé par Brenner
en 19661, le second, un hypocauste découvert par Koch en 20082. Si la technique de
construction en béton de tuileaux les rattache clairement à la période gallo-romaine,
la non-conservation du mobilier céramique découvert au niveau du bassin et l’absence
de mobilier au niveau de l’hypocauste empêche toute datation plus précise. Ces dé-
couvertes confirment une occupation déjà soupçonnée par la découverte en 1920 d’une
monnaie romaine en or3 au niveau du quartier du Château.
La seconde phase d’occupation ne concerne pas le quartier du Château à pro-
prement parler puisqu’elle correspond aux vestiges d’un cimetière mérovingien dé-
couverts en 1927 et 1979 au nord ouest de la fortification. Certaines sépultures utilisent
des bas-reliefs antiques en remplois et le mobilier mis au jour a été daté de la pre-
mière moitié du VIIe siècle4. Ces découvertes défendent l’hypothèse d’une continuité
d’occupation du site depuis l’antiquité jusqu’à la première mention du site en 778,
date à laquelle l’évêque de Strasbourg cède une cour domaniale et des vignes situées à
« Castanetum » à l’abbaye d’Eschau5. Cette première mention a le mérite de confirmer
l’ancienneté de l’activité viticole à Châtenois mais aussi celle de la présence de biens
appartenant à l’évêque de Strasbourg dès les premiers siècles du christianisme alsa-
cien. La dernière mention de Châtenois au haut Moyen Age n’est pas des moindres
puisqu’elle fait part de la visite de Charles le Simple le 3 février 912. Ce dernier, en
route pour Rouffach signe une charte en faveur de l’abbaye d’Andlau « in villa Casta-
neto »6. Aucune certitude existe concernant la forme et la nature de cette villa, ni sur son
lien ou non avec l’établissement antique, cependant les fouilles du jardin du presby-
1 BRENNER (H.), Châtenois, au pied du Hahnenberg, Corpur, Strasbourg, 1998, p.21-23.2 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmé, Sélestat : Pôle d’archéologie interdé-partemental rhénan, 2008, p.23-28.3 Improprement qualifiée d’as par Brenner puisqu’étant en or et non en bronze. 4 KOCH (J.), Châtenois Bas-Rhin, Jardin du Presbytère, rapport de fouille programmée 2013, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2013, p.23.5 WENTZCKE (P.), Regesten der Bischöffe von Straßburg, tome I, Innsbruck, 1908 et MARCHAL (Charles-Louis), Châtenois et son histoire, Oberlin, Strasbourg, 1978, p. 33.6 BARTH (M.), Archives de l’Eglise d’Alsace, Strasbourg, 1962, p.673.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
19
tère ont révélé du mobilier céramique daté du VIIe au Xe siècle dans des terres noires
qui recouvrent immédiatement les niveaux antiques.
La troisième phase d’occupation correspond à la première mention des nobles
de Châtenois, deux frères, dont les noms sont mentionnés dans un acte de donation
daté de 11381. Reginhard et Friedrich de Castaneto font don d’un bien au Grand chapitre
de Strasbourg, cependant l’acte ne précise pas la nature de celui-ci. Cette phase corres-
pond au premier état connu de l’église paroissiale, dont la base du clocher est datée
au plus tôt du XIe siècle et les niveaux supérieurs de la fin du XIIe siècle. La possible
mise en place d’une levée de terre mise au jour lors des fouilles en 2012 pourrait être
contemporaine à la construction du cloché puisqu’elle est datée entre le XIe et le milieu
du XIIIe siècle2. La nature exacte de cette découverte n’est pas encore connue avec cer-
titude, il pourrait aussi s’agir d’un remblais de terre lié à la construction de l’enceinte
en pierre et du fossé qui la précède.
Au XIIIe siècle, c’est l’évêque de Strasbourg qui est propriétaire de Châtenois
sans que l’on sache par quel biais il est entré en sa possession. En 1297 Heinrich Waf-
fler Von Eckerich reçoit un burglehen de l’évêque Conrad de Lichtenberg, c’est à dire
un fief castral, d’une valeur de 40 marcs d’argent in unser veste zu Kestenholtz, dans sa
fortification de Châtenois. Le terme veste est le plus vague et le plus imprécis du voca-
bulaire castral et la mention du fief est plus à même de nous permettre de qualifier le
site de Châtenois de château3. La charte démontre l’existence d’une fortification sans
que l’on connaisse son origine et sa nature exacte mais d’après Koch elle est édifiée
au plus tôt au milieu du XIIIe siècle4. Celle-ci correspond au rempart intérieur qui
comprend sans doute déjà l’espace paroissial dans son tiers sud et l’espace dédié au
pouvoir épiscopal dans les deux tiers restants. C’est contre ce rempart qu’est construit
le bâtiment 30 dans le dernier tiers du XIIIe siècle au plus tôt. Il ne comporte pas
encore de cave mais sa position et son mode de construction nous laisse penser qu’il
a pu être construit pour un Burgmann, à l’instar d’Heinrich Waffler Von Eckerich. Tout
1 WENTZCKE (P.), Regesten der Bischöffe von Straßburg, tome I, Innsbruck, 1908, p.323.2 KOCH (J.), Châtenois Bas-Rhin, Jardin du Presbytère, rapport de fouille programmée 2013, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2013, p.23. 3 Encyclopédie d’Alsace, Chatenois p.1637.4 KOCH (J.), Châtenois Bas-Rhin, Jardin du Presbytère, rapport de fouille programmée 2013, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2013, p.23
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
20
au long du Moyen Age, la fortification est désignée sous des termes très variés, ce qui
prouve que la difficulté à qualifier le site ne date pas d’aujourd’hui mais reflète une
réalité médiévale. On parle alors de cimetière fortifié, de château du cimetière, de fossé
de l’église, de cimetière ou de château. Quoi qu’il en soit cette fortification protège
le palatium épiscopal ou l’évêque préside trois assises judiciaires par an, ainsi qu’un
atelier monétaire actif jusqu’en 13061. La chapelle saint Pierre dont nous avons parlé
précédemment est mentionnée en 1320, mais l’ancienneté du vocable suppose que sa
construction est antérieure à cette date. En 1410 l’évêque Guillaume de Diest engage le
village, le cimetière et le château à Burkhard de Lutzelstein après quoi il passe entre les
mains des Uttenheim, des Bock, des Hohenstein et de la ville de Sélestat avant d’être
racheté définitivement par le Grand Chapitre en 14892. Châtenois est alors rattaché au
Comte-Ban, baillage dont l’administration est installée au château de Frankenbourg
avant d’être transférée à Châtenois. Le chapitre cathédrale reste propriétaire de Châte-
nois jusqu’à la révolution française.
Le début du XVe siècle est marqué par la construction de la seconde enceinte, li-
bérant la première de ses fonctions défensives et offrant ainsi des espaces de construc-
tion supplémentaires. Plusieurs maisons nobles occupent déjà l’intérieur de la pre-
mière enceinte, notamment celle des Waffler Von Eckerich, celle des Rathsamhausen,
la propriété des Schönmans au niveau de l’actuel presbytère ou encore la maison
Zum Trubel, sans compter l’Amthaus, ses dépendances et la chapelle saint Pierre3.
La structure en bois qui couronne la tour porte de la nouvelle enceinte est datée par
dendrochronologie de 1402 au plus tôt4. Le XVe siècle apporte son lot de malheurs à
Châtenois, le village et le quartier du Château subissent les assauts des armagnacs en
1445, puis des Bourguignons de Pierre de Hagenbach en 1470 et 1473 mais aucune des-
truction n’est mentionnée précisément dans les sources hormis l’incendie du village en
1445. Si l’on en croit les sources écrites, la guerre des paysans de 1525 semble épargner
1 DUSSOURD (J.-P.), « L’Amthaus ou la maison du bailli dans le quartier du château de Châtenois » in Annuaire de la société d’histoire du val de Villé, n°24, 1994, p.65. Concernant l’atelier monétaire, il n’est pas précisé s’il se trouve à l’intérieur de la fortification.2 Encyclopédie d’Alsace p.1638.3 ADONETH (L.), DUSSOURD (J.-P.), avec la coll. de KOCH (J.), METZ (B.). — Le quartier du château de Châtenois au Moyen Âge. Groupe Patrimoine et Histoire, présentation de la conférence du 09/03/07, livret 1/2, Châtenois, 2007.4 GOLDSTEIN (J.-J.) (dir.), Chatenois, Quartier du Château, 12 ans de restauration des Rempart, livret publié par la commune de Châtenois, 2013, p.10.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
21
Châtenois, cependant le rassemblement des paysans au débouché du val de Lièpvre et
la bataille de Scherwiller qui s’en suit a certainement eu des répercussions sur Châte-
nois, notamment au regard des fouilles les plus récentes1 mais nous y reviendrons. Le
quartier subit encore des destructions au cours de la Guerre de Trente Ans, et c’est aux
suédois qu’il faut attribuer la destruction de l’Amthaus en 1632 ou 1633. La fortifica-
tion est encore occupée par des troupes françaises en 1675 mais c’est là son dernier rôle
militaire de l’histoire.
1.3 Historiographie
Le site de Châtenois a fait l’objet de nombreuses publications depuis le début du
XXe siècle avec une recrudescence à partir des années 1990. Ces travaux se répartissent
en trois catégories avec d’une part les monographies, d’autre part les articles et enfin
les rapports de fouille parus à partir des années 2000. Nous nous arrêterons uniquement
sur les ouvrages qui intéressent directement l’histoire du quartier du Château et qui
nous ont permis d’établir la chronologie du site.
1.3.1 Monographies et articles historiques
De manière générale les monographies reprennent à peu de chose près
les mêmes données et apportent donc un éclairage relativement monochrome. La pre-
mière monographie ayant pour thème l’histoire de Châtenois a été publiée en 1930 par
Joseph Ruff en langue allemande, et reste la seule jusqu’à la publication de l’ouvrage
de Charles-Louis Marchal en 1978. Il s’attarde essentiellement sur la période qu’il a
vécue personnellement sans approfondir le cadre historique général de l’aggloméra-
tion, laissant le champ libre à Marchal qui entreprend de combler cette lacune. Ce
dernier divise son ouvrage en trois parties, il consacre la première à un suivi chrono-
logique de l’histoire du village, de la préhistoire jusqu’aux guerres du XVIIe siècle, la
seconde propose un regard thématique s’arrêtant sur certains faits ou lieux spécifiques
avant de revenir à une histoire chronologique plus contemporaine dans la troisième
et dernière partie. Du point de vue purement historique, les monographies de Walter
1 KOCH (J.), Châtenois Bas-Rhin, Jardin du Presbytère, rapport de fouille programmée 2013, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2013
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
22
et Brenner1 reprendront peu ou prou les données rassemblées par Ruff et Marchal et
il faudra attendre les travaux du collectif Patrimoine et Histoire publiés dans un pre-
mier livret en 20072 pour voir surgir de nouvelles données archivistiques. Ces données
renseignent principalement sur l’organisation interne du quartier et viennent corrobo-
rer les découvertes archéologiques alors en cours, offrant un renouveau certain dans la
perception du site. Jusqu’alors les auteurs successifs n’avaient eu de cesse d’extrapoler
diverses hypothèses concernant la morphologie du château à l’intérieur de l’enceinte
sans comprendre que l’enceinte était le château, à l’intérieur duquel se répartissait
plusieurs fiefs castraux, et que le palais de l’évêque, l’Amthaus, n’était qu’une maison
un peu plus grosse que les autres dont le pignon était encore sous leurs yeux. Parue
en 1998, la monographie de Brenner n’est pas remarquable pour son approche des
sources écrites mais revêt un intérêt tout particulier pour les données archéologiques
rassemblées par l’auteur au cours des travaux de canalisation exécutés au quartier
du château dans les années 60. Son travail rigoureux d’observation et de description,
à une époque ou le suivi archéologique n’était pas de rigueur, permet aujourd’hui d’avoir
accès à des données qui sans ça auraient disparues. Cet ouvrage est pour nous une source
précieuse, au même titre que les travaux archivistiques effectués par Dussourd et Ado-
neth et les données archéologiques « officielles ». Un certain nombre d’articles ont
également été publiés sur le sujet ; moins généralistes ils sont souvent plus précis car
ils s’attardent sur l’un ou l’autre thème. Nous retiendrons principalement les travaux
de Metz dans l’Encyclopédie d’Alsace3 et dans L’église la campagne le terroir4, ainsi que
l’article de Dussourd consacré à l’Amthaus dans l’annuaire de la société d’histoire du
val de Villé5. Deux articles faisant état des découvertes archéologiques ont été publiés
par Koch en 2006 et 2009 cependant ils n’ont pour nous qu’un intérêt mineur dans la
mesure où nous disposons des rapports de fouille.
1 WALTER (P.), Un village… Châtenois… son histoire, Ima Montis, Colmar, 1994. BRENNER (H.), Châtenois, au pied du Hahnenberg, Corpur, Strasbourg, 1998. 2 Patrimoine et Histoire, ADONETH (L.) et DUSSOURD (J.-P.), Le quartier du château de Châtenois au Moyen Age, livret imprimé en propre régie à Châtenois à l’occasion d’une conférence en 2007.3 METZ (B.), « Châtenois – Archéologie et particularités architecturales », in Encyclopédie d’Alsace, 1985, pp. 1636-1642.4 METZ (B.), « Les cimetières fortifiés », in FIXOT (Michel) et ZADORA-RIO (Elisabeth) (dir.), L’église la campagne, le terroir, CNRS, Paris, 1989.5 DUSSOURD (J.-P.), « L’Amthaus ou la maison du bailli dans le quartier du château de Châtenois » in Annuaire de la société d’histoire du val de Villé, n°24, 1994, p.65-85.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
23
1.3.2 Les données archéologiques : de la découverte fortuite à la fouille
programmée
A Châtenois, les premières découvertes archéologiques remontent à
1927. Sept sépultures mérovingiennes sont mises au jour à flanc de colline, près du
chemin du Meissenberg ou d’autres tombes seront découvertes en 1979. Le quartier
du château bénéficie quant à lui d’une première fouille en 1970 lors de l’aménagement
du terrain de tennis le long du rempart extérieur à l’est. Les observations effectuées
par Charles-Laurent Salch sont publiées la même année et concernent essentiellement
le fossé et sa contrescarpe1. L’auteur date le tracé du rempart extérieur à la fin du XIIIe
siècle, c’est-à-dire contemporain à la construction du rempart intérieur. Des fouilles
plus récentes ont invalidé cette hypothèse. Cette étude, si l’on met de côté les travaux
de Brenner, reste le seul travail archéologique sur le site avant le début des travaux de
restauration du rempart en 2002. Ces travaux de réhabilitations sont accompagnés de
plusieurs sondages archéologiques au niveau des remparts, du fossé intérieur et du
bâtiment 30. Les observations et les découvertes faites à cette occasion sont consignées
par Koch dans un premier rapport en 20032 puis dans second en 20073. Les fouilles
successives de 2008 et 2009, dont chacune fait l’objet d’un rapport, se concentrent sur
le bâtiment 30 qui est fouillé entièrement. Ces travaux mettent en évidence la chrono-
logie du bâtiment, de sa construction à son abandon après destruction, ainsi que son
interaction avec les niveaux archéologiques antérieurs. Les campagnes successives de
2011, 2012 et 2013 ont eues deux axes de recherche distincts, portant d’une part sur
la genèse de la fortification en terre qui préexistait au rempart intérieur, et d’autre
part sur l’emprise et la chronologie des bâtiments 50, 80 et 70. Là encore des rap-
ports de fouille font état des différentes découvertes et avancées. L’apport des données
archéologiques a considérablement renouvelé les connaissances concernant le quar-
tier du Château, elles permettent d’affiner le phasage chronologique et d’aborder des
périodes pour lesquelles il n’existe aucune source écrite.
1 SALCH (C.-L.), « Fouilles du fossé extérieur du château de Châtenois » in Chantiers d’Etudes Médiévales n°7, 1970.2 KOCH (J.), Commune de Châtenois (Bas-Rhin), Quartier du Château (2003/117). Rapport de diagnostic, INRAP, Strasbourg, 2003.3 KOCH (J.), Châtenois (Bas-Rhin), Quartier du Château, rapport final d’opération archéologique, Stras-bourg : Inrap, 2007.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
24
Phase A : gallo-romain
Phase B : premier mur d’enceinte (XIIIe siècle?)
Phase C1 : maison médiévale (fin du XIIIe siècle?)
Phase C2 : creusement de la cave (XVe siècle)
Phase C3 : creusement de la cave (XVIe siècle?)
Négatif de soutènement
MUR 301
MUR 3022
MUR 1
MUR 302
MUR 304
MUR 305
POT 309
198,35
201,88
200,92201,08
200,90
200,81201,30
201,31
201,44
POT 3021
MUR 3016
MUR 3012 MUR 3013
ESC 3015
POR 306
MUR 303
MUR 3023
POT 3014
POT 3011
POT 3021
MUR 3028
198,85
FEN 3018 FEN 3017
CAN 3025
FSS 3026B
A
D C
198,60
Maçonnerieen béton
Fig. 3 : CHÂTENOIS, Jardin du Presbytère, plan chronologique du bâtiment 30, éch. 1/100, DAO J. Koch 2010.
POT 3024
198,50
0 5 m
Ech.1/100
N
Fig.3.CHÂTENOIS,JardinduPresbytère,planchronologiquedubâtiment30,éch.1/100,DAOJ.Koch2010.15
Fig 8 : Plan chronologique du bâti-ment 30, DAO Jacky Koch (2010). Echelle 1/100e
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
25
1.4 Archéologie du bâtiment 30 : les données de fouille
Pour l’essentiel nous reprenons ici les données de fouilles consignées dans les
rapports établis par Koch. Notre objectif n’est pas de faire un doublon de ces rapports
mais de mettre un cadre à notre étude de mobilier. La finalisation des inventaires et
les avancées des études de mobilier nous permettrons d’apporter des données nou-
velles en termes de statistiques et de datation. Les données concernant les vestiges
bâtis seront donc entièrement reprises des rapports de fouilles mais nous apporterons
des précisions concernant le mobilier et les éléments datant.
1.4.1 Bâti
Construit contre le rempart intérieur nord, le bâtiment 30 se présente
sous la forme d’un quadrilatère trapézoïdal construit légèrement en oblique par rap-
port au tracé du rempart (fig.8). Long de 10.70 m du côté ouest et de 10.25 m du côté
est, le bâtiment est large de 9.40 m au niveau du pignon sud. L’épaisseur des murs est
comprise entre 0.60 m pour les murs gouttereaux et 0.75 m pour le pignon sud. Au
nord le pignon s’appuie sur le mur d’enceinte. L’espace délimité par ces quatre murs
représente une surface de 76 m² dont les seules ouvertures sont la porte d’entrée au
sud-est et deux fentes de lumière percées puis rebouchées dans le rempart au nord. Un
escalier extérieur maçonné comprenant une douzaine de marches permet d’accéder à
la porte d’entrée de la cave (fig.9). Le mur est de la cage d’escalier accueil une niche en
tuile couverte en bâtière et réutilisant des matériaux antiques1. La porte, large de 1.82
m n’est pas conservée sur toute sa hauteur et le haut de la voûte n’a pas été retrouvé.
Le sol de cave n’est pas maçonné, il est aménagé à même le sable arénique du substrat
auquel sont ajoutées quelques pierres en partie sud. La moitié occidentale de ce sol est
surélevé par rapport à la partie est dans laquelle une rigole large de 0.30m a été creu-
sée. Cette dernière débouche sur un cuveau ovale situé dans l’axe de la porte au ni-
veau d’une niche d’éclairage placée dans le mur est. La connexion entre ces deux zones
est assurée par une légère déclivité. Le plancher de l’étage supérieur reposait sur des
corbeaux alignés à l’est et à l’ouest, un corbeau central sur chaque pignon et un poteau
1 KOCH (J.), Châtenois (Bas-Rhin), Quartier du Château, rapport final d’opération archéologique, Stras-bourg : Inrap, 2007, p.36.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
26
Fig 9 : L’escalier et la porte de la cave après les fouilles (2008), Photo Jacky Koch
Fig 10 : Le sol en tomettes et les poutres calcinées composant le sol du rez-de-chaussée (2008), Photo Jacky Koch
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
27
central dont seul le plot de fondation en grès subsiste. Les poutres calcinées retrouvées
dans l’angle nord-ouest avaient une section moyenne de 0.25m, elles supportaient des
solives perpendiculaires et un plancher en sapin sur lequel étaient posées les tomettes
qui constituaient le sol du rez-de-chaussée1 (fig.10).
La hauteur sous plafond était comprise entre 2.20 m au niveau de l’entrée et
2.50 m. Certains éléments de l’élévation retrouvés dans les décombres permettent de
situer certaines des ouvertures qui se trouvaient à l’étage. La porte d’entrée principale
se trouvait sans doute au milieu du pignon sud, une dalle de seuil, des fragments de
claveaux et de jambage ainsi qu’une serrure et une clef y ont été retrouvés. Ceci jus-
tifierait la position décalée de la porte de la cave. L’étage du mur sud était percé de
fenêtres géminées à lancettes dont deux individus minimum ont été retrouvés2. Larges
de 0.80 m et hautes de 1.50m, ces ouvertures étaient surmontées de deux ogives à rem-
plage trilobé reposant sur un meneau central. Un autre type de fenêtre constitué d’un
ensemble d’ouvertures simples à lancettes et larges de 0.20 m a été retrouvé mais il est
difficile de les situer.
La chronologie de construction est relativement bien connue grâce à l’étude du
bâti effectuée en parallèle de la fouille. Le bâtiment initial est construit de plein pied
dans la seconde moitié du XIIIe siècle au plus tôt, après le mur d’enceinte sur lequel il
s’appuie. Cette datation repose sur les éléments d’encadrement tombés dans la cave
après l’incendie et dont le nombre restreint suggère qu’une partie a été récupérée3.
L’édifice a ensuite fait l’objet d’importants travaux de transformation par l’adjonction
d’une cave enterrée au courant du XVe siècle. Le creusement de cette cave perce des
niveaux antiques et notamment un mur qui est intégré au gouttereau est (fig.12). La
reprise en sous œuvre des éléments architecturaux a nécessité la mise en place d’étais
au fur et à mesure du creusement pour permettre le montage des nouveaux soubas-
sements maçonnés. Ce procédé a été mis en lumière par l’observation détaillée de la
maçonnerie des murs gouttereaux qui, en plus de présenter une avancée par « coup
de sabre » (fig. 11), a livré les traces d’étais piégés dans les murs par l’avancement des tra-
1 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Sélestat : Pôle d’archéologie interdé-partemental rhénan, 2008, p.23.2 Ibid. p.20.3 Ibid. p.20.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
28
Fig 11 :Les «coups de sabre» témoins de l’avancée par tronçon des travaux de maçonnerie (2009), Photo Jacky Koch
Fig 12 : Négatif du poteau de soutènement piégé dans la maçonnerie au niveau du mur antique (2009), Photo Jacky Koch
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
29
vaux1 (fig. 12). La porte de la cave avait une largeur initiale de 1.42 m, son négatif et les
traces liées à son fonctionnement on été relevés lors du nettoyage du seuil. Des travaux
d’élargissement font gagner 0.40m à la porte et 1.10m à la descente d’escalier.
La destruction de ce bâtiment par un incendie a provoqué l’effondrement des
étages, à l’instar du sol en tomettes du rez-de-chaussée, étouffant les flammes et créant
une atmosphère réductrice en ralentissant la combustion. Ceci a eu pour effet de car-
boniser bois et végétaux sans les détruire. Ainsi, non seulement une partie de la pou-
traison a pu être observée, mais de nombreux restes alimentaires ont pu être conservés.
Des oignons, des échalotes et de l’ail ont été retrouvés près de l’entrée de la cave où ils
étaient probablement suspendus et des grandes quantités de grain sont apparues au
cours de la fouille du quart nord-est2. Le prélèvement et le tamisage d’une partie des
sédiments du fond de cave en 2009 et 2010 a également révélé des noix, des fèves et
des petits poids3. C’est également à l’incendie que l’on doit la grande quantité de mobi-
lier retrouvé lors des fouilles. La probable rapidité du sinistre n’as pas du permettre
l’évacuation de ce qui se trouvait à l’intérieur de la maison et qui a été précipité dans
la cave lors de l’effondrement des étages. Si la fouille du bâtiment 30 avait déjà soulevé
des soupçons quand au possible rattachement de cette destruction à un épisode guer-
1 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010, p.32-35.2 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Sélestat : Pôle d’archéologie inter-départemental rhénan, 2008, p27.3 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010, p.43.
Fig 13 : Boulet en grès en place en haut de l’escalier du bâtiment 50 (2013), Photo Jacky Koch
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
30
rier, les fouilles de 2013 ont permis d’apporter des preuves tangibles à cette thèse. En
effet, deux projectiles en grès à peu près sphériques ont été retrouvés respectivement à
l’intérieur du bâtiment 80 et dans l’escalier du bâtiment 50 (fig.13). Leur position sup-
pose qu’ils ont été tirés sur les édifices et qu’ils n’étaient pas simplement stockés là. De
plus, la concordance chronologique du mobilier découvert dans les bâtiments 30, 50 et
80, suppose que leur destruction a eu lieu au cours d’un seul et même événement1. La
datation d’une partie du mobilier2 ne permet pas de rattacher ces destructions aux évé-
nements guerrier du milieu du XVe siècle dont nous avons parlé plus haut. La guerre
des paysans de 1525 reste donc le seul événement militaire connu susceptible d’avoir
touché Châtenois et de correspondre avec la chronologie du mobilier mis au jour.
1.4.2 Elements de stratigraphie
Le bâtiment ayant été abandonné définitivement après l’incendie, celui-
ci forme un terminus ante quem pour l’histoire de la maison et pour celle de tout ce qui
s’y trouvait. Par conséquent l’ensemble du mobilier extrait appartient à la même phase
chronologique, mais, si cela a l’avantage d’offrir un lot chronologiquement homogène3,
il n’est pas possible de faire une véritable cartographie verticale du mobilier en raison
des grandes perturbations provoquées par l’effondrement des niveaux. La stratigra-
phie relevée en fouille (fig. 14) n’a donc aucun intérêt chronologique sur le long terme
mais correspond aux différentes étapes du sinistre. La première couche correspond au
niveau de sol de la cave qui, comme nous l’avons vu, est composé de sable arénique
substratique. Elle porte le numéro 3000. Une couche composée de cendres et de char-
bons de bois (30006) d’une épaisseur comprise entre 5 et 50 cm4 repose directement sur
ce sol, elle s’est déposée au début de l’incendie, avant la chute des étages. Cette couche
est immédiatement recouverte par l’unité stratigraphique 30003 qui correspond aux
matériaux tombés des étages. C’est là que se concentrait la majeure partie du mobilier
dans une matrice très hétérogène mêlant céramique architecturale, mortier, charbons,
1 KOCH (J.), Châtenois Bas-Rhin, Jardin du Presbytère, rapport de fouille programmée 2013, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2013, p.60-61.2 Cf. «Mobilier non métallique et datation»3 En prenant compte des durées de vie du mobilier et de l’éventuelle conservation d’un mobilier ancien.4 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Sélestat : Pôle d’archéologie interdé-partemental rhénan, 2008 p.26.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
31Fig. 4 : CHÂTENOIS, Jardin du Presbytère, coupe stratigraphique axiale du bâtiment 30, éch. 1/50, DAO J. Koch 2010.
MU
R 30
16
MU
R 1
POT
3021
3000
1
3000
2
3000
330
008
3000
030
006
200
m N
GF
NO
RDSU
D
Fig.4.CHÂTENOIS,JardinduPresbytère,coupestratigraphiqueaxialedubâtiment30,éch.1/50,DAOJ.Koch2010.
16
Fig 14 : Coupe stratigra-phique axiale du bâti-ment 30, échelle 1/50e, DAO Jacky Koch (2010)
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
32
poches d’argile et éléments lithiques1. La couche 30008 est globalement composée des
mêmes éléments. Tout cet ensemble a été scellé par l’effondrement des murs (30002)
1.4.3 Mobilier et datation
Si le caractère exceptionnel de cette fouille dépend en grande partie
de la quantité et de la qualité du mobilier métallique mis au jour, l’importance des
ensembles céramiques, culinaires et architecturaux, ne doit pas être oubliée d’autant
qu’ils constituent, avec les monnaies, les principaux éléments de datations. Pour l’es-
sentiel, ces mobiliers sont rattachés à l’unité stratigraphique 30003 qui correspond à la
phase d’incendie. Bien entendu les objets datant qui font partie de notre corpus seront
présentés dans le corps de notre étude.
Les carreaux de poêle ne permettent pas d’affiner la datation dans la mesure ou
les travaux de Jean-Paul Minne2 sur lesquels nous nous appuyons s’attardent d’avan-
tage sur des éléments typologiques et artistiques. Nous pouvons cependant mettre en
avant les concordances de modèle entre les carreaux trouvés à Châtenois et des pièces
issues d’autres fouilles. Nous avons sélectionné pour exemple quatre motifs (fig.15)
référencés par Minne et que l’on retrouve à Châtenois : Les carreaux à la rose3, au
griffon4 (deux variantes), au dragon5 et au lion rampant6. La découverte de carreaux
similaires dans des châteaux géographiquement proches, Ortenbourg et Birkenfels7,
est un argument supplémentaire en faveur du caractère aristocratique du bâtiment 308.
La céramique culinaire forme un ensemble très complet dont les caractéristiques
techniques et stylistiques sont celles de productions typiques de l’alsace du centre et
du sud9. Une étude partielle réalisée pour la rédaction du rapport nous permet de pré-
1 Ibid.2 MINNE (J.-P.), La céramique de poêle de l’Alsace médiévale, Publipostal, Strasbourg, 1977.3 Ibid. p.150 n°62 provenance : Ortenbourg4 Ibid p.160 n°78 provenance inconnue, p.162 n°81 provenance : Colmar et n°82-83 provenance : Birken-fels5 Ibid. p.165 n°87 provenance : Ortenbourg 6 Ibid. p.170 n°92 provenance : Birkenfels7 Ces deux sites sont encore occupés au début du XVIe siècle.8 Les travaux de thèse de Delphine Bauer sur les carreaux apporterons sans doute des données pré-cieuses sur le sujet. 9 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
33
5326-TCU-30003-0615326-TCU-30003-20
5326-TCU-30003-040
5326-TCU-30003-021
Fig 15 : Carreaux de poêle retrouvés à Châtenois, Photos Delphine Bauer.
Fig 16 : Pot à pâte rouge et cordons digités verticaux 5326-TCR-30003-086, 1/3.
Fig 17 : Pot à pâte blanche à glaçure interne sur engobe 5326-TCR-30003-800. Photo Isabelle Dechanez-Clerc
Fig 18 : Tasse en grès 5326-TCR-30003-801, 1/3.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Le contexte
34
senter ici les grandes lignes typologiques et chronologiques de cet ensemble1. L’essen-
tiel des tessons retrouvés appartiennent à des pots de cuisson à pâte rouge (fig.16),
plus rarement blanche (fig.17), dont la face interne peut être glaçurée. Des tessons de
céramique grise cannelée et de récipients à boire en grès(fig.18) complètent l’ensemble.
Les formes et les tailles sont variées, de même que la qualité des pâtes. Les références
chronotypologiques2 placent cet ensemble dans une période qui s’étend du milieu du
XVe au début du XVIIe siècle3.
Les deux monnaies en argent sorties de fouilles précisent la datation relative
fixée par la céramique. La première est un vierer, une monnaie de la ville de Bâle, dont
la frappe est datée du XVe siècle sans plus de précision, la seconde, un pfennig au lys
de Strasbourg, datée du début du XVe4. Ces deux monnaies correspondent chronolo-
giquement avec le corpus de céramique et, comme ce dernier, reflètent la position de
Châtenois, à cheval entre les aires d’influence de Bâles et de Strasbourg.
et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010, p.52.1 Une étude plus complète est actuellement réalisée par Jérôme KRAFT dans le cadre d’un mémoire de Master.2 HENIGFELD 2005 et KELLER 19993 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010p.53.4 Ibid. p.46-47.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
37
2. L’étude
2.1 Présentation du corpus et méthodologie
En préalable, il convient de fixer les cadres de notre étude, dans le but d’appro-
fondir notre problématique et d’offrir au lecteur sinon les aboutissants, au moins les
tenants de nos investigations. La nature de notre corpus, considéré comme un en-
semble clos, fixe les limites chronologiques et géographiques en fonction de ce qui a
été présenté en première partie, mais les restrictions faites du point de vue du matériel
doivent être justifiées et c’est ce que nous appellerons le « cadre matériel » de notre
étude. Après cela, nous brosserons un rapide état de la recherche pour fixer les champs
d’enquête et les perspectives de travail relatives au mobilier sélectionné, le but étant de
définir les objectifs de notre travail.
2.1.1 Cadre matériel de l’étude
Définir le cadre matériel de notre recherche consiste à circonscrire les va-
riétés d’objets concernées par notre étude. La grande quantité de vestiges mise au jour
ne nous a pas permis d’utiliser une limite basée exclusivement sur la nature matérielle
du mobilier. La restriction au mobilier métallique ferreux dans son ensemble étant
trop vaste, nous avons mis de côté le mobilier lié à l’architecture de la maison et à son
aménagement intérieur, à savoir les pentures, les serrures, et les clous, y compris ceux
qui ont pu appartenir à des meubles. Celui-ci a été considéré comme un prolongement
de l’aménagement architectural de la maison pouvant faire l’objet d’une étude à part
entière1. Si cette exclusion s’étend aux fers de meubles, c’est par ce que leur différen-
ciation avec les fers d’huisseries n’est pas toujours évidente. En fin de compte, nous
nous sommes intéressés au mobilier dans le sens premier du terme à savoir les objets
mobiles susceptibles d’être utilisés en dehors du bâtiment, ou pouvant être déplacés
avec facilité. Nous reprenons ici la différenciation faite par Legros entre instrument et
équipement : « l’instrument étant lié à un maniement autonome alors que l’équipement
1 Étude entreprise en 2014 par Manon Spielmann dans le cadre d’un mémoire de master sous la direc-tion Jean-Jacques Schwien
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
38
Fig.19 : Diagrammes de répartition fonctionnelle du mobilier ferreux, total en haut et corpus étudié en bas
1718
8
13 3
15
10
10
12
13
13
17
185
103
105
armement défensif
armement offensif
artisanat des métaux
artisanat du bois
construction
couteaux
élevage
habillement
maréchalerie et harnachementoutillage indéterminé
outils aratoires
outils de récolte et d'éliminationoutils et ustenciles domestiques
17
18
8
13
3
15
1010
12
13
13
17
18
5
armement défensif
armement offensif
artisanat des métaux
artisanat du bois
construction
couteaux
élevage
habillement
maréchalerie et harnachement
outillage indéterminé
outils aratoires
outils de récolte et d'élimination
outils et ustenciles domestiques
petit mobilier
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
39
est associé à un support »1. Un grand nombre de vestiges métalliques n’ont pas pu être
identifiés en raison de leur état de conservation. Ces objets qualifiés d’indéterminés
composent une part importante des vestiges. Dans certains cas, la détermination, bien
que lacunaire, permet de les rattacher à un grand ensemble, mais la plupart du temps
ces objets sont exclus de notre étude. Le mobilier ferreux représente un ensemble de
380 objets ou lot d’objets2 dont la répartition générale est illustrée par le diagramme
ci-contre (fig.19). Les indéterminés, les huisseries et la vaisselle étant mis de côté, notre
corpus se compose donc de 172 objets ou lot répartis dans diverses catégories (fig.19).
Pour ce qui est de la répartition stratigraphique de ce mobilier à l’intérieur de la mai-
son rappelons que les différentes unités stratigraphiques correspondant à l’incendie et
à l’effondrement des murs sont contemporaines3 et que la dislocation des matériaux
provenant des étages rend difficile toute tentative de cartographie verticale du mobi-
lier après coup4. En revanche, une partie du mobilier a été localisé sur le plan de la cave
au moment de la fouille, ce qui a permis de cartographier horizontalement sa réparti-
tion5. Cette cartographie doit être prise avec précaution dans la mesure où elle n’a pas
été systématique et qu’elle ne donne pas la référence précise des objets. La datation
des découvertes dans l’inventaire permet de replacer les objets grâce aux plans de
fouilles journaliers, mais là encore certaines lacunes empêchent de le faire systémati-
quement6 (fig.20).
2.1.2 Etat de la recherche
Nous souhaitons ici renseigner les principaux ouvrages utilisés pour
notre étude, ce qui nous amènera à faire un rapide état de la recherche pour les deux
principaux types d’objets présentés dans ce mémoire, à savoir les outils et les armes..
Nous ferons une présentation non exhaustive des travaux consacrés aux différents
1 LEGROS (V.) Étude du mobilier métallique des fermes médiévales du «Bellé» à Neuilly-en-Thelle (Oise) - Approche technique et fonctionnelle In: Revue archéologique de Picardie. N°1-2, 2001. p. 44.2 L’inventaire est présenté en annexe3 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Sélestat : Pôle d’archéologie interdé-partemental rhénan, 2008, p.264 Si nous regrettons l’absence de cartographie verticale du mobilier là où le niveau de sol de l’étage s’est effondré en un seul bloc, la datation des découverte au jour le jour permet dans certains cas de différen-cier les objets qui se trouvaient déjà à la cave de ceux qui se trouvaient à l’étage.5 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010, p.596 Sur les 172 objets de notre corpus, 57 ont été replacés sur le plan.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
40
Fig 20: Plan de répartition des 57 objets localisés, fond Jacky Koch
0 2,5 m
Ech.1/50
97
39
51
115
41?9529
28
Châtenois fouille 2009
Plan n° :
Date :
Liste des objets (ex : 1 = ...) :
Commentaires (facultatif)
48
44
5250
46
45
25
08
109
21
15
27
3133
30
85
32
99
6569
68
6366
35?
77
8071
72
114
74?
81
100?79
88 4289
129
123
133
128
130
118
116
135
125120
138
136
142
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
41
mobiliers en présentant ceux que nous avons utilisés et en justifiant nos choix autant
que faire se peut.
2.1.2.1 Les armes
Il existe de nombreux ouvrages francophones sur la guerre au
Moyen Âge, mais peu semblent s’intéresser de manière approfondie aux objets qu’elle
mobilise. La guerre et la violence sont des sujets particulièrement vastes qui touchent
des domaines aussi nombreux que variés. Parmi les ouvrages de référence, Philippe
Contamine est sans doute l’auteur qui a le plus travaillé sur la thématique martiale
et ses travaux7 abordent des aspects très variés du sujet tels que l’organisation des
armées, l’économie de la guerre, ou le rapport aux armes des populations médiévales.
D’autres auteurs8 traitent le sujet sous différents aspects, mais ils n’abordent pas, ou
très peu, les aspects techniques et typologiques de l’armement. Sans enlever le crédit
que nous accordons à ces travaux d’envergure, nous déplorons la rareté des ouvrages
à vocations plus archéologique. Heureusement, ces lacunes ne sont pas complètes et
des travaux monographiques récents commencent à les combler, mais de façon dis-
parate et il manque encore aujourd’hui un travail de synthèse sur le sujet. Les armes
offensives et notamment l’épée et la lance9 semblent avoir bénéficié d’un intérêt plus
soutenu que les armes défensives, qui semble en grande partie dû à la symbolique
qui les accompagne. Cette particularité est vraie non seulement pour la France, mais
également pour les pays voisins avec les travaux d’Alfred Geibig10 en Allemagne ou
7 CONTAMINE (P.), La Guerre au Moyen Âge, 6e édition, Paris : Presses universitaires de France, 2003.CONTAMINE (P.) et GYUOTJEANNIN (O.), La guerre, la violence et l es gens au Moyen Âge, Volume 2 - Guerre et gens / La Violence et les gens, 119e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Amiens, 1994, collection Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, Paris : Editions du CTHS, 1996.CONTAMINE (P.), « L’armement des populations urbaines à la fin du Moyen Âge : l’exemple de Troyes (1474) », in CONTAMINE (P.) et GYUOTJEANNIN (O.), La guerre, la violence et les gens au Moyen Âge, Volume 2 - Guerre et gens / La Violence et les gens, 119e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Amiens, 1994, collection Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scienti-fiques, Paris : Editions du CTHS, 1996, p. 59-74.8 Notamment Françoise Piponnier, Christiane Raynaud et Jean-Pierre Reverseau.9 HUYNH (M.), dir. L’Epée : Usages, mythes et symboles, catalogue de l’exposition, Musée de Cluny -Mu-sée National du Moyen Âge du 24 avril au 26 septembre 2011, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2011, ou plus récemment la thèse de COGNOT (F.), L’armement médiéval, les armes blanches dans les collec-tions bourguignonnes, Xe-XVe siècles, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2013.10 GEIBIG (A.), Beiträge zur morphologischen Entwicklung des Schwertes im Mittelalter. Eine Analyse des Fundmaterials vom Ausgehenden 8. bis zum 12. Jahrhundert aus Sammlungen der Bundesrepublik Deutschland, Neumünster : Karl Wachholtz Verlag, 1991
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
42
de Robert Oakeshott 1 au Royaume-Uni pour ne citer que ceux-ci. Les autres armes ne
sont pour autant pas délaissées, et la thèse soutenue par Valérie Serdon sur les arcs,
les arbalètes et leurs projectiles2 est l’exemple même du renouveau dans l’étude de
l’armement médiéval en France. Son travail confrontant les sources archéologiques
aux sources iconographiques et textuelles apporte un éclairage considérable sur le su-
jet et nous servira donc de référence pour traiter ce type de mobilier. Pour ce qui est
des armes défensives, l’étude sera plus délicate dans la mesure où, comme mention-
nés précédemment, les travaux récents manquent et que les ouvrages de synthèse qui
datent du milieu du XXe siècle au plus tôt reprennent pour la plupart des travaux plus
anciens. Les publications de Jean-Pierre Reverseau, ancien conservateur et directeur
adjoint du musée de l’armée, bien que plus récentes, sont davantage des catalogues
muséographiques3 que des études chronotypologiques. Sa contribution au colloque
l’homme armé en Europe, XIVe-XVIe siècle4, apporte quant à elle plus de matière à ré-
flexion en prônant l’étude des objets en tant que tels et une approche fonctionnelle de
ceux-ci. Le plus souvent, les ouvrages se concentrent sur les armures datant des XVe-
XVIIe siècles, car c’est la période la plus représentée dans les collections muséogra-
phiques. L’ouvrage de Claude Blair5, bien que considéré comme l’un des manuels les
plus complets outre-Manche, consacre les deux tiers de son étude aux armures de cette
période. En France, les deux volumes consacrés à l’armement du Dictionnaire raisonné
du mobilier français de l’époque carlovingienne à la Renaissance6 d’Eugène Viollet-le-Duc
sont encore incontournables. Même si son approche historique basée presque exclu-
sivement sur les vocables anciens nous parait insuffisante et dépassée aujourd’hui,
la qualité des dessins et la précision des données donnent à cet ouvrage sa valeur
primordiale. Le manque de travaux récents nous conduira cependant à nous référer
à des sources primaires plus à même de nous conduire à l’identification des pièces
d’armement défensif. Devant la relative rareté des pièces archéologiques, nous tour-
nerons nos recherches vers les œuvres picturales, principalement les miniatures, et la
sculpture, essentiellement funéraire. Si les miniatures offrent des données capitales
1 OAKESHOTT (R. E.), The sword in the Age of Chivalry (revised edition), Woodbridge : Boydell Press, 1994.2 SERDON (V.), Armes du Diable, arcs et arbalètes au Moyen Âge, PUR, Rennes, 20053 REVERSEAU (J.-P.), Armes et armures de la Couronne au musée de l’armée, Faton, Paris, 2004.4 CONTAMINE (P.) et REVERSEAU (J.-P.), dir. L’homme armé en Europe : XIVe-XVIe siècle, Cahiers d’études et de recherche du Musée de l’armée n°3, Paris : Musée de l’Armée, 2002.5 BLAIR (C.), European Armour, circa 1066 to circa 1700, Batsford, Londres, 1958.6 VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 5 et 6, Imprimerie Compte-Jac-quet, Bar-le-Duc, 1872
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
43
pour la connaissance de l’armement médiéval, il faut cependant garder une distance
critique vis-à-vis des équipements représentés. En effet, comme le souligne Claude
Gaier dans Les armes : « […] certains enlumineurs, au XVe siècle surtout, s’inspirent d’illus-
trations antérieures ou représentent des équipements périmés afin de situer l’action dans un
passé de convention »1. Aussi, l’artiste, qu’il soit peintre ou sculpteur, n’est a priori pas
un spécialiste de l’armement, surtout quand il s’agit d’un ecclésiastique. Pour autant,
le degré avancé de détail dénote un souci de réalisme suffisant pour permettre à ces
représentations de constituer un cadre de référence chronologique et morphologique.
L’utilisation de ces sources de manière isolée n’a pas de valeur suffisante et c’est la
raison pour laquelle nous tenterons, dans la mesure du possible, de réunir plusieurs
sources concordantes.
2.1.2.2 Les outils
Comme l’armement n’est pas étudié sans son rapport à la guerre,
l’histoire de l’outil est indissociable de celle des techniques et cela se traduit dans la
bibliographie. Les ouvrages de synthèses sont peu nombreux, mais plus récents et plus
précis que pour l’armement, du moins quand il s’agit des outils du monde agricole au
sens large. Contrairement à l’armement qui a suscité un engouement de la part des his-
toriens dès le XIXe siècle, voire avant, l’outillage médiéval n’a intéressé les chercheurs
qu’à partir du troisième tiers du XXe siècle. Cette différence de traitement est due à
plusieurs facteurs. Premièrement la disponibilité des sources matérielles : les pièces
archéologiques concernant l’outillage n’ont été découvertes en nombre qu’avec le dé-
veloppement de l’archéologie de sauvetage puis de l’archéologie préventive, là où des
pièces d’armement conservées principalement dans les arsenaux ont pu faire l’objet
d’un travail bien plus tôt. Deuxièmement, l’aura et les fantasmes qui entouraient et qui
entourent encore l’armement médiéval étaient sans aucun doute bien plus attirants
que des outils dont la plupart étaient encore utilisés par les paysans et artisans du
début du XXe siècle. L’intérêt des historiens français pour l’outillage agricole médié-
val débute véritablement avec les travaux de Pascal Reigniez dont la thèse soutenue
1 GAIER (C.), Les armes, Typologie des sources du Moyen Age Occidental fascicule n°34, Brepols Turn-hout, Louvain, 1979.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
44
en 1997 est publiée cinq ans après1. En 2001, le colloque de Flaran2 consacré exclusi-
vement à l’outillage médiéval officialise l’intérêt de la communauté scientifique pour
ce domaine et marque la nécessité d’un travail pluridisciplinaire. Le travail biblio-
graphique effectué par Johan David en 19973 montre bien à quel point une synthèse
comme celle de Reignez manquait à l’appel et que l’étude de l’outil n’était souvent
qu’un volet d’un travail plus large consacré à un corps de métier, à une matière ou une
technique, l’outil n’était que rarement le point de départ de la réflexion. Les études
monographiques occupent toutefois la part la plus importante des travaux consacrés
au mobilier métallique et elles sont pour nous une ressource indispensable, notam-
ment celles de Vincent Legros4 ou les publications de Gabrielle Démians D’Archim-
baud sur Rougiers5. En 2004 Perrine Mane publie La vie dans les campagnes au Moyen
Âge, une étude des travaux du monde rural à partir de l’iconographie. Son regard se
tourne davantage vers les techniques que vers les outils et cela complète largement le
travail de Reignez puisqu’elle aborde des thèmes dont l’étude ne peut pas se faire si
l’on étudie uniquement l’outil. C’est donc en nous basant sur ces deux ouvrages que
nous entreprendrons notre étude, en partant des outils à la manière de Reignez et en
les contextualisant à l’aide de l’iconographie à la manière de Mann. Ces ouvrages, très
complets, ne traitent que des travaux du monde paysan et délaissent les outils de l’arti-
sanat. Pour étudier ce mobilier nous avons été contraints de nous tourner vers une lit-
térature étrangère ou anachronique. La série de publications faisant suite aux fouilles
du Londres médiéval nous permettra de traiter les outils relatifs aux soins apportés
au cheval6 d’une part, les forces et les couteaux d’autre part7. L’utilisation d’ouvrages
traitant de l’outil postmédiéval est possible dans la mesure ou certains outils de base
n’ont que peu ou pas évolués jusqu’au XIXe siècle. Quoi qu’il en soit, nous justifierons
toujours leur utilisation et leur but sera uniquement de nous aider à comprendre les
1 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002.2 COMET (G.), éd. L’outillage agricole médiéval et moderne et son histoire : actes des XXIIIes Journées interna-tionales d’histoire de l’Abbaye de Flaran, 7, 8, 9 septembre 2001, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2003.3 DAVID (J.), L’outil, Typologie des sources du Moyen Age occidental, fasc. 78, Turnhout, 1997.4 LEGROS (V.), Archéologie de l’objet métallique aux époques médiévale et moderne en Picardie, Revue archéo-logique de Picardie, trimestriel n°1-2, 20155 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980.6 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995.7 COWGILL (J.), NEERGAARD (M.) et GRIFFITHS (N.) Knives and Scabbards, Medieval finds from excavations in London : 1, The Boydell Press, Londres, 1987.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
45
aspects fonctionnels de ces outils. Ces ouvrages à vocation ethnographique sont par-
fois monographiques, se concentrant sur un type d’outil1, d’autres fois plus généraux2.
À l’inverse des ouvrages à vocation historique, ils privilégient les outils liés aux artisa-
nats et délaissent ceux de l’agriculture.
2.1.2.3 Méthode et objectifs
Le mobilier est séparé en six grands ensembles eux-mêmes subdi-
visés en fonction des types d’objet. L’objectif est de regrouper les objets en fonction de
leur forme et de leur aspect fonctionnel. Dans cette partie, nous décrirons les aspects
morphologiques, techniques et chronotypologiques3 des objets, leur mise en perspec-
tive vis-à-vis du contexte historique et archéologique étant l’objet de la troisième partie
de notre travail. Les objets de notre corpus ont été photographiés, mais tous n’ont pas
pu être dessinés en raison de leur mauvais état de conservation. Le mobilier métallique
a été dessiné selon la méthode du contour au trait, ou dessin épuré4, qui consiste à ne
dessiner que les contours de l’objet et les éléments marquants de son relief s’il y en
a. Les problèmes de visualisation des volumes que cette méthode entraîne sont com-
pensés par des coupes effectuées à des endroits clefs de l’objet ; la lame et la soie pour
un couteau par exemple. Le choix de ce type de dessin a été fait pour deux raisons :
tout d’abord, cette méthode est la plus accessible, elle ne requiert aucune qualité artis-
tique et permet plus facilement la reprise par ordinateur ; deuxièmement, elle est la
plus adaptée au matériel étudié, notamment en raison de la corrosion qui recouvre la
majorité des objets, rendant leur surface boursouflée et peu lisible. Représenter toutes
les aspérités de cette surface aurait alourdi le dessin sans aider à sa compréhension,
tout en augmentant de façon considérable le temps consacré à chaque objet. Photo et
dessin sont donc complémentaires, chacun apportant les informations que l’autre ne
peut fournir. Dans un souci de place, nous ne pouvons pas présenter ces deux formats
dans le corps du texte et nous privilégierons donc le dessin, plus à même de mettre
en valeur les aspects techniques des objets. Le catalogue complet incluant photos et
1 Par exemple les ouvrages de Daniel Boucard 2 FELLER (P.) et TOURRET (F.), L’outil. Dialogue de l’homme avec la matière, EPA, Paris, 2004.3 Dans la mesure ou cette aproche est possible.4 ABERT (F.) et alii, Modes de représentation des objets archéologiques non céramiques, in Les Nouvelles de l’archéologie, N° 131, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, Errance, 2013.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
46
dessins est toutefois présent en annexe numérique1 et nous invitons le lecteur à s’y
référer au besoin. L’association du dessin et de la photo permet d’avoir une repré-
sentation technique de l’objet tout en pouvant évaluer son aspect visuel et son état de
conservation. En dehors des objets eux-mêmes, notre travail se basera principalement
sur les sources iconographiques, ce qui permettra au mieux de restituer l’objet dans
son contexte d’utilisation, au moins de pouvoir observer ses parties périssables, princi-
palement l’emmanchement. La comparaison des objets mis au jour avec d’autres déjà
étudiés dans la bibliographie de référence et avec l’iconographie aboutira à un des-
criptif, tant sur leur forme que leur fonction, et à leur mise en perspective sur le plan
historique.
2.2 Etude de l’armement
L’armement mis au jour lors des fouilles forme un ensemble, composé d’arme-
ment défensif et offensif, qui compte une quarantaine de pièces ou lots, mais dont une
grande partie est constituée de fragments de tôle difficilement exploitables. Seules les
pièces identifiées et dont le rendu visuel autorisait la photographie ont été incluses
au catalogue. Nous avons pris le parti de ne pas présenter un certain nombre de frag-
ments afin d’éviter l’encombrement du catalogue par du matériel inexploitable2. Une
grosse partie de ces fragments composaient sans doute une armure complète dont cer-
taines pièces ont été conservées et dont la plus importante est sans conteste la visière
de bassinet mise au jour dès 2006. Une grève ainsi que des fragments de spalière et
de canon d’avant bras ont également été identifiés, certains autres fragments sont très
probablement issus de cette même armure, sans qu’ils soient pour autant clairement
identifiés. Une pièce d’armure de maille identifiée comme étant un camail et deux um-
bos viennent compléter cet armement défensif. L’armement offensif se divise, quant
à lui, en trois catégories, les armes de jet, les lames et les armes d’hast. Aucune épée
complète n’a été retrouvée3, cela peut s’expliquer par le fait que cette arme est souvent
portée quotidiennement par son propriétaire, ce qui n’est pas le cas des autres armes.
1 DVD présent en fin d’ouvrage.2 Ces fragments vont prochainement servir de base à des analyses métalographiques effectuées par Emilie Berard dans le cadre d’une thèse en archéométrie sur les armures de la fin du Moyen Age 3 Seule une garde a été découverte, infra p.55.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
47
Le fait est que personne ne se trouvait dans la maison au moment de l’incendie1, la ou
les épées qui pouvaient s’y trouver accompagnaient sans doute leur(s) propriétaire(s).
Il est possible au demeurant qu’une partie du mobilier ait pu être évacué et que ces
armes en faisaient partie.
Concernant la répartition de ce mobilier, l’essentiel des découvertes d’impor-
tance ont été faites dans la moitié sud du bâtiment. Une concentration de pièces d’ar-
mures au niveau de la descente d’escalier et de l’entrée de la cave formait sans doute
un seul et même ensemble. C’est dans cette partie qu’ont été découvertes les plus belles
pièces, notamment la visière de bassinet et la jambière. Ces éléments se trouvaient
sans doute à l’étage et se sont retrouvés précipités en bas avec des éléments d’archi-
tecture. La visière de bassinet découverte dans un amas de mortier de chaux illustre
l’importance des perturbations entraînées par l’effondrement des planchers. L’étude
de l’armement aura un objectif double, il s’agira non seulement de replacer chaque
pièce dans une chronotypologie basée sur l’iconographie et les exemples archéolo-
giques existants, mais aussi de mettre en avant la qualité et la richesse du matériel mis
au jour à Châtenois. Un premier point, consacré aux armes offensives, ouvrira la voie
à un deuxième point consacré à l’armement défensif, plus spectaculaire et plus rare.
2.2.1 L’armement offensif
2.2.1.1 Les projectiles
Les projectiles constituent l’essentiel du mobilier militaire mis
au jour sur les sites fortifiés médiévaux. Par conséquent, ils sont relativement bien
connus et ont fait l’objet de typologies de référence. Nous nous référerons aux travaux
de Valérie Serdon2 (fig.21) qui sont, sans doute, les plus aboutis et les plus récents,
sans compter qu’ils ont l’avantage d’inclure un grand nombre de sites alsaciens. Onze
pièces ont été inventoriées comme étant des fers de projectiles, mais l’étude a révélé
que quatre d’entre eux n’en étaient peut-être pas. Le mauvais état de conservation de
ces pièces est sans doute la source de ces erreurs ; la forme de ces éléments prêtant
1 Du moins ceux qui s’y trouvaient on pu en sortir avant l’effondrement des planchers.2 SERDON (V.), Armes du Diable, arcs et arbalètes au Moyen Âge, PUR, Rennes, 2005.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
48
A1 A2 A3 B1 B2 B3 C1 C2 C3 D1 D2 D3 E1 E2 E3
F1 F2 G1 G2 H1 H2 H3 I1 I2 I3 J1 J2
K L M1 M2 N1 N2 O P Q
0 5cmFig. 21 : Typo-chronologie des carreaux d’arbalètes (Vincent Legros d’après Valérie Serdon)
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
49
1000 1100 1200 1300 1400 1500
A1
A2
A3
B
C
C’
D’ et D
E’ et E
F
G
H
I
J
K
L
M
N
O
P
Q
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
50
à confusion, c’est généralement l’absence de douille ou de soie qui a permis de les
exclure. L’importance de la corrosion et le mauvais état de ces objets ne permettent
pas toujours une lecture précise de leur forme. La précision dans l’observation étant
un préalable à toute classification typologique, les éléments mal lisibles ne pourront
pas être traités. Les fers sont de formes différentes, aucun faciès n’est privilégié et vu
leur petit nombre aucun travail statistique n’est à faire sur cet ensemble. Certains fers
en raison de leur taille et leur forme se rapprochent davantage des fers de baliste que
d’arc ou d’arbalète1.
Les fers en amande n°45 et n°101 (fig.22), de section losangique sont de ceux-ci.
Ce type de carreaux2 est très massif, sa pointe est plus large que la douille, mais aussi
plus fine, ce qui lui permettait de jouer autant sur la puissance de l’impact que sur le
tranchant. Quand ils mesurent entre 65 et 85 mm, ils peuvent être identifiés comme
carreaux d’arbalète. Au-delà et jusqu’à 150 mm, ils sont sans doute utilisés par des
armes plus puissantes. Cependant, les modèles de grande taille décrits par Valérie Ser-
don sont de section carrée. Les carreaux de Châtenois semblent à cheval entre ces deux
catégories. Ils mesurent près de 115 mm, ce qui sans en faire les plus grands connus
les place probablement dans la catégorie des fers de grande arbalète ou de baliste.
Toutefois, leur section losangique ou lenticulaire les rapproche davantage des car-
reaux d’arbalète. Des modèles similaires ont été mis au jour au « Vieux-Château » de
Rougemont3, où Pierre Walter les identifie comme étant des carreaux d’arbalète lourde
et peut-être d’arbalète à cric. En Alsace ils sont attestés sur les sites proches de Haut-
Koenigsbourg et d’Ortenberg dans des niveaux datés de 1290. Il semble toutefois que
ce modèle ait perduré jusqu’au XVe siècle dans l’espace germanique, si l’on en croit
les travaux de Zimmermann sur les inventaires d’arsenaux suisses et allemands4. Le
fer n°74 (fig.23) était sans doute projeté par le même type d’arme que les précédents,
mais sa forme est très différente. Long d’un peu plus de 145 mm c’est le plus long fer
trouvé à Châtenois - en admettant qu’il s’agisse d’un fer de carreau. De section losan-
1 Par baliste, nous entendons une arbalète de taille supérieure à la norme, généralement monté sur un pied. 2 Type I1 (i1) selon la typologie de Serdon in SERDON (V.), Armes du Diable, arcs et arbalètes au Moyen Âge, PUR, Rennes, 2005, p.105.3 WALTER (P.), Sept années de travaux au « Vieux-Château » de Rougemont, Foyer rural de Rougemont le Château, Rougemont le Château, 1983, Pl.II. p.52.4 SERDON (V.), Armes du Diable, arcs et arbalètes au Moyen Âge, PUR, Rennes, 2005, p105-106.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
51
101
0 5 cm
45
Fig. 22 : Carreaux en amande, 1/1
0 5 cm
74
Fig. 23: Grand carreau losangique, 1/1
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
52
102
0 5 cm
Fig 24 : Grand carreau, 1/1
11
0 5 cm
26
121
Fig 25 : Carreaux, 1/1
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
53
gique presque carrée et de profil pyramidal, tout, si ce n’est sa taille, le rapproche du
type D de la typologie de Serdon. Sa douille, de section circulaire, est beaucoup plus
courte que la pointe et son diamètre intérieur mesure près de 20 mm à l’ouverture,
ce qui implique un fut très massif. Ceci peut nous faire douter quant à son identifi-
cation, d’autant qu’une partie du fer de douille forme une patte repliée sur l’ouver-
ture. À l’origine, cette patte continuait sans doute le long du fût et contribuait ainsi à
son maintien. Il est possible au demeurant qu’il s’agisse davantage d’une lame courte,
d’une dague ou d’un petit fer de lance que d’un fer de trait. Toutefois, des fers sem-
blables ont été retrouvés sur le site du Haut-Koenigsbourg1. Au XIIIe siècle, des fers
de ce type semblent être en usage sur le proche site d’Ortenberg2. Il semblerait que ce
modèle ait existé sous différentes formes et dans des gabarits très variables en fonction
des armes pour lesquelles il était employé. Le n°102 (fig.24) est peut-être à rapprocher
de cette même catégorie, cependant son mauvais état de conservation ne permet pas
de l’affirmer, d’autant que sa partie perçante est visiblement brisée et incomplète.
Les trois fers suivants ont des dimensions plus réduites et étaient sans doute
destinés à être projetés par des arbalètes plus conventionnelles. Le carreau n°121
(fig.25) présente une pointe à profil pyramidal à trois faces. Le métal fait saillie à
chaque angle, ce qui lui donne des caractéristiques de harpon. Le passage de la douille
conique, de section circulaire, à la pointe, triangulaire, se fait par un étranglement très
important. La pointe est très courte, elle mesure moins de 15 mm alors que la douille
mesure 40mm. Ce carreau appartient au groupe N de la typologie de Serdon, et se rap-
proche plus particulièrement de la variante N13, bien qu’étant légèrement plus petit
que la moyenne. La chronologie de ce type de carreaux fonctionne bien avec celle de
Châtenois, puisque ceux-ci sont utilisés en Alsace au XVe siècle sur les sites de Haut-
Koenigsbourg, Landsberg, Hohenfels, Obersteinbach et Spesbourg. Une variante très
proche présentant des indentations sur ses trois arêtes est attestée sur le site d’Orten-
berg4. Le fer n°11 (fig.24) présente également une pointe pyramidale à trois faces et
une douille conique de section circulaire, cependant son état ne permet pas une iden-
tification plus précise. Le carreau n°26 (fig.25), possède des dimensions semblables,
1 SERDON (V.), Armes du Diable, arcs et arbalètes au Moyen Âge, PUR, Rennes, 2005 p99.2 Ibid. p100.3 Ibid. p110.4 Ibid. p110
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
54
mais sa pointe de forme losangique et de section carrée est nettement plus massive. La
forme de la douille est irrégulière et déformée, mais devait sans doute être circulaire à
l’origine. Le fer présente un étranglement relativement prononcé entre la pointe et la
douille, sans pour autant présenter les caractéristiques de harpon du n°121. Typologi-
quement, nous pouvons le rapprocher du type E défini par Serdon, bien qu’il soit plus
ramassé1. Ce type de carreau était en usage en Allemagne et en Suisse au XIVe et au
XVe siècles, mais n’a été retrouvé que rarement en Alsace.
2.2.1.2 Les armes d’hast
En raison de leur taille, les armes d’hast sont plus facilement iden-
tifiables que les projectiles, malgré la corrosion, d’autant que certaines pièces ont béné-
ficié d’un premier nettoyage par sablage. Chaque fer présente une forme différente.
Sur les cinq fers mis au jour, trois ont été nettoyés et en partie restaurés, les deux
autres ne sont pas clairement identifiés. La difficulté est de savoir si ces armes étaient
à l’usage de gens de pied ou s’il s’agit d’armes de cavalerie ; or rien ne les différencie
,sauf peut-être la hampe et celle-ci a disparue2.
Pour les fers n°7 et n°75 (fig.26), l’identification comme arme d’hast n’est pas
certaine dans la mesure où leur taille et leur forme les rapprochent des grands car-
reaux présentés précédemment. En effet, n°7 est proche en forme du fer n°74 (fig.23)
pour lequel nous avions déjà des doutes quant à son identification en tant que fer de
carreau, mais sa mesure de près de 190 mm dépasse largement les 150 mm maximums
de la typologie établie par Valérie Serdon3. Nous sommes conscient de la relation
étroite entre ces deux fers et de la difficulté de les rattacher à l’une ou l’autre catégorie,
cependant comme nous étions dans l’incapacité de trancher, nous avons préféré rester
sur nos critères de taille. Le fer n°7 est doté d’une forte douille tronconique et d’une
flamme munie de trois arêtes effilées reliées par des pans concaves. La pointe est acé-
rée et la flamme optimisée pour une pénétration efficace à forte composante axiale. La
section triangulaire dont les côtés sont concaves est contre-indiquée pour la taille, ce
1 Ibid. p101-1022 COGNOT (F.), L’armement médiéval, les armes blanches dans les collections bourguignonnes, Xe-XVe siècles, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2013, p.359-3643 Ibid.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
56
peut donc être un fer de pique ou de lance de cavalerie1. Les fers les plus proches en
forme étudiés par Cognot ont tous quatre arêtes. Ils sont datés des XIVe et XVe siècles2.
La pointe 75 est très différente bien qu’ayant elle aussi une forte composante axiale.
Plus ramassée et beaucoup moins effilée, sa pointe pyramidale de section carrée est
dépourvue de flamme et ressemble beaucoup à celle d’un carreau, cependant le dia-
mètre intérieur de sa douille est de 3 cm ce qui suppose un fût qui nous parait être trop
imposant pour être celui d’un carreau, fut-il de baliste. Cette arme semble répondre à
la description faite par Cognot des lances de cavalerie de la fin du Moyen Âge et de la
Renaissance, à savoir des lances pourvues de fer aux dimensions modestes et dépour-
vus de flamme mais à forte section3. Le troisième fer identifié (28, fig.27) est le seul à ne
pas poser de problème d’identification. Long de 28 cm, ce fer présente une silhouette
en feuille de saule et une douille tronconique longue de 9 cm pour un diamètre exté-
rieur maximal de 3 cm. Le diamètre intérieur de celle-ci est d’à peine 1 cm au niveau de
l’entrée de la douille, ce qui suppose un système d’emmanchement particulier, peut-
être par le biais d’un pas de vis en bout de hampe, ou la fixation a un système de garde
d’arrêt. La flamme est munie de deux tranchants légèrement concaves et d’une arête
1 COGNOT (F.), L’armement médiéval, les armes blanches dans les collections bourguignonnes, Xe-XVe siècles, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2013, p.381.2 Voir notamment le fer conservé au Musée Vivant Denon, Châlon-sur-Saône (n° inv. CA 819) in CO-GNOT (F.), L’armement médiéval, les armes blanches dans les collections bourguignonnes, Xe-XVe siècles, Uni-versité Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2013, p.381.3 Ibid. p.364.
Fig 27 : fer d’hast, 1/2
0 5 cm
28
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
57
centrale. La largeur du fer est de 6 cm là où les tranchants sont le plus éloignés l’un de
l’autre. Hormis l’absence de garde d’arrêt, la forme de ce fer le rapproche des épieux
de chasse connus dans l’iconographie1. Un fer daté du milieu du XVIe siècle et doté
d’une flamme de forme et de dimension proche a été mis au jour au château de Spes-
bourg2. En revanche, sa douille est hexagonale et munie d’une ouverture de fixation
pour la garde d’arrêt.
2.2.1.3 Les armes de main
Deux fragments d’arme de main ont été mis au jour. La garde
d’épée n°65 (fig.28) a été mise au jour dans le quart sud-est du bâtiment, non loin
des pièces d’armures dont nous parlerons plus loin. Elle mesure une quinzaine de
centiètres de long pour 2,5 cm de large. La lame qui l’accompagnait a disparue mais
devait mesurer entre 5 et 6 cm de large pour une épaisseur de 0.6 cm au nieau de la
garde. Les quillons sont incurvés, probablement vers la lame, et s’affinent aux extré-
mités. Ces dimensions sont dans la moyenne de celles des gardes des épées étudiées
par Cognot3 et Legros4. En l’absence de la lame et du pommeau les indices de datation
sont maigres, seule la courbure des quillons suggère une fabrication postérieure au
XIIe siècle5.
La lame de dague n° 165 (fig.28) a été découverte dès la campagne de fouille de
2006, elle se trouvait donc au niveau de la descente d’escalier ou de la porte d’entrée,
dans le secteur sud-est, et, comme la garde n°65, non loin des fragments d’armure6.
Cette lame de section losangique mesure 15 cm de long et est relativement éfillé. elles
est dotée d’une douille de section rectangulaire qui permetait de fixer un manche
aujourd’hui disparu. La restauration de cet objet a permis d’observer la trace d’un
1 Evreux, BM, Lat 100, f.01, Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 3717 f.042v et f.095, Tours, BM, ms. 2283, f.012, Paris, BNF, Fr 1872, f.14v.2 RIEB (J.-P.), SALCH (C.-L.), La vie au Moyen-Âge et à la Renaisance, Dix ans de fouilles, CAMS, catalogue d’exposition, Strasbourg, 1973, p.25, n°108.3 COGNOT (F.), L’armement médiéval, les armes blanches dans les collections bourguignonnes, Xe-XVe siècles, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 20134 LEGROS (V.), Archéologie de l’objet métallique aux époques médiévale et moderne en Picardie, Revue archéo-logique de Picardie, trimestriel n°1-2, 2015, p180-183.5 Ibid. p.92.6 Sa localisation précise n’est pas connue mais cette zone est la seule à avoir été fouillées en 2006.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
58
0 5 cm
65
165
Fig 28 : lame de miséricorde et garde d’épée, 1/1
Fig 29 : lame de miséricorde, la flèche indique les traces de tissus fossilisées par la corrosion.
tissu fossilisé par la corrosion (fig.29). Ce tissus enveloppais probablement l’arme au
moment de son enffouissement mais rien ne dit qu’il s’agisse des traces d’un four-
reau. Cette arme aparait au XIVe siècle et porte généralement le nom de miséricorde.
Sa lame étroite permet de passer entre les défauts de l’armure, raison pour laquelle
elle est le plus souvent dotée de quillons courts ou d’une simple rouelle1 en guise de
garde.
1VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 5, Imprimerie Compte-Jacquet, Bar-le-Duc, 1872, p.109
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
60
2.2.2 L’armement défensif
La fouille du bâtiment 30 a révélé de nombreux fragments de tôle qui
pourraient avoir appartenu à une même armure. Parmi eux, seul un petit nombre a
été clairement identifié, à savoir un mézail de bassinet, une grève gauche, un canon
d’avant bras et une rouelle auquel nous ajoutons un umbo de bouclier et une protec-
tion de maille roulée sur elle-même et identifiée comme un camail lors de sa décou-
verte.
2.2.2.1 Protection de tête
La pièce la plus exceptionnelle est sans conteste le mézail, trouvé
dès 2006 et restauré depuis. Il est complet à 80 %. La cassure permet de constater qu’il
est composé de trois épaisseurs de feuilles de tôle1. Le reste du bassinet, probablement
très fragmenté, n’a pas été identifié à l’exception du fragment 164 qui pourrait être
la partie du casque située au niveau de la joue gauche, là où commence l’ouverture
laissant libre le visage. Avant toute chose, il convient de revenir sur l’historique de ce
type de protection de tête afin de placer celle de Châtenois dans un contexte plus large.
Le bassinet est un armement de tête dont l’origine remonte au début du XIVe siècle.
Sa forme de base est héritée de celle des cervelières hémisphériques et des casques
coniques dits à nasal2. Quand le heaume apparaît à la fin du XIIe siècle et au début du
siècle suivant, les casques plus légers ne sont pour autant pas abandonnés, et l’on en
vient même à combiner les deux types de protection de tête. Aux XIIIe et XIVe siècles,
il semblerait que la cervelière et le camail qui y est le plus souvent accroché se soient
portés sous le heaume. Ce dernier lourd et peu propice à la respiration n’est porté
qu’au moment du combat à proprement parler, le reste du temps le cavalier ne porte
que la cervelière, ce qui lui permet d’être plus à l’aise et d’avoir une meilleure vue. De
même, lorsque le cavalier est amené à combattre à pied, le grand heaume serait laissé
de côté au profit de la cervelière simple. L’iconographie du XIVe siècle nous montre
bien la coexistence de ces deux protections de tête (fig.30). Cette dernière évolue peu à
1 KOCH (J.), Châtenois : Quartier du Château, rapport d’opération archéologique, INRAP, 2006, p.42.2 VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 5, Imprimerie Compte-Jacquet, Bar-le-Duc, 1872, p.157.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
61
Fig 30 : Roman de Troies, Paris 1330. BNF, Français 60, f.77.
peu pour prendre la forme de ce que nous appelons bassinet, couvrant ainsi non seule-
ment le sommet du crâne, mais descendant aussi sur les oreilles et sur la nuque, tout en
restant complété par une protection de maille1. Ce système est très couramment repré-
senté sur les gisants du XIVe siècle, non seulement dans l’espace germanique, mais
aussi en France et en Angleterre. Le gisant du margrave Rudolph VI à Baden-Baden,
daté de 1372, en est un bon exemple, d’autant que le grand heaume est posé à la droite
de la statue, ce qui pourrait prouver la coexistence de ces deux types de protection, à
moins que ce dernier n’ait qu’un rôle héraldique sur les gisants. Un soldat endormi
du sépulcre de la cathédrale de Strasbourg (fig.36), daté de 1340-1345 et conservé au
musée de l’œuvre Notre-Dame est représenté avec un bassinet sur la tête et portant le
heaume sur son dos. S’il est certain que ces deux protections de tête furent utilisées au
cours de la même période, le fait qu’elles se soient superposées est encore sujet à débat
et l’objectif ici n’est pas de répondre à cette question. Qu’il y ait eu superposition ou
pas, il n’était pas pratique de changer de protection de tête en fonction de la situation
et les cavaliers risquaient soit de charger à visage découvert soit de devoir supporter
trop longtemps l’encombrement du heaume. On eut alors l’idée d’ajouter un mézail
au bassinet, c’est-à-dire une pièce de fer mobile protégeant le visage du combattant
et pouvant se relever ou s’enlever facilement. Son timbre évolua vers une forme rela-
tivement pointue au détriment de la forme hémisphérique des anciennes cervelières.
1 HARMAND (Adrien), Jeanne d’Arc, ses costumes, son armure, librairie Ernest Leroux, Paris, 1929, p.245.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
62
Fig 31 : Grandes chroniques de France, Paris, 1400, BNF, Français 73, f.150.
Fig 32 : Froissart, 1412-1414, Besançon 0865, f.01.
Fig 33 : Livre des merveilles, paris 1410-1412, BNF 2810, f.249.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
63
Il semblerait que ce changement de forme ait eu lieu avant l’apparition du mézail
puisqu’il apparaît dès la première moitié du XIVe siècle sur de nombreux gisants,
mais dans des proportions réduites1 - peut-être pour permettre le port du heaume par-
dessus. Si la forme du bassinet en elle-même n’évolue qu’assez peu après l’apparition
du mézail, la forme de ce dernier a laissé le champ libre aux artisans qui n’ont cessé
d’innover pour la faire évoluer. La forme la plus connue et sans doute la plus courante
est celle dite à « bec de passereau », de forme conique, qui apparaît vers 13702. Le
mézail de Châtenois, d’une forme plus arrondie, est plus tardif que les bassinets à bec
de passereau. Cette évolution intervient à la toute fin du XIVe siècle et répond sans
doute aux inconvénients d’un mézail proéminent trop exposé aux coups dirigés obli-
quement3. L’iconographie permet de retracer cette évolution, et dès 1400 les mézails
de bassinets représentés ne sont plus aussi pointus que dans la décennie précédente
(fig.31). Cette tendance se poursuit jusque dans les années 10 du XVe siècle, le mézail
prend alors une forme plus ou moins hémisphérique. Le mézail de Châtenois est très
proche en forme de ceux de la première décennie du XVe siècle. Il reste relativement
allongé, à l’instar du bec de passereau, mais son museau plus arrondi est doté d’une
arête verticale qui n’existait pas sur ce dernier (fig.37). L’iconographie nous offre de
très nombreuses représentations de ce casque au cours de cette courte période, non
seulement sur des cavaliers, mais aussi sur des piétons (fig.31, 32, 33). Le système d’at-
tache du mézail se faisait au moyen de fiches maintenant les deux charnières aux deux
pivots situés de part et d’autre du bassinet (fig.38). Il était donc possible de relever le
mézail, mais aussi de l’enlever complètement (fig.35). En plus des deux fentes réser-
vées à la vue, des trous sont ménagés dans la partie inférieure droite de la visière, afin
de faciliter la respiration. Le côté gauche, plus exposé aux éventuels coups de lance
d’un cavalier adverse en est dépourvu afin de garantir sa solidité (fig.37). Parfois, un
crochet permettait de maintenir la visière en place lorsqu’elle était baissée, mais rien
de tel n’est visible ici.
1 Notamment les statues des archevêques de Cologne, Mayence et Trèves conservées au Mainz Landes-museum et datées de 1340. 2 Du moins dans l’iconographie.3 VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 5, Imprimerie Compte-Jacquet, Bar-le-Duc, 1872, p.166.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
64
Fig 34 : David quittant son armure, France début XVe, BNF, Français 3, f.266.
Fig 35 : Ab urbe condita, Paris fin XIVe, BNF, français 32, f.290v.
1330 1345 1380 1400 1410
Fig 36 : Evolution chronologique des bassinets d’après l’iconographie.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
65
Fig 37 : Visière n°172, vue de face.
Fig 38 :Visière n°172, profil droit.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
66
Fig 39 : Camail n°53, croquis de l’assemblage et section des anneaux
Fig 40 : Camail n°53, vue d’enssemble.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
67
Fig 41 : Camail n°53, détail.
Le bassinet était généralement accompagné d’un camail qui protégeait la gorge
et les épaules, c’est l’une des raisons qui nous fait penser que la pièce de maille sortie
des fouilles de Châtenois en est un. Ce dernier pouvait avoir deux formes. Soit, il cou-
vrait complètement la tête et se portait sous le bassinet, ou il n’était qu’une collerette
parfois rivée à la base du timbre du bassinet afin de ne composer qu’une seule et même
protection (fig.34). À l’heure actuelle il n’est pas possible de rattacher le camail de
Châtenois à l’une ou l’autre de ces protections, cependant la restauration en cours de
l’objet nous permettra peut-être d’affiner la détermination. Le diamètre moyen des an-
neaux est de 1cm à l’extérieur et 0.7cm à l’intérieur, l’assemblage est classique, chaque
maille est « prise » par quatre autres et fermée par un rivet. Le diamètre du fil varie
entre deux et trois millimètres selon les anneaux, ce qui est relativement gros et résulte
peut-être d’un gonflement lié à la corrosion. La caractéristique la plus étonnante de
cette pièce a pu être observée au niveau d’anneaux sectionnés et laissant apparaître
un vide à l’intérieur même du fil (fig.39). Aucune explication définitive n’a pu justifier
l’existence d’un fil creux et nous ne pouvons que nous limiter à des suppositions. Cette
morphologie est peut-être due au processus de fabrication impliquant l’enroulement
sur elle-même d’une fine tôle de métal, ou tout autre processus pouvant conduire à la
réalisation d’un fil creux. Deuxième hypothèse, cet état résulte simplement d’un effet
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
68
de conservation lié à la nature métallique du fil. En effet, on peut penser que le fil était
composé d’un assemblage d’au moins deux métaux dont le plus sensible à la corrosion
se serait trouvé au centre. Lors de l’enfouissement, certains anneaux brisés ont exposé
la partie la plus sensible du fil aux attaques de la corrosion, faisant ainsi disparaître le
cœur du fil et ne laissant que son placage en place. Quoi qu’il en soit, seule une ana-
lyse métallographique pourra nous donner les arguments nécessaires pour répondre
à cette interrogation. Le niveau de corrosion ne nous permet pas d’étudier la zone de
rivetage des anneaux, mais il semblerait qu’aucun élargissement de l’anneau n’ait été
nécessaire pour placer le rivet, ce qui est plutôt un gage de bonne facture (fig.41). La
présence de corrosion verte typique des métaux cuivreux (fig.39-40-41) sur cet objet
suppose la présence d’anneaux en métal cuivreux constituant un décor ou une répara-
tion. Il n’est pas exclu que cette corrosion vert-de-gris résulte d’un placage du fer du
camail par un métal cuivreux de type laiton comme le mentionne Robert Brun1. Un
petit fragment de maille est séparé du reste, mais faisait très probablement partie du
même ensemble.
2.2.2.2 Protection des jambes
La grève n°173 a été découverte lors des fouilles de 2006 et a été
restaurée en même temps que le mézail du bassinet. Avec ce dernier, c’est la pièce
d’armure la mieux conservée puisqu’elle est complète à près de 90 % malgré une fis-
sure agrémentée d’une importante déformation (fig. 42). Protection de jambes entre les
genoux et les pieds, les grèves étaient complètes ou demi selon qu’elles protégeaient
l’ensemble de la jambe ou uniquement sa face avant. Au vu des éléments d’attache
conservés, la grève était maintenue par un lien qui passait derrière le mollet, ou bien
ces éléments permettaient de maintenir l’autre moitié dans le cas d’une grève complète.
Cette pièce protégeait la jambe gauche, le métal descendant plus bas sur la face exté-
rieure de la jambe de façon à protéger la malléole du côté le plus exposé aux attaques.
La présence de deux petites perforations circulaires, l’une en partie supérieure et la
seconde au niveau de la cheville permet d’envisager une connexion avec la genouillère
et le soleret.
1 BRUN (R.) « Notes sur le commerce des armes à Avignon au XIVe siècle», Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, CIX, 1951, p. 215-216 et 218.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
69
Fig 42 : Grève n°173, vue d’ensemble, détail des éléments d’attache.
2.2.2.3 Autres pièces
Les éléments suivants, bien que moins bien conservés que les pré-
cédents ou moins représentatifs, ont également été identifiés comme des composants
de cette armure. Une rouelle d’un diamètre de 15 cm et dotée d’une tige de fixation
servait à protéger l’aisselle ou le creux du coude (fig.43). Ce type de protection ne
fonctionnait pas nécessairement par paire, et pouvait ne protéger que l’aisselle gauche,
plus exposée. Viollet-le-Duc mentionne cette particularité et donne en exemple la
tombe gravée du seigneur de Mairet, dans l’église saint Alpin de Châlons-sur-Marne,
datée de 14191. Les deux fragments du lot n°162 constituent les seuls vestiges de canon
d’avant bras retrouvés (fig.44). Cette pièce constituée d’une tôle de forme cylindrique
ou tronconique protégeait le bras entre le coude et la main. Son état de conservation ne
permet pas de faire des observations supplémentaires. À ces deux pièces s’ajoutent de
1 VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 5, Imprimerie Compte-Jacquet, Bar-le-Duc, 1872, p.131-132.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
70
Fig 43 : Rouelle n°174.
Fig 44 : Frangments de cannon d’avant bras n°162.
nombreux fragments de tôle qui n’ont pas pu être clairement identifiés, tout au plus
quelques suppositions sont permises concernant celles qui sont restaurées. le fragment
n° 167 est peut-être un fragment de tassette, à savoir une protection de l’aine et du haut
de la cuisse rattachée au plastron (fig.45) et l’individu n° 37 est probablement un umbo
de bouclier (fig.46).
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
72
2.3 Etude de l’outillage agricole
Pascal Reigniez définit l’outil comme « tout objet manufacturé ou non qui sert, de
façon sporadique ou répétée, à exercer de manière directe, indirecte, voire virtuelle, une action
précise sur un être (animal et végétal), une matière ou un élément afin d’obtenir un résultat
recherché 1». Étudier un ensemble d’outillage médiéval, c’est aborder un petit morceau
des activités humaines de la période, mais c’est aussi un mode d’approche de l’his-
toire des techniques. À Châtenois, 74 outils ou fragments d’outils ont pu être identifiés
parmi lesquels 30 outils strictement agricoles. Ces derniers constituent un ensemble
relativement varié qui permet d’aborder une partie importante de la chaîne opératoire
céréalière et viticole, du travail de la terre jusqu’à la récolte des fruits. Les outils relatifs
au travail du bois, à l’élevage, la forge, ou à la maréchalerie seront traités à part. Les
outils de l’agriculture sont sans doute les outils les plus connus de la période médié-
vale car ils sont plus courants. Nous nous attacherons principalement aux objets, la
synthèse sur les activités qui s’y ratachent étant le coeur de notre troisième partie.
2.3.1 Le travail de la terre
Le labour occupe une place prépondérante dans l’imagerie médiévale.
Leitmotiv de la vie paysanne, il est emprunt de symbolique chrétienne, représentant le
labeur de l’homme, condamné à cultiver lui-même le fruit de la terre depuis le péché
originel2. La charrue et l’araire n’ont pas le monopole technique de ce travail qui peut
aussi bien être fait à la houe et à la bêche. La force des bras supplante ou supplée alors
la force animale et permet un travail plus efficace et plus soigné, car plus profond. La
pénibilité du défonçage et sa relative lenteur par rapport au labour sont donc contre-
balancées par son efficacité supérieure nécessitant moins de répétition au cours de
l’année3. La houe est également l’outil privilégié des façons, travaux consistant à aérer
la terre autour des pieds de vigne pour favoriser leur pousse. Qu’elle soit plate ou à
crocs, elle constitue avec la serpe l’outillage principal du vigneron. Au Moyen Âge, le
labour à bras et les façons pouvaient être effectués à l’aide de trois outils différents, le
1 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Age, Errance, Paris, 2002, p.13.2 Genèse 3, 17-193 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.98.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
73
pic, la houe à crocs et la houe plate, et l’utilisation conjointe de ces éléments est connue
dans l’iconographie1 (fig. 47). Le travail indispensable des façons (fassio vinearum) est
même recommandé par Pietro de’ Crescenzi dans son Ruralium commodorum opus,
l’une au printemps, l’autre après la vendange2.
2.3.1.1 Pic et pioche
Le pic est un outil constitué d’un fer unique de section ronde, car-
rée ou rectangulaire, emmanché sur une extrémité par un œil. Le fer peut être droit
ou courbe et l’angle formé entre le celui-ci et le manche approche généralement les 70
degrés et se situe toujours entre 45 et 90 degrés. Les deux pics trouvés à Châtenois sont
à lame plate, courbe, et de section rectangulaire. Ils sont dits à tranchant3, c’est-à-dire
que l’extrémité du fer est composée d’un tranchant positionné perpendiculairement à
l’axe du manche. Cette physionomie les rapproche de certaines houes plates, si ce n’est
que leur fer est beaucoup plus étroit4. Il est possible que le pic servît à effectuer des
1 Ibid. p.206.2 LORCIN (M.T.) «Le vignoble et les vignerons du Lyonnais aux XIVe et XVe siècles», in Le vin au Moyen Âge, production et producteurs, Actes du 2e congrès des médiévistes, Grenoble, 4-6 juin 1971, Grenoble, 1978, p.19-37.3 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Age, Errance, Paris, 2002, p.106.4 Le fer du pic mesure moins de 3cm de large au niveau du tranchant, contre 15cm en moyenne pour les houes plates.
Fig 47 : Noé cultivant la vigne à l’aide d’une bêche, d’une houe plate et d’une houe à crocs BNF, Français 50, f.32, 1463.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
74
travaux identiques, mais sur des sols plus durs ou plus rocailleux. Dans tous les cas
il permettait un travail de défonçage, peut être pour préparer ou compléter le travail
de la houe dans des endroits moins accessibles ou sur des sols plus difficiles. Parfois,
comme la houe, il est utilisé pour creuser le trou qui permet d’enfoncer les échalas
(fig.48). Le pic n’est que peu représenté dans l’iconographie relative au travail de la
terre, mais elle nous montre qu’il n’est pas uniquement un outil de mise en valeur des
cultures, c’est aussi un outil d’excavation, au même titre que la houe d’ailleurs. Sur
les deux pics retrouvés à Châtenois, un seul est suffisamment bien conservé pour que
l’on puisse étudier son emmanchement (fig.49). L’œil, dont la forme se situe entre le
trapèze et le triangle, est semblable à celui de bon nombre d’outils à emmanchement
perpendiculaire retrouvés à Châtenois, nous appellerons ce type d’œil « œil en forme
d’écu ». Il pourrait être la marque d’un même fabricant ou d’une particularité régio-
nale, mais nous y reviendrons. En effet, les exemples archéologiques présentés par
Reigniez sont tous dotés d’un œil plus ou moins circulaire1, et il en est de même pour
1 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p108.
0 5 cm
Fig 48 : Munich, BSB, Clm 23638, 1520-1525.
Fig 49 : Pic 89, 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
75
les pics miniers retrouvés dans la région1. Celui de Châtenois semble faire exception.
Cette particularité dans l’emmanchement offrait, sans doute, un meilleur maintien, un
œil trapézoïdal empêchant toute rotation du manche dans le fer, ce qu’un œil circu-
laire ne permet pas.
2.3.1.2 Houes à crocs
La houe à crocs se présente comme un pic dont le fer aurait été
doublé. Les fers des six houes à crocs de Châtenois (fig. 51 et 52) ont des dimensions
plus élevées puisqu’ils mesurent entre 35 et 40 centimètres de long, contre un peu plus
de 20 centimètres pour les pics. L’angle formé entre le fer et le manche est aussi beau-
coup plus aigu, il approche les 45°. Cette disposition est accentuée par la courbure du
fer dont les dents se relèvent en direction du manche. Les six houes à crocs mises au
jour à Châtenois sont toutes de même facture, deux sont fragmentées (n°48 et n°63),
quatre autres sont complètes. Les collets, de forme trapézoïdale et dotés d’un œil en
forme d’écu, sont prolongés par un épaulement d’où les deux crocs partent à la per-
pendiculaire (fig.51 et 52). Ces derniers, pratiquement parallèles et de section carrée,
mesurent environ 30 centimètres et se terminent en pointe. Cette forme très anguleuse
semble typique de la fin du Moyen Âge. En effet, alors que les objets de fouilles datés
d’avant le XIVe siècle ont généralement des dents plus arquées et un œil circulaire2, les
houes de Châtenois ont une forme qui se rapproche davantage des exemples ethno-
1 ANCEL (B.), «Les techniques d’extraction dans les mines au 16e siècle», in SCHNITZLER (B.) (dir.), Vivre au Moyen Age, 30 ans d’archéologie médiévale en Alsace, Strasbourg 1990, p.497.2 REIGNEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p108.
Fig 50 : Houe à croc du XIXe siècle, musée de la vigne et du vin de Kientzheim, Photo : KEMPF, collec-tion André HUGEL.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
76
48
170
0 5 cm
Fig 51 : Houes à crocs n°48 et 170, 1/3. n°170 : dessin Hélène DONNET.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
77
63
95
41
0 5 cm
Fig 52 : Houes à crocs n°63, 95 et 41, 1/3.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
78
graphiques des XVIIIe et XIXe siècles (fig.50).
2.3.1.3 les houes plates
Les cinq houes plates du corpus sont de formes et de tailles plus
variées que les houes à crocs. Elles se divisent en trois catégories fondamentalement
différentes. La forme la plus courante (fig.53, n°129 et 142) et la plus simple est celle
d’un trapèze allongé dont la partie la plus large constitue la partie travaillante tandis
que la plus étroite rejoint l’emmanchement dont l’œil est en forme d’écu. Les trois
houes de cette forme présentent chacune un tranchant différent ; celui de la houe n°129
est légèrement incurvé, celui du n°142 est relativement droit alors que celui du n°130
est bombé3. Cette différence vient peut-être de l’usure engendrée par l’utilisation ou
de l’état de conservation relativement médiocre de ces fers. Leurs dimensions sont
semblables à celles des houes à crocs, soit entre 30 et 40 cm de longueur. Les fers sont
courbés afin que la lame forme un angle d’environ 45° avec le manche. Les lames sont
épaisses d’un centimètre en moyenne et sont dotées d’un léger renfort en surépaisseur
au centre. La houe n°15 (fig.53) est très différente, son fer triangulaire et foliacé pré-
sente de larges épaules anguleuses et une extrémité pointue. Large de près de 18 cm et
légèrement dissymétrique, elle est dotée d’une arête saillante au centre qui fait la tran-
sition entre le collet, épais de 4 cm au niveau de l’œil, et les bords acérés. Sa courbure et
son axe d’emmanchent forment un angle de près de 80° entre la pointe et le manche, ce
qui est beaucoup plus ouvert que pour les houe trapézoïdales. La houe n°54 présente
une forme relativement proche, mais dans des dimensions doublées. Cet outil très
massif est incomplet et dans un mauvais état de conservation, ce qui n’a pas permis la
manipulation nécessaire au dessin. Le fer a la forme d’un pentagone irrégulier, avec
un épaulement important après le collet. L’arrête centrale est très épaisse et beaucoup
plus marquée que sur la houe précédente, ce qui, en plus d’augmenter la solidité de
l’outil contribue à sa massivité. La courbure du fer est également plus importante,
mais il n’est pas possible de dire si elle est entièrement d’origine ou si elle est en partie
due à l’état de conservation. L’angle entre le fer et l’emmanchement approche les 45°.
Cet angle relativement aigu combiné à la largeur du fer devait faciliter le déplacement
de la terre après la percussion et devait trouver son efficacité sur des terres meubles ou
3 En raison de son mauvais état de conservation, la houe n°130 n’a pas été dessiné.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
79
129
142
0 5 cm
15
Fig 53 : Houes plates n°129,142, et 15, 1/3.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
80
préalablement défoncées à l’aide d’un outil plus conventionnel.
Quelle que soit sa forme, plate ou à dents, la houe est toujours utilisé en per-
cussion lancée contre le sol, le paysan la manie à deux mains et la lève avant chaque
frappe. La puissance de cette frappe est modulable et dépend en grande partie de la
hauteur à laquelle l’outil est levé, car c’est elle qui lui donne l’inertie nécessaire pour
pénétrer plus ou moins le sol. Pour les travaux de défonçage des sols durs, le paysan
utilise une houe à croc ou une houe plate à lame étroite qu’il lève presque au-dessus
de sa tête à la manière d’une pioche1. Les houes plus larges sont utilisées avec plus
de souplesse, après avoir abattu le fer le paysan le ramène vers lui, l’objectif étant de
déplacer ou de retourner une terre meuble ou déjà défoncée.
2.3.2 Travail sur les végétaux : élimination et récolte
Nous traiterons ici les outils qui agissent directement au contact des vé-
gétux, pour en sectionner une partie ou pour le déplacer. Nous traiterons ensemble
deux notions différentes sur le plan de la technique, celle de l’élimination et celle de la
récolte. Car, si ces notions impliquent toutes les deux de séparer une partie d’un élé-
ment végétal, le but recherché n’est pas le même. Pourtant, les travaux d’élimination
peuvent faire l’objet d’une récolte sous-jacente, Comme la confection de fagots au mo-
ment de la taille de la vigne et des fruitiers. De surcroît, ces deux travaux sont parfois
réalisés à l’aide d’un seul et même outil, ce qui justifie notre choix d’étude conjointe.
Les haches et les scies seront traitées plus loin. Même si elles peuvent servir à éliminer
un végétal, elles n’entrent pas dans sa mise en valeur, ou du moins plus rarement, et
nous ne les considérons pas comme des outils agricoles.
2.3.2.1 Les grandes serpes
Les grandes serpes sont également appelées serpes à bois. Elles se
caractérisent par une lame plus longue que large et dont la courbure n’intervient qu’à
son extrémité pour former un bec crochu. La fouille du bâtiment 30 a livré deux objets
de ce type. La serpe n°169 (fig. 54) a une longueur totale de de 32 cm, la lame mesure
quant à elle 18 cm et est prolongée par une soie longue de 14 cm. Le dos de la lame
1 BNF fr 22971 fol.53, Allemagne Saxe 1480-85
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
81
169
0 5cm
97
Fig 54 : Serpes à bois n°169 et 97, 1/2.
est agrémenté d’un rebord qui devait empêcher la lame de s’enfoncer complètement
dans un bois et de s’y coincer ou de frapper le dos de la lame avec un outil percuteur.
Le maintien du manche était assuré par une virole dont un fragment a été soudé à la
soie par la corrosion. La transition entre la lame et la soie est assurée par un épaule-
ment après lequel la lame s’élargit progressivement afin d’équilibrer l’outil de façon à
faire porter sa masse sur le tranchant. La serpe n°97 (fig.54) est de même forme, mais
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
82
supérieure en taille et dans un moins bon état de conservation. Sa lame mesure 25 cm
et sa soie n’est pas conservée. De nombreux éléments minéraux s’y sont agrégés sous
l’effet de la corrosion et son dessin n’a pas été possible. La taille et le poids de ces outils
suggèrent une utilisation en percussion lancée, plus adaptée à la taille et la greffe des
arbres qu’à celle de la vigne1 (fig.55). Elle n’est pour autant pas absente des représen-
tations du travail viticole2. Utilisée en bucheronnage elle permet d’émonder les arbres
à abattre ou abattus et de nettoyer le terrain alentours3. Son bec permet de rassembler
les rames au sol, de piquer les bûches pour les déplacer ou de la planter pour la sus-
pendre4.
2.3.2.2 serpes à vigne
Les serpes de taille et de poids plus réduits sont des serpes à vigne
et ne permettent pas la même utilisation que les serpes à bois. Plus petites et plus équi-
librées, elles sont plus aptes à tailler un cep noueux, mais doivent une grande part de
1 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p159.2 Par exemple : Bnf, Lat 1173, f. 2.3 BOUCARD (D.) Les outils taillants, Jean-Cyrille Godefroy, Evreux, 2004, p.60.4 Bnf, Smith Lesouëf 38, f. 2v.
Fig 55 : Taille des arbres fruitiers et de la vigne, gravure de Jean Grüninger, 1501-1506.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
83
0 5 cm
31 49
Fig 56 : Serpes à vigne, 1/1.
leur efficacité à la qualité du tranchant et de son aiguisage. La partie tranchante peut
être droite avec un bec comme les serpes à bois ou courbe avec une part importante
du tranchant perpendiculaire au manche.La fouille a révélé un ensemble de six serpes
clairement identifiées, trois objets inventoriés comme serpes ont été exclus en raison
du doute d’identification lié à leur mauvais état de conservation. Seules les six pre-
mières seront étudiées ici. À l’instar des serpes Alsaciennes des XIXe et XXe siècles, les
serpes de Châtenois sont dotées d’un tranchant simple et courbe qui tend à ancrer cette
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
84
spécificité dans le temps. La serpe n°31 (fig.56) est l’exemple même de la pérennité
des formes ; la courbure de sa lame, formant un angle de près de 90° entre la soie et la
pointe, sa taille, 13 cm, et sa forme, sont très proche des serpes du XIXe siècle conser-
vées au musée de Kientzheim (fig.57). La petite taille et le faible poids de ces serpes
paraissent plus adaptés à la récolte du fruit qu’à la taille du pied, et, si la largeur de la
lame ne lui permet pas de se faufiler facilement, sa courbure permet de sectionner le
pédoncule du raisin à revers. Une serpe semblable mise au jour à Sainte-Marie-aux-
Mines et datée de la seconde moitié du XVIe siècle suggère l’emploi de cet outil dans
des contextes non viticoles1. À Châtenois, cette serpe est la seule de cette forme, car
même si la n°49 pourrait faire partie de la même catégorie, elle est incomplète et la
taille de sa soie légèrement supérieure la rapproche davantage du second groupe de
forme.
Ce groupe est composé de quatre serpes de taille et de forme très semblable,
cinq si l’on inclus la serpe n°492. L’essentiel de leur lame est courbe et perpendiculaire
au manche (fig.58). À cause de cette orientation la largeur et la longueur du fer sont
inversées par rapport à l’axe du manche, c’est-à-dire que si l’outil est tenu verticale-
1 ANCEL (B.), Les techniques d’extraction dans les mines au 16e siècle, in SCHNITZLER (B.) (dir.), Vivre au Moyen Age, 30 ans d’archéologie médiévale en Alsace, Strasbourg 1990, p.506.2 Nous verrons plus tard que le nombre d’outil peut avoir une importance cf.infra p.?
Fig 57: Serpes de vignerons des XIXe et XXe siècle, musée de Kientzheim, photo : KEMPF, collection André HUGEL.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
85
0 5 cm
44 69
68
72
Fig 58 : Serpes à vigne, les n°68 et 72 n’ont pas été dessinées en coupe car l’épaisse gangue de corrosion qui les entoure pose des problèmes de lisibilité. 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
86
ment la longueur du fer sera horizontale et sa largeur verticale. Dans ces conditions,
la longueur horizontale de ces fers qui exclut la mesure de la soie varie entre 11 et 12
cm. En raison de la courbure de la lame, la largeur du fer n’est pas fixe, elle varie entre
7 cm près du manche, 4 cm au milieu et 4.5 ou 5 cm près de la pointe. La soie n’est
conservée entièrement que sur la serpe n°44, elle mesure près de 14 cm et son extré-
mité est recourbée afin de maintenir le manche disparu. Celui-ci était probablement en
bois et son maintien au niveau de la lame était assuré par une virole soudée à la soie
par la corrosion (fig.58). La serpe n°69 se différencie des autres fers par un léger rebord
au dos de la lame apparu au moment de son nettoyage et de sa restauration. L’état de
conservation des autres serpes n’a pas permis l’observation d’un élément similaire.
Des serpes à taillant perpendiculaire sont connues par l’ethnographie et l’archéologie
sous le nom de « poudo » dans les régions méridionales, elles sont toutes dotées d’un
talon, second tranchant plus ou moins proéminent situé au dos de la lame et formant
une hachette, dont la taille dépasse parfois celle de la lame principale. Ces serpes,
polyvalentes, combinent les capacités de coupe des grandes serpes à bois et des serpes
à vigne. La partie tranchante peut être droite avec un bec comme les serpes à bois ou
courbe avec une part importante du tranchant perpendiculaire au manche. Ce type de
serpe dont la forme est héritée des serpes gallo-romaines n’apparaît que très rarement
dans les exemples ethnographiques alsaciens des XIXe et XXe siècles, et l’on suppose
que les serpes vigneronnes à un seul taillant sont une particularité régionale élargie à
tout le nord-est de la France1. L’évolution des formes a forcément eu lieu au cours du
Moyen Age, sans doute pour s’adapter aux techniques de tailles et aux cépages qui
apparaissent au cours de la période. L’absence de talon sur les serpes de Châtenois
renforce la maniabilité de l’outil tout en diminuant son encombrement et pose la ques-
tion de la spécificité chronologique ou géographique du modèle. Contrairement à celle
de la serpe n°31 (fig.56) cette forme, sans talon, ne semble pas avoir perduré jusqu’à
l‘apparition du sécateur, elle est absente des catalogues de taillandiers du début du
XXe siècle2 et n’apparaît pas dans les collections ethnographiques régionales. En re-
vanche certains linteaux de portes dans les villes viticoles de Turckheim et Ribeauvillé
sont ornés d’une serpe dont la forme est à mis chemin entre celles de Châtenois et les
serpes du XIXe siècle (fig.59).
1 BOUCARD (D.) Les outils taillants, Jean-Cyrille Godefroy, Evreux, 2004, p.88.2 Notamment le catalogue LEBORGNE de 1911.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
87
Fig 59 : Linteau de porte orné d’une serpe et d’outils à greffer, XVIe siècle, Turc-kheim.
La coupe des sarments de vigne par percussion ne pouvait s’effectuer que dans
les zones stables du végétal, soit près d’une fourche ou près du tronc du cep1. En de-
hors de ces zones, le paysan devait caler ou tenir fermement le bois à couper pour
l’empêcher de vibrer et d’amortir l’impact de l’outil. Pour la taille, c’est la partie la
plus concave du tranchant qui était employée. La serpe peut se placer au-dessus ou en
dessous du sarment (fig.55) et le paysan la tire ou la pousse pour couper le sarment. La
taille par traction est rendue possible par le croc ou la courbure du tranchant. Le bois
vivant doit être taillé de biais pour éviter tout éclatement de sa fibre qui favoriserait
la stagnation de l’humidité et la moisissure2. Pour les mêmes raisons, la coupe doit se
faire le plus loin possible du dernier œil conservé. Il n’est pas possible de décrire avec
exactitude les gestes de taille pour la bonne et simple raison qu’il y a autant de tech-
niques qu’il y a de tailleurs et de ceps.
1 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p173.2 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p174.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
88
2.3.2.3 Les faucilles
La faucille est au blé ce que la serpe est à la vigne. Outil de récolte
par excellence, elle doit être légère et équilibrée afin de limiter la fatigue du paysan
qui l’utilise des journées entières au moment des moissons. Cet outil de taille variable
est doté d’une lame plus ou moins courbe forgée dans le prolongement d’une soie
sur laquelle est fixé un court manche en bois. Le paysan utilise la courbure de l’outil
pour rassembler les épis en tâchant de ne pas trop les secouer pour éviter de perdre
des grains1. La faucille est utilisée en percussion posée, que la lame soit lisse ou den-
telée. Les faucilles de Châtenois (fig.60) ont des lames longues et très ouvertes qui
présentent un long tranchant quasi rectiligne sur une longueur comprise entre 15 et
20 cm. Sur les quatre faucilles mises au jour, seule la n°120 a conservé l’intégralité de
sa lame, les trois autres étant brisées avant la courbure du tranchant. Pour autant, les
quatre faucilles présentent une morphologie comparable aussi bien au niveau de la
soie, de l’épaulement que du tranchant. Il est probable que les trois faucilles incom-
plètes aient eu le même profil de lame que la quatrième. Le fait que toutes soient bri-
sées au même endroit n’est pas anodin et résulte sans doute d’une fragilité imputable
à la courbure de la lame. En effet si la première partie de celle-ci est relativement
rectiligne, elle prend une forte courbure dans son troisième tiers jusqu’à former un
angle d’environ 90° avec le manche. La largeur des lames des n°100, 144 et 120 est
relativement constante et tourne autour des 2 cm. Celle de la n°145 est plus étroite (1,5
cm) et se rétrécit légèrement dans son extrémité. Des dentelures s’observent sur toute
la longueur de la partie conservée de la lame de la faucille n°100. Elles sont formées
de petites stries vraisemblablement effectuées au burin et orientées vers la base de la
lame2. Cette disposition permettait un « sciage » de la gerbe en tirant l’outil vers soi,
évitant ainsi de donner à la javelle un coup sec qui risquerait de l’égrener3. L’absence
de dentelure sur les autres faucilles n’est peut-être due qu’à leur état de corrosion
avancé ne permettant plus de lire de telles traces avec certitude. L’emmanchement de
ces faucilles est précédé d’un important décrochement partant presque à angle droit
par rapport à la soie du manche et formant un épaulement de 4 cm environ décalant
1 BOUCARD (D.) Les outils taillants, Jean-Cyrille Godefroy, Evreux, 2004, p17.2 En raison de la très faible taille de ces dentelures, elles n’ont pas été dessinées.3 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p. 437.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
89
0 5 cm
144
145
100
120
Fig 60 : Faucilles n°100, 145, 144 et 120, 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
90
l’axe du manche par rapport à celui de la lame. Ceci crée une zone concave dans la
partie basse de la lame, là où l’utilisateur peut regrouper un certain volume de tige et
concentrer le plus de puissance au moment de la moisson1. Les soies sont rectangu-
laires, ce qui a l’avantage d’empêcher le bois du manche de tourner et de prendre du
jeu à l’usure. Seule celle du n°145 a conservé sa longueur initiale. Longue de 9 cm et
large d’1,5 cm près du fer, elle s’amincit vers son extrémité et se termine par un retour
qui permettait de maintenir le bois du manche (fig.61). Si l’on se réfère à la faucille
complète, les faucilles de Châtenois devaient avoir une hauteur comprise entre 30 et
35 cm. Leur forme particulière est due à l’épaulement entre la soie et la lame et à la
forme de cette dernière, d’abord quasi rectiligne, puis accusant une courbe importante
dans son dernier tiers jusqu’à laisser la pointe dépasser largement l’axe du manche.
Nous n’avons trouvé aucun autre exemple d’une telle forme, ni dans l’iconographie
ni dans les autres exemples archéologiques. Souvent, les faucilles qui présentent un
épaulement de cette importance se caractérisent par une lame courbe ne présentant
aucun tranchant rectiligne2. À l’inverse, les faucilles présentant ce type de lames sont
généralement dans l’axe du manche ou forment avec lui un angle n’excédant pas 45°3.
Pascal Reignez propose une classification des faucilles en deux groupes basée sur la
forme et la gestuelle de récolte4. Le type A rassemble les faucilles de petite taille dont la
lame est très courbée, le type B les faucilles plus grandes et plus ouvertes et dont une
partie de la lame est suffisamment rectiligne pour permettre un mouvement de coupe
longitudinale. Selon cette classification les faucilles de Châtenois se rapprochent plus
du type B. La forme la plus proche a été retrouvée en fouille sur le site de Dracy (21)5
dans des niveaux datés du XIVe siècle. Les deux exemplaires qu’a livré cette fouille
ont des dimensions semblables, mais leur épaulement est nettement moins marqué
et leurs lames sont plus ouvertes. L’originalité de forme des faucilles de Châtenois
dépend sans doute plus d’un état de la recherche que d’une véritable spécificité d’au-
tant qu’elle a l’avantage de répondre à la fonction de rassembler autant qu’à celle de
couper.
1 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p.244.2 Ibid. ou encore D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’ar-chéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p. 436-438.3 Manuscrit de Sainte-Geneviève, ms2699, f.008.4 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p237.5 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p50.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
91
2.3.2.4 La fourche
Avec ses deux dents, la fourche n°57 (fig.62) est semblable à celles
représentées sur de nombreux manuscrits (fig.63), même si les têtes en fer étaient pro-
bablement plus rares que les outils entièrement en bois. Longue de 43 cm de bout en
bout, ses dents sont courbes et n’ont pas la même taille. Leur écartement est compris
entre 8 et 10 cm. La dissymétrie de l’outil résulte sans doute de la cassure de l’une des
deux dents qui a été retravaillée en pointe par la suite. La douille, ouverte et tronco-
nique, est longue de 14 cm et large de 5 cm à l’ouverture. Les dents sont de section
rectangulaire près de la douille et carré quand on s’approche de la pointe. L’ensemble
parait avoir été forgé à partir d’un seul morceau de métal dont une extrémité a été apla-
tie et roulée sur elle-même pour former la douille alors que l’autre a été divisée pour
former les dents. La fourche mise au jour sur le site de la Grande Paroisse et datée du
Xe siècle suivait déjà le même processus de fabrication, de même que celle découverte
à Hargicourt1, ce qui tend à démontrer l’ancienneté de cette forme. Pascal Reigniez
suppose que la résistance des fourches à tête métallique les rend plus aptes à mani-
puler des matériaux fermes ou corrosifs que les fourches entièrement en bois. Elles
seraient donc privilégiées pour travailler le fumier lié aux activités d’élevage2. Pour
autant, elles ne sont pas utilisées exclusivement pour ces travaux puisque nous savons
par l’iconographie qu’elles servaient également aux travaux des champs (fig.63) pour
récolter la paille et le foin. Son utilisation comme arme d’hast est possible, toutefois la
courbure des dents paraît plus adaptée à ramasser les végétaux qu’à désarçonner les
cavaliers.
1 Ibid. p.293-294. 2 Ibid. p. 294.
Fig 61 : Faucille 145, détail de la soie, photo Florent MINOT.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
92
0 5 cm
Fig 62 : Fourche 57, Dessin Tristan MARTINE, échelle 1/3.
Fig 63 : Pierre de Crescens, livre des profits champêtres et ruraux, 1470-75, BNF Arsenal 5064 f 198v.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
93
2.3.2.5 Le cure soc ou échardonnoir
L’objet n°158 (fig.64) est probablement un échardonnoir. Cet outil
est composé d’une douille longue de 7 cm et prolongée d’une lame de 8 cm de long
dotée d’un taillant transversal large de 4 cm. Utilisé pour divers travaux allant de
l’échardonnage au curage des socs, c’est un outil très simple dont la polyvalence ne
permet pas de rendre compte avec exactitude de ses fonctionnalités. Il n’est pas impos-
sible que cet objet soit en réalité un écorçoir ou une herminette à douille, c’est en tout
cas ainsi qu’ont été identifiés certains objets similaires1.
1 CALVET (J.-P.)Le souterrain de Plancaille de Dreuilhe, Cahiers de la Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol n°9, 2003.
0 5 cm
158
Fig 64 : Cure-soc n°158, 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
95
2.4 Les outils de l’artisanat
Par artisanat, nous entendons ici les savoir-faire manuels qui n’ont pas de rap-
port direct avec les travaux agricoles ou l’élevage. Bien entendu, cela n’exclut pas que
certains des outils présentés ici aient pu avoir un rôle dans ces deux domaines, cepen-
dant nous estimons que ce n’était pas là leur utilisation première. Pour exemple, cer-
tains marteaux ont pu être employés par des maréchaux ferrants, mais c’est sur le fer
ou sur le clou qu’ils ont été utilisés, et non directement sur la bête. Dans le même ordre
d’idée, des haches ont pu être utilisées pour la confection des échalas nécessaires à la
culture de la vigne, cependant c’est bien le bois comme matière qu’elles travaillaient, et
non la plante comme élément vivant. L’approche des outils de l’artisanat sera décou-
pée en trois parties en fonction du domaine concerné. Nous verrons tout d’abord les
outils du bois, hache, scie, herminette et tarière puis nous nous pencherons sur les
outils liés au travail du métal, pinces et marteaux, avant d’approcher les outils de la
construction, burin, truelle et fil à plomb.
2.4.1 Le travail du bois
2.4.1.1 Les haches
La classification typologique des haches en fonction de leur forme
et de leur prétendue fonction n’est pas simple dans la mesure où il n’existe pas de réfé-
rentiel précis pour le Moyen Âge et que les seules typologies existantes concernent des
outils plus récents1. En outre, la variété des formes ne correspond pas toujours à une
différence du point de vue pratique, c’est-à-dire que deux haches proches en forme
peuvent être employées à des travaux très différents et à l’inverse deux haches diffé-
rentes peuvent être employées à des travaux similaires. Cet état de fait est accentué par
la polyvalence de cet outil, principalement quand sa forme est la plus simple. En réa-
lité, les formes usuelles semblent avoir peu évolué au cours des siècles et seule l’évo-
lution vers une plus grande spécialisation de l’outil semble être à l’origine du grand
nombre de formes existantes dans les collections ethnographiques2. Les haches dans
1 BOUCARD (D.), Les haches, Jean-Cyrille Godefroy, Clamecy, 2002.2 Ibid. p.26.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
96
0 5 cm
155 109
27
171
118
Fig 65 : Haches n°155, 109, 27 118 et 171, 1/4.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
97
leur forme la plus simple et la plus courante sont les haches dites « rurales »1, elles sont
principalement utilisées dans la confection du bois de chauffage, mais peuvent très
bien servir pour d’autres menus travaux tels que la taille de piquets ou l’entretien des
haies. Les haches n°155, 109, 27 et 118 (fig. 65) sont de ce type, bien que leur taille soit
relativement variable, leur fonction devait être sensiblement la même. Notons toute-
fois la différence du profil des joues, parfois incurvé, sur la hache n°155, parfois bombé
sur la n°109, ou intermédiaire sur la n°27. Des haches à douille plus spécialisées tel que
les n°171 et 143 ont également été mises au jour, malheureusement cette dernière n’a
pas pu être étudiée en raison de son mauvais état de conservation2. La particularité de
la hache n°171 résulte non seulement de sa grande taille, 36 cm de long, mais aussi de
l’épaisseur de son fer qui ne dépasse pas les 1,5 cm. Ce fer est très imposant, mais aussi
très fin et ne pouvait par conséquent pas être utilisé en force. Deux interprétations sont
possibles pour cet outil. Il peut s’agir d’une hache à blanchir, c’est à dire d’une hache
utilisée pour écorcer les troncs, la finesse de la lame et la présence d’un double biseau
permettaient de travailler à droite ou à gauche du tronc posé à terre. Les haches à blan-
chir représentées dans l’iconographie ont une morphologie proche qui argumente en
faveur de cette hypothèse (fig. 66). Cette hache peut aussi avoir servi de tranche-marc,
1 Ibid, p.166.2 Se référer au catalogue photographique
Fig 66 : Die Mendelschen und Lan-dauerschen Hausbücher Amb. 279.2° Folio 12 verso, Nuremberg,1521.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
98
outil utilisé pour découper le marc à l’intérieur du pressoir afin de l’en extraire1 et dont
Daniel Bouccard mentionne la ressemblance avec les haches à blanchir. La grande
taille du fer et son étroitesse semblent particulièrement adaptées à ce type d’utilisation
d’autant que les exigences de robustesse ne sont pas les même quand il s’agit de tailler
dans le chêne et dans le chai. La découverte du pressoir dans le bâtiment 80 justifierait
la présence d’un tel outil à proximité.
2.4.1.2 Les scies
Deux scies ont été mises au jour dans le bâtiment 30, l’une d’elles,
une scie de long, a été découverte au sein d’un amas soudé par la corrosion incluant
du mobilier ferreux et des bassines en métal cuivreux rendant impossible son étude
avant restauration2. La scie n°30 (fig. 67) est une scie à main individuelle rectangulaire
de type égoïne dont la lame, longue de 24 cm, est munie de grosses dents triangulaires.
L’emmanchement est constitué d’une soie et d’une grosse virole qui devaient mainte-
nir un manche en bois disparu. Cet objet est plié en trois endroits de la lame, la pliure
centrale ayant mené à la cassure, la scie est en deux morceaux. Ce type d’outil peut
servir pour la taille des végétaux comme pour des petits travaux de menuiserie ou de
tonnellerie.
2.4.1.3 L’herminette
L’outil n°133 (fig. 68) a été identifié comme une herminette.
Contrairement à la hache, le taillant est horizontal, c’est à dire perpendiculaire au
manche. Celle-ci se compose d’une douille d’une dizaine de centimètres de long
pour un diamètre intérieur maximal de 4 cm. Le tranchant est courbe et mesure 8 cm.
L’angle entre la lame et le manche est relativement fermé. L’artisan tirait l’outil vers lui
pour araser la surface du bois et la rendre plate par petits coups successifs3. Sa forme
basique lui offre une grande polyvalence, elle a pu servir à des travaux de charpenterie
(fig.69), de tonnellerie ou de menuiserie.
1 BOUCARD (D.), Les haches, Jean-Cyrille Godefroy, Clamecy, 2002, p.206-211.2 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010, p.57.3 BOUCARD (D.), Les haches, Jean-Cyrille Godefroy, Clamecy, 2002, p215-216.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
99
Fig 67 : Scie n°30, 1/2.
Fig 68 : Herminette n°133, 1/2.
0 5 cm30
133
0 5 cm
Fig 69 : Hausbucher Amb. 317.2° Folio 77 verso.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
100
2.4.1.4 Les tarières
Ces outils à percer (fig.70) font partie des indispensables du char-
pentier. Composés d’une mèche en fer de section carrée et longue d’une trentaine de
centimètres, l’outil se termine par un départ de vis pointu permettant de retirer des
parcelles de matière à l’endroit foré. Le diamètre du trou percé dépend de la largeur
0 5 cm
147 148
Fig 70 : Tarières n°147 et148, 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
101
de la vis, pour les tarières n°147 et 148 celle-ci mesure 2,5 cm de large. L’emmanche-
ment disparu, vraisemblablement en bois, devait former un axe perpendiculaire au fer
donnant à l’outil un profil en T1 (fig.71). Le méplat situé en bout de fer, à l’opposé de la
vis, s’enfonçait dans un orifice creusé à sa taille dans le manche. Sur le n°148, un trou
percé dans ce méplat devait permettre l’insertion d’une goupille accentuant la solida-
risation du fer et du manche. Ce type d’emmanchement ne permet pas de donner un
mouvement de rotation rapide à l’outil comme l’aurait fait un vilebrequin, cependant
il permet à l’ouvrier d’imprimer une plus grande pression sur la mèche et de la faire
tourner en force. En cela, il est plus adapté au perçage de bois épais et la dimension
des fers abonde en ce sens. C’est donc l’outil idéal pour percer les trous de chevilles, et
si ce travail est généralement réalisé quand la poutre est au sol, l’iconographie montre
qu’il peut être fait avec l’outil porté à la verticale (fig.71). Des tarières sont utilisées
en tonnellerie pour cheviller les renforts de fond, mais les exemples ethnographiques
sont généralement plus longs et plus fins2. D’autres, plus larges, sont utilisées pour
percer la bonde du tonneau. Bien qu’elle soit dans un moins bon état de conservation,
la tarière 563 est visiblement de même facture que les deux autres, quoique légèrement
plus longue.
1 BOUCARD (D.) Les outils taillants, Jean-Cyrille Godefroy, Evreux, 2004,p.163-164. 2 Ibid. 3 Objet non déssiné en raison de son mauvais état de conservation.
Fig 71 : Bedford Hours, BL Additional MS 18850, fol. 15b, Paris 1423.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
102
0 5 cm
88
138
85
1
Fig 72 : Marteaux n°138, 88, 85 et 1, 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
103
2.4.2 Le travail du métal
2.4.2.1marteaux
Les cinq marteaux mis au jour sont tous différents (fig. 72). Seul
le marteau 1 a conservé son emmanchement, constitué d’une tige de fer plein de sec-
tion circulaire. Les manches des autres, probablement en bois, différaient aussi par
leur forme quadrangulaire au niveau de l’oeil. La présence d’un manche en fer plein
sur le marteau n°1 n’est pas anodine et devait répondre à une contrainte d’utilisation
particulière, d’autant que cela réduit l’élasticité du manche et supprime les qualités
d’absorption des chocs d’un manche en bois rendant l’emploi de gants indispensable.
La puissance de choc est accrue par le supplément de masse et l’écrasement de la tête
témoigne d’une utilisation en force de cet outil. Cette particularité suggère un usage
plus spécialisé que régulier. La résistance du manche au feu fait peut être partie des
caractéristiques recherchées. Le travail le plus approprié au vu de ces particularités
pourrait être la maréchalerie, et la présence d’un pied-de-biche servant d’arrache-clou
y aurait son utilité, mais les avantages réels d’un manche en fer pour ce travail laissent
planer le doute. Des marteaux à manches en fer utilisés comme clavette d’attelage de
charrue ou de herse sont connus dans les exemples ethnographiques du XIXe siècle
mais ils sont dépourvus d’arrache-clou1. Un marteau relativement similaire avec un
manche massif en fer a été mis au jour dans le donjon du chateau de Wineck, dans
des niveaux d’incendie correspondant à l’abandon du site à la fin du XVe siècle2. Le
marteau n°85 dispose aussi d’un arrache-clous, mais il est beaucoup moins massif et sa
morphologie rappelle le marteau de bourrellerie-cordonnerie mis au jour à Rougiers
dans des niveaux du milieu du XIVe siècle3. Le marteau n°88 est un marteau à battre
les faux, c’est à dire utilisé pour redresser la lame des faux et réapréter leur tranchant.
Sa forme symétrique à deux pannes biseautées et identiques est courante dans l’ico-
nographie liée au rebattage à partir du XVe siècle (fig. 73) puis au XVIe siècle (fig. 74).
Aucune faux n’a été retrouvée dans le bâtiment 30, mais ces dernières étaient peut-être
1 Information récupérées au fil de discussions avec des passionés sur forum-outils-anciens.com2 MEYER (G.), BRUNEL (P.), Origine et vicissitudes du Wineck, Annuaire de la Société d’Histoire et d’Ar-chéologie de Colmar, 1973.3 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p.440.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
104
stockées ailleurs et il n’est pas exclu que ce type de marteau ait servi à rebattre les
lames d’autres outils, notamment les serpes et les faucilles1. Plus massif, le marteau
138 possède également deux pannes symétriques, mais les biseaux convergent pour
donner à la surface de frappe un profil proche de celui d’une lame et large de 5.5cm.
Il n’est pas destiné à la frappe du métal cependant nous n’avons pas souhaité le pré-
senter à part des autres marteaux. Sa forme rappelle celle des marteaux de tailleurs de
pierre cependant sur ces derniers l’un des taillants est généralement parallèle à l’oeil
et au manche et non perpendiculaire. Cet outil particulier porte le nom de polka et est
utilisé entre autres pour le rhabillage des meules2. Le taillant est utilisé pour dégrossir
les parements ou pratiquer les gros épannelages, dans ce cas le tailleur de pierre fait
face au parement de la pierre.
1 REIGNIEZ (P.) L’outil agricole en France au Moyen Âge, Errance, Paris, 2002, p.347.2 Une polka a été découverte dans des rebus de meules lors de la fouille d’un moulin hydraulique des XIe et XIIe siècle à Thervay dans le Jura. (Gilles Rollier, INRAP, 2008)
Fig 73 : Almanach des bergers, genève, 1497 mois de juillet, détail.
Fig 74 : Bruegel l’An-cien : la fenaison, 1565, détail.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
105
2.4.2.2 Pince et tenailles
Ce lot est composé de trois tenailles et d’une grande pince. Seules
les tenailles 34 et 79 ont pu être observées (fig. 75), la pince et la troisième tenaille étant
dans un trop mauvais état de conservation pour être étudiées. Les branches de 34 et
79 sont de section quadrangulaire aux angles arrondis, celles de 34 s’amincissent vers
l’extrémité et comportent un ergot terminal pour l’une et un bouton pour l’autre alors
que celles de 79 ne présentent rien de particulier. Leur noeud est maintenu par un gros
rivet cylindrique. Les mors de section rectangulaire sont anguleux et pourraient avoir
été aiguisés afin de servir de pince coupante ou d’arrache-clou en menuiserie-charpen-
terie ou en maréchalerie. L’utilisation de ces deux pinces pour maintenir des pièces
en cours de forge est à priori exclue, non seulement par la forme des mors, mais aussi
par la faible longueur des branches, insuffisante pour garder les mains éloignées de la
chaleur de la pièce et du foyer. La grande pince 42, bien que sa forme soit difficilement
distinguable, pourrait avoir rempli ce rôle.
0 5 cm
3479
Fig 75 : Tenailles 79 et 34, 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
106
2.4.3 La construction
2.4.3.1 Burin
Le burin 127 (fig. 76) est le seul objet de ce type à avoir été retrou-
vé dans le bâtiment 30 de Châtenois. Sa section est carrée et mesure 1.2cm de côté pour
11cm de long. L’une de ses extrémités se termine par une pointe pyramidale, l’autre
conserve sa section carrée, mais est légèrement évasée et écrasée par les coups répétés
qui témoignent de son utilisation. Ce type de burin, de forme très basique, a pu être
utilisé pour la taille de la pierre, mais n’est pas adapté à des travaux de précision et
devait se contenter de retouches grossières. C’est plus un outil de maçon que de tail-
leur de pierre à proprement parler.
2.4.3.2 Truelle
Comme la serpe pour le vigneron, la truelle est l’outil indispen-
sable du maçon, c’est avec elle qu’il peut réaliser la construction des murs. Au Moyen
Âge sa forme n’a guère évolué depuis l’antiquité, et celle que l’on connait par l’ico-
nographie romaine est représentée dans une forme presque actuelle1. Son rôle est de
prendre le mortier dans l’auge et de le mettre en place afin qu’il saisisse la pierre,
comble les inégalités et lie les parties horizontales et verticales qui la séparent des
autres avant de se durcir en tenant tout en place. Comme pour de nombreux outils
nécessitant un mouvement répété sur de longues périodes, la truelle doit avoir des
dimensions réfléchies, elle doit pouvoir transporter une quantité de mortier suffisante
sans pour autant fatiguer celui qui s’en sert. Sa taille et sa forme s’adaptent aussi au
type d’ouvrage auquel elle est destinée et c’est pourquoi il en existe une multitude
de formes. Les truelles triangulaires semblent cependant être les plus courantes dans
l’iconographie2. Celle de Châtenois, (fig.77) de petite taille et avec une lame en langue
de chat, est plus adaptée aux finition qu’au gros oeuvre. En effet, l’étroitesse de sa
1 FELLER (P.), TOURRET (F.), L’outil, dialogue de l’homme avec la matière Epa /Hachette-Livre, Luçon, 2004, p.177.2 Par exemple à la BNF : Français 21, fol. 87, Construction de la tour de Babel début XVe Paris, ou encore, Français 27, fol. 122, Construction de la tour de Babel 3e quart XVe Rouen, mais aussi, Français 296, fol. 146, Reconstruction des murs de Jérusalem 1480 paris, et Français 279, fol. 243v, Construction de ponts à Cologne 1470 Bruges.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
107
0 5 cm
127
0 5 cm
58
Fig 76 : Burin 127, 1/1.
Fig 77 : Truelle 58, 1/1.
lame, ( 2.5 cm) ne permet pas au maçon de transporter une grande quantité de mortier,
mais plutôt de procéder à des retouches et de lisser les joints.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
108
2.4.3.3 Fil à plomb
Long de 5 cm, le fil à plomb est constitué d’un corps mi-cylindrique mi-
prisme octogonal en cuivre de 1.5 cm de diamètre (fig. 78). Cette partie de l’objet est
creuse et sa surface est ciselée dans sa partie cylindrique par neuf lignes groupées
quatre au centre et cinq à l’extrémité haute. Le corps creux formé par cette pièce de
cuivre est rempli par un métal ferreux qui dépasse du côté octogonal pour former
une pointe et du côté circulaire pour former une tige d’attache percée d’un trou a son
extrémitée. Relié à un fil, cet instrument permet de faire des mesures de verticalité en
utilisant la force gravitationnelle. Son emploi par les maçons est représenté sur de très
nombreuses enluminures (fig. 79), mais cet outil est également utilisé par les char-
pentiers1. Bien qu’il s’agisse plus d’un instrument que d’un outil, nous souhaitions le
présenter rapidement, car il s’utilise en complément des outils précédents. La forme et
le soin apporté à sa fabrication laisse planer un doute quant à son identification.
1 BOUCARD (D.), Les haches, Jean-Cyrille Godefroy, Clamecy, 2002, p.73.
0 5 cm
Fig 78 : Fil à plomb, 1/1.
Fig 79 : Fil à plomb, Français 59, fol. 238, Reconstruction de Troie 1470 Bruges.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
109
2.5 Élevage maréchalerie et équitation
L’élevage et le gardiennage des bêtes au Moyen Âge sont bien connus grâce
à l’iconographie qui met aussi bien en avant le petit élevage familial que les grands
cheptels seigneuriaux. Élément primordial de l’équilibre économique, l’élevage consti-
tue non seulement la base de l’alimentation carnée médiévale tous milieux sociaux
confondus, mais aussi la principale source de cuir de laine et d’os, sans parler de l’uti-
lisation de l’animal comme force de travail. En plus de cela, chevaux et bœufs sont les
seuls moyens de faire circuler hommes et marchandises par voie terrestre. Si bovins,
et suidés sont élevés pour leur viande, les équidés sont avant tout considérés pour
leur force motrice et les ovins pour leur laine. Ces particularités font qu’un mobilier
spécifique est associé à leur élevage et à l’utilisation que l’homme médiéval en fait. Le
cheval, qu’il soit de bat ou de prestige, nécessite tout un arsenal de soins et d’attentions
qui sont souvent confiés à un spécialiste : le maréchal-ferrant. L’entretien et la protec-
tion des sabots sont au cœur de sa pratique, mais le maréchal a aussi, parmi ses nom-
breuses attributions, celle de soigner les chevaux malades1. Si leur viande est fréquem-
ment consommée, les ovins ne sont pas élevés pour elle et c’est leur laine qui constitue
l’intérêt principal de leur élevage. Les fouilles du bâtiment 30 ont révélé du mobilier
lié à ces deux espèces, outils de maréchal, éléments de ferrure et de harnachement,
éperons et forces. Pour le mobilier associé au cheval nous nous baserons largement sur
les travaux publiés par Clark à partir les collections mises au jour à Londres, mais aussi
sur ceux de Legros2, car elles sont les seules à fournir un bon calage chronologique3.
La découverte de trois clarines permet toutefois d’envisager l’existence d’un élevage
caprin et bovin.
1 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.326.2 LEGROS (V.), Archéologie de l’objet métallique aux époques médiévale et moderne en Picardie, Revue archéo-logique de Picardie, trimestriel n°1-2, 2015, p.97-111.3 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
110
2.5.1 Les soins au cheval
2.5.1.1 Etrille
Le pansage est le soin le plus courant et le plus recommandé pour
entretenir la santé du cheval. L’objectif est d’enlever les squames, la boue et les poils
qui tombent afin d’éviter l’installation des parasites. Ce travail s’effectue à l’aide d’un
peigne ou d’une étrille. L’étrille de Châtenois (fig. 80) est composée d’une lame semi-
cylindrique et d’un manche perpendiculaire originalement renforcé par deux tendilles
aujourd’hui en partie disparues. Le peigne mesure 18 cm de long pour un peu plus de
4 cm de large et 2 cm de haut. Il est renforcé sur toute sa longueur dans sa partie haute
par une surépaisseur de 1 cm de large, c’est sur elle que le manche est fixé au centre.
Les deux parties travaillantes sont légèrement dentelées afin d’assurer le travail auquel
elles sont destinées. Après usage, il est courant de frapper l’étrille contre le sol pour
la nettoyer. Le pansage n’est pas l’apanage du maréchal seul, il ne nécessite pas de
connaissances particulières et sa mise en œuvre quotidienne est à la portée du paysan
ou du palefrenier. L’étrille semi-cylindrique se répand aux XVe et XVIe siècles et rem-
place peu à peu le modèle quadrangulaire qui était le plus courant jusqu’alors1. Cette
évolution apparait dans l’iconographie française et germanique à la même époque2
(fig. 81). Utilisée sur les parties charnues, l’étrille à manche est passée dans le sens poil.
2.5.1.2 Boutoir
Contrairement au pansage, le travail sur le sabot est presque ex-
clusivement celui du maréchal, du moins dans l’iconographie. La généralisation de la
ferrure vient contrer l’usure du sabot et accroit considérablement l’efficacité de l’ani-
mal3 toutefois les images relatives au ferrage ne semblent concerner que des chevaux
sellés (fig. 82, 83), ce qui sous-entend qu’ils n’appartiennent pas aux classes paysannes.
Pourtant, des représentations de chevaux de labour ferrés existent (fig. 84), mais dans
la plupart des cas la vue de profil de l’animal ne permet pas d’observer sous ses sabots.
1 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p325.2 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995, p.121.3 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.326.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
111
0 5 cm
Fig 80 : Etrille 115, 1/1.
Fig 81 : Etrille 115, British library stowe ms955 f011, 1520, Lyon.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
112
Avant de mettre en place le fer, le maréchal ferrant ajuste le sabot à l’aide d’un bou-
toir. Cet outil permet de parer la corne, c’est-à-dire d’enlever le surplus qui n’a pas été
éliminé par l’usure du fait de la présence du fer. Le boutoir se présente sous la forme
d’un grand ciseau muni d’un long manche qui forme un coude double de façon à
décaler la poignée par rapport à la lame. Le maréchal peut travailler seul (fig. 83) en
tenant le sabot d’une main et le boutoir de l’autre, ou se faire aider du propriétaire de
la bête afin de garder les deux mains libres pour manier son outil (fig. 82). Le boutoir
de Châtenois (fig. 86) est de même forme que ceux représentés dans l’iconographie de
la fin du XVe siècle (fig. 83 et fig. 85). Long de 32 cm, sa lame est trapézoïdale et son
tranchant en partie brisé devait mesurer près de 6 cm. Sa poignée se termine par une
boule creuse de 4 cm de diamètre sur laquelle la paume de la main pouvait prendre
appui et imprimer la pression nécessaire au travail de la lame. Pour imprimer plus de
force l’artisan pouvait presser avec sa hanche sur ce pommeau sans risquer de se bles-
ser. L’outil se tient poignée vers le bas et lame vers le haut comme sur l’enluminure du
Rustican (fig. 83), ce qui permet au maréchal d’avoir un œil attentif sur son travail et
de ne pas le masquer avec ses mains et le manche de son outil. Cette position permet
également d’attaquer le sabot vers le haut et évite ainsi de pénétrer la corne trop pro-
fondément. Le désaxement du manche par rapport au sabot est contrebalancé par la
courbure de la lame qui permet d’attaquer la corne le plus horizontalement possible.
Le pommeau, creux, est plaqué de métal cuivré et percé de plusieurs trous à la manière
d’un grelot. Il est possible que l’ajout d’un tel instrument sonore sur cet outil entrait
en jeu dans le dressage et la communication entre le maréchal et l’animal. Un boutoir
muni d’un grelot et daté du XVe siècle est conservé au musée du château de Saumur1,
mais sa forme en H est très différente.
2.5.1.3 Les fers
Le fer est une barre de métal plus large qu’épaisse, contournée
sur elle-même, de manière à se mouler sur la circonférence du sabot dont elle protège
la face plantaire. Les deux extrémités de cette barre comprennent généralement un
crampon qui forme une surépaisseur crée en repoussant ou en repliant le métal afin
1 Numéro d’inventaire au Musée de Saumur : 912-49-2 ; 1426.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
113
Fig 82 : Boutoir, Amb. 317.2° Folio 86 recto (Mendel I)1467.
Fig 83 : Boutoir, BNF français 12330, f.214v poitou 1480.
Fig 84 : Chevaux de labour ferrés, Besançon Bm ms 0127, f4 1540.
Fig 85 : Boutoir, Archives Charmet, BNF, Paris fin XVe.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
114
Fig 86 : Boutoir 149, échelle 1/2
0 5 cm149
d’assurer une meilleure prise du sabot en terrain difficile1. Leur position proéminente
fait qu’ils sont la partie du fer la plus exposé à l’usure et qu’ils sont par conséquent
presque absents sur les fers usés. Comme il existe des fers sans crampon ou avec un
crampon peu proéminent il est difficile de les différencier des fers usés. La proportion
de fers à crampons semble diminuer au fil des siècles du Moyen Âge, elle passe de 91%
avant le XIIIe siècle à 56% aux XIV et XVe siècle2. Le fer est maintenu par des clous qui
s’insèrent dans des trous pré-percés. À Châtenois le seul fer complet retrouvé (159, fig.
87) en compte sept ce qui correspond à la moyenne observée sur les fers médiévaux
retrouvés à Londres3. Les trous de fixation qui ne sont pas bouchés par la corrosion dis-
posent d’étampures rectangulaires et mesurent 6 mm sur 4 mm. Ils sont inégalement
répartis, quatre sur une moitié et trois sur l’autre et sont concentrés dans les deux tiers
avant du fer. La largeur maximale de la bande atteint 35 mm, mais se réduit vers les
talons. Le fer mesure 125 mm de long pour 110 mm de large et n’a pas de crampon.
Ces caractéristiques correspondent à celles du type 4 de la typologie établie par John
Clark et dont la datation correspond aux XIVe et XVe siècles4. Ceci corrobore dans
1 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995, p.81.2 Ibid. p.82.3 Ibid. p.83.4 Ibid. p.92.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
115
Fig 87 : Fers à cheval, échelle 1/2
107
10
0 5 cm
159
4
19
les grandes lignes avec les conclusions tirées du corpus découvert à Rougiers1, ce qui
suppose une perméabilité géographique de la typochronologie des fers à cheval. Un
bourrelet saillant dans la partie avant du fer devait contribuer à l’adhérence du fer
en l’absence de crampon ce qui le rapproche des fers actuels qui en sont dotés2. Cet
élément nous permet de savoir quel était le côté en contact avec le sabot et quel était
le côté en contact avec le sol. Les fers 4, 10 et 107 (fig.87) sont incomplets, mais corres-
pondent aussi aux caractéristiques du type 4 à ceci près que leurs trous de fixation ne
1 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p.452-453.2 SCHWIEN (J.-J.), JEANNIN (Y.), «Loger, nourrir, équiper le cheval : un essai de synthèse pour la seconde partie du Moyen Âge dans l’est de la France et ailleurs», in LAZARIS (S.) (dir.), Le Cheval deans les sociétés Antiques et Médiévales, Actes des journées d’études internationales organisées par l’UMR 7044, Strasbourg, 6-7 novembre 2009, Bibliothèque de l’Antiquité tardive N°22, Brepols, Turnhout, 2012, p.118.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
116
sont pas tous visibles à cause de la corrosion. Ils se différencient du fer complet par la
présence d’un crampon au niveau du talon.
2.5.2 Harnachement et équitation
2.5.2.1 Mors
Le rôle joué par le développement des systèmes de harnachement
est primordial à l’histoire de la domestication du cheval par l’homme. Dans la mesure
où aucune pièce de cuir n’a été conservée ce chapitre sera consacré aux éléments métal-
liques retrouvés et plus particulièrement à deux mors particulièrement représentatifs
des deux formes qui coexistaient au Moyen Âge et qui coexistent encore aujourd’hui,
le mors de filet 99 et le mors abaisseur 52. Le mors de filet se compose d’un axe, droit,
incurvé ou brisé, appelé canon et de deux anneaux situés de part et d’autre. Le canon
est mis en place dans la bouche du cheval de façon à ce que les anneaux, situés aux
commissures, puissent êtres reliés au bridon, un ensemble composé de lanières de cuir
qui enserrent la tête de l’animal (fig. 88). C’est sur les anneaux que sont fixées les rênes
qui permettent au cavalier de diriger l’animal. Les mors abaisseurs ou mors de bride
ont la même base que les mors de filet, mais les anneaux sont agrémentés de deux
branches perpendiculaires à l’axe du canon qui permettent d’utiliser celui-ci comme
axe rotatif. Les rênes sont fixées à l’extrémité inférieure des branches et le bridon à
l’extrémité supérieure. Une gourmette fixée également à l’extrémité supérieure des
branches et passant sous le menton du cheval complète parfois le dispositif. Quand le
cavalier tire sur les rênes, le mors pivote sur l’axe du canon et imprime un mouvement
de traction sur le bridon forçant le cheval à baisser la tête. Plus les branches sont lon-
gues plus l’effet de levier est important et plus le mors est sévère1. Un deuxième jeu de
rênes (fig.88 : pointillé) peut être fixé directement aux anneaux afin de pouvoir diriger
le cheval de la même manière qu’avec un mors de filet. Les deux mors de Châtenois
ont été mis au jour au centre de la cave, au niveau du bloc de grès qui soutenait le
poteau central, ce qui laisse penser qu’ils étaient accrochés à ce dernier2. Le mors de
1 HALBOUT (P.), PILET (C.), VAUDOUR (C.), «Corpus des objets domestiques et des armes en fer de Normandie du Ier au XVe siècle» in Cahier des Annales de Normandie, n°20, 1986, p.238.2 Pour la localisation des objets voir la figure 20.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
117
Fig 88 : Les mors : de filet à gauche, de bride à droite,
0 5 cm
Fig 89 : Mors de filet, 1/1.
filet 99 (fig. 89) est doté d’un canon brisé constitué de deux cylindres en fer munis d’un
crochet à une extrémité et percé pour recevoir un anneau à l’autre extrémité. Les deux
crochets sont pris l’un dans l’autre et forment ainsi l’articulation du mors, les anneaux
permettant comme nous l’avons expliqué plus haut de fixer les rênes et le bridon. La
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
118
chronologie de ce type de mors est très large puisqu’elle s’étend des périodes antiques
à nos jours1.
Le mors de bride 52 (fig. 90) dispose également d’un canon brisé
constitué de deux crochets et d’une section conique en tôle de fer. Une perforation for-
mée par un repli du métal permet d’assembler le canon aux parties latérales au niveau
de leur anneau central. Celles-ci se prolongent de 3 cm vers l’arrière où une boucle
permettait de fixer le bridon et la gourmette aujourd’hui disparue. Vers l’avant, les
branches sont longues d’une dizaine de centimètres et se terminent par une perfora-
tion dans laquelle est insérée une sorte de courte tige ou de rivet sur lequel étaient fixés
les rênes. Un disque en fer (fig. 91) fixé au niveau de l’anneau central, là où le canon est
attaché à la pièce latérale, permettait de maintenir le mors au niveau des commissures.
Seul le disque gauche est conservé. Viollet-le-Duc appelle ces pièces bossettes2. L’intérêt
esthétique de ces bossettes n’est pas négligeable d’autant que des exemplaires ouvra-
gés sont connus, notamment outre-Manche3. Une boucle (n°50) trouvée a proximité
devait permettre d’attacher le bridon lié à ce mors. Les représentations de ce type
de mors sont nombreuses à partir du XVe siècle4, mais le principe est déjà connu des
Romains5. Le Chevalier, la Mort et le Diable, gravure d’Albercht Dürer datée de 1513 per-
met d’observer les détails de ce type de harnachement (fig. 92), L’adoration des Mages
de Gentile Fabriano montre ce type de mors muni de bossettes décoratives. Les restes
d’un mors similaire daté du milieu du XIVe siècle ont été mis au jour à Rougiers6 mais
seul le canon est conservé. Le mors présenté par Viollet-le-Duc comme étant le mors
du cheval de Louis XI est d’une forme très proche du mors 52 ce qui confirme l’exis-
tence de ce type de mors dans la seconde moitié du XVe siècle7. Le modèle perdure
jusqu’à aujourd’hui sous l’appellation mors à la connétable et sert même de motif pour
le foulard d’une marque de luxe parisienne.
1 Ibid. p.238.2 VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 6, Imprimerie Compte-Jacquet, Bar-le-Duc, 1872, p.58.3 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995, p.54. 4 Par exemple dans les Très riches heures du Duc de Berry au début du XVe siècle ou Les juges intègres de Hubert et Jan Van Eyck peint au début des années 1430.5 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995, p.45.6 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p.451-452.7 7 VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 6, Imprimerie Compte-Jacquet, Bar-le-Duc, 1872, p.58.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
119
Fig 90 : Mors de bride 52.
Fig 91 : Mors de bride 52.
2.5.2.2 Eperons
Cet objet est un des indispensables du cavalier, qu’il soit ou non
armé. Deux éperons de forme différente ont été mis au jour dans la cave du bâtiment
30 (fig. 93). L’éperon 8 est restauré en revanche le 124 est dans un état médiocre et
son étude est entravée par la présence d’un gros fragment de mortier soudé sur ses
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
120
Fig 92 : Le Chevalier, la Mort et le Diable, gravure d’Albercht Dürer, 1513.
branches par la corrosion (fig. 94). Ces deux éperons sont des éperons à molette ce qui
permet de définir leur terminus post quem au XIIIe siècle, la molette faisant son appa-
rition au cours de ce siècle1. L’éperon restauré est un éperon gauche. Il est caractérisé
par le tracé régulier et symétrique de ses branches qui conservent leur horizontalité
dans le plan. Celles-ci ont une section en D et sont terminées par deux méplats rec-
tangulaires percés de deux trous également rectangulaires. Ces derniers accueillent
une boucle avec ardillon (fig. 95) d’un côté et deux attaches métalliques de l’autre, ce
qui permettait de fixer et d’attacher les liens qui maintenaient l’éperon en place, l’une
passant sur le coup de pied, l’autre dessous. La tige, de section cylindrique et longue
de 3cm est fendue dans le sens de la longueur pour recevoir la molette et son axe. Bien
qu’elle n’ait pas été retrouvée, sa taille ne dépassait pas les 3 cm de diamètre puisque
le logement ne pouvait pas en accueillir de plus grande. Sa forme très simple est en
réalité très originale puisque les éperons à molette médiévaux présents dans la biblio-
graphie ne sont pas dotés de branches horizontales et alignées à la tige2. Le fait que
l’ensemble de l’éperon soit sur le même plan est très intéressant puisque cette caracté-
1 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995, p.127. 2 Aussi bien dans les corpus Germaniques et Français que Britaniques.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
121
0 5 cm
1/2
8 124
Fig 93 : Éperons, 1/2.
Fig 94 : Éperon 124, état de conservation.
Fig 95 : Éperon 8, détail du système de fixation.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
122
ristique présente sur les éperons à pointe jusqu’au XIIIe siècle ne semble (re)apparaitre
sur les éperons à molette que dans le dernier quart du XVe siècle1. Même si son état ne
facilite pas la tâche, l’étude typochronologique de l’éperon 124 (fig. 93) est plus aisée.
Ses branches ont une section en D, elles sont fortement incurvées et dissymétriques.
Leur courbe permettait de contourner la malléole2 et la forme relevée au niveau du
talon empêchaient les branches de remonter le long du tendon d’Achille3. Les attaches
ne sont pas visibles en raison de la corrosion et de l’agrégation d’éléments minéraux.
La molette, d’un diamètre de 8 cm, est dotée de treize pointes, mais devait en compter
seize à l’origine. La tige brisée mesurait probablement une dizaine de centimètres.
La forme de ses branches, la crête au niveau du talon et la longueur de la tige corres-
pondent à un type d’éperons daté de la première moitié du XVe siècle4 5.
1 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995, p.131. 2 Ibid. p. 139.3 VIOLLET-LE-DUC (E.), Dictionnaire raisonné du mobilier français, tome 5, Imprimerie Compte-Jacquet, Bar-le-Duc, 1872, p.407.4 CLARK (J.) The medieval horse and its equipment, Medieval finds from excavations in London : 5, HMSO, Londres, 1995, p.143, notamment les éperons 347-348.5 LEGROS (V.), Archéologie de l’objet métallique aux époques médiévale et moderne en Picardie, Revue archéo-logique de Picardie, trimestriel n°1-2, 2015, p.109.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
123
2.5.3 Elevage
2.5.3.1 Forces
Instrument de coupe doté de deux lames réunies par un ressort et
pouvant se chevaucher afin de procurer un effet de cisaillement, les forces permettent
un travail de découpe précis et sans effort ne nécessitant qu’une seule main. Ceci a
l’avantage de laisser libre la seconde main qui peut alors maintenir l’élément sur lequel
la coupe s’effectue. Outil privilégié de la tonte des bêtes laineuses elles sont également
utilisées pour d’autres travaux de coupe, notamment celle des tissus ou de certains
végétaux. Les forces de taille plus réduite peuvent également être un outil de toilette
destiné à la coupe de cheveux et de la barbe. Le ressort est généralement constitué d’un
arc, parfois doublé, qui maintient la tension entre les deux lames. Il forme un arc de
cercle dont la taille est inférieure au tiers de la longueur de l’outil1. Les poignées pro-
longent ce ressort et leur proportion par rapport aux lames détermine l’effet de levier
et la force de pression que l’on peut exercer sur l’outil. La section de ces poignées est
généralement ronde ou quadrangulaire, mais d’autres formes existent. Les forces uti-
lisées pour la tonte sont relativement minces et pointues afin de pouvoir pénétrer la
toison de l’animal2. Elles mesurent généralement entre 30 et 40 centimètres. Des forces
plus petites pouvaient être utilisées pour nettoyer les toisons après la tonte. Dans l’état
actuel des connaissances, les forces utilisées pour la confection des tissus et des vête-
ments sont difficilement différentiables de celles utilisées pour la tonte. Toutefois, il
nous semble plus probable de rattacher les forces de Châtenois à des travaux de tonte
liés aux activités de polyculture et d’élevage du site, que de les rattacher à un hypothé-
tique atelier de tissage et de taille de vêtement. Ceci n’exclut pas pour autant que de
telles activités aient eu lieu dans le bâtiment 30, mais dans des proportions limitées à
l’artisanat domestique3.
Les forces mesurent entre 33 cm de long pour la plus grande et 19 cm pour la
plus petite. Les plus longues (fig. 96) paraissent idéales pour la tonte. Leurs lames fines
1 COWGILL (J.), NEERGAARD (M.) et GRIFFITHS (N.) Knives and Scabbards, Medieval finds from excava-tions in London : 1, The Boydell Press, Londres, 1987, p.58.2 Ibid.3 Les deux pesons retrouvés lors de la fouille sont loin de constituer un ensemble suffisant pour envisa-ger la présence d’un métier à tisser.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
124
et pointues sont plus à même de pénétrer la laine que celles des forces de plus petite
taille, dont les bouts ne sont pas profilés (fig. 96). Des trois grandes forces retrouvées,
les forces 146 sont les plus longues et les seules à avoir conservé leur pointe. Leurs
lame mesure 14 cm de long pour une largeur de 3 cm maximum et une épaisseur de
0.3 cm. Les poignées sont de section semi-circulaires et offrent une prise en main plus
agréable que celles de sections rectangulaires des forces 116 ou 13. Le ressort est moins
épais mais plus large que celui des autres grandes forces pour lesquels la section est la
même que celle des poignées.
Parfois, la base de la lame est pourvue d’un petit ergot arrondi sur lequel le
pouce ou l’index de l’utilisateur pouvait reposer. À peine présent sur certains modèles
(116) il atteint des proportions importantes sur les forces 21. La petite taille des poi-
gnées de ces dernières, inférieure à 6 cm, justifie peut-être l’ajout de cet élément garan-
tissant une meilleure prise en main. Ces forces de petite taille ont des lames à pointe
rabattue beaucoup moins effilées que celles des plus grandes. L’angle de la pointe est
légèrement supérieur à 60° alors qu’il est inférieur à 20° sur les forces 146. Ceci ne les
exclut pas pour autant des travaux de tonte, car l’iconographie montre parfois des
forces à pointes rabattues (fig. 97). Bien qu’il soit délicat de tirer des conclusions de
ce genre de détails iconographiques, il est peu probable qu’ils fassent l’objet d’une
convention stylistique. En outre, nous avons vu précédemment que des forces de pe-
tite taille et moins effilées pouvaient être employées pour nettoyer les toisons après la
tonte ou pour couper les cheveux et poils humains. Les pointes rabattues diminuent
aussi le risque de blessure lors de la tonte, et plus particulièrement dans les zones les
moins accessibles. Les pointes des autres forces n’ont pas pu être étudiées convenable-
ment. Souvent, la corrosion ne permet pas de voir s’il s’agit d’une pointe rabattue ou
d’une pointe qui aurait été brisée. La forme de la lame permet toutefois d’extrapoler
la forme de la pointe dans la plus part des cas, les lames pointues étant grossièrement
triangulaires alors que la forme des lames à pointe rabattues s’approche d’avantage
du trapèze ou du parallélogramme. Dans ces conditions, nous supposons que seules
les forces 21 n’étaient pas pointues avec peut-être les forces 117 qui sont également de
petite taille mais dont l’état de conservation n’a pas permi le dessin. D’autres exem-
plaires sont connus dans la région, notamment deux forces de forme proche de celles
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
126
Fig 97 : Tonte des moutons, Munich, BSB, Clm 23638, Bruges, 1535.
de Chatenois mises au jour à Buttenheim1.
2.5.3.2 Clarines et sonnailles
Ces instruments sonores sont indéniablement liés à l’élevage
des ovins et des bovins. Les termes clarine et sonnaille désignent en réalité un seul et
même instrument, mais dont les proportions seraient différentes. Le terme de clarine
désignerait plutôt les gros modèles destinés aux bovins et sonnaille les modèles plus
réduits portés par les ovins. Cette distinction n’a rien de définitif et d’arrêté et les
deux termes peuvent être employés sans réelle distinction. Quoi qu’il en soit, clarines
et sonnailles facilitent la conduite du troupeau et sa surveillance, mais rares sont les
animaux qui en sont pourvus dans l’iconographie2. Le plus souvent, il s’agit d’ovins
(fig. 98), les bovins en sont presque toujours dépourvus, mais quelques images existent
(fig. 99). La forme des ces instruments n’a guère varié au cours des siècles, les trois
modèles retrouvés à Châtenois sont d’une forme très proche de ceux retrouvés à Cha-
ravines datés de l’an mil ou de la clarine gallo-romaine retrouvée à Vallangoujard ou
1 BURNOUF (J.) (dir.), Butenheim, Une motte castrale en Alsace, Bilan de quatre campagnes de fouilles archéo-logiques, Société d’histoire sundgauvienne, , ALSAGRAPHIC, Riedisheim, 1986, p.170.2 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.364-365.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
127
Fig 98 : Bergers et leurs moutons, Lyon BM Pa 27, f.9, 1411 Paris.
Fig 99 : Bovin avec cloche et ovins, Munich, BSB, Clm 23638, f. 6, Bruges 1535
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
128
encore des sonnailles évasées de Rougiers1. Celle-ci conjugue le tronc de pyramide et
le tronc de cône à bouche ovale, ce qui donne à leurs faces une forme trapézoïdale. Les
sonnailles 154 (fig. 100) et 139 (fig. 101) ont des dimensions proches avec une hauteur
d’une douzaine de centimètres pour une bouche de 8 cm sur 6.5 cm. La sonnaille 66
(fig. 102) est légèrement plus petite avec une hauteur de 9 cm et une ouverture de 7 cm
sur 5 cm. La forme des battants et leur mode de fixation n’est pas visible à cause de la
corrosion et des agrégats minéraux. Le corps de ces clarines est sans doute obtenu à
partir d’une tôle pliée, mais l’état de conservation ne permet pas d’observer la jointure
et son mode de fixation. De même rien ne permet de dire si les anses sont réalisées
à partir du même élément ou si elles sont rapportées et soudées dans un deuxième
temps. Leur diamètre relativement important peut toutefois laisser penser que c’est la
deuxième méthode qui a été employée. La sonnaille 154 présente des traces d’alliage
cuivreux sur l’une de ses faces. Le placage de métal cuivreux est attesté sur d’autres
découvertes et permettait de donner une meilleure sonorité à l’objet2, sans parler de la
résistance accrue à la corrosion pour ces objets très exposés aux intempéries.
2.6 Outils et ustensiles domestiques
2.6.1 Couteaux
Le corpus des couteaux comprend seize couteaux ou fragment de cou-
teaux. Deux types de fixation des manches sont représentés, les soies à plate semelle à
manche rivé et les soies étroites et fines insérées dans le manche. Douze couteaux pré-
sentent encore tout ou partie de la lame et du manche, trois n’ont conservé que la lame
et un manche est sans lame. Parmi les emmanchements observables, neuf sont dotés
d’une plate semelle et trois d’une soie étroite. Ce détail est intéressant, car il donne un
premier indice de datation si l’on admet que les travaux réalisés outre-Manche3 sont
valables à Châtenois. En effet non seulement les couteaux à plate semelle n’y appa-
raissent que dans la première moitié du XIVe siècle, mais ils ne deviennent majori-
1 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p.454-455.2 LEGROS (V.) «Étude du mobilier métallique des fermes médiévales du «Bellé» à Neuilly-en-Thelle (Oise), Approche technique et fonctionnelle» in: Revue archéologique de Picardie, N°1-2, 2001 p.40. 3 COWGILL (J.), NEERGAARD (M.) et GRIFFITHS (N.) Knives and Scabbards, Medieval finds from excava-tions in London : 1, The Boydell Press, Londres, 1987.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
129
Fig 100 : Clarine 154
Fig 101 : Clarine 139
Fig 102 : Clarine 66
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
130
taires qu’au courant du XVe siècle1.
Ce premier phasage est renforcé par l’étude du manche de couteau 20 (fig. 103
et 104). Cet objet est l’une des découvertes les plus intéressantes qui aient été faites
dans le bâtiment 30 dans la mesure où ce type de manche entre dans une typo-chro-
nologie établie récemment par Jean Soulat2. Ce manche de couteau à décors foliacé est
composé d’une soie en plate semelle dont les cinq rivets traversants disposés en quin-
conce retiennent un placage en bois double encore conservé. Ces rivets sont associés
à un filigrane en métal cuivreux incrusté dans le bois du manche et forment avec eux
un décor en rinceaux composé de tiges et de fleurs. Il s’agit, à notre connaissance, du
douzième exemplaire connu de ce type de couteaux. Le plus ancien a été découvert à
Grigny dans des niveaux datés de la fin du XVe siècle3, tous les autres sont datés de la
première moitié du XVIe siècle. Le couteau à la chronologie la plus récente a été mis
au jour dans l’épave du Mary Rose, un navire coulé au large des côtes du Hampshire
en 15454. La datation la plus fine nous est donnée par le manche du couteau retrouvé
à Épinal5, dont la mitre circulaire est gravée de la date 1522 sur ses deux faces (fig.
105). L’intérêt de ce manche réside non seulement dans sa chronologie, mais aussi
dans la relative proximité géographique entre Épinal et Châtenois. Jusqu’à présent, ce
type de décor très standardisé semble avoir été propre à la moitié nord de la France6
et à la Grande Bretagne, le manche de Chatenois est le premier exemplaire découvert
dans l’espace germanique. L’hypothèse d’une importation outre-Vosges semble donc
la plus pertinente, et révèle aussi le caractère édilitaire de ce type d’objet.
Avec une lame longue de 20 cm et large de 3.5 cm, le couteau 35 (fig. 106) est le
plus grand du lot. Son emmanchement à soie étroite est long de 12.5 cm. Cette taille
de couteau n’est pas courante, un seul couteau de cette taille a été trouvé à Londres, et
1 Ibid. p.25.2 SOULAT (J.) Fabrication et diffusion d’un type de manche de couteau à décor foliacé : témoin de la culture matérielle française de la fin du XVe à la 1ère moitié du XVIe siècle, Poster, 2015.3 DILLY et al. 1999, p.113.4 GARDINIER 2005, p.155.5 HENIGFELD (Y.), KUCHLER (P.), L’îlot du palais de justice d’Épinal. Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2014, fig.136-3.6 SOULAT (J.) Fabrication et diffusion d’un type de manche de couteau à décor foliacé : témoin de la culture matérielle française de la fin du XVe à la 1ère moitié du XVIe siècle, Poster, 2015.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
131
Fig 103 : Manche de couteau à décors foliacé 20, Dessin Manon Spielmann
Fig 105 : Couteau à mitre d’Épinal
20
1 5 cm
Fig 104 : Manche de couteau à décors foliacé 20
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
132
aucun à Rougiers alors que cent soixante et un exemplaires y ont été étudiés1. Un seul
couteau du corpus Picard de Vincent Legros atteint ces dimensions mais sa forme dif-
fère2. L’intérêt de l’exemplaire londonien est qu’il présente une morphologie proche, à
savoir un épaulement double plus marqué au niveau du tranchant que du dos et une
lame triangulaire à dos et tranchant presque symétriques. Ce couteau est daté de la
fin du XIVe siècle. Le couteau 9 pourrait avoir eu les mêmes caractéristiques, bien que
légèrement plus petit, cependant seule sa soie et le départ de sa lame sont conservés.
Le troisième et dernier couteau à soie étroite, le n°87, est d’une taille plus réduite. Sa
lame triangulaire et longue de 7 cm a cependant une forme proche. Son dos et son tran-
chant convergent vers une pointe disparue qu’on imagine éffilée. La soie, incomplète,
est séparée de la lame par un double épaulement.
La série des couteaux à plate semelle se subdivise en plusieurs groupes en fonc-
tion de leur taille et de leur structure. Un premier groupe est constitué de couteaux à
dos droit et à tranchant parallèle au dos (fig. 106, n° 83, 38, 40). Ces couteaux de taille
moyenne n’ont plus de pointe, mais leur forme rappelle les couteaux à dos rabattu
de Londres3 ou de Rougiers4. La jonction entre la lame et la plate semelle ne présente
qu’un épaulement léger du côté du tranchant. Les manches, longs de 10 cm, étaient
maintenus par des rivets dont certains sont conservés, mais leur nombre exact n’est
pas observable. Le couteau 128 est de même type mais d’une taille nettement supé-
rieure. Un second groupe est formé par les couteaux 2, 3 et 108 et caractérisé par un
emmanchement à plate semelle et une lame dont le dos et le tranchant convergent.
2.6.2 Raclette à maie et pétrin
La raclette est un outil particulier, indissociable de la maie, meuble rec-
tangulaire disposant d’un couvercle et utilisé pour la conservation de la farine et la
fabrication du pétrin. Si cette dernière apparait dans l’iconographie médiévale au XVe
1 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p.433. 2 LEGROS (V.), Archéologie de l’objet métallique aux époques médiévale et moderne en Picardie, Re-vue archéologique de Picardie, trimestriel n°1-2, 2015, n°13 p.135.3 COWGILL (J.), NEERGAARD (M.) et GRIFFITHS (N.) Knives and Scabbards, Medieval finds from excava-tions in London : 1, The Boydell Press, Londres, 1987, p.103 N°266.4 D’EMIANS D’ARCHAMBAUD (G.), Les Fouilles de Rougiers (Var) : contribution à l’archéologie de l’habitat rural médiéval en pays méditerranéen, CNRS, Paris, 1980, p.434, N°17-19.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
133
0 5 cm
1/2
105
35
128
3
83
108
2
40
87
38
9
Fig 106 : Couteaux, des-sin Julia STAECHELE pour n°2, 1/2.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
134
siècle (fig. 107), la raclette n’est jamais représentée et celle de Châtenois semble être la
seule pièce de fouille identifiée comme telle. Composée d’un taillant triangulaire et
courbe, son tranchant large de 8 cm est prolongé par un manche torsadé également
courbe long de 9 cm et se terminant par un important retour en forme de boucle (fig.
108). Cette boucle permettait sans doute d’accrocher l’outil à un clou ou un crochet,
peut être directement sur la maie, afin de l’avoir à porté de main. La courbure géné-
rale de l’outil dessine un arc légèrement brisé dont le tranchant et le retour de manche
forment les deux extrémités alors que la transition entre la lame et le manche en forme
le sommet. Les torsades du manche suggèrent qu’il n’était pas recouvert de matière
organique et que l’outil se tenait métal nu. La prise en main se faisait tranchant vers
le bas, ce qui permettait de racler le contenant en tirant simplement l’outil vers sois et
en lui appliquant une légère pression. Le tranchant de la lame décollait alors les restes
de pâte collés aux parois de la maie, ce qui évitait son encrassement et l’installation de
moisissures. La raclette pouvait aussi être utilisée pour prélever des portions de pâte
du pétrin pour former les pâtons. Cet outil méconnu pour la période médiévale est
largement présent dans les collections ethnographiques d’art populaire, qu’elles soient
publiques ou privées1.
1 Elles sont présentes sur internet dans les catalogues photographiques de collectionneurs amateurs, notamment sur objetsdhier.com ou art-populaire.fr.
Fig 107 : Boulanger et sa maie, Lyon, Bibl. mun., ms. 0514, f. 006v 1450-1500.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
135
0 5 cm
Fig 108 : Raclette à pétrin n°78, 1/1.
2.6.3 Epingles et Aiguilles
Les épingles et aiguilles mises au jour à Châtenois ont été inventoriées
en quatre lots distincts en fonction de leur découverte à la fouille (n°6, 25, 59 et 82).
Certaines sont très fragmentées et seule une petite dizaine ont pu être photographiées.
L’absence de nettoyage de ces objets ne permet pas de confirmer la présence de chas
et donc de différencier les aiguilles des épingles. De même, pour les objets les plus
grands, il est impossible de les différencier de clous de petite taille. Pour ces raisons,
rien en dehors du signalement de leur existence, n’est possible à l’heure actuelle.
La présence d’aiguilles et d’épingles permet simplement de supputer un artisanat do-
mestique lié à l’entretien des vêtements et du linge.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
137
3. Caractérisation de l’habitat : La vie dans et autour du bâtiment 30 à partir du mobilier métallique.
3.1 Le bâtiment 30 et ses habitants
3.1.1 Une maison de chevalier ? Aspects fonctionnels du mobilier mili-taire
Le rôle militaire qu’a pu jouer le bâtiment 30 est indéniable; sa situa-
tion, accolée au milieu du tronçon nord du mur d’enceinte intérieur, et le mobilier
retrouvé en attestent. Les recherches archivistiques ont montré par ailleurs qu’elle
pourrait avoir été confiée à un Burgman chargé de la défense du site dès sa construc-
tion à la fin du XIIIe siècle et que c’est peut-être là la raison de sa construction1. Si
cette maison est bien celle d’un chevalier ministériel au moment de sa construction,
les derniers propriétaires connus sont sans doute les Zum Trubel, mentionnés en 1461
comme voisins du fief Schönmans situé à l’emplacement de l’actuel presbytère2. Cette
famille est connue à Châtenois depuis le début du XIVe siècle et semble effective-
ment faire partie des familles aristocratiques résidant dans le quartier du château3.
Les Zum Trubel sont également connus pour avoir été inféodés du fief de la Van-
celle à l’extinction des Waffler et des Echery4 ce qui confirme leur rang social élevé5.
Quoi qu’il en soit, même si la propriété mentionnée semble bien être le bâtiment 30,
rien ne prouve qu’ils en soient encore propriétaires au moment de sa destruction.
Les différents éléments d’armure mis au jour lors des fouilles appartiennent sans
doute à un seul et même ensemble constituant un harnois dont seules quelques parties
1 Au même titre que la maison de Waffler d’Echery? Patrimoine et Histoire, ADONETH (Luc) et DUS-SOURD (Jean-Philippe), Le quartier du château de Châtenois au Moyen Age, livret imprimé en propre régie à Châtenois à l’occasion d’une conférence en 2007, p.16.2 Ibid. p.34.3 ADONETH (L.) recherches archivistiques non publiées : en 1317, mention d’une transaction autour du Zehendhoff et de la dîme de Châtenois, avec l’évêque et le Grand Chapitre. Transaction où sont témoins Henslin VON MULNHEIM fs de Hensel, Henslin MERSWIN ( ?), Peter JHINSSELT, Johannes MO-SUNG, Johannes MOLSHEIM, Eberlin VON SCHONNECK, Cüntze BOCK, Claus CLOBELAUCH ( = KNOBLOCH), Hans BUHSEN, Cuntze ZUM TRUBEL, Petermann REBESTOG (= REBSTOCK), Heintze ARGE VON DEN CREMERN, Claus MERSWIN, von dem Brotbecken : Jecklin FRIBURGER, von den Metzigern : _.( divers corps de métiers représentés.) 4 Annuaire de Lièpvre 2009, p 46. les Zum TRUBEL sont inféodés du fief de la Vancelle à l’extinction des WAFFLER et des ECHERY.5 Ils sont considérés comme une famille de financiers cherchant à s’agréger à la noblesse : Patrimoine et Histoire, ADONETH (Luc) et DUSSOURD (Jean-Philippe), Le quartier du château de Châtenois au Moyen Age, livret imprimé en propre régie à Châtenois à l’occasion d’une conférence en 2007, p.37. p.33
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’interprétation
138
ont été suffisamment bien conservées pour permettre leur identification1. La datation
de la visière de bassinet à la première décennie du XVe siècle2 soulève la question de
l’aspect fonctionnel d’un équipement vieux d’un siècle au moment de la destruction
du bâtiment 30 par les flammes. Les autres pièces d’armure n’ont pas pu être datés
aussi précisément cependant les aspects morphologiques et typologiques de certains
éléments, notamment la jambière et le canon d’avant bras, correspondent aux défenses
associées à ce type de protection de tête, du moins dans l’iconographie. Les fers de car-
reaux d’arbalète sont quand à eux trop peu nombreux et bien trop chronologiquement
et typologiquement hétérogènes3 pour avoir pu constituer un stock destiné à la dé-
fense du site. Les raisons du caractère désuet et disparate de ce matériel peuvent être
multiples, allant de la contrainte économique que représente le remplacement d’un tel
équipement, au caractère symbolique qu’il peut revêtir, ou encore de son lien avec le
rôle militaire de la maison et de ses habitants.
Nous l’avons vu, les habitants du quartier du château et donc du bâtiment 30 ne font
pas partie de l’élite aristocratique, mais plutôt de sa base, occupant des fiefs fonction-
nant à l’origine sur un principe de ministérialité. Les revenus attachés à cette fonction
militaire, si elle existe encore, ne permettaient peut-être pas l’achat et la modernisation
d’un équipement dont le prix exorbitant est un secret pour personne4. Dans ces condi-
tions, la transmission intergénérationnelle d’une armure n’est pas impossible, d’autant
que son caractère dépassé est contrebalancé par sa grande qualité. En effet si l’on com-
pare le degré de protection apporté par ces pièces avec l’équipement des cavaliers du
début du XVIe siècle5, les éléments d’armure de Châtenois ne souffrent pas de la com-
paraison. En dehors des aspects esthétiques, l’armure si elle était complète répondait
aux contraintes d’équipement du temps. Dans ces conditions, il ne serait pas surpre-
nant qu’une armure bien entretenue puisse encore servir un siècle après sa fabrication
d’autant que ce type d’équipement est porté qu’à de rares occasions par une petite
noblesse sans doute plus rompue à l’art de la transaction qu’à l’art de la guerre. L’ex-
plication peut également venir de la perte du rôle militaire de l’enceinte au moment
1 Supra p.60-712 Supra p.60-653 Supra p.47-544 Entre 49 et 55 livres pour une armure milanaise : PIPONNIER Françoise, Costume et Vie sociale: la Cour d’Anjou, XIVe-XVe siècle, Paris, 1970. 5 Nous revoyons le lecteur à la gravure d’Albrecht Dürer, fig.91.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
139
de la construction de la seconde enceinte au début du XVe siècle1. La construction de
la cave en sous-oeuvre au courant de ce même siècle symbolise ce transfert d’activités.
Celle-ci est utilisée comme espace de rangement pour des outils, mais probablement
aussi de stockage de la production viticole2. Ainsi, la maison, initialement construite
pour servir de résidence à un chevalier chargé de la défense du site, perdrait plus ou
moins progressivement son caractère militaire au profit d’activités viticoles et agro-
pastorales. L’ancienneté des pièces d’armure et le caractère disparate des carreaux
d’arbalète s’expliqueraens par ce changement fonctionnel du bâtiment, l’armement
restant stocké, mais n’étant plus renouvelé. Néanmoins, l’utilisation des carreaux et
de certaines armes d’hast pour la chasse n’est pas exclue. Concernant l’armure, sa
conservation revêt peut-être un caractère symbolique et l’aspect esthétique d’une telle
pièce n’étant pas à négliger la question mérite d’être posée. Est-il envisageable que
cette pièce ait été conservée spécialement pour la valeur symbolique qu’elle véhicule ?
Par ce qu’elle rappelle un ancêtre ou un évènement passé, on pourrait par une analogie
anachronique la comparer au casque Adrian de l’arrière-grand-père ; ou bien peut-il
s’agir d’un trophé récupéré au passage des Armagnacs en 1445 ou des Bourguignons
en 1470 et 1473 ?
Aucune des explications que nous avançons ne permet de statuer clairement sur l’as-
pect fonctionnel du mobilier militaire mis au jour, notamment l’armement défensif. En
revanche, nos hypothèses ne sont pas contradictoires les unes avec les autres et il est
possible que la réalité soit à cheval entre ces explications et d’autres auxquelles nous
n’avons pas pensé.
3.1.2 Le mobilier comme marqueur social
Les corpus de mobilier métallique intègrent souvent des objets qui sont
de très bons marqueurs du statut social des occupants d’un site. En plus de la posi-
tion du bâtiment au sein de l’enceinte et des connaissances que nous avons grâce aux
archives, le mobilier mis au jour est à même de confirmer le caractère édilitaire sinon
1 Supra p.202 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010, p.70.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’interprétation
140
aristocratique de ses habitants. Certains objets sont de véritables marqueurs qui nous
renseignent sur le rang social, réel ou économique, des occupants du bâtiment. L’arme-
ment dont nous parlions précédemment fait partie de ces marqueurs, mais il n’est pas
le seul. Le matériel équestre constitue aussi un excellent marqueur social. Le cheval en
lui-même n’est pas l’apanage d’une catégorie sociale même si sa possession suppose
une certaine aisance économique. Couramment utilisé comme bête de somme et de
labour c’est son utilisation qui témoigne du rang social du propriétaire. Or le mobilier
équestre de Châtenois est constitué de fers, d’outils de maréchal, mais aussi et surtout
d’éperons et de mors1 qui sont spécifique à la monte. Même si la monte n’est pas exclu-
sivement réservée à l’aristocratie, c’est elle qui la pratique le plus et les éperons sont
un symbole majeur de la noblesse. Dans l’iconographie, les paysans sont parfois repré-
sentés sur le dos d’un cheval, mais ils ne portent pas d’éperons2. Dans leur ouvrage
sur le cheval médiéval, Brigitte Prévot et Bernard Ribémont indiquent que les éperons
sont portés pour le combat, mais pas pour la chasse3, ce qui leur donnerait un caractère
militaire et les lierait étroitement avec les classes combattantes de la société. Pourtant,
certaines enluminures tendent à démontrer le contraire et présentent des chasseurs
munis d’éperons4. Quoi qu’il en soit, la chasse à cheval, avec ou sans éperons, reste
aussi une activité essentiellement aristocratique.
La présence d’objets d’importation comme le couteau à manche décoré n°20 et d’objets
de très bonne facture comme le boutoir et l’étrille, tout deux décorés de placages cui-
vreux, témoignent de l’attention portée à des objets non militaires, de même que la
quantité, la qualité et l’homogénéité du corpus d’outillage.
3.1.3 Bellatores et Laboratores
Même si du mobilier métallique édilitaire a été retrouvé dans les dé-
combres du bâtiment 30, il ne doit pas faire oublier la quantité et la variété des outils
en fer mis au jour. Leur variété nous renseigne sur les différentes activités agricoles
et artisanales qui gravitaient autour du bâtiment et nous ferrons le point à ce sujet un
1 Supra p.119-1202 Voir par exemple la miniature du mois d’octobre des Très Riches Heures du duc de Berry3 PREVOT (B.), RIBEMONT (B.), Le Cheval en France au Moyen Age, Paradigmes, Orléans, 1994. p.157.Voir aussi la miniature du mois d’aout des Très Riches Heures du duc de Berry.4 Gaston Phébus, Livre de chasse, Paris début XVe, BNF, Département des Manuscrits, Français 616, fol. 68
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
141
peu plus loin1. Quoi qu’il en soit, la présence d’objets édilitaires et d’outils dénote une
dichotomie sociale entre bellatores et laboratores au sein d’une même maison. Même
si les frontières entre groupes sociaux ne sont pas imperméables, il nous parait peu
probable que l’armement et l’outillage aient été utilisés par les mêmes personnes. Les
aspects quantitatifs de l’outillage nous renseignent sur le nombre de personnes qui
pouvaient travailler au sein de cette exploitation (fig. 109). La comptabilisation des ou-
tils utilisés pour les travaux les plus courants suggère la présence simultanée de quatre
ou cinq travailleurs maximum, en admettant que les mêmes personnes travaillent à la
fois en viticulture et en céréaliculture. Il n’est pas impensable que chaque travailleur
dispose d’un équipement complet qui lui soit assigné, d’autant que l’homogénéité de
forme des outils les plus courants, serpe à vigne, faucille et houe à crocs, suppose un
emploi similaire et simultané. Rien ne permet de statuer sur le lieu de résidence de ces
travailleurs, il se peut qu’ils aient occupé une partie du bâtiment tout comme avoir
résidé ailleurs. S’agit-il de valets vignerons, «Rebknechthüsel», dont deux habitations
sont mentionnées dans le quartier du Château en 14892? Ou de simples salariés dont
l’emploi était très répandu et fortement réglementé aux XVe et XVIe siècles3? Lieu de
1 Infra p.1422 Patrimoine et Histoire, ADONETH (Luc) et DUSSOURD (Jean-Philippe), Le quartier du château de Châtenois au Moyen Age, livret imprimé en propre régie à Châtenois à l’occasion d’une conférence en 2007, p.37.3 MULLER (C.), Alsace, une civilisation de la vigne, du VIIIe siècle à nos jours, Place Stanislas, Nancy, 2010, p.51
Fig 109 : Diagramme quantitatif des principaux outils.
0 1 2 3 4 5 6 7 8
houe plate
houe à crocs
serpe à vigne grand modèle
hache
faucille
forces
Complets
Incomplets
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’interprétation
142
leur résidence ou non, le bâtiment 30 sert tout de même de bâtiment d’exploitation à
des cultivateurs-vignerons, plus probablement employés par le propriétaire que pro-
priétaires eux-mêmes.
3.2 Des travaux et des jours
Avant la fouille, la connaissance des activités économiques du quartier du Châ-
teau se limitait à quelques mentions concernant la production viticole et l’atelier mo-
nétaire1. Les découvertes archéologiques permettent d’élargir les connaissances sur la
vie et le travail quotidien des habitants. Même si la viticulture semble être l’activité
dominante au regard des textes et de l’équipement disponible2, probablement en rai-
son des richesses qu’elle génère, elle ne suffit pas à garantir la subsistance des pay-
sans-vignerons à une époque où l’on produit encore largement soi-même ce que l’on
consomme. La culture de la vigne s’inscrit probablement au sein d’une exploitation
agropastorale dont seuls le vin et peut-être la laine sont davantage produits pour leur
valeur marchande que pour une consommation directe.
3.2.1 Polyculture et élevage : subsistance ou diversification ?
3.2.1.1 Céréaliculture
Même en pays viticole, la céréaliculture semble conserver une cer-
taine prééminence en raison de la domination qu’elle exerce sur le régime alimentaire
des hommes. Le calendrier de travail du cultivateur commence par le labour, dont «
l’importance est telle au Moyen Âge que le paysan est appelé laborador, labor signifiant
aussi bien travail que labour »3. Si aucun élément de charrue n’a été retrouvé ou iden-
tifié dans les décombres du bâtiment 30, la présence de six houes à crocs et de cinq
houes plates permet de supposer l’existence d’un labour à bras. Ces outils peuvent
aussi bien pallier l’insuffisant travail d’un araire ou d’une charrue4, car bien que plus
1 Patrimoine et Histoire, ADONETH (Luc) et DUSSOURD (Jean-Philippe), Le quartier du château de Châtenois au Moyen Age, livret imprimé en propre régie à Châtenois à l’occasion d’une conférence en 2007, p.12.2 Un pressoir a été découvert dans le bâtiment 80 tout proche :KOCH 2015 p.363 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.106. 4 DUBY (G.), Guerriers et paysans : VII-XIIe siècle : premier essor de l’économie européenne, Gallimar, 1973,
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
143
lent et plus pénible, le labour à bras est plus efficace car plus profond, que la remplacer
complètement pour travailler des sols trop pentus, trop étroits ou trop caillouteux1.
Ces dernières caractéristiques en font l’outil privilégié des façons, travail indispen-
sable à la culture de la vigne que nous aborderons plus loin.
Les quatre faucilles découvertes à la fouille confirment à elles seules l’existence
d’une culture des céréales dans l’environnement proche du bâtiment 30. Cet outil n’est
pas polyvalent et ne peut être employé qu’à la moisson. Apothéose de l’année agricole,
l’existence même du paysan dépend de l’abondance de cette récolte2. L’importance de
cet évènement se retrouve dans les calendriers enluminés, qui manquent rarement de
représenter cette scène3. On y voit généralement deux personnes ou deux groupes de
personnes. Les uns, armés de faucilles, sectionnent les tiges par poignées, les autres
lient les gerbes entre elles (fig.110). Une fois la récolte rentrée, viennent le battage et
p.361 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.96-97, 2 Ibid. p.151.3 Ibid.
Fig 110 : Homme et femme moissonnant, Livres d’Heures dite de Chappe 1490, Paris, Arsenal, ms.438, f.7
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’interprétation
144
le vannage, qui consiste à séparer le grain de son enveloppe. Fourche et fléau sont les
outils utilisés pour cette tâche, généralement en bois (fig.111), ces objets ne laissent
alors pas de trace archéologique. La seule fourche retrouvée à Châtenois est donc en
fer, mais elle a pu servir à retourner la paille et les céréales entre deux battages et à
trier au vent les grains et la paille déchiquetée. Si certaines étapes de la céréaliculture à
Châtenois sont bien représentées par les outils retrouvés, d’autres font complètement
défaut, particulièrement celles qui nécessitent des outils tractés, comme la charrue ou
la herse, ce qui ne veut pas forcément dire qu’il n’y en avait pas. Soit ces instruments
volumineux n’étaient pas stockés dans le bâtiment 30 au moment du sinistre, soit il
s’agissait d’outils en bois et ils ont disparu au même titre que d’autres, fourches, râ-
teaux ou fléaux. En revanche l’incendie a permi la conservation d’une quantité excep-
tionnelle de froment et de seigle dans le secteur C, sous forme de macro-restes carbo-
nisés. Des échantillons prélevés dans les autres secteurs de la cave ont mis en évidence
la présence d’autres espèces, blé amidonnier, orge et avoine, mais dans des quantités
plus faibles1. Le pain, fabriqué avec ces céréales, forme la base du repas médiéval, à
tel point que l’on appelle conpanagium ou conponaticum les autres aliments qui s’y ra-
joutent2. Ces autres cultures sont plus discrètes que celle des céréales, aussi bien dans
les textes et l’iconographie, que dans les vestiges archéologiques qu’elles laissent.
1 SCHAAL (C.) «Carpologie» in KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habi-tat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdé-partemental rhénan, 2010, p.21 2 LETURCQ (S.), La vie rurale en France au Moyen Âge : Xe-XVe siècle, Armand Colin, Paris, 2004, p.13
Fig 111 : Le battage, mois de juillet du livre d’heures de Charles d’Angou-lème,1490, Paris, BNF, Lat 1173, f.4
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
145
3.2.1.2 Autres cultures
Le tamisage des prélèvements carpologiques a permis de mettre
au jour une grande variété d’aliments non céréaliers, également conservés par carbo-
nisation. On y trouve des légumineuses, féverole, vesce cultivée et petit pois1 ; des oi-
gnons et de l’ail2, mais aussi des fruits, noix et raisin3. Bien entendu, nous ne pouvons
pas savoir si ces produits ont été produits sur place, toutefois, le jardin potager semble
être une constante de l’exploitation paysanne4, il forme avec un éventuel verger la base
de la tenure individuelle médiévale5. Aucun outillage spécifiquement lié à ces cultures
n’a été découvert, mais certains outils polyvalents ont pu y servir, avec en premier lieu
1 SCHAAL (C.) «Carpologie» in KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habi-tat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdé-partemental rhénan, 2010, p.21 2 KOCH 2008, p.273 SCHAAL (C.) «Carpologie» in KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habi-tat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdé-partemental rhénan 2010, p.21 4 TOUBERT Les structures du Latium médiéval, le Latium méridional et la Sabine du IXe siècle à la fin du XIIe siècle, Rome : Ecole Française de Rome, 1973, vol. 1 p. 210.5 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.250.
Fig 112 : Les travaux au jardin, Pierre de Crescens, livre des profits champêtres et ruraux, 1470-75, BNF Arsenal 5064 f 151v.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’interprétation
146
les houes, mais aussi les grandes serpes. Parmi les tâches nécessaires à l’entretien du
jardin, le bêchage et la plantation peuvent se faire à l’aide de la bêche et de la houe,
on privilégiera alors la houe plate au détriment de la houe à crocs (fig.112). La grande
serpe pourra pour sa part être employée à des travaux de taille et de greffe des arbres
fruitiers du verger (fig.55). Montée sur un long manche elle est utilisé comme émon-
doir pour tailler ou cueillir branches et fruits en hauteur. En définitive, les outils mis
au jour n’attestent pas d’une production de ce type, mais ne l’excluent pas non plus.
3.2.1.3 Elevage
L’élevage est considéré comme le second fondement de l’économie
agraire médiévale après la céréaliculture1. Le petit élevage constitue ainsi « un appoint
indispensable et un complément souvent fort important des profits de la culture2». En
dehors de la viande, les animaux offrent des matières premières très diverses, cuir,
corne, graisse, mais aussi toisons. Ces dernières sont d’ailleurs la motivation princi-
pale de l’élevage des ovins. D’ailleurs, il semble qu’au même titre que la vigne, l’éle-
vage ait attiré les investissements bourgeois dès le XIIIe siècle en raison des profits
générés3. Même à Châtenois, où la vigne semble avoir un rôle prééminent, clarines
et forces attestent d’une activité pastorale. L’importance de cette activité est difficile
à mesurer, mais les trois clarines et les cinq forces stockées dans la cave du bâtiment
30 nous semblent être une quantité respectable qui dépasse sans doute l’échelle d’une
production strictement domestique, du moins pour la laine4. L’état de fragmentation
de ces objets, nottamment les forces, nous oblige toutefois à rester prudents sur le
sujet.
3.2.2 Vigne et Vin
Les productions agropastorales, indispensables pour vivre et peut-être
même génératrices de profits commerciaux, ne doivent pas faire oublier celle qui
1 LETURCQ (S.), La vie rurale en France au Moyen Âge : Xe-XVe siècle, Armand Colin, Paris, 2004, p.19.2 DUBY (G.), Guerriers et paysans : VII-XIIe siècle : premier essor de l’économie européenne, Gallimar, 1973, p.240.3 Ibid, p.253-254.4 Notons que le nombre de forces correspond peut être aussi au nombre d’ouvriers, voir fig.109.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
147
semble être dominante à Châtenois : la vigne. Les objets mis au jour dans le bâtiment
30 constituent la caisse à outils du parfait vigneron et nous permettent de retracer
chaque étape du calendrier viticole. Première étape : la plantation. Celle-ci doit être
précédée par une préparation du terrain si l’on en croit Pierre de Crescens1. Armé
d’un pic ou d’une houe, le vigneron retourne le sol en profondeur (fig.113) avant de
planter les nouveaux plants (fig.47). Le pic et les houes, plates ou à crocs selon le type
de sol, sont donc mis à contribution une première fois au moment de la plantation des
ceps. Vient ensuite la taille, dont les objectifs sont multiples : « supprimer les parties
mortes du cep, éliminer les rameaux chétifs pour donner plus de force aux survivants
en leur donnant notamment une meilleure exposition solaire, enfin racler le tronc2».
Ce travail intervient en hiver, au moment du repos végétatif. Les cycles calendaires
semblent privilégier le mois de mars3 et offrent une grande quantité de représentation
de cette activité. La serpe est l’outil indispensable pour effectuer ce travail, les grands
modèles de serpes à vigne de Châtenois semblent les mieux adaptés, mais il n’est pas
exclu que les serpes à bois soient aussi employées en complément4. En effet l’absence
de dos tranchant sur les grandes serpes à vigne limite leur efficacité pour éliminer les
rameaux de gros diamètre, ce qui nécessite peut-être l’utilisation complémentaire des
1 Livre des profits champêtres et ruraux, livre 4, chapitre 9.2 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.194.3 Ibid.4 La forme de la serpe accorchée à la ceinture du vigneron des Heures de Charles d’Angoulême (fig.115) se rapproche plus de celle des serpes à bois..
Fig 113 : La plantation de la vigne, Jean Colombe, Heures de Laval, 1475, BNF Lat 920, f. 33.r.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’interprétation
148
Fig 114 :Façon et taille de la vigne, Robinet Testard, Heures de Charles d’Angou-lème, 1490, BnF, Lat 1173, f.2.
serpes à bois1. L’utilisation concomitante de deux outils de taille différente est attes-
tée dans l’iconographie2 et est donc envisageable à Châtenois. Enfin, les serpes à bois
peuvent également être employées dans la taille des échalas, grands tuteurs en bois
auxquels la vigne est liée.
La taille n’est pas l’unique activité du vigneron pendant l’hiver, il doit aussi
pratiquer les façons, seul travail qu’il répète plusieurs fois au cours de l’année. L’objec-
tif de ce travail effectué à la houe est multiple, il s’agit non seulement d’aérer le sol,
mais aussi de détruire les racines superficielles, d’éliminer les mauvaises herbes et de
favoriser l’infiltration de l’eau de pluie3. L’utilisation de la houe à crocs est peu repré-
sentée dans l’iconographie française, mais apparait dans un traité d’astrologie allemand
du XVe siècle4 5 : un vigneron en chemin vers sa vigne en porte une sur l’épaule et une
serpe dans sa main. Ce seul élément ne permet pas de conclure d’une spécificité ger-
manique, mais confirme l’emploi de tels outils pour les façons. Les cinq houes plates
et les six houes à crocs de Châtenois attestent plus probablement de ce travail que de
tout autre.Si l’on sait que les façons sont répétées plusieurs fois jusqu’à la vendange, le
nombre de répétitions semble varier selon de très nombreux facteurs, géographiques,
et météorologiques.
Dernière étape de l’année culturale, elles viennent juste après la moisson, les
1 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.200.2 Jean et Jacquelin de Montluçon, Heures de Chappes, Bourges, 1490, Paris, Arsenal, ms. 438, f. 33 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.202.4 Ibid. p.210.5 Traité d’astrologie, Cologne 1510, Paris, Bnf, All 106, f.251v.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
149
Fig 115 : Vendange à la main, mois d’octobre de la Torre d’ell Aquila de Trente, 1405
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’interprétation
150
vendanges ont lieu le plus souvent au mois de septembre. La cueillette peut s’effectuer
à la main (fig. 115), mais aussi à la serpe (fig. 116) ou au couteau. Si la serpe 31 parait
adaptée à cet usage, les autres sont peut-être un peu trop encombrantes. Après la ré-
colte, le raisin était probablement foulé et pressuré dans le proche bâtiment 801. L’utili-
sation de la hache 171 pour trancher le marc et l’extraire de la maie est une possibilité
à envisager. Une fois extrait, le jus était mis dans des tonneaux, dont la présence est
grandement soupçonnée dans la moitié ouest de la cave2. Certains outils mis au jour
ont pu servir à leur entretient sinon à leur fabrication, notamment l’herminette 133, la
scie 30 et les tarrières 147 et 148. Le maillet et la chassse destinée à placer les cerclages
de bois sont toujours représentés faits de bois3, probablement pour éviter la casse, d’où
l’absence de tels objets dans la cave du bâtiment 30 ?
3.2.3 Artisanat domestique
Les outils liés au travail du bois mentionnés ci-dessus évoquent la ton-
nellerie, mais sont également adaptés à la menuiserie et aux travaux de charpente.
Les marteaux 1 et 85 munis d’arrache-clous et les tenailles pouvaient également être
employés à ces travaux, mais aussi utilisés pour la maréchalerie. Les quatre haches de
forme simple mises au jour dans la cave étaient probablement destinées aux travaux
de bûcheronnage et de préparation du bois de chauffage (fig.117) mais inadaptées à
des travaux plus fins. La truelle, le marteau de tailleur de pierre et le burin évoquent
des travaux de maçonnerie.
Les outils non agricoles découverts à Châtenois reflètent sans doute un arti-
sanat domestique plus lié à des taches annexes qu’à une réelle activité productive.
Ils forment une réserve d’outils dans laquelle on vient piocher au gré des besoins, ce
qui n’empêche pas une certaine spécialisation. La variété et la qualité de ces outils
d’appoints dénotent une main d’oeuvre similaire, mais aussi d’une certaine aisance
économique s’il était encore besoin d’argumenter dans ce sens.
1 Nous rapellons au lecteur la présence d’un pressoir à balancier découvert à la fouille dans ce bâtiment2 KOCH (J.), Châtenois, rapport de la campagne de fouille programmée, Habitat antique, maison de Burgmann et cave viticole du second Moyen Âge, Sélestat : Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan, 2010, p.703 MANE (P.) Le travail à la campagne au Moyen Age, Piccard, Paris, 2006, p.103-104.
Le bâtiment 30 de Châtenois : L’étude
151
Fig 117 : Simon Bening, Heures à l’usage de Rome, Bruges, 1540, Additional MS 24098, f. 18v
Fig 116 :Vendange à la serpe, mois de septembre d’Heures à l’usage de Rome, Flandres, fin XVe, Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 502, f. 10.
Le bâtiment 30 de Châtenois : Conclusion
153
Conclusion et perspectives
L’objectif de ce travail était double, il s’agissait d’une part de se former à l’étude
des mobiliers métalliques et d’autre part de mieux connaitre et comprendre la vie des
hommes qui gravitaient autour du bâtiment 30, à partir des objets en fer de leur quo-
tidien. Les principales interrogations à ce sujet portaient sur les activités économiques
et sur le statut social des habitants.
L’étude du mobilier en fer a permis de préciser et de confirmer les connais-
sances apportées par la fouille et par les recherches archivistiques. Au cours du XVe
siècle, le bâtiment 30 subit des transformations qui semblent aller de pair avec l’affai-
blissement de son rôle militaire. En effet, la construction de la seconde enceinte à cette
période libère la première de ses obligations guerrières et ouvre la voie au développe-
ment d’une production viticole et agricole. Les -nouveaux- propriétaires construisent
une cave en sous-oeuvre afin d’adapter le bâtiment à une activité moins martiale : la
production de vin. Des outils liés à la viticulture sont stockés dans la cave, mais aussi
d’autres outils destinés à la céréaliculture à l’élevage d’ovins et aux travaux courants.
La vie quotidienne autour du bâtiment 30 était certainement rythmée par les différents
travaux qu’exigent ces activités tout au long de l’année. Malgré tout, les habitants du
lieu conservent un niveau de vie élevé et les aspects martiaux, bien que relégués au
second plan, n’ont pas complètement disparu. Un équipement militaire complet, mais
à priori un peu désuet, est conservé dans le bâtiment, il est constitué d’une armure, de
fers de lances et de carreaux d’arbalète. En plus des armes, tout un matériel équestre,
comprenant aussi des outils de maréchaux, atteste du rang social élevé des proprié-
taires. Cette dichotomie du mobilier pose la question du statut social des habitants et
l’on imagine, en s’aidant des données archivistiques, un propriétaire proche de l’aris-
tocratie qui réside à l’étage du bâtiment et des vignerons-paysans-bergers, employés
par le propriétaire pour cultiver ses terres, qui utilisent le sous-sol comme remise à
outil et cave à vin.
Sur un plan plus technique l’étude du mobilier a permis de soulever des ques-
tions typologiques et chronologiques concernant certains objets et les conclusions sug-
gèrent un terminus post quem au début du XVIe siècle pour l’incendie du bâtiment.
Pour autant aucune typochronologie n’a pu être établie à partir de notre corpus, tout
juste quelques tendances ont été préssenties, mais elles se heurtent pour l’instant à un
Le bâtiment 30 de Châtenois : Conclusion
154
manque de données au niveau régional.
Nous rappelons toutefois que cette étude n’est pas exhaustive et que nous
devrons mettre en parallèle nos conclusions avec celles des autres études en cours,
notamment celle concernant les fers d’huisserie et l’étude du mobilier céramique. Ce
travail de mise en commun est sur le point de commencer puisqu’une publication
monographique est prévue1. Dans cette perspective, nous envisageons de combler cer-
taines lacunes en incluant à notre étude les objets qui n’ont pas bénéficié du présent
travail, à savoir le mobilier en alliage cuivreux et la vaisselle métallique. De même,
un réexamen des objets indéterminé serait souhaitable afin d’offrir une étude la plus
complète possible.
1 Sous la direction de Jacky Koch.
156
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