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73e ANNEE - No 4206 12 OCTOBRE JOIJRNU ffRIBIJMIJI HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE URE EN CHRONIQUE JUDICIAIRE : Edmond Picard 1882 • 1899 Léon Hennebicq 1900. 1940 ÉDITEURS MAISON FERD. LARCIER, S. A. 39, rue de. Minime• BRUXELLES Cours et Conférences: La prévention des infractions involontaires. - Correspondance: Les judi- ciaires. - Bibliographie: La responsabilité des architecte et entrepreneur, de Georges Bricmont. - Thémis et les Muses. - Coups de règle. - Notes de Considérations sur la loi du 11 avril 1936 permettant au gouvernement d'interdire l'entrée en Belgique de publications étrangères obscènes <*l Depuis plus de ans, la loi du 11 avril 19 3 6 permettant au Roi d'interdire, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, l'introduction en Belgique de publications gères obscènes, est entrée en vigueur ( 1) Après que le Moniteur des 18 et 19 mai 19 3 6 l'eût publiée, celui du 4 juin 19 3 6 hliait l'arrêté royal du 12 mai 193 6 pris en vertu de l'article 1er, alinéa 2, <le cette loi : aux termes de cet arrêté royal, la liste des cations dont l'introduction en Belgique aurait été interdite, est portée à la connaissance <lu public par sa publication au Moniteur. Le ministre de l'Intérieur est .chargé de l'exécution de cet rêté royal. Dès le 2 9 mai 19 3 6 était pris le premier arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, interdisant l'introduction en Belgique <le sieurs publications étrangères. Depuis lors, vous avez eu, à maintes reprises, l'occasion d'appliquer les peines prévues à ticle 2 de la loi du 11 avril 1936. Aussi, je nullement l'intention à' exposer les principes qui régissent l'application de cet article. Qu'il me suffise de vous rappeler que les· cours et tribunaux, siégeant en matière tionnelle, auxquels sont soumises des poursuites basées sur la législation en question, n'ont pas à examiner si les publications frappées dktion à l'importation, sont ou ne sont pas obscènes. L'appréciation <lu caractère obscène ou non de la publication est, en effet, réservée au sei1 des ministres. Dans son rapport complémentaire rédigé au nom de la Commission de la Justice et de la législation civile et criminelle, de la Chambre, M. Sinzot écrit en effet : « Il ne s'agit pas <Je faire juger par les bunaux de la moralité ou de l'immoralité d'une publication ». « Le Conseil des ministres décide ment : il interdit une publication ; dès lors matiquement leur ·importation en .vue du merce ou de la distribution, leur vente, leur exposition en vente, leur distribution est un délit». Et plus loin il écrit : «Le tribunal n'a à juger ni l'interdiction, ni la publication qu'elle vise». « II doit constater que publication, bien qu'interdite, est importée, vendue ou distribuée. Et tout le délit est en cela. > ( 1). Telle était la manière de voir de M. Sinzot. (*) Traduction de la mercuriale prononcée en langue néerlandaise à l'audience solènnelle de rentrée de la Cour d'appel de Bruxelles. (1) Doc. par/., Ch., 1935-1936, n° 44· Cette manière de voir reflète en outre la volonté du législateur de 19 3 6 ( 2). Du moment que les cours et tribunaux n'ont pas à apprécier le caractère obscène ou non de la publication, l'infraction ne peut plus être un délit de presse et la compétence <le la Cour d'assises est dès lors exclue. Aussi, ceux qui enfreignent la loi du 11 avril 19 3 6 ne être cités que devant le tribunal correctionnel, ou, en .cas d'admission de circonstan.ces atténuantes, devant le tribunal de police. A cet égard, il existe donc une différence profonde entre l'infraction à la loi du 11 avril 19 3 6 et l'infraction à l'article 3 9 3 du Code pénal. Les poursuites basées sur l'article 3 8 3 du Code pénal seront, en · effet, de la compétence des ,co1,1rs d'assises du moment qu'elles visent un délit de presse, c' du moment qu'elles concernent la diffusion d'écrits imprimés ou reproduits suivant un procédé analogue à prim erie, que cette diffusion est l'ob jet même du délit et que ces écrits imprimés contiennent l'expression d'une pensée, d'une opinion ou d'un sentiment dont le caractère culpeux doit être apprécié par le juge ( 3). Du moment que la diffusion de pareils écrits réunit ces conditions ainsi que celles prévues par l'article 383 du Code pénal, il s'agit d'un délit de presse lequel relhe, conformément à l'article 9 8 de la Constitution, de la compétence du jury. Les poursuites basées sur la loi du 11 avril 19 3 6 et sur les arrêtés royaux pris pour son exécution, ne concernent par contre jamais des délits de presse, puisque les pensées, les opinions ou les sentiments exprimés dans les publications atteintes, ne doivent point être appréciés par le juge. Elles relèvent de la compétence du tribunal correctionnel, à moins que le délit ne soit, par l'admission de circonstances atténuantes, soumis au tribunal de police. Dans l'économie de la loi du 11 avril 19 3 6, il appartient donc au Conseil des ministres d' précier les idées, les opinions et les sentiments qui se manifestent dans les publications gères qui lui sont soumises et s'il les juge scènes, d'édicter la mesure préventive de terdiction à l'importation. (2) Voy. notamment Ann. par/., Ch., 4 décembre 1935 et plus spécialement les déclarationS de M. Bru- net rapportées àux pages 124 et 127. (3) Voy. Pand. pér., 1938, pp. 395 et s. (princi- palement p. 397) où sont reproduites les réquisitions prises par M. le procureur général Hayoit de Termi- court en cause : d'HOdeige et consorts, ainsi que la doctrine et la jurisprudence qui y sont citées. législation. - Echos. Si j'ai voulu rappeler ces principes, 1:' est parce que je me propose d'examiner tout d'abord pourquoi le législateur de 19 3 6 a ·réservé au Conseil des ministres l'appréciation concernant le caractère des publications étrangères qui lui sont soumises en vue <l'une mesure diction à l'importation, pour passer ensuite en revue les problèmes devant lesquels les magistrats du ministère public se trouvent placés chaque fois que leur est soumise une publication ob- scène susceptible d'être frappée d'une tion à l'importation et dont la diffusion, par ailleurs, tombe sous le coup de l'article 3 8 3 du Code pénaL Si je vous propose d'examiner ces deux ques· tions, .c'est parce que depuis quelque temps une certaine inquiétude semble s'être développée jus· qu'au sein de la magistrature même, quant à l'attitude adoptée par le ministère public dans la lutte contre l'immoralité telle que se manifeste par la diffusion dans le royaume, de livres et de périodiques scènes. La première question qui mérite d'être mmée est donc la suivante : pourquoi le gislateur de 19 3 6 réservé au Conseil des ministres l'appréciation du caractère, obscène ou non, des publications étrangères qui lui seraient soumises? Pourquoi retiré cette appréciation aux cours et tribunaux ? Sans doute, dans une grande mesure en raison de l'économie même de la loi : le fait de prendre une mesure préventive implique l'intervention non <lu pouvoir judiciaire, mais du pouvoir exécutif. On pourrait, par ailleurs, difficilement s'ima· giner qu'après que le pouvoir eûcutif aurait jugé que telle publication étrangère est obscène et aurait partant décidé de Yinterdire à portation, le pouvoir judiciaire pourrait à son tour déclarer que cette publication ne serait point obscène et pourrait ainsi prononcer un acquittement sur pied de la même loi qui avait permis d'édicter l'interdiction à l'importation. Mais il y a plus : en effet, il résulte débats parlementaires, qu'un des prindpaux cis des larges majorités qui, à la Chambre et au Sinat, ont· voté 1e -projet de loi ( 4) a été, lorsqu'elles ont confié au Conseil des ministres l'appréciation du caractère obscène ou non des publications étrangères, de prévenir des suites devant les <ours d'assises et ce, en raison des inconvénients qui s'attachent à de pareilles poursuites. On peut admettre, par ailleurs, que tout au moins au Sénat, certains de ceux qui votèrent cependant contre le projet <le loi, n'en étaient pas moins, de prévenir des poursuites en cour d assises. (4) La loi fut votée le 26 mars 1936 à la Cham- bre des représentants par 96 voix contre 62 et 1 abstention. Au Sénat, elle fut votée le 2 avril 1936 par 98 voix contre 29. Parmi les noms des sénateurs qui ont voté la loi, je me plais à relever (Ann. pari., Sénat, 2 avril 1936, p. 619) celui de M. Auguste . Vermeylen, . une des personnalités les plus mar- quantes des Lettres néerlandaises: Son «Juif. errant,. entre autres nous le révèle comme un intellectuel de toute grande classe. Auteur d'une. histoire des arts plastiques et de la peintUre en Europe, restée inache- vée, il y déploie les connaissances les plus étendues en cette. matière ainsi qu'un ·tempérament d'artiste des plus

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73e ANNEE - No 4206 12 OCTOBRE 1958~

JOIJRNU ffRIBIJMIJI HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE URE EN CHRONIQUE JUDICIAIRE :

Edmond Picard

1882 • 1899

Léon Hennebicq

1900. 1940

ÉDITEURS

MAISON FERD. LARCIER, S. A. 39, rue de. Minime•

BRUXELLES

Cours et Conférences: La prévention des infractions involontaires. - Correspondance: Les vacance~ judi­ciaires. - Bibliographie: La responsabilité des architecte et entrepreneur, de Georges Bricmont. -Thémis et les Muses. - Coups de règle. - Notes de

Considérations sur la loi du 11 avril 1936 permettant au gouvernement d'interdire

l'entrée en Belgique de publications étrangères obscènes <*l

Depuis plus de vingt~<leux ans, la loi du 11 avril 19 3 6 permettant au Roi d'interdire, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, l'introduction en Belgique de publications étran~ gères obscènes, est entrée en vigueur ( 1) •

Après que le Moniteur des 18 et 19 mai 19 3 6 l'eût publiée, celui du 4 juin 19 3 6 pu~ hliait l'arrêté royal du 12 mai 193 6 pris en vertu de l'article 1er, alinéa 2, <le cette loi : aux termes de cet arrêté royal, la liste des publi~ cations dont l'introduction en Belgique aurait été interdite, est portée à la connaissance <lu public par sa publication au Moniteur. Le ministre de l'Intérieur est .chargé de l'exécution de cet ar~ rêté royal.

Dès le 2 9 mai 19 3 6 était pris le premier arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, interdisant l'introduction en Belgique <le plu~ sieurs publications étrangères.

Depuis lors, vous avez eu, à maintes reprises, l'occasion d'appliquer les peines prévues à l'ar~ ticle 2 de la loi du 11 avril 1936.

Aussi, n'ai~ je nullement l'intention à' exposer les principes qui régissent l'application de cet article.

Qu'il me suffise de vous rappeler que les· cours et tribunaux, siégeant en matière carree~ tionnelle, auxquels sont soumises des poursuites basées sur la législation en question, n'ont pas à examiner si les publications frappées d'inter~ dktion à l'importation, sont ou ne sont pas obscènes.

L'appréciation <lu caractère obscène ou non de la publication est, en effet, réservée au Con~ sei1 des ministres.

Dans son rapport complémentaire rédigé au nom de la Commission de la Justice et de la législation civile et criminelle, de la Chambre, M. Sinzot écrit en effet :

« Il ne s'agit pas <Je faire juger par les tri~ bunaux de la moralité ou de l'immoralité d'une publication ».

« Le Conseil des ministres décide souveraine~ ment : il interdit une publication ; dès lors auto~ matiquement leur ·importation en .vue du corn~ merce ou de la distribution, leur vente, leur exposition en vente, leur distribution est un délit».

Et plus loin il écrit : «Le tribunal n'a à juger ni l'interdiction, ni la publication qu'elle vise».

« II doit constater que là publication, bien qu'interdite, est importée, vendue ou distribuée. Et tout le délit est en cela. > ( 1).

Telle était la manière de voir de M. Sinzot.

(*) Traduction de la mercuriale prononcée en langue néerlandaise à l'audience solènnelle de rentrée de la Cour d'appel de Bruxelles.

(1) Doc. par/., Ch., 1935-1936, n° 44·

Cette manière de voir reflète en outre la volonté du législateur de 19 3 6 ( 2).

Du moment que les cours et tribunaux n'ont pas à apprécier le caractère obscène ou non de la publication, l'infraction ne peut plus être un délit de presse et la compétence <le la Cour d'assises est dès lors exclue.

Aussi, ceux qui enfreignent la loi du 11 avril 19 3 6 ne peuvent~ils être cités que devant le tribunal correctionnel, ou, en .cas d'admission de circonstan.ces atténuantes, devant le tribunal de police.

A cet égard, il existe donc une différence profonde entre l'infraction à la loi du 11 avril 19 3 6 et l'infraction à l'article 3 9 3 du Code pénal.

Les poursuites basées sur l'article 3 8 3 du Code pénal seront, en · effet, de la compétence des ,co1,1rs d'assises du moment qu'elles visent un délit de presse, c' est~à~dire du moment qu'elles concernent la diffusion d'écrits imprimés ou reproduits suivant un procédé analogue à l'im~ prim erie, que cette diffusion est l'ob jet même du délit et que ces écrits imprimés contiennent l'expression d'une pensée, d'une opinion ou d'un sentiment dont le caractère culpeux doit être apprécié par le juge ( 3).

Du moment que la diffusion de pareils écrits réunit ces conditions ainsi que celles prévues par l'article 383 du Code pénal, il s'agit d'un délit de presse lequel relhe, conformément à l'article 9 8 de la Constitution, de la compétence du jury.

Les poursuites basées sur la loi du 11 avril 19 3 6 et sur les arrêtés royaux pris pour son exécution, ne concernent par contre jamais des délits de presse, puisque les pensées, les opinions ou les sentiments exprimés dans les publications atteintes, ne doivent point être appréciés par le juge.

Elles relèvent de la compétence du tribunal correctionnel, à moins que le délit ne soit, par l'admission de circonstances atténuantes, soumis au tribunal de police.

Dans l'économie de la loi du 11 avril 19 3 6, il appartient donc au Conseil des ministres d' ap~ précier les idées, les opinions et les sentiments qui se manifestent dans les publications étran~ gères qui lui sont soumises et s'il les juge ob~ scènes, d'édicter la mesure préventive de l'in~ terdiction à l'importation.

(2) Voy. notamment Ann. par/., Ch., 4 décembre 1935 et plus spécialement les déclarationS de M. Bru­net rapportées àux pages 124 et 127.

(3) Voy. Pand. pér., 1938, pp. 395 et s. (princi­palement p. 397) où sont reproduites les réquisitions prises par M. le procureur général Hayoit de Termi­court en cause : d'HOdeige et consorts, ainsi que la doctrine et la jurisprudence qui y sont citées.

législation. - Echos.

Si j'ai voulu rappeler ces principes, 1:' est parce que je me propose d'examiner tout d'abord pourquoi le législateur de 19 3 6 a ·réservé au Conseil des ministres l'appréciation concernant le caractère des publications étrangères qui lui sont soumises en vue <l'une mesure d'inter~ diction à l'importation, pour passer ensuite en revue les problèmes devant lesquels les magistrats du ministère public se trouvent placés chaque fois que leur est soumise une publication ob­scène susceptible d'être frappée d'une interdic~ tion à l'importation et dont la diffusion, par ailleurs, tombe sous le coup de l'article 3 8 3 du Code pénaL

Si je vous propose d'examiner ces deux ques· tions, .c'est parce que depuis quelque temps une certaine inquiétude semble s'être développée jus· qu'au sein de la magistrature même, quant à l'attitude adoptée par le ministère public dans la lutte contre l'immoralité telle que ·celle~ci se manifeste notamme~t par la diffusion dans le royaume, de livres et de périodiques ob~ scènes.

La première question qui mérite d'être exa~ mmée est donc la suivante : pourquoi le lé~ gislateur de 19 3 6 a~t~il réservé au Conseil des ministres l'appréciation du caractère, obscène ou non, des publications étrangères qui lui seraient soumises? Pourquoi a~t~il retiré cette appréciation aux cours et tribunaux ?

Sans doute, est~ce dans une grande mesure en raison de l'économie même de la loi : le fait de prendre une mesure préventive implique l'intervention non <lu pouvoir judiciaire, mais du pouvoir exécutif.

On pourrait, par ailleurs, difficilement s'ima· giner qu'après que le pouvoir eûcutif aurait jugé que telle publication étrangère est obscène et aurait partant décidé de Yinterdire à l'im~ portation, le pouvoir judiciaire pourrait à son tour déclarer que cette publication ne serait point obscène et pourrait ainsi prononcer un acquittement sur pied de la même loi qui avait permis d'édicter l'interdiction à l'importation.

Mais il y a plus : en effet, il résulte d~ débats parlementaires, qu'un des prindpaux sou~ cis des larges majorités qui, à la Chambre et au Sinat, ont· voté 1e -projet de loi ( 4) a été, lorsqu'elles ont confié au Conseil des ministres l'appréciation du caractère obscène ou non des publications étrangères, de prévenir des pour~ suites devant les <ours d'assises et ce, en raison des inconvénients qui s'attachent à de pareilles poursuites.

On peut admettre, par ailleurs, que tout au moins au Sénat, certains de ceux qui votèrent cependant contre le projet <le loi, n'en étaient pas moins, pr~occupés de prévenir des poursuites en cour d assises.

(4) La loi fut votée le 26 mars 1936 à la Cham­bre des représentants par 96 voix contre 62 et 1 abstention. Au Sénat, elle fut votée le 2 avril 1936 par 98 voix contre 29. Parmi les noms des sénateurs qui ont voté la loi, je me plais à relever (Ann. pari., Sénat, 2 avril 1936, p. 619) celui de M. Auguste . Vermeylen, . une des personnalités les plus mar­quantes des Lettres néerlandaises: Son «Juif. errant,. entre autres nous le révèle comme un intellectuel de toute grande classe. Auteur d'une. histoire des arts plastiques et de la peintUre en Europe, restée inache­vée, il y déploie les connaissances les plus étendues en cette. matière ainsi qu'un ·tempérament d'artiste des plus aut~entiques.

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Les débats qui ont procédé le vote de la loi du 11 avril 19 3 6 au Sénat permettent en tout cas d'affirmer que si notamment M. H. Rolin a voté contre le projet de loi, il agit de la sorte parce que le projet confiait au Con­seil des ministres le soin d'apprécier le carac­tère obscène des publications étrang~res, alors qu'il eût préféré que cette appréciation fût con­fiée à une Commission dont la raison d'être eût été d'émettre des avis concernant le carac­tère réel des publications étrangères qui lui se­raient soumises.

Quels sont aux yeux du législateur de 19 3 6 les inconvénients graves qui en matière de dif­fusion de publications contraires aux bonnes mœurs s'attachent à des poursuites en cours d'assises ?

On peut les résumer comme suit : rr inconvénient: le retard apporté à l'exercice

de l'action publique en raison du caractère com­pliqué d'une poursuite en cours d'assises ;

2" inconvénient : la large publicité assurée à pareille procédure, publicité que n'empêchera même pas le huis clos, publicité qui est parti­culièrement peu souhaitable dès qu'il s'agit de poursuites du chef de la diffusion d'imprimés obscènes ou contraires aux bonnes mœurs ;

3" inconvénient : le danger d'acquittement ré­sultant notamment du fait que l'attention du jury est facilement détournée de l'objet même des poursuites pour s'attacher à des éléments tantôt extérieurs aux poursuites, tantôt étran­gers à l'appréciation du caractère de l'imprimé qui lui est soumis ou encore pour se concré­tiser essentiellement autour de la personne du délinquant ( 5).

Enfin, désavantage inhérent celui-ci non seu­lement aux poursuites devant la Cour d'assises mais à toutes poursuites répressives lorsqu'on les confronte avec les avantages que présentent des mesures préventives : il s'àgit de la portée relativement minime d'une sanction appliquée en la matière qui nous occupe surtout, alors que l'hygiène .morale du pays exige que soit prise rapidement une mesure radicale tendant à prévenir mal.

Les inconvénients que je viens d'énumérer comme ayant retenu l'attention particulière du législateur sont les mêmes qu'examinait M. le procureur général Meyers dans le discours qu'il prononça le 1er octobre 19 24 à l'audience de rentrée de la Cour d'appel de Liège, discours dans lequel il traitait de la répression de la pornographie, ce à propos d'une interpellation qui avait eu lieu à la Chambre des représentants au mois d'avril de la même année ( 6) .

A cette o,ccasion, M. le procureur général Meyers exposait d'une manière saisissante les dif­ficultés considérables auxquelles se heurtent les parquets lorsqu'armés seulement de l'article 3 8 3 du Code pénal, complété depuis lors par la loi du 14 juin 1926, ils sont appelés à com­battre l'immoralité teHe qu'elle se manifeste notamment par la diffusion d'écrits, imprimés ou non, de figures ou d'images contraires aux bonnes mœurs. Dans le cadre de cet exposé général il ne manqua pas d'insister tout parti­culièrement ·sur les inconvénients inhérents aux poursuites -chaque fois que l'infraction à l'ar­ticle 3 8 3 du Code pénal se manifeste par un délit de presse et que partant, conformément à l'article 9 8 de la Constitution, les pour­suites ne peuvent être portées que devant le jury (7).

(5) Cf. discçmrs prononcé par· M. Tahon, pro­cureur général près la Cour d'appel de Liège, le 15 septembre 1950 : c Quelques réflexions sur la Cour d'assis.es en matière criminelle "• p. 6. Or, il (le juge d'instruction) sait que si l'accusation porte son effort sur les éléments probatoires du crime, la défense se détournera généralement de ce point de vue qui lui est d'ordinaire défavorable, pour centrer le débat sur la personnalité du criminel.

(6) Voy. le discours c La répression de la porno­graphie ,. de· M. le procureur général Meyers, p. 22 et Ann. pari., Ch.; 8-29 et 30 avril 1924.

( 7) Discours. c La répression . de la pornographie ,., pp. 17 et s.

Parmi les membres des Chambres législatives qui prirent une part prépondérante aux dis­cussions du projet de loi soumis au Parlement, plusieurs signalèrent à leur tour, tantôt tel, tantôt trel autr!:! de ces indonvénients,, pour aboutir à la conclusion qu'en raison de ceux-ci, il était préférable de confier . au Conseil des ministres, plutôt qu'à un jury - qui demeure compétent en cas de poursuite - le soin de juger de l'obscénité d'une publication étran­gère.

Je ne puis, à l'appui de cette affirmation, que vous citer certains passages des débats par­lementaires qui me paraissent particulièrement caractéristiques. Tout en les isolant du contexte général, je ne crois pas avoir faussé leur portée exacte.

A la séance de la Chambre des représentants du 4 ·décembre 1935, M. Kamiel Huysmans exposa longuement sa manière de voir au sujet soumis à cette assemblée.

Après avoir signalé que dans les grandes villes il y avait de véritables dépôts de pu­blications n'ayant rien de commun avec la lit­térature, il se demanda ce qu'il fallait entendre par le mot « obscène ». A ce propos, il déclara notamment:

« Qui songe à interdire le transport des Con­tes de La Fontaine ? Qui songe à interdire le transport du Cantique des Cantiques ? C'est don-c l'interprétation du mot «obscène» qui est dangereuse '>.

« Mais nous avons des garanties. Nous avons une première garantie qui est indiquée dans le projet de loi : C'est le Conseil des ministres. Cette mesure est sage. Je préfère le Conseil des ministres à tout autre collège. Tout d'abord, il a sa responsabilité. Mais il y a autre chose : Nous avons le droit d'interpellation et de con­trôle».

Le ministre de la Justice, M.. Soudan, se rallia à cette manière de voir.

A la séance du 19 mars 193 6, M. Huys­mans intervint à nouveau pour affirmer: « Sous le régime actuel, le mai se répand à cause de la procédure » et il illustra cette affirmation lorsque répondant à un adversaire du projet de loi, M. Jennissen, il déclara que la procédure devant la Cour d'assises est trop compliquée et aboutit trop souvent à des acquittements pour pouvoir donner des résultats appréciables ( 8).

A la séance du 2 avril 19 3 6, la seule que le Sénat consacra à la loi, le Père Rutten ré­suma la manière de voir de M. K. Huysmans en la faisant sienne.

Il déclara ( 9) : « Le bourgmestre actuel d'An­vers qui ne me paraît pas disposé à transfor­mer notre métropole en béguinage, a reconnu lui-même que dans de nombreuses librairies de la métropole on trouve des publications à bon marché qui constituent un danger permanent pour la sant~ morale et physique de la jeunesse ». Et il ajouta, ce qui est l'évidence même : «Dans le 'cas qui nous occupe, mieux vaut l'intervention des ministres aue celle des magis­trats parce qu'on n'en finira jamais s'il faut continuer à recourir à la proc~dure en Cour d'assises pour réprimer toutes les brochures mal­saines qu'on répand dans le pays ».

< Et je ne parle même pas de ta publicité dangereuse, déclarait le Père Rutten, qu'impli­que la procédure en Cour d'assises. Aucun de nous n'ignore que la perspecr.ive de cette pu­bli<ité empêche trop souvent les magistrats de poursuivre des œuvres qu'ils jugent condam­nables».

Et M. 'P.E. Janson de l'appuyer en décla­rant dans une interruption : « c'est une réclame pour l'œuvre que d'être condamnée par le jury de la Seine '>.

Dans le discours qu'il prononça dans la suite à la même séance pour défendre le projet de loi dont, avec M. Pierlot, il avait été l'auteur lorsqu'en 19 3 4 il était ministre de la Justice, M. P.E. Janson posa la question «Mais pour­quoi, dira-t-on, ne laissez-vous pas agii: les par-

(8) Ann. pari., 4 déc. 1935, pp. 122-123 et

19 mars, 1936, p. 892. (9) Ann'. pari., Sénat, 2 avril 1936, p. 6n.

quets ? » et il y répondit « Il suffit ·de causer avec des magistrats pour apprécier les difficultés pratiques considérables que représente une pour­suite : la mobilisation de la Cour d'assises pour condamner un ouvrage, surtout que l'accusé se présente parfois sous un aspect plus ou moins intéressant » ( 10).

Afin d'éviter le recours à la proc-édure en Cour d'assises à la fois longue, compliquée et incertaine, M. P.E. Janson réclamait «une me­sure radicale» c'est-à-dire l'appréciation du ca­ractère obscène des publication étrangères par le Conseil des ministres, dont la décision se concrétiserait dans un arrêté r()yal d'interdiction à l'importation.

Tel était l'avis de celui qui en tant que ministre de la Justice avait pris l'initiative du projet.

L'avis du ministre de la Justice de l'époque, M. Soudan, n'était guère différent.

Je me bornerai à dter ce passage du discours qu'il prononça au Sénat (11) :

« Lorsqu'il s'agit d'appliquer les articles 3 8 3 et suivants du Code pénal, le tribunal correc­tionnel est compétent s'il s'agit d'images ( 12).

»Dès qu'il s'agit au contraire d'un écrit, c'est la Cour d'assises qui doit se prononcer. Celle-ci est composée de douze braves gens, car ce sont douze honorables citoyens qui vont juger. Ils jugeront comme un Consèil des mi­nistres, ·comme des fonctionnaires, comme ceux qui ont à protéger la jeunesse et sa moralité. Mais en Cour d'assises, vous aboutirez très souvent à des acquittements parce que, comme M. Janson vient de vous le dire. il y a toutes sortes d'à côtés, parce que très souvent l'éditeur ou le vendeur n'ont pas lu l'ouvrage incriminé, parce que toutes sortes de considérations feront que le coupable ne sera pas puni ».

Point n'est besoin de plus .d'exemples, je pense, pour vous convaincre que le législateur de 19 3 6 a été profondément impressionné par les inconvénients qu'il considérait comme inhé­rents à des poursuites devant la Cour d'assises.

En ce qui concerne enfin l'avantage qu'il y avait d'introduire à côté de mesures répres­sives, une mesure préventive, les auteurs du pro­jet de loi, les ministres P.E. Janson et Pierlot, le soulignaient dans l'exposé des motifs qui ac­compagnait ce projet, lorsqu'ils écrivaient :

« La défense d'importation. présente égale­ment un intérêt à l'égard des publications dé­lictueuses : sans doute, _pareilles publications ne peuvent circuler en Belgique sans risque de pour­suites. Mais en l'absence de dispositions en in­terdisant l'importation, la circulation n'en pour­ra généralement être entravée que par une pour­suite pénale exercée en raison même de la pu­blication. Il se pourra que cette poursuite ne soit intentée que lorsque l'écrit aura déjà été répandu » ( 1 3) .

Il résulte bien des travaux préparatoires de la loi du 11 avril J 93 6 que le législateur lui aussi a estimé que lorsque cette poursuite doit être port~e devant la Cour d'assises, l'écrit pour­ra être répandu à profusion avant que n'inter• vienne une condamnation et qu'à cette situation il y ava·it lieu de porter remède.

* **

C'est à dessein que j'ai cité les interventions aux débats de personnalités éminentes du Par­lement appartenant à d~s partis différents et pouvant, dès lo·rs, être considérées comme les représentants les plus qualifiés de la Nation.

(1o) Ann. pari., Sénat, 2 avril 1936, p. 614• (II) Ann. pari., Sénat, 2 avril 1936, p. 615. ( 12) Cette solution est fondée sur les arrêts de la

Cour de cassation des 28 mars 1839, Pas., 1, 55; -10 oct. 1887, Pas., 1, 368; - 17 mars 1890, Pa.r., 1, 117; - 15 mars 1897, Pas., 1, 115, ainsi que sur l'enseignement de: Haus, Principu ·généraux de droit pénal, 29 éd., 1874, n° 377bi.r; - Ch. Laurent, Etude.r sur les délits d~ presse, p. 213; - Nypels et Servais, t. Il, p. 523, n° 13.

(13) Doc. pari., 1933-1934, n° 194, av~nt-dernier alinéa de l'expoSé des motifs.

Toutes prirent une part importante à la dis~ cussion du projet de loi qui devait devenir la loi du 11 avril 1936.

Il ·résulte de ces interventions que si le dé~ placement du pouvoir d'appréciation concernant le caractère réel d'une publication étrangère fut opéré en faveur d'u Conseil des ministres, ce déplacement se présente comme répondant à un des soucis majeurs du législateur de 193 6.

Il ne se concevrait point que les membres des deux assemblées parlementaires qui ont par~ ticipé au vote de la loi, eussent pu perdre cet aspect du problème de vue. Celui-ci a sans con­teste joué un rôle déterminant dans l'esprit de ceux qui votèrent la loi.

Il n'est pas téméraire d'affirmer que non seu~ lement cet aspect a retenu l'attention de ceux qui votèrent la loi au Sénat, mais que parmi les sénateurs qui se prononcèrent contre la loi, cer­tains étaient tout aussi défiants en ce qui con­cerne l'intentement des poursuites en Cour d'as­sises.

Il convient à cet égard de s'arrêter un instant aux arguments développés à la Chambre des représentants par les membres de cette assemblée qui combattirent le projet.

Leur argumentation peut se résumer comme suit : « Si le projet de loi en discussion n'est point inconstitutionnel, en ce sens que la li­berté de la presse fait partie des droits garantis aux seuls Belges et que seules des publications étrangères sont exposées à une mesure d'inter~ diction, il ri' en reste pas moins qu'une mesure d'interdiction à l'importation de publications étrangères implique dans une certaine mesure, le rétablissement d'une censure préventive. Or, cette censure sera exercée, dans la réalité des choses, non point par le Conseil des ministres mais par un fonctionnaire ministériel ».

Deux citations illustreront cette appréhension. Le 4 décembre 19 3 5, M. Marcel-Henri Jas­

par déclarait à la Chambre : « mais comment ferez-vous la distinction infiniment difficile en~ tre l'art et la pornogt;aphie ? Qui d~cidera ? Les ministres ? Mais non, ce seront les fonction­naires car les ministres n'auront pas le temps de lire toutes les publications mises en cause. En fait, les fonctionnaires seront juges et ils jugeront selon leur opinion politique » ( 14).

Par ailleurs, le 19 mars 19 3 5, M. J ennissen déclarait à cette même tribune : «Je ne dis pas que ce projet de loi est inconstitutionnel, je dis qu'il est insolite, qu'il est contraire à toutes nos habitudes. Qu'est-ce, en effet, qu'il y a au fond de la Constitution concernant la liberté de la presse ? Quelle est la juridiction à laquelle elle est soumise ? C'est la juridiction de la Cour d'assises ».

c Or, cette juridiction est supprimée par le projet d~ loi actuel en ce qui concerne les pu­blications étrangères. Le projet est donc tout à fait insolite. La Cour de cassation, par un arrêt du 12 mai 19 3 0, considère comme délit de presse toute infraction résultant de la pensée coupable d'un écrit imprimé et publié ( 15). Voilà donc notre sauvegarde : c'est la Cour d'assises qui doit juger de l' existen·ce de ce d'élit ).

Et abordant ensuite la question de la déli­bération en Conseil des ministres, il déclara :

c Voilà donc la première hypothèse : les mi­nistres délibèrent, toutes affaires cessantes, sur les publications étrangères. En fait, cela ne se passera pas ainsi. C'est un fonctionnaire, un monsieur inconnu, un homme de bureau qui sera chargé de l'examen des publications étran­gères:).

Et j} finit par conclure : « Ce travail ap­partient à la magistrature. A chacun son mé­tier» ( 16).

La Commission de l'Intérieur du Sénàt qui s'était réunie le 1"" avril 19 3 6 ( 17) a fait écho à ces considérations. On lit dans le rap­port que son rapporteur M. Misson élabora :

c Des membres d~ votre Commission, tout en se déclarant hostiles à la diffusion des pu-

(14) Ann. pari., Ch., 4 déc. 1935, p. 121. (15) L'arrêt de la. Cour de cassation dont il s'agit

a été publié aux pages 211 et s. de la Pasicri.sie, . 1930, t. 1er.

blications obscènes, ont objecté, comme on l'avait fait à la Chambre des représentants, les inconvénients graves à leurs yeux qu'implique­rait l'introduction en Belgique, d'une censure préventive ... ».

Et je lis quelques lignes plus loin : «Comme on ne voit pas, dans la pratique,

le Conseil des ministres trouver le temps d' exa­miner à fond toutes les publications suspectes venant de l'étranger, sous des titres variés et successivement modifiés, votre Commission sou­haite qu'il ne se borne pas à charger· un ou plusieurs fon1ctionnaires de lui (faire rapport à ce sujet. Elle préfèrerait qu'il confie plutôt cette mission à une Commission restreinte qui pourrait par exemple être composée par moitié de parlementaires et par moitié d'artistes et de littérateurs et dans laquelle seraient représentées les diverses opinions ».

Et enfin : « Votre Commission n'a pas cru opportun d'introduire à cet effet un amende­ment qui impliquerait le renvoi à la Chambre et par conséquent, l'impossibilité d'aboutir avant longtemps. C'est pourquoi elle se borne à de­mander au Gouvernement une déclaration ras­surante à ce sujet».

Qu'il me suffise de rappeler que le Moniteur du 23 avril 1936 allait publier l'arrêté royal du 1 3 avril 19 3 6 portant dissolu i:ion des Chambres législatives et convocation dts collè­ges électoraux.

A la séance du Sénat du 2 avril 19 3 6, le rapport dont je vous ai lu des extraits venait à peine d'être distribué lorsque les débats s'en­gagèrent.

Je vous ai cité des extraits des discours pro­noncés au cours de ces débats, notamment par MM. P.E. Janson et Soudan et par le Père Rutten, tous partisans du projet de loi.

M. Catteau, adversaire du projet, y reprit le point de vue développé à la Chambre des représentants par MM. Marcel-Henri Jaspar et Jennissen.

Il déclara notamment : « A mon avis, la question relève des parquets, des magistrats et nullement du Conseil des ministres » ( 18) ce qui revient à dire que M. Catteau préfère à l'appréciation du Conseil des ministres, celle de la Cour d'assises.

Par contre, M. Henri Rolin proposa un amendement prévoyant la création d'une Com­mission consultative appelée à donner son avis au ministère de l'Intérieur sur le èaractère des publications étrangères qui lui seraient soumises, commission dont la composition et la procé­dure auraient dû être réglées par arrêté royal et devant laquelle les droits de la défense auraient dû être respectés ( 19) .

M. Rolin aussi semble donc bien s'être défié du jury de la Cour d'assises, défiance qui à cette époque s'est manifestée du reste ailleu.rs qu'au Parlement ( 20).

~on vote hostile au projet de loi ne traduit donc guère un ·ralliement à là manière de voir exprimée par son collègue M. Catteau.

( 16) Ann. par!., 19 mars 1936, pp. 890 et 891. (17) Doc. par!., 1935-1936, Sénat, rapport n° 149· ( 1 8) Ann. par/., Sénat, 2 avril 1936, p. 612. ( 19) Voy. Ann. parl., Sénat, 2 avril 1936, p. 615. L'amendement de M. Rolin _ différait profondé-

ment du projet de loi en discussion. Il était libellé comme suit : « Le Roi pourra, par arrêté royal pris sur l'avis du ministre de l'Intérieur, interdire comme contraire aux bonnes mœurs, l'introduction en Bel~ gique de publications étrangères. ,

c Un tel arrêté ne pourra être pris que sur avis conforme d'une Commission consultative dont la composition et la procédure seront réglées par arrêté royal. Le respect des droits de la défense y sera assuré.,

( 20) Voy. quant à la tendance à se défier du jury à cette époque (1936~1937), la fin des réqui~ sitions (déjà citées) de M. le procureur général Hayoit de Termicourt; en cause: de Hodeige. -Voy. aussi le rapport de la Commission d'Etude pour la réforme de l'Etat : Réforme de la procé­dure, t. III, p. 7, ainsi que le discours c Les Juges d'un peuple libre, du premier avocat général près la Coùr de cassation, M. J. Jottrand, prononcé à l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cas­sation en 1932, p. 29.

548

Vous avez pu constater. que, renonçant à introduire un amendement pour les motifs que je vous ai indiqués, la Commission du Sénat avait demandé au Gouvernement une déclara­tion rassurante quant à la manière dont les revues incriminées seraient examinées.

Le ministre de la Justice, M. Soudan, déclara à ce.t égard au Sénat ( 21) :

« Quelle garantie le projet offre-t-il ? M. Rolin a parlé <!es droits de la défense. Y en a-t-il une meilleure que celle-ci :

» Le projet prévoit qu'un arrêté royal dé­terminera les conditions dans lesquelles les in­téressés connaîtront les interdictions, c'est-à-dire que dès que l'on aura pris une d~cision d'In­terdiction, le Parlement en sera avisé. Peut-on concevoir· meilleur moyen de défense que le recours au Parlement où députés et sénateurs seront sollicités de défendre ceux qui seraient frappés injustement ».

Il va sans dire que si un membre du Par­lement estimait qu'un gouvernement mécon­naissait l'intention du législateur de 193 6 non par excès de sévérité mais en se montrant trop large à son sens, c'est-à-dire en négligeant d'in­terdire l'importation de publications étrangères notablement obscènes, il pourrait également user de son droit d'interpeller le Gouvernement.

Ce droit est inhérent au contrôle que le pouvoir législatif exerce sur l'activité du pou­voir ex~cutif.

Je crois donc pouvoir conclure que le l~gis­lateur de 193 6 a nettement manifesté sa vo­lonté d'accorder sa préférence pour apprécier le caractère obscène d'une publication étrangère, au Conseil des ministres plutôt qu'à la Cour d'assises .et qu'il l'a fait essentiellement en raison des inconvénients de tous genres que présentent des poursuites devant cette cour.

La possibilité d'interpeller au Parlement au cas où le gouvernement ferait un usage abusif de la loi du 11 avril 193 6 a, par ailleurs, retenu l'attention toute spéciale de ce même législateur.

II n'est sans doute pas sans intérêt d' exa­miner à cet endroit quel est l'usage que les gouvernements ont fait de la loi dont il s'agit.

Avant la deuxième guerre mondiale, trois arrê­tés royaux furent pris par le gouvernement, res­pectivement les 29 mai 1936, 19 décembre 1936 et 21 juin 19 3 7 ( 2 2).

Ces arrêtés concernaient 24 publications pé­riodiques.

Pendant l'occupation, la loi du 11 avril 193 6 ne put être appliquée en fait, le gouvernement se trouvant à l'étranger.

Après la libération, cinq arrêtés furent pu­bliés sous la signature du Prince Régent, res­pectivement en 1948, 1949 et 1950, tandis que six arrêtés royaux furent publiés dans la suite respectivement en 1952, 1953 et 1954. Le dernier porte la date du 10 avril 1954 ( 23).

Ces onze arrêtés publiés depuis la libération du territoire concernent trente-neuf périodiques et soixante-neuf livres, soit ensemble 108 pu­blications étrangères.

Depuis 22 ans que la loi est en vigueur, 132 publications furent ainsi interdites à l'Im­portation ( 24) .

(21) Atm. parl., 2 avril 1936, p. 615. (22) Voy. Moniteurs des 6 juin 1936, 23 déc.

1936 et 25 juin i937. (23) Voy. arr. Rég., 28 janv. 1948, Mon., 4 févr.

1948; - Arr. Rég., 30 sept. 1948, Mon., 4 et 5 oct. 1948; - Arr. Rég., 10 mai 1949, Mon., 4 juin 1949; - Arr. Rég., 6 juill. 1949, Mon., 13 juill. 1949; _.:_ Arr. Rég., 21 juin 1950; ~ Mon., 6 juill. 1950; - Arr. roy., 15 juill. 1952, Mon., 28~29 juill. 1952; - Arr. roy., 29 nov. 1952, Mon., 14 déc. 1952; - Arr. roy., 10 mars 1953, Mon., 21 mars 1953; - Arr. roy. 3 août 1953, Mon., 12 août 1953; - Arr. roy., 14 janv. 1954, Mon., 25-:26 janv. 1954 et Arr. roy., 10 avr. 1954, Mon., 30 avr. 1954·

(24) Il n'est cependant pas sans intérêt de signa­ler que de 1914 à 1936, donc pendant une période qui s'étend éga'lement sur 22 années, période com­portant par ailleurs également 4 années d'occupa­tion, les Cours d'assises des provinces d'Anvers, de Brabant et de Hainaut ont déclaré contraires aux

544'

Je ne crois pas me tromper en affirmant q_u'à ce jour les gouvernements. qui se sont suc­cedé, n'ont pas été interpell.és . · au Parlement quant à l'usage qu'ils ont fait de la ·loi du II avril 1936 (25). ·

Permettez-moi, avant d'aborder la 2e partie de ce propos, de vous faire part d'une double question que je me suis posée en examinant les travaux préparatoires de cette loi.

Si le projet de loi qui devint cette loi, n'avait point été soumis au Parlement ·à la fin d'une législature, la Commis~ion sénatoriale qui eut à examiner le projet voté par la Chambre n'eût-elle pas concrétisé le vœu qu'elle émit sous la forme d'un amendement ?

Et si, sans que l'on eût été pressé par le temps, pareil amendement eût été intrOiduit, celui-ci n'eût-il pas eu beaucoup de chances d'être voté ?

Ce qui en tout cas me paraît certain, c'est que si la création d'une commission consul­tative avait été prévue par la loi du 11 avril 19 3 6, celle-ci eût été votée à une plus forte ma­jorité.

Et sans doute l'institution de pareille com­mission eût-elle comporté bien des' avantages.

Rappelons-nous le vœu énüs par la Com­missio-n du Sénat qui ne s'imaginait point le Conseil des ministres délibérant toutes affaires cessantes au sujet de publications étrangères en vue de déterminer si elles sont ou hon obscènes et partant s'il y a lieu d'interdire leur impor­tation en Belgique.

Or, ne l'oublions pas, ce que le législateur tout comme le gouvernement de 193 6 envisa­geait, c'était fintroduction d'une mesure d'hy­giène morale à la fois radicale et rapide.

La tâche d'un gouvernement est lourde. De­puis 19 3 6, elle s'est encore alourdie. Un Con­seil de ministres doit faire face à des problèmes ar~us, complexes, de plus en plus nombreux, de plus en plus hétéroclites.

Moins qu'en 1936, on s'imagine de nos jours un Conseil des ministres délibérant toutes affaires cessantes sur la nécessité d'interdire telle ou telle publication étrangère qui lui est sou­mise aux fins de déterminer si elle est effective­ment obscène.

'Pareille tâche entre, par contre, parfaitement

bonnes mœurs, 1 go publications. Des poursuites exercées en 1941 devant la Cour d'assises du Bra­bant aboutirent, par ailleurs, à un verdict de con­damnation visant 27 autres publications.

Il va sans dire que parmi ces 217 publications, il n'y avait pas que des publications étrangères. Un très grand nombre d'entre elles étaient cependant étrangères.

(25) La seule réaction· enregistrée sur le plan parlementaire à ce jour semble être la question posée par la voie des questions et réponses déposées le r6 août 1957 sur le bureau de fa Chambre des représentants, par M. Parisis, et adressée à la fois au ministre de la Justice ·et au ministre de l'Inté­rieur (voy. Questions et réponses. Ch. des repr., session ordinaire, 1956-1957, n° 39, p. 1415, avec la réponse du ministre de l'Intérieur et n° 40, p. 1445, avec la même réponse donnée par .le ministre de la Justice). La question tendait à savoir si l'adminis­tration s'abstient actuellement de proposer des inter­dictions à l'importation basées sur la loi du II avril 1936 «sous le prétexte que la indùre d'interdiction jouerait à rebours et constituerait· Ù~e réclame pour ces publications obscènes "· M. Parisis demandait par

· la même occasion à connaître le riombre de publi­cations qui ont fait l'objet de pareille interdiction depuis le rer janvier 1955. .

Voici la réponse : « Il est exact que le gouvernement a estimé qu'il

y avait lieu. de faire une application plus modérée de la loi du II avril 1936, en raison du fait d'une part. que l'assainissement auquel il avait été procédé pouvait apparaître comme suffisant et. que d'autre part, la publicité à laquelle les interdictions don­neraient lieu, constituait en elle_-même un danger .t. Elle se termine en signalant que le problème fait actuellement l'objet d'un nouvel" èxamen 'à là lu­mière des . renseignements qui . ont été recueillis auprès des autorités judiciaires.

dans les attributions d'une Commission qui non seulement n'aurait . qu'à se préoccuper de cette question mais qui, au vœu de la Com­mission du Sénat eût été composée de repré­sentants des diverses opinions, reflétant ainsi une moyenne de f opinion publique et eût comp­té parmi ses membres des représentants autorisés de notre vie littéraire et artistique.

Pour éviter que cette Commission ne tarde à se prononcer, il eût suffi que l'arrêté royal qui l'aurait organisée eût, d'une part, créé, à· côté de chaque membre effectif, un membre suppléant appelé à le remplacer en cas d'em­pêchement et eût, d'autre part, imparti un délai assez court dans lequel elle aurait eu à formuler son ·avis.

Conçoit-on un gouvernement qui, se trou­vant devant l'avis de cette Commission tendant à l'interdiction d'une publication étrangère, n'y eût pas donné suite ?

L'institution de pareille Commission eût pré­senté un autre avantage majeur que je me pro­pose de vous indiquer après avoir développé la seconde partie de mon propos, relative aux problèmes devant lesquels le ministère public se trouve placé chaque fois que lui est soumise une publication étrangère obscène pouvant don­ner lieu, par ailleurs, à des poursuites du chef d'infraction à :1' article 3 8 3, alinéas 1er et 3 du Code pénal.

* * *

Quelle a été l'incidence de la loi du 11 avril 19 3 6 sur l'application de l'article 3 8 3 du Co­de pénal ( 26) ?

Elle ne se fait guère sentir lorsque les pour­suites du chef d'infraction à l'article 3 8 3 du Code pénal peuvent être port·ées devant le tri­bunal correctionnel. c'est-à-dire du moment qu'il ne s'agit pas de poursuites visant un délit de presse.

Or, il ne s'agit point d'un délit de presse chaque fois que les actes réprimés par l' arti­cle 383 ont trait à des publications qui ne sont obscènes ou contraires aux bonnes mœurs qu'en raison des images qu'elles contiennent soit que ces publications ne contiennent que des images, soit qu'elles contiennent à côté d'images ob­scènes ou contraires aux bonnes mœurs, un texte imprimé qui, lui, est à l'abri de toute critique du point de vue pénal ( 27).

Peuvent, par ailleurs, également être soumi­ses au tribunal correctionnel, les poursuites vi., sant uniquement les images d'une publication, images qui sont obscènes par elles-mêmes, ab­straction faite du texte, alors que celui;.ci est également obscène ou contraire aux bonnes mœurs ( 28).

Signalons que dans ces cas, la condamnation prononcée par la juridiction correctionnelle est, conformément aux instructions ministérielles existantes, portée à la connaissance du minis­tère de la Justice dès qu'elle aura acquis force de chose jugé_e ( 2 9) .

Le ministre de la Jus ti ce prendra ainsi con· naissance des publications. tant Belges qu' étran­gères du reste, qui auront été jugées contraires aux bonnes mœurs par les cours et tribunaux par une décision coulée en force de chose jugée.

(26) La loi du II avril 1936 n'a évidemment pas été insérée dans le Code pénal.· Toutefois, elle est reproduite dans les Codes immédiatement après l'ar­ticle 383 du Code pénal.

(27) Le 29 septembre 1953, le tribunal correc­tionnel de Bruxelles a prononcé une condamnation du chef de la mise en vente d'une édition déter­minée des ConteS' de Boccace, en raison des images obscènes qui y étaient contenues (affaire Deitz, inédit).

(28) Arrêts de cassation déjà cités et Cass., 8 juill. lgor,B.J., 1902, 170, ainsi que Brux., r8 juill: 1887, B.J., 1055 et Brux., ro févr. r 8go, Pas., r 8g2, Il, 66.

(29) Il s'agit des instructions données par les dé­pêches ministérielles du 9 mai 1927 et du 17 février 1928, modifiées par la dépêche mil).istérielle adressée le 23 mai 1953 au procureur général de Liège qui, au nom des procureurs généraux près les. trois cours d'appel du royaume, avait proposé la plupart de ces modifications au ministre de la Justice. ·

En ce qui concerne ies publications étran­gères ainsi condamnées définitivement comme contraires aux bonnes mœurs, les procureurs gé­néraux près les Cours d'appel auront, en outre, à cœur d'attirer l'attention spéciale du ministre de la Justice sur ces publications étrangères qui, du chef de la condamnation prononcée, ap­paraîtront incontestablement comme devant don· ner lieu à l'élaboration d'un arrêté royal d'inter· diction à l'importation sur pied de la loi du 11 avril 1936.

Le ministre de la Justice sera ainsi à même de mettre son collègue de l'lnt~rieur, chargé de l'exécution de l'arrêté royal du 12 mai 19 3 6, au courant des condamnations correctionnelles ayant frappé des publications étrangères parce que contraires aux bonnes mœurs en raison des images qu'elles contiennent

Par contre, lorsqu'il s'agit d'une publication étrangère qui n'est contraire aux bonnes mœurs ou obscène qu'en raison de son texte imprimé, c'est-à-dire lorsque des poursuites sur pied . de l'article 3 8 3 du Code pénal ne peuvent être portées que devant la Cour d'assises p·arce que sont présents les éléments d'un délit de presse ( 3 0), il ne se concevrait pas que l'intention du législateur de 19 3 6 telle qu'elle résulte des tra­vaux préparatoires dont je vous ai parlé, laisse indifférents les magistrats du ministère public qui ont à décider si oui ou non la Cour d'as. sises doit être saisie de poursuites.

S'ils se plaçaient à un point de vue stricte­ment juridique, certes, ils pourraient se dire que l'économie de la loi du 11 avril 19 3 6 est étrangère aux poursuites basées sur l' arti­cle 3 8 3 du Code pénal ( 31) .

S'ils considèrent par contre que ce qui importe, c'est de combattre l'obscénité par les moyens les plus appropriés, ils tiendront compte du fait qu'aux yeux du législateur de 1936, l'utilité de la loi du 11 avril 19 3 6 réside en ce que l'interdiction à l'importation ·devait constituer une entrave plus rapide et plus efficace à la diffusion des publicatio-ns visées que la pro­cédure judiciaire devant la Cour d'assises.

Ils ne peuvent faire fi me semble-t-il de tous les inconvénients que cette procédure ju­diciaire implique, inconvénients que non seu­lement le législateur de 19 3 6 a soulignés avec insistance mais au sujet desquels en outre un éminent magistrat, M. le procureur général Meyers, a développé des considérations que re­joignent précisément celles émises dans la suite par le Parlement.

Ils devront, en outre, tenir compte du fait que le risque d'acquittement par la Cour d'as­sises est aggravé lorsque s'agissant de publica­tions étrangères, les principaux coupables -auteur, imprimeur, éditeur - étant des étran· gers domiciliés à l'étranger, ne peuvent être atteints, les poursuites n'atteignant que des dis­tributeurs venant après l'éditeur (32).

Aussi, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 11 avril 1936, la Cour d'assises de la pro­vince · de Brabant ne fut-elle plus saisie que d'une seule poursuite du chef d'infraction à l'article 3 8 3 du Code pénal, -ce pendant l' occu­pation du pays. L'arrêt qu'elle rendit le 14 juin 1941 déclarait obscènes 2 7 publications qui lui avaient été soumises.

Cette poursuite est la seule qui fut soumise à une Cour d'assises du Royaume depuis la

(30) Tel est le cas non seulement lorsque la pu­blication ne contient pas d'images ou ne contient que des images à l'abri de toute poursuite mais aussi lorsque, contenant outre le texte imprimé, des images, l'obscénité de celles-ci n'apparaîtra qu'à la lecture du texte.

Voy. Rapport du Comité permanent du Conseil de législation adressé au ministre de la Justice, re­latif au projet de loi qui est devenu la loi du r 8 mai 1932 (C.P., art. 386bis). - Voy. Pas., 1932, p.146.

(31) C'est à ce point de vue que semble s'être placé l'auteur de l'article publié sous les initiales M. D. dans le fournal des Tribunaux du 9 février 1936, col. 91-92 et intitulé cA propos du projet de loi sur' l'importation de publications étrangères •. . (32) Doc. pari., 1933-1934, n 8 194, Exposé des motifs de la loi. -

mise en vigueur de la loi du 11 avril 193 6. Plutôt que de rec,ourir aux poursuites en

Cour d'assises lentes et aléatoires, les procureurs généraux ont préféré signaler à l'attention du gouvernement, en vue de leur interdiction à l'importation, telles publications qui sont con­traires aux bonnes mœurs ou obscènes, la me­sure d'interdiction, mesure préventive, étant par ailleurs de nature à prévenir le mal, alors que la sanction répressive, même si elle pouvait être atteinte, n'aurait que des conséquences restrein­tes sur le plan de l'hygiène morale de la po­pulation.

Ce premier problème étant résolu in abstracto, il s'en pose aussitôt un deuxième in concreto.

Avant que de transmettre tel livre, tel pé­riodique au ministre de la Justice en lui suggé­rant de provoquer, à l'intervention du ministre de l'Intérieur, un arrêt royal d'interdiction dé­libéré en Conseil des ministres, le procureur gé­néral devra nécessairement se livrer à une ap­préciation qui peut apparaître, en certains cas, comme délicate.

Il devra se demander si réellement ce livre, ce périodique contient des passages obscènes dans le sens où l'a entendu le législateur de 1936.

Le rapport complémentaire fait au nom de la Commission de la Justice et de la législation civile et criminelle de la Chambre, rapport qui fut rédigé par M. Sinzot ( 3 3) signale en citant Littré, qu'est obscène « ce qui blesse ouvertement la pudeur». Le rapport de la Com­mission de l'Intérieur du Sénat, rédigé par M. Misson déclare, par ailleurs, que les publications visées sont celles qui constituent uniquement des excitations à la débauche ( 34).

Après avoir fait allusion au rapport de M. Sinzot, le Père Rutten reprenant en quelque sorte les termes du rapport de M. Misson, dé­clarait au Sénat ( 3 5) : « Les publications que nous voulons atteindre sont exclusivement celles dont les images et le texte constituent, à toute évidence, des provocations et des initiations à la débauche et à des vices innommables».

Point n'était besoin de dire, du reste, que si le législateur a voulu atteindre les publi­cations étrangères qui constituent, à toute évi­dence, une provocation ou une initiation à la débauche, il a voulu atteindre aussi celles con­tenant une « provocation ou une Initiation à des vices innommables».

Le qualificatif « obscène » employé par le législateur de 19 3 6 paraît correspondre parfai­tement à l'expression « contraire aux bonnes mœurs » employé à l'article 3 8 3 du Code pénal.

Le législateur de 1936 n'a du reste pu igno­rer ce que . la doctrine et la jurisprudence con­sidéraient comme contraire aux bonnes mœurs.

Il n'a certes pu ignorer ce qu'écrivirent à ce sujet Nypels et Servais lorsque commentant l'article 3 8 3 du Code pénal de 1 8 6 7, ces auteurs déclarent : «Notre texte vise les écrits et images contraires aux bonnes mœurs, c'est­il-dire obscènes, de nature à surexciter les pas­sions sensuelles ».

En examinant d'ailleurs les définitions don­nées par la doctrine en général et consacrées par la jurisprudence - de ce qui est contraire aux bonnes mœurs, on est amené à constater que celles-ci rejoignent celles données, par le législateur de 19 3 6, du qualificatif obscène au­quel il avait recours.

Sont contraires aux bonnes mœurs les pu­blications qui blessent la pudeur publique ( 3 6), qui sont de nature à surexciter des passions sensuelles ( 3 7) , les ob jets susceptibles d'éveiller 1' esprit à la débauche, à la lubricité et à la luxure (38).

(33) Doc. parl., Ch., 1935-1936, no 44, p. 3· (34) Doc. parl., 1935-1936, Sénat, n° 149, p. 2.

(35) Ann. parl., Sénat, 2 avril 1936, p. 610. (36) Nypels, Législation criminelle de la Belgi-

qu~, éd. 1872, t. III, p. 43, § 40 : « Ce que le légis­lateur entend réprimer, c'est le scandale, c'est le fait de ceux qui blessent par des actions 1 'honnêteté et la pudeur publique"·

(37) Nypels et Servais, t. III, art. 383, § 7· (38) Marchal et Jaspar, Traité théorique et pra­

tique de droit criminel, t. I, § 952; - J. Constant,

Depuis que la loi du 11 avril 19 3 6 est en­trée en vigueur, les cours et tribunaux ont du reste été amenés à maintes reprises à définir ce qui est contraire aux bonnes mœurs. Ils l'ont fait pal:fois dans des termes similaires à ceux employés par le législateur de 19 3 6 pour dé­finir ce qu'il considérait comme obscène.

Qu'il me suffise de citer à cet égard deux arrêts rendus par la 14e chambre de votre Cour, le 1er, le 14 juillet 19 51, en cause de Scott et consorts, confirmant un jugement du Tri­bunal correctionnel de Bruxelles du 12 décem­bre 1950, le second, le 7 janvier 1956, statuant sur l'appel interjeté· contre un jugement du Tribunal correctionnel de Charleroi du 8 juillet 1955 (39).

Dans les deux causes soumises à la 14e cham­bre de votre Cour, il s'agissait d'infractions à l' articl!! 3 8 3 du Code pénal réalisées par la projection de films cinématographiques.

Les deux arrêts précités considèrent comme tombant sous l'application de l'article 3 8 3 du Code pénal et partant comme contraire aux bonnes mœurs, « ce qui est propre à éveiller chez les spectateurs le désir et le goût de la débauche».

Ces termes n·e correspondent-ils pas entière­ment à ceux employés par le Père Rutten « La provocation à la débauche » et par le rapport de la Commission du Sénat : « Les excitations à la débauche ».

Je crois pouvoir conclure de ces citations que tant la jurisprudence que la doctrine donnent à l'expression «contraire aux bonnes mœurs» la signification que le législateur de 19 3 6 at­tachait au qualificatif « obscène» ( 40).

Relevons toutefois qu'aux termes du rapport de la Commission de l'Intérieur du Sénat » ne sont visées ainsi - comme publications ob­scènes - que les publications n'ayant rien à voir avec l'art et la littérature, mais constituant uniquement des excitations à la débauche et presque toujours à la pire des débauches » ( 41) •

Ces termes rejoignent du reste ceux qu'avait d}jà employés le rapporteur de la Commission de la justice et de la législation civile et crimi­nelle de la Chambre. M. Sinzot, lorsqu'il écri­vait, pour désigner les publications dont on voulait empêcher l'introduction en Belgique : « Il s'agit de ces infâmes libelles dans lesquels on ne trouve aucune trace - si infime soit-elle - de littérature, mais de la pornographie en textes et en images » ( 4 2) •

Le législateur a-t-il ainsi entendu trancher le point de savoir si à l'homme de lettres, à l'artiste, tout est permis au nom de 1' art ? Les bonnes mœurs, l'art, voilà des notions es­sentiellement variables et qui de surcroît, man­quent de précision.

Dans spn discours du 1er octobre 19 24, M. le procureur général Meyers ( 43) avait relevé combien il est parfois ·difficile de faire le dé­part entre el!es, combien ces notions sont va­gUes, combien elles varient d'une époque à une autre.

Le discours de M. M.H. Jaspar, fait à la

Manuel de droit pénal, t. II, no 919; - Rép. Dr. B., V

0 Outrage aux mœurs, § 8o. ' (39) J.T., 6 nov. 1955, p. 626. (40) Dans le discours de rentrée que l'avocat

Golstein prononçait à la séance solennelle de rentrée du Jeune Barreau de Bruxelles, le 17 novembre 1928, il déclarait : " Quand, par des écrits ou des images, agit-on contrairement aux . bonnes mœurs ? La ré­ponse est très simple : « Ce qui est condamnable, c'est la publication, c'est l'œuvre obscène "• et M. le ~tonnier Jones abonda d~ns le même sens en dé­clarant à la même séance : « Ce qui est érigé en délit, c'est ce qui est « contraire aux bonnes mœurs "• ce qui est «obscène" (J.T., 1928, col. 6os ·et 6o7). Par ailleurs, daris le Code de la presse et de l'im­primerie de M. Poirier, éd. 1945, le premier élé­ment de l'infraction à l'article 383 du Code pénal est défini comme suit: «Un texte ou une image obscèn.e "·

(41) Doc. pari., 1935-1936, Sénat, n° 149· (42) Doc. pari., 1933-1934, Ch., n° 267. (43) La répression de la pornographie, pp. 12 à

16. - Voy. aussi le discours déjà cité du bâtonnier Jones, Journal des Tribunaux, 19i8, col. 614.

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Chambre dont je vous ai lu un passage, fait écho à ces con·si<*rations lorsqu'il posait la question comment on ferait la distinction in­finiment difficile entre l'art et la pornographie.

« Il y a les cas certains mais il y a les cas douteux » déclarait M. Rolin à la séance du Sénat du 2 avril 193 6 ( 44).

En admettant que le législateur de 19 3 6 ait voulu exclure de l'interdiction à l'importation des publications ayant un caractère littéraire ou artistique, encore y aura-t-il lieu d'examiner si ce caractère littéraire et artistique est hien réel. La même question se posera lorsqu'un but scientifique est invoqué.

Un but prétendument littéraire, artistique ou scientifique ne devrait point mettre la publica­tion à l'abri ·d'une mesure d'interdiction à l'im­portation, pas plus qu'elle ne la met à l'abri de poursuites r~pressives.

Certes les cas où le doute n'est pas permis sont de loin les plus nombreux ; il y en aura cependant d'autres où l'appréciation du véri­t~ble caractère d'un texte, d'une image ou d'une gravure, pourra donner lieu à dis.cussion.

Or, ce sera au ministère public d'émettre une première appréciation à ce sujet.

Vons ai-je suffisamment démontré que sou­cieux du but à atteindre, c'est-à-dire soucieux de Ilmiter ·la diffusion de· publications obscènes dans le pays en suggérant l'élaboration d'un ar­rêté royal d'interdiction à l'importation, le procureur général sera amené, avant de sou­mettre au ministre de la Justice une proposition dans ce sens, à trancher des questions parfois fort délicates.

Dans son discours sur la répression de la pornographie, M. le procureur général Meyers citait une réflexion, émise par ·un journaliste de l'époque, à propos d'un verdict retentissant et de l'interpellation, auquel il avait donné lieu.

Ce journaliste faisait preuve d'un sens aigu des réalités lorsqu'il écrivait qu'« un, procureur général qui, avant de signer ses réquisitions, re­prend sept fois la lecture de son dossier et re­tourne sept fois. sa plume dans son encrier, est un sage ».

Le procureur général qui, avant de trans­mettre au ministre de la Justice une proposition de frapper telle publication étrangère, préten­dument scientifique, littéraire ou artistique, d'une interdiction à l'importation, ne serait cer.,. tes pas sage s'il n'en faisait pas autant.

Il devra faire preuve de plus de prudence encore en se souvenant des termes employés tant par la Commission du Sénat que par celle de la Chambre et qui mettent l'art et la littérature à l'abri de l'application de la loi du 11 avril 1936.

Difficulté d'appréciation donc dans une ma­ti~re où les erreurs d'appréciation sont faciles, où des éléments très divers doivent être pris en considération,·· où tout se ramène à une ques­tion de mesure.

Enfin, une troisième difficulté préoccupera le procureur général au moment où il se de­mandera s'il y a lieu de transmettre au ministre de la Justice telle publication étrangère et lui suggérer de provoquer l'application de l' arti­cle lerde la loi du 11 avril 1936.

Qu'arrivera-t-il si le gouvernement estimait que cette publication n'est pas obscène et ne peut, .dès lors, être frappée d'une interdiction à l'importation'? Cette éventualité retiendra no­tamment l' attentjon du procureur général lors­qu'il s'agit d'un cas .douteux.

Il nè semble pas qu'un procureur général ait déjà été informé (te ce que le gouvernement con­sidérait comme n'étant pas obscène telle publi­cation qu'il avàit transmise au ministre de la Justice, en vue de la faire interdit:e à l'impor- . tati on.

Si toutefois un gouvernen:tent refusait d'inter­dire l'introductlori d'une publication étrangère parce qu'il ne la jugerait pas obscène, les par­quets pourraient;.ils encore poursuivre ceux qui, e11freignant l' art'ide 3 8 3 du Code pénal, . expo­seraient en ventê, vendraient ou annonàraient cette même· publi_cation dans les conditions pre~­yùes par. cet article.

(44) Ann. pari., 1935-1936, Sénat, p. 614 ..

546

Dans le discours qu'il prononçait. le 15 sep~ tembre 19 3 6, à l'audience solennelle de rentrée de votre Cour. M. le procureur général · Hayoit de Termicourt déclarait que «le caractère es­sentiel du ministère public est l'indépendance. «indépendance» disait~il. envers les cours et tribunaux. indépendance aussi dans une large mesure du moins. envers le gouvernement» ( 45).

Examinant «les questions délicates» que l'in~ dépendance du ministère public envers le gou~ vernement et plus spécialement envers le ministre de la Justice soulève ( 4 6). il fut amené à con~ dure que si. conformément à l'article 2 7 4 du Code d'instruction criminelle. le ministre de la Justice peut enjoindre à un procureur général d'exercer des poursuites ( 47). s'il lui appartient « de surveiller l'exercice de l'action publique de se faire rendre compte des a.ctes du ministère public, d'aider de ses conseils les procureurs généraux; voire même de les inviter à ne pas exercer certaines poursuites sans lui en avoir référé afin qu'il puisse les éclairer, de leur rap­peler, s'il le croit nécessaire, les lignes générales de leur mission légale et de sévir contre eux s'ils s'acquittent mal de leurs fonctions » par contre « aucun texte ne lui reconnaît formel­lement ou même implicitement le droit d'in­terdire au procureur général l'exercice de l'action que la Nation lui a délégué ni celui de prendre la direction de cette action » ( 4 8) .

Procédant après l'~xamen des textes légaux applicables en la matière, à celui des .circulaires ministérielles dont l'existence est invoquée par ceux qui veulent justifier le pouvoir du ministre de la Justice d'interdire l'exercice de l'action publique, M. le procureur général Hayoit de Termicourt démontra que de ces circulaires on peut déduire uniquement «que l'avis du ministre doit être particulièrement pris en considération lorsqu'il s'agit d'une poursuite en raison d'un délit politique » ( 4 9) .

Enfin, citant les propres paroles du ministre de la Justi.ce, M. Masson à la Chambre, lorsque le 5 mai 1922 le droit d'intervention du mi­nistre de la Justice ·fut à nouveau évoqué M. le procureur général Hayoit de Termicourt déclara « qu'on peut affirmer que le gouver­nement lui-même s'est aujourd'hui rallié et sans réserve, à la seule interprétation exacte que puisse recevoir notre législation » ( 50) .

En ce qui concerne plus spécialement la ma­tière qui nous occupe (l'infraction à l'article 3 8 3 du Code pénal constitutive d'un délit de pres­se) , il signale les cir.culaires ministérielles des 18 octobre 1880 et 2 mars 1896. Il en ré­sulte que le ministère public n'est point tenu de mettre le ministre de la J usti<:e au courant des poursuites qrt' il se proposerait d'intenter, mais seulement de le mettre au courant du résultat de pareilles poursuites (51) .

(45) Discours de M. le procureur général Hayoit de Termicourt, prononcé le 15 septembre 1936, intitulé "Propos sur le ministère public "• p. r8.

(46) Propos sur le ministère public, pp. 21 et s. (47) Propos sur le ministère public, p. 28. (48) Propos sur le ministère public, pp. 32-33. (49) Propos sur le ministère public, p. 38. (50) Propos sur le ministère public, p. 42 et

Ann. par!., 1921-1922, p. 710, et pp. 727-728. (51) Voy. Propos sur le ministère public, p. 34,

note ( I). La première circulaire ministérielle qui y est citée, celle du r 8 octobre 1 88o, signée Bara, commence par ces termes : « Depuis peu de temps, on expose et l'on vend des journaux et écrits, d'ori­gine étrangère, contenant des outrages aux bonnes mœurs. Elle se termine comme suit: «Je désire être mis au courant du résultat des poursuites que vous croiriez devoir prescrire ».

La circulaire ministérielle du 2 mars 1 896, signée Begeren, rappelle la précédente et relève que " le mal semble sévir encore »; elle invite les procureurs généraux à exercer une surveillance active et con­tinuelle sur la vente, l'exposition et le colportage des publications licencieuses.

Ces deux circulaires visent les infractions à l'ar­ticle 383 du Code pénal commises par la voie de la presse.

Il n'est pas sans intérêt de signaler que par une

Aucune circulaire ministérielle n'invite donc le procureur général à recueillir l'avis du mi­nistre de la Justice avant d'intenter des pour­suit~s. sur pied de l'article 3 8 3 du Code pénal.

Une première conclusion s'impose dès lors : si un gouvernement jugeait que telle publication étrangère, lui soumise comme suite à la sug­gestion du procureur général qui la considérait comme obscène, n'est pas obscène, cette appré­ciation du pouvoir exécutif ne priverait point le ministère public du droit d'intenter des pour.:. suites du chef d'infraction à l'article 3 8 3 du Code pénal et partant de soumettre cette pu­blication à la Cour d'assises· au cas où il s'agirait d'un délit de presse, au tribunal .correctionnel, s'il n'en était pas ainsi.

Si l'appréciation du gouvernement ne peut lier le procureur gén~ral, il va sans dire cepen­dant que, communiquant au procureur général la manière de voir du pouvoir exécutif, le ministre de la Justice pourrait être amené à donner au procureur général des conseils de prudence, en faisant valoir les considérations qui ont amené le gouvernement à estimer que la publication ne pouvait pas être considérée comme obscène.

dépêche du 9 mai 1927, signée Hymàns, l'attention des procureurs généraux était attirée sur le fait que la législation belge ayant été, par la modification des articles 383 et 384 du Code pénal, adaptée à l'esprit de la Convention du 12 septembre 1923, signée à Genève, relative à la répression de la circulation des publications obscènes, et le gouvernement belge ayant ratifié cette convention le 19 juillet t926, l'arrangement de Paris du 4 mai 1910 était entré en vigueur et que la sûreté publique avait été char­gée de la mission prévue à l'article 1er de cet arran­gement. Elle invitait les procureurs généraux à faire parvenir au ministre de la Justice des renseigne­ments circonstanciés concernant chaque instruction ouverte sur le pied des articles 383, 384 et 386 du Code pénal mais ce, afin que « le gouvernement belge puisse appuyer l'action internationale entre­prise contre le trafic des écrits immoraux ,. , afin que le ministre de la Justice soit en mesure d'exécuter les clauses de l'arrangement de Paris et enfin, afin qu'il puisse fournir à la Société des Nations les ren­seignements visés au paragraphe 9 de l'acte final de la Conférence Internationale de Genève de 1923.

Il ne s'agit donc nullement, en l'occurrence, pour le ministère public, de mettre le ministre de la Jus­tice au courant des poursuites qu'il se proposerait d'intenter afin de recueillir son avis sur leur oppor­tunité.

Le 17 février 1928, le ministère de la Justice, par une dépêche signée P.-E. Janson et rédigée de l'ac­cord du procureur général Servais, traçait les règles à suivre en vue d'assurer une certaine unité à l'ac­tion des parquets et de mettre les librairies et bou­quinistes au courant des condamnations prononcées sur le pied de l'article 383 du Code pénal. Il n'y est pas question de renseignements à fournir au ministre de la Justice. Sont visées, toutes les infractions à l'article 383 du Code pénal constitutives ou non d'un délit de presse.

Ces deux dépêches du 9 mai 1927 et du 17 fé­vrier 1928 ont été modifiées et réunies en une seule à la suite d'un échange de correspondance entre le ministre de la Justice et le procureur général de Liège, qui en l'occurrence, exposait au ministre la manière de voir des procureurs généraux près les trois cours d'appel. Ces nouvelles instructions furent donc arrêtées sur la suggestion des: procureurs géné­raux. Elles poursuivent essentiellement un but de documentation et tendent, en outre, à une unité d'action des trois parquets généraux dans la lutte contre l'obscénité.

Elles prescrivent notamment que le procureur gé­néral dans le ressort duquel une condamnation du chef d'infraction à l'article 383 du Code pénal -constitutive ou non d'un délit de presse - sera devenue définitive, en donnera immédiatement con­naissance, sous la forme d'un avis de condamnation, au ministre de la Justice et aux deux autres pro­cureurs généraux.

Par sa dépêche du 23 mai 1953 adressée au pro­cureur général de Liège, le ministre de la· Justice arrêtait les termes de ces instructions.

Point n'est beso·in de souligner qu'au cas où le procureur général se déciderait à intenter des poursuites devant la Cour d'assises, une défense qui aurait eu connaissance de l'a pp ré~ ciation du gouvernement ·pourrait, en l'invo­quant, aggraver p(e'Cisément les risques d'un acquittement sur la nocivité duquel tout le monde est d'accord.

M~ais qui ne voit qu'une situation autrement grave peut résulter de poursuites intentées dans ces conditions : elles peuvent, en effet, faire éclater la divergence de vue existant entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Ce danger, l'auteur de l'article publié sous les initiales M.D. dans le Journal des Tribunaux du 9 février 19 3 6, sous le titre « A propos du projet de loi sur l'importation de publications étrangères » (52) l'entrevoyait déjà lorsqu'il écrivait « Est-il souhaitable sinon pour le régal d'une poignée d'ironistes que prononçant sur le même objet, deux pouvoirs, l'exécutif et le judiciaire, puissent offrir le spectacle de leurs décisions contradictoires pareillement souverai­nes» ?

C'est précisément lorsque des poursuites se­raient intentées après que le gouvernement eût estimé ne pas pouvoir considérer comme obscène la publication qui donnerait lieu à condamna­tion, qu'éclaterait .cette divergence d'opinion.

Et c'est à cet égard que l'on peut déplorer que le vœu émis par le Sénat tendant à la création d'une commission d que l'amen­dement présenté par M. H. Rolin en. tant qu'il proposait qu'un arrêté royal d'interdiction à l'importation ne pourrait être pris que sur avis conforme d'une Commission consultative, soient restés lettre morte.

On peut, en effet, admettre que si pareille Commission avait émis un avis tendant à l'in­terdiction à l'importation d'une publication étrangère, un gouvernement eût difficilement pu s'abstenir de prendre un arrêté royal d'inter­diction à l'importation visant cette même pu­blication.

Si, par ailleurs, dans l'éventualité où l'amen­dement de M. Rolin eût été inséré dans la loi, cette commission consultative avait estimé que la publication étrangère lui soumise n'était pas ob­scène, le pouvoir exécutif n'aurait pas pu prendre un arrêté royal d'interdiction.

Si, dès lors, malgré l'avis de cette Commis­sion, le procureur général s'était décidé à in­tenter des poursuites et avait obtenu une con­damnation, ni ces poursuites ni cette condamna­tion n'auraient pu révéler l'existence d'une divergence d'opinion entre le pouvoir exécutif et le pouvoir udiciaire (53) . En fait, le danger d'un spectacle de « décisions contradictoires éga­lement souveraines» eût ainsi été évité (54).

J. L. STRYCKMANS, avocat général

à la Cout d'appel de Bruxelles.

(52) Journal des Tribunaux, 9 févr. 1936, col. 91 et 92.

(53) Il ne se manifeste pas nécessairement une divergence d'opinion entre ces deux pouvoirs lors­que c'est, non point en raison d'un jugement porté sur le caractère - obscène ou non - de la publi­cation étrangère que le gouvernement s'abstient d'in­terdire à l'importation la publication transmise par le procureur général au ministre de la Justice, mais en raison de considérations d'opportunité.· Ces consi­dérations· qui peuvent être valables lorsqu'il· s'agit de prendre une mesure préventive d'interdiction à l'importation, peuvent manquer toute pertinence lorsqu'il s'agit de décider s'il y a lieu ou non de provoquer une sanction, une mesure répressive.

(54) En droit, cette contradiction eût encore pu se concevoir : tel aurait été le cas si, méconnaissant l'avis de la Commission consultative tendant à con­sidérer une publication comme étant. obscène, un gouvernement ne se fût point rallié à cet avis et eût considéré la publication comme n'étant point obscène. On peut sans doute considérer pareille situation comme relevant du domaine purement théorique.

JUR-ISPRUDENCE Cass. (Ire ch.), 27 juin 1958.

Prés. : M. WouTERS, prem. prés. Rapp. : M. BAREEL, cons. Min. publ. : M. R. HAYOIT DE TERMICOURT, proc.

gén. Plaid. : MMes V AN LEYNSEELE et SI MONT.

(Etat belge c. Leemans)

TARIF CIVIL. - EXPERT. - HONO­RAIRES.- Etat détaillé des devoirs accom­plis. - Défaut de production. - Nullité si l'irrégularité nuit aux intérêts de l'une des parties.

Il résulte des articles 173 et 1030 du Code de procédure civile que l'inobser­vation de la formalité prévue par l'ar­ticle 73 de l'arrêté royal du 24 mai 1933, c'est-à-dire la remise par l'expert d'un état détaillé et chronologique de devoirs par lui accomplis et des déboursés n'en­traîne pas nécessairement et dans tous les cas la nullité de la taxation par le juge de l'état des honoraires et débour­sés de l'expert.

Cette nullité ne doit être prononcée que s'il est justifié que l'irrégularité commise a eu pour conséquence de nui­re aux intérêts de l'une des parties.

Vu le jugement attaqué, rendu le 2 mai 1957 par le Tribunal de première instan­ce de Bruxelles, statuant en degré d'ap­pel;

Sur le moyen pris de la violation des dispositions formant le livre III du tarif des frais et. dépens en matière civile et commerciale, droits et débours des avoués, honoraires et débours des ex­perts, établies par l'arrêté royal du 24 mai 1933, modifié par l'arrêté royal du 7 novembre 1933 et par l'arrêté du Régent du 23 juin 1945, spécialement des articles 72, 73, 77, 78, 79 et 80 du tarif susvisé, en ,ce qùe le jugement atta­qué, bien que disant pour droit que les règles énoncées par le livre III de l'ar­rêté royal du 24 mai 1933 sont applica­bles aux entreprises ordonnées par le juge de paix, n'a pas admis l'irrégularité et partant la nullité de la taxation de l'état d'honoraires, frais et débours du défendeur, bien qu'il constate que celui­ci n'a pas remis un état détaillé et chro­nologique des devoirs par lui. accomplis, ce malgré les demandes formulées par le demandeur (violation des articles 72 et 73 susvisés), qu'il a directement pré­senté son état au juge sans l'avoir à dé­faut de sa transcription au bas du rap­port, déposé au greffe de la juridiction ayant ordonné l'expertise, et n'a pas, le Jour du dépôt, avisé le demandeur de celui-ci (violation des articles 77 et 78), en sorte que le juge de paix, dont le ju­gement entrepris confirme la dédsion, a taxé et rendu exécutoire ledit état, sans que le demandeur - qui n'a eu connaissance de cet état que postérieu­rement à sa taxation et à l'exécutoire, -ait eu la possibilité de consigner dans une note ses observations préalablement à la taxation, et statue ainsi sous le pré­texte que le livre III de l'arrêté royal du 24 mai 1933 ne prévoit aucune sanc­tion à la non-observation des règles sus­dites, alors que les formalités qu'elles prescrivent ont pour but de protéger les droits des intéressés et que leur mécon­naissance doit entraîner soit le refus soit la nullité de la taxation;

Attendu qu'il résulte des articles 173 et 1030 du Code de procédure civile que l'inobservation de la formalit.é prévue par l'article 73 de l'arrêté royal du 24 mai 1933, visé au moyen, n'entraîne pas nécessairement et dans tous les cas la nullité de la taxation par le juge de l'état des honoraires et déboursés de l'expert;

Attendu que cette nullité ne doit être prononcée que s'il est justifié que l'irré­gularité commise a eu pour ,conséquence de nuire aux intérêts de l'une des par­ties;

Attendu que la disposition dudit arti­cle 73 aux termes de la'quelle l'expert doit dresser un état détaillant les de­voirs accomplis et les débour:s·és, a pour objet de permettre tant aux parties qu'au juge le .contrôle du montant des travaux et déboursés réclamé;

Que le jugement constate qu'il est « certes regrettable » que le défendeur n'ait pas dressé un état détaillé, et ce «malgré les demandes formulées par l'appelant (ici demandeur) »; qu'il dé­clare néanmoins l'appel non fondé parce que <<il n'apparaît toutefois pas que l'ex­pert ait réclamé des honoraires exagérés, compte tenu de son standing et de la difficulté du travail intellectuel fourni »;

Attendu qu'il ne résulte pas de ce mo­tif que l'omission de l'expert n'ait pas, ainsi que le prétendait le demandeur, nui aux int~rêts .de ,celui-ci en l'empê­chant de contrôler et de contester effi­cacement le montant de l'état dressé par le défendeur;

Que le moyen, en tant qu'il invoque la violation de l'article 73 de l'arrêté royal du 24 mai 1933, est fondé;

Par ces motifs : LA CouR,

~casse le jugement attaqué.

Cass. (re ch.), 16 mai 1958. Prés. : M .. DE CLIPPELE, prés. Rapp. : M. BELPAIRE, cons. Min. publ. : M. R. HAYOIT DE TERMICOURT, proc.

gén. Plaid. : MMes DEMEUR et VAN RYN.

(Heirbaut J. c. époux Verel/en et cons.)

EXPROPRIATION FORCEE. - Loi du 15 août 1854, article 101, alinéa 4. - Nullités relatives aux formalités de la mise en vente. - Notion. - Surenchère sur aliénation vo­lontaire. - Exception de défaut de qualité.

Si l'alinéa 4 de l'article 101 de la loi dzz 15 août 1854 sur l'expropriation forcée fait mention « des nullités relatives aux formalités de la mise en vente», il vise aussi, en termes généraux, « les nullités qui concernent la déclaration de suren­chère » sans distinction, pour ces der­nières, entre les nullités résultant soit du défaut d'une condition de fond, soit de l{lnobservation d'une condition de forme.

Il s'ensuit que ledit alinéa 4 est appli­cable, notamment, à la nullité de la dé­claration de surenchère résultant de l'ex­tinction, antérieurement à cette décla­ration, de la créance du surenchérissezzr.

D'autre part, la loi a, en matière de surenchère sur aliénation volontaire, dérogé au principe suivant lequel l'ex­ception de défaut de qualité peut être proposée en tout état de cause devant le juge du fond, et notamment en instance d'appel.

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 12 juillet 1956 par la Cour d'appel de Bruxelles;

Sur le moyen pris de la violation des articles 108, 115 et 117 de la loi du 16 décembre 1851 sur la révision du régi­me hypothécaire, 93, 98 à 1nt, spécia­lement les alinéas 1 "\ 4 et 5, de la loi du 15 août 1854 sur l'expropriation forcée et 97 de la Constitution,

en ee que l'arrêt attaqué décide que le défaut de qualité d'une partie, ayant dans le cas prévu par l'article 115 de la loi

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hypothécaire requis la mise aux enchè­res, doit, même si ce défaut est fondé sur et que cette partie n'est plus créancière, être proposé avant le jugement statuant sur la réception de la caution, que la nullité en résultant ne peut être opposée pour la première fois en degré d'appel et que, par conséquent, n'est pas receva­ble l'appel formé par la demanderesse contre le jugement du 29· juin 1951 fi­xant la revente, ce aux motifs que les termes impératifs de l'article 101 de la loi sur l'expropriation forcée n'autori­sent aucune distinction entre les forma­lités essentielles et eelles qui le sont moins, entre les nullités concernant le fond et celles concernant la forme,

alors que les délais impérativement fixés par l'article 101 précité ne régis­sent que les formalités de procédure et les nullités prévues par les articles 93, 98, 99 et 10·0 de la loi sur l'expropria­tion forcée et par l'article 115 de la loi hypothécaire, et qu'en tout eas le défaut de qualité d'une partie estant en justice ne constitue pas une simple nullité, mais bien une exception péremptoire de non­recevabilité pouvant être proposée en tout état de cause, et même pour la pre­mière fois en degré d'appel, sans que les dispositions légales pré_citées déro­gent à ces principes généraux du droit;

Attendu, d'une part, que l'alinéa 4 de l'article 101 de la loi du 15 août 1854 sur l'expropriation forcée ne se réfère pas, comme le soutient la demanderesse, aux seules «formalités» visées par l'ali­néa 3, étant celles qui sont prescrites à peine de nullité par les articles 93, 98, 99 et 100 de ladite loi;

Qu'en effet, si l'alinéa 4 fait mention des « nullités relatives aux formalités de la mise en vente», il vise aussi, en ter­mes généraux, «les nullités qui concer­nent la déclaration de surenchère » sans distinction, pour ces dernières, entre les nullités résultant soit du défaut d'une condition de fond soit de l'inobserva­tion d'une condition de forme;

Qu'il .s'ensuit que ledit alinéa est ap­plicable, notamment, à la nullité de la déclaration de surenchère résultant de l'extinction, antérieurement à cette dé­claration, de la créance du surenchéris­seur;

Attendu, d'autre part, qu'il se déduit de ce qui précède que la loi a, en ma­tière de surenchère sur alinéation vo­lontaire, dérogé au principe suivant le­quel l'exception de défaut de qualité peut être proposée en tout état de cause devant le ,inge du fond, et notamment en instance d'appel;

Attendu que le moyen manque en droit;

Et attendu que le rejet du pourvoi rend sans intérêt la demande en décla­ration d'arrêt commun formée par la de­manderesse contre Van Eerdewegh et contre les époux De Boeck-Buelens;

Par ces motifs : LA CouR.

Rejette le pourvoi ainsi que la deman­de en déclaration d'intérêt commun.

Bruxelles ( 7e ch.), 27 juin 1958. Siég. : MM. MISONNE, prés. ; DELSAT et AMY, cons. Min. publ. : M. SMEERs, subst. proc. gén. Plaid. : Me J. DANDOY.

(Rosenbaum)

DELAI DE VIDUITE. - Abréviation. -Article 228 du Code civil (loi du 30 juin 1956, art. l"r). - Divorce par consentement mu­tuel. - Impossibilité morale de cohabiter. -Autorisation judiciaire d'avoir une résidence distincte. - Avertissement donné à l'épouse

/~

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d'avoir à se retirer dans la maison convenue entre elle et son mari.

L'avertissement donné à l'épouse par le président du tribunal, en vertu de l'artide 284 du Code civil, d'avoir à se retirer dans la maison convenue ·entre elle et son mari, constitue la décision judiciaire prévue au paragraphe 4 de l'article 228 du Code civil.

Il en résulte que la demande d'abré­viation du délai de viduité, peut être admise en l'espèce.

·Attendu que l'appelante a été déboutée de sa demande tendant, sur base de l'ar­ticle ~28 du .Code civil (loi du 30 juin 1956), à l'abréviation du délai de vi­duité, motif pris de ce que l'appelante, ne ;pouvant se prévaloir d'une autorisa­tion. judiciaire d'avoir une résidence distincte, ne serait pas fondée à invo­quer l'impossibilité morale dans laquel­le elle aurait été de cohabiter avec son ex-époux;

Attendu que le mariage de l'appelante a été dissous le 1~r février 1958 par l'effet d'un divorce par consentement mutuel;

Attendu que pour décider .que la loi du 30 juin 1956 n'était pas d'application en matière de divorce par consentement mutuel, le premier juge a dû suppléer au texte légal et se baser sur les travaux préparatoires de la loi;

Attendu que le recours aux travaux préparatoires ne s'impose qu'en cas d'obscurité de la loi;

Or, attendu que, conçu en termes gé­néraux et ne contenant aucune discri­mination, le texte légal visé ne réclame aucune exégèse : ubi lex non distinguit, nec vos distinguere debemus;

Attendu, au surplus, que c'est abusi­vement que le premier juge a estimé que l'appelante n'avait pas été autorisée ju­diciairement à avoir une résidence sé­parée;

Qu'en effet, «l'avertissement donné à l'épouse par le président du tribunal, en vertu de l'article 284 du Code .civil, d'a­voir à •Se retirer dans la maison conve­nue entre elle et son mari constitue «la » décision judiciaire » prévue au § 4 de l'article 228 du Code civil » (Brux., 25 juin 1957, J. T. du 12 janvier 1958, n'o 417, p. 27, col. 2);

Attendu que, dès lors, la demande d'abréviation du délai de viduité peut être admise;

Attendu qu'en l'occurrence, aucune confusion de part n'est à envisager, les époux ayant toujours persisté, depuis le début de la procédure, dans leur volonté d'éviter tout .rapprochement; qu'il y a donc eu, en l'espèce, impossibilité mo­rale de cohabiter; que, comparaissant en .chambre du conseil devant la Cour, l'ex-mari de l'appelante a déclaré n'avoir à opposer aucune objection 'à la de­mande;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble dP ces considérations que la demande esr fondée;

Par ces motifs :

LA CouR, Vu la loi du 15 juin 1935, notamment

l'article 24 de cette loi; Entendu M. le président en son rap­

port donné en ·chambre du conseil; Entendu M. Smeers, substitut du pro­

cureur général en son avis conforme, donné également en chambre du conseil;

Reçoit l'appel; y faisant droit, met à néant le jugement a quo;

Emendant, dit la demande fondée; En conséquence, autorise l'appelante à

contracter mariage sans délai; Délaisse les dépens de première in­

stance et d'appel à charge de l'appelante.

Gand, l 0 juin 1958. Siég. : M. THIENPONT, prés.

Min. publ. : M. STEVIGNY, av. gén. Plaid. : MMes GREGOIRE et CLAEYs-BoUUAERT.

(S. A. Devos frères c. Etat belge)

IMPOTS SUR LES REVENUS DEDUCTI­BLES. - Intérêts · d'emprunts obligataires.

Pour être faite dans l'intention d'ac­quérir ou de conserver des revenus, une dépense ne doit pas être réduite au mi­nimum.

Pour apprécier si la condition exigée par l'article 26, § rr des lois coordonnées se trouve remplie en cas d'émission d'un emprunt à intérêt variable, il. convient de tenir compte de toutes les circonstan­ces entourant cette émission.

Sont considérés comme charges pro­fessionnelles et, à ce titre, déductibles des revenus imposables, les intérêts des capitaux empruntés à des tiers et en­gagés dans la so·ciété, sans qu'il soit exigé d'autres conditions. Le droit des obligataires à un intérêt complémentaire variable, en plus de l'intérêt fixe, ne modifie pas la nature de convention de prêt.

Attendu que la contestation se ramène au point de savoir si les intérêts obliga­taires litigieux doivent ou non être im­posés comme libéralités pour le seul mo­tif qu'ils dépassent le taux usuellement en cours;

Attendu que l'administration opine pour la solution affirmative; que tout en ne contestant pas que l'emprunt liti­gieux a été émis en vue de l'activité professionnelle de la r.equérante, l'ad­ministration prétend que les intérêts obligataires ne constitueraient pas une dépense faite en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables, en tant qu'ils dépassent le taux normal et ne peuvent dès lors être déduits des re­venus, au titre de charges profession­nelles, aux termes de l'article 26, § rr, des lois coordonnées;

Qu'elle fonde son soutènement : 1) sur le taux extrêmement élevé de l'inté­rêt en question, la rémunération nette des capitaux n'étant fixée à 30 % du bénéfice net annuel avec minimum de 8 % de l'emprunt outre les charges fis­ca·les, ce qui représente pour les exerci­ces litigieux un revenu de l'ordre de 49,6 % à 28,8 %; 2) sur les circonstan­ces particulières entourant le dit em­prunt; que notamment l'émission ne fut pas publique, qu'il est apparu que près des 314 des dites obligations étaient entre les mains des huit niembres de la famille Devos, actionnaires de la requé­rante;

Que l'administration en conclut que c'est en considération de leur seule qua­lité d'actionnaires, qu'une rémunéra­tion de l'ordre de 30 % dans les bénéfi­ces fut consentie aux porteurs d'obli­gations, en majorité actionnaires de la requérante de manière à distribuer sous un régime fiscal plus favorable, des bé­néfices sous forme d'intérêts obligatai­res plutôt que de dividendes;

Attendu que l'administration consi­dère à tort comme critère d'une dépense faite dans l'intention d'acquérir ou de conserver des revenus, le fait que le né­cessaire ait été effectué pour réduire la dépense au minimum;

Qu'en c·e faisant, eHe ajoute au texte de l'article 26, § 1er, des lois coordon­

. nées; Que pour apprécier si la condition

exigée par l'article 26, § 1er, des lois co­ordonnées, se trouve remplie, il. convient de tenir compte de toutes les circonstan-

ces entourant l'émission de l'emprunt litigieux;

Attendu qu'il est établi que l'emprunt obligataire a été contracté dans l'intérêt de l'entreprise, notamment en vue de l'acquisition de l'usine Mosberg à Ise­gero. en 1941;

Que la requérante fait par ailleurs va­loir à bon droit que les conditions avan­tageuses de l'emprunt devaient compen­ser le manque de sûretés réelles ou per­sonnelles quant au remboursement et les risques de dévaluation monétaire, de destruction par faits de guerre et d'au­tres aléas existant à l'époque de l'émis­sion de l'emprunt;

Que la requérante invoque au surplus qu'à l'époque de l'émission elle ne pou­vait réaliser ni une augmentation de ca­pital ni un emprunt à long terme près d'organismes de crédit;

Attendu que l'assertion de l'admini­stration, selon laquelle .Je procédé dont s'est servi la requérante dénoterait l'in­tention déguisée de fraude fiscale se trouve démentie par les faits suivants : 1) Durant les exercices sociaux 1941,

1942, 1943 et 1944 la rémunération variable de l'emprunt n'a pas atteint le minimum de garantie de 8 % que l'administration admet comme nor­mal,

2) en 1945, le 1/4 de l'emprunt était dé­jà remboursé à la demande de cer­tains obligataires;

3) 'la requérante a remboursé la totalité d·e l'emprunt anticipativement notam­ment après dix ans,

4) il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'actions et d'obligations détenues par les actionnaires,

5) le montant des intérêts distribués ne dépasse d'ailleurs pas le taux de, 8 % a,jouté aux remboursements de l'em­prunt revalorisé;

Attendu qu'il résulte de cet exposé que l'emprunt fut conclu sous des con­ditions relativement onéreuses pour la requérante à cause de l'incertitude ré­gnant à l'époque quant à l'avenir éco­nomique et financier et non dans le but de permettre une. distribution de béné­fices sous un régime fiscal plus avanta­geux, qu'il n'est pas contesté que le montant de l'emprunt a servi à acquérir les bénéfices imposables;

Attendu qu'aux termes de J'article 26, § 2, des lois coordonnées, véritable siège en la matière, sont considérées comme charges professionnelles et à ce titre dé­ductibles des revenus imposables; les .in­térêts des capitaux empruntés à des tiers et ·engagés dans la société, ainsi que toutes charges, rentes, redevances ana­logues, relatives à celles-ci sans qu'il soit exigé d'autres conditions;

Que les sommes employées pour le paiement d'intérêts obligataires sont dé­ductibles des revenus professionnels, les obligations ne faisant pas partie de l'avoir social et conservant leur caractè­re d'emprunt (Cass., 7 nov. 1865, Bull. contrib., n~ 139, p. 161);

Attendu qu'il en suit que le droit des obligataires à l'intérêt complémentaire ne modifie pas la nature de la· conven­tion de prêt, et constitue un droit de créance consécutif à l'emprunt fondé sur la décision de l'assemblée générale qui a décidé des modalités de cet em­prunt;

Attendu dès lors que les intérêts liti­gieux payés aux obligataires en exécu­tion du contrat librement consenti ne sauraient constituer une libéralité ou une répartition déguisée de dividendes, mais bien une charge grevant l'avoir de la

société et déductible à ce titre des re­venus imposables;

Par ces motifs : LA CouR,

Ecartant toutes conclusions autres plus - amples ou contraires;

Ouï le conseiller De Groote en son rap­port et l'avocat général Stévigny en son avis conforme,

Joint les affaires inscrites au rôle sous les nœ 4780, 5324 et 5325 et y statuant;

Reçoit les recours, les déclare fondés et y faisant droit, ordonne que les som­mes payées aux obligataires ne seront pas comprises dans les bases imposa­bles, que les cotisations litigieuses- se­ront recalculées et que les sommes indû­ment payées par la requérante lui se­ront remboursées;

Condamne l'Etat belge (ministère des Finances), aux frais de l'instance, taxés à 69 francs.

Bruxelles ( 11 e ch. A), 5 mai 1958. Siég. : MM. BERNARD, prés.; HAMAIDE et MAHAUX,

cons. Min. publ. : M. GEVERS, av. gén. Plaid. : MMes PoNTIGNY, VAN BASTELAER et LEVY-

MoRELLE. -

(S. A. de Publicité, d'Edition, de Librairie et d'Im­primerie << Sopel » c. Etat belge)

IMPOTS SUR LES RÊVENUS.- Taxation des plus-values exprimées dans les comptes. - Arrêté royal n" 277 du 31 mars 1936, art. 3 (art. 27, 1", des lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus). - Application aux bilans et comptes clôturés à partir du 30 mars 1935. - Article 7, du dit arrêté. -Taxation des plus-values au moment où elles sont réalisées en 1942 et 1943. - Taxation faite en 1954. - Illégalité.

L'article 3 de l'arrêté royal no 277 du 31 mars 1936, modifiant l'article 27, 1°, des lois coordonnees, a permis la taxation des plus-values exprimées dans les comptes. En vertu de l'article 7 de cet arrêté, cette disposition était appli­cable pour l'établissement des cotisa­tions afférentes aux bilans et comptes clôturés à partir du 30 mars 1935.

Dans ces conditions l'administration avait l'obligation de taxer ces plus-va­lues à cette époque, et elle ne peut in­voquer sa carence pour procéder à leur taxation, au moment, où elles ont été réalisées, soit en 1942 et 1943, la loi ne lui permettant aucun choix à cet égard.

Attendu que le recours a été régulière­ment introduit dans les délais légaux;

Attendu que les parties reconnaissent que sont litigieuses les cotisations sui­vantes établies à charge de la société requérante : a) à l'impôt extraordinaire (loi du 16

octobre 1945) sous l'article ter du rôle de l'exercice 1950;

b) aux impôts ordinaires (taxe profes­sionnelle et contribution nationale de crise) sous les articles 67.026 et 67.027 du rôle de l'exercice 1954, par rappels de droits des exercices 1943 ~t 1944;

c) à la contribution nationale de crise sous l'article 6416 du rôle de l'exer­cice 1948, par rappel de droit de 1944 (dans la mesure où cette coti­sation subsiste -après le dégrèv-ement partiel accordé par décision du 21 novembre 1952);

Attendu que cette dernière décision a accordé le dégrèvement total de la taxe professionnelle enrôlée sous le mê-

me article 6416 de l'exercice 1948, par rappel de 1944;

Attendu qu'une autre décision du 21 novembre 1952 a totalement dégrevé les cotisations à la taxe professionnelle et à la ~contribution nationale de c-rise re­prises sous l'article 6413 du rôle de l'exercice 1948, par rappel de 1944;

Attendu qu'une autre décision du 21 novembre 1952 a tota'lement dégrevé les cotisations à la taxe proessionneU.e et à la contribution nationale de ~crise repri­ses sous l'article 6413 du rôle de l'exer­cice 1-948 par rappel de 1943;

Attendu que le recours s,avère sans obj-et dans la mesure où il a trait aux cotisations ci-dessus totalement dégre­vées;

Attendu que le 15 décembre 1933, la société requérante a procédé à une aug­mentation de capital au moyen d'une somme de 4.587.258 francs provenant d'une réévaluation d'actif, que les actifs réévalués comprenaient _un immeuble dont l'estimation est portée de 641.855 F à 3.100.000 F (soit une différence de 2.458.145 F) et du matériel dont l'esti­mation est portée de 665.073 F à 2.788.186 F (soit une dHférence de 2.129.110 F) (cf. pièces 40', 41 et 45) ;

Attendu que les plus-values ainsi ex­primées dans les comptes n'ont pas été taxées à ce moment;

Attendu qu'en 1942 et 1943, la société requérante a vendu une grande partie de son matériel, tandis qu'elle réalisait l'immeuble pour 2.850.000 F le 8 juin 1943;

Attendu que les déclarations des exer­cices 1943 et 1944 ont été rectifiées par le ~contrôl-eur qui a incor,poré dans les bases imposables de ces exercices les profits résultant de la réalisation du ma­tériel et de l'immeuble (après avoir ap­pliqué en ce qui concerne ce dernier la revalorisation du prix d'acquisition prescrite par l'article 27, 2bis, littera a, des lois coordonnées relatives aux im­pôts sur les :revenus) ;

Attendu que ces rectifications ont eu pour effet de substituer aux pertes dé­clarées pour les exercices 1943 et 1944 des bénéfices s'élevant après corredions opérées par la décision, à 341.793 F et à 1.878.780 F;

Attendu, certes, que les plus-values réalisées en 1942 et 1943 n'ont pas été taxées avant leur réalisation;

Mais attendu que l'article 3 de l'ar­rêté royal n" 277 du 31 mars 1936 a mo­difié l'article 27, 1 "", des lois coordon­nées et a permis la taxation des plus­values exprimées dans les comptes, que cette disposition était applicable -pour l'établissement des cotisations afférentes aux bilans et compte clôturés à partir du 30 mars 1935, en vertu de l'article 7 de l'arrêté royal;

Attendu que, dans ces conditions, l'ad­ministration avait l'obligation de les . ta­xer à cette époque et qu'elle ne peut in­voquer sa carence pour procéder à leur taxation au moment où ces plus-values ont été réalisées, la loi ne lui permet­tant aucun choix à cet égard;

Attendu que ces considérations suffi­sent à démontrer l'illégalité de l'incor­pOI·ation aux revenus imposables .des exercices 1943 et 1944 des plus-values réalisées au cours de ceux-ci, mais qui avaient été déjà exprimées dans· les comptes à partir du bilan au 31 décem­bre 1934;

Attendu que, par voie de conséquence, disparaît toute base taxable à l'impôt extraordinaire, qu'en effet, la ~base qui a été retenue pour le calcul du dit im­pôt -est inférieure au total des plus-va­lues incorporées à tort dans les bénéfi-

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ces des exercices 1943 et 1944 (cf. piè­ce E 20);

Par ces motifs :

LÀ COUR,

Statuant contradictoirement; Entendu en audience publique le rap­

port de M. le conseiller Mahaux et l'avis de M. l'avocat général Gevers;

Ecartant comme non fondées ou sans pertinence toutes conclusions autres, plus amples ou contraires;

Reçoit le recours; Le déclare sans objet en ce qu'il con­

cerne les cotisations reprises sous l'arti­cle 6413 du rôle de l'exercice 1948 (par rappel de 1943) et la cotisation à la taxe professionnelle comprise ·sous l'article 6416 du rôle de l'exercice 1948 (par rappel de 19'44) ;

Le déclare fondé pour le surplus; Annule les cotisations restant liti­

gieuses, -condamne l'Etat belge ( dépar­tement des Finances) à rembourser à la société requérante toutes sommes qui auraient été indùment perçues sur base des cotisations annulées, et ce avec les intérê-ts moratoires conformément à l'article 7 4 des lois coordonnées;

Condamne l'Etat belge (département des Finances) aux dépens taxés à la somme de 54,75 F.

Gand (3e ch.), 6 février 1958. Siég. : MM. MoENECLAEY, cons., prés. ff., MoREL

DE WESTGRAEVE et LEFEBVRE, cons. Min. publ. : M. V ANHONDT, prem. av. gén. Plaid. : Me MICHEL-CASSIAN LoHEST (du Barreau de

Liège).

(Min. publ. c. M.)

DESTRUCTION DE MACHINES A VA­PEUR. - Article 523 du Code pénal. -Champ d'application.

Lorsque dans les moteurs des machi­nes détruites le «gas-oil» ou le «fuel­oïl» est pulvérisé et non vaporisé et que les phénomènes produisant l'énergie dans ces machines ne sont pas provoqués par l'inflammation des vapeurs, l'article 523 du Code pénal ne s'applique pas à la destrwction de ces machines produisant de l'énergie motrice, sans utiliser une quelconque vapeur.

Attendu que les appels interjetés dans les formes et délais sont recevables;

Attendu que la Cour de céans est saisie des faits de la prévention en vertu de l'arrêt de la Cour de cassation du 21 janvier 1957, cassant l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Bruxelles le 3 juillet 1956;

Attendu que le prévenu soutient : 1) En droit, que les faits mis à sa

charge ne tombent pas sous l'application de l'article 523 du Code pénal;

2) Au fond, qu'il n'est nullement éta­bli qu'il soit l'auteur de la destruction qui lui est reprochée;

Attendu qu'il résulte, tant des pièces de la procédure que de l'instruction faite devant la Cour gue, -dans la nuit du 3 au 4 septembre 1955, le prévenu s'est rendu à V ... et y sabota les machines servant à curer les étangs au lieu dit «D ... »; .

qu'en effet, l'ensemble des présomp­tions réunies contre lui établit que pour se venger de ce que l'entreprise de cu­rage des étangs lui avait été retirée et confiée au sieur L ... , propriétaire de ces machines, le prévenu· détruisit celles­ci de manière à les rendre inutilisables;

Attendu que le prévenu, ainsi qu'il a été dit, ·ci-devant, non seulement nie avoir commis le fait; qu'il précise en

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outre, que les machines dont il s'agit, sont actionnées par un moteur à «-gas­oil » ou à << fuel-oil »;

Qu'il en déduit que c'est à tort que le fait de leur destruction est qualifié par lë ministère public comme tombant sous l'application <le l'article 523 du Gode pénal, alors que cette disposition ne vise que la destruction de machines à vapeur;

Attendu qu'il est constant que dans les moteurs des _ machines détruites, le <<gas-oil» ou le << fuel-oil » est pulvérisé et non vaporisé et que les phénomènes produisant l'énergie dans ces machines ne sont pas provoqués par l'inflammation des vapeurs;

Attendu qu'il importe, dès lors, de rechercher si l'article 523 du Code pé­nal peut viser la destruction d'une ma­chine produisant, comme en l'espèce, de l'énergie motrice sans utiliser une quel­conque vapeur;

Attendu, tout d'abord, qu'il n'est pas sans intérêt, de remarquer qu'on ne peut induire de la précision «machine à vapeur», incluse dans le dit article, que le législateur a donné cette précision parce que les autres sources d'énergie étaient inconnues ou inutilisées à l'épo­que de la rédaction du Code pénal; qu'en effet, pareille interprétation, prise isolément, conduirait à ériger les faits visés en infraction, uniquement parce que la transformation technique des ma­chines ne peut avoir pour résultat de les laisser sans protection;

Attendu, en· effet, que si l'on ne peut, en principe, prohiber l'application ex­tensive de la loi pénale, quand cette interprétation consiste à dépasser le sens strict et littéral de la loi pour com­prendre, dans ceux-ci, des faits que le législateur a incontestablement voulu atteindre, encore que la formule du texte n'ait pas compl~tement et parfaitement traduit sa pensée, cette considération, à elle seule, ne suffit pas (Novelles, Droit pénal positif, n°8 549 et 551)' qu'au sur­plus, ainsi que le précise et l'explicite l'arrêt de renvoi « ... s'il est permis au juge répressif d'appliquer la loi pénale à des faits que le législateur était dans . l'impossibilité absolue de pressentir à l'époque de la promulgation de la dispo­sition légale, c'est à la double condition que la volonté du législateur d'ériger des faits de cette nature en infraction soit certaine et que ces faits puissent être compris dans la définition légale de l'infraction ... »;

Attendu qu'il ressort de ce qui pré­cède que la définition de la machine à vapeur ne s'applique pas aux machines détruites par le prévenu, d'où il suit que les faits mis à sa charge ne peuvent être compris dans la définition légale de l'in­fraction prévue par l'article 523 du Code pénal;

Par ces motifs : LA CouR,

Statuant contradictoirement, Rejetant toutes autres conclusions plus

amples ou contraires; Met le jugement a quo à néant, sta­

tuant à nouveau, renvoie le prévenu des fins de la poursuite;

Laisse les frais des deux instances à charge de/ l'Etat.

OBSERVATIONS. - VDyez Cass., 21 janvier 1957, J. T., 1957, p. 261.

Civ. Tournai (38 ch.), 22 mai 1958. Siég. : M. FouREZ, juge un. Min. publ. : M. MAUROY, proc. Roi.

ADOPTION. ---Révocation. - Conditions.

La réz1ocation d'une adoption n'est permise que s'il existe des motifs graves. Seuls les tribunaux ont le pouvoir d'apprécier la gravité des motifs et d!ad­mettre ou de rejeter la demande en révocation.

L'action en révocation peut être intro­duite, du vivant de l'adoptant et de l'adopté, par l'adoptant, l'adopté ou le ministère public. Le ministère -public pourrait, s'il existait des motifs graves de révocation, agir soit à la demande de parents de l'adopté, soit à la demande d'un tiers, soit d'office.

Est sans objet la demande d'homolo­gation d'un acte d'adoption suivant une adoption antérieure valable et déjà ho­mologuée.

Vu la requête ci-jointe datée du 16 avril 1958;

Rétroactes : Attendu que Van Loo Georgette, née à

Kessel-Jo, le 25 juin 1938, ayant été sé­parée des siens au cours d'un bombar­dement à Abbeville, en mai 1940, fut recueillie- en décembre 1940 par Lefèvre Victor et son épouse Grandsart Simone, domiciliés à Tournai; ·

Attendu que par jugement en date du premier décembre 1941, le tribunal de ce siège décréta que cet enfant, dont on ignorait l'identité, porterait les nom et prénoms d'« Abbeville Nadyne-Hélène­Marie »; que ce jugement fut transcrit le 11 décembre 1941 dans les registres d'état civil de Tourna_i;

Attendu que par acte du 14 avril 1943, Abbeville Nadyne fut adoptée par les époux Lefèvre-Grandsart; que l'homolo­gation eut lieu par jugement du tribunal de ce siège en date du 23 septembre 1943, le nom patronymique de l'adoptant «Lefèvre » étant substitué à celui de l'adoptée << Abbeville »; que la transcrip­tion dans les registres de l'état civil eut lieu le 9 novembre 1943;

Attendu que l'identité réelle de l'enfant ayant pu être établie à la suite d'une en­quête faite par le parquet près ·le tribu­nal de ce siège, le dit tribunal, statuant sur une demande introduite par Van Loo Frans, père de l'enfant, contre les époux Lefèvre, par jugement rendu par défaut le 212 mai 19_57, constatant la véritable identité de l'enfant, déclara nulle la transcription du jugement qui lili avait attribué les nom et prénoms de Abbe­ville Nadyne-Hélène-Marie;

Attendu que le 21 février 1958 est in­tervenu un nouvel acte d'adoption passé entre les époux Lefèvre -- Grandsart, d'une part, la mineure et son père, d'au­tre part, sa mère étant décédée; que c'est l'homologation de cet acte qui fait l'ob­jet de la requête du 16 avril 1958;

En droit : Attendu que les intéressés entendent

sans doute confirmer pour autant que de besoin la première adoption faite en 1943, en attribuant cette fois à l'adoptée le patronyme de <<Van Loo - Lefèvre»;

Attendu que l'adoption de 1943 a été faite conformément aux prescriptions de l'article 346 du ;Code civil; que les pa­rents de l'adoptée étant dans l'impossi­bilité de manifester leur volonté et de donner leur consentement, le consente­ment légal fut donné au nom de la mi­neure par son conseil de famille; que cette adoption est donc valable;

Attendu que la révocation de l'adop­tion de 1943 n'a même pas été sollicitée; que la révocation d'une adoption n'est permise que s'H existe des motifs graves; que seuls les tribunaux ont le pouvoir d'apprécier la gravité des motifs et d'admettre ou de rejeter la demande en

révocation; que l'action en révocation peut être introduite, du vivant de l'adop­tant et de l'adopté, par l'adoptant, l'adopté ou le ministère public; que s'il existait des motifs graves de révocation, le ministère public pourrait agir soit à la demande des parents de l'adopté, soit à la demande d'un tiers, soit d'office (G. Auvray, L'adoption et la tutelle offi­cieuse, 1949, no 90);

Attendu que l'adoption de 1943 homo~ loguée par jugement du tribunal de ce siège du 23 septembre 1943 étant vala­ble, la présente demande est sans objet; qu'il y a donc lieu de refuser l'homolo­gation de l'acte d'adoption passé entre les intéressés le 21 février 1958;

Par ces motifs : LE TRIBUNAL,

. Vu les articles 1, 9, 30, 32 à 35, 37, 38 et 41 de la loi du 15 juin 1935, faisant usage de la langue française;

Ouï M .. Mauroy, procureur du Roi, en son avis conforme donné en audience publique le 22 mai 1958;

Dit que l'acte d'adoption passé le 21 février 1958, n'est pas homologué;

OBSERVATIONS. - Le jugement du 22 mai 1957, a été publié au J.T., 1957, p. 499·

Corr. Arlon (28 ch.), 19 mai 1958. Siég. : M. L. MICHAUX, juge un. Min. publ. : M. HALLEUX, subst. proc. Roi. Plaid. : MM"" SIM ONET, CLAEs, BoEVER et GENOT.

(Min. pub!. et Vanghe'luw et cons. c. Gousenbourger}_

ROULAGE. - INTERDICTION DE CON­DUIRE.- Arrêté royal du 8 avril 1954, arti­cle 10, alinéa 3 et arrêté-loi du 14 novembre 1939. - IVRESSE. - Notion. - Perte du contrôle permanent de ses actes.

La législation actuellement en vigueur comporte deux dispositions différentes relatives à l'interdiction de conduire, celle de l'article 10, alinéa 3 de l'arrêté royal du 8 avril 1954, qui vise l'inapti­tude à conduire, et celle de l'article .!J de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 qui prévoit l'état d'ivresse.

Le législateur n'ayant pas défini l'état d'ivresse, cet état doit s'entendre dans son sens usuel, aussi bien dans l'al'ticle 3 que dans l'article 1er de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939.

Il ne suffit pas pour l'application de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 que le prévenu ait perdu dans une certaine me­sure la rapidité et la précision de ses réflexes, ni que son sang contienne une certaine quantité d'alcool, qui, d'après des expériences scientifiques, entraîne un tel résultat, si, par ailleurs, il n'est pas établi que le prévenu ait perdu le contrôle permanent de ses actes.

Szzr l'action publique : Attendu que les éléments du dossier

et l'instruction faite à l'audience justi­fient à charge du prévenu les préven­tions 1 (homicide et blessures 111 volon­taires), 2 b (excès de vitesse) et 2 a (avoir conduit sans être en état de le faire);

Qu'en ce qui concerne la prévention 2 c (ivresse au volant), il y a lieu de remarquer que l'analyse du sang du pré­venu a révélé, qu'au moment de l'aefi­dent, son alcoolhémie était de 1,700 pour mille environ;

Que cependant, les gendarmes arrivés sur les lieux peu de temps après l'acci­dent survenu vers 22,20 heures ont constaté que le comportement du pré­venu était normal et qu'il ne paraissait pas être en état d'ivresse, bien que son haleine exhalât des relents de bière et

qu'il eût reconnu avoir absorJ>é 8 verres de bière entre 17 et 2·2 heures;

Attendu que le ministère public a dé­posé à l'audience des conclusions ten­dant à faire admettre que le degré d'al­coolhémie découvert chez le prévenu doit être retenu comme constitutif de l'état d'ivresse, même en l'absence de tout signe clinique, du moment que, le déroulement de l'accident présente un caractère anormal qui dénote une ab­sence de contrôle précis des gestes et du comportement du prévenu sur la route, ainsi qu'un manque de rapidité et de précision de ses réflexes;

Attendu que, sans doute, ainsi que le ministère public le rappelle en ses con­clusions, la Cour d'appel de Bruxelles a décidé «qu'en érigeant en infraction le fait de conduire un véhicule alors qu'on est en état d'ivresse, le législateur a en­tendu protéger tant le délinquant que les autres usagers de la route contre les dan­gers résultant pour eux, non pas de l'im­possibilité totale de conduire résultant du coma alcoolique, mais de l'état dan­gereux de celui qui, sans être ivre-mort et sans même avoir perdu totalement la compréhension et le jugement, ne possè­de plus le contrôle précis de ses gestes, ni la rapidité et la précision de ses ré­flexes (Brux., 14 juill. 1949, Pas., 1949, II, 95, cité par Van Roye, Code de la circulation, 1956, n° 388);

Que, d'autre part, il résulte des tra­vaux du Docteur Levaux publiés dans la Revue de Droit pénal et de Criminologie d'octobre 1957 et sur lesquels s'appuie le ministère public qu'à 1,5 gr. d'alcool pour mille dans le sang, tous les sujets observés au cours de ses expériences ont été influencés dans l'exécution des tests psychotechniques, alors que 36 o/o mar­quaient un allongement de leur temps de réaction visuel et auditif et que 216 o/o seulement manifestaient des signes cli­niques extérieurs d'incoordination mo­trice;

Que l'on peut sans doute conclure de là que la conduite d'un véhicule devient dangereuse à partir de ce degré d'alcool­hémie;

Qu'il ne faut cependant pas perdre de vue que la législation actuellement en vigueur comporte deux dispositions différentes relatives à l'interdiction de conduire, celle de l'article 10, alinéa 3 de l'arrêté royal du 8 avril 1954, qui, vi­sant l'inaptitude à conduire, est incontes­tablement d'application en l'espèce, et celle de l'article 3 de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 qui prévoit l'état d'ivres­se;

Que le législateur n'ayant pas défini l'état d'ivresse, cet état doit s'entendre dans son sens usuel, aussi bien dans l'ar­ticle 3 que dans l'article 1er de l'arrêté­loi du 14 novembre 1939;

Qu'il en est d'autant plus ainsi que la loi pénale est de- stricte interprétation et ne peut pas être étendue par voie d'ana­logie;

Que, « dans le langage courant, une personne ivre est celle qui se trouve sous l'influence de la boisson au point de n'avoir plus le contrôle permanent de ses actes, sans avoir nécessairement perdu la conscience de ceux-ci» (Cass., 18 janv. 1954, Pas., I, 429, cité par Van Roye, Code de la circulation, 11° 386);

Que dès lors, il ne suffit pas pour l'ap­plication de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 que le prévenu ait perdu dans une certaine mesure la rapidité et la préci­sion de ses réflexes, ni que son sang contienne une certaine quantité d'al­cool, qui, d'après des. expériences scien­tifiques, entraîne un tel résultat, si, par ailleurs, il n'est pas établi que le prévenu

ait perdu le contrôle permanent de ses actes;

Que l'observation· du comportement du sujet au moment de l'accident est donc indispensable pour déterminer s'il pré­sente les signes de l'ivresse au sens usuel du mot;

Qu'en l'occurrence, les constatations prérappelées des gendarmes démontrent que ces signes n'existaient pas en l'es­pèce; - Que sans doute l'expertise du colonel Leblanc conclut que le prévenu a réagi tardivement à l'apparition du groupe de militaires sur la chaussée, faute de quoi il eût pu s'arrêter avant d'en renverser une douzaine;

Qu'il faut cependant observer que cette conclusion implique, d'une part, un temps de réaction d'une demi-seconde, ce qui constitue un minimum, et d'autre part, une claire vue des jambes des hommes à 65 mètres, distance relative­ment grande pour une nette perception, si l'on tient compte de la teinte neutre de la tenue militaire et du fait que le prévenu circulait avec ses phares codes dont la portée légale obligatoire n'est que de 25 mètres (A.R., 8 avril 1954, art. 78,2);

Qu'il y a également lieu de tenir compte du fait que le prévenu circulait à une vitesse avouée de 60 km/heure, soit de 16,66 rn à la seconde et, d'après l'expert, à 70 km/heure, soit près de 20 rn à la seconde;

Qu'il n'est donc pas possible d'affir­mer que le comportement du prévenu sur la route révèle la perte du contrôle permanent et pl'écis de ses actes, sur­tout en présence des constatations pré­rappelées des gendarmes;

Que dès lors la prévention 2c) (ivresse au volant) n'est pas établie;

Attendu qu'il y a concours idéal d'in­fractions entre les faits prévus à la pré­vention 1 (homicide et blessures invo­lontaires) et 2 b) (A.H., 8 avril 1954, art. 26);

Qu'il y a donc lieu de n'infliger de ces chefs qu'une seule peine, celle qui est prévue par les articles 418 et 419 du Code pénal;

Attendu que dans l'application de la peine, il y a lieu de tenir compte des bons antécédents du prévenu et des fau­tes commises par les victimes qui, alors qu'il existait un accotement praticable de plus de deux mètres sur leur gauche, circulaient en groupe inorganisé sur la chaussée, sans se tenir près du bord de celle-ci ni sur le côté gauche, alors que la prudence le leur commandait ~n rai­son de l'obscurité, du mauvais éclairage et de la teinte neutre de leur tenue;

Qu'en effet, les traces du passage de la voiture du prévenu relevées au plan des gendarmes démontrent que les vic­times et notamment Vangheluwe se te­naient même à proximité dg centre de la chaussée;

Attendu que_ le prévenu est dans les 1 conditions requises pour bénéficier de

la condamnation conditionnelle et que son amendement est à espérer;

Que d'autre part, eu égard à sa bonne conduite habituelle, aux nécessités de sa profession de facteur des postes,. ainsi qu'à ses lourdes charges de famille, il y a lieu d'exclure de la déchéance pronon­cée ci-après, la. conduite d'une bicy­clette;

Attendu que cette limitation de la dé­chéance est possible, la déchéance pré­vue par l'article 2 de la loi du 1er août 1899, modifié par la loi du 1er août 1924 n'étant pas obligatoire (voy. cas d'appli­cation dans Liège, 6e ch., 26 avril 1958, en cause VVauthier);

Sur les actions civiles (sans intérêt) ...

Par ces motifs LE TRIBUNAL,

551

Vu la loi du 5 mars 1952, les articles 418, 419, 420, 65, 47, -40 du Code pénal; 1, 2 loi du 1er août 1899; 10, 26, r de l'arrêté royal du 8 avril 1954; 1382, 1383 du Code civil; 2, 3, 4, 5 de la loi du 27 juillet 1871 sur la contrainte par corps modifiée par la loi du 1er mars 1949; 1, 11 à 14, 30 et suivants de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, 9, loi du 31 mai 1888 modifiée par la loi du 14 novembre 194 7; 194 du Code d'instruction crimi­nelle, cités en audience publique par M. le président, ·

Statuant contradictoirement, Dit non établie la prévention 2 c

(ivresse au volant), en renvoie le pré­venu sans peine ni frais;

Dit établies telles qu'elles sont libel­lées les autres préventions;

Condamne en conséquence le prévenu du chef des préventions 1 et 2 b) (homi­cide et blessures involontaires - rou­lage) à une peine unique de cinq mois d'emprisonnement et de 100 francs d'amende et du chef de la prévention 2 a) (inaptitude à conduire) à. une peine d'un mois d'emprisonnement et de 100 francs d'amende ...

Civ. Anvers (Ire ch. bis), 25 mars 1958.

Siég. : MM. HuYGHEBAERT, prés., VERHOEVEN et

HERNOULD, juges. Plaid. : MMes F. DAESELEIRE et A. KINSBERGEN.

(Schapira Na/tali Herz c. les époux Waales­Van den Weygaat)

BAIL A LOYER.- Commencement d'exé­cution. - Preuve de l'existence du baiL

Lorsque les parties sont en discus­sion sur l'existence d'un bail, la quit­tance signée par le prétendu bailleur et stipulée comme suit : « acompte sur l'appartement à louer le 1''" novembre 1957 », doit être interprétée comme une reconnaissance que le loyer prendrait cours le 1er novembre 1957; à tout le moins comme une promesse du futur lo­cataire de prendre l'appartement à bail le rr novembre 1957. Une telle quittance fait preuve de la réception des deniers par le bailleur et le terme « acompte » ne peut être interprété que comme un commencement d'exécution donné par les parties à la convention, ce qui res­pecte les termes de l'article 1715 du Code civil.

(Traduction) Considérant que l'action originaire

des actuels intimés tendait à obtenir condamnation de l'appelant au paye­ment de 6.00•0 francs avec accessoires pour loyers arriérés, à la résiliation du bail et expulsion de l'appelant des pièces occupées par lui dans l'immeuble situé à Anvers, avenue Charlotte, 18, au 2" étage, au payement à titre de dommages intérêts pour résiliation du bail de la somme de 9.000 francs avec accessoires; qu'il a été fait droit à cette action par le jugement attaqué sauf en ce qui con­cerne les dommages intérêts pour la résiliation, qui ont été ramenés à 3.000 francs;

Considérant que les intimés fondent leur action sur la prétention que l'appe­lant leur a pris en location çlepuis le 1'" novembre 1957 un appàrtement au prix mensuel de 3.000 francs; qu'il a payé le loyer du mois de novembre 1957 mais est resté en défaut d'apurer le loyer d~s mois de décembre 1957 et de

552

janvier 1958; que de son côté l'appelant conteste qu'une convention de bail au­rait été conclue entre parties et prétend que les intimés restent totalement en défaut d'apporter la preuve d'une telle convention;

Considérant qu'à l'appui de leurs mu­~uelles prétentions les parties font appel à une quittance signée par le premier in­timé et en possession de l'appelant, li­bellée comme suit : « Reçu de M. Schapira, 36, rue Mercator, la somme de 3.000 francs comme acompte pour l'ap­partement à louer le 1er novembre 1957. Anvers, le 30 septembre 1957 (signé : F. Waeles.) ».

Considérant que les parties donnent une explication différente au sujet de la constitution de cet écrit;

Considérant que l'appelant prétend qu'il était disposé à prendre le dit ap­partement en location à la condition que les intimés y fassent construire une terrasse et qu'il soit autorisé à laisser stationner la voiture d'enfant dans le corridor du rez-de-chaussée;

Que les deux parties convinrent d'ob­tenir chacune de leur côté une offre de prix pour cette terrasse, et que pendant ces pourparlers l'appelant a, pour prou­ver qu'il prenait la chose au sérieux, déjà remis la somme de 3.000 francs à l'intimé qui ne voulut d'abord pas l'ac­cepter parce qu'aucune convention n'était encore conclue entre parties, et qu'alors les parties décidèrent de rédi­ger une quittance pour «l'appartement à louer le 1er novembre 1957 » et non pour l'appartement loué; que les offres de prix une fois connues les -intimés ne furent plus d'accord de laisser con­struire une terrasse eu égard au prix élevé et présentèrent un contrat de bail dans lequel figurait une défense de pla­cer des voitures d'enfant dans le corri­dor; qu'il n'a pas signé ce contrat et que les pourparlers furent rompus; que tant avant que pendant les pourparlers une affiche « à louer » resta apposée sur -l'appartement litigieux;

Considérant que de leur côté les inti· rués soutiennent que c'est l'appelant qui demanda de pouvoir éonstruire une terrasse à ses frais et de pouvoir placer la voiture d'enfant dans le corridor; qu'ils donnèrent leur assentiment à ceci êt que fin septembre les parties se dé­clarèrent d'accord sur un bail prenant cours le 1'" novembre 1957, en foi de quoi un premier terme de loyer fut payé par l'appelant et une quittance fut déli­vrée par l'intimé «pour acompte sur l'appartement à louer le 1er novembre 1957 » voulant signifier par là non que le bail devait encore être conclu mais

· qu'il prendrait cours le 1er novembre 1957; que l'affiche <<à louer» fut enlevée à la suite de cet accord; que plus tard l'appelant fit savoir qu'il préférait ne pas déménager parce que dans son ancien appartement il pouvait recevoir à sa disposition une ou deux pièces de plus, sur quoi les intimés étaient dispo­sés à mettre fin au bail à condition qu'un nouveau locataire soit trouvé, ce qui fut l'occasion de la nouvelle mise en loca­tion de l'appartement à laquelle les inti­més ne réussirent qu'à ,partir du 1"' mars 1958;

Considérant que les explications de l'appelant aboutissent à nier tout,e exis­tence à une conv~ntion et à dire que tout se serait réduit à des pourparlers au cours desquels la. somme de 3.000 francs n'aurait été remise que pour prouver qu'il prenait les choses au sérieux;

Considérant que cette manière de présenter les choses ne concorde nulle­ment avec le texte de ladite quittance;

Considérant que dans l'interprétation la plus favorable de ce texte pour l'ap­pelant les mots «pour l'appartement à louer le 1er novembre 1957 ~ ~indiquent un engagement de sa part à prendre l'appartement en location le 1er novem­bre 1957;

Considérant qu'une telle convention est une convention à terme, qui lie l'ap­pelant puisque le terme est révolu;

Considérant que si par son exposé des faits l'appelant voulait faire passer cette convention comme étant sous condition (construction d'une terrasse et garage de la voiture d'enfant), cette condition n'est cependant pas prouvée; qu'il n'y est pas fait allusion dans ladite quittance et qu'elle ne peut résulter des faits quotés par l'appelant;

Considérant que la preuve de la con­vention à terme de l'appelant est suffi­samment établie par la quittance pro­duitè;

Considérant que suivant cet écrit des arrhes ont été données, qu'alors se pose la question à quel titre celles-ci ont été remises;

qu'en effet elles peuvent être données soit comme acompte sur le prix, soit comme preuve de l'existence de la con­vention, soit comme moyen de dédit (De Page, t. IV, no 272);

Considérant qu'aucun élément ne per­met de supposer que les deniers ont été donnés comme moyen de dédit; que d'après le texte même de la quittance ils présentent au contraire le caractère d'un acompte~ qu'ainsi les parties ont donné un commencement d'exécution à la convention en vue de la preuve; que ladite quittance constitue donc une reconnaissance écrite de l'existence de la convention, et que les prescriptions de l'article 1715 du Code civil restent respectées (De Page, t. IV, n~o 543);

Considérant que l'appelant ne peut être admis à la preuve par témoins contre le contenu de cet écrit (C. civ., art. 1341);

Considérant qu'après avoir soutenu à tort que les intimés restent en défaut d'apporter la preuve écrite de l'exécu­tion de la convention, l'appelant objecte, mais cette fois à raison, que les condi­tions de la convention ne sont pas éta­blies~

Considérant quant à ce que les inti­més offrent, en application de l'article 1716 du Code civil, de confirmer sous serment que le prix du loyer fut fixé à 3.000 francs par mois; que l'appelant ne déclare pas préférer une évaluation par experts;

Par ces motifs LE TRIBUNAL,

Déclare l'appel recevable, et avant de juger au fond, constate que les intimés offrent de confirmer sous serment : que le loyer a été fixé à 3.000 francs par mois; ordonnr: aux parties de com­paraître à cette f, a... le ...

Frais réservés.

Comm. Bruxelles, 5 juin 1957. Siég. : M. LEURIDAN, juge un. Rapp. : M. BERTEN, réf.-adj.

(Mathy R., c. S.A. Mathy et Tho/et)

SOCIETES. - Administrateur. - CON­TRAT DE LOUAGE DE SERVICES. Condition.

Si, dans une société de capitaux il n'y a pas nécessairement incompabilité entre la qualité d'administrateur et même d'administrateur délégué et celle d'em­ployé, encore ne peut-on déduire l'exis­tence d'un contrat de louage de services du seul fait que L'administrateur perçoit

une rémzinération et accomplit des pres­tations qui ne rezevent normalement pas de son mandat d'administrat.eur, mais sont normalement celles d'un employé. - [[ est d'usage lorsque des fonctions d'employé sont confiées à un adminis­trateur, et plus particulièrement à· un administrateur délégué, de constater le contrat par écrit, ou tout au moins de l'acter au procès-verbal de la réunion du conseil d'administration en cours de la­quelle la décision a été prise.

Attendu que l'action tend à faire dé­clarer résili:èe aux torts et griefs de la défenderes,se une convention de loua­ge de services qui serait intervenue en­tre les parties, à faiœ condamner la dé­fenderesse à payer au demandeur une somme de 153.600 francs à titre d'indem­nité de rupture, et une somme de 2.500 francs du chef de congés payés, ce sous réserve d'augmentation en cours d'instan­ce, à faire condamner enfin la défende­resse à justifier de la régularisation de la situation du demandeur à l'égard de la caisse de pensions pour employés, et à l'égard de l'O.N.S.S. sous peine d'une indemnité de 10.000 francs, sous réserve d'augmentation en cours d'instance;

Attendu que le demandeur, qui s'occu­pait de publicité, fonda, le 20 décembre 1954 avec un sieur Henry Tholet, qui exerçait la même activité, et 5 autres per­sonnes dont quatre dessinateurs publici­taires, une société anonyme dénommée << Publiforge », ayant pour objet la publi­cité sous toutes ses formes; que le capi­tal était de 200.000 francs et qu'il fut souscrit à concurrence de 75.000 francs par le demandeur et de 75.000 francs par M. Henry Tholet; que ce d~rnier, le de­mandeur et un sieur Waeles furent nom­més administrateurs et que par une dé­cision du conseil d'administration du même jour, -le demandeur fut désigné comme administrateur-dé-légué chargé de la gestion journalière de la société et in­vesti à ce titre de pouvoirs fort étendus, à peu près illimités, pouvoirs comportant notamment celui de nommer et révoquer tous employés et ouvriers, de fixer leurs traitement,s, salaires, gratifications, ainsi que toutes autres conditions de leur ad­mission et de leur départ, et aussi celui de représenter la soCiété vis-à-vis de tou­tes administrations publiques;

Attendu que le 28 décembre 1955, la dénomination <<Ancienne Agence en Con­seils de Publicité, Mathy et Tholet » fut substituée à celle de << Publiforge »;

Attendu que par une as,semblée géné­rale extraordinaire des actionnaires du 26 juillet 1956, les mandats d'administra­teur et d~administrateur délégué du de­mandeur furent révoqués avec effet im­médiat;

Attendu que le demandeur. prétend qu'outre son mandat d'administrateur délégué, il exerçait au sein de la société des fonctions dirigeantes en vertu 'd'un contrat de louage de services, contrat au­quel la révocation de son mandat ne pou­vait mettre fin et que la défenderesse a rompu sans préavis au moment de cette révocation;

Attendu que la défenderesse conteste l'existence d'un contrat de louage de ser­vices;

Attendu que le demandeur prétend trouver la preuve d'un tel contrat dans le fait qu'il bénéficiait d'une rémunéra­tion mensuelle de 15.360 francs et dans l'application qui fut faite en ce qui le concernait, de la législation sociale rela­tive aux employés;

Attendu que si, dans une société de ca­pitaux il n'y a pas nécessairement in­compabilité entre la qualité d'adminis­trateur et mème d'administrateur délé~ué

et celle d'employé, encore ne peut-on dé­duire l'existence d'un contrat de louage de services du seul fait que l'administra­teur perçoit une rémunération et accom­plit des pr·estations qui ne relèvent nor­malement pas de son mandat d'adminis­trateur, mais sont normalement celles d'un employé;

Attendu qu'il est d'usage lorsque des fonctions d'employé sont confiées à un administrateur, et plus particulièrement à un administrateur délégué, de consta­ter ~e contrat par écrit, ou tout au moins de l'acter au procès-verbal de la réunion du conseil d'administration en cours de laquelle la décision a été prise; que le demandeur n'allègue même pas qu'il y aurait eu au sujet de son prétendu enga­gement comme employé, une délibéra­tion régulière du conseil d'administra­tion, fixant de manière précise la nature de ses fonctions, ses droits et ses obliga­tions;

Attendu que la défenderesse, constituée ' sous la forme d'une société anonyme, est

sans doute, apparemment une société de capitaux, mais que les trois quarts du capital appartenaient au demandeur et au sieur Tholet et que, compte tenu de la nature de l'activité de ceux-ci, activité qu'ils ont poursuivie au sein de la société, l'obj.et de la société et la modification intervenue dans la dénomination sociale en décembre 1955 révèlent à suffisance la véritable nature de la société,' laquelle avait pour fins bien moins une mise en commun de capitaux que la mise en com­mun des activités des deux principaux fondateurs;

Attendu que selon toute vraisemblance les admini,strateurs ont fait entre eux une répartition du travail et fixé leur rému­nération sans envisage.(' le moins du mon­de la conclusion d'un véritable contrat de louage de services, comme ils l'au­raient fait dans une société de person­nes;

Attendu que le contrat de louage de servic·es suppose essentiellement un lien de subordination et qu'il ne résulte d'au­cun des éléments produits que dans l'ac­complissement de l'ensemble de ses pres­tations, le demandeur agissait comme un subordonné, qu'il devait compte de l'cm-

LA

La prévention des infractions involontaires.

Le huitième cours international de crimi­nologie s'est ouvert à Bruxelles le jeudi 2 oc­tobre sous les auspices du ministre de la Justice et avec l'agréation du commissaire général à l'Exposition Universelle et Inter­nationale de Bruxelles.

'Ces travaux, qui dureront dix jours, sont dirigés par M. le professeur Paul Cornil, se­crétaire général du ministère de la Justice.

Dans un remarquable exposé, M. Cornil a précisé l'objet du cours :

ploi de son temps, qu'il recevait des ins­tructions du conseil d'administration quant au travail à faire et à la manière de l'exécuter; qu'il est beaucoup plus vraisemblable que c'est en toute liberté que le demandeur a accompli les nom­breuses prestations dont il fait état et qui ne re,lèveraient pas de son mandat d'administrateur délégué, sans qu'il ait jamais songé lui-même à faire une distinc-tion entre celles qu'il acomplissait en cette dernière qualité et celles qui ne constituaient que la préparation ou l'exé­cution des contrats conclus par lui;

Attendu, d'ailleurs, qu'à supposer mê­me admis que le demandeur ait rempli la fonction d'un directeur en même temps que celle d'administrateur-délégué, il y avait manifestement une telle confusion entre ses deux activités, que la révoca­tion de son mandat d'administrateur-dé­légué rendait impossible la continuation de son activité comme directeur et qu'on doit dès lors admettre, à peine de rendre vain le droit de révocation en ce qui con­cernait le mandat d'administrateur-délé­gué, que ce droit impliquait celui de ré­voquer le demandeur en sa qualité de directeur (cf. Frédéricq, Tr. de dr. corn., t. V, no 458, in fine, p. 651; - Rép. prat. dr. b., V0 Sociétés anonymes, no 1115);

Attendu que vainement le demandeur fait état de l'application qui a été faite en ce qui le concerne, de la législation so­ciale, relative aux employés; qu'étant donné les pouvoirs dont disposait le de­mandeur, c,ette application est selon tou­te vraisemblance la conséquence d'une décision du demandeur lui-même; qu'au surplus, si celui-ci et les autres adminis­trateurs ont estimé être soumis à législa­tion sur ,la sécurité sociale, l'erreur qu'ils ont pu commettre n'est pas susceptible de modifier la nature des rapports qui ont effectivement existé entre le deman­deur et la société;

Attendu qu'à tort aussi le demandeur se prévaut de l'article 18 des statuts qui prévoit que l'assemblée générale peut at­tribuer aux administrateurs des émolu­ments fixes, imputables sur les frais gé­néraux et sur le fait qu'une rémunéra­tion lui a été attribuée sans décision de l'assemblée générale et que cette rémuné-

Le développement des moyens techniques, notamment dans le domaine de l'industrie et des moyens de transport, provoque un ac­croissement rapide et inquiétant des homi­cides et des lésions corporelles.

Sommes-nous en présence d'un phénomè­ne inévitable, d'une rançon du progrès qui augmente l'exercice de certaines activités en fonction des améliorations de la technique ? Cela n'est vrai qu'en partie, car si un certain accroissement du dommage est inéluctable en proportion de l'augmentation des risques, il existe de nombreux cas où le mal pouvait être évité par des mesures préventives.

Ce que nous appelons trop rapidement « ac­cident », c' est-·à-dire « ce qui advient fortui­tement », est le résultat de facteurs ou de circonstances que l'homme serait en mesure de supprimer, ou, tout au moins, d'atténuer. On s'en est rendu compte et la prévention a fait des progrès considérables, notamment à 1 'égard des accidents du travail et des acci­dents du roulage.

Ce vaste problème doit être abordé sous di-

553

ration a été comprise au poste appointe­ments dans le bilan du 31 décembre 1955, pour faire admettre que sa rémunération lui était' accordée uniquement en raison. de ses fonctions purement techniques, que tout d'abord, cette disposition des statuts vise les simples administrateurs et non l'administrateur-délégué; que l'ar­ticle 15 des statuts autorise le conseil d'administration à déléguer tous pouvoirs déterminés à toute personne, choisie dans son sein ou non; que le droit de déléga­tion entraîne le pouvoir de fixer la ré­munération du délégué (voy. Frédéricq, t. V, n<> 457),

Que d'autre part, l'article 18 des sta­tuts ne s'oppose pas à l'allocation d'une rémunération à des administrateurs au­trement que par une décision de J'as­semblée générale, pour des prestations ne relevant pas directement de leur man­dat (Comp. Corn. Brux., 22· mars 1930 et Brux., 27 juin 1931 Jur. Comm. Brux., 1930, 132 et 1931, 168; - Comm. Brux. 17 mars 1923, et Brux., 7 juin 1924, ibid. 1923, 128 en 1924, 334) et que la rémuné­ration de telles prestations n'implique pas nécessairement qu'elles sont fournies en exécution d'un contrat d'emploi, le­quel suppose l'existence d'un lien de sub­ordination; que, d'ailleurs, même si l'on admettait que l'article 18 s'opposait à une allocation d'une telle rémunération par le conseil d'administration si ce n'est lorsque l'administrateur est en même temps employé, encore ne pourrait-on déduire du fait que les administrateurs ont touché une rémunération pour des prestations étrangères à leur mandat que cette rémunération leur était allouée en exécution d'un contrat d'emploi, les ad­ministrateurs ayant pu déguiser sous les apparences d'un. tel contrat, une fonction qui ne pr-ésentait pas un tel caractère, en raison de l'absence d'un lien de subordi­nation ou de méprendre sur la nature exacte des fonctions exercées;

Par ces motifs : LE TRIBUNAL,

Ecartant toutes autres conclusions, plus amples ou contraires;

Déclare l'action non fondée, en débou­te le demandeur et le condamne celui-ci aux dépens.

vers angles. Il s'étend bien au-delà des pré­occupations du pénaliste, et même du crimi­nologue, puisqu'il comporte l'étude de moyens techniques de protection, de construction de matériel, de signalisation~ etc.

M. Cornil a insisté sur ce que le but es­sentiel de cette rencontre internationale est de dégager le facteur· humain des infractions qui ont provoqué un homicide ou une lésion corporelle. La criminologie et le droit pénal qui se développent à l'occasion de ces in­fractions, sont assis sur des fondements fort différents de ceux du droit pénal ordinaire.

Tous les domaines où se rencontrent la notion d'homicide ou de blessures dites « in­volontaires » ne pourront pas être explorés au cours de ces échanges de vue que le temps limite. Le cas des ingénieurs, des médecins, des pharmaciens, des architectes, dont les fau­tes sont, ou peuvent être, d'ordre intellectuel, n'ont pu être retenus; mais le 'Congrès a, à son ordre du jour, l'étude de la circulation rou­tière, des chemins de fer, de l'aviation, des aécidents du . travail, des assurances, . des me-

554

sures préventives et éducatives, ainsi que des sanctions disciplinaires et pénales.

Nous pensons qu'il est de l'intérêt des lec­teurs du Journal des Tribunaux de connaître les conclusions auxquelles aboutiront les con­gressistes. Nous les leur indiquerons et nous les commenterons sous peu.

F. B.

CORRESPONDANCE

Les vacances judiciaires Nous avons reçu la lettre suivante :

Monsieur le Rédacteur en Chef,

J'ai lu avec grand intérêt l'articulet intitulé « Les Vacances Judiciaires » inséré à la page 519 du Journal des Tribunaux du 28 septem­bre.

Le rédacteur de cet articulet souhaite que la question de l'époque ·des vacances judiciai­res soit à présent réexaminée.

Ne vous apparaît-il pas que ce réexamen doive porter non pas sur un choix entre les solutions 1er juillet-31 août, ou 15 juillet-15 septembre, ou 1er août-30 septembre ? Pour­quoi les vacances judiciaires ont-elles été fi~ xées à cheval sur l'été et l'automne? Il m'a été déclaré que ce choix avait été fait jadis parce qu'il était désirable que les magistrats puissent, à cette période de l'année, se trouver sur leurs terres pour surveiller la moisson et le.:; vendanges ...

Sans .doute, et j'en suis fort heureux, existe­t-il encore de nombreux magistrats pourvus de vastes domaines terriens dont l'exploita­tion pourrait être compromise sans leurs avis judicieux.

Il y avait aussi à considérer l'époque de la chasse avec tout ce qu'elle comporte comme organisation, comme réceptions et comme gastronomie.

Mais tout cela n'est-il pas un peu révolu et quelques week-end ne suffiraient-ils pas à maintenir ces bonnes traditions ?

Dans l'affirmative, ne reste-t-il pas unique­ment, dans la réalité des ·Choses, ·que l'op· portunité de faire coïncider les vacances ju­diciaires avec les vacances scolaires ?

Si tel est le cas, songeons un instant à l'uti­lité des vacances scolaires en juillet et août ou à cheval sur l'été et l'automne. Il est clair que la fixation de telles vacances à telle épo­que de l'année répondait au souci de faire bénéficier les enfants d'un repos pendant la belle saison et ce à une époque où les moyens de transport étaient pratiquement limités à l'usage du chemin de fer. Depuis lors les autocars, les avions et l'amélioration considé· rable des communications ferroviaires ont mo­difié du tout ·au tout ce problème.

Actuellement il faut se rendre à l'évidence et considérer que c'est pendant les plus mau­vais mois de l'année, c'est-à-dire en janvier et février, que les enfants auraient intérêt à prendre des vacances sous de meilleurs cli­mats, ce qui devient de plus en plus possible, le facteur kilomètre étant remplacé par le facteur temps, en sorte que les trajets ne pré· sentent plus les inconvénients de jadis. Par contre en juillet, août et septembre le climat de notre pays permet facilement aux enfants d(· rester en classe. Il en est de même en ce qui conce·rne magistrats et avocats : la fré­quentation des cours et tribunaux en janvier

Les CODES LARCIEH sont les moins chers parce que chacun des cinq tomes qui les corn· posent forme un tout indépendant qui peut être acquis séparément et que grâce à ses compléments annuels - toujours fusionnés avec celix des années précédentes - une seule édition suffit pour plusieurs ànnées. (671)

et février est bien plus difficile qu'en été et en automne ...

Alors pourquoi ne pas faire comme les oi· seaux migrateurs qui d'instinct cherchent à la mauvaise saison un climat plus tempéré ? Pour:quoi ne pas convenir de ce que les moyens de transport sont à présent tellement plus aisés que jadis et qu'un magistrat, un a~ocat, un professeur ou un élève seraient ac· tuellement aussi aisément transportés à la Côte d'Azur ou plus loin, qu'ils eussent pu l'être, il y a 5(} ans, à la côte belge ou dans les Ardennes ?

Quant aux hôtels et aux villas qui devraient normalement abriter nos estivants .de La Panne au Zou te ou de Nam ur à Waulsort et Bouillon, ils trouveront aisément des occu­pants venant de pays où de juillet à septem­bre il fait ou trop chaud ou trop froid.

Voilà le problème qui, à mon sens, se pose et je serais enchanté que ceux qui s'en oc· cupent veuillent hien y songer.

Croyez, 1\Ionsieur le Rédacteur en Chef, à mes sentiments les meilleurs.

P. VAN HALMÉ.

• • • 81BU06RAPHIE

Georges BRICMONT, avocat à la Cour d'ap­pel : « La responsabilité des architecte et entrepreneur. - Edition : Maison Ferd. Larcier, Bruxelles, 1958.

C'est avec plaisir que nous a;ons mis à profit les vacances judiciaires pour lire l'ouvrage que vient de publier Me Bricmont.

L'auteur étudie d'abord la nature du contrat qui lie l'architecte et l'entrepreneur au maître de l'ou­vrage; il se prononce en faveur du louage d'ouvrage dans les deux cas. C'est la thèse généralement adop­tée par la jurisprudence belg-.: alors que la contro­verse - mandat ou louage d'ouvrage - subsiste en France, tout au moins en ce qui concerne les architectes.

Me Bricmont envisage ensuite le problème de la responsabilité contractuelle des architecte et entre­preneur pendant la construction, avant la réception des travaux, puis celui de leur responsabilité décen­nale après la réception.

La partie de l'ouvrage consacrée à la responsabi­lité qui peut être encourue pendant la construction sera spécialement utile aux practiciens du droit et aux techniciens de l'entreprise par l'exposé systé­matique des différents cas où la jurisprudence re­tient la responsabilité de l'architecte et de l'entre-preneur. ,

Pour aborder· l'étude de la responsabilité décen­nale, l'auteur souligne toute l'importance de la notion juridique de réception de l'ouvrage. Il ana­lyse les modalités de la réception et ses effets avec beaucoup de précision.

Nous ne nous arrêterons pas à l'étude de la na­ture contractuelle de la responsabilité décennale, ni de son caractère d'ordre public : les solutions sem­blent définitivement acquises dans ce domaine.

Plus délicat est l'examen du champ d'application des règles des articles 1790 et 2272 du Code civil. Si l'on ne conteste pas en Belgique, qu'il faut inter-

préter ensemble ces deux textes, pour n'y voir que l'expression d'une règle unique, la question de l'ap· plication de la règle aux sous-traitants reste très discutée. Me Bricmont défend l'application de la responsabilité décennale aux sous-traitants parce qu'ils sont des entrepreneurs. Mais le problème n'est· il pas surtout de savoir si l'entrepreneur général peut prétendre qu'il est le maître de l'ouvrage à l'égard des sous-traitants, pour pouvoir invoquer les articles 1790 et 2272 ? Sur ce point, la démonstration de Me Bricmont ne nous paraît pas déterminante.

Le problème de la distinction entre vice caché et apparent pour l'application des articles 1790 et 2272

a déjà fait couler beaucoup d'encre. L'auteur se rallie à l'opinion de la doctrine dominante: il n'y a pas lieu de distinguer entre vice caché ou apparent. Peut-être aurait-il cependant fallu, dans un but pra· tique, prendre davantage en considération la juris­prudence qui considère que pour les vices cachés auxquels ne s'appliquent pas les articles 1790 et 2272, l'action peut être intentée pendant trente ans et, d'un point de vue théorique, l'opinion de MM. Mazeaud qui considèrent que la responsabilité décennale ne concerne jamais que les vices appa· rents.

L'exposé des règles qui gouvernent l'action en responsabilité présentera également un intérêt direct pour le praticien.

La dernière partie du livre est consacrée à la res­ponsabilité aquilienne des architecte et entrepre­neur. L'auteur y résume les principes du droit com­mun qui sont applicables en cette matière. On peut toutefois regretter que les règles qui concernent spé­cialement les . architectes et entrepreneurs (troubles de voisinage, garde de la chose pendant la con­struction, application de l'article I 386 du Code civil et recours du pr9priétaire contre l'entrepreneur, etc.) soient examinées de manière aussi brève.

Il faut admirer la clarté et la concision de cet ouvrage dans lequel le praticien trouvera de pré­cieuses indications qui 1 'orienteront, rapidement dans les recherches que nécessitent la solution des pro­blèmes délicats qui se posent fréquemment dans cette matière.

R.-0. DALCQ.

«Je suis d'accord avec M. . . . lorsqu'il écrit que la définition de ce qui ressortit à l'intérêt communal ne peut être établie par la formule purement négative que j'ai énon­cée, à savoir qu'il y a lieu de considérer corn· me étant d'intérêt communal « toute activité et tout objet queles autorités communales estime rit devoir s'attribuer, .. dans là mes lire où •ceux-ci n'ont pas été réserves par Îa.Con­stitution ou p·ar la loi à un autre pouvoir» ( Rev. crit. jur. belge 19 58, p. 13 6).

Ressortit à l'intérêt communal, on ne peut que se réjouir de voir utilisée avec ce verbe la préposition qui lui coJtvient.

Mais on est bien obligé de constater qu'il est mal employé parce que ·Ressortir à signi~ fie Etre du ressort, de la compétence, . de la dépendance de quelque juridiction. Le com-plément de ce verbe est. donc nécessairement une juridiction : tribunal, cour, etc. Que l'on reconnaisse aux pouvoirs communaux le ca­ractère d'une juridiction, il se peut que tel objet ressortisse aux pouvoirs communaux. Mais certainement pas à l'intérêt communal.

JAFSON.

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TI-I~MIS ~TM L~S ._,..,._....,,

S Plumitif )

~ Le greffier complice acte à la feuille des \

[songes s Qu'un vol de courant d'air dans la chambre (

[d'hôtel, )

~ Découvert à minuit fit pousser ces appels ( Au témoin qui perçoit la taxe du mensonge. l

Marcel LA HAYE. )

* .....,...~_,..._,...~ *

C!eJze Jé rnrnrton

Notes de législation.

Police du commerce. - Substances servant à l'ali­mentation des. animaux. - Farines d'os, farines animales, farines de viande et farines de sang. -Fabrication et commerce. - Réglementation•. -Arrêté royal· du 3 juin 1953. - Abrogation et remplacement.

Entrée en vigueur : délai de droit commun. Arrêté royal du 20 septembre 1958 (Moniteur du 1er octobre 1958).

Navigation fluviale. - Affrétement. - Bateaux d'intérieur. - Chargement et déchargement ac­complis pendant la nuit, le dimanc-he ou un jour férié légal ou pendant plus de huit heure.}. Indemnités et compensations. - Arrêté royal du 29 juillet 1952 : article J. - Modifications.

Entrée en vigueur : délai de droit commun. Arrêté royal du 13 septembre 1958 (Moniteur du 2 octobre 1958).

Impôts sur les reventts. - Taxe professionnelle. Firmes étrangères opérant en Belgique. - Mi­nima de bénéfices imposables. - Arrêté royal du 22 septembre 1937 : article 13, § 1"'·. -Modifications.

Entrée en vigueur : exercice 1958. - Arrêté royal du 22 septembre 1958 (Moniteur du 2 oc­tobre 1958).

Allocations familiales. - Travailleurs non salariés. - Allocation'S. - Montant. - Augmentation. - Arrêté royal du 22 décembre 1938, articles 92, 93 et 314. - Modifications.

Entrée en vigueur : 1er juillet 1958. - Arrêté royal du 27 septembre 1958 (Moniteur du 2 oc­tobre 1958).

Habitations sociales. - Emprunts hypothécaires. -Organismes agréés. - Conditions. - Arrêté du Régent du 12 août 1948 : article 6, 3" a bis (modifié par arrêté royal du 1er septembre 1958). - Exécution.

Entrée en vigueur : 3 octobre 1958. - Arrêté ministériel du 25 septembre 1958 (Monùeur du 3 octobre 1 958).

A1·chitectes. - Exercice de la profession. - Ar­chitectes apatrides ou réfugiés polititptes. - Au­torisation. - Loi du 20 février 1939, article 8. - Application.

Entrée en vigueur : délai de droit commun. -Arrêté royal du 1er août 1958 (i\t/oniteur du 4 octobre 1958).

Allocations familiales. - Travailleurs salariés. -Adolesœnts de 14 à 18 ans. - Maintien des allocations. - Conditions. - Lois coordonnées le 19 décembre 1939, article 62, alinéa 2. -Exécution.

Entrée en vigueur : le 3 juin 1958. - Arrêté ministériel du 27 septembre 1958 (Moniteur du 4 octobre 1958).

Milice. - Arrêté royal du 3 septembre 1957 ré­glam l'application des lois coordonnées le 2 sep­tembre 1957, articles 16, 21, 22, 29 et JO.

. Modifications. - Article 17bis. - Addition.

Entrée en vigueur : délai de droit commun. Arrêté royal du 25 septembre 1958 (Moniteur du 5 octobre 1958).

Chômag,e, et, placem,ent. - Ouvriers bûcher.ons ~é­muneres a la tache. - Nombre de JOurnees d'occupation. - Calcul. - Instruction régle­mentaire n" 1 du 12 juillet 1956, article 9bis. -M odzjication.

Entrée en vigueur : 6 octobre 1958. - Instruc­tion réglementaire du 29 septembre 1958 (Moniteur du 5 octobre 1958).

Communiqué par le Centre de documentation du Barreau de B11uxelles; Palais de fustice, Bmxelles.

Le Centre de documentation adresse aux membres 1es barreaux tous les renseignements de législation ~t de jurisprudence qui lui sont demandés.

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555

La réfonne judiciaire. Le compte rendu du Conseil des ministres

du 3 octobre, selon le communiqué. qui en a été donné à la presse, contient l'information que · le gouvernement a arrêté le principe de la création d'un commissariat à la réforme judiciaire.

On en donne pour . justification l'opportu· nité de coordonner les travaux ·déjà accom· plis par maintes commissions depuis 20 années et de préparer une réforme étendue de l'or· ganisatiou judiciaire, de la compétence et de la procé·dure civile, œuvre dont l'amplitude et l'urgence n'ont cessé d'être soulignées.

V sages du barreau. Il est d'usage en Belgique et en tout cas à

Bruxelles, que l'avocat qui est· cité devant le Conseil de l'Ordre siégeant disciplinairement ne revêt pas la rohe.

L'usage est inverse en France où la Cour d'appel de Paris, après le Conseil de l'Ordre, a décidé que l'avocat qui comparaît devant le Conseil tout en refusant de_ revêtir la robe, doit être jugé par défaut. Le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du l'"'" juillet 1958 reproduit au Dalloz~ page 526, suivi d'une note approbative du bâtonnier Cremieu.

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556

Circulation. Considérés sur le plan des accès au Palais

de Jus ti ce, il faut bien dire que ni le tunnel de l'avenue Louise, ni l'élargissement du bou­levard de Waterloo n'ont apporté des solu­tions bien satisfaisantes aux difficultés · pas­sées.

La place Stéphanie envahie de toutes parts est, aux heures de pointe, aussi encombrée que naguère. Il eut fallu sans doute prolonger le tunnel. de manière à ménager la traversée de l'avenue Louise à hauteur de la rue de la Concorde. Au lieu de cela, les voitures dé­bouchant de celle-ci viennent grossir l'encom­brement à l'entrée du « goulot » en se mêlant à celles qui surgissent de 1a rue du Prince· Royal, ·de la rue de Stassart et de la chaussée de Charleroi.

II y aurait bien une issue convenable rue de l'Hôtel-des-Monnaies. Mais on y retrouve une réplique aggravée de l'ancien goulot de l'avenue Louise avec deux voies de tramways, circulation dans les deux sens et parking libre de chaque côté. N'est-ce pas aux autorités com­munales de Saint-Gilles que cette situation doit être dénoncée ? Nous leur adressons cet ap­pel.

Nos codes ignorés. Dans un .article sur la Convention euro·

p~enne des droits de l'homme (J. T., 1958, 515), il a été dit que, sauf erreur, « les édi· teurs de nos codes ont omis non seulement de publier le texte ·de ces accords, mais même d'en faire la moindre mention, fût-ce par voie de référence».

On nous signale que ces textes sont repro­duits «in extenso» dans le Complément au tome V des Codes Larcier, pp. 145 à 149. Voilà comblé, de manière anticipée, le vœu de l'auteur.

DATES RETENUES * L'Union helge et luxembourgeoise de Droit pénal tiendra sa prochaine assemblée à Bruxelles, le samedi 25 octobre I958, à I4 h. 30, au Palais de Justice, en la salle de la Ire chambre de la Cour d'appel.

L'ordre du jour de cette réunion comporte la discussion du rapport présenté par M. Charles Loslever, président à la Cour d'appel de Liège, sur la Cour d'assises et ses problèmes.

M. le Ministre de la· Justice a bien voulu accep­ter d'honorer la séance de sa présence.

* La Section belge de l'A. I. J. D. organise, le mardi 14 octobre, une visite guidée par Me Fran­çois Claessens de l'exposition de peinture et de sculpture c 50 ans d'Art Moderne"·

Rendez-vous au Palais International des Beaux­Arts, place de Belgique à l'Exposition, à Il h. 15.

* Colloque International des Droits de l'Homme à Bruxelles.

Comité d'honneur du Colloque :

Mme Jearine-Emile Vandervelde, sénateur, vice­présidente de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme; MM. Jean Baugniet, avocat, professeur à l'Université libre de Bruxelles, prési­dent de la Commission nationale de l'Unesco; Auguste Buisseret, avocat, sénateur, ancien mi­nistre des Colonies; A. Cool, président de la Con­fédération des syndicats chrétiens de Belgique; Léon Cornil, procureur général émérite à la Cour de cassation; Fernand Dehousse, président de l'Assem­blée consultative du Conseil de l'Europe; Auguste De Schrijver, député, ministre d'Etat; M. Dubuis­son, recteur de l'Université de l'Etat à Liège; Pierre

1

H;1rmel, député, ministre de la Justice; R. Hayoit de Termicourt, procureur général à la Cour de cassation; Henri Janne, recteur de l'Université libre de Bruxelles; Victor Larock, député, ancien mi­nistre des Affaires étrangères; Louis Major, dépUté, secrétaire général de la Fédération générale du Travail de Belgique; Henri Rolin, avocat, sénateur, ministre d'Etat; Pierre Vermeylen, avocat, sénateur, ancien ministre de l'Intérieur; Pierre Wigny, mi­nistre des Affaires étrangères.

Thèmes examinés:

c Situation des Droits de l'Homme en I958 sur le !)lan national et international : essai d'inven­taire"·

c Etude d'un projet de convention internationale tendant à assurer le respect des Droits de la Dé­fense dans les procès politiques, notamment par la création d'un Barreau l•nternational et par l'admis sion d'observateurs étrangers "·

" Contribution des doctrines philosophiques, mo­rales et religieuses au Respect des Droits de l'Homme"·

Programme:

Vendredi I7 octobre. - IO h. I5 : A l'Exposition, Petit Auditorium (Palais 7). - Séance d'ouverture. -Discours de MM. Botson, président de la Ligue, René Dekkers, professeur à l'Université libre de Bruxelles, président de la section des Congrès, re­présentant le Commissaire général près l'Exposition, J.-Paul Boncour, ancien président du Conseil de France, président de la Fédération internationale des Droits de l'Homme, Pierre Harmel, ministre de la Justice.

Samedi 1 8 octobre. - 9 h. 30 : au Palais des Congrès, Coudenberg, 3, à Bruxelles. Séance plé­nière sous la présidence de M. Botson. - Essai d'in­ventaire de la situation des Droits de l'Homme en I958. - Rapport introductif de M. David Lambertl avocat à la Cour d'appel de Paris, délégué de la Fédération intennationale des Droits de l'Homme. - Rapports nationaux. - Constitution des Commis­sions. - I5 heures : Séance de travail. - Première Commission : création d'un Barreau international, statut des observateurs judiciaires. Rapporteur : M. Jules Wolf, délégué de la Belgique à la Commis­sion des Droits de l'Homme des Nations-Unies. -Deuxième Commission : Contribution des doctrines philosophiques morales et religieuses au respect des Droits de l'Homme. Rapporteur : M. Paul Hum· blet, avocat, ancien député. - Interventions de : M. le chanoine Leclercq, professeur à l'Université de Louvain; M. Ch. Perelman, professeur à l'Uni­versité libre de Bruxelles; M. P.-H. Simon, profes­seur à l'Université de Fribourg (Suisse).

Dimanche I9 octobre. - 9 h. 30 : Au Palais des Congrès, Coudenberg, 3,, à Bruxelles.- - Séance de travail et réunion des Commissions. - I 5 h. : Deuxième réunion plénière sous la présidence de M. René Cassin, vice-président du Conseil d'Etat de France. - Rapport général sur la situation des Droits de l'Homme dans le monde par M. Georges Aronstein, avocat, secrétaire général de la Ligue belge pour la Défense des Droits de 1 'Homme. -Rapport des Commissions. - Conclusions du Collo­que. - 20 h. : Dîner offert par la Ligue belge pour la Défense des Droits de l'Homme.

Lundi 20 octobre. - Excursion à Gand et à Bruges. Le chevalier P. van Outryve d'Ydewalle, gouverneur de la Flandre occidentale recevra les :ongressistes au gouvernement provincial.

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MOUVEMENT JUDICIAIRE. Par arrêté royal publié au Moniteur du 26 sep­

tembre, est nommé : juge au Tribunal de Ire in­stance de Bruxelles, M1

Je M.-Th. Motte, avocat, juge suppléant à cc tribunal.

Par arrêtés royaux publiés au Moniteur des 29· 30 septembre, sont nommés : juge suppléant au Tribunal de Ire instance de Dinant, M. J. Coulon­vaux, avocat à. Dinant; Substitut du procureur du Roi près le Tribunal de Ire instance de Dinant, M. A. Bouillet, avocat, juge suppléant à la Justice de paix du cantOln de Dinant; Est désigné en qualité de premier substitut du procureur du Roi près le Tribunal de Ire instance de Dinant, M. G. Deloge, substitut du procureur du Roi près ce tribunal.

Par arrêtés royaux publiés au Moniteur du -4 octobre, sont nommés : ·.juge de paix du canton de Mouscron, M. J. WiHe, avocat, juge suppléant à la justice de paix de ce canton; juge suppléant à la justice de paix du canton d'Ostende, M. A. Heymans, avocat à Ostende.

Par arrêtés rüyaux publiés au Moniteur du 5 octobre, sont nommés : juge de paix du second canton de Schaerbeek, M. Ch. Goossens, juge de paix de complément du premier canton de Schaer­beek; juge de paix du canton de Dalhem, M. F. Coste, avocat, juge suppléant au Tribunal de I"'

instance de Liège; juge suppléant au Tribunal de Ire instance de Liège, M. M. Dubru, avocat à Liège; substitut de l'auditeur militaire près le Con­seil de guerre permanent de Gand, M. J. Moreels, juge suppléant à la justice de paix du deuxième canton de Gand; Est acceptée la démission de M. J. Glorieux de ses fonctions de juge au Tribunal de Ire instance de Tournai. Il est admis à l'éméritat et autorisé à porter le titre honorifique de ses fonctions.

Par arrêtés royaux publiés au Moniteur des 6-7 octobre, sont nommés : juge suppléant au Tribunal de Ire instance de Charleroi, M. H. Vankeer, avo­cat à Charleroi; juge suppléant à la justice de paix du canton de Nivelles, M. A. Berrewaerts, avocat à Waterloo; juge suppléant à la justice de paix du canton de Kontich, M. P. Van Nuffel, avocat à Boom; juge suppléant à la justice de paix du can­ton de Jodoigne, M. L. Jeurissen, avocat à Jodoigne.

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