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Inertie et conatus chez Spinoza 1 Alexandre Rouette, Étudiant au doctorat en philosophie Université du Québec à Trois-Rivières Dans l’histoire de la science, l’introduction du principe d’inertie joua un rôle très important. Ce principe aura permis aux scientifiques de l’époque de fournir une explication cohérente du comment et du pourquoi un corps en mouvement ou au repos conservait son état. À terme, les philosophes mécanistes cherchaient à expliquer l’ensemble des phénomènes du monde en ne faisant intervenir que des corps et des mouvements. Bien sûr, cette ambition était illusoire. Le mécanisme à lui seul ne pouvait très certainement pas réaliser ce rêve, pour plusieurs raisons. Néanmoins, ce rêve mécaniste a été tenace chez beaucoup de penseurs du XVII ème siècle. En bon cartésien, Spinoza partageait l’ambition de son maitre à penser. C’est ainsi que dans l’œuvre spinoziste, nous trouvons deux énonciations du principe d’inertie. La première, naturellement, se trouve dans les Principes de la philosophie cartésienne. Dans les Principia, cela va de soi, le principe d’inertie joue un rôle très important. Tout comme dans le traité de Descartes, l’ensemble des lois du mouvement en découle. Mais Spinoza présente également une version originale du principe d’inertie dans l’Éthique. Étrangement toutefois, le philosophe n’en fait pratiquement aucun usage explicite. La seule exception, peut-être, se trouve dans les quelques pages où sont exposé 1 Ce texte a été présenté lors d’un colloque informel organisé à l’Université du Québec à Trois-Rivières en février 2016. Nous consacrons notre thèse à l’étude de cette question. 1

Inertie et conatus chez Spinoza

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Inertie et conatus chez Spinoza1

Alexandre Rouette,Étudiant au doctorat en philosophie

Université du Québec à Trois-Rivières

Dans l’histoire de la science, l’introduction du principe d’inertie joua un rôle très

important. Ce principe aura permis aux scientifiques de l’époque de fournir une

explication cohérente du comment et du pourquoi un corps en mouvement ou au repos

conservait son état. À terme, les philosophes mécanistes cherchaient à expliquer

l’ensemble des phénomènes du monde en ne faisant intervenir que des corps et des

mouvements. Bien sûr, cette ambition était illusoire. Le mécanisme à lui seul ne pouvait

très certainement pas réaliser ce rêve, pour plusieurs raisons. Néanmoins, ce rêve

mécaniste a été tenace chez beaucoup de penseurs du XVIIème siècle.

En bon cartésien, Spinoza partageait l’ambition de son maitre à penser. C’est ainsi

que dans l’œuvre spinoziste, nous trouvons deux énonciations du principe d’inertie. La

première, naturellement, se trouve dans les Principes de la philosophie cartésienne. Dans

les Principia, cela va de soi, le principe d’inertie joue un rôle très important. Tout comme

dans le traité de Descartes, l’ensemble des lois du mouvement en découle.

Mais Spinoza présente également une version originale du principe d’inertie dans

l’Éthique. Étrangement toutefois, le philosophe n’en fait pratiquement aucun usage

explicite. La seule exception, peut-être, se trouve dans les quelques pages où sont exposé

1 Ce texte a été présenté lors d’un colloque informel organisé à l’Université du Québec à Trois-Rivières en février 2016. Nous consacrons notre thèse à l’étude de cette question.

1

les principes de la physique spinoziste. Mais cet usage demeure implicite puisque aucune

autre proposition ne renvoie directement à celle-ci.

Pourtant, nous aurions légitimement été en droit de s’attendre à ce que Spinoza

utilise plus efficacement ce principe. Doit-on rappeler que dans l’appendice de la

troisième partie de l’Éthique, Spinoza affirme vouloir traiter « de la nature des Affects et

de leurs forces, et de la puissance de l'Esprit sur eux, suivant la même méthode [qu’il] a

utilisée dans ce qui précède à propos de Dieu et de l'Esprit, [c’est-à-dire en considérant]

les actions et appétits humaines comme s'il était question de lignes, de plans ou de

corps » (E3, Préface). Thomas Hobbes, avant lui, avait réussi à fournir une explication

relativement cohérente des affects tout cela en n’utilisant que des principes mécanistes.

Cela, peut-être, nous indique que Spinoza n’avait peut-être pas un objectif différent de

Hobbes et Descartes, tout en ayant malgré tout des méthodes différentes.

Chez Spinoza, ce ne sera non pas les lois du mouvement décrites dans la

deuxième partie de l’Éthique qui permettront à Spinoza d’accomplir cet objectif, mais

plutôt le conatus. Contrairement au principe d’inertie, Spinoza en fait un usage fréquent

et l’utilise au moments clé de son système. Le conatus sert de fondement à la théorie des

affects de Spinoza, sa théorie des affects fonde sa théorie politique et est ce qui rend

possible la libération.

Or, à première vue, le concept d’inertie et celui de conatus semble très près l’un et

l’autre. Il est important de mentionner que Spinoza n’explique jamais, du moins dans

l’Éthique, le lien potentiel entre ces deux concepts. À simple titre informatif, les schémas

2

argumentatifs de 3P6 (conatus) et 2L3C (principe d’inertie) ne se rejoigne qu’à deux

endroits : 1P25 et éventuellement 1P15. Mais cela n’est pas du tout significatif parce que

ces deux propositions sont parmi les plus utilisées de l’Éthique. Ces deux propositions,

vous l’aurez sans doute remarqué, sont celle où Spinoza énonce l’essentiel de son

déterminisme radical.

La question du rapport qu’entretiennent entre eux le concept de conatus et le

principe d’inertie est une question déroutante qui mérite amplement que nous nous y

attardions. Aujourd’hui, nous chercherons à apporter un début de réponse à cette difficile

question.

Le plus utilisé de ces deux concepts, le conatus, est exposé à la sixième

proposition de la troisième partie de l’éthique en ces termes : « Chaque chose, autant qu'il

est en elle, s'efforce de persévérer dans son être » (E3P6). Cette définition du conatus

aura déjà fait couler beaucoup d’encre, notamment parce que la preuve que Spinoza

donne pour démontrer la vérité de cette proposition ne va pas autant de soi qu’il ne le

prétend lui-même. Nous laisserons de côté cette question qui a été largement débattue.

Le second concept, celui d’inertie, est décrit au corolaire du troisième lemme de la

deuxième partie de l’Éthique  : « Un corps en mouvement ou en repos a dû être déterminé

au mouvement ou au repos par un autre corps, qui lui aussi a été déterminé au

mouvement ou au repos par un autre, et celui-ci à son tour par un autre, et ainsi à

l'infini. » (E2L3) De façon encore plus claire, le corolaire affirme ceci : « De là suit qu’un

3

corps en mouvement se meut aussi longtemps qu’un autre corps ne le détermine pas au

repos ; et qu’un corps au repos, également, demeure au repos aussi longtemps qu’un autre

ne le détermine pas au mouvement. » (E2L3C)

Comme nous pouvons le constater immédiatement, les deux concepts doivent être

compris comme des principes de conservation. Dès lors, la question est de savoir ce qui

est conservé exactement. Dans le cas du conatus, Spinoza nous l’indique directement

dans la définition. Ce qui est conservé, c’est l’être de la chose. Nous laisserons en

suspens la question concernant le sens que l’on doit donner au mot être.

Maintenant, qu’en est-il du principe d’inertie ? La « définition » si on peut parler

d’une définition, nous laisse entrevoir que ce qui est conservé ici n’est rien de plus que

l’état de mouvement et de repos dans lequel se trouve le corps en question. Clarifions au

passage ce que l’on entend lorsqu’on parle de l’état d’une chose. L’état d’une chose, ce

sont l’ensemble de ses propriétés physiques, l’ensemble des rapports qu’entretiennent

entre elles les différentes parties qui constitue un corps. Chez Spinoza, cela correspond,

en réalité, au rapport de mouvement et repos qui existe entre deux ou plusieurs corps.

D’abord, disons qu’il est possible de résoudre le problème de compatibilité des

deux principes en interprétant le conatus comme une forme de principe d’inertie

métaphysique. Plusieurs commentateurs soutiennent cette thèse. Parmi ceux-ci nous

trouvons, entre autres, Lee C. Rice, Jonathan Bennett et John Carriero. Comme l’a très

bien illustré Valtteri Viljanen, ces commentateurs conçoivent le conatus comme étant

4

directement inspiré du principe d’inertie. « The notion of conatus, affirme Viljanen,

refers to a certain kind of metaphysical inertia through which finite things act, but by this

nothing more is meant than that there is an attribute neutral tendency in things to remain

as they are. »2 Ce que cette lecture inertielle affirme, c’est qu’à l’image du principe

d’inertie qui affirme qu’un corps persévèrera dans son mouvement en ligne droite tant

qu’aucun autre corps ne l’empêchera de se mouvoir, les choses singulières, en vertu de

leur conatus, demeureront tels qu’elles sont tant et aussi longtemps que les causes

extérieures ne les détruiront pas.

Je ne vais pas exposer aujourd’hui l’ensemble des raisons qui me pousse à rejeter,

au moins en partie, la thèse strictement inertielle. En réalité, la lecture inertielle est plutôt

cohérente. Mais elle demeure cohérente seulement dans le cadre de 3P6. Dès l’instant où

Spinoza fait un véritable usage du conatus, cette lecture devient beaucoup moins

convaincante. Dans les proposition 3P7, 3P8, 3P9, Spinoza énumère les propriétés du

conatus  : le conatus d’une chose est l’essence de cette chose (3P7), le conatus

n’enveloppe aucune durée définie (3P8), cet effort est un effort conscient et qui n’est pas

propre qu’aux esprits ayant des idées claires (3P9). Les propositions 3P10 et 3P11

concernent, quant à elle, la puissance des idées sur l’esprit. La proposition 3P12 est la

première qui utilise 3P6 d’une façon constructive. La proposition affirme : « L’Esprit,

autant qu’il peut, s’efforce d’imaginer ce qui augmente ou aide la puissance d’agir du

Corps. » (E3P12). C’est à cet endroit précis que la thèse inertielle me semble insuffisante.

2 VALTTERI VILJANEN, Spinoza’s Geometry of Power, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 107.

5

Plusieurs commentateurs ont avancé que l’argument de Spinoza pour démontrer la

vérité de 3P6 n’était fondé que sur 3P4 et 3P5. Évidemment, la plupart de ces

commentateurs sont en faveur de la thèse inertielle. Avec seulement 3P4 et 3P5, il est

vrai que 3P6 semble être une sorte d’inertie métaphysique. Comme Jonathan Bennett,

l’affirme, 3P4 et 3P5 nous permettent de conclure que « 'x does things, none of which

harm x' […] But this, which is the farthest point to which the argument can possibly be

dragged, is well short of 'x tends to preserve x'»3.

Mais cette thèse me semble peu ridicule parce qu’elle repose sur l’idée que

Spinoza n’utilise que 3P4 et 3P5 pour prouver 3P6. À mon avis, il est nul besoin d’adhéré

à la thèse selon laquelle la démonstration contient des matériaux de remplissage inutiles.

Nous allons plutôt partir du principe que Spinoza utilise réellement ces propositions dans

la démonstration.

Et il les utilise. Une lecture plus approfondie prouve que la démonstration de 3P6

invalide directement la thèse inertielle. Dans la démonstration de 3P6, Spinoza réfère

explicitement à quatre propositions : 1P25C, 1P34, E3P5 et 3P4. Pour bien le voir, il est

important de lire la démonstration de 3P6. Comme l’affirme Macherey, « alors que les

deux propositions précédentes avaient un contenu négatif et répulsif, associé à la forme

axiomatique de leur exposition, les propositions 6, 7 et 8 développent positivement une

doctrine de la puissance »4. Dans 3P4 et 3P5, Spinoza démontre qu’une chose ne peut pas

3 JONATHAN BENNETT, A study of Spinoza’s Ethics, Indianapolis, Hackett Publishing Company, 1984, p. 245.4 PIERRE MACHEREY, Introduction à l’Éthique de Spinoza - Troisième partie : La vie affective, Paris, Presse Universitaires de France, 1995, p.80.

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s’autodétruire et que son essence ne peut pas contenir d’éléments contradictoires. Mais

seules, ces propositions sont nettement insuffisantes pour prouver ce que Spinoza entend

prouver dans 3P6.

Nous l’avons déjà dit et nous le répétons, Spinoza ne pouvait pas et ne voulais pas

construire sa logique des affects sur un principe négatif, sur un conatus compris comme

un principe d’inertie métaphysique. Dans l’Éthique, Spinoza avait deux choix : ou bien

choisir de présenter une logique des affects d’inspiration hobbesienne c’est-à-dire

strictement mécaniste, ou bien transformer son conatus en un principe positif.

Le choix de Spinoza est clair, et ce sont les propositions 1P25C et 1P34 qui lui

permette d’accomplir cette transformation. La lecture que je propose, qui accorde une

place prépondérante aux concepts de puissance et d’expression s’appuie largement sur les

travaux d’Alexandre Matheron5, Gilles Deleuze6, Pierre Macherey7, plus récemment

Valtteri Viljanen8 mais aussi plusieurs autres que je ne nommerai pas. Cette lecture a

l’avantage de ne laisser de côté aucun élément de la démonstration de 3P6, en plus de

s’inscrire parfaite dans le reste du De Affectibus et de l’Éthique.

En réalité, l’argument de Spinoza en faveur de 3P6 est plutôt rigoureux, quoiqu’en

dise les commentateurs : Sachant que l’essence de Dieu est d’être une puissance qui

s’exprime (1P25C) mais sachant aussi que cette puissance s’exprime à travers les

5 ALEXANDRE MATHERON, Individu et communauté chez Spinoza, Paris, Édition de Minuit, 1969.6 GILLES DELEUZE, Spinoza et le problème de l’expression, Paris, Éditions de Minuit, 1968.7 PIERRE MACHEREY, Introduction à l’Éthique de Spinoza - Troisième partie : La vie affective, op. cit.8 VALTTERI VILJANEN, Spinoza’s Geometry of Power, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.

7

attributs et les affections des attributs (1P34) et que les choses singulières sont ces

affections (1P34), alors, il est nécessaire que les choses singulières expriment une partie

de la puissance de Dieu. Maintenant, comme nous l’indique 3P7, le conatus et l’essence

d’une chose singulière sont strictement équivalentes. On peut de là déduire que le

conatus est cette puissance positive d’exprimer une partie déterminée de la puissance

infinie de Dieu. Dans les mots de Martin Lin « the only difference between God’s power

and its expression in the power or conatus of singular things is that God’s power is

infinite in the sense of being free from interference from external causes, and that the

power of singular things is finite in the sense of being subject to external causes. As

Spinoza says, the power of singular things is the very power of God manifested in a finite

form. »9

Maintenant que nous avons clarifier ce en quoi consiste la nature du conatus, nous

pouvons nous intéresser au conatus du corps. Nous laisserons dès maintenant de côté le

conatus de l’esprit. Après tout, le principe d’inertie est, a priori, un principe qui ne

s’applique qu’aux corps. Nous remarquons immédiatement que le lien entre le principe

d’inertie et le conatus du corps est d’autant plus obscur lorsque nous nous intéressons

uniquement à l’aspect matériel du conatus. Ainsi, afin d’éclaircir le sens que l’on doit

donner au conatus du corps, nous devons répondre à une question concernant l’extension

des deux principes. En d’autre termes : quels sont les objets qui sont concernés par les

deux principes ?

9 MARTIN LIN, « Spinoza’s Metaphysics of Desire: The Demonstration of IIIP6 », Archiv für Geschichte der Philosophie, 2004, p. 45.

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D’abord, en ce qui concerne le principe d’inertie. Spinoza expose ce principe dans

la partie de la petite physique qui est consacrée à l’étude des corpora simplicissima. À la

fin de cette partie, après A′′, Spinoza affirme avoir assez traité des corpora

simplicissima10 et vouloir désormais passer aux corps composés. Est-ce à dire que le

principe d’inertie ne s’appliquerait qu’aux corps les plus simples11 et pas aux autres corps

?

En réalité, cela est très peu probable. Premièrement, il serait absurde que seuls les

corps les plus simples soient soumis à ce principe physique. Deuxièmement, il semble

encore moins probable que Spinoza n’ait pas été au courant des découvertes de ses

contemporains et n’ait pas accepté l’universalité du principe d’inertie, au moins en ce qui

concerne l’attribut de l’étendue. Ainsi, il semble relativement justifié de croire que ce

principe s’applique à tous les corps qu’ils soient composés ou non.

Là où c’est moins sûr, c’est en ce qui concerne le conatus. Il n’est pas du tout

évident que le conatus s’applique de la même façon pour les corps composés et pour les

corpora simplicissima. Comme nous l’avons établi, le conatus est un principe positif. Le

conatus est également identique à l’essence du corps en question. Dans le cas des corps

les plus simples, la question de leur essence est quelque peu épineuse. Spinoza affirme en

effet que « Les corps [les plus simples] se distinguent entre eux sous le rapport du

mouvement et du repos, de la rapidité et de la lenteur, et non sous le rapport de la

10 Nous laissons de côté la question de la nature de ces corpora simplicissima. Nous consacrerons un article futur à cette question.11 Dans la littérature consacrée à la question des corpora simplicissima, nous trouvons trois traductions possible du terme : corps simples, corps très simples, corps les plus simples. Seule la dernière des traductions est correcte : le suffixe –issima indique clairement le superlatif.

9

substance » (E2L1). Rappelez-vous maintenant ce que j’avais affirmé à propos de l’état

d’un corps. Est-ce à dire, comme l’affirme André Lecrivain que « the conatus of such a

body reduces to the strict conservation of its quantity of motion and rest, in other words

to the conservation to its speed and direction »12 ? À la lumière de la définition de

Spinoza et du sens du mot état, tout porte à croire que l’essence d’un corps très simples

est très exactement identique à son état.

Nous sommes dès lors confronté à un problème. Seules deux possibilités semblent

s’offrir à nous : ou bien nous nous positionnons contre Lecrivain et soutenons que les

corps les plus simples n’ont pas de conatus du tout et alors le conatus est un principe qui

ne s’applique qu’à certain corps, ou bien nous soutenons, suivant Lecrivain, que les corps

les plus simples possèdent effectivement un conatus et qu’ainsi le conatus peut parfois

être un simple principe inertiel.

En faveur de la première thèse, il sera utile de répondre à la question que nous

avions laissée en suspens. Nous nous étions demandé ce que le mot « être » désignait

dans la proposition 3P6 qui affirme que « Chaque chose autant qu’il est en elle s’efforce

de persévérer dans son être » (E3P6).

Pour répondre à cette question, il faut en réalité répondre à la question suivante :

« en quoi peut bien correspondre le conatus d’un corps ? » Pour être tout à fait honnête, il

faut d’abord dire que Spinoza ne nous dit à peu près rien à ce sujet. À première vue

12 ANDRÉ LECRIVAIN, « Spinoza and Cartesian Mechanism », dans MARJORIE GRENE ET DEBRA NAILS (éd.), Spinoza and the Science, Dordrecht, Reidel Publishing Company, 1986, p.45.

10

toutefois, tout porte à croire que le conatus d’un corps est l’effort d’un corps pour garder

intact le rapport de mouvement et de repos entre ses différentes parties. Il est en effet

difficile de concevoir un autre élément que pourrait conserver le conatus du corps.

Autrement dit, le conatus du corps conserve l’état du corps et non pas son existence.

Or, remarquons que le rapport de mouvement et de repos n’apparait que lorsqu’un

corps est composé. Il ne peut très certainement pas y avoir de rapport s’il n’y a qu’un seul

corps. En faveur de cette thèse, nous n’avons qu’à lire 2L5 : « Si les parties composant un

Individu en arrivent à être plus grandes ou plus petites, mais en proportion telle qu'elles

conservent toutes entre elles le rapport de mouvement et de repos qu'elles avaient

auparavant, l'Individu semblablement gardera sa nature d'avant, sans changement de

forme. » (E2L5). Ce que Spinoza affirme ici, c’est essentiellement que les corps

composés ont une capacité de conservation. L’Éthique nous apprend également que plus

un corps est composé, plus il est apte à conserver son état. Voilà pourquoi le corps

humain est capable de beaucoup de chose sans que sa nature ne change alors que la pierre

ne l’est pas. Voilà également pourquoi la facies totius universi ne change jamais.

Qu’en est-il des corps les plus simples? Tout porte à croire que dans leur cas, la

possibilité de conservation de leur état est pratiquement nulle. En effet, l’océan de corps

dans lequel chaque corpus simplicissimum se trouve plongé fait en sorte que la moindre

petite collision modifie totalement sa nature. Rappelons ce que Spinoza affirme au

2L1 « [l]es corps se distinguent entre eux sous le rapport du mouvement et du repos, de la

rapidité et de la lenteur, et non sous le rapport de la substance. » (2L1). Ce que cela

11

signifie, c’est que lorsqu’un corps très simple entre en collision avec un autre corps, il

perd ce qui le distingue des autres corps. Autrement dit, lorsque son état est modifié, sa

nature est également modifiée et ce corps très simple cesse d’exister, dans le sens

spinoziste du terme. Tout porte à croire qu’en ce qui concerne les corps les plus simples

il n’existe rien de plus que le principe d’inertie qui est, comme l’a bien relevé Lecrivain

un principe abstrait et nous ajouterons négatif, alors que le conatus qui est un principe

positif qui n’apparait pas avant l’apparition de corps composé. En faveur de cette thèse,

nous trouvons Michael Della Rocca qui, après lourdement critiqué la validité de 3P6,

affirme que : « The striving for self-preservation is in some way built into the notion of at

least some things - viz. complex individuals. »13

(2) Même si cette première thèse semble tout à fait cohérente, les preuves

textuelles en faveur de la seconde sont extrêmement fortes. Premièrement, Macherey

énonce une preuve, plutôt convaincante, pour rejeter l’idée selon laquelle le conatus

apparaitrait avec les corps composés. Comme l’affirme Macherey : « il est capital que [le

conatus] soit rapportée à l’existence de n'importe quelle chose (unaquaeque res), au lieu

d'être imputée à un type particulier de réalité dont elle serait l'apanage exclusif, et qu'elle

amènerait ainsi à considérer tanquam imperium in imperio. Ce sont toutes les productions

de la nature, quelles qu'elles soient et quel que soit le genre d'être auquel elles

appartiennent, que le conatus emporte dans son irrépressible élan »14. Bref, il semble

13 MICHAEL DELLA ROCCA, « Spinoza’s metaphysical psychology », dans DON GARRETT (éd.), The Cambridge Companion to Spinoza, Cambridge, Cambridge University Press, p.206. 14 PIERRE MACHEREY, Introduction à l’Éthique de Spinoza - Troisième partie : La vie affective, op. cit., p.81.

12

impensable que Spinoza ait pu soutenir que le conatus ne s’applique pas également aux

corps les plus simples et aux corps composé.

Puis, si cela n’était pas assez, nous pouvons lire dans la démonstration de 2L3 que

Spinoza considère que « [l]es corps sont des choses singulières […] » (E2L3). Sachant

que la proposition 3P6 affirme sans équivoque que « Chaque chose, autant qu’il est en

elle, s’efforce de persévérer dans son être » (E3P6), il devient difficile de soutenir que les

corps les plus simples ne possèdent pas de conatus.

Comment rendre compatible ces preuves textuelles et ce que nous avons dit à

propos du fait que pour ces corps les plus simples, la seule conservation possible doit être

compris comme équivalente au principe d’inertie ? Doit-on nécessairement soutenir

comme Lecrivain que « the law of inertia determines the minimum variation of

conatus »15 autrement dit que le principe d’inertie est le conatus des corps les plus

simples?

En fait, cette thèse me semble être très faible. Quatre raisons me poussent à rejeter

celle-ci. Premièrement, une telle thèse rend encore plus problématique la question de la

cohabitation du conatus et de l’inertie. Comme nous l’avons soutenu, le principe d’inertie

s’applique à tout les corps, sans exception. Dans le cas des corpora simplicissima, la

cohabitation des deux phénomènes ne pose pas de problème. Mais comment cohabitent-

ils dans les corps composés ?

15 ANDRÉ LECRIVAIN, « Spinoza and Cartesian Mechanism », op. cit., p.48.

13

Deuxièmement, si c’est bel et bien le cas, l’absence de lien entre l’énoncé du

principe d’inertie et 3P6 devient encore plus incompréhensible. En effet, si le principe

d’inertie est le conatus des corps les plus simples, pourquoi alors Spinoza ne l’aurait-il

pas mentionné ? Cette absence de lien explicite est encore plus étrange lorsque l’on sait

que dans les Principia, Spinoza considérait le principe d’inertie comme découlant

directement de ce que nous avons qualifié d’ancêtre du conatus. En effet, nous trouvons

dans les Principia une définition du principe d’inertie qui est directement déduite d’un

énoncé de ce que nous pouvons considérer comme « l’ancêtre » du conatus ; c’est-à-dire

que l’énoncé du principe d’inertie est compris comme étant un corollaire de la

proposition dans laquelle Spinoza définie le « conatus ». D’abord, le principe d’inertie

est défini de cette façon : « Un corps qui se meut une fois continue toujours à se mouvoir

s’il n’est pas ralenti par des causes extérieures » (PPC2P14, Corollaire). Il déduit ce

principe d’inertie de ce qui ce principe, qui se rapproche étrangement du conatus :

« Chaque chose, en tant qu’elle est simple et indivise, et qu’on la considère seulement en

elle-même, persévère toujours, autant qu’il est en elle, dans le même état » (PPC2P14).

Troisièmement, la thèse comprenant le principe d’inertie comme le degré

minimum du conatus ne tient pas compte de la présence de la formule quantum in se est

dans 3P6 et de son absence dans 2L3. Bien sûr, cette formule porte à confusion. Mais, si

on tient compte de ce qu’on a dit à propos du conatus et du fait que celui-ci est un

principe de conservation qui provient nécessairement de l’intérieur, alors le sens de cette

formule devient clair et l’absence dans 2L3 du quantum in se est devient tout à fait

significative.

14

Enfin, cette thèse ne tient pas compte de l’évolution du sens du concept de

conatus dans l’œuvre de Spinoza. Ici, l’usage de la version originale du texte nous sera

utile. Lisons d’abord l’énoncé des Principia : « Unaquaeque res, quatenus simplex et

indivisa est, et in se sola condiseratur, quantum in se est, semper in eodem statu

perseverat » (PPC2P14). Et maintenant celui de l’Éthique  : « Unaquaeque res, quantum

in se est, in suo esse perseverare conatur » (E3P6). Nous pouvons clairement percevoir la

parenté que partage les deux définitions : d’abord, on peut voir que les énoncés ont pour

sujet les mêmes objets (Unaquaeque res ; chaque chose). Le prédicat change un peu,

mais on peut percevoir la même formule quantum in se est. On remarque également que

les deux définitions énoncent ce qu’on doit désigner comme un principe de conservation.

Or, plutôt que d’utiliser comme il le fera plus tard dans l’Éthique la formule

perseverare conatur qui se traduit par s’efforcer de persévérer, Spinoza utilise dans les

Principia le verbe perseverare sans ajouter conatur. Nous pouvons également percevoir

une autre différence entre l’énoncé des Principia et celui de l’Éthique. Dans l’Éthique

Spinoza est clair en ce qui concerne ce que le conatus conserve, à savoir l’être de la chose

(esse). Dans les Principia Spinoza affirme plutôt que c’est l’état de la chose qui est

conservé (statu).

Comme l’affirme Alexandre Matheron, il y a visiblement eu une évolution du

sens de la théorie du conatus chez Spinoza. « Dans le Court Traité, affirme Matheron,

Spinoza parle de l’effort que fait chaque chose pour ‘‘persévérer dans son état’’ et

15

‘‘s’élever à un état meilleur’’ : une formulation statique et une formulation dynamique

sont juxtaposées sans que leur lien soit élucidé »16. Ajoutons que dans les Principia, tel

n’est pas le cas : il n’y a qu’une définition statique. Matheron ajoute que Spinoza emploie

indifféremment, dans les Cogitata Metaphysica les formules « ‘‘conserver son être et

persévérer dans son état’’, semblant ainsi donner à la première de ces deux formules une

signification statique »17. À cet égard, la définition du TTP est entre celle des Principia et

celle de l’Éthique : « Unaquaeque res in suo statu, quantum in se est, conetur

perseverare » (TTP, XVI). Dans l’Éthique, selon Matheron toujours, Spinoza donne au

conatus un sens dynamique alors qu’il réserve un sens purement statique au principe

d’inertie. En gardant à l’esprit les énoncés des deux principes, force est de constater que

l’affirmation de Matheron est tout à fait sensée.

Comme nous l’avons déjà souligné auparavant, il y a une différence notable entre

le fait de persévérer dans son être et le fait de s’efforcer de persévérer dans son être.

L’endroit où Spinoza fait intervenir ce principe dynamique est loin d’être de la moindre

importance. En effet, Spinoza utilise ce principe comme fondement de sa théorie des

affects : c’est donc dire que sans un principe dynamique, Spinoza ne pourrait fonder le

reste de son éthique. Est-ce à dire que Spinoza abandonne le principe d’inertie, un énoncé

statique, au profit d’un principe actif. Nous croyons que oui et l’objectif que je

poursuivrai dans le reste de ma présentation et de démontrer pourquoi. J’entends soutenir

que les corps les plus simples possède bel et bien un conatus mais que celui-ci n’est pas

16 ALEXANDRE MATHERON, « Le problème de l’évolution de Spinoza du Traité Théologico-Politique au Traité Politique », dans EDWIN CURLEY ET PIERRE-FRANÇOIS MOREAU (éd.), Spinoza: Issues and Directions, Leiden, Brill, p.26817 Ibid.

16

le principe d’inertie. En même temps et surtout, j’entends démontrer que le principe

d’inertie et le conatus sont compatible sans être identique.

En fait, la lecture que nous avons donné du conatus nous encourage à penser que

ce qui est conservé n’est pas l’état d’un corps, mais plutôt son existence. Par ailleurs,

cette lecture de 3P6 nous aide à comprendre 3P4 qui sans cela demeure plutôt

contradictoire. Dans 3P4, Spinoza affirme que « Nulle chose ne peut être détruite, sinon

par une cause extérieure. » (E3P4). La démonstration de 3P4 poursuit en affirmant que :

« Cette proposition est par soi évidente ; en effet, la définition d’une chose quelconque

affirme l'essence de cette chose, mais ne la nie pas, autrement dit elle pose l'essence de la

chose, mais ne la supprime pas. » (E3P4D). L’utilisation que fait Spinoza de 3P4 dans

3P6D achève de rendre la proposition 3P4 obscure : « …et nulle chose n’a en soi rien qui

puisse la détruire, autrement dit, qui supprime son existence » (E3P6D).

Plusieurs commentateurs ont affirmé que ce que Spinoza voulait dire ici c’est que

l’état d’une chose ne peux pas contenir un élément pouvant nier son existence. Souvent,

ces mêmes commentateurs affirment que l’argument de Spinoza est illogique est que de

nombreux contre-exemples le prouve. Cette façon de comprendre 3P4 est effectivement

ouverte aux contre-exemples et je ne crois pas qu’il y a un seul argument réellement

convaincant pour sauver ce genre d’interprétation. L’homme qui se suicide, par exemple,

contient en son état des choses qui le pousse à commettre l’acte. Spinoza est très clair à

sujet. Après ce que Spinoza affirme dans 4P20S à savoir que « personne par la nécessité

de sa nature et sans y être contraint par des causes extérieures, ne répugne à s’alimenter,

17

ou bien ne se suicide » (E4P20S), il me semble tout à fait impossible de soutenir que

Spinoza ait pu soutenir, par 3P4 que c’est l’état d’une chose qui ne peux pas contenir

d’élément contradictoire. Dans les mots de Macherey, selon Spinoza, « I1 n'y a rien dans

l'essence d'une chose singulière qui puisse faire qu'elle n'existe pas, ce qui appartient à

son essence ne suffisant pas néanmoins pour qu'elle existe : et ainsi une telle chose sort

de l'existence comme elle y est venue, uniquement par des causes extérieures à son

essence. »18 Ces causes extérieures viennent modifiées l’état du corps de l’homme

suicidaire et celui-ci se détruit mais seulement parce qu’il y a des causes extérieures qui

le pousse à le faire.

Ainsi, ce qui est tout à fait faux de dire, c’est de dire que l’essence de l’homme en

question contient quelque chose qui nierait l’existence actuelle de cet homme. L’essence

d’une chose actuelle affirme toujours l’existence de cette chose, jamais son inexistence.

Cette essence est une puissance d’agir, un principe positif d’affirmation qui ne contient

aucune limite temporelle. Cette essence est le conatus. Que conserve le conatus alors ?

Le conatus conserve l’existence de la chose. Si elle est détruite, toujours au sens

spinoziste du terme, ce ne peux jamais être de l’intérieur. Ce sera toujours de l’extérieur.

Ce qui nie l’existence d’une chose, ce ne peut jamais être l’essence de cette chose, mais

uniquement les causes extérieures. Bien sûr, l’essence d’une chose singulière

n’enveloppe pas l’existence. Comme l’affirme Deleuze, « Le conatus chez Spinoza n'est

donc que l'effort de persévérer dans l'existence, une fois celle-ci donnée. »19 Dès l’instant

18 PIERRE MACHEREY, Introduction à l’Éthique de Spinoza - Troisième partie : La vie affective, op. cit., p.76.19 GILLES DELEUZE, Spinoza et le problème de l’expression, op. cit., p.209.

18

où une essence devient actuelle, cette essence implique nécessairement l’existence. Ce

que conserve le conatus c’est l’être de la chose au sens de son existence actuelle.

Revenons à l’affirmation d’André Lecrivain. Selon lui, la « conservation » que

l’on observe dans les corps les plus simples provient exclusivement de l’extérieur

« [h]ere, the ''quantum in se est'' attains its minimum, below which there is mere nothing.

In sum, the simplest bodies are all exteriority, which is why conatus vanishes in

becoming the simple and abstract law of inertia »20. Même si l’affirmation de Lecrivain

est juste, elle ne va pas assez loin. « C'est pourquoi, affirme Deleuze, si nous considérons

un corps existant, le conatus ne peut pas […] être une tendance au mouvement. Les corps

simples sont déterminés du dehors au mouvement ». Lecrivain affirme que les corps les

plus simples n’ont pas atteint le degré zéro d’autoconservation de leur mouvement

propre, mais plutôt le degré tout juste avant zéro. Cela est une erreur. C’est cette marge

de manœuvre qui rend possible l’assimilation du conatus au principe d’inertie. Le fait que

la conservation des corps les plus simples provient exclusivement de l’extérieur nous

permet de déterminer que cette conservation ne provient pas d’une quelconque forme de

conatus. Autrement dit, compte tenu de notre lecture du sens du concept de conatus, la

seule solution c’est de dire que les corps les plus simples possèdent un conatus, mais

qu’il n’est surtout pas identique au principe d’inertie.

Il devient dès lors possible d’expliquer le lien entre le conatus du corps et le

principe d’inertie. Les deux principes coexistent, mais ne conservent pas la même

chose. Le principe d’inertie, principe négatif, conserve l’état du corps. Dans le cas des

20 ANDRÉ LECRIVAIN, « Spinoza and Cartesian Mechanism », op. cit., p.48.

19

corps composé, l’état du corps est double : il concerne l’état de mouvement ou de repos

du corps en tant qu’individu (son déplacement) mais également la conservation du

rapport de mouvement et de repos entre ses différentes parties. Dans le cas des corps les

plus simples, le principe d’inertie conserve l’état du corps (son état de mouvement ou de

repos) uniquement puisque le corps simple ne possède aucunes parties. Le conatus du

corps (qu’il soit composé ou simples) est un principe affirmatif et conserve l’existence du

corps.

C’est, je crois, la seule façon réellement acceptable de résoudre le problème du

lien entre les deux principes de conservation que l’on trouve dans l’Éthique. La réponse

est simple et définitive : il n’existe aucun lien. Du coup, l’incohérence que nous avions

révélée dans l’Éthique s’avère finalement être plus apparente que réelle et nous

découvrons une cohérence cachée dans l’œuvre du philosophe hollandais.

BIBLIOGRAPHIE

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20

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