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Tome 83 Fascicule 1 Écrits hors-champ

Ecrits hors-champ. Présentation

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Tom

e 83

Fasc

icule

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2013

Tom

e 83

Fasc

icule

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ISSN 0399-03-46ISBN 978-2-908948-39-427,50 €

PrésentationDe la rumeur de la ville à la voix de l’Autorité : les écrits en swahili à Lulumbashi (RDC)Faire entendre sa voix : deux corpus de lettres envoyées à une radio locale à Mopti (Mali)Le SMS amoureux. Une étude des pratiques de l’écrit plurilingues liées à la vie amoureuse des jeunes SénégalaisUne expérience d’écriture littéraire en kabyle. Quelques notes sur Les Cahiers de BelaïdL’acte d'écrire : sur la performativité de l’écriture littéraire en pulaarEntre écrits « fonctionnels » et écrits « littéraires » : l’édition en bamanankan au MaliDe l’alphabétisation à la littérature, la prise de parole didactique par des écrivaines wolofLittérature enfantine et de jeunesse en Tanzanie : la contribution de Elieshi LemaSony Labou Tansi est-il un écrivain hors-champ ?

Les œuvres orientales parmi les sources d’inspiration de la littérature orale ouest-africaine : un « roman de chevalerie » arabe en traduction bambaraLa monétisation de la mendicité infantile musulmane au Sénégal

Mélanie BOURLET, Aïssatou MBODJ-POUYEMaëline LE LAY

Cécile VAN DEN AVENNE,Aïssatou MBODJ-POUYE

Kristin VOLD LEXANDER

Amar AMEZIANE

Mélanie BOURLET

Nadia COHEN

Abdoulaye KEITA

Flavia AIELLO TRAORE

Xavier GARNIER

ÉTUDES ET RECHERCHES

Tal TAMARI

Johanne CHEHAMI

MÉLANGES

In memoriam (Luc de Heusch, Pietro Lupo)Comptes rendusOuvrages reçus

Écrits hors-champ

ÉCRITS HORS-CHAMP

DIRECTEUR DE RÉDACTIONLuc Pecquet

COMITÉ DE RÉDACTIONCatherine Baroin, Julien Bondaz, Jean Boutrais, Élisée Coulibaly, Maris-Luce Gélard, Philippe Laburthe-Tolra, Suzanne Lallemand, Olivier Langlois, Françoise Le Guennec-Coppens, Luc Pecquet, Claude-Hélène Perrot, Élodie Razy, Christian Seignobos, Maria Teixeira

COMITÉ SCIENTIFIQUEAbdoulaye Bara Diop, Françoise Héritier, Lluis Mallart Guimera, Elikia M’Bokolo, David Parkin

SECRÉTARIAT DE RÉDACTIONLuc Pecquet

MISE EN PAGESBlandine Favier

Journal des AfricanistesTOME 83 - FASCICULE 1

PRÉSENTATION

MÉLANIE BOURLET INSTITUT NATIONAL DES LANGUES ET CIVILISATIONS ORIENTALES

LANGAGE, LANGUES ET CULTURES D’AFRIQUE NOIRE (UMR 8135)AÏSSATOU MBODJ-POUYE

INSTITUT DES MONDES AFRICAINS (IMAF-CNRS)

Les contributions qui composent ce dossier s’intéressent à un ensemble de pra-tiques d’écriture qui, sur les terrains africains, se situent aux interstices de plu-aux interstices de plu-sieurs disciplines et sont rarement constituées comme objets d’enquête1. Aux marges des travaux sur les littératures orales, les documents produits dans les périodes récentes peuvent éventuellement servir comme réservoirs d’exemples aux linguistes, ou attirer ici ou là la curiosité d’un anthropologue qui les ren-contre, à la façon d’un historien qui tomberait sur une archive (Fabian, 1990). Mais elles n’ont fait que depuis peu l’objet d’enquêtes systématiques, associant étude des situations d’écriture et analyse des documents (Mbodj-Pouye, 2013). La métaphore de l’« hors-champ », d’abord photographique, nous a semblé propre à rendre compte du geste qui vise à constituer en objet de recherche des pratiques relativement inaperçues au sein des études africaines ; elle pointe aussi la valeur heuristique de tels objets pour interroger des catégories, telles celle de « champ littéraire », sur des terrains postcoloniaux2.

Certaines de ces pratiques se développent dans les interactions quotidiennes (ainsi, l’usage des SMS), d’autres s’enracinent dans des espaces religieux, professionnels ou liés à l’alphabétisation fonctionnelle. Des écrits à vocation littéraire bousculent les partages attendus par le recours à des graphies origi-nales, des orthographes multiples pour une même langue, des genres compo-sites, des procédés d’édition singuliers.

L’enjeu est d’approfondir notre compréhension des rapports complexes entre statut de l’écrit, statut des langues (notamment les langues africaines) et actes d’écriture et de lecture. Nous nous appuyons sur le renouvellement des approches de l’écriture en Afrique, attentives à la diversité des pratiques et des espaces sociaux de maniement de l’écrit, dont témoignent plusieurs publica-tions récentes (le volume édité par Karin Barber en 2006, le dossier « Cultures écrites en Afrique » des Annales en 2009). Et, dans ce dossier, qui s’inscrit à la jonction des études littéraires, de la linguistique et des sciences sociales,

1. Ce numéro s’inscrit dans le prolongement de la journée d’études de l’opération de recherche « Dynamiques d’appropriation de l’écrit » de l’équipe « Langue et pragmatique » du LLACAN, intitulée « Écrits ordinaires et littérature en Afrique », qui s’est tenue le 10 février 2011. Nous remercions le LLACAN pour son soutien lors de l’organisation de cette journée.2. Pour une discussion de la littérature africaine francophone et de son articulation avec le champ littéraire français, voir Claire Ducournau (2010).

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nous nous tournons plus particulièrement vers les écrits en langues africaines jusqu’ici peu étudiés dans cette perspective. Il ne s’agit pas seulement de faire état de la variété des formes d’appropriation de l’écrit en Afrique et de leur profondeur historique, mais aussi de proposer des méthodes d’enquête, articu-lant analyse textuelle et étude du contexte d’écriture à des échelles diverses.

Normes et codesAbordant des écrits très hétérogènes, le premier réflexe peut être de convo-quer diverses catégories de classement, comme celle d’« écrits ordinaires », pour reprendre une expression introduite par l’ethnologie française de l’écri-ture3. Il paraît difficile de qualifier ainsi des pratiques qui ne sont souvent ni banales ni quotidiennes dans des contextes où les processus d’alphabétisation sont encore en cours et caractérisés par une multiplicité des langues et des graphies. Cette expression fait écho à celle d’« everyday literacy », qui pose le même type de difficulté, et qui côtoie chez Karin Barber l’idée de produc-tions émanant d’une sous-élite lettrée (que condense la formule « sub-elite writing », 2006). Cette dernière proposition a le mérite de pointer la posi-tion sociale et culturelle des auteurs et scripteurs, décrits comme aspirant à rejoindre une élite lettrée. Dans ce dossier, la contribution d’Amar Améziane sur les Cahiers de Belaïd, écrits en kabyle dans les années 1940 par un jeune lettré sollicité par un Père Blanc, rappelle la profondeur historique des statuts d’intermédiaires lettrés, bien décrits dans une variété de contextes coloniaux et missionnaires. La dénomination de « grassroots literacy » est proposée par Jan Blommaert pour saisir des écrits « en-deçà » d’une telle pratique tendue vers l’inclusion dans des cercles lettrés, pour pointer des prises d’écriture plus difficiles et instables (2008). Tous ces efforts de catégorisation ont sans doute le mérite de mettre en lumière l’existence d’une variété de formes d’engage-ment dans l’écrit, mais ils posent deux problèmes majeurs : ils charrient l’idée d’une hiérarchie des productions écrites adossée, explicitement ou non à une hiérarchie des producteurs, quand précisément les circulations culturelles déjouent souvent ces reproductions attendues (Chartier, 1985) ; ils présup-posent l’existence d’un autre pôle, celui des écrits littéraires, dont ils seraient radicalement distincts, et dont l’existence autonome sur les terrains africains est discutée. Aussi nous a-t-il semblé plus pertinent d’envisager la gamme de pratiques d’écriture qui dessinent un continuum entre ces deux pôles.

3. Notons que dès sa conception, cette catégorie est donnée pour provisoire : au début de l’ouvrage collectif Écritures ordinaires l’énumération de gestes quotidiens d’écriture se conclut ainsi « telles étaient, dès l’abord, dans leur désordre déroutant, quelques unes des façons que nous mîmes sous ces deux mots : écritures ordinaires ». Elle s’élabore dans une opposition nette à « l’univers des écrits que distinguent la volonté de faire œuvre, la signature authentifiante de l’auteur, la consécration de l’imprimé » (Fabre, 1993 : 11).

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Loin de tenir pour acquis une distinction nette entre écrits ordinaires et lit-téraires, nous nous proposons d’interroger la façon dont ce partage se décline dans les études africaines dans une opposition entre, d’une part, le domaine de l’alphabétisation et de la post-alphabétisation et, d’autre part, celui des écrits littéraires. Certes, l’air de famille de beaucoup des textes étudiés dans les articles du dossier, la proximité des trajectoires de certains de leurs scripteurs et la densité des échos d’une contribution à l’autre, orientent vers la recherche d’un vocabulaire analytique commun et incitent à se doter d’outils concep-tuels afin de les distinguer et de les comparer. Mais, si la question des normes travaille les textes considérés de manière centrale, il nous a paru plus fécond de partir du constat que les écrivains et scripteurs considérés se débattent très souvent avec des codes et des normes linguistiques et scripturaux, des considérations génériques, des positions assignées ou revendiquées au sein d’espaces sociaux divers plus ou moins institutionnalisés.

Une conséquence directe de cette approche est qu’elle requiert une pratique du terrain pour saisir les débats locaux dans lesquels les textes sont pris4. Centrées sur des textes en langues africaines, les contributions témoignent aussi du fait que même ceux qui relèvent le plus évidemment du pôle littéraire ont rarement fait l’objet de procédures systématiques de collecte : on sait aujourd’hui que la bibliothèque des études littéraires en langues africaines est à constituer, auprès d’une constellation d’éditeurs, souvent privés, missions ou ONG, par des pra-tiques de recueil souvent sans soutien institutionnel, ce qu’illustrent deux articles du dossier (Le Lay et Bourlet)5. Le terrain s’impose alors tout simplement pour débusquer des textes, dans une pratique de la collecte qui fournit également des données sur l’état du domaine et le type d’acteurs qui y sont investis, et permet d’identifier des espaces de circulation, qui sont plus ou moins vastes.

Ce déplacement de perspective met donc en évidence deux aspects cen-traux : l’importance des écrits en langues africaines, même dans des contextes sociolinguistiques où le statut de ces langues est fortement disputé ; le rôle des circulations, d’un support à l’autre, d’un média à l’autre, dans des espaces de référence eux-mêmes changeants.

Statut des langues africaines à l’écritLes contributions de ce dossier témoignent des inégalités profondes de déve-loppement des langues africaines à l’écrit. Certaines littératures africaines sont encore embryonnaires et fortement liées à l’alphabétisation, notamment pour

4. La possibilité de remonter du texte aux pratiques et aux normes n’est bien sûr pas exclue et illustrée par certains articles, mais une pratique du terrain, selon des modalités diverses on le verra à lire les contributions rassemblées, permet d’éclairer au mieux ces dynamiques d’imposition, de contestation, d’acceptation ou encore d’ignorance des normes.5. Sur ces dimensions des littératures en langues africaines, voir notamment les travaux d’Alain Ricard (1995) et ceux de Stephanie Newell sur les littératures de marché (2006).

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des langues peu ou pas enseignées au niveau formel dans les états africains (en témoignent les articles sur le bambara, le wolof, et le pulaar). Les auteurs y sont parfois des néoalphabètes, publiant grâce à l’argent d’associations, d’ONG, ou à leurs propres frais, des textes tirés en très peu d’exemplaires, à l’orthographe non stabilisée. Le développement de structures éditoriales dans ces langues relève avant tout du militantisme, d’initiatives informelles, d’associations, d’engagements individuels. Dans ce contexte, l’écho que ces publications peuvent rencontrer dépend largement du degré d’investissement des locuteurs. C’est la différence entre le cas du wolof et celui du pulaar, par exemple, où seul ce dernier est adossé à une dynamique associative et identi-taire. Cette situation contraste avec les cas où une langue africaine est promue au rang de langue de l’instruction formelle, à l’instar du swahili en Tanzanie, dont Flavia Aiello montre le développement, par l’étude d’un domaine parti-culier (la littérature enfantine), alors même que le processus de swahilisation de l’école publique connaît quelques difficultés. De facto et de jure, le statut sociolinguistique a des incidences sur les pratiques d’écriture.

Écrire un roman en bambara ou en wolof dans un contexte de post- alphabétisation et sous l’égide d’une ONG relève-t-il de la littérature ? Voilà le type de questions que se posent auteurs et éditeurs. En rappelant l’exis-tence, au Mali, de maisons d’éditions publiant en bambara (bamanankan), Nadia Cohen rappelle implicitement la corrélation forte existant entre le statut d’une langue nationale (non officielle) et les préjugés dépréciatifs aboutissant au manque d’intérêt académique pour le microcosme éditorial qui pourtant existe à Bamako. Cette recherche souligne l’intérêt d’une approche ethno-graphique locale révélant les enjeux sous-jacents à l’édition en langues afri-caines. Bien que le Mali fasse partie des pays où la codification des langues nationales est avancée (en particulier le bambara), avec un décret régissant leur orthographe, il est intéressant de souligner que les débats demeurent. Qu’est-ce qu’écrire en « bon » bambara ? Les jeux d’écarts et de rappro-chements à une norme linguistique peu reconnue, même dans ce cas où elle est clairement établie, alimentent un marché éditorial concurrentiel, et condi-tionnent des usages différenciés des langues et/ou des variantes dialectales. À travers l’analyse des écrits de romancières, Abdoulaye Keïta explique, de même, la timidité de la production romanesque en wolof par la faiblesse de l’édition et les normes linguistiques qui associent littérarité et écriture en fran-çais. Maëline Le Lay examine, quant à elle, le développement d’écrits en swa-hili en situation de « tétraglossie » à Lubumbashi, où l’on a coexistence d’un swahili standardisé, ne correspondant pas à celui que parlent les lushois, du français, et d’autres langues africaines. Pour autant, le rapport à la norme n’est pas toujours aussi obsessionnel et certains écrits se développent, sans forme d’autocensure marquée, dans des contextes où la justesse de la communica-tion importe : c’est le cas des auditeurs d’une radio locale de la ville de Mopti,

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au Mali, radio à laquelle ils adressent leurs « lettres de rêves », essentielle-ment en français (Cécile Van den Avenne, Aïssatou Mbodj-Pouye). Le lien entre usages sociaux de l’écrit (incluant les positionnements locaux) et choix de langues transparaît nettement dans tous les articles présentés, en particulier dans le cas d’écrits plurilingues. Parce que la réalité des villes africaines est rarement monolingue, Kristin Vold Lexander tente de démêler les fonctions attribuées à chaque langue dans le cadre de la communication amoureuse par SMS d’étudiants à Dakar (Sénégal).

La complexité des situations locales évoquées à travers ces études de cas permet de nuancer l’affirmation selon laquelle l’absence de reconnaissance officielle, de standardisation d’une langue (y compris le choix d’un parler) est un frein à l’expression écrite (Ricard 1995). Des écrits monolingues ou plurilin-gues, dans des langues africaines ou non, officielles ou non, standardisés ou pas, existent et ont tous en commun d’être travaillés implicitement par une norme linguistique, variable selon les acteurs, les enjeux et les usages locaux de l’écrit.

Circulations et publicsLes différentes instances de production de normes que nous avons évoquées (éditeurs, linguistes, acteurs nationaux ou internationaux des politiques édu-catives), témoignent de la variété des échelles dans lesquelles les documents considérés ici circulent, et de la diversité de leurs publics. Les articles mettent en lumière différents canaux qu’empruntent ces écrits pour parvenir à leurs destinataires, et la variété des supports mobilisés, rejoignant ainsi des inter-rogations classiques des historiens de la culture écrite sur sa matérialité. Ces questions montrent à quel point le lieu d’existence de ces écrits ne saurait, on le voit, se confondre avec la mise en place d’un champ éditorial dans des langues non officielles. Ces interrogations s’articulent à des enjeux théo-riques sur le lien entre matérialité et efficacité de l’écrit tel qu’il est discuté en linguistique et en anthropologie (Fraenkel, 2007). Ainsi Mélanie Bourlet montre, à partir de l’exemple de la création littéraire contemporaine écrite en pulaar, que cette notion, et de manière plus générale celle de la performativité, peuvent également offrir des perspectives stimulantes aux littératures invi-sibles, faiblement voire pas du tout institutionnalisées.

Xavier Garnier met ainsi en évidence l’importance que revêt le cahier d’écolier pour Sony Labou Tansi, écrivain africain reconnu, dans une œuvre littéraire qui se construit avant tout dans un faisceau de correspondances entre amis. Cette circulation invisible et méconnue est décisive dans le processus créatif et la constitution d’un lectorat. Quant aux lettres étudiées par Cécile Van den Avenne et Aïssatou Mbodj-Pouye, elles sont destinées à être lues à la radio, élargissant ainsi le cercle de leurs destinataires au-delà de lecteurs potentiel, dans des usages de l’anonymat ou au contraire une publicité reven-diquée que l’article s’attache à analyser.

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Deux articles, dans ce dossier, évoque l’usage croissant des nouvelles tech-nologies dont on sait, d’une part, qu’elles font l’objet d’appropriations mas-sives sur le continent africain et dans les diasporas, et que d’autre part, elles peuvent constituer pour des minorités linguistiques, un outil d’expression, de revendication et de communication privilégié, permettant de contourner cer-taines difficultés (politiques, sociales, éditoriales, etc.). Kristin Vold Lexander analyse ainsi l’intense communication amoureuse écrite entre étudiants daka-rois au travers d’un corpus de SMS plurilingue, mais où les langues natio-nales sont bien présentes dans un pays où leurs usages écrits, on l’a vu, sont peu développés. Les téléphones portables offrent ainsi un espace en pleine expansion pour la communication écrite, de même qu’Internet dont d’autres travaux permettent de mesurer l’importance comme espace d’expression et lieux où se reconfigurent les rapports entre les langues (Bourlet, sous presse). Ces objets permettent donc de reposer à nouveaux frais la question des inter-férences entre oral et écrit, en écho avec des contributions sur des médias plus classiques : ainsi la leçon de morale (mafundisho), qui clôt les pièces radiophoniques de la troupe théâtrale Mufwankolo au Katanga (Congo), très attendue des auditeurs, constitue en réalité la seule partie intégralement écrite des pièces (Le Lay).

Si la diversité des niveaux d’alphabétisation et d’outillage des langues est connue, c’est sans doute la coexistence de modes d’engagements très divers dans l’écrit, souvent intenses, qui est la plus marquante. Nous travaillons des contextes où en une génération on peut passer d’une présence lointaine de l’écriture à son usage quotidien, d’usages parcimonieux et déférents de l’écrit à un recours constant à des formes de communication électroniques. Nous espé-rons que les études de cas, présentées ici, ouvriront sur des études qui intègrent ces différentes dimensions et approfondissent la question des dynamiques sociales, sur le mode de la transmission tout autant que de la rupture et de l’écart, à l’occasion de l’émergence de genres et l’expansion de technologies.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Annales. Histoire, Sciences Sociales 4, 2009, n° spécial Cultures écrites en Afrique.

BarBer Karin (ed.), 2006, Africa’s Hidden Histories: Everyday Literacy and Making the Self, Bloomington, Indiana University Press.

Blommaert Jan, 2008, Grassroots Literacy. Writing, Identity and Voice in Central Africa, London, Routledge.

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Bourlet Mélanie, sp, La littérature en peul sur internet : circulation, création, édition, in Abdourahmane Diallo, Ursula BaumgarDt (éd.), Autour de la transmission culturelle, Cologne, Rüdiger Köppe Verlag.

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Fraenkel Béatrice, 2007, Actes d’écriture : quand écrire c’est faire, Langage et société 121-122 : 101-112.

Jezequel Jean-Hervé, 1998, Maurice Delafosse et l’émergence d’une littérature africaine à vocation scientifique, in Jean-Loup amselle, Emmanuelle siBeuD (éd.), Maurice Delafosse. Entre orientalisme et ethnographie : l’itinéraire d’un africaniste (1870-1926), Paris, Maisnonneuve et Larose : 90-104.

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riCarD Alain, 1995, Littératures d’Afrique noire: des langues aux livres, Paris, CNRS/Karthala.

SOCIÉTÉ DES AFRICANISTESSecrétaire générale : Françoise Le Guennec-Coppens

Musée du Quai Branly222, rue de l’Université/75007 Paristel : +33 56 61 71 17email : [email protected] : www.africanistes.org

Cotisations et abonnementsMembres de la société : 48,00€Vente au numéro (port en sus) : 27,50€ le fascicule, 55,00€ le double numéro

Les règlements adressés à la Société des Africanites doivent être en euros uniquement :

- par CCP 1549 59 P Paris, à l’ordre de la Société des Africanistes ;- par chèque bancaire à l’ordre de la Société des Africanistes.

On peut se procurer les numéros du Journal au CID, 18-20, rue Robert Schuman/94220 Charenton-le-Pont

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Revue semestrielle publiée par la Société des Africanistes avec le con-cours du Centre national du livre et du Centre national de la recherche scientifique.

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© Société des Africanistes ISSN 0399-03-46ISBN 978-2-908948-39-4

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