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ERA Forum DOI 10.1007/s12027-010-0147-y ARTICLE La sanction des clauses d’élection de for par l’octroi de dommages et intérêts Damages for breach of a choice-of-court agreement Gilles Cuniberti · Marta Requejo © ERA 2010 Résumé Les clauses d’élection de for ont une importance considérable dans le contentieux international. Leur efficacité dépend toutefois de leur sanction. Depuis une dizaine d’années, les juges anglais et espagnols ont accepté d’octroyer des dom- mages et intérêts aux parties ayant été poursuivies devant un juge non élu en viola- tion d’un accord sur la compétence. Après avoir présenté cette jurisprudence, l’article s’interroge sur l’admissibilité de cette sanction, tant en droit international privé com- mun que dans le cadre du droit judiciaire européen. Mots clés Compétence internationale · Accord d’élection de for · Dommages et intérêts · Antisuit injunction Abstract Choice of court agreements have long been regarded as critically important in international trade. Their usefulness, however, is conditional upon the availability of efficient remedies in case of breach. In the last 10 years English and Spanish courts have awarded damages. This paper presents briefly these cases, and then discusses whether damages are an admissible remedy. In the European Union, the paper argues La présente contribution reprend l’exposé – étoffé et mis à jour – fait le 9 octobre 2009 à l’Académie de droit européen de Trèves dans le cadre de la conférence intitulée : « Conférence Annuelle 2009 sur le droit international privé et le droit international des affaires. » G. Cuniberti ( ) Faculté de droit, d’économie et de finance, Université du Luxembourg, Campus Limpertsberg, 148 av. de la Faïencerie, 1511 Luxembourg, Luxembourg e-mail: [email protected] M. Requejo Facultad de Derecho, Université de Santiago de Compostela, Campus Sur s/n, 15782 Santiago de Compostela, A Coruña, Spain e-mail: [email protected]

Damages for Breach of Choice of Court Agreements

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ERA ForumDOI 10.1007/s12027-010-0147-y

A RT I C L E

La sanction des clauses d’élection de for par l’octroide dommages et intérêtsDamages for breach of a choice-of-court agreement

Gilles Cuniberti · Marta Requejo

© ERA 2010

Résumé Les clauses d’élection de for ont une importance considérable dans lecontentieux international. Leur efficacité dépend toutefois de leur sanction. Depuisune dizaine d’années, les juges anglais et espagnols ont accepté d’octroyer des dom-mages et intérêts aux parties ayant été poursuivies devant un juge non élu en viola-tion d’un accord sur la compétence. Après avoir présenté cette jurisprudence, l’articles’interroge sur l’admissibilité de cette sanction, tant en droit international privé com-mun que dans le cadre du droit judiciaire européen.

Mots clés Compétence internationale · Accord d’élection de for · Dommages etintérêts · Antisuit injunction

Abstract Choice of court agreements have long been regarded as critically importantin international trade. Their usefulness, however, is conditional upon the availabilityof efficient remedies in case of breach. In the last 10 years English and Spanish courtshave awarded damages. This paper presents briefly these cases, and then discusseswhether damages are an admissible remedy. In the European Union, the paper argues

La présente contribution reprend l’exposé – étoffé et mis à jour – fait le 9 octobre 2009 à l’Académiede droit européen de Trèves dans le cadre de la conférence intitulée : « Conférence Annuelle 2009sur le droit international privé et le droit international des affaires. »

G. Cuniberti (�)Faculté de droit, d’économie et de finance, Université du Luxembourg, Campus Limpertsberg,148 av. de la Faïencerie, 1511 Luxembourg, Luxembourge-mail: [email protected]

M. RequejoFacultad de Derecho, Université de Santiago de Compostela, Campus Sur s/n, 15782 Santiago deCompostela, A Coruña, Spaine-mail: [email protected]

G. Cuniberti, M. Requejo

that the European Court of Justice would not, in most likelihood, validate it, exceptin very special circumstances.

Keywords International jurisdiction · Choice of court agreement · Damages ·Antisuit injunction

1 Introduction

La clause exclusive d’élection de for est celle par laquelle les parties s’engagent àsoumettre les différends, ou certains d’entre eux, découlant de leur relation juridiqueà une juridiction déterminée. L’inclusion de ce type de clauses dans les contrats in-ternationaux est aujourd’hui un phénomène commun, lié à la nécessité de sécurité ju-ridique sur le lieu où chaque partie peut être poursuivie, ou poursuivre l’autre, en casde conflit. Il s’agit d’une question à laquelle s’attachent d’importantes conséquenceséconomiques.

Toutefois, comme tout accord contractuel, la clause est susceptible d’être violéepar l’une des parties : en général, par la saisine d’un autre tribunal que celui choisi parles parties.1 Depuis une dizaine d’années, les juridictions anglaises et espagnoles ontreconnu aux parties poursuivies devant un tribunal en violation d’une clause d’élec-tion de for un droit à indemnisation. L’objet de cette étude est de s’interroger surl’admissibilité de cette sanction. Dans un premier temps, les décisions anglaises etespagnoles les plus significatives seront présentées. Ensuite, seront exposés les argu-ments théoriques et pratiques en faveur et à l’encontre de ce procédé, tant en droitcommun que dans le cadre du droit judiciaire européen.

2 Pratique Judiciaire

Même au Royaume-Uni où la jurisprudence en la matière est la plus fournie, la sanc-tion des clauses d’élection de for par l’octroi de dommages et intérêts est une solutionrelativement récente. A l’exception d’une affaire sur laquelle on reviendra, la réponsetraditionnelle des juges britanniques face au non respect d’une clause d’élection defor était soit de décliner leur compétence lorsque la clause désignait une autre juridic-tion, soit d’octroyer une antisuit injunction lorsque la clause désignait la juridictionanglaise.2 Il semble que l’attribution de dommages et intérêts était perçue commeune sanction inhabituelle et de second rang. Pourtant, au cours des dix dernières an-nées, l’hypothèse a donné lieu à un nombre suffisant d’espèces pour que la doctrine

1D’autres comportements pourraient inclure : la saisine d’une juridiction expressément exclue ; la demandede déclaration de non responsabilité faite à un tribunal particulièrement lent, dans le but essentiel de faireobstacle à un procès ultérieur au fond devant le tribunal choisi ; dans le cas de clause d’élection de for nonexclusive (c’est-à-dire autorisant la saisine des juridictions de plusieurs pays), si l’action est portée devantun tribunal qui n’est pas l’un des tribunaux élus, ou si un second tribunal élu est saisi alors que l’intentiondes parties était d’éviter le développement de procédures parallèles. Voy. Takahashi [10], Mankowski [4].2L’injonction antisuit est la mesure qui interdit au demandeur dans une autre procédure de continuerl’action en justice sous peine d’amende ou même d’emprisonnement pour outrage au tribunal – « contemptof court » – Voy. généralement Raphael [6].

La sanction des clauses d’élection de for par l’octroi de dommages et intérêts

anglaise puisse conclure que « the remedy has gone from novelty to banality in a veryshort time ».3 Mais si le principe de l’octroi de dommages et intérêts semble main-tenant admis par le juge anglais, sa jurisprudence permet de mesurer qu’une telledemande d’indemnisation peut être présentée dans des hypothèses variées.

2.1 Le remboursement des frais de justice

Il est tout d’arbord envisageable de demander à un juge le remboursement des fraisde justice engagés à l’étranger afin de contester la compétence d’un juge non élu etpourtant saisi par l’une des parties en violation de son engagement contractuel. Il estintéressant de noter que, dans les espèces dont le juge anglais et le juge espagnol onteu à connaître, la demande de condamnation à des dommages et intérêts était toujoursprésentée au juge élu, après que le juge étranger se soit déclaré incompétent. Lejuge saisi de la demande de condamnation ne se trouvait donc pas dans une positionabsolument antagoniste avec le juge étranger, puisqu’il ne lui était pas demandé de lecontredire, mais en quelque de sorte d’abonder dans son sens.

Ainsi, dans le premier des précédents anglais récents, Discount Union Co. Ltdv. Zoller,4 les parties avaient conclu une clause d’élection de for en faveur des tri-bunaux anglais. Zoller saisit pourtant une juridiction new-yorkaise, et lorsque sonadversaire souleva une exception d’incompétence, le juge américain se déclara in-compétent. Néanmoins, il ne se prononça pas sur les frais judiciaires. Discount Uniondemanda alors des dommages et intérêts en Angleterre. Zoller s’y opposa : même s’ilne contesta pas le principe de l’indemnisation d’un tel préjudice, il mit en avant uncertain nombre de raisons qui militaient contre leur octroi. La Cour d’appel se pro-nonça en faveur de son adversaire en jugeant que les frais engagés sont récupérablespourvu que quatre conditions soient remplies : les frais que le requérant cherche àrécupérer dans la procédure anglaise ont été engagés par lui quand il était un dé-fendeur dans une procédure étrangère, engagée par le défendeur dans la procédureanglaise ; le comportement du défendeur au Royaume Uni (demandeur à l’étranger)doit représenter une violation contractuelle ; selon les règles de procédure étrangères,les dépenses judiciaires ne peuvent être recouvrées que dans des circonstances excep-tionnelles ; et dans le cas d’espèce il n’y a pas eu de décision sur les frais du procès.5

Depuis lors, le juge de première instance anglais, la High Court, s’est prononcé àplusieurs reprises dans le même sens.6

3Briggs [2].4[2001] EWCA 1755 ; [2002] 1 WLR 1517.5Par. 18 : “The costs which the claimant seeks to recover in the English proceedings were incurred by himwhen he was a defendant in foreign proceedings brought by the defendant in the English proceedings ;the claimant in the foreign proceedings brought those proceedings in breach of an express term, the EJC,which, it is assumed for present purposes, has the effect of entitling the English claimant to damages forits breach ; the rules of the foreign forum only permitted recovery of costs in exceptional circumstances ;the foreign court made no adjudication as to costs”.6Maersk Sealand c. Akar [2003] EWHC 797. Voy. aussi National Westminster Bank Plc v. RabobankNederland [2007] EWHC 1056 (dans l’hypothèse d’une clause interdisant l’introduction d’une actionconcernant certains faits).

G. Cuniberti, M. Requejo

De même, la première décision par laquelle la cour suprême espagnole (TribunalSupremo) a accepté de sanctionner la violation d’un accord d’élection de for en ma-tière internationale par l’octroi de dommages et intérêts concernait une affaire danslaquelle, malgré l’existence d’une clause désignant la juridiction espagnole, l’unedes parties avait saisi un juge américain, qui se déclara incompétent.7 En 1995 leGroupe Travelstead Spain SA et USA Sogo Inc. avaient conclu un contrat incluantune clause prévoyant l’application de la législation espagnole et la compétence destribunaux de Barcelone pour toute réclamation relative au contrat. Deux années plustard, Travelstead intenta une action devant un juge de Floride à l’encontre de USASogo Inc. En raison de la clause d’élection de for, la juridiction américaine rejetal’action tant en première instance qu’en appel. De son coté, USA Sogo Inc. de-manda aux tribunaux de Barcelone une indemnisation couvrant les frais d’avocatsengagés aux États-Unis ; déboutée par le Tribunal de première instance et par laCour d’appel de Barcelone, elle obtint gain de cause devant le Tribunal Supremodans un arrêt du 12 Janvier 20098 qui condamna Travelstead à verser 649.477 €de dommages et intérêts.

2.2 L’indemnisation de la perte du procès à l’étranger

Les juges européens n’ont pas seulement envisagé l’hypothèse d’un remboursementdes frais de justice engagés devant le juge étranger pour contester sa compétence.Dans plusieurs décisions, le juge anglais a aussi discuté la possibilité d’octroyer desdommages et intérêts dans le but de réparer le préjudice subi du fait de la solutiondifférente que pourrait retenir le juge non-élu s’il acceptait de trancher le litige.

Ainsi, dans une décision ancienne et curieusement peu citée sur ce point,9 la Courd’appel anglaise n’avait pas hésité à condamner une partie n’ayant pas respecté sonengagement de plaider en Angleterre à indemniser l’autre partie de tous les préjudicesqui en étaient résultés, y compris la perte du procès étranger au fond. Dans cetteaffaire Ellerman Lines Ltd c. Read,10 l’objet du litige était un navire qui s’était échouédans la Mer Noire, et avait donné lieu à des opérations de sauvetage. Le contratqui fut conclu à l’occasion de ces opérations prévoyait que, à défaut d’accord, larémunération les concernant serait fixée à Londres, et que le navire ne serait passaisi. Pourtant, le navire fut emmené à Constantinople, où le sauveteur introduisitune action au fond. Ayant obtenu gain de cause, il fit vendre le navire et put ainsi

7Un premier arrêt avait été rendu le 23 Février 2007 par le Tribunal Supremo (Numéro d’identificationCendoj : 28079110012007100239) dans des circonstances comparables. Il s’agissait d’une procédure de-vant les tribunaux de New York, en violation d’une clause d’élection de la juridiction espagnole. Lestribunaux de New York rejetèrent la requête. Les défendeurs à New York entamèrent un procès à Madrid,où ils demandaient la réparation des dommages causés par la requérante à New York, y compris les fraisde la défense à New York, les dépenses engagées en Espagne à cause du comportement de l’autre partie,et tout autre dommage résultant directement de ce comportement. La demanderesse aux États-Unis op-posa l’exception de litispendance. Le débat se concentra tout entier sur ce dernier point et pas sur celui del’indemnisation.8Numéro d’identification Cendoj : 28079110012009100055.9Briggs [2].10[1928] 2 KB 144. Un résumé de la décision peut être trouvé dans Briggs [2].

La sanction des clauses d’élection de for par l’octroi de dommages et intérêts

partiellement exécuter le jugement turc. Les propriétaires du navire saisirent la justiceanglaise. Ils demandèrent une injonction visant à empêcher l’exécution de la décisionturque et réclamèrent des dommages et intérêts. Ils recherchèrent la réparation detrois préjudices distincts : les frais investis en Turquie pour rapatrier l’équipage, ceuxengagés pour tenter de récupérer le navire avant qu’il ne soit vendu, et la perte dunavire. La Cour d’appel leur donna entièrement satisfaction, non sans relever quesa décision revenait à infirmer la décision turque. Cette première décision acceptaitainsi de réparer le préjudice subi du fait de la solution substantielle retenue par lejuge non-élu.

La jurisprudence moderne ne contient pas d’exemples comparables. Toutefois, uncertain nombre de décisions anglaises ont pu envisager abstraitement l’hypothèse. Ilen va tout d’abord ainsi de l’arrêt Donohue c. Armco Inc.11 Dans cette affaire, uneclause de juridiction désignait le juge anglais, mais le litige opposait des parties dontseulement certaines d’entre-elles étaient liées par la clause. Une action fut intentéeaux États-Unis par une des parties liées par la clause, mais aussi par des parties nonliées par celle-ci. Une autre action fut ensuite initiée devant les juridictions anglaises,et, bien qu’aucune demande de dommages et intérêts n’ait été formulée, certain desmembres de la Chambre des Lords envisagèrent cette hypothèse. Ils se prononcè-rent en faveur du remboursement des frais de justice encourus aux Etats-Unis, sansd’ailleurs se référer aux conditions posées par l’arrêt Discount Union, mais semblè-rent aussi enclins à condamner la partie ayant initié la procédure américaine à garan-tir l’autre partie contre toute condamnation aux Etats-Unis à laquelle cette dernièren’aurait pas été exposée en Angleterre.

Plus récemment, la Cour d’appel anglaise a elle aussi envisagé favorablementla prise en considération de la solution substantielle consacrée par le juge non-élupour calculer les dommages et intérêts susceptibles d’être octroyés. Dans cette affaireSunrock Aircraft Corporation c. Scandinavian Airlines System Danemark-Norvège-Suède,12 la clause litigieuse n’était pas un accord d’élection de for, mais une clausede détermination par expert. Toutefois, la Cour affirma obiter qu’il était désormaisconstant que les clauses attributives de juridiction pouvaient être sanctionnées parl’octroi de dommages et intérêts. Et lorsque la question de l’évaluation des dom-mages et intérêts se posa, elle se prononça en faveur d’une comparaison entre lerésultat escompté devant le for élu et le résultat obtenu devant le juge finalementsaisi.

3 Admissibilité du procédé : droit commun

3.1 Obstacles théoriques

Le premier obstacle théorique à la sanction des clauses attributives de juridiction parl’octroi de dommages et intérêts tient à la nature d’une telle convention : doit-elle

11[2001] UKHL 64 ; [2002] 1 Lloyd’s Rep. 425.12[2007] EWCA 882.

G. Cuniberti, M. Requejo

être considérée comme une convention procédurale, ou substantielle ? En Espagne,dans l’affaire Travelstead, les juges inférieurs retinrent une qualification processuellepour justifier que la violation d’un accord d’élection de for ne puisse être sanction-née que par une déclaration d’incompétence. Ils jugèrent ainsi que les accords surla compétence seraient soumis à un régime juridique spécifique, et poursuivraientleurs propres buts. Dès lors, ils ne pourraient être assimilés aux conventions sub-stantielles. Les clauses procédurales resteraient à l’extérieur du contrat. Elles n’im-pliqueraient pas un engagement contractuel, mais seraient plutôt le canal par lequels’écoulent les prétentions des parties. C’est la raison pour laquelle elles seraient sanc-tionnées différemment, bien que le remboursement des frais de justice reste conce-vable.

Le Tribunal Supremo, tout en reconnaissant que l’accord exclusif d’élection de fora une nature particulière, part du principe qu’il doit être respecté. La haute juridictionespagnole distingue entre le sens de la clause et ses conséquences, d’une part dansle procès, et d’autre part dans le cadre de la relation contractuelle, où sa violationdoit être appréciée en prenant en considération son importance dans l’économie ducontrat. En d’autres termes, il faut rechercher pourquoi les parties ont conclu cetteclause, et ce qu’elle représente dans la décision individuelle de conclure le contrat.De fait, pour le Tribunal Supremo, la clause pourrait même avoir été un élémentcrucial dans cette décision.13

La position du Tribunal Supremo trouve appui dans la doctrine espagnole qui seprononce en faveur de la double nature, ou nature mixte, de la clause. Elle com-porte des aspects procéduraux et des aspects substantiels : « les clauses d’électionde for ont une composante contractuelle, dont découle une obligation processuellepour les parties. L’intéressé a droit à l’exécution en nature de cette obligation », et« en cas d’inexécution, on a avancé la possibilité que la partie lésée demande l’in-demnisation des préjudices causés ».14 Cette analyse de la clause, qui distingue entreses dimensions processuelle – à l’instar de l’attribution de compétence à la juridic-tion choisie – et substantielle – à l’instar de la formation du consentement, de lacapacité, et du droit à des dommages et intérêts en cas de violation –, est parta-gée par des auteurs d’autres pays. On ajoute que la violation de la clause étant laviolation d’un contrat, elle doit donner lieu à indemnisation comme tout autre casde rupture d’un accord de volontés : le contraire reviendrait à créer une asymétriedans le droit des contrats, qui devrait être justifiée (ce qui ne s’est pas produit jus-qu’à présent).15 Toutefois, un certain nombre d’auteurs, spécialement en Allemagne,

13Texte original : “El pacto de sumisión a fuero (. . .) tiene un significado propio y comporta específicasconsecuencias en el ámbito del proceso. Sin embargo, incorporado a la relación contractual como una másde las reglas de conducta a que han de atenerse las partes, genera un deber, aunque pueda considerarseaccesorio, cuyo incumplimiento, a efectos de determinar su trascendencia desde el punto de vista de laresponsabilidad contractual, debe valorarse en relación con la significación que el incumplimiento defec-tuoso pueda tener en la economía de la relación obligatoria (. . .) Desde esta perspectiva, la elección (. . .)del fuero competente pueden haber sido decisivos en el caso para la voluntad de establecer la relación, conclara trascendencia en la economia contractual (. . .)”.14Virgós Soriano/Garcimartín Alférez [12].15Takahashi [10] ; Tan [11].

La sanction des clauses d’élection de for par l’octroi de dommages et intérêts

nient au contraire qu’un accord d’élection de for puisse produire le moindre effetsubstantiel.16

Le second obstacle théorique trouve sa source dans le droit international public. Ilimporte en effet de s’interroger sur l’atteinte à la souveraineté de l’Etat étranger quepourrait constituer une condamnation à payer des dommages et intérêts pour avoirsaisi un de ses juges.17 Le même argument était déjà particulièrement convaincantconcernant les antisuit injunctions : même si l’on soutient que l’injonction est diri-gée contre l’une des parties et non pas contre la juridiction étrangère,18 il faut aussireconnaître qu’elle suppose une ingérence dans l’activité de cette juridiction. Dans lecas de dommages et intérêts, la situation est un peu différente car ils ne s’opposentpas directement à l’action à l’étranger. Le demandeur n’est pas menacé d’outrage autribunal s’il introduit son action devant un tribunal non choisi. Le problème est que, sil’on accorde des dommages et intérêts permettant à la partie condamnée à l’étrangerde récupérer le montant de cette condamnation, on revient en réalité sur la décisionétrangère, en en annulant pratiquement les effets.19 L’interférence dans l’exercice dela justice étrangère est indéniable.20 Mais, à la différence d’une antisuit injunction,elle peut être modulée. Le montant d’une condamnation à des dommages et intérêtspeut être plus ou moins élevé, et donc exercer une pression plus ou moins grande surune procédure étrangère. L’atteinte à la souveraineté de l’Etat étranger pourrait-elles’en trouver changée ?

3.2 Opportunité pratique

Les arguments d’opportunité en faveur de l’octroi de dommages et intérêts sont nom-breux.21 Tout d’abord, en venant renforcer la clause d’élection de for, les dommageset intérêts contribuent à la rendre pleinement efficace, et donc à produire les bienfaitsqui lui sont reconnus, au premier rang desquels la sécurité juridique dans les relationscommerciales internationales. La menace de condamnation est aussi un outil aidantà faire respecter l’économie du contrat : le juge compétent pour trancher le litige estimportant de ce point de vue car lui sont attachés de nombreux particularismes quipeuvent influer sur la solution finale apportée au litige. En ce sens, la clause est unélément de la négociation qui doit être respecté afin de ne pas décevoir les prévisionsdes parties. Dans le même ordre d’idées, l’octroi de dommages et intérêts contribue

16Mankowski [4], voy. néanmoins Sandrock [7, 8].17Tan [11], Yeo [13], Merret [5], Takahashi [10], Briggs [2]. La présentation de l’argument en termes decomity ou courtoisie internationale permet à certains auteurs anglo-américains de douter de son caractèreréellement obligatoire : voy. Tan [11] ; Takahashi [10].18Infra, 4.19Takahashi [10]. Selon Ambrose [1], Tan [11], Yeo [13], l’indemnisation revient à qualifier la décisionétrangère d’« erronée ».20Voy Fentiman dans sa réponse à la House of Lords à propos du Green Paper on the Brussels IRegulation (question 35). http ://ec.europa.eu/justice_home/news/consulting_public/0002/contributions/ms_parliaments/united_kingdom_house_of_lords_en.pdf.21Voy. généralement Tan [11].

G. Cuniberti, M. Requejo

à forcer les parties à saisir le juge élu, et donc participe de la lutte contre le forumshopping.22

En second lieu, les dommages et intérêts ont aussi l’avantage de pouvoir sanction-ner la violation de la clause lorsqu’un intérêt supérieur impose pourtant qu’un autrejuge que le juge élu connaisse du litige. C’est ainsi qu’un tribunal non choisi pourraitdécider que, bien que la clause d’élection de for soit valable, il importe qu’il se re-connaisse compétent pour défendre des intérêts publics. L’attribution des dommageset intérêts aiderait alors à ne pas sacrifier totalement les intérêts privés. Le droit dela consommation en fournit un bon exemple. Les contrats de consommation compor-tent généralement une clause que le consommateur n’a pas pu négocier, mais qu’ila pourtant dû accepter. Toutefois, obliger le consommateur à se rendre à l’endroitchoisi pour plaider sa cause le poussera à renoncer à tout recours judiciaire, car lecoût en serait trop élevé, dans l’absolu ou relativement à la valeur du litige. En re-vanche, si on lui permet d’intenter une action dans un autre for, tout en payant unecertaine somme pour la violation de la clause, on lui rend un certain contrôle sur sonaction, un contrôle qui lui avait été arraché par la partie « forte » au moment de laconclusion du contrat. Le consommateur serait toutefois condamné à indemniser soncocontractant. Il pourrait être soutenu que cette indemnisation ne devrait tendre qu’àrendre au professionnel le coût de ne plus avoir la possibilité de gérer de manière uni-forme la résolution des litiges naissant de la commercialisation de ses produits dansde nombreux Etats différents.23

Il importe toutefois de ne pas négliger les difficultés pratiques qui pourraient ré-sulter de la mise en œuvre de la sanction étudiée.

Notons tout d’abord que l’évaluation des dommages et intérêts ne serait pas ai-sée. L’indemnisation devrait placer son bénéficiaire dans la situation dans laquelle ilserait si l’autre partie avait rempli son obligation. Dans notre hypothèse, il pourraitdonc être nécessaire de comparer le résultat du procès s’étant déroulé devant le jugenon-élu avec celui du procès qui aurait dû avoir lieu devant le juge élu, mais qui n’aprécisément pas eu lieu.24 L’exercice est assurément délicat, et il pourrait devenirquasi-divinatoire s’il était conduit avant que le juge non-élu ne se soit prononcé.Mais il ne saurait naturellement remettre en cause le principe de l’indemnisa-tion.25

Ensuite, et indépendamment de l’atteinte à la souveraineté étrangère que consti-tuerait la sanction de la saisine du juge non-élu, il est évident qu’autoriser le jugeélu à sanctionner la saisine d’un autre juge ferait naître un contentieux supplémen-taire et venant se greffer sur le contentieux préexistant. Ce serait tolérer l’existence

22Notons toutefois que l’effet dissuasif de cette sanction peut être contesté. Voy. par exemple Bun-desministeriums der Justiz, dans sa réponse à la Consultation on the report and green paper on thereview of Regulation 44/2001 concerning jurisdiction and the recognition and enforcement of judge-ments in civil and commercial matters, http ://ec.europa.eu/justice_home/news/consulting_public/0002/contributions/ms_governments/germany_de.pdf. Le Bundesministerium ajoute que “Durch einen Scha-densersatzanspruch gegen die Partei, die eine ausschließliche Gerichtsstandsvereinbarung missbräuchlichverletzt, könnte der Missbrauch an sich nicht verhindert, sondern nur sanktioniert werden”.23Shanta [9].24Yeo [13] ; Tan [11].25Tan [11].

La sanction des clauses d’élection de for par l’octroi de dommages et intérêts

d’une « satellite litigation ».26 Or la multiplication des procédures sur des questionsconnexes fait naître un risque de conflit de décisions.27

4 Admissibilité du procédé : droit européen

Ainsi qu’il a déjà été souligné, les juristes anglais considèrent logiquement que lasanction la plus efficace des clauses d’élection de for est l’antisuit injunction. Il estprobable qu’ils continueront à l’utiliser à titre principal dans les rapports avec desEtats non européens. Toutefois, dans les rapports intra-communautaires, la Cour dejustice des communautés européennes a clairement condamné l’utilisation de cettetechnique juridique dans l’arrêt Turner en 2004.28

La conséquence indirecte de cette interdiction est de rendre beaucoup plus attrac-tives les autres sanctions qui, bien que certainement moins efficaces que l’antisuit in-junction, n’en demeurent pas moins des outils pouvant apporter des bénéfices certainsaux victimes d’une violation de clauses d’élection de for. L’intérêt renouvelé pourl’allocation de dommages et intérêts dans ce contexte doit beaucoup à la condamna-tion sans nuance de l’injonction antisuit.

Toutefois, il importe de souligner qu’il serait hasardeux de conclure trop rapi-dement que les dommages et intérêts sont destinés à prendre la place laissée vacanteaprès le bannissement hors du continent européen de l’antisuit injunction. C’est qu’eneffet, en prétendant remplir la fonction exercée par son illustre ainée, les dommageset intérêts s’exposent à faire l’objet d’une critique comparable à celle ayant causé laperte de l’injonction. L’arrêt Turner est donc à la fois une chance pour l’allocation dedommages et intérêts, mais aussi le plus grand danger qui les guette.

4.1 La motivation de l’arrêt Turner

L’arrêt Turner s’est prononcé sur la compatibilité des injonctions antisuit avec l’ordrecommunautaire. Pour condamner le procédé, la Cour a avancé plusieurs justifica-tions. Certaines étaient spécifiquement liées au mécanisme de l’injonction antisuit.Elles ne sont pas réellement pertinentes pour déterminer si un mécanisme différentserait susceptible de poser un problème similaire et en conséquence de ne pas êtreplus compatible avec l’ordre juridique communautaire. D’autres, en revanche, sontplus générales et paraissent potentiellement viser un éventail beaucoup plus large desanctions, y compris l’allocation de dommages et intérêts.

Ainsi, dans les deux paragraphes les plus pertinents de l’arrêt Turner, la Cour ajugé :

26A. Dickinson, dans sa réponse à la Consultation on the report and green paper on the review of Re-gulation 44/2001 concerning jurisdiction and the recognition and enforcement of judgements in civiland commercial matters, http ://ec.europa.eu/justice_home/news/consulting_public/0002/contributions/civil_society_ngo_academics_others/mr_andrew_dickinson_en.pdf. La même idée est soutenu par laLaw Society of England and Wales : http ://ec.europa.eu/justice_home/news/consulting_public/0002/contributions/civil_society_ngo_academics_others/law_society_england_wales_en.pdf.27Ambrose [1].28Arrêt du 27 avril 2004, Turner c. Grovit (C- 159/02, Rec. I-3565).

G. Cuniberti, M. Requejo

27. Or, l’interdiction faite par une juridiction à une partie, sous peine de sanc-tion, d’introduire ou de poursuivre une action devant une juridiction étrangèrea pour effet de porter atteinte à la compétence de celle-ci pour résoudre le li-tige. En effet, dès lors que le demandeur se voit interdire d’intenter une telleaction par une injonction, force est de constater l’existence d’une ingérencedans la compétence de la juridiction étrangère, incompatible, en tant que telle,avec le système de la convention.28. En dépit des explications fournies par la juridiction de renvoi et contrai-rement à ce qu’ont soutenu M. Turner et le gouvernement du Royaume-Uni,cette ingérence ne saurait être justifiée par le fait qu’elle n’est qu’indirecte etqu’elle vise à empêcher un abus de procédure de la part du défendeur à laprocédure nationale. En effet, dès lors que le comportement reproché au défen-deur consiste à se prévaloir de la compétence d’une juridiction d’un autre Étatmembre, le jugement porté sur le caractère abusif de ce comportement impliqueune appréciation du caractère pertinent de l’introduction d’une action devantune juridiction d’un autre État membre. Or, une telle appréciation est contraireau principe de confiance mutuelle qui, ainsi qu’il a été rappelé aux points 24à 26 du présent arrêt, est à la base de la convention et qui interdit au juge,sauf cas particuliers inapplicables dans l’espèce au principal, de contrôler lacompétence d’un juge d’un autre État contractant.

Le premier de ces deux paragraphes vise directement l’injonction antisuit, en sou-lignant en particulier que le procédé repose sur la sanction de la partie récalcitrante.Le second paragraphe, en revanche, est plus général et semble pertinent pour l’ana-lyse de tout procédé dont l’objectif serait de sanctionner l’abus de procédure parl’une des parties. La Cour affirme en effet que le principe de confiance mutuelle dansle système juridique des Etats membres et leurs institutions judiciaires interdit toute« appréciation du caractère pertinent de l’introduction d’une action devant la juridic-tion d’un autre Etat membre », et que le jugement porté sur le caractère abusif de lasaisine d’une juridiction d’un autre Etat membre est condamnable, car il impliqueune telle appréciation.

Loin d’exclure le procédé de la seule injonction antisuit, la motivation des l’arrêtTurner semble donc s’opposer à la mise en œuvre de tout mécanisme autorisant unjuge d’un Etat membre à apprécier les conditions de la saisine d’un autre juge del’Espace judiciaire européen.

4.2 Dommages et intérêts et confiance mutuelle

Faut-il voir dans des dommages et intérêts octroyés par un juge d’un Etat membreen conséquence de la saisine d’une juridiction d’un autre Etat membre un procédéincompatible avec le principe de confiance mutuelle ?

On relèvera, à titre liminaire, la prise de position de la Commission européenne enfaveur de ce mécanisme. Dans son Livre Vert sur la révision du Règlement Bruxelles Id’avril 2009,29 la Commission s’est en effet interrogée sur les moyens envisageables

29Livre Vert sur la Révision du Règlement (CE) n◦ 44/2001 du Conseil concernant la compétence judi-ciaire, la reconnaissance et l’exécution en matière civile et commerciale, 21 avril 2009, COM (2009) 175Final.

La sanction des clauses d’élection de for par l’octroi de dommages et intérêts

pour renforcer l’efficacité des accords d’élections de for. A cette occasion, elle adéclaré que « L’efficacité des accords d’élection de for pourrait également être ren-forcée par l’octroi de dommages-intérêts en cas de violation, à la suite par exempled’un retard ou de l’application des clauses de défaut des contrats de prêt. »

Pourtant, à la lumière de la motivation de l’arrêt Turner, le procédé pose assuré-ment difficulté. Si des dommages et intérêts devaient être octroyés en raison de laviolation d’une clause attributive de juridiction, c’est a priori dans le cadre d’une ac-tion en responsabilité qu’ils le seraient. Plus précisément, la partie assignée devant unautre tribunal que le tribunal élu rechercherait la responsabilité du demandeur pouravoir agi en violation de son engagement de saisir le juge désigné par la clause at-tributive de juridiction. Il s’agirait donc d’une action en responsabilité contractuellefondée sur le constat de la violation d’une des clauses du contrat.

On voit mal, dans ces conditions, comment une telle sanction pourrait satisfaireaux exigences posées par la Cour de justice dans l’arrêt Turner. Le juge auquel ilserait demandé de juger si la saisine d’un autre juge est contraire à une clause attribu-tive de juridiction serait manifestement appelé à se prononcer sur le « caractère per-tinent » de la saisine de son collègue européen. Dans la plupart des ordres juridiquesde l’Union européenne, on imagine que la violation d’une clause contractuelle seraitqualifiée de fautive. L’action en responsabilité civile apparaîtrait donc bien commeun moyen de porter un « jugement porté sur le caractère abusif [du comportement dudemandeur] ».

Il pourrait naturellement être soutenu que l’octroi des dommages et intérêts ne vi-serait pas à proprement parler à sanctionner la saisine du juge étranger, mais plutôt laviolation par l’une des parties au contrat de ses obligations contractuelles.30 La dis-tinction est subtile, mais il nous semble peu probable qu’elle emporte la convictionde la Cour de justice. En vérité, l’argument du caractère indirect de l’ingérence dansla compétence étrangère avait déjà été formulé dans l’affaire Turner. C’est qu’en effetles juristes anglo-américains justifient traditionnellement l’antisuit injunction en in-sistant sur le fait que, institution d’Equity, elle ne vise que les parties, et n’affecte pasdirectement l’objet de leurs actions. Injonction n’enjoignant qu’à la personne du de-mandeur de se désister de la procédure étrangère, elle n’affecterait pas directement lacompétence des juges étrangers. Cette doctrine, critiquée par les juristes de commonlaw eux-mêmes comme étant artificielle,31 a été clairement rejetée par la Cour de jus-tice dans l’arrêt Turner. Il nous semble donc que les chances qu’elle soit convaincuepar la distinction entre obligations primaires et obligations secondaires générées parles clauses attributives de juridiction sont très faibles.

Il se pourrait toutefois que la Cour de justice n’ait pas totalement condamné cettealternative prometteuse que constitue l’octroi de dommages et intérêts. L’arrêt Turnerlaisse en effet ouvertes deux questions, et peut-être autant de voies.

La première est celle de savoir si le principe de confiance mutuelle exclut que toutjuge autre que le juge saisi sanctionne la violation de la clause attributive de juridic-tion, ou si ce principe interdit seulement de corriger l’appréciation du juge saisi de

30Comp. la distinction entre obligations primaires et secondaires créées par une clause d’élection de fordéveloppée par Briggs [2].31Voy. par exemple Fawcett/Carruthers [3].

G. Cuniberti, M. Requejo

sa compétence. La jurisprudence démontre en effet qu’il n’est pas rare que la partielésée recherche la condamnation de son adversaire devant un autre juge que le jugesaisi, alors pourtant que ce dernier a sanctionné le comportement du demandeur en sedéclarant incompétent.32 Dans une telle hypothèse, rechercher à engager la responsa-bilité du demandeur devant un autre juge ne revient aucunement à dénier au juge saisile droit d’apprécier sa compétence, puisque l’action tend à conforter l’appréciation dece dernier en la sanctionnant à nouveau. En d’autres termes, le principe de confiancemutuelle ne semble pas en cause, puisque le second juge ne contredit pas le premierrelativement à son appréciation de compétence.

La seconde question laissée ouverte est celle de savoir si l’interdiction d’appré-cier le caractère pertinent de la saisine du juge d’un autre Etat membre pourrait êtreévitée en faisant jouer des mécanismes ne nécessitant pas d’établir le caractère fau-tif de la saisine d’un autre juge que le juge élu. Si en effet l’octroi de dommageset intérêts résultait non pas de la mise en œuvre du droit de la responsabilité civiled’un Etat membre fondée sur la faute, mais d’un mécanisme objectif, il pourrait êtresoutenu que la sanction n’est pas le résultat d’une appréciation du caractère pertinentde la saisine d’un juge non-élu. Il pourrait en être ainsi si les parties stipulaient dansleur contrat que la saisine d’un autre juge emporterait automatiquement l’exigibilitéd’une obligation de payer une somme d’argent à la partie poursuivie (ou encore, parexemple, le droit de faire jouer une garantie à première demande). Dans une tellehypothèse, l’automaticité de l’exigibilité de la somme d’argent pourrait valider lemontage contractuel au regard du principe de confiance mutuelle.33

References

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32Supra 1.33Comp. Briggs [2].