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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique, p. 135 à 159 Changements de traitement funéraire des enfants selon l’ âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire Bernard Dedet Introduction Dans le sud de la France protohistorique, la qualité et la quantité des données issues des sépultures, celles des nécropoles comme celles qui sont installées dans les habitats, permettent notamment de se pencher sur le sort funéraire réservé aux enfants, et, au travers des variations perceptibles en fonction de l’ âge au décès, d’ appréhender différents stades dans l’ agrégation de ces jeunes individus à la société, de la naissance, et même de la phase de gestation, à l’ adolescence. Le présent article découle d’ une étude d’ ensemble 1 élaborée entre 2003 et 2006, dont le corpus documentaire a été arrêté à la fin de 2004. Le cadre géographique retenu, principalement en raison de l’ existence d’ une telle documentation, est celui de la majeure partie de la France méridionale, depuis le secteur oriental du bassin de la Garonne et des Pyrénées centrales, à l’ ouest, jusqu’ aux Alpes du sud, à l’ est, en passant par le Languedoc, le sud du Massif central et la Provence, pour une période couvrant le dernier millénaire av. J.-C., soit le Bronze final IIIb et les deux âges du Fer. Les données disponibles concernent, pour l’ essentiel, la culture indigène de ce vaste ensemble géographique, cependant la colonie grecque de Marseille, pour le second âge du Fer, offre en cette matière un autre modèle dont il convient, par comparaison, de tenir compte (fig. 1). Pour le monde indigène, deux sources alimentent ce sujet. La première est constituée par les tombes des cimetières des communautés humaines, pour lesquels notamment les restes osseux humains ont fait l’ objet de déterminations visant à connaître l’ âge au décès et, pour les adultes, éventuellement le sexe. Ce sont ainsi quelque 2 700 individus de tous âges, publiés, qui peuvent être pris en compte actuellement 2 . Les sépultures installées dans les villages et les maisons des vivants forment la seconde source. Elles appartiennent essentiellement à de 1 Dedet 2008. On se reportera à ce travail pour l’ exposé précis des données et leurs références, le détail des comparaisons, conclusions et interprétations. 2 Liste des nécropoles publiées où figurent des enfants : Le Camp d’ Alba (Réalville, Tarn-et-Garonne), BF IIIb et transition Bronze- Fer (Janin et al. 1997) ; Camp de l’ Église Sud (Flaujac-Poujol, Lot), transition Bronze-Fer (Pons et al. 2001) ; Gourjade (Castres, Tarn), BF IIIb - début vi e  s. av. J.-C. (Giraud et al. 2003) ; Le Martinet (Castres, Tarn), fin viii e - début vi e  s. av. J.-C. (Giraud et al. 2003) ; Le Causse (Labruguière, Tarn), BF IIIb - début vi e  s. av. J.-C. (Giraud et al. 2003) ; Le Moulin (Mailhac, Aude), BF IIIb et transition Bronze-Fer (Taffanel et al. 1998) ; La Gabache (Bram, Aude), BF IIIb et transition Bronze-Fer (Passelac et al. 2001) ; Ruscino (Perpignan, Pyrénées-Orientales), BFIIIb (Marichal & Rébé 2003) ; Arihouat (Garin, Haute-Garonne), viii e - vii e  s. av. J.-C. (Muller 1985) ; Las Peyros (Couffoulens, Aude), début vi e – début v e  s. av. J.-C. (Solier et al. 1981) ; Le Peyrou (Agde, Hérault), milieu vii e  s. av. J.-C. (Nickels et al. 1989) ; Saint-Julien (Pézenas, Hérault), vii e – début v e  s. av. J.-C. (étude en cours) ; Tumulus des Garrigues du Languedoc oriental, notamment Cazevieille, Ravin des Arcs, Viols-le Fort, Saint-Martin-de-Londres, Peyrescanes et Pontel (Hérault et Gard) (Dedet 1992 ; Dedet et al. 1998) ; Tumulus des Grands Causses, notamment le Vayssas, Combe-Sévène, Pomeyrol (Aveyron, Lozère et Gard) (Dedet 2001) ; Saint-Roch-Les Mollards (Ventavon, Hautes-Alpes), viii e - vii e  s. av. J.-C. (Mahieu & Boisseau 2000) ; Saint-Antoine (Castelnau-

Changements de traitement funéraire des enfants selon l'âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique, p. 135 à 159

Changements de traitement funéraire des enfants selon l’ âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

Bernard Dedet

Introduction

Dans le sud de la France protohistorique, la qualité et la quantité des données issues des sépultures, celles des nécropoles comme celles qui sont installées dans les habitats, permettent notamment de se pencher sur le sort funéraire réservé aux enfants, et, au travers des variations perceptibles en fonction de l’ âge au décès, d’ appréhender différents stades dans l’ agrégation de ces jeunes individus à la société, de la naissance, et même de la phase de gestation, à l’ adolescence.

Le présent article découle d’ une étude d’ ensemble1 élaborée entre 2003 et 2006, dont le corpus documentaire a été arrêté à la fin de 2004. Le cadre géographique retenu, principalement en raison de l’ existence d’ une telle documentation, est celui de la majeure partie de la France méridionale, depuis le secteur oriental du bassin de la Garonne et des Pyrénées centrales, à l’ ouest, jusqu’ aux Alpes du sud, à l’ est, en passant par le Languedoc, le sud du Massif central et la Provence, pour une période couvrant le dernier millénaire av. J.-C., soit le Bronze final IIIb et les deux âges du Fer. Les données disponibles concernent, pour l’ essentiel, la culture indigène de ce vaste ensemble géographique, cependant la colonie grecque de Marseille, pour le second âge du Fer, offre en cette matière un autre modèle dont il convient, par comparaison, de tenir compte (fig. 1).

Pour le monde indigène, deux sources alimentent ce sujet. La première est constituée par les tombes des cimetières des communautés humaines, pour lesquels notamment les restes osseux humains ont fait l’ objet de déterminations visant à connaître l’ âge au décès et, pour les adultes, éventuellement le sexe. Ce sont ainsi quelque 2 700 individus de tous âges, publiés, qui peuvent être pris en compte actuellement2. Les sépultures installées dans les villages et les maisons des vivants forment la seconde source. Elles appartiennent essentiellement à de

1 Dedet 2008. On se reportera à ce travail pour l’ exposé précis des données et leurs références, le détail des comparaisons, conclusions et interprétations.2 Liste des nécropoles publiées où figurent des enfants : Le Camp d’ Alba (Réalville, Tarn-et-Garonne), BF IIIb et transition Bronze-Fer (Janin et al. 1997) ; Camp de l’ Église Sud (Flaujac-Poujol, Lot), transition Bronze-Fer (Pons et al. 2001) ; Gourjade (Castres, Tarn), BF IIIb - début vie s. av. J.-C. (Giraud et al. 2003) ; Le Martinet (Castres, Tarn), fin viiie - début vie s. av. J.-C. (Giraud et al. 2003) ; Le Causse (Labruguière, Tarn), BF IIIb - début vie s. av. J.-C. (Giraud et al. 2003) ; Le Moulin (Mailhac, Aude), BF IIIb et transition Bronze-Fer (Taffanel et al. 1998) ; La Gabache (Bram, Aude), BF IIIb et transition Bronze-Fer (Passelac et al. 2001) ; Ruscino (Perpignan, Pyrénées-Orientales), BFIIIb (Marichal & Rébé 2003)  ; Arihouat (Garin, Haute-Garonne), viiie - viie s. av. J.-C. (Muller 1985)  ; Las Peyros (Couffoulens, Aude), début vie – début ve s. av. J.-C. (Solier et al. 1981) ; Le Peyrou (Agde, Hérault), milieu viie s. av. J.-C. (Nickels et al. 1989) ; Saint-Julien (Pézenas, Hérault), viie – début ve s. av. J.-C. (étude en cours) ; Tumulus des Garrigues du Languedoc oriental, notamment Cazevieille, Ravin des Arcs, Viols-le Fort, Saint-Martin-de-Londres, Peyrescanes et Pontel (Hérault et Gard) (Dedet 1992 ; Dedet et al. 1998) ; Tumulus des Grands Causses, notamment le Vayssas, Combe-Sévène, Pomeyrol (Aveyron, Lozère et Gard) (Dedet 2001) ; Saint-Roch-Les Mollards (Ventavon, Hautes-Alpes), viiie - viie s. av. J.-C. (Mahieu & Boisseau 2000) ; Saint-Antoine (Castelnau-

Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

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B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

très jeunes défunts, en tout 140 sujets. Dans ces habitats, en fait, peu de tombes de ces très jeunes morts ont été reconnues et publiées ou signalées  ; cependant, dans une région centrale de cet ensemble géographique, Languedoc oriental et Grands Causses, l’ examen systématique des lots d’ os découverts dans les fouilles depuis les années 1960 et prélevés au titre des vestiges de faune met en évidence l’ existence d’ autres sépultures de très jeunes morts en plus de celles qui ont été perçues à la fouille. C’ est là aussi un test qui permet, à l’ échelle d’ une région, de mesurer l’ importance quantitative de la pratique de l’ enterrement des très jeunes enfants dans les habitats3.

Cet ensemble d’ environ 2 850 individus, se répartit en quelque 1 100 défunts d’ âge indéterminé mais ayant dépassé la petite enfance et 1 692 autres dont l’ âge est connu plus ou moins précisément, soit 421 enfants de moins de 15 ans, 30 adolescents (15 à 20 ans) et 1 241 adultes ou individus de taille adulte. Dans le lot des 421 enfants, l’ âge de 29 d’ entre eux ne peut être précisé et 392 entrent dans les quatre classes suivantes :

– les périnatals ;

– les nourrissons, de 1 à 12 mois ;

– les jeunes enfants, de 1 à 6 ans ;

– les grands enfants, de 7 à 15 ans.

À Marseille, la nécropole de Sainte-Barbe dans sa phase pré-romaine, du début du ive au milieu du iie s. av. J.-C., est la seule qui fournisse pour le moment des indications précises concernant non seulement la cité phocéenne mais également la sphère coloniale grecque de Gaule méditerranéenne. Sur un total de 97 défunts, dont 87 d’ âge au décès déterminé, figurent 34 enfants de moins de 15 ans4.

On abordera successivement les traitements funéraires propres à chaque classe d’ âge dans le monde indigène, leurs différences entre elles et avec les adultes et les adolescents. Ces derniers ont été écartés de cette étude car leurs sépultures ne se distinguent actuellement pas de celles des adultes et les pratiques mises en œuvre, du moins ce que nous en percevons, sont semblables pour les uns comme pour les autres. Le cas de Marseille grecque sera examiné à part, pour finir. Et partout, à Marseille/Sainte-Barbe comme dans les différents sites autochtones du sud de la France, sont significatifs aussi bien les présences de certains immatures que leurs absences ou leurs déficits, et de manière générale leurs taux de représentation par rapport aux modèles théoriques que fournissent les sociétés préjennériennes. Il convient donc, pour commencer, de chercher à apprécier, pour chaque classe d’ immatures, les éventuelles anomalies démographiques que présentent les nécropoles car elles impliquent d’ autres lieux de dépôt pour ces jeunes morts.

Immatures et nécropoles indigènes

Suivant le modèle mis en œuvre par Pascal Sellier lors de l’ étude du tumulus de Courtesoult5, on a cherché à apprécier le degré de représentation de ces jeunes morts, répartis selon les classes de la démographie historique (0-12 mois, 1-4 ans, 5-9 ans, 10-14 ans et 15-20 ans), en comparant les quotients de mortalité à ceux des tables-types établies pour des espérances de vie à la naissance de 25 ans, 30 ans et 35 ans6, qui sont celles admises pour les populations préjennériennes. Plusieurs faits importants ressortent du tableau de ces quotients de mortalité

de-Guers ; Hérault), vie s. av. J.-C. (Houlès & Janin 1992) ; L’ Agnel 1 (Pertuis, Vaucluse), vie s. av. J.-C. (Dedet & Marchand, à paraître) ; Ambrussum (Villetelle, Hérault), iiie s. av. J.-C. (Dedet, à paraître).3 Ces sépultures sont décrites dans Dedet 2008. Principaux habitats où elles ont fait l’ objet d’ une étude monographique : Lattes, Hérault (Fabre 1990 ; Fabre & Gardeisen 1999) ; Gailhan, Gard (Dedet et al. 1991) ; Puech de Mus, Aveyron (Dedet et al. 2001) ; Le Marduel, Gard (Py et al. 1986 ; Py et al. 1989).4 Moliner et al. 2003.5 Sellier 1996, 189-197.6 Ledermann 1969.

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

(en ‰) des différentes classes d’ immatures par sites et pour certains d’ entre eux par période ou par petite région, comparés à ceux de trois populations de référence (fig. 2).

Lorsqu’ ils ne sont pas carrément absents7, les défunts de moins d’ un an présentent des quotients de mortalité très faibles, généralement compris entre 15 ‰ et 43 ‰, 9 à 20 fois inférieurs aux valeurs attendues, exception faite de celui de las Peyros qui reste cependant 3 à 4 fois inférieur.

Les 1-4  ans sont mieux représentés que les précédents, partout ou presque. Pour peu que le nombre de tombes connues soit suffisant, ils ne font défaut nulle part et les quotients de mortalité attestés sont en nette augmentation, 20  ‰ à 130  ‰ selon les lieux ou les périodes, même plus au Moulin. Le déficit est certes moindre que pour les moins d’un an, mais il est encore bien réel : les quotients sont encore très faibles, deux à dix fois inférieurs à ceux des tables-types. Seul le Moulin montre une image conforme à celle d’ une société préjennérienne (283 ‰, toutefois pour une classe d’ âge quelque peu élargie, les 1-6 ans).

7 Ces très jeunes morts font totalement défaut dans d’ autres nécropoles de la région considérée, qui ont fait l’ objet d’ analyses ostéologiques, comme Arihouat, le Camp d’ Alba, le Camp de l’ Église-Sud, le Camp de l’ Église-Nord à Flaujac-Poujol, Lot (vie – début ve  s.  av.  J.-C.), la Maladrerie à Albi, Tarn (transition Bronze – Fer), Le Martinet, La Gabache, Le Grand Bassin II à Mailhac, Aude (deuxième quart vie – début ve s. av. J.-C.), Mourrel Ferrat à Olonzac, Hérault (fin ive s. av. J.-C.).

■ Fig. 2 Quotients de mortalité (en ‰) des immatures pour les nécropoles d’ Arihouat, du Causse, de Gourjade, du Peyrou, du Martinet, de Saint-Julien, de Las Peyros, d’ Ambrussum, de Marseille Sainte-Barbe et du Moulin, les tumulus des Grands Causses, de Cazevieille et les tombes du Languedoc oriental hors Cazevieille. Pour comparaison, tables-types de Ledermann pour une espérance de vie à la naissance de 25 ans, 30 ans et 35 ans (Ledermann 1969, 86 à 88). En grisé, les quotients inférieurs aux taux des tables-types.

139

B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

Un changement apparaît avec la classe suivante, celle des 5-9 ans. Pour quelques sites, las Peyros, Gourjade phases III, IVa et IVb, les quotients de mortalité de 30 ‰ à 32 ‰ se situent en-dessous de ceux que fournissent les tables types. Mais pour la plupart des autres, Gourjade phases I et II, le Causse, le Martinet, le Moulin, Saint Julien, Arihouat, Ambrussum ainsi que Cazevieille et les tumulus du Languedoc oriental, les quotients de 40 ‰ à 160 ‰, sont tout à fait conformes à ceux de ces tables8.

Pour les deux classes suivantes ces quotients de mortalité sont désormais presque partout conformes à ceux de la démographie archaïque9. Pour les 10-14 ans, ils sont compris entre 18 ‰ et 55 ‰, tout à fait comparables à ceux des tables de mortalité pour des espérances de vie à la naissance de 25 à 35 ans, et il en va de même pour les 15-19 ans, 22 ‰ à 65 ‰. Seule la nécropole d’ Arihouat montre des quotients légèrement supérieurs.

En définitive, il apparaît clairement que partout et à toutes périodes les enfants de moins de 5  ans sont systématiquement et très nettement sous-représentés dans les nécropoles. Cependant ce déficit n’ est pas homogène. Il est beaucoup plus important pour les moins d’un an que pour les 1-5 ans. Il s’ estompe ou disparaît ensuite avec les 5-9 ans dont la représentation, selon les lieux, devient conforme à la normale ou n’ est que très légèrement inférieure à celle-ci. Les classes suivantes, les 10-14 ans et les 15-19 ans, montrent également des quotients normaux. Seul le Moulin, au Bronze final IIIb et à la transition Bronze final – premier âge du Fer, se singularise quelque peu en marquant une certaine spécificité pour les 1-4 ans.

On peut se demander évidemment si, dans chacune de ces nécropoles, il n’ existerait pas un quartier où seraient déposés préférentiellement les tout-petits. En effet aucun de ces cimetières n’ a jusqu’ ici fait l’ objet d’ une fouille complète et exhaustive, mais, sur le nombre de nécropoles fouillées, l’ absence de découverte de tels secteurs réservés permet d’ écarter cette objection. Si la majorité des enfants de moins de cinq ans, et dans une bien moindre mesure les 5-9 ans, manquent en ces lieux, c’ est bien qu’ ils ont été placés ailleurs. Les découvertes effectuées dans les habitats protohistoriques du Languedoc et des régions voisines, Roussillon, Grands Causses et Provence, apportent d’ ailleurs une réponse, pour une partie de ceux-ci au moins.

Les périnatals dans le monde indigène

Pour les 148 périnatals étudiés, fœtus, prématurés et nouveau-nés à terme, deux sortes de lieux de dépôt sont concernés dans le monde indigène du sud de la France, mais de manière très inégale et selon des modalités très différentes, la nécropole villageoise et l’ habitat lui-même.

Périnatals dans la nécropole

La sépulture du nouveau-né dans le cimetière est très rare, huit ou neuf cas seulement sont avérés, représentant 0,3 % du total des quelque 2 800 sujets qui peuvent être pris en compte et 5 % des périnatals. Et ces individus ne relèvent pas d’ une coutume locale : ils ne sont pas cantonnés à un seul site ou une seule région ; tout au contraire, ils sont éparpillés dans l’ espace : dans le Tarn à Gourjade, dans le Minervois au Moulin de Mailhac, dans la moyenne vallée de l’ Aude à las Peyros, à l’ embouchure de l’ Hérault au Peyrou d’ Agde, dans les Garrigues du Languedoc oriental à Viols-le-Fort, dans les Grands Causses lozériens à Pomeyrol ; ils sont aussi dispersés dans le temps, du Bronze final IIIb au vie s. av. J.-C. Partout ces dépôts ne constituent donc que des exceptions.

Dans la tombe, ce périnatal n’ est jamais seul, mais il accompagne presque toujours un adulte, très probablement féminin si l’ on en croit la symbolique des objets dont est pourvu ce dernier, bracelets multiples,

8 Le quotient des Grands Causses, égal à zéro, n’ est pas significatif car plusieurs sujets de cette région, pouvant entrer dans deux classes d’ âge, n’ ont pas été pris en compte.9 L’ absence des adolescents dans la phase III de Gourjade et en Languedoc oriental hors Cazevieille n’ est sans doute qu’ apparente, plusieurs sujets classés “adultes ou adolescents” pouvant correspondre en fait à ces derniers.

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

fusaïole, coquillage10. Et la plupart de ces adultes sont valorisés par la quantité de matériel déposé avec eux (Le Peyrou 10 et 185, le Moulin 74 et 253, Gourjade 3, Pomeyrol) ; les autres, moins abondamment pourvus en mobilier, ne sont cependant pas dépréciés (le Moulin 285 et las Peyros 3). Seul le tumulus Viols 7, dans les Garrigues du Languedoc oriental, déroge à cette règle, qui abrite un périnatal et un nourrisson d’ un an. Nulle part ces tombes occupent une situation topographique particulière, et dans les cimetières du Moulin et du Peyrou, qui ont livré, respectivement, trois et deux de ces sépultures, celles-ci ne sont pas regroupées.

10 Sur cette question de la symbolique sexuelle de certains objets, voir Dedet 2008, 371-381.

■ Fig. 3 A. Exemple de sépulture de nouveau-né en nécropole : la tombe 285 du Moulin à Mailhac (d’ après Taffanel & Janin 1998) ; B. Exemple de sépulture de nouveau-né en habitat : la tombe A4 de Gailhan (cliché H. Duday) ; C. Exemple de sépulture de nourrisson en habitat : la tombe 5209 de Ruscino à Perpignan (d’ après Marichal & Rébé 2003 ; relevé V. Fabre) ; D. Classement des nouveau-nés et des nourrissons provenant des habitats de l’ ensemble du sud de la France, en fonction de l’ âge au décès.

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B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

Le traitement du corps varie selon l’ aire géographique considérée, mais il est toujours conforme à celui qui est en usage pour les adultes ou la grande majorité d’ entre eux11. Ainsi, dans le domaine occidental, les terres situées à l’ ouest de la basse vallée de l’ Hérault où l’ incinération est la règle, ces périnatals sont toujours brûlés et leurs restes sont presque toujours dans le même ossuaire que celui qui accueille l’ autre mort (fig. 3, A). On ignore cependant si les dépôts des os des deux morts sont simultanés ou non et s’ il y a eu réouverture de l’ ossuaire. Seule fait exception la tombe 253 du Moulin où les os du périnatal sont placés à l’ extérieur du vase de l’ adulte, sur le dessus de la dalle le recouvrant, comme si on avait réouvert la sépulture de celui-ci pour introduire les restes du nouveau-né. Dans l’ aire orientale, à l’ Est du fleuve Hérault, le traitement des adultes dominant est l’ inhumation et les périnatals, à Viols comme à Pomeyrol, suivent cette coutume. Si pour Viols 7 on ignore tout de la position respective des deux défunts, dans le tumulus de Pomeyrol les restes du nouveau-né n’ étaient pas dans la zone occupée par le squelette de l’ adulte.

À l’ exception de Viols donc, ces tombes semblent abriter des femmes mortes durant la grossesse ou en couches, et, manifestement, ce sont des morts qu’ on n’ a pas cherché à mettre à part de manière négative. Ces cas sont cependant trop rares, sans doute, pour constituer la réponse habituelle à un type de décès fréquent dans les sociétés anciennes, qui touche environ une femme sur dix12.

Périnatals dans l’ habitat

Beaucoup plus nombreux sont les périnatals ensevelis dans les habitats. Actuellement 139 individus sont connus, dont 46 tombes en place et 93 sujets remaniés par les activités domestiques. Cette coutume concerne toutes les régions du sud de la France, Roussillon, Languedoc, sud du Massif central, Provence et Alpes méridionales, depuis le début du premier âge du Fer au moins13. L’ examen systématique des restes osseux prélevés au titre de la faune dans les fouilles des habitats du Languedoc oriental et des Grands Causses, mais seulement dans ces deux contrées, montre que cet usage y touche pratiquement tous les sites pour peu que la surface explorée ne soit point trop réduite. Seule Nîmes protohistorique semble constituer une exception.

Pour les trois quarts d’ entre eux, ces individus sont nés à terme, à dix mois lunaires de gestation ; presque tous les autres sont des prématurés proches du terme, huit ou neuf mois lunaires, et seulement deux, sans doute des jumeaux, sont des fœtus de quatre à cinq mois lunaires (Lattes, tombe 11), mais c’ est là un cas tardif, du troisième quart du ier s. av. J.-C. En fait cette répartition correspond à celle du risque naturel de naissance prématurée et ne paraît pas traduire de choix particulier (fig. 3, D).

Tous ces défunts sont inhumés, même si l’ incinération est la règle presque partout pour les morts conduits au cimetière, et leurs tombes sont toujours individuelles, si l’ on excepte les deux fœtus jumeaux de la tombe 11 de Lattes. La norme est le dépôt primaire dans une petite fosse creusée juste aux dimensions du corps (fig. 3, B). Une pratique différente existe toutefois à Lattes au ier s. av. J.-C., le dépôt dans une urne ; mais elle ne remplace cependant pas le dépôt en fosse, toujours attesté alors dans cette agglomération.

11 Dans le sud de la France au Bronze final IIIb, l’ incinération est exclusive dans les contrées situées à l’ ouest de la basse vallée de l’ Hérault et l’ inhumation à l’ Est. À partir du début premier âge du Fer l’ incinération se répand progressivement en Languedoc oriental et sur la bordure méridionale du Massif Central et atteint la rive occidentale de la vallée du Rhône. Elle gagne la Provence durant le vie s. av. J.-C. Cette évolution trouve son point d’ aboutissement au milieu du ve s. av. J.-C. : l’ incinération règne en maître en Languedoc oriental et en Provence, et cela jusqu’ à la fin de l’ âge du Fer, du moins pour les morts “normaux”, ceux qui ont droit à un traitement solennel de la mort. À ce tableau cependant, deux exceptions : les Alpes du sud qui resteront très longtemps fidèles à l’ inhumation, jusqu’ au milieu du second âge du Fer, et les colonies grecques comme Marseille et Agde où incinération et inhumation coexistent jusqu’ à la fin de l’ âge du Fer. Sur cette répartition des inhumations et des incinérations et leurs variations sur les plans géographique et chronologique à l’ échelle du tiers sud de la France, voir Dedet 2004.12 Gélis et al. 1978, 94-95.13 Si l’ âge du Bronze est mal documenté actuellement sur ce point dans le sud de la France, le dépôt des périnatals dans les maisons est cependant bien attesté antérieurement, notamment au Néolithique final (Mahieu 1984-1985).

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

La position du corps, pas plus que son orientation, ne sont codifiées. Cependant deux positions dominent, à égalité, sur le dos (37 %) et sur le côté gauche (37 %) ; pour les autres sujets (26 %) on a adopté des postures variées, sur le ventre, sur le côté droit ou intermédiaires.

Ces cadavres ne paraissent pas emmaillotés avant d’ être mis en terre. En effet, dans de nombreux cas, les membres supérieurs sont repliés au niveau des coudes et ceux-ci s’ écartent alors du corps, tandis que les mains viennent au contact du tronc ou de la tête ; parfois ils sont étendus en abduction ou au-dessus de la tête ; on note aussi l’ absence de toute symétrie, chaque membre supérieur pouvant admettre une posture très différente. Pareille asymétrie se rencontre également parfois pour les membres inférieurs. Et si ceux-ci sont généralement fléchis ou repliés, les genoux peuvent être serrés et ramenés en avant du ventre ou au contraire écartés. Or, pour les médecins de l’ Antiquité gréco-romaine l’ emmaillotement, membres supérieurs plaqués le long du corps et membres inférieurs joints et en extension, est censé prévenir les déformations corporelles et surtout contribuer à humaniser le nouveau-né en le faisant passer de la position fœtale à la station verticale. La façon d’ enterrer le mort-né protohistorique dans le sud de la France pourrait donc signifier que celui-ci n’ était pas considéré comme “humain”.

Dans sa tombe le périnatal n’ est pas pourvu d’ objet ou d’ offrande alimentaire ayant laissé des traces ; seul fait exception l’ oppidum de Pech Maho qui se signale par des restes d’ animaux placés dans la fosse du petit défunt14.

Au sein de ces habitats, il n’ y pas de lieu particulier réservé à ces ensevelissements ; au contraire, ceux-ci sont dispersés dans les maisons, cuisines, salles d’ habitation, de repos ou de réserves, ou dans les cours domestiques attenantes. Même si la tombe isolée est bien attestée, le dépôt de plusieurs jeunes défunts, deux, trois, quatre ou cinq, mais jamais plus, dans la même cellule architecturale, est une pratique courante. Quelques exemples signifiants parmi d’ autres : à Montlaurès, au début du ve s. av. J.-C., ce sont trois sépultures de nouveau-nés qui sont installées à moins d’ un mètre de distance les unes des autres, dans la cour-terrasse de la salle 1  ; à Gailhan, la cour domestique n° 22 rassemble cinq mort-nés et un nourrisson plus âgé, à peu de distance les uns des autres, tous datés du dernier quart du ve s. av. J.-C. (fig. 4, A) ; au Marduel, au siècle suivant, on trouve deux individus voisins dans la salle 11. Même pièce et souvent même laps de temps et surtout nombre limité de sujets, tout porte à croire que l’ on est en présence de groupements familiaux. En outre, la fosse est très rarement protégée par une pierre de recouvrement  : on peut en déduire des dépôts effectués dans des intervalles de temps suffisamment courts comme le sont des décès successifs de frères ou de sœurs, pour que le souvenir de l’ emplacement se soit maintenu de l’ un à l’ autre.

Le traitement très spécifique auquel les nouveau-nés ont droit est à la mesure de l’ idée qu’ il s’ agit d’ êtres bien à part. L’ ensevelissement dans la maison, cantonné au domaine privé, révèle qu’ ils ne sont pas encore admis dans la société villageoise. Les positions trahissant l’ absence d’ emmaillotement paraissent indiquer des êtres hors de l’ humanité, encore sauvages en quelque sorte. Leur existence est sans importance puisque aucune amulette ne protège ces individus d’ un quelconque mauvais sort. Ces morts n’ ont pas d’ individualité, il est donc inutile d’ accompagner leur cadavre d’ objets dont les doubles leur seraient utiles dans l’ au-delà. La pratique funéraire qui leur est consacrée est donc réduite au minimum. Sans doute a-t-on affaire à des êtres qui n’ ont pas tout à fait quitté le monde des morts, dont ils viennent, et qui ne sont pas encore véritablement dans celui des vivants.

Des périnatals ailleurs ?

Dans les villages où elle est attestée, la pratique de l’ ensevelissement dans la maison concerne-t-elle tous les périnatals ou seulement une partie d’ entre eux ?

14 Aimable renseignement de E. Gailledrat, Ph. Brunner et H. Duday.

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B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

Dans plusieurs fouilles récentes la densité des tombes et des restes de nouveau-nés est tout à fait conforme à la réponse systématique à une très forte mortalité aux environs de la naissance et on peut faire l’ économie de l’ hypothèse de défunts de cet âge déposés ailleurs. C’ est par exemple le cas à Gailhan dans le village du dernier quart du ve  s.  av.  J.-C., où dix périnatals prennent place dans cinq unités domestiques, qui correspondent chacune à une famille nucléaire (fig. 4, A) : nous aurions donc là en moyenne deux enterrements de nouveau-nés par famille sur une durée de l’ ordre du quart de siècle, soit une génération. La même fréquence se retrouve sur ce site dans la première moitié du siècle suivant, ou encore au Puech de Mus au ve s. av. J.-C. (fig. 4, B et C).

Cependant de telles densités ne sont pas constatées sur tous les habitats de la région concernée, loin de là. Certes, ces sépultures sont longtemps passées inaperçues  ; cependant, même dans des fouilles d’ habitats

■ Fig. 4 Répartition des tombes de très jeunes enfants dans les habitats de Gailhan (Gard) (relevé B. Dedet) et du Puech de Mus (Aveyron)(relevé P. Gruat ; topographie G. Marchand).

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

où la recherche a intégré cette problématique, certains manques paraissent significatifs. Par exemple à Lattes, l’ absence se remarque dans des îlots pourtant étudiés selon les mêmes méthodes que ceux qui ont livré de tels ensevelissements et au Puech de Mus, aucun reste de nouveau-né ne peut être non plus attribué à la phase récente du site, celle du ive s. av. J.-C.

Ce déficit dans certaines agglomérations, cette absence dans d’ autres doit conduire à envisager que le dépôt de ces jeunes morts en habitat n’ est pas une coutume systématique partout dans le Sud-Est de la France et à toutes les époques de la Protohistoire, et que d’ autres solutions à l’ extérieur du village mais hors du cimetière ont dû exister, à l’ instar de ce que l’ on est obligé de déduire pour les nourrissons.

Les nourrissons de la première année dans le monde indigène

Les nourrissons âgés d’ un à douze mois sont très rares. Dans les habitats on n’ en recense pour le moment que douze, ce qui tranche très nettement avec les quelque 140 périnatals dénombrés dans les mêmes sites (fig. 3, D). Comme, dans ces sociétés préjennériennes, il meurt autant d’ enfants à la naissance et dans le premier mois de la vie que durant les onze mois suivants, à l’ évidence la grande majorité des nourrissons de la première année se trouvent ailleurs. Douze autres individus de cet âge sont bien attestés dans les cimetières villageois, mais ils ne suffisent pas à combler ce déficit. Il est donc clair que, à l’ exception des très rares sujets admis dans les cimetières, la plupart de ces très jeunes défunts quittent la sphère domestique pour des lieux que nous ne connaissons pas.

Nourrissons dans l’ habitat

Dix des douze nourrissons ensevelis dans les habitats sont âgés de un à trois mois (Gailhan  A6 et B2, Lattes 22 et 23, Puech de Mus 5 et 10, L’ Ermitage 1, Marduel 5, Bourbousson 1, Sainte-Colombe 1). Leurs sépultures offrent les mêmes modalités que celles des périnatals  : les cadavres ne sont pas brûlés  ; ils sont placés en dépôt primaire, sur le dos ou sur le côté, et ne sont pas emmaillotés  ; ils sont dépourvus de tout objet d’ accompagnement  ; ils sont inhumés individuellement dans une petite fosse creusée dans une salle d’ habitation ou aux abords immédiats de la maison, dans les mêmes lieux que les nouveau-nés (fig. 4, A, B et C). Cette similitude de traitement avec les périnatals permet de penser que les causes de leur décès sont les mêmes, pathologies lourdes congénitales ou suites d’ accidents survenus lors de l’ accouchement, avec un simple décalage de quelques semaines ou de quelques mois.

Des deux nourrissons plus âgés, environ 6 mois, enterrés dans une maison, Gailhan C4 et Ruscino 5209, seul le second a été découvert en place. Tout en suivant les mêmes usages que les 1-3 mois des autres habitats, il présente la particularité de posséder un collier à la propriété prophylactique très nette, crache de cerf, perles en ambre et en corail, et anneaux en bronze (fig. 3, C).

Nourrissons dans les nécropoles

À l’ inverse des nourrissons ensevelis en habitat, la majorité des douze nourrissons des nécropoles sont âgés de six à douze mois : sur les neuf pour lesquels l’ âge peut être précisé, un seul a moins de trois mois.

Suivant la coutume régionale en vigueur pour leurs aînés, le cadavre est incinéré ou inhumé ; comme pour les périnatals, cela dépend de la région. Et là où règne l’ incinération, dans l’ aire occidentale, sauf exception, on dépose les restes dans un ossuaire, conformément à la norme pour la plupart des défunts plus âgés, un vase cependant dont la petite taille est adaptée à la circonstance. Ces tombes se distinguent nettement aussi de celles des périnatals des mêmes nécropoles par deux caractères. C’ est d’ abord l’ apparition de tombes individuelles : si une part importante de ces nourrissons, cinq cas relevés, sont encore placés dans la sépulture d’ un autre mort, une majorité d’ entre eux, sept sujets, bénéficient d’ une tombe individuelle. D’ autre part, presque toutes ces tombes individuelles livrent les vestiges non périssables d’ un collier ou d’ un pendentif amulette (perle en ambre, anneau ou perle en bronze…), et

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B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

parfois, très rarement, un petit objet (fusaïole ou armille). Rapprochons ce fait du nourrisson de plus de six mois de l’ habitat de Ruscino qui vient d’ être évoqué : cet âge pourrait donc constituer un premier seuil à partir duquel l’ enfant emporte quelque menue pièce dans la tombe, et en particulier le collier protecteur.

Un début de socialisation

Les usages appliqués aux nourrissons de la première année, marquent donc une rupture. Sauf exceptions, les nourrissons de moins d’ un an sont exclus de la maison : il s’ agit, d’ une certaine manière, d’ un début de socialisation, même si ce n’ est qu’ une petite minorité qui a accès au cimetière, lieu socialisé par excellence. Et cette minorité-là, qui, semble-t-il, a atteint ou dépassé le cap des six mois d’ existence, bénéficie d’ actions semblables à celles qui concernent les adultes et les adolescents, du moins pour le traitement de leur cadavre. On cherche à protéger ces nourrissons par des amulettes : vers six mois, il y aurait donc un début d’ existence humaine qu’ il faut garantir contre les dangers. L’ absence presque générale de mobilier d’ accompagnement montre cependant que ces êtres n’ ont pas encore d’ individualité, et lorsqu’ ils sont pourvus d’ autre chose que d’ une amulette, ces objets les rattachent au monde des femmes, comme pour les enfants de la classe d’ âge suivante.

Les jeunes enfants dans le monde indigène

Actuellement 131  jeunes enfants de un à six ans sont recensés, tous dans des nécropoles villageoises. Contrairement à la précédente, c’ est une grande part de cette classe d’ âge des 1-6 ans, qui prend place dans la nécropole, mais, selon les communautés, cette part apparaît plus ou moins grande eu égard au taux de mortalité attendu : à l’ exception du Moulin où la proportion de ces défunts paraît normale, partout ailleurs il en manque au moins la moitié et parfois bien plus, jusqu’ à 90 % au Causse ou au Martinet au viie s. et au début du vie s. av. J.-C. (fig. 2). Cependant ces jeunes enfants ne figurent plus désormais dans les habitats. L’ idée d’ un autre lieu de dépôt, que nous ne connaissons pas, et/ou de traitements ne laissant aucune trace durable, s’ impose donc, comme pour les nourrissons.

Dans aucune nécropole on ne trouve de zone dévolue à ces jeunes défunts. L’ exemple du Peyrou à Agde, où les 1-6 ans sont éparpillés un peu partout dans la nécropole du milieu du viie  s.  av.  J.-C., est tout à fait représentatif à cet égard de l’ usage en vigueur dans les autres communautés indigènes et à d’ autres siècles (fig. 5, A). Dans les régions où l’ incinération règne en maître, lorsqu’ ils sont acceptés au cimetière, ces morts sont incinérés comme leurs aînés et leurs restes sont placés dans l’ ossuaire ou en vrac dans le loculus, selon ce qui se fait alors pour les autres défunts. On relève bien quelques cas exceptionnels d’ inhumation mais quelques adultes sont également concernés par cette pratique très minoritaire dans ces contrées occidentales du Midi. En Languedoc oriental tous les jeunes enfants suivent le rite dominant de l’ inhumation et pour eux on évite l’ incinération qui touche pourtant 42 % des adultes. La présence d’ épingles et de fibules montre que le cadavre est brûlé ou déposé vêtu à cet âge, à la différence des nouveau-nés et nourrissons.

La même dichotomie entre ces deux domaines géographiques prévaut en ce qui concerne le caractère individuel ou multiple de la sépulture (fig. 6). En Languedoc oriental et dans les Grands Causses presque tous les 1-6 ans recensés, sept sur huit, partagent la sépulture d’ un adulte ou d’ un autre enfant, voire de plusieurs autres. C’ est un choix qui contraste nettement avec celui qui est fait pour les adultes dont les trois quarts sont en tombes individuelles. Au contraire, d’ une façon générale dans l’ aire occidentale, la tombe individuelle est très largement privilégiée pour ces jeunes morts, poursuivant en cela une tendance observée pour les très rares nourrissons qui vont au cimetière. Elle est même parfois la seule formule en usage comme au Camp de l’ Église-Sud, à las Peyros ou à Arihouat, mais sur les deux premiers sites elle concerne aussi tous les adultes, et tous les adultes moins un à Arihouat. Dans les autres nécropoles de ce domaine occidental, la sépulture individuelle coexiste avec la tombe multiple, tout en restant largement majoritaire : par exemple 23 des 29 jeunes enfants du Moulin ont une tombe individuelle ou 17 sur un total de 22 à Gourjade ou encore 16 sur 26 au Causse. Toutefois l’ usage de la tombe partagée est beaucoup plus fréquent pour les jeunes enfants que pour les adultes entre eux.

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

Pour ces tombes multiples, un large éventail de possibilités se présente selon l’ âge au décès des individus associés et selon le mode de dépôt.

La normalité, 85 % des cas, c’ est l’ association du jeune enfant avec un adulte, parfois deux et exceptionnellement trois ou quatre ; mais dans 15 % des cas l’ association concerne un jeune enfant avec un autre enfant, de la même classe d’ âge ou non, et ces cas ne sont pas l’ apanage d’ une communauté particulière.

Le mode de dépôt le plus courant consiste à placer dans le même vase ossuaire des restes des différents trépassés incinérés. Cette formule affecte 18 des 29 tombes multiples pour lesquelles on dispose d’ information à ce sujet, soit les deux tiers de l’ ensemble. Le plus souvent les tombes abritent deux sujets ; 15 sur 18 sont dans

■ Fig. 5 A. Nécropole du Peyrou (Agde, Hérault) ; localisation des enfants classés selon l’ âge au décès et des adultes en fonction de la connotation sexuelle du mobilier d’ accompagnement (fond de plan Nickels et al. 1989, complété) ; B. Nécropole du Camp de l’ Église-Sud (Flaujac-Poujols, Lot) ; âge au décès et dimension des tombes (fouille F. Pons ; cl. O. Dayrens, Inrap).

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B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

■ Fig. 6 Proportions relatives des tombes individuelles et des tombes partagées par classes d’ âge au décès dans plusieurs nécropoles ou régions de tumulus du sud de la

France (pour les deux classes d’ âge supérieures, les 15-20 ans et les plus de 20 ans, seules les tombes partagées entre

adultes ou adolescents sont prises en compte).

■ Fig. 7 Nécropole d’ Arihouat (Garin, Haute-Garonne). A. Répartition des trois types

de tombes en fonction de l’ âge au décès ; B. Diamètre des tombes à entourage simple en fonction de l’ âge

au décès ; C. Diamètre des tombes à entourage double en fonction de l’ âge au décès.

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

ce cas ; mais trois autres sépultures ont accueilli trois individus. Une autre solution, que l’ on trouve dans 11 de ces sépultures, est le dépôt de plusieurs vases ossuaires dans le loculus, soit un ossuaire pour chaque mort, mais la formule est rare, 3 cas sur 11, soit, le plus souvent (8 cas), les restes d’ un même individu sont répartis dans deux vases différents.

La forme des tombeaux individuels de ces jeunes enfants ne se différencie pas de celle de bien des tombes d’ adultes, mais dans les cimetières les mieux conservés, il ressort une tendance à la modestie pour beaucoup de ces sépultures de jeunes morts, tant dans la forme que dans la dimension. On remarque en effet, d’ une part, une préférence pour les types architecturaux les plus simples. Ainsi par exemple, à Arihouat où voisinent trois catégories de sépultures, de grandes tombes à double couronne, des tombes plus petites à couronne simple et des tombes très modestes à loculus sans entourage, aucun jeune enfant ne figure dans la première série, deux d’ entre eux prennent place dans la troisième et trois dans la catégorie intermédiaire, mais ces dernières sont parmi les plus petites de la série (fig. 7, A, B et C). Et c’ est là aussi la seconde tendance, une préférence pour les monuments de petites dimensions, qu’ illustrent bien également les deux catégories de sépultures de la nécropole du Peyrou, en quantité équivalente, des tombes à enclos et vases d’ accompagnement et des tombes sans enclos, à simple ossuaire et sans vase d’ accompagnement : dans la répartition des tombes individuelles de jeunes enfants figurent trois sépultures à enclos (T 30, T 40 et T 176) et trois à simple ossuaire (T 18, T 91 et T 147) ; il n’ y a pas de choix préférentiel pour l’ une ou l’ autre solution, mais les enclos des jeunes enfants sont parmi les plus petits de la nécropole (fig. 5, A). Autre exemple, celui du seul secteur non arasé du Camp de l’ Église-Sud où la différence de diamètre des tombes des 1-6 ans par rapport à celles des sujets plus âgés est très nette (fig. 5, B).

L’ ossuaire du jeune enfant est un vase de forme courante dans chaque nécropole, la même que celle qui sert généralement pour les adultes ; mais il arrive exceptionnellement que ce soit un récipient de dimensions réduites qui est utilisé. Le mobilier l’ accompagnant est toujours constitué de petits objets familiers de la vie quotidienne, évoquant la toilette (scalptorium), la parure ou l’ habillement (éléments de collier, bracelets, épingle, fibule, chaînette), une activité de tous les jours (fusaïole) (fig. 8, B). Ceux-ci sont chaque fois en petit nombre cependant, beaucoup plus rares généralement que pour les enfants plus grands et pour les adultes (fig. 9). Cet accompagnement comprend aussi quelques vases, mais en moyenne beaucoup moins nombreux que dans les tombes de leurs aînés (fig. 10). Cependant, à la différence des morts plus âgés, dans ce matériel ne figurent pas de biens de valeur, vase importé rare, vaisselle métallique, pièce volumineuse en bronze ou en fer, ou objet en métal précieux.

Lorsque les objets déposés dans les tombes des jeunes enfants marquent une symbolique sexuelle, on remarque une quasi exclusivité des pièces pour lesquelles une connotation féminine est admise, coquillage, fusaïole, plusieurs bracelets, par exemple, et cela n’ est pas réservé à une communauté villageoise, à une région ni à une époque particulières. Sur 93 tombes individuelles ou à ossuaire individuel de jeunes enfants répertoriées, 31 (soit 33 %) sont pourvues d’ objets à symbolique sexuelle et la grande majorité de ce lot, 28 tombes, soit 90,3  %, livrent un ou plusieurs objets de type féminin, deux associent objets présumés féminins et objets présumés masculins (soit 6,5 %) et une seule possède un objet présumé masculin (soit 3 %). Et cette répartition est très différente de celle que l’ on perçoit pour les adultes dans l’ ensemble de la région : 39,7 % de tombes avec objets “féminins” et à 60,3 % avec objets “masculins”.

Ce comptage permet de formuler deux hypothèses contradictoires. Si l’ attribution de telles pièces symbolise le sexe du jeune mort, une infime minorité de petits garçons bénéficierait d’ une telle symbolique, tandis qu’ une bonne partie du contingent de petites filles serait concernée. Selon cette hypothèse, on pourrait aussi envisager que les garçons soient déposés ailleurs que dans les nécropoles.

La seconde supposition est que, pour cette classe d’ âge, le dépôt de tels objets n’ est pas corrélé au sexe du défunt mais bien plutôt à son jeune âge. On accompagnerait préférentiellement le petit mort d’ objets de type féminin parce que, garçon ou fille, il appartenait de son vivant au monde des femmes de la maisonnée. Or deux autres séries de faits amplifient cette connotation féminine des tombes de jeunes enfants et permettent de conforter cette piste.

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■ Fig. 8 A. Nécropole de Gourjade (Castres, Tarn), plan du secteur ouest avec localisation des tombes d’ enfants classées selon l’ âge au décès et des adultes en fonction de la connotation sexuelle du mobilier d’ accompagnement (fond de plan Giraud et al. 2003, complété) ; B. Mobilier et plan de la tombe de jeune enfant 329 de Gourjade (1. Fusaïole en terre cuite ; 2. Vase ossuaire ; 2b. Maillons de chaînette en bronze ; 3 et 4. Os d’ animaux ; 5. Aiguille en bronze) (d’ après Giraud et al. 2003) ; C. Nécropole d’ Ambrussum (Villetelle, Hérault) ; au premier plan, loculus de la tombe 22 de jeune enfant, accolé au loculus de la tombe d’ adulte 23 (au second plan), sans doute une femme d’ après la connotation du mobilier l’ accompagnant ; les deux loculus étaient surmontés par le même dispositif de recouvrement terreux (cl. B. Dedet).

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Le regroupement des morts. Genèse et diversité archéologique

Premier élément, dans les tombes multiples où un jeune enfant accompagne un adulte, en dehors des cas évoqués ci-dessus où chaque sujet a son ossuaire individuel, on constate là encore une prépondérance de la connotation féminine du mobilier. Sur un total de 34 de ces tombes multiples, 26 fournissent des objets sexuellement connotés et, parmi elles, 16 sont pourvues d’ objets de type féminin et dans un cas l’ étude ostéologique permet de conclure qu’ il s’ agit d’ un femme  ; à l’ inverse six tombes seulement ont des objets présumés masculins et une autre, d’ après l’ étude ostéologique, est celle d’ un homme  ; enfin deux tombes seulement associent les deux types d’ objets.

En second lieu, dans plusieurs nécropoles, des tombes de jeunes enfants pourvus ou non de ces objets présumés féminins sont regroupées à proximité immédiate ou même placées dans une liaison ou une dépendance topographique très étroite avec la sépulture d’ un adulte accompagné d’ objets à symbolique féminine  ; et, a contrario, de tels liens avec des tombes d’ adultes pourvus d’ objets connotés masculins sont tout à fait exceptionnels. Cela s’ observe dans plusieurs nécropoles et de manière répétitive. Ainsi à Gourjade les trois tombes de jeunes enfants T 150, T 152 et T 237 sont toutes trois accolées à la périphérie de l’ entourage d’ une tombe d’ adulte dont le sexe biologique est féminin (T 128) (fig. 8, A) ; au Peyrou deux des trois jeunes enfants en tombe à enclos (T 40 et 176) sont placés dans la dépendance de deux sépultures à enclos d’ adultes équipés d’ objets à connotation féminine (T 43 et 185) (fig. 5, A) ; au Camp de l’ Église-Sud, les trois sépultures de jeunes enfants T 53, 54 et 55, alignées et jointives, confrontent sur cet axe la tombe d’ un adulte pourvu d’ un mobilier à connotation féminine (T 9) (fig. 5, B) ; au Moulin de tels voisinages se reproduisent dans au moins quatre secteurs de la nécropole. Ce sont là des cas qui se rapportent au Bronze final IIIb ou au premier âge du Fer, mais Ambrussum montre la persistance de cet usage en plein second âge du Fer : le loculus de la tombe du jeune enfant T 22 est à proximité immédiate de celui d’ une tombe d’ adulte T 23 possédant des objets présumés féminins (fusaïole, paire de bracelets) et le même amoncellement de terre surmonte les deux loculus (fig. 8, C).

Il paraît donc assuré que pour cette classe d’ âge des 1-6 ans la connotation féminine des objets ne renvoie pas au sexe du jeune enfant, mais qu’ elle est bien plutôt le signe de son appartenance à la sphère féminine de la maisonnée : de son vivant la place du petit enfant était avec sa mère et les autres femmes de la maison. Et qui plus est, dernier argument, cette absence d’ équilibre dans la symbolique sexuelle des objets placés dans ces tombes est en total contraste avec ce que l’ on constate pour les enfants plus âgés.

Les grands enfants dans le monde indigène

Les 89 grands enfants de sept à quatorze ans dénombrés dans le sud de la France sont tous dans des cimetières villageois. Partout les plus âgés d’ entre eux, les 10-14 ans, y sont représentés normalement par rapport au taux de mortalité attendu (fig. 2). Par contre, pour les 7-9 ans la situation apparaît plus contrastée : dans beaucoup de nécropoles leur présence est conforme à ce taux, comme au Peyrou, à Arihouat, au Martinet, à Saint-Julien, dans le Languedoc oriental du premier âge du Fer à l’ exclusion de Cazevieille, ou à Ambrussum au second âge du Fer ; dans d’ autres, le déficit est net quoique moins important que pour les 1-6 ans, de l’ ordre de 50 %, comme dans les phases récentes du Causse et de Gourjade, à las Peyros, dans les tumulus de Cazevieille et des Grands Causses (fig. 2). Pour ces dernières communautés l’ idée d’ un autre lieu de dépôt s’ impose donc aussi pour les plus jeunes de ces 7-14 ans. À l’ évidence, sur ce point ces défunts sont à la jonction de deux grands groupes, les 10-14 ans étant traités comme les adultes et adolescents, et les 7-9 ans formant la transition avec les jeunes enfants, le passage variant selon les villages plutôt vers 7 ans ou plutôt vers 10 ans.

Comme pour les autres classes d’ âge, il n’ y a nulle part de secteur réservé aux grands enfants dans les nécropoles.

En Languedoc oriental, dans les Grands Causses et en Provence au premier âge du Fer on continue à privilégier l’ inhumation. L’ incinération ne touche qu’ un seul des treize grands enfants connus, alors qu’ elle affecte le tiers des adultes. De même, on continue de préférer la tombe partagée, onze tombes sur treize sont dans ce cas, en total contraste avec l’ usage qui prévaut pour les adultes (fig. 6).

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B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

Dans le domaine occidental durant toute la Protohistoire et dans l’ aire orientale au second âge du Fer, où l’ incinération est quasiment exclusive pour les adultes, les grands enfants sont très généralement incinérés. Et là où le dépôt des restes des adultes se fait dans un vase ossuaire, il en va de même pour les grands enfants. Seuls trois des 7-14 ans sont inhumés sur les 74 répertoriés (le Causse, Le Peyrou et Saint-Julien), traitement exceptionnel pour cette classe d’ âge mais encore aussi pour de très rares adultes, sans qu’ aucun lien n’ apparaisse dans les nécropoles concernées entre ces quelques inhumés.

Les deux tiers des 7-14 ans ont une tombe individuelle, proportion très proche de celle des jeunes enfants alors que presque tous les adultes bénéficient, pour leur part, d’ une sépulture individuelle. Dans les tombes multiples, le grand enfant est presque toujours associé à un adulte et très rarement à un enfant plus jeune, et, comme pour les jeunes enfants, l’ ossuaire est le plus souvent partagé par les différents trépassés ; la juxtaposition d’ ossuaires individuels est rare : cinq tombes sur vingt-cinq tombes multiples.

Par sa morphologie la sépulture du grand enfant se situe à un stade intermédiaire entre celle du jeune enfant et celle de l’ adulte ou de l’ adolescent. Une double option transparaît  : d’ une part, à la différence des jeunes enfants, une préférence pour les types de monuments les plus élaborés sur chaque site ; mais cependant une tendance pour des dimensions en moyenne plus petites que pour les tombes d’ adultes. L’ exemple d’ Arihouat est à cet égard extrêmement représentatif (fig. 7). Dans cette nécropole, sur cinq tombes individuelles de grands enfants suffisamment conservées pour que l’ on puisse prendre en compte ce critère de l’ architecture, une seule figure dans la catégorie des monuments les plus élaborés, à double couronne concentrique et les quatre autres prennent place dans la série moyenne, à couronne simple tandis qu’ aucune n’ appartient au groupe plus modeste, sans entourage. La progression par rapport aux jeunes enfants est ici très nette. Cependant, si ces tombes sont aussi grandes que celles de beaucoup de leurs aînés, en revanche elles ne comptent pas parmi les plus grandes de ce cimetière. Autre exemple, Le Peyrou : alors que les jeunes enfants se répartissent équitablement entre tombes à enclos et tombes à simple ossuaire, les deux sépultures de grands enfants incinérés (T 101 et 141) sont toutes deux du type à enclos, mais des enclos de taille très modeste, parmi les plus petits, comme cela ressort du plan d’ ensemble de la nécropole (fig. 5, A). Les tombes individuelles de grands enfants traduisent globalement une dépense d’ énergie plus importante que les tombes de jeunes enfants ; le symbole est clair. En même temps, la différence est nette avec la plupart des adultes, même si certains de ces derniers ont des tombes aussi petites que celles des grands enfants.

■ Fig. 9 Graphes du nombre moyen d’ objets métalliques par tombes en fonction de l’ âge au décès dans les nécropoles du Moulin (Mailhac, Aude), de Gourjade et du Martinet (Castres, Tarn), du Causse (Labruguière, Tarn), du Peyrou (Agde, Hérault) et de las Peyros (Couffoulens, Aude).

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■ Fig. 10 Graphes du nombre moyen de vases d’ accompagnement (hors ossuaire éventuel) par tombes en fonction de l’ âge au décès dans les nécropoles du Moulin (Mailhac, Aude), de Gourjade et du Martinet (Castres, Tarn), du Causse (Labruguière, Tarn), du Peyrou (Agde, Hérault) et de las Peyros (Couffoulens, Aude).

Si, dans les tombes de grands enfants, la présence des offrandes de viande est toujours comparable à celle qui prévaut pour les adultes et adolescents, il n’ en va pas de même pour le reste du matériel déposé : vases en céramique, pièces métalliques et autres petits objets sont toujours, en moyenne, moins nombreux que dans les tombes de leurs aînés (fig. 9 et 10). Comme pour les jeunes enfants, il s’ agit généralement de petits objets familiers de la vie courante. Toutefois deux tombes de grand enfant se détachent très nettement des autres par la nature, la qualité ou la quantité du matériel accompagnant le mort et qui mettent en scène symboliquement deux aspects de vie non quotidienne justement, la guerre et le banquet. C’ est d’ une part le tumulus  1 de l’ Agnel à Pertuis (Vaucluse), qui, vers 600 av. J.-C., a accueilli un défunt âgé de huit à treize ans, accompagné de vases en bronze importés d’ Italie, une grande œnochoé et un bassin à rebord perlé, qui ne se rencontrent qu’ exceptionnellement dans la région et qui sont liés au service du vin, mais aussi des armes, et pas des substituts, de vrais armes d’ adultes, éléments de casque, de cuirasse et de fourreau d’ épée, ainsi qu’ un couteau (fig. 11). C’ est aussi la tombe de Saint-Antoine à Castelnau-de-Guers (Hérault), datée du second quart du vie s. av. J.-C., abritant un trépassé de douze à seize ans, là aussi avec des armes, une lance et un javelot en fer et des récipients évoquant le transport du vin et son absorption, vases plus nombreux et moins exceptionnels qu’ à l’ Agnel mais néanmoins pour la plupart importés, une amphore et deux canthares en bucchero nero étrusques, une coupe italo-corinthienne provenant d’ Italie du Sud, une coupe grise monochrome de fabrication régionale, deux coupes en céramique non tournée locale et un simpulum en bronze.

D’ une manière générale, le dépôt d’ objets à symbolique sexuelle concerne 40 % des tombes de grands enfants, fréquence désormais semblable à celle qui prévaut pour les tombes d’ adultes et/ou d’ adolescents (41,5 % pour l’ ensemble de la région). Mais cette symbolique se transforme profondément. Si pour les jeunes enfants, il s’ agit presque uniquement de signes féminins, pour les grands enfants un rééquilibrage se remarque entre

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tombes à objets à connotation féminine et tombes à objets à symbolique masculine. En effet, si 15 des 23 tombes individuelles de grands enfants contiennent des objets présumés féminins, 8 d’ entre elles renferment des objets de type masculin. Certes la parité n’ est pas atteinte, du moins d’ après les signes que nous pouvons interpréter, mais pour ces tombes, plus du tiers (35 %) sont connotées masculines pour moins des deux tiers à connotation féminine (65 %), alors que ce rapport s’ établit, respectivement, à 3 % et 90 % pour les jeunes enfants. Et, d’ une manière générale, pour l’ ensemble de la population adulte protohistorique connue du sud de la France, les objets présumés féminins sont plus nombreux et apparaissent plus souvent que ceux qui ont une connotation présumée masculine. Mais ce rééquilibrage est sensible aussi par d’ autres indices.

En premier lieu un signal fort : il arrive que des tombes individuelles de grands enfants soient placées dans la dépendance étroite d’ une tombe d’ adulte muni d’ objets personnels de type masculin. Ainsi au Causse : deux tombes de grand enfant, T 640 et 673, dont l’ un est pourvu d’ un couteau, sont accolées à la tombe 650, qui abrite un adulte équipé de trois couteaux ; la tombe 657 (grand enfant) est contiguë à la tombe 661, celle d’ un adulte possédant deux couteaux. Et à l’ inverse, aucune tombe de grand enfant n’ est intimement associée à une tombe d’ adulte pourvu de la symbolique féminine. Autre exemple, celui d’ Arihouat où la tombe 153, sépulture double mais à deux vases ossuaires individuels, exprime aussi très bien la force de ce lien : au fond du loculus, prend place l’ ossuaire de l’ adulte, fermé par une dalle de schiste sur laquelle est posé un rasoir en bronze, symbole masculin ; l’ ossuaire du grand enfant est placé sur ce dépôt, dans la partie supérieure du loculus. Cela nous rapproche donc de la parité : on aurait ainsi onze tombes de grand enfant “masculines” pour quatorze “féminines”. Et ce rééquilibrage dans cette symbolique par rapport aux jeunes enfants est fondé sur des constatations émanant de plusieurs nécropoles éloignées dans l’ espace comme dans le temps.

Cette tendance à l’ égalité est également perceptible dans les tombes multiples où les restes des défunts sont mélangés dans le même ossuaire ou la même région sépulcrale. Sur un total de vingt-quatre dépôts de cette nature répertoriés, huit sont accompagnés d’ objets à connotation sexuelle : dans trois tombes, ce sont des objets présumés masculins (Gourjade 29, 182 et Ravin des Arcs 11), dans deux, des objets présumés féminins (Le Peyrou 24 et le Martinet 53) et dans trois autres, des pièces des deux types (Le Peyrou 145 et 183 et Saint-Julien 4/70).

■ Fig. 11 Mobilier du tumulus du grand enfant de l’ Agnel 1 (Pertuis, Vaucluse). 1. Œnochoé ; 2. Bouterolle en fer ; 3. Tige en fer ; 4. Chaîne de suspension de fourreau d’ épée ; 5. Fourreau ; 6. Couteau ; 7. Casque ; 8. Trousse de toilette (1 et 7. Bronze ; 2 à 6 et 8. Fer)

(d’ après Dedet & Marchand à paraître).

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Dernier élément allant dans le même sens : autant de tombes individuelles de grands enfants sont installées à proximité de tombes d’ adultes pourvus d’ objets personnels à symbolique masculine qu’ à proximité de sépultures d’ adultes équipés d’ objets personnels à symbolique féminine. Le phénomène est particulièrement net au Causse, à Gourjade, au Martinet, au Peyrou ou encore à Arihouat. Par exemple au Peyrou, le grand enfant de la T 108 côtoie l’ adulte de la T 98 pourvu d’ un matériel masculin (un couteau en fer) tandis que ceux des T 101 et 141 voisinent avec des adultes équipés d’ objets présumés féminins (T 109 et T 65) (fig. 5, A). Au Martinet, le grand enfant de la tombe 31 est encadré par deux sépultures d’ adultes présumés féminins par la présence de fusaïoles (T 22 et 32) ; et à l’ inverse, celui de la tombe 76 prend place dans un secteur de tombes d’ adultes probablement masculins car accompagnés de rasoir et de couteaux (T 47, 78, 79 et 109). C’ est là encore une différence avec les tombes de jeunes enfants que l’ on rencontre essentiellement dans le voisinage des tombes où sont placés des objets présumés féminins.

Pour les grands enfants donc, à la différence des jeunes enfants, ces symboles masculins ou féminins paraissent désormais corrélés avec le sexe même du jeune mort : aux filles les objets présumés féminins, aux garçons les objets présumés masculins et/ou la dépendance étroite avec une tombe d’ adulte présumé masculin. Enfin, on n’ oubliera pas que parmi ces objets confiés à ces grands enfants figurent dans deux cas des armes de combat et des vases à boire précieux, et cela introduit une nouvelle dimension dans ces signes. À l’ évidence, certains de ces grands enfants peuvent participer à une forme de banquet, mais aussi à la guerre, peut-être en compagnie du père, comme dans la Rome primitive avant la réforme de la société romaine par le roi Servius Tullius15 qui aurait régné de 578 à 535 av.  J.-C. Armes et, à partir du viie  s.  av.  J.-C., ustensiles du banquet à la mode grecque ou étrusque, figurent dans la région dans des tombes d’ adultes, mais ces sépultures sont cependant assez rares. Cela rehausse encore le caractère exceptionnel de ces deux grands enfants à qui on a attribué un matériel d’ adulte, et pas de n’ importe quel adulte, mais celui qui participe à la défense du groupe humain ou la dirige et qui est en contact avec les trafiquants étrangers ou leurs intermédiaires.

La fin de l’ enfance dans le monde indigène

Dans les nécropoles villageoises, les adolescents de 15 à 20 ans sont rares, c’ est-à-dire qu’ ils sont normalement représentés en ces lieux puisque c’ est l’ âge où l’ on meurt le moins. Partout les quotients de mortalité suggérés par le recrutement du cimetière sont conformes aux table-types des populations préjennériennes. De plus, sans faire une étude spécifique de leurs tombes, il apparaît nettement que les usages mis en œuvre pour eux ne se différencient pas de ceux qui concernent les adultes. En fonction des normes régionales, ce sont les mêmes types de traitement du cadavre et de mode de dépôt des restes, les mêmes formes de tombes avec des dimensions moyennes semblables, les mêmes objets d’ accompagnement… La similitude des coutumes funéraires entre adolescents et adultes semble donc montrer que l’ enfance sociale cesse vers 15  ans, bien avant la maturité biologique.

Le cas de Marseille grecque

Les coutumes funéraires relatives aux enfants dont nous venons de dresser un tableau relèvent toutes de nécropoles du monde indigène du sud de la France. Celles qui sont en vigueur dans la colonie grecque de Marseille en diffèrent très sensiblement, si l’ on en croit les enseignements de la nécropole de Sainte-Barbe, dont la phase pré-romaine couvre les ive, iiie et première moitié du ivie s. av. J.-C.16.

Les morts de la première année y figurent selon une fréquence normale  : les 25 sujets de moins d’un an représentent un quotient de mortalité de 287,4 ‰, tout à fait conforme à celui d’ une société ancienne (fig. 2).

15 Néraudau 1996, 22-23 et 59.16 Moliner et al. 2003.

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Cependant cette proportion résulte essentiellement des périnatals qui, avec 23 individus, constituent la quasi-totalité de cette classe d’ âge. C’ est donc, en l’ état des connaissances, essentiellement par un dépôt systématique des périnatals dans le cimetière urbain que se marque la différence avec le monde indigène. Et d’ ailleurs, a contrario, aucun de ceux-ci n’ a été signalé dans une maison marseillaise jusqu’ ici. Quant aux nourrissons de moins d’ un an, qui, rappelons-le, devraient être aussi nombreux que les périnatals, on pourrait imaginer qu’ ils sont ensevelis dans d’ autres lieux, à l’ instar du monde indigène ; mais cela demande confirmation car seule une petite partie de la nécropole de Sainte-Barbe est parvenue jusqu’ à nous.

Comme en pays autochtone, pour ces très jeunes morts, on évite la crémation alors qu’ ici même celle-ci affecte presque la moitié des 46 adultes, 20 d’ entre eux soit 43,5 %. Toutefois trois usages marquent une nette différence avec ce monde indigène (fig. 12).

C’ est d’ abord l’ emmaillotement du cadavre. Le fait peut être déduit dans presque tous les cas où la position des membres a pu être observée. Si les membres inférieurs sont fléchis sans s’ écarter l’ un de l’ autre, les membres supérieurs sont serrés, allongés le long du corps (tombe 112), ramenés sur le corps avec les mains sur le pubis (tombes  104, 120 et 122, sujet C654), ou encore fléchis contre la poitrine (tombe  233). Seul le sujet de la tombe 230 ne paraît pas emmailloté  : le membre supérieur droit est fléchi en s’ écartant du corps, la main à proximité de la tête.

C’ est aussi le fait de placer le corps du périnatal dans un réceptacle. Le plus souvent, et cela concerne la plupart d’ entre eux, 16 des 23 sujets, il s’ agit d’ un vase, selon l’ usage grec de l’ enchytrismos : treize individus sont logés dans une amphore massaliète couchée sur le côté, dont le col a été découpé (tombes 52, 54, 104, 106, 112, 119, 122, 122 (2 sujets), 286, 288, 319 et 545) (fig. 13, A et B) et trois dans une hydrie ou une urne (tombes 115 (2 sujets) et 254). Pour trois tombes, c’ est seulement un morceau de panse de l’ amphore qui recouvre le corps (tombes 19, 36 et 119) et dans une autre ce rôle protecteur est dévolu à une tegula (tombe 233) (fig. 13, C et D). Enfin un périnatal bénéficie d’ un coffre en bois cloué (tombe 230). En fait seulement deux individus sont ensevelis directement dans la fosse, sans réceptacle ni protection, comme dans le monde indigène (tombes 118 et 133).

■ Fig. 12 Tableau synoptique des tombes d’ immatures de la nécropole grecque de Sainte Barbe à Marseille (ive – début du iie s. av. J.-C.).

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■ Fig. 13 Exemples de tombes d’ enfants de la nécropole de Sainte-Barbe à Marseille (ive – début iie s. av. J.-C.). A. Tombe 122, squelette de nouveau-né à l’ intérieur d’ une amphore massaliète ; B. Tombe 104, amphore massaliète enfermant un squelette de nouveau-né ; C et D. Tombe 233 de nouveau-né dans une fosse (C. En haut, couverture du corps par des morceaux de tegula, en bas, stèle couchée ; D. En haut, le squelette) ; E. Tombe 57 d’ enfant de 3 à 6 ans, inhumé sous des morceaux de panses d’ amphores massaliètes  ; F. Tombe 254 de nouveau-né  ; a. Hydrie en pâte claire massaliète, réceptacle du corps  ; b. Corymbe en terre cuite appartenant à une couronne funéraire ; G. Tombe 118 de nouveau-né, guttus ou biberon en pâte claire massaliète ; H. Tombe 129 d’ enfant de 5 ans (±  16 mois) inhumé dans un cercueil recouvert de pierres (d’ après Moliner 1994 et Moliner et al. 2003 ; clichés Inrap-Ville de Marseille).

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B. Dedet, Changements de traitement funéraire des enfants selon l’âge au décès en France méridionale durant la Protohistoire

La troisième différence enfin réside dans l’ accompagnement fréquent du périnatal par un petit objet : une valve de coquillage, pecten, coque ou vernis dans quatre cas (tombes 19, 106, 118 et 545), une petite olpé dans une autre (tombe 36), ainsi que deux objets qui ne trouvent pas d’ équivalent ailleurs dans le sud de la France protohistorique, un petit vase biberon à tube verseur dans la tombe 118 (fig. 13, G) et un corymbe, élément floral en céramique se rapportant à une couronne mortuaire, dans la tombe 254 (fig. 13, F). Certes le fait de déposer un petit objet auprès des périnatals n’ est pas systématique puisqu’ il n’ intéresse guère que six tombes sur vingt-trois17, mais, dans le monde indigène, il n’ est jamais attesté.

Par ailleurs, ces périnatals du cimetière marseillais ne partagent jamais la tombe d’ un adulte contrairement à ceux qui parviennent, si rarement, dans les nécropoles indigènes.

La question d’ une différence de traitement entre les nouveau-nés et les deux seuls nourrissons de la première année attestés se pose ici. Ces deux nourrissons sont pourvus d’ une ou plusieurs valves de coquillages comme plusieurs périnatals, mais, à la différence de ces derniers, on a pas utilisé d’ amphore ni d’ autre grand vase céramique pour abriter leur cadavre qui gît directement dans la fosse. Cependant leur faible nombre rend toute conclusion prématurée ; tout au plus soulignera-t-on qu’ à la différence de l’ arrière-pays point n’ apparaît ici le collier à valeur prophylactique.

Les enfants, pour leur part, comme en pays indigène, signalent leur différence avec les adultes. Celle-ci se traduit par deux pratiques. D’ une part, aucun enfant n’ est incinéré avant l’ âge de 10-14 ans, alors que près de la moitié des adultes le sont (fig. 13, E et H). D’ autre part, le dépôt de pièces d’ accompagnement est beaucoup moins fréquent que chez les adultes. Pour ces derniers, tous âges confondus, la moyenne est de 1,1 objet par tombe alors qu’ elle oscille de 0,33 à 0,50 pour les différentes classes d’ enfants. Seule une tombe de grand enfant, à incinération, sort du lot, avec deux vases à parfum, une spatule (de trousse de toilette ?) et un strigile. Mais ces tombes marquent aussi des usages bien différents de ceux du monde indigène. Au-delà du strigile, qui caractérise des usages grecs, intéressant aussi bien les hommes que les femmes18, on note que les objets présents dans les sépultures enfantines sont à Marseille/Sainte-Barbe les mêmes que pour les périnatals et les nourrissons : des valves de coquillages. Ces dernières ont-elles ici une valeur sexuelle ? Elles pourraient indiquer l’ appartenance au monde des femmes de la maison puisqu’ elles n’ apparaissent plus dans les tombes des morts de plus de sept ans, mais vu la fréquence relative de leur dépôt, sept sur vingt-cinq sujets de moins d’un an et deux sur sept enfants de 1-7 ans, une symbolisation du sexe du jeune défunt n’ est pas à exclure, mais dans ce cas l’ autre sexe ne serait pas signalé. En fait ici, ces coquillages sont avant tout symbole de jeunesse puisqu’ ils ne sont jamais placés auprès des adultes, et c’ est sans doute là, une différence avec l’ arrière-pays indigène.

Conclusion

Dans le monde indigène protohistorique du sud de la France, le tombeau est la seule source qui nous parle des enfants. Par les différences de traitement funéraire en fonction de l’ âge au décès, celle-ci permet en effet d’ aborder concrètement et surtout statistiquement, les différents stades de l’ enfance, aussi bien dans l’ agrégation des individus à la société des vivants que dans celle des morts.

Il en ressort d’ abord plusieurs étapes dans la vie des individus ici-bas, perçues comme autant de passages et correspondant peut-être à plusieurs états dans l’ au-delà :

– le nouveau-né, qui n’ est pas encore reconnu comme être humain et ne fait pas partie de la société ;

– le nourrisson de moins d’ un an, caractérisé par un début d’ existence sociale et qu’ il convient de protéger ;

– le jeune enfant d’ un à six ans, avec une première éducation donnée par les femmes de la maisonnée ;

17 Un autre immature, dont l’ âge n’ a pu être précisé, est pourvu d’ un guttus, possible biberon, et d’ une valve de pecten (tombe 232).18 Jolivet 1995, 446.

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– le grand enfant de sept à quinze ans, avec une seconde éducation spécialisée selon le sexe.

L’ enfance enfin, paraît cesser vers quinze ans, les adolescents ne se distinguant pas des adultes dans leurs tombeaux.

Certes, cette évolution sociale, pour cohérente qu’ elle apparaisse, n’ est perceptible que pour les enfants qui, après le stade périnatal, ont accès à la nécropole du village. Notre ignorance est totale pour toute une part de ces défunts placés ailleurs. Cette part est d’ autant plus importante que ces défunts sont jeunes, mais justement cette diminution régulière de la fréquence des dépôts dans ces lieux autres que les cimetières villageois à mesure que l’ âge au décès s’ accroît va dans le même sens d’ une intégration progressive. De toutes façons, même si les pratiques funéraires observées ne concernent qu’ une part de la population enfantine, cette part est extrêmement révélatrice de la perception de l’ enfance par la société.

Dans la Marseille grecque, les différents stades de l’ enfance sont également distingués par des usages spécifiques : enchytrismos pour les périnatals, dépôt sans réceptacle dans la fosse ou dans un coffre en bois à partir d’ un à trois mois d’ existence, incinération du corps possible à partir de dix ans, et, avant cet âge, présence d’ une valve de coquillage près du corps. Cependant, toutes ces pratiques sont bien différentes de celles du monde indigène et le cimetière de la cité paraît bien être ici le lieu de dépôt régulier ou systématique de ces jeunes morts (sauf peut-être celui des nourrissons, pour lesquels le doute subsiste). Au milieu du second âge du Fer donc le contraste est très net entre les coutumes qui ont cours dans la colonie grecque de Marseille et celles employées par les autochtones du sud de la France.

À l’ évidence, deux modes de gestion de la mort des enfants, deux regards différents de la société sur l’ enfance existent dans le sud de la France protohistorique, l’ un pour le monde indigène et l’ autre pour celui de la colonisation grecque. Et le premier n’ est pas affecté par les mutations socio-économiques qui marquent au fil du temps les communautés autochtones de cette région au contact des marchands et des colons étrusques, grecs ou romains. Il témoigne, au sein de la maisonnée indigène, des pesanteurs culturelles de la civilisation depuis la fin de l’ âge du Bronze à la seconde moitié du ier s. av. J.-C.

Bibliographie

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