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CÉTOACIDOSE AU COURS DU DIABÈTE SUCRÉ A CONAKRY : FRÉQUENCE ET FACTEURS DE DÉCOMPENSATION, NÉCESSITÉ D’UNE ÉDUCATION CIBLÉE

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Annales de l’Université de Ouagadougou - Série D

Annales de l’Université de Ouagadougou Série D

Annales de l’Université de Ouagadougou - Série D, Vol. 004, Juin 2006

CÉTOACIDOSE AU COURS DU DIABÈTE SUCRÉ A CONAKRY : FRÉQUENCE ET FACTEURS DE DÉCOMPENSATION, NÉCESSITÉ

D’UNE ÉDUCATION CIBLÉE

BALDÉ N.M∗., BARRY A.Y., DIALLO M.M., KAKÉ A., BAH D., CAMARA A., DIALLO M.S.K., SANGARÉ M. BAH.

Résumé Contexte et objectifs : Parfois inaugurale du diabète, la

cétoacidose peut aussi s’observer au décours de la décompensation d’un diabète déjà connu. Son pronostic est lié à l’identification et au traitement des facteurs de décompensation sous-jacents. Les objectifs de cette étude étaient de rapporter la fréquence de la cétoacidose au sein d’une population de patients diabétiques reçus au CHU de Conakry, d'identifier les facteurs de décompensation observés et, en cas de rupture du traitement, les motifs de celui-ci.

Méthode : Nous avons examiné prospectivement, 100 patients diabétiques reçus consécutivement avec une glycémie capillaire à jeun ≥ à 2,5 g/L. Les paramètres étudiés étaient : l’âge, le sexe, le type et la durée d’évolution connue du diabète, les complications présentes et les facteurs de décompensation.

∗ Correspondance : N.M. BALDÉ, Service d’Endocrinologie, Maladies Métaboliques CHU de Donka, Conakry - Boite postale : 909 Conakry, GUINÉE e-mail : [email protected], [email protected]

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Résultats : Une cétoacidose était présente chez 35 patients (35%), qui avaient concomitamment une glycosurie et acétonurie à plus de deux croix à la bandelette (Combur 9 test ®). Ces patients étaient en moyenne plus jeunes que les autres (49 ans Vs 55 ans ; p<0.01). Le sex-ratio était identique dans les deux groupes de même que la répartition du type de diabète, la durée moyenne d’évolution connue de celui-ci, ou la fréquence des complications.

Les facteurs de décompensation suivants ont été observés : rupture de traitement dans 24 cas (69%), infection dans 22 cas (63 %) et notamment du pied dans 8 cas (23 %), erreur diététique dans 21 cas (60 %), usage de médicaments de mauvaise qualité dans 2 cas, difficultés de l’insulinothérapie dans 2 cas. Ces facteurs étaient associés dans 22 cas (63 %).

Dix neuf des patients en cétoacidose venaient régulièrement en consultation dans le service et avaient déjà participé à une séance d’éducation.

Conclusion : La cétoacidose est fréquente parmi les patients en hyperglycémie au CHU de Conakry. Les facteurs de décompensation identifiés sont accessibles à une éducation ciblée des patients. Parallèlement, le financement et l’accessibilité aux soins, notamment aux médicaments, doivent être améliorés.

Mots clés : Cétoacidose diabétique - Facteurs de décompensation -

Éducation - Guinée.

DIABETIC KETOACIDOSIS IN CONAKRY: FREQUENCY AND PRECIPITATING CAUSES, TARGETED EDUCATION IS NEEDED

Summary Context and objectives : Sometimes inaugural of the diabetes, the

ketoacidosis can also observe in already known diabetes. Its prognosis is

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connected to the identification and to the treatment of the underlying precipitating causes.

The aim of this study were to report the frequency of the ketoacidosis within a population of diabetics patients received in the Conakry teaching hospital, to identify the precipitating causes observed and, in case of break of the treatment, the motives for this one.

Method : We prospectively examined, 100 patients diabetics received successively with a fasting capillary glycaemia ≥ 2,5 g/L. The studied parameters were: the age, the sex, the type and the duration of the diabetes, the present complications and the precipitating causes.

Results : A ketoacidosis was present in 35 cases (35 %), which had a glycosuria and ketonuria in more of two crosses in the urine strip (Combur 9 test ®). These patients were on average younger than the others (49 years Vs 55 years ; p < 0.01). The sex-ratio was identical in both groups as well as distribution of the type of diabetes, the averages duration of diabetes, or the frequency of the complications.

The precipitating causes observed were : break of treatment in 24 cases (69 %), infection in 22 cases (63 %) in particular of the foot in 8 cases (23 %), dietary error in 21 cases (60 %), use of poor quality medicines in 2 cases, insulin use difficulties in 2 cases.

These precipitating causes were linked each to the others in 22 cases (63 %). Nineteen patients with ketoacidosis came regularly in consultation in the service and had already participated in an educational session.

Conclusion : The ketoacidosis is frequent among the patients in hyperglycaemia in the Conakry teaching hospital. The precipitating causes identified are accessible to a targeted education the patients. Simultaneously, the financing and the accessibility to the care, notably to the medicines, must be improved.

Keywords : Diabetic ketoacidosis - Precipitating causes - Education -

Guinea

INTRODUCTION

La cétoacidose est la plus fréquente des urgences hyperglycémiques

chez les patients diabétiques [24]. En Afrique, si la cétoacidose est parfois inaugurale du diabète du fait d’un diagnostic tardif, elle

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s’observe souvent aussi au décours de la décompensation d’un diabète déjà connu [7, 15, 21].

Encore majoritairement attribuée à la cétoacidose, la mortalité liée au diabète est importante dans les séries africaines. En effet, quoiqu’en amélioration elle demeure néanmoins plus élevée qu’ailleurs avec 6 à 18 % de décès [8, 13, 14, 19, 26]. Son pronostic est associé à l’âge des patients et aux facteurs de décompensations mais non à l’intensité de l’acidose [22]. La gravité éventuelle de l’acidocétose dépend ainsi de l’identification et du traitement des facteurs de décompensation sous-jacents.

Il a été bien montré que l’éducation des patients peut réduire la fréquence et la gravité des déséquilibres aigus au cours du diabète. Néanmoins, dans des conditions de ressources limitées, celle-ci doit être focalisée sur les facteurs de risques démontrés. En effet ceux-ci peuvent être différents selon le contexte et la population étudiée [6, 9, 10, 17, 22].

Les objectifs de cette étude étaient de rapporter la fréquence de la cétoacidose au sein d’une population de patients diabétiques reçus au CHU de Conakry, d'identifier les facteurs de décompensation observés et, en cas de rupture du traitement les motifs de celui-ci.

PATIENTS ET METHODE

L’étude a été réalisée entre le 09/06 et le 01/07/2003 dans le

service d’Endocrinologie de Donka, un des deux hôpitaux CHU de Conakry. Ce service reçoit l’essentiel des patients diabétiques, vivant notamment à Conakry, soit en admission directe ou par transfert à partir d’un autre service.

Nous avons sélectionné prospectivement et examiné consécutivement une série de 100 patients diabétiques dont la glycémie capillaire à jeun était ≥ à 2,5 g/L. Les patients pour lesquels il s’agissait d’une

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découverte du diabète ont été exclus. Le consentement de tous les patients a été obtenu avant leur inclusion.

Tous ces patients ont fait l’objet d’un examen clinique suivi de la recherche d’une glycosurie et d’une acétonurie associées, par bandelettes Combur 9-Test ®, sur des urines fraîchement émises.

La cétoacidose a été définie par l’association, à cette glycémie à jeun ≥ à 2,5 g/L, d’une glycosurie et d’une acétonurie supérieures ou égales à deux croix, en estimation semi quantitative.

Les paramètres recherchés systématiquement étaient : - les caractéristiques de personne des patients : âge et sexe ; - les variables décrivant leur diabète : glycémie à l’admission, type

de diabète, durée d’évolution connue du diabète, nombre de glycémies de contrôle réalisées par mois ;

- les complications du diabète : artérite des membres inférieurs, neuropathie périphérique, insuffisance coronarienne, rétinopathie et néphropathie diabétiques ;

- les facteurs de décompensation du diabète : rupture de traitement, existence éventuelle d’une infection (notamment cutanée, oto-rhino-laryngologique, dentaire, pulmonaire et urinaire), erreur diététique (saut de repas, grignotages), erreur dans l’administration de l’insuline (technique d’injection, rotation des sites, adaptation des doses), mauvaise qualité des médicaments en termes de péremption et de conservation.

Lorsqu’une rupture du traitement antidiabétique était observée, les patients et leur entourage ont été interrogés sur les raisons ayant conduit à cet arrêt.

Analyse statistique : Les patients présentant une cétoacidose ont été comparés aux autres. Toutes les données recueillies ont été analysées dans le logiciel SPSS version 12. Les tests statistiques utilisés ont été le test t de Student pour les variables quantitatives et le

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test du chi carré pour les variables qualitatives ; le seuil de signification a été considéré pour p ≤ 0.05.

RESULTATS

Caractéristiques de la population et fréquence de la décompen-

sation Cent patients, 43 hommes et 57 femmes, ayant une glycémie

capillaire ≥ à 2,5 g/L ont été examinés. Leur âge moyen était de 52,8 ±12 ans (16-80 ans). Trois patients (3 %) avaient un diabète insulinodépendant (type 1) et 97 patients (97 %) avaient un diabète non insulinodépendant (type 2).

Une glycosurie et une acétonurie témoignant de la cétoacidose diabétique étaient présentes chez 35 patients (35 %). En estimation semi quantitative cette acétonurie était à deux croix dans 23 cas, à trois croix dans 4 cas et à quatre croix dans 8 cas. Dix neuf patients (54 %) parmi ceux qui étaient en cétoacidose (n = 35) venaient régulièrement en consultation dans le service et avaient déjà participé au moins à une séance d’éducation individuelle ou de groupe. Six patients habitaient en province, hors de Conakry. Trois parmi eux disposaient d’un lecteur personnel de glycémie capillaire. Huit patients avaient déjà fait un épisode de cétoacidose dans l’année précédente et dans un cas il s’agissait du troisième épisode.

Les patients qui avaient une acidocétose étaient en moyenne plus jeunes que les autres (p < 0.01). La répartition du sex-ratio était identique dans les deux groupes de même que la moyenne des glycémies à l’admission, le type de diabète, la durée d’évolution connue de celui-ci, le nombre de glycémies de contrôle réalisées par mois, ou la fréquence des complications (Cf Tableau I).

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TABLEAU I : Caractéristiques cliniques de la population d’ét ude (n=100 patients)

Acidocétose

Présente (n=35)

Absente (n=65)

Signification du p

Sex-ratio (hommes/femmes) 17/18 26/39 0,40 Age moyen (ans) 48,2±12,2 55,2±11,4 0,003 Glycémies à jeun (moyenne, en g/L)

3,5±0,9 3,2±0,7 0,13

Type de diabète (type 1/type 2) 2/33 1/64 0,28 Evolution connue du diabète (ans)

4,3±4,1 5,7±5,2 0,24

Nombre de glycémies réalisées par mois

2,3±1,5 2,1±1,3 0,60

Complications du diabète Artérite des membres inférieurs 10/35

(40%) 21/65 (47%)

0,80

Neuropathie sensitive 8/35 (30%) 11/65 (20%)

0,47

Insuffisance coronarienne* 3/11 (27%) 8/31 (26%) 0,61 Rétinopathie diabétique* 9/16 (56%) 16/34

(47%) 0,73

Néphropathie diabétique* 3/10 (30%) 16/29 (55%)

0,31

Facteurs de décompensation observés Le tableau II indique les facteurs de décompensation retrouvés

parmi les patients en cétoacidose. Une rupture de traitement était observée dans 24 cas (69 %). Une infection était présente dans 22 cas (63%), notamment du pied dans 8 cas (23 %). Une erreur diététique était retrouvée dans 21 cas (60 %), notamment la prise d’un seul repas par jour (1 cas) et un grignotage dans 20 cas. Des médicaments de mauvaise qualité étaient utilisés par 2 patients (date de péremption

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dépassée dans un cas et insuline dénaturée par défaut de conservation à une température adéquate dans un cas).

TABLEAU II : Les facteurs de décompensation de la cétoacidose (n=35

patients)

Facteur de décompensation Nombre de cas (%) Rupture de traitement 24 (69%) Infection 22 (63%) Erreurs diététiques 21 (60%) Non maîtrise de l’insulinothérapie 2 (6%) Mauvaise qualité de médicament 2 (6%) Non déterminé 2 (6%)

Vingt-trois patients sur 35 (66%) étaient traités par insuline seule

ou en association aux antidiabétiques oraux. Dans 11 cas sur 23 l’injection d’insuline était réalisée par un tiers : infirmière (1 cas), fils ou fille (9 cas), épouse (1 cas). Des difficultés de maîtrise de l’insulinothérapie ont été observées dans 2 cas : erreurs dans la technique d’injection avec une non rotation des sites d’injection, erreurs dans l’adaptation des doses avec une titration insuffisante de l’insuline.

Dans 22 cas (63 %), plusieurs facteurs de décompensation étaient présents à la fois chez le même patient.

Motifs de rupture du traitement Parmi les patients qui étaient en rupture de traitement (n=24), 8 ont

indiqué que des motifs financiers les ont conduit à réduire leurs doses de médicament (antidiabétique oral ou insuline) voire à la rupture de traitement, pour indigence absolue dans 3 cas parmi eux. Une indisponibilité du médicament prescrit par défaut d’approvisionne-

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ment dans la localité de domicile du patient a été annoncée par 8 patients. Aucune explication n’était donnée à la rupture de traitement dans 8 cas.

DISCUSSION

Avec 35% des patients reçus en hyperglycémie à plus de 2,5 g/l, la

cétoacidose est fréquente parmi ces patients suivis au CHU de Donka. Les complications aigues sont fréquentes au cours du diabète et font toute sa gravité en Afrique [15, 21].

Nous avons exclu les patients qui avaient une acétonurie inférieure ou égale à une croix car il peut s'agir dans ce cas d'une cétose de jeûne. En comparaison au taux de bicarbonates ou au calcul du trou anionique, il a été montré que la recherche de l’acétonurie par bandelettes est un outil diagnostic performant de l’acidocétose (sensibilité de 99% et valeur prédictive négative de 100%), dans un contexte d’hyperglycémie au cours du diabète [20].

Le diabète de type 2 représentait 95 % patients de notre série. En Afrique la fréquence des décompensations observées au cours du diabète de type 2 est importante [21]. Ceci est peut être lié à la fréquence d’un diabète particulier (le type 1b) par sa tendance à la cétose et la réversibilité de son traitement par insuline [23].

La survenue d’un épisode de cétoacidose est particulièrement fréquente, chez les enfants et adolescents diabétiques chez lesquels elle est révélatrice du diabète dans 76 % des cas [21]. Ainsi au Congo il a été rapporté dans une revue rétrospective sur dix ans l’observation d’une cétoacidose dans 79,3 % des cas pédiatriques [14]. Ceci est lié à la fréquence du diabète de type 1 dans cette tranche d’âge ainsi qu’à des difficultés spécifiques d’acceptation du diabète en relation avec l’adolescence [24].

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La rupture de traitement constituait le principal facteur de décompensation que nous avons retrouvé. Liée à des motifs financiers, l’indigence a conduit à réduire les doses de médicament et à la rupture de traitement dans un tiers de ces cas. L’arrêt du traitement est la première cause de survenue de cétoacidose rapportée au Congo [12] de même que chez les africains américains [17]. Peu étudiée en Afrique, la non acceptation du diabète dans la difficulté de compliance des patients a été suggérée aux USA [2].

Comme dans les cas que nous rapportons, l’infection est fréquemment associée à la survenue d’une cétoacidose [24], notamment en Afrique [7,19, 26]. La cétoacidose et l’infection constituent les causes majeures de décès liés au diabète en Afrique [5, 7, 8, 13-15, 18, 19, 21, 25, 26].

Des erreurs diététiques à type de saut de repas ou de grignotages étaient retrouvées dans plus de la moitié (55%) des cas que nous rapportons. L’identification des barrières, y compris économiques, à l’application des recommandations diététiques constitue la première étape dans la résolution de ce problème [2, 3].

La mauvaise qualité des médicaments employés parfois illustre la précarité de certains patients et pose le problème de la vente illicite des produits pharmaceutiques et, de manière consubstantielle, celui plus général de l’accès au médicament [25].

Dans un faible nombre de cas, 5 % dans notre série, 12.3 % dans celle rapportée au Congo [2] aucun facteur de décompensation n’a été mis en évidence.

Plusieurs travaux ont montré que les facteurs de décompensation que nous avons observé sont efficacement prévenus par une meilleure organisation des structures, l’auto surveillance glycémique, et l’éducation des patients [7, 8, 24]. Néanmoins la faible efficacité de l’éducation non ciblée est illustrée par le fait que 54% des patients en cétoacidose ont déclaré avoir déjà participé à une séance d’éducation.

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Le caractère récurrent de ces épisodes de cétoacidose, témoigne aussi d’une prise en compte insuffisante des facteurs personnels au patient et de son stade d’acceptation de la maladie [7, 11].

Enfin, la cétoacidose par les hospitalisations répétées auxquelles elle conduit est coûteuse en ressources [10]. La gravité potentielle de la cétoacidose au cours du diabète est ainsi liée à la complexité des facteurs au rang desquels la capacité à payer les soins. En Afrique, plusieurs travaux insistent sur les dangers liés à la faiblesse du financement du médicament dont l’accès est limité pour les plus démunis [6,7,18]. Cependant les difficultés de disponibilité et d’accès au traitement ne peuvent être efficacement résolues que dans une réflexion globale où sont abordés les aspects d’équité et de solidarité [1, 4, 16].

CONCLUSION

La cétoacidose est fréquente parmi les patients diabétiques suivis

en hyperglycémie au CHU de Conakry et, les facteurs de décompen-sation observés sont nombreux et intriqués. Leur identification constitue un moment opportun pour le personnel soignant pour mieux planifier une éducation ciblée pour les patients.

Les facteurs que nous avons identifiés traduisent une qualité insuffisante dans les soins éducatifs dispensés aux patients mais aussi une certaine inefficacité du système de soins liée à des questions d’organisation et de financement du système de santé.

Enfin, si l’éducation reste la pierre angulaire de la prévention elle doit aller de pair avec une prise en compte davantage globale des facteurs économiques et d’accessibilité aux soins.

*Les dénominateurs indiquent le nombre de cas dans lesquels les bilans utiles

(Fond d’œil, Electrocardiogramme, Créatinine, Albuminurie) étaient disponibles à l’inclusion.

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