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SE LANCER DANS LA VIE ACTIVE ? PAS TOUT DE SUITE ! Enjeux familiaux transgénérationnels et difficultés de réalisation de projet de vie chez des jeunes adultes issus de milieux aisés Catherine De Geynst et al. ERES | Dialogue 2014/2 - n° 204 pages 25 à 36 ISSN 0242-8962 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-dialogue-2014-2-page-25.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- De Geynst Catherine et al., « Se lancer dans la vie active ? Pas tout de suite ! » Enjeux familiaux transgénérationnels et difficultés de réalisation de projet de vie chez des jeunes adultes issus de milieux aisés, Dialogue, 2014/2 n° 204, p. 25-36. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.88.19.67 - 26/06/2014 10h25. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.88.19.67 - 26/06/2014 10h25. © ERES

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SE LANCER DANS LA VIE ACTIVE ? PAS TOUT DE SUITE !Enjeux familiaux transgénérationnels et difficultés de réalisation de projet de vie chez desjeunes adultes issus de milieux aisésCatherine De Geynst et al. ERES | Dialogue 2014/2 - n° 204pages 25 à 36

ISSN 0242-8962

Article disponible en ligne à l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-dialogue-2014-2-page-25.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------De Geynst Catherine et al., « Se lancer dans la vie active ? Pas tout de suite ! » Enjeux familiaux transgénérationnelset difficultés de réalisation de projet de vie chez des jeunes adultes issus de milieux aisés, Dialogue, 2014/2 n° 204, p. 25-36. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Se lancer dans la vie active ? Pas tout de suite !

Enjeux familiaux transgénérationnels et GLIÀFXOWpV�GH�UpDOLVDWLRQ�GH�SURMHW�GH�YLH�FKH]�

des jeunes adultes issus de milieux aisés

Catherine De Geynst, Sandra Legendre, Isabelle Duret

1«Je suis parti étudier à l’étranger puis j’ai fait un master complé-mentaire dans une autre ville. Je suis revenu chez mes parents quelques mois. Mais, ne trouvant rien, ne cherchant pas vraiment,

Catherine De Geynst, psychologue clinicienne, Université libre de Bruxelles (ULB) ; [email protected] Legendre, psychologue clinicienne, doctorante et chargée de cours à l’université de Nice-Sophia-Antipolis ; [email protected] Duret, docteur en psychologie, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie, responsable de l’unité de psychologie du développement et de la famille à l’Université libre de Bruxelles (ULB), psychothérapeute familiale et formatrice en thérapie systémique à Forestière Asbl, Bruxelles ; [email protected].

Mots-clés

Projet de vie, jeune adulte, transmission transgénérationnelle, autonomisation, culpabilité, filiation, milieu aisé.

Résumé

Partant du constat que de nombreux jeunes issus de milieux aisés sont en dif-ficulté face au devenir adulte aujourd’hui, les auteurs proposent une réflexion autour de l’influence de la transmission transgénérationnelle sur les symptômes et blocages repérés dans les mouvements d’autonomisation. S’appuyant sur des études de cas, ils mettent ces difficultés en lien avec les traumatismes familiaux, les phénomènes de loyauté et les non-dits de l’histoire familiale. La dimension transgénérationnelle apparaît comme un facteur non négligeable parmi les mul-tiples facteurs pouvant entraver l’autonomie. Elle risque de freiner les possibilités de remaniement du système familial nécessaire au processus de sécurisation du jeune et donc à son engagement dans un projet de vie. L’appartenance à une classe sociale favorisée semble amplifier le poids de cet héritage.

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enfermé dans le confort de la maison et de mes amis qui ne trouvaient pas non plus… ma mère a fini par m’obliger à travailler dans la société fami-liale. J’ai toujours un peu le problème de revenir chez mes parents, on m’y rend indispensable, il y a un lien qui est très fort… » Tels sont les propos de Michaël, 25 ans, au moment de notre rencontre. Un an plus tard, il a arrêté de travailler et a décidé de repartir à l’étranger.

Nombreux sont ces jeunes qui, comme Michaël, ont tout pour réussir et pourtant, à l’inverse de la génération précédente qui chantait les louanges de l’indépendance, sont comme figés dans leur développement. Qu’il s’agisse d’échecs répétitifs, d’arrêt brusque des études ou, au contraire, d’une persistance dans celles-ci, on assiste à un phénomène intriguant lors de cette transition vers l’âge adulte. Certains ne parviennent pas à quitter le domicile familial, d’autres le quittent provisoirement ou partiellement (kots 2 et/ou séjours répétés à l’étranger), se maintenant ainsi dans une dépendance financière aux parents. La difficulté à s’engager de ces jeunes qui ne sont pas soumis à la nécessité de gagner leur vie semble refléter une suspension de leur développement psychoaffectif.

La difficulté à devenir adulte a fait l’objet d’une recherche réalisée à l’Uni-versité libre de Bruxelles (Legendre, De Coster, Duret, 2011), à l’initiative et avec le soutien de la fondation Benoit 3. Dans la continuité de cette étude et sans minimiser la multiplicité des facteurs en jeu, nous avons étudié dans une perspective systémique l’impact des héritages familiaux sur les difficultés à s’individuer et à réaliser un projet de vie.

Projet de vie, enjeu de l’individuation/autonomisation

La difficulté du jeune adulte à réaliser son projet de vie est envisagée ici comme potentiellement reliée à une faille dans les processus d’autonomi-sation par rapport au milieu d’origine. Nous avons analysé comment ce milieu familial lui-même peut favoriser cette fragilité.

C’est dès la naissance que va se mettre en place le processus d’autonomi-sation. Cette différenciation va se faire progressivement grâce au langage d’abord, puis en fonction des normes, notamment familiales, et souvent sur un mode intergénérationnel. L’enfant va, petit à petit, distinguer le monde extérieur de son monde intérieur, de façon à identifier ce qui émane de son propre désir et orienter son existence selon ses choix. Neuburger (2000)

2. Les kots sont les chambres d’étudiants en Belgique.

3. Créée en 2001, la fondation Benoit a pour but d’apporter son soutien aux jeunes adultes entre 18 et 35 ans qui se révèlent dans l’incapacité d’élaborer un projet de vie, en Belgique et en France.

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met en évidence que les territoires de l’espace intime de chacun au sein de la famille se construisent encore durant l’adolescence. On assiste à ce que Moisseeff nomme le « processus de transformation du lien » (Gammer et Cabié, 1992), duquel découle l’autonomisation progressive des enfants comme des parents. Cette transformation consiste en une évolution d’un lien de type nourricier entre l’adulte et l’enfant en un lien de type filiatif. Le jeune passe ainsi du statut de dépendant affectivement et matériellement aux parents à une autre forme de dépendance plus symbolique, qui confère une identité sociale d’adulte. C’est ce passage qui semble poser problème chez beaucoup de jeunes aujourd’hui. De fait, cette adolescence intermi-nable va jusqu’à former une nouvelle période de vie, la postadolescence, au cours de laquelle le préadulte est encore dépendant financièrement de ses parents. On parle d’un statut transitoire ou d’un « report de l’établisse-ment » à plusieurs niveaux : la fin de la scolarité, la période d’entrée dans une profession ou dans la parentalité. Le jeune explore, tâtonne, comme le mentionnaient déjà Alléon, Morvan et Lebovici en 1985, et vient se heurter à la crise économique actuelle. « Qui suis-je ? Quelle relation investir ? Quel adulte devenir ? » : autant de questions qui restent parfois longtemps sans réponse et enfreignent la réalisation du projet de vie des jeunes adultes contemporains.

Construire un espace d’intimité, puis créer sa propre famille, suppose d’avoir d’abord construit ses propres espaces intimes en se détachant de sa famille d’origine, sans en rompre les liens pour autant (Neuburger, 2000). C’est de cette façon que l’individu pourra s’épanouir dans ses propres domaines de compétences, se diriger vers des apprentissages spécifiques, se réaliser professionnellement. L’auteur insiste sur le poids du transgénérationnel dans ce processus. En influant sur l’autonomisation, la transmission transgénéra-tionnelle aurait donc un impact sur la réalisation du projet de vie.

Du cocon familial au désir d’autonomie

Pour Ladame (2003) aussi, la difficulté à vivre sans les parents et leur soutien financier constitue une problématique contemporaine. Elle peut être culpabilisante pour ces jeunes, au regard des injonctions sociétales prônant un idéal d’indépendance. Les jeunes se trouvent ainsi tiraillés entre leur besoin de rester dans le cocon familial (souvent connoté péjorative-ment au niveau social) et leur désir de gagner en autonomie (rejoignant l’idéal social). Nous noterons que l’indépendance semble davantage asso-ciée à une forme de solitude – aux allures plutôt effrayantes – qu’à l’idée d’un épanouissement personnel.

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Pour Malarewicz (2003), la succession de mises en échec scolaire ou profes-sionnel est un bon moyen de suspendre le temps, de ne pas avancer dans le cycle de vie et ce, d’autant plus lorsque les parents ont les moyens finan-ciers pour accompagner cette escalade. Il peut également s’agir d’une quête de la perfection (dans le cas de l’accumulation de diplômes par exemple), d’un idéal jamais rassasié, propre à l’adolescence et laissant ce préadulte éternellement insatisfait. Lorsqu’il reste figé au stade adolescentaire, « il prolonge le confort apparent de l’éviction de la durée pour rester dans la générosité de cette période » (Malarewicz, 2003).

Intéressons-nous, à présent, à l’impact de deux formes de loyauté, la paren-tification et la délégation sur le processus d’individuation, et donc sur les projets de vie.

Boszormenyi-Nagy (1973) stipule que les phénomènes de parentification peuvent engendrer une réelle dépendance entre enfant et parents. Si le jeune amorce un désengagement face aux besoins du parent en difficulté ou tente de ne pas répondre à ses besoins affectifs et aux missions dont il se sent investi, son sentiment de culpabilité va devenir paralysant. De plus, l’existence d’une relation « parentifiée » trouve, la plupart du temps, son origine dans les générations qui ont précédé et peut avoir des conséquences sur les générations à venir (Le Goff, 2005). Cette influence transgénéra-tionnelle sur ce phénomène peut, par conséquent, influer sur la capacité du jeune à se réaliser. Dans les situations où l’on observe de telles rela-tions parentifiées, la séparation d’avec le parent et l’acquisition d’un espace intime nécessaire à une certaine autonomie sont très difficiles.

Ensuite, nous retrouvons également ce que Stierlin (1978) nomme la « délégation ». Elle se caractérise par la prise en charge par l’individu de questions non résolues par les générations précédentes. Ce processus peut aussi être initié par certains événements de l’histoire familiale et donner lieu à des sentiments invalidants chez le jeune. Ce dernier sera investi de missions trop contraignantes par rapport à ses possibilités, ce qui pourra perturber son autonomisation. Ces processus inhérents aux systèmes fami-liaux sont donc à prendre en considération dans l’analyse des situations des jeunes adultes nantis en « panne de projet ».

Traumatisme, transmission transgénérationnelle et autonomie

Comme l’énonce Neuburger (2005), l’histoire familiale qui crée l’identité et la cohésion du groupe se transmet au travers des générations et définit

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les places et rôles de chacun au sein de ce groupe, c’est ce qu’il nomme un « mythe familial ». Selon lui, un événement traumatique peut avoir des conséquences sur trois générations au travers de ce que l’on appelle la « transmission transgénérationnelle ». Contrairement à la transmission intergénérationnelle, connue généralement de ses acteurs et exercée volon-tairement par eux, il s’agit d’une transmission plus implicite et énigma-tique de défenses, de séquelles au-delà de la disparition des transmetteurs (Golbeter-Merinfeld, 2007). Une culpabilité intense, enfouie et diffuse vient tenir lieu de prothèse à un mythe familial en péril et va couvrir la béance laissée dans la transmission par le traumatisme. Ce sentiment deviendra alors le support identitaire de la famille, mais la maintiendra trop orientée vers le passé pour qu’une cicatrisation soit envisageable. Elle se transmettra ensuite, inconsciemment, à travers les générations, surtout si l’origine en est méconnue et si les circonstances et sentiments associés à ce traumatisme sont tus (Duret, 2000).

Neuburger souligne que l’appartenance de l’individu à son groupe, les attentes et rôles dont il est investi ainsi que la reconnaissance de ceux-ci seront garants de son sentiment intime d’exister et de son développement psychique. Or, dans les familles dont le mythe est fragilisé, il sera plus difficile de construire son identité et d’y avoir cette intime conviction d’exister. De plus, cette fragilité, transmise à travers les générations, peut inhiber la projection dans l’avenir, comme nous le verrons dans notre cas clinique. Certains descendants de victimes de traumatismes se trouvent ainsi liés à leurs ascendants et comme figés dans le passé, souvent face à un épanouissement empêché, au risque de se trouver en porte-à-faux par rapport aux aînés. Parallèlement à la délégation évoquée plus haut, nous pouvons constater que la génération actuelle se trouvera investie d’un devoir de réparation du passé. Ainsi dévouée à sa famille d’origine, elle se trouvera dans l’incapacité d’investir à l’extérieur, et ce d’autant plus qu’une menace de perte plane au-dessus de la famille et qu’il y règne un véritable culte du silence. Il a également été mis en évidence que la deuxième généra-tion est souvent surinvestie après un traumatisme, tandis que l’on observe paradoxalement une indisponibilité affective de la génération traumatisée (Joris, 2009). Aussi, les générations qui suivent celle ayant vécu un trauma-tisme ont souvent des difficultés à accéder à l’histoire de leur origine. Par conséquent, le jeune va manquer de repères identitaires et de contenants généalogiques (Benghozi, 2007) pour étayer son identité. Barocas (1980) met même en évidence l’existence d’une certaine symbiose au sein de la famille reconstituée après le traumatisme, pour compenser les pertes précé-dentes. Le processus de séparation-individuation ne sera pas permis dans

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de telles circonstances, toute tentative de différenciation sera génératrice de culpabilité.

Dans cette perspective, Onnis (2007) repère un mythe d’unité dans ces familles qui empêche les descendants de transformer et renégocier les liens avec leur famille d’origine à défaut de pouvoir introduire les transforma-tions intrapsychiques et interpersonnelles dans le nouveau système fami-lial. Les comportements symptomatiques constituent le moyen par lequel s’expriment des pertes non élaborées par les générations antérieures. Nous avons tenté de voir si ces caractéristiques des familles traumatisées s’ap-pliquent aux jeunes adultes de notre étude.

Étude de cas

Dans le cadre de notre recherche 4, nous avons rencontré six jeunes adultes de 20 à 29 ans, issus de milieux socio-économiques aisés, éprouvant des difficultés à réaliser leur projet de vie – parmi eux, Édouard dont le cas nous servira ici d’illustration. Le recrutement s’est fait via l’affichage d’annonces et via les réseaux sociaux. Les outils méthodologiques sont communs à l’étude effectuée à l’Université libre de Bruxelles (Legendre, De Coster et Duret, 2011), à savoir un entretien semi-directif thématique, des génogrammes libres et imaginaires, ainsi qu’un questionnaire sur la représentation de la temporalité 5. L’entretien semi-directif a été complété par des questions axées sur les dimensions familiales inter et transgénéra-tionnelles, le tout réparti en trois rencontres avec chaque sujet. Nous avons identifié trois facteurs ayant un impact dans les processus d’autonomisation du jeune et dans la réalisation de son projet de vie :– la transmission transgénérationnelle d’un sentiment de culpabilité généré par un événement douloureux ou un traumatisme familial ;– la loyauté (délégation, parentification) du jeune envers un ou plusieurs membres de sa famille d’origine ;– une béance dans les origines et dans l’histoire familiale du jeune rendant difficile son inscription filiative.

4. Celle-ci a été réalisée dans le cadre d’un mémoire de master en psychologie à l’ULB sous la direction d’Isabelle Duret (De Geynst, 2011)

5. Le détail de cette méthodologie peut être consulté dans les annexes de l’article de Legendre et coll. (2011), qui portait sur une précédente recherche commanditée par la fondation Benoît.

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L’histoire d’Édouard

Édouard, 24 ans, est issu d’une famille aisée. Il se propose de participer à notre recherche car il se reconnaît dans la description faite sur l’appel à participation. Depuis quatre ans, Édouard tente des premières années à l’université, sans jamais les réussir. Il se sent dans une « spirale de l’échec » et un « état léthargique », où plus rien n’avance. Et pourtant, le jeune homme persiste dans ce statut d’étudiant, il recommence à s’inscrire, chaque année, dans de nouvelles études comportant chacune un caractère plutôt prestigieux (sciences économiques, ingénieur). Au moment de notre rencontre, Édouard compte se réinscrire en septembre, après une année de petits boulots. Il explique sa situation par le fait qu’il a toujours été gâté et couvé par ses parents ; il a l’impression de n’avoir jamais participé à rien. « J’ai tout pour réussir et pourtant je ne fais que rater. » En outre, Édouard dit ne pas très bien supporter « l’oppression » de ses parents pour qu’il réussisse, il estime qu’un déclic devrait venir de lui-même – ce qu’il attend. Il évoque sa non-combativité, sa faible ambition qu’il lie à sa faible estime de lui.

Le père d’Édouard, très carriériste, est présenté comme un homme certes plein d’humour, mais distant, strict et inaccessible. On note qu’Édouard parle du passé de son père en termes de « période sombre » que personne n’aime évoquer au sein de la famille. D’origine juive, ce père aurait été adopté pendant la Seconde Guerre mondiale suite à la mort de sa propre mère. Il aurait ensuite perdu son père adoptif. Édouard sait peu de choses sur sa filiation paternelle manifestement taboue. On observera sur son géno-gramme que ses grands-parents paternels sont inconnus et que certains autres membres de cette branche sont absents de la représentation.

La mère d’Édouard est décrite comme une femme douce, fort protectrice et investie dans la vie de ses enfants. Quant à Géraldine, la sœur cadette, elle semble également éprouver des difficultés scolaires et d’orientation. Les génogrammes et les entretiens sont analysés au regard des trois facteurs précités.

Culpabilité fédératrice et projet de vie

L’histoire familiale d’Édouard apparaît effectivement traumatique, son père ayant été « enfant caché » durant la Shoah. D’importantes pertes sont asso-ciées à ces événements tus qui n’ont pu être élaborés. On peut envisager la possibilité qu’une culpabilité de ne pas avoir pu protéger ses parents ait été développée chez cet homme, puis transmise à son fils. Nous consta-tons la présence de plusieurs critères de traumatisme familial énoncés par

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Neuburger (2005) : le temps comme figé à un moment antérieur, cette volonté de fonctionner « au jour le jour » et une indisponibilité affective du père. Nous remarquons donc, dans le cas d’Édouard comme des autres sujets, la présence de facteurs ayant pu engendrer un sentiment de culpa-bilité, ainsi que de caractéristiques individuelles et familiales consécutives à un tel sentiment (tendance à la dévotion et au sacrifice, mise à l’arrêt dans le développement). Tout se passe comme si Édouard ne s’octroyait pas le droit à un certain accomplissement, tourné vers le passé et chargé d’expier une faute. Cette caractéristique est également présente chez les autres participants.

On constate, à l’instar de Neuburger (ibid.), que c’est bien le sentiment d’appar tenance du jeune adulte à sa famille qui est mis à mal. L’identité familiale passe désormais par cette culpabilité aux vertus fédératrices, déclenchée dès qu’Édouard manifeste le désir de s’individuer. On retrouve aussi ce « mythe d’unité » (Onnis, 2007), tant dans la famille nucléaire d’Édouard que chez les autres jeunes.

Parentification, délégation et projet de vie

En écho à Boszormeny-Nagy (1973), il apparaît que ce qui maintient Édouard et sa famille à l’arrêt soit un sentiment partagé de loyauté fami-liale exacerbé par les non-dits et secrets de famille. Le sentiment incons-cient d’être dépositaire d’une mission peut pousser Édouard à figer le temps familial dans l’ici et maintenant en préservant la famille de toute séparation. Il est fort probable qu’il réponde à l’injonction existante ou fantasmée d’as-surer la cohésion familiale (délégation) et aux besoins et manques affectifs d’un parent (parentification). En maintenant la famille unie, Édouard parti-cipe aussi à une mission de réparation du passé et d’un père qui a souf-fert des anciennes ruptures familiales. En outre, nous notons que plusieurs missions ou attentes familiales peuvent entrer en contradiction. Les attentes explicites de la famille de réussite sociale peuvent s’opposer à celles, plus implicites, de non-différenciation. De plus, le symptôme d’immobilisme évolutif peut avoir plusieurs fonctions, à la fois de dénonciation éventuelle de ce qui ne fonctionne pas – tel un signal d’alarme – et d’énonciation des non-dits, représentant une tentative de se faire autoexister. Le conflit entre attentes exprimées et missions implicites entraîne des injonctions para-doxales aux vertus paralysantes.

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Question des origines et réalisation de soi

La filiation d’Édouard, comme celle de la plupart de nos sujets, apparaît comme trouée et marquée d’inconnues. Ceci va compliquer la possibi-lité pour lui de se repérer dans sa généalogie. Ses possibilités de bâtir une identité en se sentant ancré dans un groupe contenant vont être entravées tout comme son processus de séparation-individuation (Guyotat, 2005). Ainsi, la transformation du lien entre Édouard et ses parents ne pourra se faire – car trop menaçant pour la cohésion – et le lien sera maintenu sur un mode nourricier et financier. C’est ainsi qu’Édouard se souvient d’une adolescence « calme et trop sage », durant laquelle les mouvements d’auto-nomisation n’auraient pas été amorcés. On peut donc considérer comme effective l’influence de ces éléments filiatifs sur la capacité d’autonomisation et de réalisation des jeunes rencontrés.

Influence de l’appartenance à un milieu social aisé

Le facteur « famille aisée » n’ayant pas été empiriquement mesuré, nous nous limiterons à émettre quelques hypothèses quant à son influence. Il semble agir comme amplificateur des enjeux transgénérationnels familiaux. D’une part, les participants font état d’une place plus importante accordée à la réflexion et au questionnement puisque les parents leur assurent une subsistance financière. Nous postulons d’autre part que l’aisance et le soutien financier familial favorisent des mouvements d’autonomisa-tion partielle (voyages, kots, études multiples) et permettent à la dépen-dance nourricière de perdurer. Il est probable que le mythe d’unité (Onnis, 2007) soit renforcé dans ces classes sociales favorisées. En effet, l’impor-tance accordée à la solidarité et à l’« entre soi » (Pinçon, 2003) rajouterait une charge à la culpabilité, comme à la mission de rassemblement familial du jeune adulte. Le communautarisme, l’endogamie, concomitants d’une certaine surprotection des membres du milieu, peuvent l’amener à craindre l’inconnu. En outre, la nécessité culturelle de cultiver l’image que la famille donne en société peut générer plus de non-dits ou de secrets de famille. On y souligne l’importance accordée à la transmission, à la mémoire et à la préservation d’un certain patrimoine à léguer (Le Wita, 1998).

Pour terminer sans conclure

Sans omettre les limites de cette étude à petite échelle, nous estimons que la transmission familiale intervient dans la problématique des jeunes adultes tardant malgré eux à se lancer dans un projet de vie. Nos résultats

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vont, pour les six jeunes rencontrés, dans le sens d’une confirmation de l’influence des facteurs pointés au départ. Ainsi, à l’arrêt dans son chemi-nement personnel, comme retenu par des « fils invisibles » et tiraillé par des attentes contradictoires, le jeune resterait « non séparé » de sa famille. N’ayant pu grandir ni dépasser l’adolescence, il serait encore pris dans ses désirs omnipotents et dans l’impossibilité de choisir une voie aux dépens d’une autre. Parallèlement à cette perspective familiale intergénération-nelle, nous ne pouvons exclure l’influence d’autres facteurs, présents, intra-psychiques, contextuels et sociétaux.

Ces réflexions contribuent à faire évoluer la représentation répandue de ces « Tanguy 6 », associée au stéréotype du jeune pourri gâté. Sans pathologiser, nous pouvons voir qu’ils souffrent et sont affectés de symptômes et d’an-goisses existentielles qu’il convient d’appréhender dans une perspective relationnelle circulaire. En effet, les parents sont pris également dans une ambivalence constante entre le désir de les aider à se différencier et l’inca-pacité à le faire. Cette lecture envisageant leur héritage familial commun permet de sortir de l’opposition linéaire, souvent médiatisée, entre le jeune diabolisé et ses parents victimes.

Ces observations soulignent l’intérêt de l’approche systémique dans l’abord de cette problématique. Pour le jeune, comprendre le fonctionnement de sa famille d’origine et son histoire, ainsi que la place qu’il occupe au sein de son groupe d’appartenance, peut lui permettre d’envisager la fonction qu’exerce son symptôme. Lui permettre d’identifier ces diverses dynamiques peut avoir un effet libérateur et favoriser l’éventuelle transformation en un vécu moins paralysant. Beaucoup de jeunes rencontrés nous ont signifié à quel point il était interpellant de s’interroger sur la vie de ses ancêtres et comme ils avaient l’impression d’en connaître peu à ce niveau. En réfléchissant sur ces dimensions, en y accordant du sens et en les énonçant, ils ont pu opérer une certaine conscientisation et reconnaissance de ce dont ils sont investis. Le fait d’avoir un endroit où exprimer – et non plus taire – tous ces événe-ments peut permettre une atténuation de la dimension secrète (et donc des conséquences des non-dits) et une ébauche de comblement des vides généalogiques et historiques. C’est en se dégageant de la culpabilité héritée que le jeune adulte en construction pourra poursuivre son développement, consolider son identité et acquérir un sentiment d’existence.

Dans une perspective clinique, un accompagnement thérapeutique indivi-duel pourra favoriser l’évolution de la construction identitaire et le chemine-ment vers l’autonomie. D’autre part, il pourrait être pertinent de rencontrer

6. Tanguy, film d’Étienne Chatiliez, 2001.

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35Se lancer dans la vie active ?

certaines familles dont le mythe est fragilisé afin de renforcer leur sentiment d’appartenance. Il s’agira de travailler à la reconstitution d’un mythe qui soit propre à chaque famille, la rassemble tout en la distinguant afin de dépouiller la culpabilité de sa fonction première. D’après notre expérience, inviter les membres de la famille à s’exprimer sur leurs représentations familiales respectives peut favoriser l’inscription du jeune dans sa lignée filiative et consolider son sentiment d’appartenir à une famille « suffisam-ment bonne », prête à contenir, sans s’autodétruire, le choix d’une vie.

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Starting out in professional life ? Not yet ! Transgenerational family issues and difficulties in achieving life goals for young adults from privileged backgrounds

Keywords

Life plan, young adult, transgenerational transmission, empowering process, guilt, filiation, privileged class.

Abstract

Based on findings that some young people from well-to-do socioeconomic circles nowadays encounter difficulties facing up to their own adulthood, the authors share some considerations on the influence of intergenerational transmission on the symptoms and obstacles identified in the empowering process. Working from clinical studies, they connect such difficulties with family traumas, loyalty phenomena and unspoken family history. The transgenerational dimension emerges as one significant factor from among the many likely to impede auto-nomy. Indeed, it threatens to slow down the possibilities of reworking the family system’s organization, which constitutes an essential feature of the securisation process for young adults and thus their commitment to a life plan. Belonging to a privileged class appears to weigh heavily on this transgenerational dimension.

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