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Alors que la crise financière mondiale actuelle a fait apparaître la nécessité d’une réglementation plus stricte, le droit des sociétés fait l’objet d’une libéralisation toujours plus importante, favorisant la création d’entreprises et permettant une gestion plus souple des sociétés. Preuve en est de la récente évolution législative en la matière – à savoir la loi de modernisation de l’économie, dite loi « LME», en date du 4 août 2008 – qui poursuit le processus de libéralisation de ce droit, et plus spécifiquement celui de la société par actions simplifiée (aussi connue sous l’acronyme « SAS »). En effet, outre la suppression de l’obligation de nommer un commissaire aux comptes en son sein, la LME apporte au droit de la SAS deux nouveautés majeures, à savoir la libéralisation de son capital social, ainsi que la possibilité d’y accueillir des apports en industrie. C’est précisément ce dernier point – à savoir l’admission des apports en industrie dans cette forme de société – qui va retenir notre attention. Toutefois, et avant de nous lancer dans le cœur même du sujet, une bonne compréhension de celui-ci nécessite que l’on s’attarde quelque peu sur les termes qui le composent.
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1
Camille-Antoine DONZEL
MEMOIRE
LES APPORTS EN INDUSTRIE DANS
LES SOCIETES PAR ACTIONS SIMPLIFIEES
Sous la direction de M. le Professeur Alexis Constantin
M2 Recherche Droit Privé Général, parcours Droit Des Affaires 2008-2009
Université de Droit et de Sciences Politiques de Rennes I
Remerciements :
Je tenais à remercier M. le Professeur Constantin pour son suivi, M. le Professeur Hovasse et
Melle Djemali pour leurs précieux conseils, ma famille et Melle Renaudin pour leur soutien
moral, ainsi que M. Lozac’h pour son soutien matériel.
3
INDEX
A Droits étrangers,
-belge, 157 à 159. Actif social, 126, 127, 128. -italien, 161 à 164. Action gratuite, 35. Apport, 2. E -capital (en), 4, 39.
-clientèle (de), 40, 101. Entreprise individuelle, 134, 135. -garantie (en), 22. Evaluation (de l’apport en industrie), 50, -industrie (en), 3 à 5, 20 à 22, 24, 44, 45,48, 96, 108, 109, 110, 112, 116.
53, 63, 92, 97, 102, 103, 138 à 143, 154, 155. Exclusion (de l’apporteur en industrie), -jouissance (en), 99, 129. 77 à 79.
-nature, 29. Expert, 71. -savoir-faire (de), 28. Exploitation Agricole à Responsabilité -usufruit (en), 100. Limitée (EARL), 38.
Astreinte, 76.
F B
Faillite, 136. Boni de liquidation, 56, 57, 85, 86. Filiale, -commune, 10.
C -exclusive, 10.
Capital, G -engagement (d’), 149, 150.
-social, 4, 42, 46, 73, 119, 120, 121, 122, Gage (droit de…des créanciers sociaux),
129, 131, 144 à 148, 149, 153. 42, 128, 130.
Caractère (de l’apport en industrie), Garanties (réelles et personnelles), 133, -continu, 24, 92. 162 à 164.
-instantané, 29, 98. Groupement Agricole d’Exploitation en -fluctuant, 105 à 107, 113, 114. Commun (GAEC), 37, 82.
-personnel, 24, 102, 103.
-successif, 24, 97. I Clause, -agrément (d’), 12. Inaliénabilité (de l’apport en industrie), -exclusivité (d’), 12. 51, 81, 87.
-pénale, 76. Incessibilité (de l’apport en industrie), Commissaire, 88 à 90. -apports (aux), 110, 111, 113. Information (droit à), 70, 71. -comptes (aux), 71. Insaisissabilité (de l’apport en industrie),
129.
D Intransmissibilité (de l’apport en indus- -trie), 87.
Dirigeants (responsabilité), 137. Intuitu personae, 6, 26, 27, Dividendes, -distribution de, 123. -fictifs, 124.
O
Objet social, 38, 39.
Obligations (de l’apporteur en
industrie),
-exclusivité (d’), 33.
-non-concurrence, 32.
-réaliser l’apport (de), 31.
Offre au public, 14.
P
Pactes d’actionnaires, 11. Pertes, -contribution (aux), 59, 60.
-de plus de la moitié du capital social, 145 à
147.
R
Retrait de l’apporteur en industrie, 82.
Risque illimité (sociétés à), 4, 14, 42.
S
Société à Responsabilité Limitée (SARL),
44, 66.
Société Anonyme à Participation
Ouvrière (SAPO), 3. Société Civile Professionnelle (SCP), 3, 39, 65.
Sociétés créée de fait, 2. Société en commandite Simple (SCS), 41.
Société en commandite par Actions (SCA), 41.
Société en Nom Collectif (SNC), 41, 65. Société en participation, 2.
Société par Actions Simplifiée (SAS), 6 à 15. Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU), 9.
Statuts, 12 à 14, 55, 62, 68, 69, 78, 79, 83, 86, 89. Souscription (principe de ... intégrale), 104.
T
Travail,
-contrat de, 27, 34, 35.
-direction (travail de), 22.
V
Vote (droit de), 65 à 69.
5
SOMMAIRE
Introduction
Partie I : Les apports en industrie dans les SAS ou la mise en valeur de l’apport en
industrie
Chapitre I : L’admission des apports en industrie dans la SAS
Section I : La notion d’apport en industrie
§I : L’apport en industrie, une notion vaste
A : L’apport en industrie, une notion protéiforme
1 : L’industrie, activité intellectuelle et/ou manuelle
2 : La particularité de l’apport en garantie
B : Les caractères de l’apport en industrie
1 : L’apport en industrie, activité à caractère successif, continu et personnel
2 : Le caractère instantané de l’apport de « savoir-faire »
§II : L’apport en industrie, source d’obligations pour l’apporteur en industrie
A : L’obligation de réaliser l’apport
1 : L’obligation de faire
2 : L’obligation de ne pas faire
B : L’apport en industrie, une notion concurrencée
1 : Le contrat de travail ou l’existence d’un lien de subordination
2 : Les avantages inhérents au statut de salarié
Section II : L’admission de l’apport en industrie dans les structures sociétaires
§I : L’admission réservée de l’apport en industrie au sein des sociétés
A : L’admission au sein des structures juridiques du secteur civil
1 : L’admission de l’apport en industrie au sein du GAEC
2 : L’admission de l’apport en industrie au sein de la SCP
B : L’admission au sein des structures juridiques du secteur commercial
1 : L’admission des apports en industrie au sein des sociétés en nom collectif et en
commandite
2 : L’admission des apports en industrie au sein des groupements à risque illimité
§II : L’admission des apports en industrie au sein de la SAS
A : L’admission des apports en industrie au sein de la SARL
1 : L’admission progressive des apports en industrie dans la SARL
2 : La libéralisation progressive du capital social de la SARL
B : L’admission des apports en industrie au sein de la SAS ou l’instauration d’un régime
spécifique
1 : La libéralisation du capital social de la SAS
2 : Le régime particulier des apports en industrie issu de la LME
Chapitre II : La reconnaissance de l’apporteur en industrie
Section I : Un réajustement des droits et pouvoirs de l’apporteur en industrie
§I : La rémunération de l’apporteur en industrie
A : Un statut pécuniaire légal arbitraire
1 : La part de l’apporteur en industrie dans les bénéfices
2 : La contribution aux pertes de l’apporteur en industrie
B : L’aménagement statutaire de la rémunération de l’apporteur en industrie
1 : L’aménagement d’une rémunération plus équitable pour l’apporteur en industrie
2 : La mise en valeur de l’apport en industrie
§II : Le droit d’intervention partiel de l’apporteur en industrie dans la vie sociale
A : Les droits gouvernementaux de l’apporteur en industrie
1 : Les mécanismes classiques d’attribution du droit de vote
2 : L’aménagement statutaire du droit de vote de l’apporteur en industrie
B : L’exclusion de l’apporteur en industrie des droits liés au capital social
1 : L’exclusion de l’apporteur en industrie du droit à l’information
2 : La non-participation de l’apporteur en industrie aux augmentations de capital
7
Section II : Les problèmes liés à la cessation de l’activité de l’apporteur en industrie
§I : Les causes de cessation de son activité par l’apporteur en industrie
A : La cessation d’activité fautive
1 : La cessation temporaire d’activité
2 : L’exclusion de l’apporteur en industrie
B : La cessation d’activité légitime
1 : L’impossibilité pour l’apporteur en industrie de poursuivre son activité
2 : Le retrait de l’apporteur en industrie
§II : Les conséquences de la cessation de son activité par l’apporteur en industrie
A : Le droit au boni de liquidation
1 : Le droit général au boni de liquidation
2 : Le droit statutaire au boni de liquidation
B : L’inaliénabilité des apports en industrie
1 : Des parts d’industrie intransmissibles
2 : Des parts d’industrie incessibles
Conclusion de la première partie
Partie II : Les apports en industrie dans les SAS ou l’exclusion chronique de l’apport en
industrie du capital social
Chapitre I : Une exclusion aux justifications fallacieuses
Section I : Une exclusion justifiée par la spécificité de l’apport en industrie
§I : Un apport difficile à évaluer
A : Des difficultés liées au caractère successif de l’apport en industrie
1 : Un apport ponctuellement instantané
2 : Comparaison avec d’autres apports
B : Un apport personnel
1 : Une réalisation incertaine
2 : Un apport fluctuant
§II : Un apport évaluable par un tiers
A : L’utilisation de la procédure d’évaluation des apports en nature
1 : Un apport évaluable par les associés
2 : Un apport évaluable par un tiers agréé
B : Un apport évaluable « à terme »
1 : Une évaluation à terme aux justifications douteuses
2 : Une loi mal formulée
Section II : Une exclusion justifiée par le rôle attribué au capital social
§I : L’indication du capital social ou la protection des créanciers sociaux
A : Le capital social, gage des créanciers sociaux
1 : Le principe de fixité du capital social
2 : Le principe d’intangibilité du capital social
B : La distribution de dividendes fictifs
1 : La procédure de distribution des dividendes
2 : La sanction de la distribution de dividendes fictifs
§II : L’actif social, véritable gage des créanciers sociaux
A : L’actif social, véritable richesse de la société
1 : La définition de l’actif social
2 : La participation de l’apporteur en industrie au montant de l’actif social
B : L’actif social, seul élément saisissable par les créanciers sociaux
1 : Le capital social ou le droit de gage illusoire des créanciers sociaux
2 : L’insaisissabilité des apports en jouissance
Chapitre II : La remise en cause du capital social
Section I : La libéralisation effrénée du capital social
§I : La « dangereuse » libéralisation du capital social
A : La dénaturation de la théorie de l’écran sociétaire
1 : La méfiance accrue des prêteurs de deniers
2 : Les avantages de l’entreprise individuelle
9
B : Le risque de faillite de la société
1 : Le risque de sous-capitalisation de la société
2 : La responsabilité des dirigeants pour faute de gestion
§II : Vers une intégration des apports en industrie dans le capital social
A : L’éventuelle intégration de l’apport en industrie dans le capital social
1 : L’apport en industrie intégré dans un capital social dérisoire
2 : L’apport en industrie intégré dans un capital social significatif
B : Le capital social ou l’importance de la notion
1 : Le nécessaire renforcement des fonds propres en cas de pertes
2 : Le nécessaire renforcement des fonds propres en cas de bénéfices
Section II : Vers une refonte de la notion de capital social
§I : La création d’un « capital d’engagement »
A : Le capital d’engagement, instrument de garantie des créanciers
1 : Le capital d’engagement, reflet de l’engagement des associés
2 : Le capital d’engagement ou la véritable protection des créanciers sociaux
B : Le capital social, instrument de financement de la société
1 : Le capital social, reflets des besoins financiers de la société
2 : L’éventuelle intégration de l’apport en industrie au capital social
§II : L’appréhension du capital social par des droits étrangers : exemples de droit comparé
A : Le droit belge
1 : La nécessité d’établir un plan financier
2 : Un système envisageable en droit français
B : Le droit italien
1 : La caution bancaire, la police d’assurance et le dépôt de fonds
2 : Un système envisageable en droit français mais critiquable
Conclusion de la seconde partie
Introduction :
1-Alors que la crise financière mondiale actuelle a fait apparaître la nécessité d’une
réglementation plus stricte, le droit des sociétés fait l’objet d’une libéralisation toujours plus
importante, favorisant la création d’entreprises et permettant une gestion plus souple des
sociétés.
Preuve en est de la récente évolution législative en la matière – à savoir la loi de
modernisation de l’économie, dite loi « LME», en date du 4 août 20081 – qui poursuit le
processus de libéralisation de ce droit, et plus spécifiquement celui de la société par actions
simplifiée (aussi connue sous l’acronyme « SAS »).
En effet, outre la suppression de l’obligation de nommer un commissaire aux comptes en son
sein, la LME apporte au droit de la SAS deux nouveautés majeures, à savoir la libéralisation
de son capital social, ainsi que la possibilité d’y accueillir des apports en industrie.
C’est précisément ce dernier point – à savoir l’admission des apports en industrie dans cette
forme de société – qui va retenir notre attention.
Toutefois, et avant de nous lancer dans le cœur même du sujet, une bonne compréhension de
celui-ci nécessite que l’on s’attarde quelque peu sur les termes qui le composent.
2-L’article 1382 du Code civil, au nombre des conditions figurant à la formation du
contrat de société, indique que les associés affectent « à une entreprise commune des biens ou
leur industrie ». L’apport apparaît donc comme étant un élément essentiel à l’acquisition de la
qualité d’associé.
Le terme « apport » revêt un double sens ; d’une part il désigne « l’opération de mise en
commun des apports ou celle par laquelle une personne affecte certains biens ou services à la
société constituée »2, ce qui contribue à lui conférer la qualité d’associé ; d’autre part il
représente « chaque bien ou services qui en est l’objet, autrement dit, les valeurs mises à la
disposition de la société »3. Il est considéré comme un contrat synallagmatique, puisque
l’associé reçoit en contrepartie de son apport des droits sociaux, à charge pour lui de réaliser
l’apport auquel il a souscrit, qu’il soit en numéraire, en nature ou en industrie4.
1Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, publiée au J.O. du 5 août 2008, p. 12 471.
2D. Gibirila, SOCIETES – constitution de la société : apport, Juris-Classeur commercial 2006, fasc. 1005, p. 3,
n° 1. 3M.-J. Cambassédès, La nature et le régime juridique de l’opération d’apport, Rev. sociétés 1976, p. 431.
4Article 1843-3, alinéa 1
er, du Code civil.
11
Ajoutons que l’apport est également concevable dans les sociétés en participation et les
sociétés créées de fait, tout en précisant que l’absence de personnalité juridique et donc de
patrimoine dont elles font preuve empêche que l’apport effectué en leur faveur soit translatif
de propriété.
3-Au nombre des apports existants, on note la présence de l’apport « en industrie ». Cet
apport consiste en la mise à disposition à la société par un associé de son travail, de son talent
ou encore de ses compétences.
Cet apport s’avère être très ancien5, puisqu’il était déjà présent dans le Code de Hammourabi6.
Bien qu’exclu originellement des sociétés de capitaux, et ce depuis le Code de commerce de
1807, l’apport en industrie s’est montré de plus en plus présent au sein des structures
sociétaires. De la société à participation ouvrière (SAPO)7, en passant par la société civile
professionnelle (SCP) et la société en commandite simple ou par actions (SCS et SCA),
jusqu’à la SARL, l’apport en industrie a su trouver sa place et s’affirmer comme étant un
apport essentiel, tant aux sociétés de personnes qu’aux sociétés de capitaux8.
La LME, en admettant l’apport en industrie au sein des SAS, continue alors le processus déjà
lancé de « prolifération » de cet apport au sein des sociétés. De plus, de par cette admission, la
LME accentue le processus de libéralisation de la SAS et assouplit encore un peu plus les
conditions de sa création.
Toutefois l’on remarque que les apports en industrie, bien qu’autorisés par le législateur dans
la SAS, relèvent du droit commun des sociétés, puisque ceux-ci sont soumis aux articles
1843-2 et 1843-3 du Code civil.
4-Cette règle, qui est commune à toutes les sociétés – tant à risque limité qu’illimité –
veut que l’apport en industrie, partout où il est admis, ne concoure jamais à la formation du
5Un auteur remarque d’ailleurs que « dans la notion primitive de pacte social, tout associé était probablement
appelé à participer activement par son travail à la vie de la société, l’industrie formant, à ce stade, l’objet le
plus naturel d’un engagement d’apport ». Sur ce point, V. J. Bardoul, Les apports en industrie dans les sociétés
civiles professionnelles, Rev. sociétés 1973, p. 419. 6Qui date d’environ 1730 avant Jésus Christ, et qui recensait les décisions de justice du Roi.
7Dans la SAPO, ces actions ont pour nom « actions de travail » (art. L. 225-260 à L. 225-262 C.com.).
8Cet apport demeure toutefois interdit dans les sociétés anonymes (art. L. 225-3 C. com.).
capital social9. En effet, contrairement aux apporteurs en numéraire et en nature, l’apporteur
en industrie n’est jamais un apporteur en « capital ».
La LME ne déroge alors pas à la règle et la SAS, bien qu’autorisée à accueillir des apports en
industrie en son sein, ne peut les intégrer à son capital social.
On peut apercevoir ici les limites du mouvement de libéralisation initié depuis maintenant
plusieurs années en droit des sociétés. En effet, le capital social étant dans l’esprit du
législateur le gage des créanciers sociaux – bien que cela contraste avec la possibilité de créer
un certain nombre de société avec un capital de « un euro » – l’apport en capital demeure
incontournable à ses yeux en ce qu’il constitue une meilleure garantie pour les tiers.
5-Pourtant cette exclusion semble aujourd’hui ne plus être justifiée, et les arguments
avancés en sa faveur font l’objet de vives critiques au sein de la doctrine10.
En effet, il résulte de cette exclusion que l’apport en industrie se voit appliquer un régime
légal certes supplétif, mais discriminatoire11 au vu du régime appliqué aux apports en
capitaux12.
Il est vrai que l’on aurait pu penser que le législateur, en admettant la présence d’apports en
industrie dans cette forme sociale si particulière qu’est la SAS, prévoirait alors pour ces
mêmes apports un régime spécial, différent du régime de droit commun auquel ils sont
habituellement soumis. Mais il n’en est rien.
Il en résulte donc que la SAS – quand bien même elle est une forme sociale particulière – va
devoir s’accommoder de ce que l’apport en industrie ne concourt pas à la formation du capital
social.
6-Mais il convient alors maintenant de nous attarder sur cette structure juridique qu’est
la SAS. La SAS appartient à la catégorie des sociétés par actions, que l’on oppose
traditionnellement aux sociétés de personnes13, dans lesquelles règne un fort intuitu personae
9Article 1843-2, alinéa 2, du Code civil.
10
V. par exemple L. Nurit-Pontier, Repenser les apports en industrie, LPA 3 juillet 2002, p. 4. 11
Etant entendu que certaines dispositions discriminatoires à son égard ne font l’objet que d’un régime légal
supplétif. 12
Par exemple, les droits sur les bénéfices de l’apporteur en industrie équivalent ceux du plus petit apporteur en
capitaux, sauf clause contraire (art. 1844-1 C. civ.).
13Certains nuancent cependant cette distinction, démontrant que l’admission des apports en industrie dans les
SAS tend à intégrer une part d’intuitu personae au sein des sociétés de capitaux. Sur ce point, V. S. Schiller et P.-
L. Périn, Les apports en industrie dans les SAS, Rev. sociétés 2009, p. 59.
13
et où les associés engagent leur responsabilité de manière indéfinie et/ou solidaire. En
revanche, dans les sociétés par actions – dites aussi sociétés de capitaux – les associés ne sont
tenus qu’à hauteur de leurs apports14.
7-Les dispositions relatives à la SAS figurent dans le Code de commerce, de l’article L.
227-1 à l’article L. 227-19.
Toutefois, la SAS est une société dont le régime relève aussi pour partie de celui applicable à
la SA. En effet, l’article L. 227-1, alinéa 3, dispose que « dans la mesure où elles sont
compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles
concernant les sociétés anonymes, à l’exception des articles L. 224-2, L. 225-17 à L. 225-126,
L. 225-243 et du I de l’article L. 233-8, sont applicables à la société par actions simplifiée ».
Dès lors ne lui sont pas applicables les dispositions relatives au capital social, à l’information
des associés sur le nombre de droits de vote existants, ainsi que les dispositions relatives à la
direction15, à l’administration et aux assemblées d’actionnaires, qui relèvent pour leur part de
l’organisation statutaire de la société16.
Restent en revanche applicables, sauf disposition contraire, tout le reste du droit commun de
la SA, les règles propres à toutes les sociétés commerciales (article L. 210-1 à L. 210-9) ainsi
que les dispositions générales du Code civil (article 1832 à 1844-17 dudit Code).
8-La SAS a été instituée par la loi n° 94-1 du 3 janvier 199417, et est issue d’une
proposition d’un groupe de travail mis en place par le Conseil National du Patronat Français
(CNPF)18. Ce groupe de travail, présidé par M. Field19, avait pour objectif premier de doter le
droit des sociétés français d’une formule suffisamment souple pour empêcher que les
entreprises françaises ne s’expatrient à l’étranger, et notamment aux Pays-Bas, où les
14
Article L. 227-1, alinéa 1, du Code de commerce, en ce qui concerne la SAS. 15
En vertu de l’article L. 227-6 du Code de commerce, le président est le seul organe dirigeant obligatoire au sein
de la SAS. 16
D’aucuns remarquent cependant que nombre de statuts de SAS ont tendance s’inspirer des statuts de SA. Sur
ce point, V. N. Binctin, Le capital intellectuel, thèse, Litec 2007. 17
Parue au J.O. du 4 janvier 1994, p. 129. 18
Devenu en 1998 le Mouvement des entreprises de France (Medef). 19
M. Bernard Field qui est, rappelons-le, secrétaire général de la Compagnie de Saint-Gobain.
avantages juridiques20 et fiscaux faisaient que les groupes internationaux choisissaient la
besloten vennootschap (BV) néerlandaise, plutôt que la société anonyme (SA) française.
Car en effet, il était reproché à la SA française – et ceci est encore vrai aujourd’hui – telle
qu’issue de la loi du 24 juillet 196621, d’être trop rigide et de ne pas laisser assez de place à la
liberté individuelle des associés22, ceci étant d’autant plus vrai pour les SA susceptibles d’être
cotées.
9-Mais bien qu’ayant été proposée comme une alternative à la SA, la SAS23 a vu se
succéder différentes lois à son égard avant de devenir la société contractuelle « tout terrain »
par excellence, telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Car bien que donnant l’absolue priorité à la liberté statutaire des associés par le biais des
statuts, la SAS – telle qu’issue de la loi du 3 janvier 1994 – n’a dans un premier temps été
réservée qu’aux seules personnes morales de droit privé ou de droit public, qui devaient de
surcroît détenir un capital de 1.500 000 francs (soit à peu près 229 000 euros) afin de pouvoir
en être associées, et qui devaient réunir un capital de 250 000 francs (soit à peu près 38 000
euros), dont on a exigé qu’il soit libéré dès la constitution de la société par actions simplifiée.
Son usage était alors restreint et l’un des objectifs du législateur – à savoir la création d’une
structure de coopération souple pour les entreprises – n’était que partiellement atteint.
Puis dans un deuxième temps, la loi du 12 juillet 199924 sur l’innovation et la recherche, alors
qu’elle instaurait la société par actions simplifiées unipersonnelle25 (SASU), a largement
facilité l’accès à la SAS, notamment aux PME et autres entrepreneurs individuels, en
permettant à toute personne physique ou morale d’être associée de la SAS – sans exiger qu’ils
ne détiennent un capital minimum – ainsi qu’en autorisant que le capital social de la SAS ne
20
Ces avantages reposant essentiellement sur les dispositions relatives au droit de vote et la possibilité pour la
« BV » d’avoir un associé unique. 21
Loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, publiée au J.O. du 26 juillet 1966, p. 6402. 22
Sur ce point, V. Ph. Bissara, L’inadaptation du droit français des sociétés aux besoins des entreprises et les
aléas des solutions, Rev. sociétés 1990, p. 553. 23
Rappelons que le nom de « société par actions simplifiée » a été préféré à celui de « société anonyme
simplifiée », afin d’échapper aux directives communautaires dont les mesures ne s’appliquent qu’aux seules
formes de sociétés qu’elles visent expressément, à savoir la SA. Sur ce point, V. J.-J. Daigre, Faut-il banaliser la
société par actions simplifiée ?, JCP E 1999, act. p. 977. 24
Loi n° 99-587 du 12 juillet 1999, publiée au J.O. du 14 octobre 1999, p. 15 344. 25
Sur ce point, V. P.-H. Conac, Quelques réflexions sur un avant-projet de loi créant une société par actions
simplifiée unipersonnelle (SASU), Bull. Joly sociétés 1999, p. 607.
15
soit libéré que de moitié à sa constitution, faisant ainsi de cette forme sociale une structure
plus ouverte26.
Enfin, la LME en date du 4 août 2008 est venue encore assouplir les exigences ayant trait au
montant du capital social de la SAS, dans la mesure où désormais l’article L. 227-2, alinéa 2,
du Code de commerce dispose que le capital social est librement fixé par les statuts, et a rendu
le recours au commissaire aux comptes simplement facultatif27.
10-La SAS, de par la grande liberté qu’elle offre alors aux entrepreneurs, est donc une
véritable alternative à la SA, que ceux-ci vont alors pouvoir l’utiliser de diverses manières.
Dans un premier temps, la SAS a été conçue prioritairement afin que les sociétés puissent
collaborer entre elles. En effet, celles-ci peuvent grâce à la SAS créer une filiale commune –
appelée aussi « joint-venture » dans le langage des affaires – qui pourra être gérée et dirigée
avec plus de souplesse et de liberté que ne le serait une SA. De plus, la constitution d’une
SAS commune offre la possibilité de modeler les pouvoirs de chacune des sociétés associés
sans corrélation avec la quotité de capital qu’elles détiennent.
Dans un deuxième temps, il apparaît que la SAS peut être utilisé comme filiale exclusive,
comme « filiale à 100% », appartenant exclusivement à un seul groupe. Ici encore, la
souplesse qu’offre la SAS en termes de direction et de gestion apparaît être un argument non
négligeable.
Enfin, on relève que la SAS est une forme sociale qui peut être choisie par simple
« commodité »28, les fondateurs l’adoptant pour la sécurité juridique qu’elle présente, mais
aussi et surtout pour la facilité de gestion qu’elle offre.
11-Mais il convient aussi d’ajouter que la SAS permet d’offrir à ses associés une
sécurité juridique qu’ils ne peuvent retrouver dans le cadre de la SA. En effet, il a souvent été
démontré que la SAS permettait de limiter le recours à l’utilisation des pactes d’actionnaires29,
26
Sur ce point, V. J. Paillusseau, La nouvelle société par actions simplifiée : le big-bang du droit des sociétés !,
D. 1999, chron. p. 333, ou encore M. Germain, La SAS libérée, L. n° 99-587, 12 juill. 1999, art. 3, JCP E 1999,
act. p. 1505. 27
Sur ce point, V. Th. Granier, Le commissaire aux comptes dans la SAS, Bull. Joly 2008, p. 252. 28
G. Baudeu, La S.A.S. : pratiques statutaires, LPA 9 avril 1997, p. 10.
29Sur ce point, V. par exemple R. Cannard, Pourquoi et comment utiliser la SAS ?, Dr. et Patr. 1994, n° 4, p. 24.
qui, comme toute convention, restent soumis au principe de l’effet relatif des contrats30, et
dont la validité demeure incertaine du fait de leur éventuelle contrariété à l’ordre public
sociétaire. Concernant ce dernier point, il en résulte que se trouve au-dessus de ces clauses
extrastatutaires une véritable épée de Damoclès, jusqu’à ce que la survenance d’un litige
n’amène la jurisprudence à sceller le sort desdites clauses.
12-En revanche, dans le cadre de la SAS, de pareilles clauses sont expressément
prévues par la loi ; on pense notamment à la clause d’agrément (art. L. 227-14 C. com.) et à la
clause d’exclusion (art. L. 227-16 C. com.), qui toutes deux permettent un contrôle plus aisé
de l’actionnariat de la SAS. Dès lors les associés n’ont plus à s’inquiéter de ce que la clause
respecte ou non l’ordre public, et peuvent prévoir les modalités d’entrée et de sortie relatives à
la société afin de s’assurer la maîtrise la plus efficace de la géographie du capital et/ou du
pouvoir décisionnel.
13-La SAS, on le voit, présente des avantages certains comparée à la SA, du fait de la
liberté statutaire qui la caractérise. Mais il convient tout de même de nuancer ce propos à deux
égards.
14-D’une part, la SAS « ne peut procéder à une offre au public de titres financiers ou à
l’admission aux négociations sur un marché réglementé de ses actions »31. D’aucuns32
remarquent alors qu’une « clé de financement pour le développement de ces sociétés s’en
trouve fermée » et notent qu’il y a ici un paradoxe remarquable puisque la SAS a été créée par
le législateur « pour permettre le développement d’entreprises innovantes » qui de par cette
interdiction ne pourront pas « accéder au système de financement de ce type d’activité », ce
qui mettra « à mal la logique des investisseurs » tels que les sociétés de capital-risque qui
réalisent leur plus-value lors de l’introduction sur un marché réglementé des sociétés qu’ils
soutiennent.
Et d’autre part, plusieurs auteurs33 mettent en garde contre les risques que soulève la création
d’une SAS pour des entrepreneurs non chevronnés34, puisqu’une rédaction trop libre des
30
La Cour de cassation a néanmoins jugé que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la
responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage »,
(Cass. ass. plén., 6 octobre 2006, n° 05-13255). 31
Article L. 227-2 du Code de commerce, issu de l’ordonnance n° 2009-80 du 22 janvier 2009. 32
N. Binctin, op. cit.
33V. par exemple J. Paillusseau, op. cit.
17
statuts peut au final s’avérer préjudiciable pour un associé « naïf » qui « sans maîtriser l’art
de la négociation va accepter des formules qui le désavantagent ». D’où le recours assez
courant aux statuts de la SA dans la SAS, qui « se révèlent être une forme sociale
particulièrement délicate à manier, avec une phase de rédaction des statuts ardue (…) »
destinée plutôt à des « opérateurs professionnels aguerris »35.
15- Mais aujourd’hui l’heure n’est plus vraiment à la comparaison, puisqu’avec la LME
et l’admission des apports en industrie, la SAS se détache de plus en plus de la catégorie des
sociétés par actions et donc de la SA pour se rapprocher un peu plus de celle des sociétés de
personnes, sans pour autant y prendre part36, ce qui en fait une société « hybride », comme la
SARL en son temps. De par l’admission des apports en industrie37 au sein de la SAS, les
entrepreneurs se voient proposer une nouvelle raison de choisir entre la SAS et la SA, à savoir
la volonté ou non d’associer à leur projet des apporteurs en industrie. L’étude des avantages et
désavantages inhérents à chacune de ces deux formes sociales pourraient être alors totalement
éludée au profit de la seule volonté d’associer ou non un apporteur en industrie38.
La SAS, malgré ses faiblesses, est donc une société ouvrant des horizons nouveaux aux
entrepreneurs désireux d’associer des apporteurs en industrie à leur projet, tout en se libérant
du carcan institutionnel de la SA.
16-Maintenant qu’ont été exposés les termes qui composent le sujet de la présente
étude, il apparaît clairement que la SAS comme l’apport en industrie font figure d’exceptions
dans leurs domaines respectifs. En effet, la SAS offre une liberté statutaire inégalée en droit
34
Ceci étant d’autant plus vrai depuis que la loi du 12 juillet 1999 a ouvert la SAS à toute personne physique ou
morale, sans exigence de capitalisation. 35
N. Binctin, ibid. 36
Sur ce point, V. S. Schiller et P.-L. Périn, op. cit. 37
Article L. 227-1, alinéa 4, nouveau du Code de commerce. 38
En effet, l’article L. 225-3 du Code de commerce, en son dernier alinéa, dispose que « les actions (de SA) ne
peuvent représenter des apports en industrie ».
des sociétés, et l’apport en industrie fait l’objet d’une discrimination du fait de sa non-
participation au capital social.
17-Dès lors le sujet qui va retenir notre attention présente un intérêt à plusieurs égards :
puisque le régime de l’apport en industrie, bien que discriminatoire, n’en reste pas moins
supplétif car subordonné à la volonté des associé, il semble légitime de se demander si la
liberté individuelle offerte aux associés par la SAS va leur permettre de véritablement prendre
en compte l’apporteur en industrie en contournant l’application du régime légal qui lui a été
réservé ? En d’autres termes, dans quelle mesure la liberté contractuelle qui caractérise la SAS
va-t-elle permettre la mise en valeur de l’apport en industrie ?
18-De même, et alors que la LME autorise que des associés de SAS réalisent un apport
en industrie, il n’en demeure pas moins que celui-ci reste exclu encore aujourd’hui du capital
social, c’est-à-dire qu’il lui est encore et toujours impossible de concourir à sa formation.
Toutefois, ne pourrait-on pas poursuivre le processus de libéralisation du droit des sociétés
déjà lancé et intégrer l’apport en industrie au sein de ce capital social ? Cette intégration ne
permettrait-elle pas d’ailleurs de régler certains problèmes inhérents au statut de l’apporteur
en industrie ? Parallèlement, n’est-il pas légitime de penser que le véritable problème réside
dans la conception même que l’on se fait du capital social, et non dans la notion d’apport en
industrie sur laquelle ledit problème semble avoir été déporté ?
Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre en envisageant la mise en
valeur dont l’apport en industrie va pouvoir faire l’objet du fait de son admission au sein des
SAS (Partie I), bien que ladite admission n’ait pas permis de revenir sur l’exclusion chronique
de cet apport du capital social (Partie II).
Partie I : Les apports en industrie dans les SAS ou la mise en valeur de l’apport en industrie.
Partie II : Les apports en industrie dans les SAS ou l’exclusion chronique de l’apport en
industrie du capital social.
Partie I : Les apports en industrie dans les SAS ou la mise en valeur de l’apport en
industrie
19-La loi dite de « modernisation de l’économie » en date du 4 août 2008 prévoit en son sein
toute une série de mesures concernant la SAS parmi lesquelles on compte l’admission des
19
apports en industrie au sein de cette forme sociale (Chapitre I). Cette admission, s’inscrivant
mouvement de libéralisation du droit des sociétés permet, de par la liberté statutaire inhérente
à la SAS, d’assurer la reconnaissance de l’apporteur en industrie (Chapitre II).
Chapitre I : L’admission des apports en industrie dans la SAS
La notion d’apport en industrie (Section I) est une notion plus complexe et plus vaste qu’il n’y
paraît au premier abord, et qui n’a fait l’objet que d’une admission progressive au sein des
structures sociétaires (Section II) où elle est aujourd’hui possible.
Section I : La notion d’apport en industrie
20-Le terme d’« industrie » provient du latin industria39, qui signifie l’« activité ». Il induit
l’idée d’habileté à exécuter une activité, un art, un métier, un travail. L’apport en industrie est
alors, au sens originel du terme, un apport en société dont l’objet va être l’activité, le travail
de l’apporteur. Toutefois l’on remarque que l’apport en industrie a aujourd’hui un objet plus
vaste, plus étendu que celui qu’on lui attribuait habituellement (§I).
De surcroît, et en tant qu’il est un apport en société – certes particulier40 – l’apport en
industrie met à la charge de l’apporteur des obligations corrélatives à sa promesse d’apport
(§II).
§I : L’apport en industrie, une notion vaste
Comme il l’a été indiqué précédemment, la notion d’apport en industrie a un objet plus large
que celui qu’on lui prête à l’accoutumée, ce qui en fait parfois une notion difficile à définir
puisqu’étant protéiforme (A) ; par ailleurs, bien que soient communément reconnus certains
caractères à l’apport en industrie, ceux-ci ne se vérifient pas de façon absolue et sont parfois
susceptibles de variation (B).
A : L’apport en industrie, une notion protéiforme
39
In Le nouveau Petit Robert de la langue française 2009, définition « industrie ».
40L’apport en industrie ne concourt pas à la formation du capital social quel que soit le type de société dans
lequel il est admis, contrairement aux deux autres types d’apports que sont l’apport en numéraire et l’apport en
nature (art. 1843-2 C. civ.).
Mme Baillod41 considère que « toute activité, aussi bien manuelle qu’intellectuelle, voire
artistique, propre à contribuer à la réalisation de l’objet social, peut être fournie dans le
cadre d’un apport en industrie ». Cette affirmation reflète bien l’idée générale selon laquelle
l’apport en industrie a pour objet un travail, une activité, qui soit manuelle et/ou intellectuelle
(1). Cependant, les auteurs ainsi que la jurisprudence s’accordent pour dire que l’apport en
industrie peut prendre la forme de ce qu’il est convenu d’appeler un « apport en garantie42 »
(2), qui peut se définir comme « l’engagement pris par un associé de consacrer (…) la
notoriété ou le crédit que peut représenter son image sociale »43 à la société.
1 : L’industrie, activité intellectuelle et/ou manuelle
21-Une personne, qu’elle soit physique ou morale, désireuse de s’associer à d’autres, peut,
dans le cadre de certaines structures juridiques, effectuer un apport en industrie. Cette
personne met alors à la disposition de la société son travail ou ses services.
L’activité sera soit intellectuelle (par exemple un jeune avocat qui n’a pour richesse que sa
seule matière grise se verra attribuer des parts d’industrie au sein d’une SCP), soit manuelle
(l’apporteur intègre une société spécialisée, par exemple, dans la maçonnerie)44.
Toutefois, il est à préciser qu’apporter son industrie ne signifie aucunement exécuter une
activité nécessitant une « habileté technique exceptionnelle »45 (l’apporteur peut promettre son
activité de comptable, de chirurgien, de coiffeur etc…).
De surcroît, l’activité fournie dans le cadre de l’apport en industrie doit se différencier de
celle qui doit être remplie par chaque membre de la société en ce qu’il est un associé. On
entend par là la participation courante à la conduite des affaires sociales, que ce soit – par
exemple – des opérations de contrôle de la gestion, ou l’étude des questions soumises à
décisions collectives etc.
41
R. Baillod, Apports, Les apports en industrie, Traité Joly, avril 1994, n°5. 42
H. Blaise, L’apport en société, thèse, Rennes 1953, Sirey 1955. 43
Juris-Classeur sociétés 2004, Fasc. 10-20, p. 3, n°1. 44
L’on peut cependant noter que dans l’absolu, tout travail nécessite à la fois une activité intellectuelle et
manuelle. 45
R. Baillod, ibid., n°5.
21
22-Enfin, l’activité objet de l’apport en industrie doit correspondre à ce qu’il convient
d’appeler un « travail de direction ». L’apport en industrie doit se traduire par une
collaboration se situant au niveau d’un travail de direction, faute de quoi il n’y a pas apport en
industrie mais prestation salariale intéressée46.
La Cour d’appel de Paris47 a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler que « pour qu’il y ait apport
en industrie, il faut que l’auteur participe non seulement aux activités productives de la
société, mais aussi à sa direction effective ».
Cependant il convient de préciser que cette notion de « travail de direction » ne doit en aucun
cas être envisagée par référence à la direction générale de l’entreprise, car dès lors, l’apport en
industrie ne serait l’apanage que de ceux qui assument la gestion de la société (gérants,
administrateurs, membres du directoire, etc…). D’ailleurs, le cas échéant, seul le président de
la SAS pourrait y effectuer un apport en industrie.
Mais au-delà de la simple idée de travail, qu’il soit intellectuel ou manuel, l’apport en
industrie, de par son objet, recouvre également une catégorie particulière d’apports appelés
« apport en garantie ».
2 : La particularité de l’apport en garantie
22-Cet apport – aussi dénommé « apport du crédit commercial » – avait été repoussé au cours
des travaux préparatoires du Code Napoléon, puisqu’on avait fait valoir48 qu’« un nom isolé
de tout acte de la personne est une chose fort abstraite, au lieu que l’industrie est une chose
positive à laquelle il convient de s’arrêter ».
Aujourd’hui reconnu et accepté, celui-ci représente « la notoriété attachée au nom, à la
réputation d’une personne dont la présence au sein de la société sera considérée comme une
garantie de sérieux, de solvabilité, et rejaillira en terme de confiance dans l’esprit des
tiers49 ».
46
Ce qui signifie que le salarié se voit octroyer un complément collectif de rémunération lié aux résultats ou aux
performances de l’entreprise, tout en étant soumis à un contrat de travail proprement dit. 47
CA Paris, 2ème
ch., sect. A, 9 nov. 1992 : Juris-Data n°1992-023191. 48
Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, in R. Baillod, op. cit., n°7.
49Juris-Classeur sociétés 2004, op. cit., p. 7, n°24.
Cet apport ne constitue donc pas un « travail » au sens où on l’entend dans le cadre d’un
apport en industrie, mais permet de nouer des relations commerciales ou financières plus
aisément du fait de la confiance qu’inspire l’apporteur de par son nom ou sa notoriété.
Un arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation qui en 199750 a d’ailleurs jugé
que « l’influence ne pouvait que s’analyser comme un apport en industrie », à charge pour
cette influence d’être exercée de manière licite.
Cependant, cet apport est plus rare en ce qu’il n’est concevable que de la part d’un associé
indéfiniment responsable des dettes sociales ; puisqu’il s’agit de la garantie de solvabilité
découlant pour les tiers de la présence de cet associé dans la société, ainsi que de la garantie
morale inhérente à un nom connu, l’apporteur doit être lié par un rapport de solidarité. Partant
de là, seules les sociétés à risque illimité pouvaient accueillir ce type d’apport. Mais avec
l’admission des apports en industrie dans les sociétés à risque limité, telles que la SAS, un tel
apport oblige son titulaire à un engagement illimité pour ne pas faire disparaître l’élément
qu’il aura apporté51.
Mme Baillod fait remarquer toutefois que le cas de figure susvisé présente un caractère assez
théorique, l’apport « en garantie » étant complété le plus souvent par un « concours actif » de
la part de l’apporteur52, ce dont il résulte que l’apport en garantie est rarement « un nom isolé
de tout acte de la personne ».
Mais l’objet de l’apport en industrie étant plus étendu qu’il n’y paraît de prime abord, ceci va
alors influer sur ses caractères propres qui, bien que généralement reconnus et définis, sont
parfois susceptibles de variation.
B : Les caractères de l’apport en industrie
23-L’apport en industrie, en ce qu’il est une promesse faite par l’apporteur de mettre à
disposition de la société son travail, présente deux caractères, à savoir qu’il s’agit d’une
50
Cass. civ. 1ère
, 16 juill. 1997 : Juris-Data n°1997-003343 ; Bull. civ. 1997, I, n°247 ; JCP G, 1997, IV ; D.
affaires 1997, p. 1158; Dr. sociétés 1997, comm. 170, note T. Bonneau. 51
D’aucuns y voient une remise en cause totale de la distinction entre sociétés à risque limité et sociétés à risque
illimité. V. sur ce point S. Schiller et P.-L. Périn, op. cit. 52
CA Lyon, 18 mars 1936 : DP, 1938, p. 49, note Pic, in R. Baillod, op. cit., n°7.
23
activité à la fois successive et continue, mais aussi personnelle puisque précisément fonction
de la personne de l’apporteur (1). Cependant, le premier de ces caractères – à savoir le
caractère successif de l’apport en industrie – peut parfois être remis en cause dans le cadre de
l’apport en « savoir-faire » (2).
1 : L’apport en industrie, activité à caractère successif, continu et personnel
24-Il est communément admis que l’apport en industrie ne peut porter que sur une prestation à
caractère successif53, se réalisant progressivement au fur et à mesure de la vie sociale. Il s’agit
bel et bien d’un travail futur. Ceci ne pose a priori aucune difficulté, l’apporteur se verra en
effet engagé envers la société à effectuer un travail pendant une période donnée.
25-Toutefois la question s’est posée de savoir si l’apport en industrie pouvait porter sur une
activité passée, c’est-à-dire si l’objet de l’apport en industrie pouvait porter sur un travail déjà
accompli ?
Les auteurs, dont Mme Baillod54, se sont penchés sur la question. Cette dernière prend
l’exemple des soins, démarches et études consacrés par un fondateur à la constitution d’une
société55. Elle se demande si ceux-ci, à supposer qu’ils ne soient pas suivis d’une
collaboration du fondateur à l’œuvre sociale, sont susceptibles d’être qualifiés d’apport en
industrie ?
La réponse qui en ressort est négative ; en effet, dans l’hypothèse envisagée, l’objet même de
l’apport serait totalement réalisé avant même le contrat d’apport. Or, l’apport d’une activité
doit être « contemporain du contrat et successif, se réaliser de manière continue pendant la
vie sociale56 ». C’est-à-dire que l’apport doit être libéré après la naissance de la société et non
avant.
En revanche le résultat d’une activité passée peut être apporté à une société, soit au titre d’un
apport en nature (par exemple un fonds de commerce, résultat de l’activité d’exploitation, ou
53
Et non une aide occasionnelle (CA Paris, 2ème
ch, Sect. A, 15 nov. 1993, Chiche c/ Gamelin épouse de Caix,
Bull. Joly 1994, p. 86, note Cuisance). 54
R. Baillod, op. cit., n°14. 55
Ce que l’on appelait les « parts fondateurs », qui venaient rémunérer les personnes ayant aidé à la constitution
de l’entreprise et qui leur permettaient de percevoir une partie des dividendes et du boni de liquidation. 56
Juris-Classeur sociétés 2004, op. cit., p. 6, n°17.
un brevet, résultat d’une activité d’invention) soit au titre d’un apport en industrie (par
exemple le savoir-faire57, résultat d’une invention non brevetée).
26-De surcroît, l’apport en industrie se caractérise par un fort intuitu personae. En effet,
l’apporteur en industrie n’est accepté en tant qu’associé qu’en considération de sa formation,
de son expérience, de ses qualités techniques ou intellectuelles ou morales, de ses aptitudes
particulières, autant d’éléments strictement personnels qui feront toute la valeur de son apport.
Comme le fait d’ailleurs remarquer Mme Baillod58, « une substitution de personne ne pourrait
s’imaginer que dans le cas d’un empêchement provisoire de l’apporteur et avec l’assentiment
de tous les associés ».
27-Cette approche se retrouve d’ailleurs dans le cadre du contrat de travail59, conclu lui aussi
intuitu personae, pour lequel les qualités personnelles du salarié et ses compétences sont des
éléments déterminants. En revanche, à l’inverse du droit social, le caractère personnel de
l’apport en industrie ne se limite pas aux seules personnes physiques, puisqu’il est reconnu à
une personne morale la possibilité de réaliser un apport en industrie, notamment lorsqu’il
s’agit de savoir-faire ou de crédit60.
Mais alors que le caractère personnel de l’apport en industrie reste intangible, le caractère
successif dudit apport est parfois malmené, puisque s’y substitue un caractère de ponctualité
et d’instantanéité dans le cadre de l’apport dit de « savoir-faire ».
2 : Le caractère instantané de l’apport de « savoir-faire »
57
Infra n° 28 et 29. 58
R. Baillod, ibid., n°18. 59
Infra n° 34 et 35. 60
Cass. com., 17 nov. 1970 : La Cour de cassation a pu relever l’existence d’une société créée de fait entre trois
sociétés de travaux publics qui avaient « apporté chacune (…) leur connaissances, leur compétence, en un mot
tout le potentiel de leurs activités respectives » : D. 1971, jurispr. p. 206 ; Rev. sociétés 1971, p. 533.
25
28-Le caractère successif de l’apport en industrie est remis en cause dans le cadre de l’apport
de « savoir-faire »61, appelé aussi apport « d’un tour de main ». En effet, en principe, le
savoir-faire est intransmissible en ce sens qu’on ne peut en transmettre la propriété à la société
mais seulement le mettre en œuvre à son profit. En ce cas, il s’agit bel et bien d’un apport en
industrie « ordinaire », c’est-à-dire une mise à disposition d’une activité pour laquelle
l’apporteur en industrie présentera des compétences particulières. La notion de « savoir-
faire » est ici alors entendue comme l’acception « moderne62 » de la notion d’industrie.
Mais il est également des hypothèses de savoir-faire transmissible. Il s’agit, selon M.
Mousseron, de « connaissances techniques transmissibles mais non immédiatement
accessibles au public, et non brevetées »63. Ce peut être par exemple un ensemble de
recommandations à respecter dans le cadre de relations commerciales à l’exportation, ou
encore un procédé de fabrication etc. Le savoir-faire peut alors être à finalité commerciale ou
technique.
29-Dès lors la question sous-jacente qui se pose est celle de savoir si cet apport doit faire
l’objet d’un apport en nature ou d’un apport en industrie64 ?
La définition de M. Mousseron précédemment évoquée prend soin de préciser que l’ensemble
d’informations transmis dans le cadre de l’apport de savoir-faire n’est pas breveté. Ceci revêt
toute son importance puisqu’en présence d’un brevet (qui est bien incorporel), l’apport de
savoir-faire constitue un apport en nature (dont l’obligation juridique qui en découle est une
obligation de donner et non de faire) qui échappe au caractère successif inhérent à l’apport en
industrie.
Or le problème prend toute sa signification lorsque l’on évoque la transmission d’un savoir-
faire par le biais de l’apport en industrie. Dès lors que le savoir-faire n’est pas un bien en
dehors de l’hypothèse dans laquelle il serait breveté (ce qui n’est possible que dans les cas
61
On peut noter que le caractère successif de l’apport en industrie peut aussi être remis en cause dans le cadre de
l’apport en garantie, précédemment évoqué, sous réserve que celui-ci soit exempt de tout « concours actif » de
l’apporteur. 62
V. le rapport CCIP, Pour une réforme de la société anonyme non cotée, p. 43 : « Aux fins d’harmonisation,
remplacer les mots « industrie » par les mots « savoir-faire » », in C. Malecki, L’apporteur en savoir-faire : du
mal-aimé au bien aimé ?, Bull. Joly sociétés, 1er
oct. 2004, p. 1169. 63
Définition de J.-M. Mousseron, Aspects juridiques du « know-how » : Cah. dr. entr. 1/1972, p. 2 ; Rép. com.
Dalloz, V. « Savoir-faire ». 64
Sur cette question, voir C. Malecki, ibid., et N. Binctin, op. cit.
prévus par le législateur), ce même savoir-faire ne pourra être transmis que dans le cadre d’un
apport en industrie.
On remarque alors que dans ce cas l’apport en savoir-faire, bien que réalisé dans le cadre d’un
apport en industrie, sera ponctuel et instantané65. Il en résulte qu’il s’agit d’un apport en
industrie particulier en ce qu’il ne présente pas le caractère successif habituellement rencontré
dans le cadre de ces mêmes apports en industrie ; bien qu’ayant des caractères propres,
l’apport en industrie, de par la multitude de comportements qu’il couvre, doit ici, du fait de la
particularité de l’apport en savoir-faire, ignorer le caractère successif qui le caractérise pour
laisser place à un caractère d’instantanéité66.
L’apport en industrie, on l’aura bien compris, est une notion relativement souple qui a
progressivement été étendue, quitte à s’éloigner de l’idée première d’industrie au sens de
travail, avec pour corollaire une adaptation, voire une dénaturation, de ses caractères propres.
Cependant, comme tout apport en société, l’apport en industrie est générateur d’obligations
diverses à la charge de celui qui s’engage à le réaliser.
§II : L’apport en industrie, source d’obligations pour l’apporteur en industrie
30-Souscrire à un apport en industrie (ou à tout autre apport) crée à la charge de l’apporteur
diverses obligations. Parmi elles, se trouvent la mise à disposition de son activité à la société,
en d’autres termes celle de réaliser l’apport (A). Mais l’on remarque toutefois que l’apport en
industrie n’est pas l’unique moyen pour une personne de mettre ses compétences au service
de la société, et se voit ainsi concurrencer (B).
A : L’obligation de réaliser l’apport
31-L’apport en industrie, en ce qu’il consiste en la réalisation d’un travail, met à la charge de
l’apporteur une obligation de faire (1). Mais l’on remarque que s’y ajoute une obligation de
ne pas faire (2), à savoir une obligation de non-concurrence, corrélative de la première, en ce
65
Remarquons toutefois qu’il a été jugé que le caractère occasionnel et épisodique de l’aide apportée dans
l’exploitation d’un fonds de commerce exclut la qualification d’apport en industrie. En ce sens : CA Bordeaux,
1ère
ch., 27 sept. 1990, Juris-Data n° 1990-046142. Egalement jugé que « l’aide ponctuelle apportée et les
conseils prodigués ne constituent pas un apport en industrie en vue de partager le bénéfice de l’exploitation ».
En ce sens : CA Caen, 1ère
ch., sect. civ. et com., 29 mars 2001 : Juris-Data n° 2001-194850. 66
Infra n° 98.
27
sens que l’apporteur ne peut mettre son travail et son talent à disposition que d’une seule
société, et doit se garder d’en faire profiter une société concurrente.
1 : L’obligation de faire
L’apport en industrie met à la charge de l’apporteur une obligation de faire. En effet, l’article
1843-3 du Code civil dispose que chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu’il
a promis de lui apporter en nature, en numéraire ou en industrie. L’apporteur doit donc fournir
la prestation promise, qui varie suivant l’objet de l’apport : accomplissement d’un travail,
d’une collaboration, ou transmission de connaissances, du crédit commercial etc. Comme
l’ont montré les développements précédents, la réalisation sera alors successive67 ou
ponctuelle68.
Dans l’exécution de sa prestation, l’apporteur en industrie n’est pas tenu, sauf stipulation
contraire, d’une obligation « déterminée » : n’ayant pas à garantir le résultat de son activité, il
faut mais il suffit qu’il apporte à son travail la diligence et les soins normaux du bon
professionnel.
Toutefois, il est communément admis qu’il est plus prudent de prévoir de manière détaillée les
modalités d’exécution dans les statuts ou dans l’acte d’apport, c’est-à-dire de bien délimiter le
domaine d’application de l’obligation pesant sur l’apporteur (par exemple la fréquence
attendue des interventions de l’apporteur dans la société), d’autant plus que l’article 1843-3,
dernier alinéa du Code civil l’oblige à rendre compte à la société de tous les gains qu’il a
réalisés par l’activité faisant l’objet de son apport.
Mme Baillod69 fait justement remarquer que « les statuts pourraient compléter l’obligation
d’apport proprement dite en imposant à l’apporteur de tenir ses coassociés au courant du
déroulement de ses activités et de ses résultats », comme cela est d’ailleurs prévu pour les
sociétés civiles professionnelles.
Parallèlement à l’obligation de faire engendrée par la souscription de son apport en industrie
par l’apporteur, celui-ci va se voir tenu d’une obligation de ne pas faire.
2 : L’obligation de ne pas faire
67
Supra n° 24. 68
Supra n° 29. 69
R. Baillod, op. cit., n°47.
32-Dans la droite lignée de l’obligation faite à l’apporteur en industrie de réaliser la prestation
par lui promise, celui-ci a également à sa charge une obligation de ne pas faire, prenant la
forme d’une obligation de non-concurrence.
Cette obligation de non-concurrence, rappelons-le, a suscité de nombreuses interrogations en
doctrine. La question posée était en effet celle de savoir si l’associé d’une société était tenu ou
non d’une obligation légale de non-concurrence70 (hors les cas où celle-ci résulterait d’une
quelconque disposition statutaire ou contractuelle) ?
Alors que la Cour de cassation semblait en avoir clairement affirmé le principe71, certains n’y
ont vu de sa part que de simples balbutiements72, alors que d’autres considéraient que
l’obligation de non-concurrence était acquise73, la jurisprudence ayant bien pris soin de mettre
à la charge de l’associé un devoir de loyauté74 auquel était venu s’ajouter un devoir de
fidélité75.
Mais à y regarder de plus près, l’on se rend compte que la question, bien que concernant
l’associé en général, vise en particulier les apporteurs en numéraire et en nature, l’existence
d’une obligation de non-concurrence à la charge de l’apporteur en industrie étant
communément reconnue par les auteurs.
Certes cette obligation de non-concurrence n’est pas expressément prévue par les textes76,
mais déduite de ceux-ci, et notamment de l’article 1843-3 du Code civil qui oblige l’apporteur
en industrie « à rendre compte de tous les gains réalisés par l’activité faisant l’objet de son
apport ».
70
Y. Guyon, L’associé d’une SARL est-il tenu d’une obligation légale de non-concurrence ?, Rev. sociétés, 1991,
p. 761. 71
Cass. com., 6 mai 1991 : SARL Abris Jaeckle Le loup c/ Jaeckle : Rev. des sociétés 1991, p. 760, note Y.
Guyon ; D. 1991, p.609, note Viandier, RTD com., 1992, p. 621. 72
Y. Guyon, ibid. 73
A. Viandier et J.-J. Caussain, Sociétés (en général), droit des sociétés, JCP E 2002, 851, §3, p. 899. 74
Cass. com., 12 févr. 2002 : Darrès et a. c/ Sté Locam et a. : JCP E 2002, n°478, p. 502. 75
D’aucuns s’interrogent d’ailleurs sur le point de savoir si les deux termes sont réellement différents. Sur ce
point, V. J. Monnet, Le gérant démissionnaire doit s’abstenir de tout acte de concurrence déloyale pendant le
temps du préavis statutaire, JCP E 2002, n°1603, p. 1776. 76
Sous réserve de certains cas expressément prévus par la loi, comme par exemple l’article 4 de la loi du 29
novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles.
29
De surcroît, et bien qu’aucun texte n’interdise expressément à l’apporteur en industrie
d’exercer une activité concurrente de celle de la société, Mme Baillod77 considère que tant
l’affectio societatis que le principe de bonne foi dans l’exécution des contrats (art. 1134, al. 3,
C. civ.) peuvent servir de fondement à cette obligation de non concurrence.
D’aucuns soulèvent même qu’il est toujours possible de raisonner sur le fondement des
principes généraux sanctionnant la concurrence déloyale78.
33-Mais il faut ajouter que l’obligation de non concurrence ne signifie pas que l’apporteur ait
à sa charge une obligation d’exclusivité79. En effet, sous l’empire de l’ancien article 1847 du
Code civil, on admettait que l’apporteur en industrie n’était pas tenu d’une telle obligation.
En conséquence, et à moins que les statuts ou la loi n’en aient disposé autrement, l’apporteur
en industrie est en droit d’exercer, dans une autre société non concurrente de la sienne, le
même type d’activité que celle exercée dans la société initiale.
Il apparaît donc clairement qu’un aménagement statutaire s’impose, de manière à établir
clairement les relations juridiques entre l’apporteur en industrie et la société.
On remarque cependant que mettre son activité à disposition d’une société n’est pas le seul
apanage de l’apport en industrie, le contrat de travail permettant lui aussi cette mise à
disposition, concurrençant de ce fait ledit apport.
B : L’apport en industrie, une notion concurrencée
34-M. Bardoul80soutient qu’outre certaines difficultés inhérentes à l’apport en industrie et le
traitement qui lui a été octroyé, « rien ne pouvait contribuer plus efficacement au déclin des
apports en industrie que le développement des réglementations fiscales et sociales propres à
convaincre celui qui engage son industrie à la faire en vertu d’un contrat de travail81, sauf à
77
R. Baillod, op. cit., n°49 et 50. 78
Juris-Classeur sociétés 2004, op. cit., p. 14, n°55. 79
Sous réserve du cas particulier des sociétés civiles professionnelles, dans lesquelles existe en principe pour
chaque associé, une obligation légale d’exclusivité. 80
J. Bardoul, Les apports en industrie dans les sociétés civiles professionnelles, Rev. sociétés 1973, p. 419. 81
Au milieu des années 60, les salariés représentaient 80% de la population active. In J.-J. Dupeyroux, M.
Borgetto, R. Lafore et R. Ruellan, Droit de la sécurité sociale, Précis Dalloz, 15ème
éd., 2005, n° 119.
cumuler la qualité de salarié avec celle d’associé82 acquise au moyen d’autres apports ». Dès
lors s’est opérée une « substitution progressive (…) du statut de salarié à celui d’associé83 ».
En effet, le statut de salarié, bien qu’impliquant un lien de subordination (1), présente des
avantages certains lui permettant de concurrencer le statut d’apporteur en industrie (2).
1 : Le contrat de travail ou l’existence d’un lien de subordination
Bien que portant sur une prestation similaire à celle effectuée dans le cadre de l’apport en
industrie84, le contrat de travail s’en différencie à certains égards.
La Cour de cassation a pris soin de définir la notion même de « contrat de travail » ; pour elle
il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la
direction d’une autre personne moyennant rémunération85. Il ressort de cette définition trois
éléments nécessaires pour caractériser la relation de travail : la fourniture d’un travail, une
rémunération et un lien de subordination.
L’on remarque d’emblée que les deux premiers éléments se retrouvent dans la cadre de
l’apport en industrie – tout du moins dans son acception traditionnelle de mise à disposition
d’un travail – alors que le troisième y fait défaut.
En effet, alors que dans le cadre du contrat de travail, le lien de subordination, bien plus qu’un
critère, en est « l’âme même »86, l’affectio societatis inhérent au contrat de société empêche
toute idée de hiérarchie entre les associés, tous les associés ont un droit d’intervention dans
82
Pour Mme Baillod, une personne peut être apporteur en numéraire ou en nature et à la fois salarié. Toutefois
elle ne peut cumuler le statut d’apporteur en industrie avec celui de salarié, elle sera soit l’un soit l’autre. Mais
elle réserve l’hypothèse particulière de la société anonyme à participation ouvrière (SAPO), où une seule et
même prestation de travail vaut à la fois exécution d’un contrat de travail et libération d’un apport en industrie :
R. Baillod, op. cit., n° 9. Au contraire, certains considèrent qu’il est possible de cumuler les statuts de mandataire
social, de salarié et d’apporteur en industrie, à condition que l’on puisse attribuer à chacun l’activité
correspondant, et bien que cela puisse être dans certains cas artificiel, sur ce point V. P. Le Cannu et B. Dondero,
Modernisation de l’économie (loi du 4 août 2008), RTD com., octobre/décembre 2008, n° 4, p. 784. 83
P.-E. Normand, Réflexions sur la place des apports en industrie dans les sociétés de capitaux d’exercice
libéral, JCP N 1990, II, p. 282. 84
Dans le seul cas où la prestation fournie est un travail, qu’il y a un « concours actif », et hors le cas où la
personne met son nom ou sa notoriété à la disposition de la société. Le contrat de travail permet, on le voit,
d’englober un ensemble moins large de comportements que ne le permet l’apport en industrie. 85
In B. Bossu, F. Dumont et P.-Y. Verkindt, Droit du travail, tome 1 (introduction et relations individuelles de
travail), Montchrestien, éd. 2007, n°177, p. 93. 86
In F. Favennec-Héry et P.-Y. Verkindt, Droit du travail, Manuel, L.G.D.J., éd. 2007, n°278, p. 317.
31
les affaires sociales, quand bien même il a été jugé que l’égalité entre associés souffrait que
l’un d’eux ait la direction de l’entreprise87.
Alors que le salarié est en situation de subordination juridique envers son employeur, l’associé
exerce son activité en toute indépendance, il y a une collaboration égalitaire entre tous les
associés. Mais si à l’inverse la prestation est réalisée dans le respect des consignes et sans
autonomie décisionnelle, il y a lien de subordination, ce qui entraîne nécessairement la
reconnaissance d’un contrat de travail, quelle que soit la qualification donnée par les parties
au contrat88. A titre d’exemples du critère de subordination, on peut citer la soumission à un
contrôle effectif, le fait de recevoir des directives précises ou encore l’intégration dans un
service organisé fonctionnant sous la direction et la responsabilité de l’employeur89.
Par ailleurs cette exigence d’indépendance a pour corollaire le critère de « travail de
direction »90, qui se traduit pour l’apporteur en industrie en une collaboration se situant au
niveau d’un travail de direction. Il en résulte que l’apporteur dirige son propre travail qu’il
réalise en toute autonomie.
Mais alors que le statut de salarié implique nécessairement un lien de subordination, il
apparaît clairement que celui-ci présente par rapport au statut d’apporteur en industrie des
avantages certains.
2 : Les avantages inhérents au statut de salarié
35-Le statut d’apporteur en industrie est souvent comparé à celui de salarié, avec le constat
que ce dernier offre des avantages indéniables lui permettant de supplanter le statut
d’apporteur en industrie.
Le premier avantage qui vient à l’esprit concerne la rémunération. De par son régime, le
salarié perçoit une rémunération, quand bien même la société ne réaliserait pas de bénéfices.
Certes, on peut objecter que le montant de la rémunération perçu dans le cadre du contrat de
87
Cass. soc. 16 oct. 1963: Bull. civ., IV, n° 576 ; D. 1964, jurisp. p. 149 (à propos d’une société entre le
propriétaire d’une ferme et les exploitants de celle-ci). 88
Cass. soc. 17 avr. 1991 : Bull. civ. 1991, V, n°200. 89
Cass. ass. plén., 4 mars 1983 ; D. 1983, jurisp. p. 381, concl. J. Cabannes. 90
Supra n° 22.
travail est théoriquement moins conséquent qu’une rémunération perçu dans le cadre d’un
apport (dans l’hypothèse d’une société en bonne santé financière).
Mais, si la société vient à réaliser des bénéfices, le salarié peut y avoir droit par le biais des
règles de la participation et de l’intéressement.
En outre, le salarié peut même devenir associé sans verser le moindre apport, puisqu’il peut se
voir attribuer des actions gratuites91.
Il convient par ailleurs d’ajouter que le statut de salarié est d’autant plus intéressant que celui-
ci va pouvoir bénéficier de nombreuses règles protectrices propres à son statut, comme par
exemple en matière de salaire minimum légal ou conventionnel, de licenciement, de
juridictions, d’assujettissement à la sécurité sociale etc.
Autant de règles protectrices du salarié auxquelles l’apporteur en industrie n’a pas droit, et qui
ressortissent de la présence du lien de subordination auquel le salarié est soumis.
Mais bien que concurrencé, l’apport en industrie n’en reste pas moins, de par sa malléabilité,
un moyen efficace de prendre part à une société par le biais de sa seule activité. En effet le
contrat de travail est par contrecoup doté d’un objet plus restreint puisqu’il ne concerne que la
mise à disposition par le salarié d’un simple travail au sens originel du terme, et ne permet
donc pas d’englober autant de comportements que ne le permet l’apport en industrie.
Toutefois, le capital ayant pris une place prépondérante au sein des structures sociétaires,
l’apport en industrie n’y a été admis que progressivement.
Section II : L’admission de l’apport en industrie dans les structures sociétaires
36-La possibilité de réaliser un apport en industrie au sein de la SAS résulte de la loi dite de
« modernisation de l’économie » en date du 4 août 2008. Mais cette faculté de réaliser des
apports en industrie a d’abord fait l’objet d’une admission réservée au sein des structures
juridiques que sont les sociétés (§I), pour dernièrement être admise dans le cadre de la SAS,
suivant un cheminement parallèle à celui de la SARL (§II).
91
J.-Ph. Dom, L’attribution gratuite d’actions, Bull. Joly 2005, p. 188 ; M. Vasseur, La loi du 24 octobre 1980
créant une distribution gratuite d’actions en faveur des salariés des entreprises et les principes du droit français,
D. 1981, chron. 63, Y. Guyon, La distribution d’actions gratuites aux salariés, JCP 1982, I, 3006 ; A. Viandier,
La loi créant une distribution gratuite d’actions aux salariés, Rev. sociétés 1981, p. 475.
33
§I : L’admission réservée de l’apport en industrie au sein des sociétés
Certaines catégories de sociétés admettent depuis maintenant longtemps que soient réalisés
des apports en industrie en leur sein. Cette admission concerne les sociétés de personnes,
aussi bien dans le secteur civil (A) que le secteur commercial (B).
A : L’admission au sein des structures juridiques du secteur civil
L’apport en industrie, en ce qu’il implique un travail, manuel ou intellectuel, est un apport
incontournable dans certaines structures juridiques que sont le GAEC (1) et les SCP (2), en ce
que l’objet de la société est étroitement lié à l’activité de ses membres.
1 : L’admission de l’apport en industrie au sein du GAEC
37-Le Groupement Agricole d’Exploitation en Commun se situe, comme son nom l’indique,
dans la sphère agricole. Il est indéniable que le travail de l’Homme y prend une place
importante. En effet, le travail de la terre constitue, et ce depuis plusieurs siècles, son premier
moyen de subsistance.
Il eût été alors étrange, si ce n’est illogique, de ne pas admettre l’apport en industrie au sein de
cette structure juridique propre au milieu rural.
La loi du 8 août 196292, codifiée dans le Code rural, prévoit expressément la possibilité
d’apporter son industrie au sein du GAEC. L’apport d’une force de travail y est un apport
essentiel, tel que certains le considèrent comme inhérent au statut d’associé93.
Certes la loi permet d’y effectuer les autres types d’apports que sont l’apport en numéraire et
l’apport en nature, mais l’apport en industrie apparaît bel et bien comme étant l’apport le plus
important, puisqu’il permet de concourir à la réalisation de l’objet social.
L’on notera donc que même isolé de tout autre apport, l’apport en industrie au sein du GAEC
confère bel et bien la qualité d’associé à la personne qui réalise ledit apport.
38-Ajoutons également que l’apport en industrie trouve aussi sa place au sein de l’EARL,
instituée par la loi du 11 juillet 198594, qui à défaut de disposition spéciale à ce sujet, oblige à
se référer au droit commun des sociétés, et notamment l’article 1843-2 du Code civil qui
92
Loi n° 62-917 du 8 août 1962. 93
Juris-Classeur sociétés 2004, op. cit., p. 8, n° 31. 94
Loi n° 85-967 du 11 juillet 1985, instituant l’Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL).
prévoit l’existence et organise le statut de l’apport en industrie, ce qui paraît somme toute
logique.
Mais il est également un autre secteur au sein duquel l’apport en industrie a su trouver sa
place, à savoir le secteur professionnel.
2 : L’admission de l’apport en industrie au sein de la SCP
39-La SCP95 a un objet légal spécial. En effet, elle a pour but l’exercice en commun d’une
profession libérale réglementée. D’aucuns remarquent dès lors qu’il est normal que l’apport
en industrie y ait trouvé son « terrain d’élection »96. Les apports en industrie sont essentiels
dans les entreprises dont l’objet social se confond avec l’activité des associés97.
Pourtant l’admission des apports en industrie au sein de ces sociétés civiles professionnelles a
fait débat98. En effet, lors des discussions au Parlement, il a été un moment question de
supprimer l’article 9 de la loi de 1966 sur lesdites sociétés civiles professionnelles, article qui
prévoyait la possibilité d’y réaliser des apports en industrie99.
Mais c’était sans compter sur la levée de boucliers de toutes les associations de jeunes
avocats, avoués, médecins et architectes100, qui avaient bien compris que faute d’argent,
l’apport en industrie constituait le meilleur moyen d’accession au statut d’associé. En effet,
les jeunes diplômés ont le plus souvent des moyens financiers limités et n’ont rien d’autre à
offrir que leur force de travail.
Sauf à emprunter auprès d’une banque – ce qui risque d’être difficile dans le contexte de crise
actuel – et à réaliser un apport en numéraire (ou en nature), le jeune désargenté ne peut
95
Loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 instituant la Société Civile Professionnelle ; JCP G 1966, III, 32517. 96
P. Engel, L’apporteur en industrie dans une SCP a-t-il droit à une indemnité en cas de retrait, JCP E 1999, p.
1376. 97
D’où l’incompréhension quant à la prohibition de l’apport en industrie au sein des sociétés de capitaux
d’exercice libéral. Sur ce point, v. P.-E. Normand, op. cit. Rappelons toutefois que cette prohibition n’a plus lieu
d’être depuis la loi NRE du 15 mai 2001. 98
D’aucuns s’étonnent d’ailleurs que de tels apports soient admis dans les SCP, puisque « le propre de la SCP est
de reposer sur l’industrie commune des associés ». Sur ce point, V. F. Terré, Les sociétés civiles professionnelles
(commentaire de la loi du 29 novembre 1966), JCP G, 1967, I, 2103. 99
Sur ce point, V. F. Terré, idem. 100
G. Liet-Veaux, Une pomme de discorde : Les apports en industrie dans les sociétés civiles professionnelles,
Gaz. Pal. 1966, II, doctr. 110.
35
prétendre qu’au statut de salarié, voire de collaborateur, et ne peut donc bénéficier du statut
d’associé. Risque de s’en ressentir alors une motivation moindre en ce que celui-ci pourrait
avoir l’impression de ne pas être considéré comme un membre à part entière de la société.
Il a été jugé que « si la constitution de réserves au moyen de bénéfices non distribués ou le
dégagement de plus-values d’actif dues à l’industrie des associés le permet, il est procédé
périodiquement à l’augmentation du capital, et les parts sociales ainsi créées doivent être
attribuées à tous les associés, y compris ceux qui n’ont apporté que leur industrie »101. La
Cour de cassation semble ici bel et bien prendre en compte la présence éventuelle
d’apporteurs en industrie qu’elle considère alors comme des « apporteurs en capital en
puissance »102. Le statut d’apporteur en industrie semble être alors envisagé comme étant une
période transitoire pour un jeune professionnel, avant l’accession au statut « ultime »
d’associé en capital103.
40-Mais au-delà de la question de l’accession d’un jeune diplômé au statut d’associé, il est
fait remarquer que l’apport en industrie constitue dans les SCP le « corollaire opportun, pour
ne pas dire indispensable, de l’apport de clientèle civile, un tel apport risquant d’être une
opération stérile pour la société s’il ne s’accompagne pas de la collaboration active de
l’apporteur, en raison principalement du rapport de confiance existant entre la clientèle et
son titulaire »104. En effet, l’apport de clientèle constitue un apport en nature, qu’il est loisible
à tout professionnel de réaliser. Mais quel serait l’intérêt d’un tel apport s’il n’était combiné
avec un apport en industrie de la part du titulaire de la clientèle105 ?
Toutefois, l’on remarque que l’apport en industrie au sein des sociétés civiles professionnelles
n’est concevable qu’en ce que les associés de ces sociétés engagent leur responsabilité de
manière solidaire et indéfinie, ce qui signifie que les associés sont des associés à risques
illimités. Ce critère se retrouve également dans certaines sociétés à forme commerciale.
101
Cass. civ. 1ère
, 16 juill. 1998 : Juris-Data n° 1998-003264 ; Bull. Joly 1998, p. 1078 ; Dr. Sociétés 1998,
comm. 121, note T. Bonneau. 102
J.-J. Daigre, SCP : l’associé en industrie est un associé en capital en puissance, Bull. Joly 1998, p. 1131. 103
Notons toutefois qu’en vertu de l’article 14, alinéa 3, de la loi du 29 novembre 1966, « en l’absence de
dispositions règlementaire ou de clauses statutaire, chaque associé a le droit a la même part dans les
bénéfices ». 104
Juris-Classeur sociétés 2004, op. cit., n° 26, p. 7. 105
V. J. Bardoul, op. cit., 1973.
B : L’admission au sein des structures juridiques du secteur commercial
Des groupements à forme commerciale, telles que les sociétés en nom collectif (SNC) et les
sociétés en commandite (1) admettent que leur soient associés des apporteurs en industrie, et
ce seulement en ce que ces sociétés impliquent une responsabilité illimitée de leurs membres
(2).
1 : L’admission des apports en industrie au sein des sociétés en nom collectif et en
commandite
41-L’apport en industrie est pleinement admis dans le cadre des sociétés en nom collectif et
des sociétés en commandite simple ou par action.
Remarquons toutefois que dans le cadre des sociétés en commandite, l’article L. 222-1 du
Code de commerce interdit aux associés commanditaires de réaliser leur apport en société
sous forme d’apport en industrie, puisque seuls les associés indéfiniment responsables sont
autorisés à effectuer des apports en industrie.
En d’autres termes, seuls les associés à risques illimités peuvent réaliser des apports en
industrie dans ces sociétés de forme commerciale.
2 : L’admission des apports en industrie au sein des groupements à risque illimité
42-Les groupements à forme commerciale pouvant accueillir des apports en industrie
supposent la responsabilité illimitée de leurs associés.
Dans le cadre des sociétés en commandite, seuls les commandités peuvent réaliser des apports
en industrie. Cela réside dans le fait que les commanditaires, par le biais de leurs apports,
participent à la formation du capital social et ne répondent des dettes sociales qu’à
concurrence de leur apport.
Aucune interdiction équivalente n’est en revanche formulée pour les commandités106 qui, au
même titre que des associés en nom collectif, sont tenus indéfiniment et solidairement des
dettes sociales, peu important dès lors qu’ils réalisent un apport en industrie.
Remarquons toutefois l’incohérence qui préside ici d’admettre par principe les apports en
industrie que dans les seules sociétés à risque illimité, puisque ceux-ci ne concourent jamais à
106
Les apports des associés commandités ne figurent pas dans le capital social mais dans un compte spécial de
fonds propres.
37
la formation du capital social107. En effet, le capital social est censé servir d’assise au gage des
créanciers sociaux108, celui-ci étant limité aux montants des apports effectués par les associés.
Or le simple fait que les apports en industrie n’entrent pas dans le montant chiffré du capital
social devrait permettre d’intégrer les apports en industrie dans toutes les formes de sociétés,
tant à risque illimité que limité. Les créanciers sociaux ne s’en trouveraient pas pour autant
spoliés, puisque seuls les apports en numéraire et en nature seraient pris en compte pour fixer
le montant du capital social. Les créanciers sociaux seraient dès lors avertis avant de
s’engager. Certes, les relations entre associés en seraient alors affectées, mais la relation entre
les associés et les tiers créanciers sociaux resterait la même. Mieux encore, les autres associés
pourraient bénéficier du talent de l’apporteur en industrie et accroître leurs bénéfices.
Malgré tout, l’on remarque que la distinction, qui reposait sur la responsabilité illimitée ou
non des associés pour pouvoir admettre les apports en industrie au sein des structures
sociétaires tend encore à s’amoindrir, puisque récemment la loi dite de « modernisation de
l’économie » du 4 août 2008 vient d’autoriser l’émission de parts d’industrie dans le cadre des
sociétés par actions simplifiées – sociétés à risque limité – comme cela avait été fait dans les
SARL.
§II : L’admission des apports en industrie au sein de la SAS
43-La loi du 4 août 2008, en autorisant les apports en industrie au sein des SAS, participe à la
libéralisation toujours plus importante de cette forme sociale.
Toutefois, la SAS n’est pas la première société à risque limité qui bénéficie de la faculté
d’émettre des parts d’industrie, puisqu’avant elle, la SARL avait elle aussi été pourvue de
cette faculté.
Dès lors, et bien que ces sociétés présentent de multiples différences, on ne peut s’empêcher
de remarquer que la SAS – bien qu’étant soumise à un régime spécifique – a suivi un
cheminement (B) qui n’est pas sans rappeler celui de la SARL (A).
A : L’admission des apports en industrie au sein de la SARL
107
Et ce d’ailleurs dans toutes les formes de sociétés existantes, comme en dispose l’article 1843-2, alinéa 2, du
Code civil. 108
Infra n° 120 à 122 et n° 126 à 130.
44-Après une admission timide des apports en industrie en son sein, la SARL s’est vue
octroyer la faculté d’émettre pleinement des parts sociales représentatives d’apports en
industrie (1), faculté s’accompagnant d’une libéralisation toujours plus accrue de son capital
social (2).
1 : L’admission progressive des apports en industrie dans la SARL
La possibilité de réaliser des apports en industrie au sein de la SARL n’est pas nouvelle. En
effet, cette faculté est admise depuis la loi du 10 juillet 1982109, sous réserve du respect de
certaines conditions. Bien que comprise à l’origine comme faisant partie des sociétés pour
lesquelles la loi du 24 juillet 1966110 interdisait toute émission de parts d’industrie111, la loi de
1982 a par exception posé le principe selon lequel « (…) lorsque l’objet de la société porte
sur l’exploitation d’un fonds de commerce ou d’une entreprise artisanale apporté à la société
ou créé par elle à partir d’éléments corporels ou incorporels qui lui sont apportés en nature,
l’apporteur en nature, ou son conjoint, peut apporter son industrie lorsque son activité
principale est liée à la réalisation de l’objet social ». Le but premier de cette loi était alors de
permettre au conjoint de l’entrepreneur d’accéder au statut d’associé sans pour autant avoir à
réaliser un apport en nature ou en numéraire. Sa seule collaboration suffisait à lui octroyer le
statut d’associé112.
45-Mais presque vingt ans plus tard, la loi dite de Nouvelles Régulations Economiques (loi
NRE) du 15 mai 2001113 a permis l’admission pleine et entière de l’apport en industrie au sein
de la SARL114. La raison alors avancée était de « faciliter la création d’entreprises (…) »115.
109
Loi n° 82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans
l’entreprise familiale. 110
Loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. 111
Et de du fait de l’interdiction de principe faite aux sociétés à risque limité de recevoir des apports en industrie. 112
Rappelons que le conjoint avait le choix entre trois régimes différents, à savoir celui d’associé, de salarié ou de
collaborateur. Etait ainsi évitée la qualification de commerçant de fait, pouvant avoir des conséquences
importantes quant à sa responsabilité auprès des tiers cocontractants. 113
Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE).
114Un peu plus tôt, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris avait fait une proposition (refusée) tendant à
ce que soient admis dans les SARL des parts sociales représentatives d’apports en industrie dans la limite du
quart du capital social. In J. Paillusseau, La modernisation du droit des sociétés commerciales : une reconception
du droit des sociétés commerciales, D. 1996, chron. p. 287, n°19.
39
Dorénavant il revient aux statuts de déterminer « les modalités selon lesquelles peuvent être
souscrites des parts sociales en industrie »116.
Mais faciliter la création d’entreprise nécessitait également que soit libéralisé le capital social
de la SARL.
2 : La libéralisation progressive du capital social de la SARL
46-La libéralisation du capital social de la SARL a connu deux étapes successives.
Tout d’abord, la loi NRE du 15 mai 2001, alors qu’elle élargissait la possibilité d’émettre des
parts d’industrie dans les SARL, prévoyait que la libération du capital social de celles-ci –
d’un montant de 7 500 euros – pouvait être fractionnée, à savoir que 1/5ème
du montant devait
être libéré immédiatement dès la souscription, le solde restant pouvant être libéré dans un
délai de cinq ans suivant la constitution de la société. La constitution de la SARL s’en trouvait
déjà grandement facilitée.
Puis dans un second temps, la loi pour l’initiative économique du 1er
août 2003117 a porté le
coup de grâce au capital social de la SARL en permettant aux associés fondateurs de ce type
de sociétés de les constituer avec un capital librement fixé dans les statuts ; ce qui revient à
dire que l’exigence de constituer un capital social minimum n’est plus. Une SARL peut alors
être constituée avec un euro, ce qui a fait l’objet de vives critiques au sein de la doctrine118,
notamment en ce qui concerne le risque systémique engendré par un trop plein de sociétés
sous-capitalisées119.
Admission des apports en industrie et suppression de l’exigence d’un capital minimum de
départ, telle a été le processus de libéralisation des modalités de constitution de la SARL, qui
115
Rapport Besson, Ass. Nat., 2000, n° 2868, à propos de l’art. 68 bis, in P. Le Cannu, Les apports à une SARL et
la libération du capital des sociétés (art. 124 de la loi NRE, L. 223-7 et L. 231-5 du Code de commerce), Rev.
sociétés 2001, p. 633. 116
Art. L. 223-7, alinéa 2, du Code de commerce. 117
Loi n° 2003-721 du 1er
août 2003 pour l’initiative économique : JCP N 2003, n° 41, p. 1538. 118
En ce sens, v. par exemple L. Jobert, La SARL à 1 euro : un coup d’épée dans l’eau !, Dr. sociétés 2003 ; Th.
Massart, Une grande réforme à petit budget : la SARL au capital de 1 euro, Bull. Joly sociétés, 1er
déc. 2002, p.
1361 ou encore R. Mortier, La modernisation du droit des sociétés, JCP E 2008, n° 2233, p. 34. 119
Infra n° 136.
a fortement inspiré la loi de modernisation de l’économie concernant les SAS, bien que celles-
ci se soient vues octroyer un régime spécifique.
B : L’admission des apports en industrie au sein de la SAS ou l’instauration d’un régime
spécifique
47-Les différentes lois relatives à la SAS qui se sont succédé sont allées dans le sens d’une
libéralisation toujours plus grande de la SAS. La LME ne fait alors pas figure d’exception et,
suivant le raisonnement adopté pour la SARL, a libéralisé le capital social de la SAS (1) tout
en autorisant l’admission des apports en industrie au sein de celle-ci (2), faisant ainsi « d’une
pierre deux coups ».
1 : La libéralisation du capital social de la SAS
48-D’aucuns120 rapportent que lors de la loi sur l’extension du régime de la SAS en 1999121, il
était déjà question d’abaisser le seuil du capital social de celle-ci pour l’aligner sur celui de la
SARL122. C’est désormais chose faite, puisque depuis le 4 août 2008, plus aucun seuil
minimal n’est exigé en ce qui concerne le montant du capital social de la SAS123, celui-ci étant
maintenant fixé par les statuts.
Le raisonnement étant parallèle à celui utilisé pour la SARL, les critiques qui se sont élevées à
son encontre concernent également la SAS124.
Toujours dans cette idée de parallélisme, l’on remarque que la LME permet aussi l’émission
de parts d’industrie par les SAS, avec cette spécificité toutefois que ladite LME prévoit un
régime particulier à cet apport.
2 : Le régime particulier des apports en industrie issu de la LME
120
Th. Massart, op. cit., 2002. 121
Loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche. 122
Qui était encore à l’époque, rappelons-le, de 7 500 euros. 123
Qui était anciennement de 37 500 euros. 124
Th. Massart, La modernisation de la SAS ou comment apporter moins pour gagner plus, Bull. Joly sociétés
2008, p. 632.
41
49-Un auteur125, au vu du régime appliqué par la LME à ces apports, propose de les envisager
sous la forme d’un acronyme : les AIRAI (Actions Inaliénables Résultant d’Apports en
Industrie)126.
Dans un premier temps, l’auteur fait remarquer que ces actions restent en dehors du capital
social, et n’ont donc pas de valeur nominale. Cependant, les titulaires de ces actions ont des
droits et obligations sensiblement identiques à ceux des titulaires d’actions ordinaires.
50-Dans un deuxième temps ensuite, l’auteur s’interroge sur le sens de l’article 14 de la LME
qui prévoit que les statuts « fixent également le délai au terme duquel, après leur émission,
ces actions font l’objet d’une évaluation »127. L’auteur prend soin de citer le rapport sénatorial
qui précise que « (…) l’apport en industrie est susceptible de voir sa valeur décliner ou, à
l’inverse, augmenter avec le temps »128 et qu’il « est donc souhaitable, pour l’équilibre des
relations entre les actionnaires, et quand bien même les actions émises en contrepartie de
l’apport ne concourent pas à la formation du capital social, que cette valeur puisse être
réévaluée périodiquement ». L’auteur alors de s’indigner d’une « profonde méconnaissance
des mécanismes sociétaires », et de remarquer que la répartition des droits s’effectue en
fonction de la valeur des apports au moment de leur libération, que cet apport soit en nature
ou en industrie. Dès lors, quand bien même la valeur d’un apport déclinerait avec le temps, les
droits de l’associé resteraient les mêmes. Et l’auteur de conclure que « la valeur d’une action
ne dépend pas de la valeur de l’apport mais du montant de l’actif net de la société et des
perspectives de dividendes futurs ».
51-Enfin, l’auteur s’étonne que ces actions soient soumises par la loi à une règle
d’inaliénabilité129 d’autant qu’il existe des mécanismes permettant aisément de contourner
cette règle.
On l’a vu, l’apport en industrie a eu quelque mal à se faire une place au sein des structures
sociétaires. Mais aujourd’hui, celui-ci est appréhendé par bon nombre d’entre elles, et
notamment par la SAS depuis la loi dite de « modernisation de l’économie » du 4 août 2008.
125
Th. Massart, op. cit., 2002. 126
Art. L. 227-1, alinéa 4, du Code de commerce. 127
Infra n° 112 à 118. 128
Infra n° 105 à 107. 129
Infra n° 87 à 90.
Cette appréhension par la SAS va permettre – de par la liberté statutaire caractérisant cette
forme sociétaire – d’accorder enfin à l’apporteur en industrie la reconnaissance qu’il mérite.
Chapitre II : La reconnaissance de l’apporteur en industrie
52-La SAS est une société plus contractuelle qu’institutionnelle, ce dont il résulte qu’il est
loisible à ses associés d’en organiser le fonctionnement par le biais des statuts. Dès lors, en
permettant l’émission de parts d’industrie dans les SAS, la LME participe à améliorer le statut
de l’apporteur en industrie, dont les droits et pouvoirs seront répartis d’une manière plus juste
(Section I). Mais la LME ne règle pas tous les problèmes liés au statut de l’apporteur en
industrie, puisque la problématique concernant la cessation de son activité par ledit apporteur
reste encore floue (Section II).
Section I : Un réajustement des droits et pouvoirs de l’apporteur en industrie
De par son statut légal, l’apporteur en industrie paraît être un associé de « seconde zone »130.
Toutefois, il apparaît clairement que la liberté contractuelle qui caractérise la SAS va être le
fer de lance de l’apporteur en industrie, en ce sens qu’elle va permettre d’aménager la
rémunération de celui-ci (§I) ainsi que de lui octroyer un droit d’intervention accru dans la vie
sociale (§II).
§I : La rémunération de l’apporteur en industrie
53-Alors même que l’apporteur en industrie est un associé à part entière131, l’article 1843-2 du
Code civil dispose que « les apports en industrie ne concourent pas à la formation du capital
social, mais donnent lieu à l’attribution de parts ouvrant droit au partage des bénéfices et de
l’actif net, à charge de contribuer aux pertes »132. Dès lors, la loi lui réserve un traitement
130
C. Malecki, op. cit. 131
Cass. civ. 1ère
, 30 mars 2004 : Bull. Joly sociétés 2004, p. 1001, § 202, note R. Baillod, en censurant les juges
du fond qui avaient fait droit à une demande de dissolution pour disparition de la pluralité d’associés (d’une
SCP), demande formulée par le seul associé apporteur en capital, malgré la présence d’un autre associé,
apporteur en industrie.
132Remarquons que l’apport en industrie est un apport qui ne peut faire l’objet d’aucun remboursement. Sur ce
point, V. D. Poracchia, L’apporteur en industrie ne peut reprendre son apport à l’occasion de la liquidation de la
société, Rev. sociétés 2006, p. 111 (note sous Cass. civ. 1ère
, 19 avril 2005).
43
inégalitaire, voire arbitraire, quant à son statut pécuniaire (A), inégalité qui n’est toutefois que
supplétive et qui va pouvoir être corrigée grâce aux statuts (B).
A : Un statut pécuniaire légal arbitraire
54-L’article 1844 du Code civil133, qui détermine les droits et obligations patrimoniaux de
l’apporteur en industrie est par principe arbitraire, puisque cet article prévoit que la
participation de l’apporteur, tant dans les bénéfices (1) que dans les pertes (2), est égale à celle
de l’associé qui a le moins apporté.
1 : La part de l’apporteur en industrie dans les bénéfices
Avant toute chose, il convient de préciser que ne serons envisagées ici que les seules sociétés
à risque limité, puisque comme nous l’avons vu précédemment, les sociétés à risque illimité
sont caractérisées par un traitement égalitaire des associés, et ce du fait de leur responsabilité
indéfinie et/ou solidaire134.
Comme il l’a été dit précédemment, la détermination des droits patrimoniaux de l’apporteur
en industrie est dominée par le fait que son apport ne concourt pas à la formation du capital
social. En effet le Code civil, dans son article 1844-1, énonce en la matière une solution de
principe – certes supplétive – selon laquelle « (…) la part de l’associé qui n’a apporté que
son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause
contraire ». Un auteur135 souligne d’ailleurs la formule négative (« ne…que ») réservée à
l’apporteur en industrie…
L’apport en industrie est donc assimilé au plus petit apport en capital, ce qui n’est pas exempt
de critiques, puisque cette règle est purement arbitraire136, l’apport en industrie pouvant
générer des profits importants, ou servir de faire-valoir aux apports en capitaux (l’on songe
133
Cet article dispose que « la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se
déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l’associé qui n’a apporté que son
industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté, sauf clause contraire ». 134
Il convient néanmoins de préciser que l’article 1857 du Code civil prévoit pour les sociétés civiles de droit
commun le principe d’une responsabilité indéfinie mais proportionnelle des associés à l’égard des tiers. 135
C. Malecki, op. cit.
136Pour une critique en ce sens, V. L. Nurit-Pontier, op. cit., 2002.
notamment au cas d’un apporteur en garantie ou en savoir-faire, qui apporteront une plus-
value certaine à la société).
55-Certes, objectera-t-on que la règle n’est pas d’ordre public, la loi laissant toute liberté aux
statuts pour organiser une autre répartition. Mais en l’absence de précisions statutaires, il
fallait bien que loi pose une règle, tant il est vrai que le droit a horreur du vide. Toutefois le
simple fait que le législateur ait pu opter pour une telle règle peut surprendre, voire choquer,
et reflète bien l’idée générale selon laquelle travail et capital n’ont font pas l’objet des mêmes
considérations.
56-L’apporteur a droit alors à une partie des bénéfices, ainsi qu’à une part de l’actif net (c’est-
à-dire sur le boni de liquidation)137. De la sorte, l’apporteur a donc un droit acquis sur les
réserves constituées par prélèvement sur des bénéfices non distribués, sous conditions qu’elles
soient elles-mêmes distribuées. Toutefois certains138 s’interrogent sur l’éventuelle attribution à
l’apporteur en industrie des parts gratuites émises suite à une augmentation de capital par
incorporation de réserves139. Ceux-ci affirment que bien qu’une interprétation stricte de
l’article 1843-2 du Code civil conduirait à refuser à l’apporteur en industrie l’attribution de
ces parts, « il semble concevable de considérer le terme de bénéfices de manière extensive et
d’y inclure les distributions gratuites de parts (…) », s’appuyant entre autres pour étayer leurs
propos sur une décision de la Cour de cassation en date du 16 juillet 1998140 et qui pose le
principe de l’attribution des parts nouvelles à tous les associés – en capital ou en industrie –
lors d’une augmentation de capital par incorporations de réserves.
57-On remarque toutefois que concernant ledit boni de liquidation, l’article 1843-2 du Code
civil ne vaut que pour les sociétés civiles, puisque les sociétés commerciales ( et donc la SAS)
relèvent de l’article L. 237-29 du Code de commerce, qui dispose que « sauf clause contraire
des statuts, le partage des capitaux propres subsistant après remboursement du nominal des
actions ou des parts sociales est effectué entre les associés dans les mêmes proportions que
leur participation au capital social ». Il résulte que dans le silence des statuts, le capital étant
la base de répartition de l’actif net, l’apporteur en industrie se trouve privé de tout droit au
boni de liquidation, ce qui paraît somme toute choquant.
137
Infra n° 85 et 86. 138
Juris-Classeur sociétés 2004, op. cit. n° 70, p. 16. 139
Article L. 228-7 du Code de commerce. 140
Cass. civ. 1ère
, 16 juillet 1998,op cit.
45
58-Enfin, remarquons que l’apporteur en industrie a droit à la plus-value résultant de son
apport141.
Mais l’apport en société ne permet pas que le seul dégagement d’« un gain pécuniaire ou
matériel qui ajoute à la fortune des intéressés »142, car il arrive parfois que la société réalise
des pertes.
2 : La contribution aux pertes de l’apporteur en industrie
59-Avant toute chose, il convient de préciser que n’est envisagée ici que la question de la
« contribution aux pertes », qui est une notion propre aux sociétés à risque limité, et qui se
différencie de l’« obligation aux dettes sociales », inhérente aux structures à risque illimité.
En vertu de l’article 1843-2 du Code civil, « les apports en industrie ne concourent pas à la
formation du capital social, mais donnent lieu à l’attribution de parts ouvrant droit au
partage des bénéfices et de l’actif net, à charge de contribuer aux pertes », sachant que les
pertes sociales n’apparaissent que lorsque le capital social a été entamé par le paiement de
dettes qui excèdent les produits de l’exploitation. L’associé est donc exposé à supporter la
réduction du capital pour la disparition de tout ou partie du droit au remboursement de son
apport.
60-Mais alors que l’article 1844-1 – par contrecoup de la règle qu’il édicte pour les bénéfices
et le boni de liquidation – dispose que l’apporteur en industrie contribuera aux pertes pour le
même montant que l’apporteur en capital qui a le moins apporté, d’aucuns s’interrogent sur
les modalités de contribution aux pertes de l’apporteur en industrie143.
Parmi eux, Mme Nurit-Pontier144 évoque la difficulté engendrée par la contribution aux pertes
de l’apporteur en industrie, se demande si l’« on peut considérer que la privation de
l’apporteur en industrie de la rémunération de son activité, en raison de l’absence de
distribution de dividendes, peut être considérée comme une telle contribution, ou faut-il
141
Cass. civ. 1ère
, 6 décembre 2007, n° 05-17.090 ; commentaire par R. Mortier, L’apporteur en industrie spolié
de sa part d’actif net, Dr. sociétés 2008, n° 12, p. 16. 142
Cass. Ch. réun., 11 mars 1914, in F. Terré, op. cit. 143
V. en ce sens J. Richard, A propos de la contribution aux pertes et aux dettes de l’apporteur en industrie, JCP
CI 1980, II, n° 9157 ; J. Monnet, L’impossible conciliation entre contribution aux pertes et apport en industrie
dans les SARL ?, Actes Pratiques, nov. / déc. 2002, p. 3.
144L. Nurit-Pontier, op. cit., 2002.
mettre à la charge de l’apporteur en industrie le versement d’une certaine somme d’argent en
considérant que la privation de rémunération supportée de ce fait ne peut en aucun cas valoir
contribution aux pertes de la société ? ». L’auteur de répondre alors que la seule privation de
sa rémunération à l’apporteur en industrie porte atteinte à la prohibition des clauses léonines,
celui-ci se trouvant dans une situation plus favorable que celle des autres apporteurs qui, outre
un manque à gagner, se trouvent dans l’impossibilité de récupérer leur mise initiale. L’auteur
préconise dès lors une contribution « active » aux pertes de la société145.
L’on remarque alors que l’apporteur en industrie fait l’objet d’un statut légal discriminatoire
comparé à celui des autres apporteurs en capitaux. Mais l’on note également que son statut
légal n’est pas impératif mais supplétif, une grande place étant laissée à la liberté statutaire.
Dès lors, les statuts vont pouvoir attribuer une rémunération plus juste à l’apporteur en
industrie.
B : L’aménagement statutaire de la rémunération de l’apporteur en industrie
61-La règle exposée à l’article 1844 du Code civil, bien qu’arbitraire, n’en reste pas moins
que supplétive, et ce a fortiori dans la SAS, ce qui permet une multitude de combinaisons
statutaires quant à la rémunération de l’apporteur en industrie, qui n’en sera que plus équitable
(1), combinaisons susceptibles d’être le reflet exact du travail fourni par l’apporteur en
industrie, finalement reconnu (2).
1 : L’aménagement d’une rémunération plus équitable pour l’apporteur en industrie
62-Sauf à transgresser la prohibition des clauses léonines, les statuts de la société146, et
notamment ceux de la SAS, permettent d’aménager la rémunération de l’apport en industrie.
Dès lors, plusieurs techniques de calcul, librement décidées par les associés, sont
envisageables.
Pourquoi ne pas attribuer à l’apporteur en industrie une part dans les bénéfices égale à celle de
l’associé en capital qui a le plus apporté, sans pour autant établir de corrélation avec sa
contribution aux pertes ? Ou le contraire ?
145
Contra S. Schiller et P.-L. Périn, op. cit. 146
Rappelons toutefois qu’en plus des statuts, des avantages pécuniaires peuvent être attribués à l’apporteur en
industrie par l’émission d’actions de préférence. Mais comme le souligne un auteur, la souplesse offerte par la
SAS ôte presque toute utilité à cette technique. V. sur ce point G. De Ternay, SAS et actions de préférences :
modus operandi, JCP E 2005, p. 615.
47
Mme Baillod147 envisage par exemple un système au sein duquel le partage s’opère toutes
catégories d’apports confondues, les statuts déterminant la part de chaque associé dans la
masse globale des bénéfices, en fonction de son importance propre dans la société, abstraction
faite de toute valeur nominale. L’apporteur en industrie serait alors considéré à sa juste valeur.
L’auteur envisage également un système au sein duquel capital et travail seraient rémunérés
distinctement, la fraction du capital étant répartie (par exemple) au prorata du nombre de parts
détenues par chaque associé et celle revenant au travail étant distribuée, en cas de pluralité
d’apporteurs en industrie, par tête ou selon des critères professionnels.
Est même envisagée la fixation ne varietur de la rémunération de l’apporteur en industrie
pour toute la durée de la collaboration148, ce qui nécessitera tout de même une grande clarté
des statuts.
La liste est ici non exhaustive, mais nul n’est besoin de répertorier toutes les possibilités qui
s’offrent aux rédacteurs des statuts. Il est clair que la liberté statutaire bénéficie pleinement à
l’apporteur en industrie, qui voit dès lors son travail enfin reconnu.
2 : La mise en valeur de l’apport en industrie
63-La rémunération de l’apporteur en industrie valorise son travail et constitue un véritable
intérêt pour la société. On peut d’ailleurs remarquer que dans le cas contraire, la loi
n’autoriserait pas de tels apports au sein des structures sociétaires. Or, comme on l’a vu
précédemment, les apports en industrie ont fait l’objet d’une admission toujours plus
importante en leur sein. De là à ce qu’ils soient autorisés dans les SA, il n’y a qu’un pas149.
En premier lieu, il est clair que l’apport en industrie constitue un « tremplin » pour un jeune
diplômé désireux de s’associer mais qui ne dispose pas des capitaux nécessaires pour le faire.
En deuxième lieu, l’on remarque que l’apport en industrie peut s’avérer nécessaire à une
société qui démarre son activité, notamment lorsqu’il s’agit d’un apport de garantie, par lequel
l’apporteur met sa notoriété au service de la société et lui permet de ce fait de nouer des liens
commerciaux et financiers importants.
147
R. Baillod, op. cit., n°40 148
Il faudra s’assurer toutefois que les statuts précisent clairement les modalités de variation de la rémunération
pour éviter tout contentieux futur.
149Les rapports CCIP et AFEP/MEDEF/ANSA avaient proposé, dans le cadre de l’adoption de l’ordonnance n°
2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, de consacrer les
apports de savoir-faire au sein des SA cotées et non cotées. In C. Malecki, op. cit.
En troisième lieu, on note qu’apport en industrie et apport en capital se complètent ; le
premier a besoin d’argent, le second d’un concept, la réunion des deux peut alors s’avérer très
rentable150.
Enfin, certains ajoutent que l’interdiction de l’apport en industrie peut être un frein à
l’innovation scientifique151 ; en effet, si l’on prend le domaine de la médecine ou le domaine
pharmaceutique, le scientifique, susceptible (par exemple) de découvrir la composition d’un
vaccin ou l’existence d’une maladie, voudra voir son travail rémunéré à sa juste valeur. Ne
proposer à ce dernier qu’une rémunération infime, en tant qu’elle équivaut à celle du plus
petit apporteur en capitaux, ou en tant qu’il n’est que simple salarié, peut amener à décourager
le chercheur d’effectuer toute recherche, ou même à exporter son savoir dans un pays étranger
où son travail sera récompensé comme il se doit152.
Par ailleurs, alors que les statuts favorisent la prise en compte du travail de l’apporteur en
industrie et permettent sa rémunération de manière plus équitable, ces mêmes statuts peuvent
également organiser une meilleure participation de l’apporteur en industrie aux affaires
sociales, en lui assurant un droit d’intervention accru mais néanmoins partiel dans la vie
sociale.
§II : Le droit d’intervention partiel de l’apporteur en industrie dans la vie sociale
64-Une jurisprudence récente affirme que même au sein de la SAS, le droit de vote reste un
droit essentiel, dont on ne peut priver l’associé dans les statuts153. L’apporteur en industrie, en
tant qu’il est un associé, dispose donc de droits gouvernementaux et peut donc participer aux
décisions collectives (A) ; cependant, il existe également d’autres droits prévus par la loi
comme étant subordonnés à la détention d’une fraction du capital social, et pour lequel le
législateur n’en a tout bonnement pas prévu l’exercice par l’apporteur en industrie (B).
150
Citons à titre d’exemple le cas d’Apple. Steve Jobs et Steve Wozniak, co-fondateurs d’Apple, ont réuni leur
talent d’informaticiens et se sont associés à Mike Markkula, qui a accepté d’investir dans leur société.
Aujourd’hui, industrie et capital ont fait d’Apple une entreprise mondialement connue. 151
P.-E. Normand, op. cit. 152
En droit américain, par exemple, les apports en industrie sont admis dans la L.LC. (Limited Liability
Company), sorte de SAS locale, depuis maintenant plus de dix ans. V. sur ce point R. Turcon, La L.L.C.
américaine, étude de droit comparé, LPA 1997, n° 43, p. 26.
153Cass. Com., 23 oct. 2007, pourvoi n° 06-16.537, J.-C. Hallouin, Sociétés et groupements (septembre 2007 –
août 2008), D. 2009, p. 323 (entre autres).
49
A : Les droits gouvernementaux de l’apporteur en industrie
Bien qu’une partie du régime de la SAS soit similaire à celui de la SA, l’article L. 225-122,
applicable à cette dernière, et qui pose le principe selon lequel une action équivaut à une voix,
ne trouve pas à s’appliquer pour la SAS. Dès lors, le droit de vote attribué à l’apporteur en
industrie dans la SAS peut s’inspirer soit de mécanismes classiques (1) soit de mécanismes
plus atypiques offerts par l’ingénierie juridique et qui peuvent être organisés dans les statuts
(2).
1 : Les mécanismes classiques d’attribution du droit de vote
65-L’on peut envisager dans un premier temps que le vote au sein de la SAS soit un vote par
tête.
Le vote par tête se rencontre dans certains types de sociétés. A titre d’exemples, on peut citer
les sociétés en nom collectif ou encore les sociétés civiles professionnelles.
Dans les premières, les décisions sont prises à l’unanimité des associés154, chaque associé
disposant d’une voix, indépendamment de toute référence à la nature de son apport.
En ce qui concerne les secondes, l’article 13 alinéa 2 de la loi du 29 novembre 1966 pose
comme principe de base le fait que chaque associé ne dispose que d’une voix, quel que soit le
nombre de parts sociales qu’il détient (est toutefois admise l’éventualité d’une organisation
différente aménagée par les décrets d’application propres à chaque profession, comme pour
les notaires).
Le pouvoir de décision de l’apporteur en industrie ne semble pas poser de difficultés dans ce
cas, et le fait que son apport ne participe pas à la formation du capital social n’a ici aucune
forme d’importance, l’apporteur ayant le même nombre de voix que les autres associés.
L’on peut remarquer que cette règle se comprend aisément au sein des sociétés précédemment
évoquées : dans le cadre des SNC, les associés sont indéfiniment et solidairement
responsables, ce dont il résulte que l’apporteur en industrie ne prend pas moins de risques que
les apporteurs en capitaux ; et dans le cadre des SCP, comme il a déjà été évoqué dans un
développement antérieur155, les apporteurs en industrie y ont un rôle prépondérant puisque
154
Article L. 221-6 du Code de commerce.
155Supra n° 39.
leur apport constitue la raison d’être de la société dont l’objet social se confond avec l’activité
de ses membres.
Il est donc logique de prévoir pour les apporteurs en industrie un poids dans la prise de
décision égal à celui des autres associés apporteurs en numéraire et/ou en nature.
Cette technique d’attribution du droit de vote est alors envisageable au sein de la SAS, et
aurait pour avantage d’accorder un pouvoir de décision égal à celui de tous les autres associés
en capitaux. De surcroît, cela semble respecter l’affectio societatis, principe directeur du
contrat de société.
66-Dans un second temps, peut être envisagé le principe du vote proportionnel – ce qui est le
cas de la SARL156 – où le décompte est calculé non pas par référence à la fraction du capital
social détenue, mais par référence au nombre de parts sociales détenues, ce qui permet
d’accorder le droit de vote à l’apporteur en industrie157.
Le capital social de la SARL est divisé en parts sociales égales dans leur montant158 (montant
qui rappelons-le est librement choisi par les associés). Les parts sociales sont attribuées à
chaque associé en rémunération de ses apports – même à ceux ayant effectué des apports en
industrie – et en proportion de la valeur qui lui est attribuée.
67-Depuis la loi NRE du 15 mai 2001, il revient aux statuts de la SARL de déterminer les
modalités selon lesquelles des apports en industrie peuvent être effectués159, et de mentionner
la répartition des parts sociales160 : les statuts doivent donc indiquer le nombre de parts
sociales émises en contrepartie des apports en industrie, ce qui permet la mise en œuvre du
droit de vote proportionnel.
Dans ce cas, l’influence de l’apporteur en industrie dépend de la place que la collectivité des
associés veut bien lui accorder, et de l’importance de son apport au regard de l’objet et de
l’intérêt de la société.
156
Article L. 223-28 du Code de commerce. 157
Ce qui serait impossible dans le cadre d’une SA au sein de laquelle on applique le principe « à valeur
nominale droit de vote égal » : article L. 225-30 du Code de commerce. 158
Article L. 223-2, alinéa 2, du Code de commerce. 159
Article L. 223-7, alinéa 2, du Code de commerce.
160Article L. 223-7, alinéa 3, du Code de commerce.
51
Certains161 indiquent que « l’évaluation économique peut alors être un critère de référence
(…) ». De deux choses l’une alors : soit les associés ont constitué la société avec un capital
social dont le montant est raisonnable ; dès lors, cela révèle l’importance que ceux-ci
accordent à ce capital. Il y a alors fort à parier que les parts qui seront attribuées à l’apporteur
en industrie seront d’une valeur moindre que celles accordées aux autres apporteurs.
Soit le capital social de la SARL est dérisoire, et dans ce cas l’on peut imaginer que les
associés n’accordent que peu d’importance audit capital et qu’ils attribueront à l’apporteur en
industrie des parts sociales de valeur égale aux leurs.
Il apparaît alors clairement que le vote proportionnel peut être indifférent à l’apporteur en
industrie comme il peut s’avérer lui être désavantageux.
Mais cette technique paraît quant à elle moins adaptée à la SAS, en ce sens que la notion de
« parts sociales » est propre à la SARL, d’autant plus que la SAS, de par la liberté statutaire
qui lui est offerte, dispose d’autres techniques plus efficaces et plus avantageuses pour
l’apporteur en industrie.
2 : L’aménagement statutaire du droit de vote de l’apporteur en industrie
68-Encore une fois, il convient de remarquer de manière liminaire que la SAS, en tant qu’elle
est une société par actions, a la faculté d’émettre des actions de préférence162 (avec ou sans
droit de vote). Toutefois, bien qu’utilisables, ces dernières ne présentent qu’un intérêt
moindre163 dans le cadre de cette structure sociétaire puisque le droit de vote pouvant y être
attaché ne peut-être qu’un droit de vote double164.
69-Or les statuts de la SAS peuvent prévoir qu’un associé peut être pourvu d’un droit de vote
multiple, qu’il soit double, triple ou quadruple. Dès lors, l’apporteur en industrie peut se voir
octroyer un pouvoir décisionnel important au sein de la SAS.
Mais précisons toutefois que si les fondateurs de la société expriment la volonté de priver
l’apporteur en industrie de tout droit de vote, ils se devront alors d’utiliser le mécanisme des
161
Juris-Classeur sociétés 2004, op. cit., n° 67, p. 16. 162
Article L. 228-11 du Code de commerce.
163G. De Ternay, op. cit.
164
L’article L. 228-11 du Code de commerce relatif à l’émission des actions de préférence commande le respect
des articles L. 225-122 à L. 225-125 du même Code, qui prohibent l’attribution de droits de vote multiples.
Toutefois, d’aucuns affirment que des parts d’industrie assorties de droits particuliers seraient des actions de
préférence et seraient alors soumises à la procédure y afférant. V. sur ce point S. Schiller et P.-L. Périn, op. cit.
actions de préférence, qui peuvent n’être assorties d’aucun droit de vote, à charge pour eux
d’attribuer ou non des droits pécuniaires supplémentaires à l’apporteur en industrie en
contrepartie de la privation de son droit de vote. En effet, la jurisprudence actuelle interdit
toute suppression du droit de vote d’un associé hors dispositions légales165.
En fonction de l’importance que voudront bien accorder les autres associés à l’apporteur en
industrie, celui-ci se verra alors octroyer un ou plusieurs droits de vote, voire aucun.
Mais il est d’autres droits moins connus mais non moins substantiels pour lesquels la loi n’a
pas pris en compte l’apporteur en industrie, puisque ces droits sont liés à la détention d’une
fraction du capital social.
B : L’exclusion de l’apporteur en industrie des droits liés au capital social
70-L’apport en industrie, en tant qu’il ne concourt pas à la formation du capital social, exclut
son titulaire de l’exercice de certains droits tels que le droit à l’information (1) et celui de
participer aux augmentations de capital (2).
1 : L’exclusion de l’apporteur en industrie du droit à l’information
71-Les articles L. 225-231 et L. 225-232 du Code de commerce, qui permettent à un ou
plusieurs associés représentant une fraction du capital social de poser des questions par écrit
au président du conseil d’administration ou du directoire, respectivement sur les opérations de
gestion de la société166 et sur tout fait de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation167, sont des règles qui concernent les SA.
165
Cass. com. 9 février 1999, Château d’Yquem : « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives
et de voter, et les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions ». Bull. civ. IV, n° 44 ; Defrénois 1999, 625, obs.
H. Hovasse.
166Cette prérogative nécessite l’intervention d’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5% du capital
social (Art. L. 225-231 C. com.). 167
Cette prérogative nécessite l’intervention d’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5% du capital
social (Art. L. 225-232 C. com.).
53
Et bien qu’une partie du régime de la SAS soit calqué sur celui des SA168, l’apporteur en
industrie ne pouvait à la base y être inclus, puisque celui-ci n’avait aucune existence dans la
SAS.
De même, l’article L. 227-9-1 du même Code, qui concerne la SAS – et qui est pourtant issu
de la LME du 4 août 2008 introduisant l’apport en industrie dans la SAS – n’envisage pas le
cas de l’apporteur en industrie pour ce qui est de la demande en justice d’un commissaire aux
comptes par les associés représentant une certaine fraction du capital social169, lorsque les
nouveaux seuils de nomination d’un commissaire aux comptes ne sont pas atteints.
De surcroît, l’apporteur en industrie n’est pas non plus compris dans l’article L. 823-6 du
Code de commerce concernant la récusation du commissaire aux comptes dans les sociétés170.
Enfin, l’apporteur en industrie n’entre pas dans les dispositions de l’articles L. 223-37171 du
Code de commerce qui concerne la demande en justice d’un ou plusieurs experts chargés de
présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Tous ces articles prévoient donc que pour l’exercice des ces prérogatives tendant à permettre
une information des associés sur la gestion de la société, ceux-ci doivent représenter une
certaine part du capital social. Or l’apporteur en industrie ne participe pas à la formation dudit
capital social. Son titulaire est donc privé des droits précédemment évoqués.
72-Pourtant, l’apporteur en industrie est un associé à part entière, et devrait lui aussi pouvoir
bénéficier des différentes prérogatives permettant d’exercer un contrôle sur la gestion
quotidienne de la société.
Ajoutons qu’au-delà de l’intérêt du seul apporteur en industrie, une telle faculté profiterait à
tous les associés. En effet, des associés désireux d’exercer une des prérogatives suscitées,
pourraient associer à leur action l’apporteur en industrie, qui viendrait « peser dans la
balance » lorsque lesdits associés ne disposeraient pas de la fraction de capital suffisant pour
engager une telle action, le président pouvant détenir (par exemple) 96% du capital social.
168
Supra n° 4. 169
Cette prérogative nécessite l’intervention d’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 10% du capital
social (Art. L. 222-9-1 C. com.). 170
Cette prérogative nécessite l’intervention d’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5% du capital
social (Art. L. 823-6 C. com.). 171
Cette prérogative nécessite l’intervention d’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 10% du capital
social (Art. L. 223-37 C. com.).
Mais le véritable problème réside ici dans le fait que ces droits relèvent en premier lieu du
régime de la SA, et notamment des articles applicables aussi à la SAS. Or aucune règle ne
semble dire que les statuts pourraient déroger auxdits articles ; dès lors, on ne peut que
déplorer que le législateur, alors qu’il permettait aux SAS d’accueillir en leur sein l’apporteur
en industrie, n’ait pas pris soin de prévoir réellement le régime applicable à ceux-ci.
De ce fait, l’apporteur en industrie ne peut être l’instigateur de telles actions, et se voit sur ce
point relégué à sa place d’apporteur de second rang. Certes, de par la liberté statutaire
inhérente à la SAS, l’apporteur en industrie peut tout au plus se voir accorder un droit à
l’information renforcé en ce qui concerne la gestion de la société. Mais cela s’avère être une
bien maigre consolation au vu des intérêts en jeu.
De surcroît, l’apporteur en industrie se voit exclu d’une éventuelle augmentation de capital.
2 : La non-participation de l’apporteur en industrie aux augmentations de capital
73-Selon l’article L. 225-132 du Code de commerce, « les actions comportent un droit
préférentiel de souscription aux augmentations de capital. Les actionnaires ont,
proportionnellement au montant de leurs actions, un droit préférentiel de souscription des
actions de numéraires émises pour réaliser une augmentation de capital ».
Cette disposition soulève encore une fois des interrogations quant à la non-participation de
l’apport en industrie au capital social.
D’aucuns proposent alors de « prévoir par le jeu des renonciations et des suppressions du
droit préférentiel de souscription des autres associés, voire par un mécanisme statutaire » une
telle participation de l’apporteur en industrie. Ceux-ci d’ajouter que « les actions d’industrie
sont très sensibles à la dilution : autant les capitalistes peuvent ajouter du capital sans limite
théorique, autant l’apporteur de sa force de travail dispose d’une ressource limitée ». Ils
préconisent alors de garantir à l’apporteur en industrie « un pourcentage fixe du bénéfice », ce
qui aura pour effet de mieux le protéger que la simple dotation d’un « nombre d’actions fixe
au sein d’un capital qui peut varier »172.
On remarque donc que les statuts, loin d’éviter à l’apporteur en industrie de subir les carences
de la loi, permettent toutefois audit apporteur de ne pas être totalement lésé, notamment par
l’effet de dilution inhérent à l’augmentation du capital social.
172
S. Schiller et P.-L. Périn, op. cit.
55
Mais il est une problématique pour laquelle le législateur n’a pas prévu de règles particulières,
à savoir celle de la cessation par l’apporteur en industrie de son activité.
Section II : Les problèmes liés à la cessation de l’activité de l’apporteur en industrie
74-Lorsqu’il réalise son apport, l’apporteur, quel qu’il soit, s’engage pour une certaine durée à
rester associé dans la société. Il en va de même pour l’apporteur en industrie. Toutefois la
prohibition des engagements perpétuels fait que l’apporteur peut dans certains cas cesser
d’exercer son activité au sein de la société (§I). Cette cessation entraîne alors certaines
conséquences (§II).
§I : Les causes de cessation de son activité par l’apporteur en industrie
Les causes de cessation de son activité par l’apporteur en industrie sont nombreuses. L’on
peut cependant en prévoir une dichotomie en ce que cette cessation d’activité résulte soit d’un
comportement fautif de l’apporteur (A), soit qu’elle découle d’un motif légitime (B).
A : La cessation d’activité fautive
Il est des cas où l’apporteur en industrie cesse temporairement d’exercer son activité (1),
cessation qui peut aboutir à une exclusion pure et simple dudit apporteur (2).
1 : La cessation temporaire d’activité
75-Le caractère successif de l’apport en industrie, conjugué à son caractère personnel, fait
qu’il est sujet, plus que tout autre apport, à inexécution. Différentes questions se posent alors :
L’article 1142 du Code civil dispose que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout
en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. Dès lors, toute exécution
forcée paraît mal venue. Mais d’aucuns173 s’interrogent sur les différents moyens mis à la
disposition de la société pour obtenir de l’apporteur en industrie qu’il exécute son
engagement.
76-Le prononcé d’une astreinte paraît somme toute incompatible avec l’exécution de l’apport
en industrie, en ce que ce procédé semble incompatible avec le nécessaire respect de la liberté
173
R. Baillod, op. cit., n° 90 à 95.
individuelle de l’apporteur, d’autant plus qu’habituellement, un tel procédé n’est utilisé que
pour régler le cas d’obligations susceptibles d’exécution (quasi) instantanée174.
En revanche, l’insertion d’une clause pénale en ce sens dans les statuts ne paraît pas
inappropriée, sous réserve du respect des différents pouvoirs du juge judiciaire en la
matière175.
Une faculté de remplacement est également envisagée, sous réserves que « les prestations
promises par l’apporteur défaillant ne mettent pas en jeu des qualités qui lui soient
absolument propres (…)176 ».
Enfin, la question a trait à l’exception d’inexécution177 qui peut être opposé à l’apporteur en
industrie, qui légitime que soient suspendus ses droits pécuniaires, mais non son droit de vote,
puisque le droit pour tout associé de participer aux décisions collectives et de voter est d’ordre
public178.
Il est alors parfaitement possible que soient envisagés de tels cas dans les statuts de la SAS,
afin que l’apporteur en industrie reprenne l’activité pour laquelle il a été accepté par les autres
associés.
Toutefois, une cessation trop longue de ces activités par l’apporteur en industrie justifie que
les associés décident de son exclusion.
2 : L’exclusion de l’apporteur en industrie
77-Mme Baillod179 considère que « la recherche d’un équilibre entre l’intérêt de l’apporteur
et l’intérêt de la société commande (…) de contrebalancer l’octroi à l’apporteur d’un droit de
retrait par la reconnaissance à la société d’un pouvoir d’exclusion susceptible d’être exercé à
l’encontre de l’apporteur qui manquerait à son engagement ». Celle-ci d’ajouter que bien que
174
Serait alors envisageable de prononcer une mesure d’astreinte contre l’apporteur qui s’est engagé à réaliser un
apport de « savoir-faire » (supra n° 28 et 29). 175
Les articles 1231 et 1152 du Code civil prévoient respectivement que le juge peut diminuer la peine lorsque
l’obligation a été exécutée en partie et qu’il peut réviser une peine manifestement excessive ou dérisoire. 176
R. Baillod, op. cit, n° 95. 177
Est ici appliqué l’article 1184 du Code civil. 178
Cass. com. 9 février 1999, Château d’Yquem : « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives
et de voter, et les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions », op. cit.
179R. Baillod, ibid., n° 96.
57
l’article 1844-7, 5°, du Code civil prévoie la dissolution anticipée de la société notamment en
cas d’inexécution de ses obligations par un associé, il paraît préférable de s’en tenir à une
simple exclusion de cet associé.
78-L’auteur envisage alors l’exclusion statutaire180, tout en ajoutant que celle-ci se doit tout de
même d’être conditionnée premièrement à un motif grave et légitime (prenant pour exemple
le cas de l’interdiction faite à un associé d’exercer la profession objet de l’apport ou
l’inaptitude de l’associé, fautive ou non), et secondement à une décision relevant de la
collectivité des associés ou de l’autorité judiciaire.
79-L’article L. 227-16 du Code de commerce (relatif à la SAS), bien que prévoyant
l’exclusion d’un associé, oblige toutefois à envisager l’exclusion de l’apporteur en industrie
dans les statuts. En effet, l’article dispose que les statuts déterminent les conditions dans
lesquelles un associé peut être tenu de céder ses actions…or l’article L. 227-1, alinéa 4, du
même Code, issu de la LME du 4 août 2008, dispose de son côté que les actions
représentatives d’apports en industrie sont inaliénables, donc incessibles.
Les statuts doivent donc prévoir les cas pour lesquels les associés peuvent décider de
l’exclusion de l’apporteur en industrie, ainsi que les modalités de cette exclusion (organe
compétent, majorité requise, quorum nécessaire etc.). La cessation temporaire de son activité
(pour peu qu’elle résulte d’un fait fautif de l’apporteur, qui ne respecterait pas ses
engagements) peut par exemple constituer un motif d’exclusion. Les parts d’industrie étant
par ailleurs incessibles aux autres associés, les statuts peuvent envisager une indemnité au
profit de l’apporteur en cas d’exclusion, équivalente au prix de ses actions.
Toutefois, la cessation de son activité par l’apporteur en industrie n’est pas toujours le résultat
d’une situation conflictuelle, et il arrive que l’apporteur ait des raisons légitimes de cesser son
activité.
B : La cessation d’activité légitime
Il se peut que l’apporteur en industrie cesse son activité pour des raisons légitimes, soit qu’il
est dans l’impossibilité de la poursuivre (1), soit qu’il décide de se retirer de la société (2).
1 : L’impossibilité pour l’apporteur en industrie de poursuivre son activité
180
L’auteur envisage également l’exclusion judiciaire, par laquelle les associés saisissent l’autorité judiciaire afin
que soit exclu l’apporteur en industrie.
80-Certains évènements provoquent l’impossibilité pour l’apporteur en industrie d’exercer ses
fonctions. Parmi elles, figurent le décès, l’incapacité de l’apporteur ainsi que l’interdiction qui
viendrait à le frapper d’exercer la profession objet de l’apport181.
Si l’on prend le cas du décès, dans les sociétés commerciales de personnes (SNC et SCS), le
décès de l’un des associés est en principe cause de dissolution de plein droit, sauf stipulation
de continuation de la société avec seulement les associés survivant, ou avec les héritiers du
défunt, le conjoint survivant, un ou plusieurs des héritiers, ou toute personne désignée par les
statuts, ou si ceux-ci l’autorisent, par disposition testamentaire182. Mais l’on note que hors le
cas de continuation avec les seuls associés survivants, la convention de continuation est privée
d’effet si l’associé décédé n’était qu’un apporteur en industrie.
La loi n’a donc aucunement prévu l’apporteur en industrie dans ce type de sociétés, pas plus
qu’elle ne l’a fait dans les sociétés civiles183 ou dans les SARL184.
81-La loi LME du 4 août 2008 n’apporte pas de solution au problème puisque les parts
d’industrie qui peuvent être émises par les SAS sont considérées par le législateur comme
étant inaliénables, et donc intransmissibles185, ce à quoi les statuts ne peuvent déroger.
Dès lors, le décès de l’apporteur, son incapacité ou l’interdiction qui lui est faite d’exercer la
profession objet de l’apport mettent fin à l’apport en industrie, qui est annulé.
Les motifs de cessation suscités ont cependant la particularité d’être indépendant de la volonté
de l’apporteur en industrie ; mais parfois l’apporteur cesse volontairement son activité, et
décide de se retirer définitivement de la société.
2 : Le retrait de l’apporteur en industrie
82-L’apporteur en industrie, avant même le terme de son engagement (qu’il soit calqué ou non
sur la durée de vie de la société) peut décider de se retirer de la société.
181
Notons que les deux dernières causes invoquées peuvent constituer un motif légitime d’exclusion. 182
Article L. 221-15 du Code de commerce. 183
L’article 1870 du Code civil dispose que « la société n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais
continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu’ils doivent être agréés par les
associés ». 184
Article L. 223-13 du Code de commerce. 185
Infra n° 87.
59
Le problème est que sur ce point la loi ne contient aucun texte de portée générale. Seules des
dispositions propres à certaines formes de sociétés existent à ce sujet ; on peut citer à titre
d’exemple la réglementation relative aux GAEC186, ou encore l’article 1869 du Code civil qui
prévoient la possibilité pour leurs membres de se retirer, sous certaines conditions. Existe
aussi une telle faculté dans les sociétés commerciales de personnes, telles que les SNC ou les
SCS, sous réserve de l’approbation unanime de tous les associés. Les SARL quant à elles ne
prévoient comme faculté de retrait que la seule cessibilité des parts sociales, cessibilité qui
n’est pas du ressort des apports en industrie.
83-Ces lacunes législatives amènent alors à prévoir cette faculté de retrait dans les statuts, en
ce qui concerne les sociétés commerciales de personnes et à plus forte raison les sociétés à
responsabilité limitée. Les statuts de SAS ne font alors pas figure d’exception, et doivent
impérativement prévoir la possibilité de retrait de l’apporteur en industrie – ne serait-ce que
pour que celui-ci soit sur un pied d’égalité avec les autres apporteurs en capitaux, à qui est
offerte la capacité de se retirer en cédant leurs actions – en prévoyant une juste indemnité
pour le retrayant.
Dès lors les statuts se doivent une fois encore de régler une situation que le législateur n’a pas
envisagée, tout comme ils se doivent de prévoir les conséquences de la cessation d’activité de
l’apporteur en industrie.
§II : Les conséquences de la cessation de son activité par l’apporteur en industrie
84-La cessation de son activité par un associé, et notamment de la part d’un apporteur en
industrie, donne droit à la liquidation de ses droits, c’est-à-dire que celui-ci a un droit sur le
boni de liquidation (A). Toutefois, cette cessation ne peut donner lieu ni à une cession ni à une
transmission de ses parts d’industrie, puisque celles-ci sont inaliénables (B).
A : Le droit au boni de liquidation
186
Cf. article 19, alinéa 3, du décret du 3 décembre 1964 fixant les conditions d’application de la loi du 8 août
1962 relative aux GAEC : « (…) Les titulaires de parts d’industrie doivent avoir la faculté de se retirer après un
temps déterminé ».
85-Bien que ce droit relève des dispositions générales du droit des sociétés187 (1), les
dispositions spéciales concernant les sociétés commerciales n’en font pas état, ce qui oblige
les rédacteurs de statuts à l’inclure (2).
1 : Le droit général au boni de liquidation
En vertu de l’article 1843-2, alinéa 2, du Code civil, « les apports en industrie donnent lieu au
partage de (…) l’actif net (…) », et ce que la cessation de l’apport soit concomitante à la fin
de la société ou intervienne en cours de vie sociale.
La répartition de cet actif net se fait en vertu de l’article 1844-9 du même Code, selon lequel
« après paiement des dettes et remboursement du capital social, le partage de l’actif est
effectué entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices,
sauf clause ou convention contraire ». Les statuts ayant pris soin de fixer la part de bénéfices
revenant à l’apporteur en industrie, soit sa part dans le boni de liquidation est proportionnelle
à sa part dans les bénéfices, soit les statuts prévoient aussi la quote-part qui lui revient dans le
partage de l’actif net.
Toutefois l’article suscité n’est pas applicable aux sociétés commerciales, ce à quoi les statuts
doivent faire face.
2 : Le droit statutaire au boni de liquidation
86-L’article L. 237-29 du Code de commerce dispose que « sauf clause contraire des statuts,
le partage des capitaux propres subsistant après remboursement du nominal des actions ou
des parts sociales est effectué entre les associés dans les mêmes proportions que leur
participation au capital social ». Cet article n’envisage donc pas la situation de l’apporteur en
industrie, puisque son apport ne concourt pas à la formation du capital social188.
La règle vaut pour toutes les sociétés commerciales, et notamment pour la SAS, même après
la LME du 4 août 2008. En effet, en l’absence de clause contraire, l’apporteur en industrie n’a
aucun droit au partage de l’actif net qu’il a pourtant contribué à créer.
187
Supra n° 56.
188Article 1843-2, alinéa 2, du Code civil.
61
Mme Baillod189 propose d’opérer certaines ventilations sur ce boni de liquidation, en
attribuant par exemple les plus-values purement nominales, correspondant à l’érosion
monétaire, aux seuls apporteurs de capitaux, ou en attribuant celles dues à leur activité aux
seuls apporteurs en industrie (bien que l’auteur ne nie pas les difficultés de mise en œuvre de
telles mécanismes).
Mais il est une incommodité légale à laquelle les statuts ne semblent pas pouvoir déroger, à
savoir l’inaliénabilité des actions résultant d’apports en industrie.
B : L’inaliénabilité des apports en industrie
De tout temps, les parts représentatives d’apports en industrie ont été présentées comme
intransmissibles (1) et incessibles (2), ce à quoi ne déroge pas la LME
1 : Des parts d’industrie intransmissibles
87-L’article L. 227-1, alinéa 4, nouveau du Code de commerce dispose de l’inaliénabilité des
actions d’industrie. Dès lors elles apparaissent comme étant intransmissibles et incessibles190.
L’intransmissibilité desdites actions d’industrie se comprend aisément en raison du caractère
personnel191 de l’apport en industrie, dont le titulaire n’a été accepté à participer à la vie de la
société qu’en raison de ses capacités physiques ou intellectuelles. Dès lors les différentes
règles permettant la transmission de l’apport aux héritiers ou au conjoint survivant ne
concernent que les seuls apports de capitaux. En effet, il n’est pas dit que le descendant ou le
conjoint de l’apporteur en industrie décédé soit capable d’assurer la continuité de l’activité
exercée par le défunt et puisse assurer une prestation de même qualité au sein de la société ;
les parts d’industrie ne peuvent dès lors qu’être annulées.
En revanche, l’incessibilité des parts d’industrie paraît plus critiquable.
2 : Des parts d’industrie incessibles
189
R. Baillod, op. cit., n° 109. 190
Supra n° 51. 191
Supra n° 26.
88-Les raisons avancées pour justifier l’incessibilité des parts d’industrie sont similaires à
celles avancées pour justifier son intransmissibilité : l’apport en industrie a un fort caractère
personnel, et c’est en fonction des qualités inhérentes à l’apporteur que les autres associés
fixent sa condition dans la société. On considère que contrairement aux capitaux, les hommes
ne sont pas « interchangeables ».
Dès lors, même si un nouvel apporteur en industrie intègre la société et bénéficie des mêmes
droits que ceux octroyés au précédent, lesdits droits seront arrêtés par l’effet d’un nouvel
accord distinct et non à la suite d’une cession du premier au second.
Mme Baillod192 fait toutefois remarquer qu’aucune disposition générale n’indique cela de
manière expresse, et que cette incessibilité (et cette intransmissibilité) ne se retrouve que dans
certains décrets d’application relatifs par exemple aux sociétés civiles professionnelles. Mais
elle ajoute que cela ne constitue pas un principe pour ces seules sociétés mais bel et bien pour
toutes les sociétés où est admis cet apport.
89-Elle défend toutefois l’idée selon laquelle les statuts pourraient organiser la « cession » des
parts d’industrie, puisqu’aucune disposition légale impérative ne l’interdit, tout en
reconnaissant que cela nécessiterait des associés qu’ils prévoient un encadrement strict de
cette cession, comme par exemple la subordination de celle-ci à leur agrément. La solution
permettrait alors d’éviter les difficultés inhérentes au retrait de l’apporteur, notamment en ce
qui concerne son droit à une fraction de l’actif net.
90-Mais l’idée d’une cession prévue statutairement, déjà fragile à l’époque, n’a plus lieu
d’être aujourd’hui puisque le nouvel article L. 227-1, alinéa 4, du Code de commerce, issu de
la LME affirme clairement la règle de l’inaliénabilité des parts d’industrie.
Des critiques se sont élevées à l’encontre de l’injustice engendrée en pratique par ladite
incessibilité des parts d’industrie ; d’aucuns193 s’indignent que « celui qui disposait seul à
l’origine d’une clientèle dont l’apport lui a été rémunéré par des parts sociales conserve seul
aussi cet avantage de céder, en se retirant, des parts dont la valeur est à ce moment le fruit du
travail de tous les associés, y compris de ceux qui n’auraient reçu que des parts d’industrie
frappées d’incessibilité », avant de faire remarquer qu’« il y a quelque chose d’artificiel et de
mal-fondé dans l’opposition délibérément établie entre parts sociales et parts d’industrie en
frappant les secondes d’incessibilité, puisque l’industrie est le moteur essentiel de la
192
R. Baillod, op. cit., n° 84. 193
J. Bardoul, op. cit.
63
formation et du développement d’éléments incorporels rémunérés par des parts de capital
cessibles ». Certains194 ajoutent que « si la patrimonialité des parts d’industrie est
fondamentalement liée à une activité dont les gains cessent d’être perçus dès le départ de
l’associé, les effets positifs de cette activité ne disparaissent pas ipso facto avec le retrait ».
Mais malgré les différentes opinions doctrinales en faveur de la cessibilité des parts
d’industrie, le principe reste bel et bien celui de leur incessibilité, et plus largement de leur
inaliénabilité, comme l’a récemment rappelé la LME du 4 août 2008.
Conclusion de la première partie :
91-L’admission progressive de l’apport en industrie au sein des structures sociétaires, et
récemment au sein de la SAS, montre le regain d’intérêt porté par la Société actuelle pour le
travail et l’activité humaine, au détriment du capital, qui ne constitue plus réellement la clé de
répartition des droits pécuniaires et gouvernementaux des associés.
194
P. Engel, op. cit.
L’apport en industrie, de par la multitude de comportements qu’il couvre, offre une place de
choix au talent et à l’innovation au sein des structures sociétaires, et permet l’association de
personnes compétentes autrement que par le contrat de travail.
Et ce d’autant plus que la LME marque une nouvelle ère en ce qui concerne les apports en
industrie, puisqu’en les prévoyant dans le cadre de la SAS, elle offre à l’apporteur en industrie
un statut qu’aucune autre société ne lui avait permis d’atteindre auparavant.
92-Toutefois, et malgré les avantages certains qui sont offerts par la liberté statutaire inhérente
à la SAS, l’apporteur en industrie demeure un associé « à part », le législateur ne l’ayant que
partiellement pris en compte en ce qui concerne les droits qui sont habituellement dévolus aux
associés en capitaux.
93-Partiellement, puisqu’en tout état de cause, une grande partie des droits des associés sont
fonction de la quotité de capital social détenue par eux, capital social dont est toujours exclu
l’apport en industrie.
Partie II : Les apports en industrie dans les SAS ou l’exclusion chronique de l’apport en
industrie du capital social
94-La LME du 4 août 2008, en permettant que soient réalisés des apports en industrie dans la
SAS, opère une véritable révolution en la matière. Cependant, la loi ne revient pas sur la règle
posée à l’article 1843-2 du Code civil, qui dispose que les apports en industrie sont exclus du
capital social. Pourtant cette exclusion est basée sur des justifications pour le moins
65
fallacieuses (Chapitre I) et qui semblent aujourd’hui hors de propos. Car en effet, bien plus
que l’intégration des apports en industrie au sein du capital social, c’est bel et bien la notion
même de capital social qui pose problème et qui est remise en cause (Chapitre II).
Chapitre I : Une exclusion aux justifications fallacieuses
La non-intégration des apports en industrie dans le capital social est justifiée par deux séries
de raisons : la première tient à la spécificité même de l’apport en industrie (Section I), et la
seconde découle du rôle qui est attribué au capital social (Section II).
Section I : Une exclusion justifiée par la spécificité de l’apport en industrie
95-Bien que certains qualifient l’admission de l’apport en industrie comme une des
« surprises »195 de la LME du 4 août 2008, la véritable surprise eut été que celle-ci permette
l’intégration desdits apports au sein du capital social. Or il n’en est rien, puisque la loi réitère
la règle selon laquelle ces apports ne concourent pas à la formation du capital social, et ce du
fait des caractères propres de l’apport en industrie, qui rendraient difficile son évaluation (§I).
Toutefois cette difficulté ne semble pas insurmontable, et peut être résolue grâce à l’aide d’un
tiers (§II).
§I : Un apport difficile à évaluer
96-L’apport en industrie est exclu du capital social en ce que son évaluation serait rendue
difficile, voire impossible, du fait de son caractère successif (A) et personnel (B).
A : Des difficultés liées au caractère successif de l’apport en industrie
97-L’apport en industrie est par essence un apport successif196 en ce sens qu’il se réalise
progressivement au profit de la société. En résulterait alors une quasi-impossibilité de
l’évaluer, qui justifierait son exclusion du capital social. Toutefois, il convient de remarquer
que le caractère successif de l’apport en industrie n’est pas absolu, puisque celui-ci peut être
195
S. Schiller et P.-L. Périn, op. cit.
196Supra n° 24 et 25.
ponctuellement instantané (1). Par ailleurs, certains apports en nature, pourtant successifs,
sont évaluables et concourent à la formation du capital social (2).
1 : Un apport ponctuellement instantané
98-L’apport en industrie repose sur une activité future ; en effet de par son apport, l’apporteur
s’engage à mettre tout son talent et ses compétences au service de la société, pour une période
fixée ou non à l’avance. C’est en cela que l’apport en industrie est successif, car contrairement
aux apports en nature et en numéraire, qui peuvent faire l’objet d’une libération immédiate,
l’apport en industrie va s’échelonner dans le temps.
Dès lors il est légitime de s’interroger sur « l’attribution d’une valeur à une activité non
encore réalisée et dont on ignore la durée effective de réalisation »197.
Toutefois, il est des cas d’apports en industrie instantanés198. L’on songe ici à l’apport de
savoir-faire, qui peut être apporté en une fois ou dans un laps de temps réduit. De ce fait,
« l’incertitude afférente à l’évaluation de prestations instantanées n’est pas alors
fondamentalement différente de celle concernant un apport en nature ».
Surtout lorsque l’on sait que certains apports en nature, pourtant successifs, concourent à la
formation du capital social.
2 : Comparaison avec d’autres apports
99-Il existe des apports qui bien que successifs, participent à la formation du capital social, en
ce qu’ils sont considérés comme appartenant à la catégorie des apports en nature.
L’on pense en premier lieu à l’apport en jouissance ; celui-ci consiste « dans la mise d’un bien
à la disposition de la société pour un temps déterminé sans transfert de propriété. La société
peut user librement de ce bien pendant le délai prévu (…) mais l’apporteur en demeure
propriétaire »199.
Toutefois, bien qu’étant successif, la jurisprudence lui accorde une faveur qu’elle n’accorde
pas à l’apport en industrie, puisque cette dernière considère que malgré son caractère
197
L. Nurit-Pontier, op. cit., 2002. 198
Supra n° 28 et 29.
199Lamy sociétés commerciales 2005, n° 252, p. 114.
67
successif, elle l’envisage comme étant intégralement libéré dès que l’apporteur a mis le bien à
la disposition de la société200.
100-Dans un second temps, on peut également citer l’apport en usufruit, qui entraîne transfert
à la société d’un droit réel. Il faut distinguer selon que l’on apporte un usufruit déjà existant,
qui prendra fin au décès de l’apporteur201, ou selon qu’il est créé pour la circonstance, c’est-à-
dire qu’il résultera d’un démembrement de propriété réalisé au moment de la constitution de
la société ou d’une augmentation de son capital.
L’évaluation de l’usufruit s’avère alors difficile, surtout dans le premier cas, où il convient de
tenir compte des probabilités de longévité de l’usufruitier, en fonction de son âge et de son
état de santé. Pourtant, bien que difficile, l’évaluation n’en est pas pour autant impossible.
Certes l’on peut rétorquer qu’évaluer un apport en jouissance s’avère être une tâche un
tantinet plus aisée, puisque ledit apport porte sur un bien, et non sur une prestation. Mais l’on
remarque aussi que dans l’absolu, l’argument qui consiste à dire qu’un apport en industrie est
difficilement évaluable, voire non-évaluable, en raison de son caractère successif, est un
argument fallacieux, dès lors que certains apports en nature, eux-mêmes successifs, sont
admis à participer au capital social, et sont donc évalués.
101-De surcroît, au-delà de la question même du caractère successif de l’apport en industrie,
il apparaît que l’objet même d’un apport en nature, au même titre que l’objet d’un apport en
industrie, peut être difficilement évaluable, surtout lorsqu’il porte sur un élément incorporel.
En effet, il est admis au sein des apports en nature l’apport dit « de clientèle »202 . Or cet
apport ne semble pas être susceptible d’une évaluation plus aisée que pour l’apport en
industrie203. En effet, ce droit ne consiste qu’en un droit de présentation de la société à la
clientèle ; mais rien ne permet d’affirmer que la clientèle en question accordera sa confiance à
ladite société.
De plus, l’apport en industrie ne serait pas évaluable car son caractère personnel le soumettrait
à un aléa trop important.
200
CA Aix, 31 mai 1951 : JCP G 1952, II, n° 6792. 201
Et ce peu important la date de dissolution de la société. 202
Par exemple, le décret relatif à la profession d’avocat du 13 juillet 1972 prévoit que peuvent faire l’objet
d’apport à une SCP « tous droits incorporels, mobiliers ou immobiliers, et notamment le droit pour un associé de
présenter la société comme successeur à sa clientèle ».
203Pour une critique en ce sens, V. notamment J. Bardoul, op. cit., et L. Nurit-Pontier, op. cit.
B : Un apport personnel
102-De par son caractère hautement personnel204, l’apport en industrie serait soumis à un aléa
trop important, ce qui rendrait difficile, voire impossible, son évaluation, puisque la
réalisation de celui-ci resterait incertaine (1). De plus, cette évaluation serait rendue difficile
en ce que la valeur de l’apport pourrait subir d’importantes fluctuations (2).
1 : Une réalisation incertaine
103-La réalisation de l’apport en industrie serait incertaine en ce que cet apport est strictement
personnel. En effet, l’apporteur est admis au sein de la société pour ses compétences et son
talent, lui et pas un autre.
Toutefois il se peut que celui-ci refuse ou ne puisse réaliser l’activité qu’il s’est engagé à
fournir. Dès lors, comment évaluer un apport dont on ne sait s’il sera honoré, d’autant plus
que contrairement aux autres apports en capitaux, l’apport en industrie ne peut faire l’objet
d’aucune exécution forcée.
De surcroît, il a été fait remarquer que même si l’apporteur en industrie peut, il est vrai, cesser
prématurément son activité au profit de la société, cela relève du seul problème de la
libération de l’apport « qui ne saurait se confondre avec son évaluation »205.
104-En effet, il a été avancé que l’apport en industrie ne répondait pas à l’exigence de
libération immédiate du capital social. Or aujourd’hui, la libération du capital est largement
différée, puisque celui-ci ne fait plus l’objet que d’un principe de « souscription intégrale »206.
Pis encore, le capital social peut n’être désormais que d’un montant dérisoire.
Dès lors un apport en numéraire, qui ne peut être libéré que pour le cinquième de son montant
au moment de la souscription, devient lui aussi incertain, personne n’étant à l’abri d’une
éventuelle insolvabilité du souscripteur.
Enfin, l’apport en industrie ne serait pas évaluable en ce que son caractère personnel
soumettrait sa valeur à des risques de fluctuation trop importants. 204
Supra n° 26. 205
L. Nurit-Pontier, op. cit., 2002.
206Malgré tout, les apports en nature doivent être immédiatement libérés, dès leur souscription. Par exemple,
l’article L. 223-7 du Code de commerce concernant la libération des apports en nature dans la SARL.
69
2 : Un apport fluctuant
105-Il est un argument consistant à dire que l’apport en industrie ne pourrait pas être évalué
puisque sa valeur serait susceptible de varier au gré temps. Or l’on peut faire remarquer que la
véracité du propos sied à tous les apports.
106-En effet, l’évaluation d’un apport qui est destinée à figurer au capital d’une société a lieu
ab initio, c’est-à-dire que seule compte la valeur initiale de l’apport, quel que soit ensuite le
sort du bien apporté.
Dès lors l’apport en numéraire est lui aussi susceptible de fluctuations, puisque la conjoncture
économique peut par exemple entraîner une inflation monétaire. L’apport en nature n’est lui
non plus pas épargné d’une éventuelle fluctuation de sa valeur ; en effet l’apporteur en nature
qui apporterait du matériel informatique « dernier cri » à un moment donné ne verrait pas son
apport évalué au même montant s’il réalisait ce même apport deux ans plus tard.
107-L’apport en industrie apparaît même comme pouvant être l’apport le moins enclin à
perdre de sa valeur puisqu’un apporteur en industrie, en général, voit ses compétences et son
talent croître au fur et à mesure qu’il exerce son activité. Un jeune diplômé qui n’apporte que
son industrie va au fur et à mesure qu’il pratique gagner de l’assurance, de la confiance,
assimiler les rouages de la profession et donc accroître les gains de la société.
Il apparaît donc que l’évaluation de l’apport en industrie, bien que difficile, n’en demeure pas
impossible malgré tout, d’autant plus qu’il pourrait être fait appel à un tiers afin d’y procéder.
§II : Un apport évaluable par un tiers
108-« Impossible n’est pas français » ; tel est l’adage qui semble être suivi par la majorité des
auteurs pour dire que l’apport en industrie est évaluable, et ce malgré les réticences évoquées
précédemment ; dès lors il est possible de suivre la procédure propre à l’évaluation des
apports en nature (A), procédure d’ailleurs requise lors de l’évaluation à terme des apports en
industrie prévue par la LME (B).
A : L’utilisation de la procédure d’évaluation des apports en nature
Alors que l’évaluation des apports en industrie peut être l’apanage des seuls associés (1),
ceux-ci peuvent préférer s’en remettre à un commissaire aux apports (2).
1 : Un apport évaluable par les associés
109-Evaluer un apport « vise à reconnaître la valeur, à un instant donné, des moyens affectés
au fonctionnement de la société »207. Dès lors, il semble que « le meilleur juge des apports en
industrie, c’est l’ensemble des associés délibérant au seuil de la constitution de leur
groupement »208.
En effet, les associés semblent être les mieux placés pour savoir quelle est la valeur qu’il faut
accorder à l’apport en industrie, selon que celui-ci est d’une réelle utilité ou non à la société.
D’ailleurs, en décidant du pourcentage qui doit être attribué à l’apporteur en industrie dans
les statuts, les associés ne procèdent-ils pas en fin de compte à ladite évaluation de
l’apport209 ? A eux ensuite d’assumer les répercussions que cela aura sur la répartition des
droits sociaux entre eux210.
Certes, cette évaluation repose sur des critères purement objectifs ; d’ailleurs, comme le fait
remarquer M. Terré, « l’évaluation de l’apport reposera sans doute sur une part plus large
d’artifice ».
Toutefois, et afin d’éviter cette « large part d’artifice », il est loisible aux associés de prévoir
l’intervention d’un tiers agréé, en la personne du commissaire aux apports.
2 : Un apport évaluable par un tiers agréé
110-L’apport en nature est également un apport dont les associés se méfient, par peur de le
surévaluer211. Dès lors l’intervention d’un commissaire aux apports est apparue nécessaire.
En effet, il est prévu deux articles à cet effet dans le droit des SA, à savoir les articles L. 225-8
et L. 225- 14 du Code de commerce. Le premier de ces articles dispose qu’« en cas d’apports
en nature (…), un ou plusieurs commissaires aux apports sont désignés par décision de
justice, à la demande des fondateurs ou de l’un d’entre eux », et qu’ils « apprécient sous leur
responsabilité la valeur des apports en nature » ; le second dispose quant à lui que « les
207
L. Nurit-Pontier, op. cit., 2002. 208
G. Liet-Veaux, Une pomme de discorde : Les apports en industrie dans les sociétés civiles professionnelles,
Gaz. Pal. 1966, II, Doctr. 110. 209
Notons d’ailleurs que cette évaluation est obligatoire, ne serait-ce que pour le fisc. Sur ce point, V. R. Baillod,
L’apport en industrie, déclin ou renouveau ?, thèse Toulouse, 1980. 210
En ce qui concerne les créanciers sociaux et l’obligation faite à la société d’indiquer le montant du capital
social, nous nous efforcerons à démontrer plus loin qu’intégrer l’apport en industrie dans ledit montant ne les
spolient en rien.
211J. Hybord, Le problème de l’évaluation des apports en nature dans les sociétés par actions et les sociétés à
responsabilité limitée, thèse Lyon, 1931.
71
statuts contiennent l’évaluation des apports en nature », et qu’« il y est procédé au vu d’un
rapport annexé aux statuts et établi, sous sa responsabilité, par un commissaire aux
apports ».
111-A partir de là, rien n’empêcherait de prévoir dans les statuts de la SAS que l’évaluation
des apports en industrie fasse l’objet d’une évaluation par ledit commissaire. Les associés, en
plus de recevoir l’avis d’un expert, seraient assurés du sérieux de l’évaluation, puisqu’en cas
contraire, le commissaire aux apports verrait sa responsabilité engagée.
Il est vrai néanmoins que l’évaluation qui serait faite par les seuls associés leur éviterait le
coût important engendré par l’intervention d’un commissaire aux apports212.
Cependant il est assez paradoxal que l’apport en industrie se soit imposé dans l’esprit du
législateur comme étant insusceptible d’évaluation, et donc insusceptible d’être intégré au
capital social, alors que la LME du 4 août 2008 prévoit que lesdits apports devront faire
l’objet d’une évaluation à terme.
B : Un apport évaluable « à terme »
112-En prévoyant une évaluation à terme des apports en industrie, le législateur est quelque
peu paradoxal, puisque cela revient ni plus ni moins à affirmer que les apports en industrie
sont évaluables. Toutefois, non content de justifier cette évaluation à terme pour des raisons
qui relèvent de l’aberration213 (1), le législateur a dans la rédaction de son texte commis une
erreur grossière (2).
1 : Une évaluation à terme aux justifications douteuses
113-L’article 14 de la LME précise que les statuts « fixent le délai au terme duquel, après leur
émission, ces actions (en industrie) font l’objet d’une évaluation dans les conditions prévues à
l’article L. 225-8 » du Code de commerce.
Autrement dit, les actions d’industrie émises par la SAS doivent être évaluées par un
commissaire aux apports à un terme défini par les statuts214.
212
En effet, le coût de l’intervention d’un commissaire aux apports est suffisamment substantiel pour que la loi
LME la subordonne dans les SAS au dépassement de certains seuils.
213Th. Massart, op. cit., 2008.
214
Un auteur rapporte qu’initialement, il était prévu que ces actions « ne pouvaient excéder dix ans », sans que le
Gouvernement n’explique vraiment pourquoi. Sur ce point, V. Th. Massart, idem.
En guise de justification, un rapport sénatorial215 invoquait que « par nature, l’apport en
industrie est susceptible de voir sa valeur décliner ou, à l’inverse, augmenter avec le temps. Il
est donc souhaitable, pour l’équilibre des relations entre les actionnaires, et quand bien même
les actions émises en contrepartie de l’apport ne concourent pas à la formation du capital
social, que cette valeur puisse être réévaluée périodiquement ».
114-Cela nous amène donc à formuler plusieurs remarques.
Premièrement, l’on note que les raisons qui autrefois servaient à dire que l’apport en industrie
était insusceptible d’évaluation et donc insusceptible d’intégration dans le capital social sont
aujourd’hui utilisées pour justifier que l’apport en question soit périodiquement réévalué. En
effet, il a été dit pendant des années que de par le risque de fluctuation qui pesait sur l’apport
en industrie, celui-ci était quasiment impossible à évaluer. Et maintenant il est avancé que
c’est du fait de cette fluctuation que l’apport doit être réévalué.
115-Pis encore, on nous réaffirme que l’apport ne concourt pas à la formation du capital
social, mais qu’il fait l’objet d’une réévaluation dans le seul but de respecter un certain
« équilibre entre les actionnaires » ! Or, était-il besoin de le préciser, puisque les actionnaires,
qui sont dans l’obligation de fixer dans les statuts les droits de l’apporteur en industrie,
peuvent, si besoin est, rétablir ledit équilibre en modifiant ces mêmes statuts.
116-Deuxièmement, et comme cela a été évoqué précédemment, le risque de fluctuation
concerne tous les apports, y compris ceux en capitaux, et concerne peut-être même plus les
apports en nature que ceux en industrie. De plus, la valeur des apports est fixée ab initio, au
moment de leur libération, peu importe que cette valeur décroisse par la suite (cela semble
d’ailleurs inéluctable).
117-Enfin, puisque la périodicité de cette réévaluation doit être fixée par les statuts, il sera
facile pour les associés d’y échapper (et donc d’éviter des frais importants liés à l’intervention
d’un commissaire aux apports216) en fixant une date lointaine, ce dont il résultera que l’apport
ne subira jamais aucune réévaluation217.
215
In Th. Massart, op. cit., 2008.
216Remarquons qu’en soumettant cette réévaluation à l’intervention d’un commissaire aux apports, la loi retire
d’un côté ce qu’elle a donné de l’autre, puisqu’elle ne prévoit aucun seuil concernant cette réévaluation, et donc
l’intervention d’un commissaire aux comptes dans ce cas. Elle réintègre donc en quelque sorte la présence
obligatoire dudit commissaire dans les SAS. 217
On peut tout de même se demander si une telle clause des statuts ne subira pas la censure des juges.
73
Mais au-delà de l’incompréhension provoquée par cette mesure, l’on remarque que cette
dernière a fait l’objet d’une rédaction erronée.
2: Une loi mal formulée
118-Le texte proposé contient malgré lui une « erreur grossière »218, puisqu’il est demandé au
commissaire aux apports d’évaluer les « actions » d’industrie. Or, lorsque le texte évoque les
« actions », il signifie en réalité les « apports », car en effet, la valeur de l’action ne dépend
aucunement de la valeur de l’apport mais du montant de l’actif net de la société et des
perspectives de dividendes futurs.
De surcroît, on remarque que bien plus que les prétendues difficultés qui pourraient se
présenter lors de l’évaluation de l’apport en industrie, ce dernier ne concourt pas à la
formation du capital social du fait du rôle qui lui est traditionnellement attribué.
Section II : Une exclusion justifiée par le rôle attribué au capital social
119-Les articles L. 210-1 et L. 224-1, relatifs respectivement aux sociétés commerciales et
aux sociétés par actions, disposent que le montant du capital social doit être indiqué dans les
statuts de la société219, et ce dans le but d’informer les créanciers sociaux à l’égard desquels
ledit capital joue un rôle de protection (§I). Toutefois, il apparaît clairement que le rôle qui lui
est traditionnellement attribué n’a pas de réelle signification, puisqu’en définitive, seul l’actif
social compte (§II).
§I : L’indication du capital social ou la protection des créanciers sociaux
120-Le capital social se voit habituellement attribuer le rôle de gage des créanciers sociaux
(A). C’est la raison pour laquelle le législateur interdit que les associés y portent atteinte,
notamment par la distribution de dividendes fictifs (B).
A : Le capital social, gage des créanciers sociaux
218
Th. Massart, op. cit. 2008.
219Rappelons que cette obligation découle également du Code civil, qui en son article 1835 dispose que les
statuts doivent déterminer (notamment) le capital social.
Le capital social, en tant qu’il constitue le gage des créanciers sociaux, est protégé par les
principes de fixité (1) et d’intangibilité (2).
1 : Le principe de fixité du capital social
121-Le principe de fixité, destiné à protéger les créanciers sociaux, et commun à tous les
types de société, se traduit directement par l’impossibilité pour les dirigeants sociaux de
distribuer un bénéfice aux associés s’il n’y pas à l’actif du bilan de valeurs suffisantes pour
garantir le poste « capital social »220. Le chiffre du capital social inscrit au passif du bilan a
donc pour effet de bloquer à l’actif des valeurs d’un montant correspondant, étant toutefois
précisé que ce blocage ne porte pas sur des biens individualisés, mais sur un montant en
valeur221.
Le capital social est donc supposé constituer le gage des créanciers sociaux, puisque son
inscription au passif du bilan est censée leur assurer que sa substance ne sera pas dissipée222.
Mais la protection des créanciers sociaux ne s’arrête pas là, puisqu’en plus de devoir respecter
la fixité du capital social, les associés doivent en respecter l’intangibilité.
2 : Le principe d’intangibilité du capital social
122-L’intangibilité est un principe protecteur des créanciers sociaux, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, ce principe empêche la société de distribuer le montant du capital social sous
forme de dividendes avant remboursement des créanciers sociaux223. Cette protection se
prolonge d’ailleurs lors de la liquidation, puisque les associés ne peuvent être remboursés de
leurs apports qu’après paiement de toutes les autres dettes incombant à la société224. Les
220
La règle de la fixité du capital social connaît toutefois des atténuations, puisque certaines sociétés, et
notamment les SAS, peuvent adopter une clause de variabilité du capital (art. L. 231-5, alinéa 2, du Code de
commerce). 221
In Lamy Sociétés commerciales, op. cit., n° 289. 222
Bien que cette protection soit totalement illusoire lorsque le capital social s’élève à 1 euro.
223Sous peine de se rendre coupable d’une distribution d’un dividende fictif.
224
Article 1844-9, alinéa 1er
, du Code civil.
75
associés sont donc des créanciers sociaux de dernier rang, des créanciers hypo-
chirographaires.
En second lieu, le principe d’intangibilité interdit aux associés de reprendre leurs apports en
cours de vie sociale. L’on remarque toutefois que tout cela peut être contourné par l’utilisation
des comptes courants d’associés. Tout d’abord, cela permet aux associés d’accéder au rang de
créanciers simplement chirographaires, et parfois même de voir leur créance remboursée en
cas de procédure collective. De surcroît, ce mode de financement de la société permet aux
associés à tout moment de retirer des caisses de la société le montant de leur quasi-apport,
sans formalité et même en période déficitaire (sous réserve de l’abus de droit qui pourrait
conduire la société au dépôt de bilan et à l’ouverture d’une procédure collective), alors que
l’incorporation des fonds au capital social nécessiterait de procéder à une réduction de capital,
avec les contraintes et limites posées par une telle opération.
L’on peut noter d’ailleurs que ces principes sont tels que leur violation fait l’objet d’une
incrimination pénale, à savoir le délit de distribution de dividendes fictifs.
B : La distribution de dividendes fictifs
La distribution de dividendes aux associés fait l’objet d’une procédure stricte (1), qui si elle
n’est pas respectée, constitue une distribution de dividendes fictifs sanctionnée pénalement
(2).
1 : La procédure de distribution des dividendes
123-L’article L. 232-12 du Code de commerce dispose qu’« après approbation des comptes
annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale
détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes », étant entendu que
l’article L. 232-11 du même Code indique que « le bénéfice distribuable est constitué par le
bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en
réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire ».
La distribution de dividendes aux associés fait alors l’objet d’une procédure stricte, et tout
dividende distribué en violation de ces règles est un dividende fictif, sanctionnée pénalement.
2 : La sanction de la distribution de dividendes fictifs
124-L’article L. 242-6, 1°, du Code de commerce, dispose qu’« est puni d’un emprisonnement
de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros le fait pour (…) le président, les
administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme225 d’opérer entre les
actionnaires la répartition de dividendes fictifs, en l’absence d’inventaire, ou au moyen
d’inventaire frauduleux ».
En effet, les associés qui reçoivent des dividendes qui en réalité n’existent pas entament le
capital social, ce qui a pour effet de léser les créanciers sociaux, qui prioritairement aux
associés – simples créanciers hypo-chirographaires de la société – ont droit au remboursement
de leur créance226, en tant qu’ils sont des créanciers chirographaires.
125-L’on note ici que l’indication du capital social a bel et bien un rôle de protection des
créanciers sociaux, puisque celle-ci empêche toute spoliation desdits créanciers, qui
théoriquement pourront être remboursés avant que les associés ne puissent récupérer leur mise
de départ.
Toutefois, et malgré les principes et incriminations ainsi posés afin de protéger les créanciers
sociaux, il apparaît que le capital social ne constitue « qu’une garantie apparente de
solvabilité »227, puisque ce rôle de gage des créanciers sociaux est en vérité assuré par l’actif
social.
§II : L’actif social, véritable gage des créanciers sociaux
La notion de capital social, bien qu’importante, fait l’objet d’une appréhension faussée, car en
réalité, le gage des créanciers sociaux est l’actif social, qui constitue la véritable richesse de la
société (A), en ce qu’il est seul saisissable par lesdits créanciers (B).
A : L’actif social, véritable richesse de la société
126-L’on se rend compte qu’au vu de la définition de l’actif social (1), celui-ci est le résultat
du travail combiné tant des apporteurs en capitaux que des apporteurs en industrie (2).
1 : La définition de l’actif social
225
Cet article est également applicable à la SAS. 226
Article 1844-9, alinéa 1er
, du Code civil. 227
G. Serra, Les fondements juridiques du capital social à l’épreuve de la loi Dutreil du 1er
août 2003. Chronique
d’une mort annoncée ?, Bull. Joly sociétés 2004, p. 915.
77
Le capital social est « la valeur monétaire constatant la somme des apports en numéraire et
en nature transmis à une société personne morale, à sa constitution ou en cours de vie
sociale. Cette valeur est inscrite au passif du bilan et représente la dette de la société à
l’égard de ses associés, qui ne sera remboursée qu’à la dissolution de cette dernière (…). Les
éléments transmis à la société et dont la valeur est incorporée dans le capital social sont
quant à eux répertoriés à l’actif du bilan »228.
Bien que se confondant avec l’actif social à l’instant précis de la constitution de la société,
cette analogie n’est qu’éphémère puisque le plus souvent le capital social est dépensé dès les
premières semaines d’activité, en tant qu’il est avant tout un instrument de financement des
besoins de la société.
Alors, l’actif social, en tant qu’il est composé d’éléments transmis à la société et dont la
valeur est incorporée dans le capital social, apparaît comme étant le résultat du travail
combiné de tous les apporteurs, y compris de celui ou ceux en industrie.
2 : La participation de l’apporteur en industrie au montant de l’actif social
127-L’actif social se forme au fur et à mesure que la vie de la société évolue, et ce grâce au
travail des associés, que ceux-ci soit associés en capitaux ou en industrie.
Les deux catégories d’apporteurs, en combinant les moyens qu’ils ont en leur possession, font
fonctionner l’activité de la société et créent des richesses qui sont par la suite susceptibles de
constituer l’assiette du droit de gage des créanciers sociaux. Dès lors, comme le fait d’ailleurs
remarquer à juste titre un auteur229, « tout facteur de richesse pour la société devrait
apparaître au capital social ».
D’autant plus que seul cet actif social demeure saisissable pour les créanciers sociaux.
B : L’actif social, seul élément saisissable par les créanciers sociaux
Le capital social étant un droit de gage illusoire230 (1), seul l’actif social demeure saisissable.
Dès lors l’incompréhension préside quant à l’exclusion de l’apport en industrie du capital
228
S. Dana-Demaret, Encyclopédie Dalloz sociétés, I, 1994, n° 1, p. 2.
229L. Nurit-Pontier, op. cit., 2002.
230
G. Serra, op. cit.
social du fait de son insaisissabilité, d’autant plus que les apports en jouissance (2),
insaisissables également par les créanciers sociaux, concourent à la formation dudit capital.
1 : Le capital social ou le droit de gage illusoire des créanciers sociaux
128-Le capital social est un droit de gage illusoire, puisqu’avant même d’être un instrument
de protection des créanciers sociaux, il est un instrument de financement de la société.
En effet, il a pour rôle premier d’assurer à celle-ci les moyens financiers nécessaires aux frais
de constitution de la société et à l’achat (par exemple) de matériel permettant la réalisation de
l’objet social.
Dès lors il arrive fréquemment que le montant du capital social indiqué dans les statuts ne soit
pas équivalent au patrimoine effectivement détenu par la société, puisque dès les premières
semaines d’activités, celle-ci est soumise à différents frais nécessaires à son démarrage.
Dès lors il importe peu que l’apport en industrie soit incorporé dans le montant du capital
social, puisque ledit capital ne représente que la valeur que la société s’engage, lors de sa
constitution, à rendre indisponible vis-à-vis des créanciers. Au contraire, intégrer lesdits
apports rendrait la somme considérée comme indisponible plus importante, ce qui ne pourrait
être que profitable aux créanciers sociaux.
Mais le capital social ne représente en rien un élément saisissable par les créanciers, tant en ce
qui concerne les apports en capitaux que les apports en industrie.
C’est pourquoi il règne ici une certaine incompréhension, d’autant plus que l’on remarque une
certaine hypocrisie qui consiste à faire figurer au capital les apports en jouissance (en tant
qu’ils sont des apports en nature) alors que ceux-ci sont eux-mêmes insaisissables.
2 : L’insaisissabilité des apports en jouissance
129-Comme nous l’avons démontré plus haut, le capital social n’est pas véritablement le gage
des créanciers sociaux.
Pourtant la loi exclut les apports en industrie de ce capital, puisque ceux-ci seraient –
contrairement aux apports en capitaux – insaisissables par les créanciers sociaux, étant
entendu que l’on envisage ici l’insaisissabilité dans l’acception du législateur, à savoir celle
découlant directement de la représentation qu’il se fait du capital social en tant qu’élément
saisissable.
Mais étrangement, le législateur n’éprouve aucun scrupule à admettre dans le capital social les
apports en jouissance, tout en reconnaissant à ceux-ci un caractère d’insaisissabilité.
79
Car rappelons-le, l’apport en jouissance consiste « dans la mise d’un bien à la disposition de
la société pour un temps déterminé sans transfert de propriété. La société peut user librement
de ce bien pendant le délai prévu (…) mais l’apporteur en demeure propriétaire »231.
130-De deux choses l’une alors ; soit le capital social constitue réellement le gage des
créanciers sociaux, dès lors seuls des éléments saisissables doivent pouvoir y concourir. Les
apports en jouissance comme les apports en industrie doivent effectivement en être exclus.
Soit le capital social ne constitue pas le gage des créanciers sociaux, puisque ce droit de gage
s’opère sur l’actif social232 ; dès lors apports en jouissance et apports en industrie doivent
pouvoir concourir à la formation du capital social, sachant que comme le fait remarquer un
auteur233, « un apport en industrie peut parfaitement générer autant de valeur saisissable
qu’un apport en jouissance (…) et avec à peine moins d’aléa puisque la société n’a pas
l’obligation d’exploiter le bien qui lui est apporté en jouissance, même si ce bien est un fonds
de commerce, alors que l’industrie doit elle être déployée par l’apporteur qui s’y est
engagé ».
Le législateur, plutôt que de clarifier la situation, semble fermer les yeux sur le problème,
quitte à parfois s’engager dans des raisonnements quelque peu alambiqués.
Mais à bien y regarder, on peut légitimement se demander si le point central du problème
réside réellement dans la notion d’apport en industrie. En effet, force est de constater que le
point névralgique de la question est en réalité la notion de capital social, que le législateur n’a
cessé de malmener, et qui est aujourd’hui totalement remise en cause.
Chapitre II : La remise en cause du capital social
131-Au fil des années, le législateur a sans cesse remis en cause le capital social, d’abord en
permettant aux associés qu’ils le libèrent de façon différée, puis en leur laissant la possibilité
de le fixer librement. Dès lors, il apparaît clairement que l’intégration de l’apport en industrie
au sein du capital social ne constitue pas réellement le point névralgique du problème, puisque
231
Lamy sociétés commerciales 2005, n° 252, p. 114. 232
L’on remarque que même dans les sociétés où la responsabilité des associés est illimitée, l’apport en industrie
ne concourt pas à la formation du capital social, ce qui démontre bien que ledit capital ne joue en rien le rôle de
gage des créanciers sociaux. 233
H. Le Nabasque, La fin de la connexion apports/capital ?, in A. Couret et H. Le Nabasque, Quel avenir pour
le capital social ?, Dalloz thèmes et commentaires, 2004.
ledit problème n’est ni plus ni moins que le capital social lui-même, qui a subi de la part du
législateur une libéralisation effrénée (Section I), lui faisant perdre toute substance. Toutefois
certains auteurs, connaissant l’importance réelle dudit capital, en ont envisagé la refonte
(Section II).
Section I : La libéralisation effrénée du capital social
Alors même que le capital social semblait occuper une place importante, tant au niveau
national qu’au niveau communautaire234, celui-ci fait aujourd’hui l’objet d’une libéralisation
toujours plus grande, en témoigne récemment l’exemple de la SAS. Toutefois, l’on se
demande si cette libéralisation toujours plus accrue dudit capital ne pourrait pas représenter un
véritable danger pour les créanciers sociaux (§I), plus que la simple intégration des apports en
industrie au capital social (§II).
§I : La « dangereuse » libéralisation du capital social
La libéralisation du capital social inquiète. En effet, celle-ci semble vider la théorie de l’écran
sociétaire de toute substance (A) et fait courir aux sociétés le risque de faillite (B).
A : La dénaturation de la théorie de l’écran sociétaire
132-La possibilité offerte aux associés de déterminer eux-mêmes le montant du capital social
de la société, et donc d’en fixer un montant relativement faible (voire très faible), est de
nature à susciter la méfiance des établissements de crédit (1). Dès lors on peut se demander si
la constitution d’une société présente réellement plus d’avantages que le simple recours à
l’entreprise individuelle (2).
1 : La méfiance accrue des prêteurs de deniers
234
Sur ce point, V. J. Denecker, La deuxième Directive du Conseil des Communautés européennes à la
constitution de la société anonyme, au maintien et aux modifications de son capital, Rev. sociétés, 1977, p.
661 et Y. Guyon, op. cit.
81
133-La loi dite de modernisation de l’économie fait un pas supplémentaire dans la
libéralisation du droit des sociétés puisque c’est désormais le montant du capital social des
SAS qui est librement déterminé par les associés235. Dès lors les interrogations et les
inquiétudes qui s’étaient élevées lors de la libéralisation du capital des SARL restent
d’actualité236.
En effet, le capital social est censé être le reflet exact de la responsabilité des associés, et ce
du fait de la théorie de l’écran sociétaire. Chaque associé contribue aux pertes dans la stricte
limite du montant de son apport. Les apports ainsi effectués par les associés servent ainsi
d’instrument de financement à la société qui utilise ces fonds propres pour démarrer son
activité.
Mais à partir du moment où les associés constituent un capital dérisoire, les banques et autres
établissements de crédits vont vouloir se prémunir contre le risque de se retrouver confrontés
à des débiteurs insolvables. Ceux-ci ne se contenteront certainement pas de débiteurs qu’ils ne
pourront poursuivre que pour un montant infime.
Si on prend l’exemple d’une SAS qui serait constituée par cinq associés avec un capital social
de cinq euros, il y a fort à parier que l’établissement de crédit ne se contentera pas de
débiteurs tenus chacun pour un euro seulement. Celui-ci va au contraire se prémunir d’une
éventuelle insolvabilité en réclamant des garanties personnelles ou réelles237, ce qui aura pour
corollaire de « démystifier »238 l’écran sociétaire et d’enlever tout intérêt à la constitution de la
personne morale.
Force est d’ailleurs de constater que les garanties réclamées par lesdits établissements
porteront sur tout le patrimoine des associés, et dès lors la limitation de responsabilité dont
ces derniers pensaient bénéficier perdra toute substance, à un point tel que l’on peut se
demander si la société supplante réellement l’entreprise individuelle.
2 : Les avantages de l’entreprise individuelle
235
Article L. 227-2, alinéa 2, du Code de commerce. 236
Supra n° 46.
237Il se peut aussi que l’établissement de crédit subordonne son prêt à la constitution d’un capital social avec un
montant minimum. Dès lors le problème ne se poserait plus. 238
G. Serra, op. cit.
134-La création d’une personne morale par le biais de la technique sociétaire est une véritable
alternative à l’entreprise individuelle, qui permet à un entrepreneur de séparer son patrimoine
personnel de son patrimoine professionnel. En effet, en constituant une société à risque limité,
il ne s’engage alors que dans la stricte limite du montant du capital social239.
Mais avec la libéralisation dudit capital, on en vient à se demander si aujourd’hui, la
technique sociétaire permet réellement d’assurer la protection du patrimoine de l’entrepreneur.
Comme nous l’avons indiqué dans un développement précédent, la constitution d’une société
au capital social trop faible pousse les établissements de crédits à recourir de façon quasi-
systématique aux sûretés. Dès lors, il importe peu que la responsabilité des associés soit
limitée à leurs apports, puisqu’en cas de défaillance de la société, ceux-ci se verront contraints
de rembourser leurs créanciers, et ce même sur leurs biens personnels.
135-Mais alors même que l’on pourrait penser que lesdits associés, le cas échéant, seraient
dans une situation analogue à celle d’un entrepreneur individuel, l’on se rend compte qu’ils
sont en réalité dans un cas de figure bien moins favorable. En effet, alors que depuis la loi du
1er
août 2003, l’entrepreneur pouvait effectuer une déclaration d’insaisissabilité de
« l’immeuble où est fixée sa résidence principale », la LME ajoute que cette insaisissabilité
s’étend sur « tout bien foncier bâti ou non bâti »240 que l’entrepreneur n’a pas affecté à son
usage professionnel.
L’entrepreneur individuel, en plus d’éviter le coût relativement important afférant à la
constitution d’une société, bénéficiera alors d’une protection réellement efficace de son
patrimoine, les seules sûretés pesant sur lui étant insusceptibles d’atteindre l’ensemble de son
patrimoine immobilier privé241.
Mais le capital social doit aussi permettre à une société de se développer, ce qui nécessite que
celle-ci ait des capitaux de départ. Or la libéralisation du capital social peut laisser entendre
aux fondateurs de sociétés que lesdits capitaux de départ ne sont pas réellement nécessaires,
ce qui risque de déboucher sur la faillite de la société.
239
Cet engagement sera singulier ou pluriel selon qu’il s’agit d’une société unipersonnelle ou pluripersonnelle.
240Nouvel article L. 526-1 du Code de commerce.
241
Sur ce point, V. D. Bert, La nouvelle physionomie de la déclaration d’insaisissabilité après la LME, Dr. et
Patr. mai 2009, n° 181, p. 44.
83
B : Le risque de faillite de la société
Une société qui désire démarrer son activité, si elle n’est pas pourvue des fonds nécessaires à
cet effet, risque de tomber en déconfiture, du fait d’une sous-capitalisation de la société
nouvellement constituée (1), ce qui est de nature à engager la responsabilité de ses dirigeants
(2).
1 : Le risque de sous-capitalisation de la société
136-Le capital social est une mise de départ que les associés constituent afin de financer les
besoins réels de leur activité. Dès lors, d’aucuns soulignent que laisser aux associés le libre
choix du montant dudit capital relève d’une « réalité économique »242, puisque seuls les
associés sont à mêmes de savoir quels sont les moyens financiers requis pour le lancement de
l’activité.
Toutefois est-ce réellement exact ? En effet, toute personne se lançant dans l’aventure
sociétaire n’est pas un entrepreneur chevronné et la liberté laissée aux associés dans la
fixation du capital social peut conduire certains à mal évaluer les besoins réels de la société,
qui tomberait alors en faillite243.
Un risque systémique est également à craindre ; une société qui est liée contractuellement à
des sous-traitants peut, en cas de faillite, entraîner ses partenaires contractuelles dans sa
« chute ».
Si bien que le cas échéant, la société serait mise en liquidation judiciaire et la responsabilité
des dirigeants pourrait être recherchée pour faute de gestion.
2 : La responsabilité des dirigeants pour faute de gestion
137-En cas de sous-capitalisation de la société, la responsabilité des dirigeants peut-être
recherchée en raison d’une faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actifs.
Différents exemples jurisprudentiels illustrent ce propos ; la Cour de cassation a retenu à
plusieurs reprises que la sous-capitalisation constituait une faute pouvant entraîner la
242
G. Serra, op. cit.
243D’aucuns rapportent toutefois que les SARL à moins de 7 500 euros de capital créées à la suite de la loi du 1
er
août 2003 ont un taux de défaillance légèrement moins importants que l’ensemble des entreprises, in S. Schiller
et P.-L. Périn, op. cit., et S. Schiller, Bilan très positif des SARL à moins de 7 500 euros de capital social, Gaz.
Pal. 23-27 décembre 2007.
condamnation des dirigeants à combler le passif dans l’hypothèse où la société serait en
cessation des paiements.
Par exemple, elle a condamné le dirigeant d’une société de presse pourtant constituée avec un
capital supérieur au minimum légal alors exigé, en considérant qu’« à l’évidence (…)
l’extrême modicité du capital social portait en elle-même le germe des difficultés qui allaient
être révélées aux associés lors de la première AG (…), que la mise en fonctionnement de la
société dans de telles conditions témoigne d’une légèreté certaine ; que l’audace à
entreprendre, louable en soi, devient imprudence fautive si elle n’est pas servie de rigoureuses
qualités de gestion appliquées à un minimum de moyens »244.
Le simple fait que la loi permette la constitution d’une société avec un capital social dérisoire
s’avère être ici un « cadeau empoisonné »245, les juges n’hésitant pas à fissurer « l’écran
sociétaire », contrairement d’ailleurs aux Etats-Unis où les tribunaux des Etats sont beaucoup
plus réticent à « percer le voile de la personnalité morale », et ce bien que l’exigence d’un
capital minimum y ait été abandonnée aussi.
Dès lors, bien plus que l’intégration des apports en industrie au capital social, c’est bel et bien
la libéralisation toujours plus grande du capital social qui constitue un véritable risque, à la
fois pour les fondateurs de sociétés, mais aussi et surtout pour les créanciers sociaux.
L’intégration des apports en industrie au capital social quant à elle leur serait finalement
indifférente, si bien qu’elle ne semble pas inenvisageable.
§II: Vers une intégration des apports en industrie dans le capital social
L’idée d’une intégration de l’apport en industrie au capital social est une idée que la doctrine a
émise avec plus ou moins de conviction246, et qui semble somme toute plausible (A). En effet
ceci ne porterait aucunement atteinte à la protection des créanciers sociaux, pour qui il
importe plus que la notion même de capital social subsiste (B).
A : L’éventuelle intégration de l’apport en industrie dans le capital social
244
CA Rouen, 20 octobre 1983, in S. de Vendeuil, Les dispositions du droit des sociétés de la loi n°2003-721 du
1er
août 2003 pour l’initiative économique, JCP E 2003, act. n° 24. 245
R. Mortier, La modernisation du droit des sociétés, JCP E 2008, n° 2233, p. 34.
246Pour un véritable plébiscite en ce sens, V. L. Nurit-Pontier, op. cit. 2002.
85
138-L’intégration des apports en industrie au capital social est une théorie qui mérite
réflexion. En effet, l’on se rend compte en étudiant la question qu’une telle intégration
n’aurait en aucun cas pour effet de spolier les droits des créanciers sociaux, que le capital de
départ soit dérisoire (1) ou significatif (2).
1 : L’apport en industrie intégré dans un capital social dérisoire
139-Comme nous l’avons vu, constituer une SAS (ou tout autre société) avec un capital social
dérisoire contient des risques, mais rien ne s’y oppose dans la loi.
Dès lors si les associés fondateurs décident de créer la SAS avec un capital dérisoire, il
importe peu qu’y soit intégré l’apport en industrie. En effet, comme on l’a vu précédemment,
si le capital de départ est trop faible, les créanciers réclameront des garanties personnelles et
réelles auprès des associés, ce dont il résulte qu’ils se désintéresseront totalement de savoir
quelle est la composition dudit capital et quels apports concourent à sa formation.
140-L’apporteur en industrie, en revanche, aura tout intérêt à ce que son apport fasse partie du
capital social, puisque même si les règles de la SAS permettent un aménagement plus
favorable de ses droits, il n’en reste pas moins que son exclusion du capital social le prive de
certains droits pourtant dévolus à tout associé.
141-De surcroît, il est communément admis que le capital social ne constitue pas le gage des
créanciers – la libéralisation toujours plus importante du capital social venant d’ailleurs
attester cette affirmation – dès lors les créanciers d’une société ayant un faible capital ne
verront aucune objection à ce que l’apporteur en industrie y soit intégré, puisque seul compte
pour eux le montant de l’actif social généré par les associés, qui constitue leur véritable gage.
On remarque également que cette intégration de l’apporteur en industrie dans le capital social
n’est en rien préjudiciable aux créanciers sociaux, même si ce capital a un montant
significatif.
2 : L’apport en industrie intégré dans un capital social significatif
142-Le fait que l’apport en industrie puisse être intégré au sein d’un capital social au montant
significatif n’a également aucune incidence néfaste sur les créanciers sociaux.
En premier lieu, et comme indiqué antérieurement, le capital social n’est en rien le gage
desdits créanciers, puisque leur gage est en réalité l’actif social, qui est le résultat de l’activité
de tous les apporteurs, tant en capitaux qu’en industrie ; les créanciers sociaux se paieront sur
cet actif social, et non sur le montant du capital247.
143-En second lieu, le capital social reste la limite en-deçà de laquelle les dirigeants d’une
société ne peuvent distribuer de bénéfices aux associés, sous peine de se rendre coupables
d’une distribution de dividendes fictifs. Dès lors, intégrer l’apport en industrie au capital
social permettrait d’augmenter le seuil des bénéfices à réaliser pour pouvoir distribuer des
dividendes, ce dont il résulterait une meilleure protection des créanciers sociaux face au délit
de distribution de dividendes fictifs.
Dès lors, il apparaît que les associés ont tout intérêt à constituer une société avec un capital de
départ suffisant, comme ils ont intérêt à faire en sorte que celui-ci se maintienne au même
niveau tout au long de la vie de la société, quand bien même la loi pourrait laisser penser que
le capital social n’a que peu d’importance.
B : Le capital social ou l’importance de la notion
144-Sauf à créer une société dont l’activité ne requiert aucun besoin financier, des apports
minimum sont nécessaires « pour amorcer la pompe qui alimentera l’entreprise en fonds
propres »248. Dès lors, il est important que les associés renforcent ces fonds propres, que ce
soit lorsque la société réalise des pertes (1) ou des bénéfices (2).
1 : Le nécessaire renforcement des fonds propres en cas de pertes
145-L’article L. 225-248 du Code de commerce, applicable à la SA et à la SAS249, dispose que
« si (…) les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social,
le conseil d’administration ou le directoire (…) est tenu dans les quatre mois qui suivent
l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, de convoquer l’assemblée
générale extraordinaire à l’effet de décider s’il y a lieu à la dissolution anticipée de la
société. Si la dissolution n’est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du
deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue et
sous réserve des dispositions de l’article L. 224-2 de réduire son capital d’un montant au
247
Supra n° 120 à 128.
248Y. Guyon, op. cit. 1982.
249
Sachant tout de même que la procédure à suivre dans le cadre de la SAS pourra être différente en fonction de
ce que prévoiront les statuts de celle-ci.
87
moins égal à celui des pertes qui n’ont pas pu être imputées sur les réserves, si, dans ce délai,
les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à
la moitié du capital social ».
146-Mais d’emblée l’on remarque que cette règle n’a plus aucun sens dès lors que la société
n’a plus de capital minimum imposé. Le risque qui s’en suit est que la société va pouvoir
réaliser des pertes sans jamais procéder à une quelconque réduction de son capital puisque,
légalement, ses capitaux propres ne seront pas inférieurs au montant de son capital social.
147-Un auteur proposait de réformer le régime de la réduction du capital social motivée par
les pertes afin que les associés puissent agir avant qu’il ne soit trop tard ; par exemple l’auteur
propose de procéder à cette réduction dès le moment où les capitaux propres deviennent
inférieurs au capital social, et d’accélérer la procédure.
Mais là encore, c’était sans compter le problème de la société à un euro. Deux alternatives
s’offrent alors ici : soit les associés fondateurs sont réellement à même de fixer un capital
social leur permettant de démarrer leur activité ; celle-ci sera soumise alors à l’aléa propre aux
affaires, et des pertes pourront apparaître, mais il n’y aura pas lieu de les sanctionner, puisque
les associés auront apporté les capitaux nécessaires aux besoins réels de l’activité. Soit les
associés se seront totalement désintéressés du capital de départ, et les juges se devront de
sévir par le biais de la faute de gestion.
De même, il semble bon que les associés renforcent les capitaux propres de la société, et ce
même en cas de bénéfices.
2 : Le nécessaire renforcement des fonds propres en cas de bénéfices
148-L’article L. 232-10 du Code de commerce dispose qu’« à peine de nullité de toute
délibération contraire, dans les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, il
est fait sur le bénéfice de l’exercice, diminué, le cas échéant, des pertes antérieures, un
prélèvement d’un vingtième au moins affecté à la formation d’un fonds de réserve dit
« réserve légale ». Ce prélèvement cesse d’être obligatoire, lorsque la réserve atteint le
dixième du capital social ». Là encore, l’on se rend compte que la règle perd tout son sens
dans le cas d’une société au capital social dérisoire.
Or puisque la SAS relève de cet article, il paraît extrêmement important que les statuts
prévoient des règles différentes permettant que soit constituée une réserve légale et/ou
statutaire, afin que la société conserve des fonds propres et n’effectue pas une distribution
massive de ses bénéfices, notamment à ses dirigeants, d’autant plus que cela paraîtrait assez
mal venu par les temps qui courent250.
Mais comme nous l’avons vu, la conservation du capital social semble mal s’accorder avec la
libéralisation accrue dont il a fait l’objet, si bien que certains auteurs ont envisagé une refonte
du capital social.
Section II : Vers une refonte de la notion de capital social
Alors qu’un auteur251 propose de créer la notion de « capital d’engagement » (§I), on
remarque qu’il est des systèmes étrangers dont le législateur français pourrait aisément
s’inspirer (§II).
§I : La création d’un « capital d’engagement »
149-L’auteur, constatant la déchéance du rôle dévolu au capital social, et son impossibilité à
concilier protection des créanciers et financement de la société, propose de créer un « capital
d’engagement », qui serait un instrument de garantie des créanciers (A), alors que le capital
social persisterait afin d’assurer le financement des besoins de la société (B).
A : Le capital d’engagement, instrument de garantie des créanciers
Le capital d’engagement, selon l’auteur, permettrait « d’arrêter le montant de l’engagement
de chaque associé aux pertes sociales »252 (1), ce qui constituerait une véritable protection
pour les créanciers sociaux (2).
250
Sur ce point, V. par exemple C. Radé et C. Hannoun, Faut-il limiter la rémunération des dirigeants
d’entreprises ?, Rev. dr. du travail 2009, p. 140.
251L. Nurit-Pontier, La détermination statutaire du capital social : enjeux et conséquences, D. 2003, chron. p.
1612. 252
Idem.
89
1 : Le capital d’engagement, reflet de l’engagement des associés
Dans l’esprit de l’auteur, « le capital d’engagement est amené à se substituer au capital social
envisagé en tant qu’instrument de garantie des créanciers (…)253 ».
Le capital d’engagement permettrait d’arrêter la somme maximale à laquelle chaque associé
s’engage vis-à-vis des créanciers sociaux ; l’associé perdrait alors non pas le montant de son
apport au capital social mais celui de son engagement dans le capital d’engagement.
Les tiers seraient alors informés du montant de ce capital d’engagement, qui figurerait dans
les statuts.
En résulterait alors une véritable protection pour les créanciers sociaux.
2 : Le capital d’engagement ou la véritable protection des créanciers sociaux
150-Du fait de ce capital d’engagement – pour lequel la loi pourrait prévoir un montant
minimum254 – les associés s’engageraient à supporter les pertes sociales pour un certain
montant, arrêté à la constitution de la société, montant dépassant celui de l’apport « mais
néanmoins limité et déterminé de manière définitive »255.
Dans les sociétés nécessitant un faible capital de départ, l’insuffisance du capital social en
termes de garantie serait compensée par l’instauration de ce capital d’engagement.
151-En ce qui concerne les sociétés nécessitant un capital social de départ important, le
capital d’engagement en serait inférieur, de telle sorte que « pour la différence entre leur
engagement et leur apport, les associés seraient traités comme des créanciers ordinaires de la
société »256.
L’auteur ajoute que contrairement au capital social, le capital d’engagement serait composé de
sommes qui ne feraient l’objet d’aucun transfert à la société mais qui demeuraient la propriété
de chaque associé ; de ce fait il serait « virtuel », puisque les sommes que les associés
253
Ibid.
254Même si l’auteur s’interroge sur l’opportunité d’une intervention législative en ce domaine, puisque les
éventuelles garanties qui susceptibles d’être réclamées par les créanciers devraient suffire à ce que les associés
déterminent un capital d’engagement au montant relativement important. 255
L. Nurit-Pontier, op. cit., 2003. 256
Idem.
s’engageraient à verser ne feraient l’objet d’aucune individualisation ou autre versement à un
compte bloqué.
Dès lors les créanciers auraient toujours vocation à se payer sur l’actif social, mais en cas
d’insuffisance de celui-ci, « les associés dont les apports au capital social sont inférieurs au
montant de leur engagement résultant du capital d’engagement conservent une dette à l’égard
des créanciers sociaux égale à la différence entre leur engagement et les apports réalisés au
capital social et peuvent donc (…) être poursuivis par les créanciers de la société »257.
L’auteur admet toutefois qu’un tel système conduirait à mettre en concurrence les créanciers
sociaux et les créanciers personnels des associés, mais nuance par ailleurs en ajoutant que
cette mise en concurrence est déjà l’apanage des sociétés à risque illimité, sans que cela ne
pose de problèmes insurmontables.
152-L’on peut objecter toutefois qu’un tel système est générateur d’un certain aléa pour les
créanciers sociaux, puisque selon l’auteur, le capital d’engagement reste cependant « virtuel »,
celui-ci ne faisant l’objet d’aucune individualisation ; mais on peut également ajouter que le
capital social, en tant qu’il n’est aujourd’hui qu’une simple valeur inscrite dans les statuts et
qu’il est souvent dépensé dès les premières semaines d’activité, ne présente guère plus de
sécurité pour les créanciers d’une société, si celle-ci ne génère aucun actif.
Mais loin d’être éludée totalement par l’auteur, la notion de capital social est également
envisagée en tant qu’elle sert d’instrument de financement à la société.
B : Le capital social, instrument de financement de la société
153-Alors que dans le système proposé, le capital social se voit « débarrassé » de toute
fonction de protection des créanciers, les associés peuvent en fixer le montant en fonction des
besoins financiers réels de la société (1), et l’intégration de l’apport en industrie y est même
envisageable (2).
1 : Le capital social, reflets des besoins financiers de la société
L’auteur commence son propos en déclarant que la nécessité du capital social ne saurait être
remise en cause. En effet, de par le système qu’il propose de mettre en place, le capital social,
« dégagé des contraintes liées à la protection des créanciers, (…) peut désormais être fixé au
257
Ibid.
91
vu des seuls considérations inhérentes au besoin de financement de la société »258, et ce parce
qu’il est « essentiel que le capital social corresponde effectivement au volume d’activités de la
société »259. Ce même capital constituera alors un facteur de développement de la société260.
Les associés détermineront alors un capital social dont le montant tiendra compte et des
besoins immédiats de la société et des besoins futurs, capital qui devra rester le mode de
financement privilégié de la société, notamment par le biais de la constitution de réserves
légale et/ou statutaire.
Dès lors l’auteur envisage même que soient intégrés au sein de ce même capital les apports en
industrie.
2 : L’éventuelle intégration de l’apport en industrie au capital social
154-Au-delà des difficultés inhérentes à l’évaluation de l’apport en industrie, il est un
argument qui empêche que cet apport soit intégré au capital social. En effet, l’on considère
que le capital social étant le gage des créanciers sociaux, inclure dans l’assiette de ce gage les
apports en industrie reviendrait à spolier les créanciers à qui l’on proposerait une garantie
basée sur des éléments insaisissables.
Or ici, la création d’un capital d’engagement permet de « débarrasser » le capital social de sa
fonction de protection des créanciers sociaux.
Dès lors, rien n’empêcherait d’inclure les apports en industrie dans le capital social, ce qui
résoudrait bon nombre de problèmes qui ont été soulevés dans des développements antérieurs
(mise en valeur de l’apport, droit à l’information etc.)261.
155-De plus le capital d’engagement présente un avantage certain pour l’apporteur en
industrie. En effet, il est souvent avancé que ce type d’apport est profitable en premier lieu
aux jeunes sans le sou qui désirent prendre part à une société. Or, selon l’auteur, le capital
d’engagement n’est pas une somme individualisée ; de ce fait, un jeune qui n’a pour richesse
que sa seule industrie pourra faire un apport qui serait intégré au capital social – sans pour
autant avancer une somme pour l’intégrer au capital d’engagement – ce qui lui permettra
258
L. Nurit-Pontier, op. cit., 2003. 259
Idem. 260
En ce sens V. Y. Guyon, op. cit., 1982.
261Supra n° 70 à 73.
d’accéder aux mêmes droits que ceux octroyés à tout associé ; et dans l’éventualité où des
créanciers sociaux viendraient à réclamer remboursement de leurs créances en raison du
capital d’engagement, on peut imaginer qu’entre la période de constitution de la société et le
moment où la dette est exigible, l’apporteur en industrie se sera constitué un capital, qui lui
permettra d’honorer ses engagements.
La question du capital social apparaît en réalité primordiale et certains auteurs s’attèlent alors
à trouver des solutions qui pourraient être appliquées en pratique. Mais bien plus que de
l’imagination des auteurs, c’est peut-être des droits étrangers que le législateur devrait
s’inspirer.
§II : L’appréhension du capital social par des droits étrangers : exemples de droit comparé
156-Alors que le droit belge (A) – qui se rapproche d’ailleurs du système du capital
d’engagement évoqué précédemment – pourrait permettre d’intégrer l’apport en industrie au
capital social, le droit italien (B) prévoit par une disposition expresse leur intégration tout en
se prémunissant contre une éventuelle spoliation des créanciers.
A : Le droit belge
157-Il est prévu dans le droit des sociétés belge que les fondateurs de société doivent fournir
un plan financier (1), pour s’assurer que ceux-ci ne se lancent pas dans l’aventure
entrepreneuriale à « l’aveuglette ». Appliqué au droit français (2), ce système permettrait
d’intégrer l’apport en industrie dans le capital social.
1 : La nécessité d’établir un plan financier
158-L’article 215 du Code belge des sociétés dispose que « préalablement à la constitution de
la société (privée à responsabilité limitée), les fondateurs remettent au notaire (…) un plan
financier dans lequel ils justifient le montant du capital social de la société à constituer
(…) ».
La jurisprudence belge d’ajouter alors que « le plan financier peut être défini comme étant un
état prévisionnel des activités à réaliser par la société à constituer et des moyens financiers à
mettre en œuvre à cette fin. Il doit être rédigé de façon telle qu’il permette de vérifier qu’elle
93
était l’activité projetée lors de la constitution de la société, de quelle manière elle devait être
durant ses deux premières années »262.
159-Si jamais le capital social contenu dans le plan financier est manifestement insuffisant,
une action en responsabilité est alors ouverte à l’encontre des fondateurs ; deux conditions
cumulatives doivent cependant être respectées : l’ouverture de la procédure de faillite est
ouverte dans les trois ans de la constitution de la société, et l’insuffisance manifeste du capital
social lors de la constitution de la société doit être caractérisée.
Dès lors, l’application de ce système en droit français permettrait d’intégrer les apports en
industrie au capital social.
2 : Un système envisageable en droit français
160-Ce système, appliqué en droit français, permettrait d’intégrer les apports en industrie dans
le capital social. A l’instar du capital d’engagement proposé par Mme Nurit-Pontier, le plan
financier va permettre d’assurer la sécurité des tiers, puisque les associés fondateurs
engageront leur responsabilité en cas de faillite dans les trois années suivant la constitution de
la société. En effet, ceux-ci « sont tenus solidairement envers les intéressés, malgré tout
stipulation contraire (…) des engagements de la société dans une proportion fixée par le juge,
en cas de faillite, prononcée dans les trois ans de la constitution si le capital social était, lors
de la constitution, manifestement insuffisant pour assurer l’exercice normal de l’activité
projetée pendant une période de deux ans au moins »263.
De ce fait, intégrer l’apporteur en industrie au capital social ne lèserait en rien les créanciers
sociaux, puisqu’en cas de faillite pendant une certaine période donnée suite à la constitution
de la société, ceux-ci seraient assurés de voir leurs créances remboursées, tous les apporteurs
étant tenus d’honorer leurs dettes.
En effet, soit le capital social était suffisant en vue du plan financier, et dans ce cas,
l’intégration de l’apporteur en industrie au capital social importera peu aux créanciers, soit il
262
In J.-M. Fernandez, Capital social manifestement insuffisant lors de la constitution de la société : une
initiative contrôlée en droit belge, LPA 6 janvier 2004, n° 4, p. 4.
263Article 229-5, 5°, du Code belge des sociétés.
est insuffisant, et dans ce cas tous les associés seront tenus du remboursement, même
l’associé en industrie264.
Il est également un autre droit qui lui admet expressément l’apport en industrie au sein du
capital social des sociétés, et qui prévoit un palliatif à l’éventuel risque de spoliation des
créanciers sociaux, à savoir le droit italien.
B : Le droit italien
161-La loi italienne prévoit dans ses dispositions que les apports en industrie concourent à la
formation du capital social, sous réserve que leur titulaire s’engage par une caution bancaire,
une police d’assurance, ou un dépôt de fonds (1). Ce système paraît lui aussi envisageable en
droit français, bien que certaines critiques puissent être émises (2).
1 : La caution bancaire, la police d’assurance et le dépôt de fonds
162-Le nouveau droit italien des sociétés, en vigueur depuis le 1er
janvier 2004, autorise une
liberté contractuelle accrue dans la rédaction des statuts et permet donc une plus grande
souplesse d’adaptation des sociétés aux exigences effectives des entrepreneurs.
Les principales nouveautés introduites par la réforme concernant la SRL (Société à
Responsabilité Limitée) dont le capital pourra être constitué entièrement par tout élément
d’actif susceptible d’une évaluation économique, y compris le travail ou la prestation de
services265.
Toutefois, les apports sous forme de prestations de services ou de travail prendront la forme
d’une police d’assurance ou d’une caution bancaire du montant de leur valeur, ou si les statuts
le prévoient, d’un dépôt de fonds par l’associé en garantie de la prestation objet de l’apport.
Bien que ce système, qui tente d’assurer au mieux la protection des créanciers sociaux,
pourrait être intégré dans le système français, il n’en est pas pour autant dénué de critiques.
2 : Un système envisageable en droit français mais critiquable
264
Attention tout de même, puisque la jurisprudence belge ne rend responsables que les seuls associés ayant
comparu à l’acte de constitution de la société. Sur ce point, V. CA de Liège, 17 décembre 1996, J.L.M.B. 1998, in
J.M. Fernandez, op. cit.
265In A.-M. Gaillet, Le nouveau droit des sociétés de capitaux en Italie, JCP E 2004, I, n° 200.
95
163-Le droit italien, tout en permettant d’intégrer les apports en industrie au capital social,
présente toutefois certains inconvénients non négligeables.
En premier lieu, on remarque que le dépôt de fonds oblige l’apporteur en industrie à déposer
une somme correspondant à la prestation qu’il s’engage à accomplir. Or comme on l’a évoqué
dans des développements précédents, il est un lieu commun de dire que les apporteurs en
industrie sont souvent sans le sou, puisqu’il s’agit la plupart du temps de jeunes gens pleins
d’enthousiasmes désirant participer à la vie de la société. Or si l’apport de son industrie par
l’associé l’oblige à déposer une somme d’argent, pourquoi ne pas directement effectuer un
apport en numéraire ?
De plus, une telle mesure peut conduire à ce que des individus, dont le talent et la compétence
pourraient être mis au service de la société, se voient contraints d’abandonner leurs projets
faute de moyens.
164-Mais il faut toutefois nuancer, puisque le dépôt de fonds relève des statuts, et donc de la
volonté des associés, et non de la loi ; on peut donc imaginer que des associés qui prévoiraient
une telle clause le feraient en connaissance de cause, c’est-à-dire en sachant que l’apporteur
en industrie dispose d’un pécule de départ.
En second lieu apparaissent la caution bancaire et la police d’assurance. Ces deux procédés
visant à protéger les tiers ne sont ni plus ni moins que des sûretés, et dès lors on peut se
demander quel rôle joue encore la limitation de la responsabilité des associés…
Conclusion de la seconde partie :
165-A la question « l’apport en industrie peut-il être intégré au capital social ? », la réponse
nous semble être positive.
En effet, il apparaît que ni les prétendues difficultés d’évaluation de cet apport, ni le rôle
traditionnellement attribué au capital social ne doivent ni ne peuvent justifier son exclusion du
capital de la société.
166-L’évaluation par un tiers reste tout à fait envisageable, et d’ailleurs, si la loi en prévoit
une évaluation à terme, il n’y a pas de raisons pour qu’il ne puisse y en avoir une évaluation
ab initio.
167-Le capital social, ainsi que nous l’avons vu, ne constitue pas réellement le gage des
créanciers sociaux, et un tant soit peu de pragmatisme permet aisément d’étayer ce propos.
168-En revanche, l’intégration de l’apport en industrie au capital social ne doit pas masquer le
véritable problème, qui est celui du capital social, tant il est une notion à la fois mal
appréhendée, et dont le véritable intérêt semble avoir été totalement oublié par le législateur.
Dès lors, une refonte de la notion serait la bienvenue, puisqu’en plus d’assurer à l’apporteur
en industrie les droits dont il devrait bénéficier en tant qu’associé, cela permettrait enfin au
capital social d’assurer une véritable protection des créanciers sociaux, et de ne plus être
qu’un simulacre de solvabilité de la société. Il apparaît donc nécessaire que le législateur, aidé
de la jurisprudence, redonne ses titres de noblesse au capital social, car comme l’a écrit le
Professeur Le Cannu, il serait dommage que le capital social « prenne une retraite
anticipée »266.
266
P. Le Cannu, Les rides du capital social, in A. Couret et H. Le Nabasque, op. cit.
97
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-Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambres civiles.
-Bull. Joly (sociétés): Bulletin mensuel d’information des sociétés (Joly).
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-C. com. : Code de commerce.
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-Cah. dr. entrep. : Cahiers de droit de l’entreprise.
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-CCIP : Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.
-D : Recueil Dalloz.
-Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois.
-Dr. et Patr. : Revue Droit et Patrimoine.
-Dr. sociétés : Droit des sociétés (Bulletin du juris-classeur des sociétés).
-EARL : Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée.
-EURL : Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée.
-GAEC : Groupement Agricole d’Exploitation en Commun.
-Gaz. Pal. : La Gazette du Palais.
-JCP : Juris-Classeur Périodique (La semaine juridique),
*JCP E : La semaine juridique édition Entreprise (anciennement JCP CI : La semaine
juridique Commerce et Industrie).
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*JCP N : La semaine juridique édition Notariale.
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-LME : Loi de Modernisation de l’Economie.
-LPA : Les Petites Affiches.
-NRE : Loi sur les Nouvelles Régulations Economiques.
-Rev. dr. banc. et fin. : Revue de droit bancaire et de la bourse.
-Rev. dr. soc. : Revue de droit social.
-Rev. sociétés : Revue des sociétés.
-Rev. dr. du travail : Revue de droit du travail.
-RTD civ. : Revue Trimestrielle de droit civil.
-RTD com. : Revue Trimestrielle de droit commercial et de droit économique.
-SA : Société Anonyme.
-SAPO : Société Anonyme à Participation Ouvrière.
-SARL : Société A Responsabilité Limitée.
-SAS : Société par Actions Simplifiée.
-SCA : Société en Commandite par Actions.
-SCP : Société Civile Professionnelle.
-SCS : Société en Commandite Simple.
-SELARL : Société d’Exercice Libérale à Responsabilité Limitée.
-SELAS : Société d’Exercice Libérale par Actions Simplifiée.
-SNC : Société en Nom Collectif.
-V. : Voir.