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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
ACCOMPAGNEMENT AU CHOIX DE CARRIÈRE DE CLIENTS
DYSPHASIQUES : EXPLORATION DES ENJEUX ET DES OBSTACLES
RENCONTRÉS PAR LES CONSEILLERS D’ORIENTATION
RAPPORT D’ACTIVITÉS DIRIGÉES PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN CARRIÉROLOGIE
PAR
MARIE-ÈVE GOULET
SEPTEMBRE 2015
REMERCIEMENTS
Mes remerciements s’adressent directement aux membres de ma famille. Merci à ma mère,
Diane Laprise, mon père, Réjean Goulet, et mon frère, Jean-Philippe Goulet, de m’avoir
appuyée et encouragée à travers mon processus de réorientation de carrière. Rapidement
après vous avoir annoncé mon passage de l’orthophonie vers l’orientation scolaire et
professionnelle, votre surprise s’est transformée en une vague de soutien. Merci pour la
compréhension démontrée face à ma disponibilité plus limitée. L’aboutissement de ce
travail représente la fin de ce défi que je me suis lancé et qui me permettra d’atteindre mon
objectif, celui de devenir conseillère d’orientation. La route a été parsemée d’embûches et
grâce à vous, le chemin a été beaucoup plus facile.
Un merci tout spécial à mon conjoint Fred Paulhus. Grâce à ton appui, j’ai réussi à garder
la motivation et les yeux rivés sur l’objectif afin de mener ce projet à terme. Par ta présence,
tes mots d’encouragement, ton humour et ta capacité de rendre chaque journée spéciale, tu
m’as insufflé l’énergie dont j’avais besoin pour me rendre au fil d’arrivée.
Merci également à Rolland Stébenne, conseiller d’orientation et chargé de cours. Nos
échanges ont marqué des points d’ancrage précieux qui m’ont aidée à évoluer
personnellement et professionnellement. Ton savoir, ta passion pour l’orientation et ta
bonté hors du commun me serviront sans aucun doute de motivateurs pour la poursuite de
mon parcours. Notre relation étudiant-enseignant qui s’est transformée en une belle
complicité professionnelle au fil des années m’est très chère.
Je tiens finalement à remercier tous les participants de cette étude qui ont généreusement
accepté de collaborer de même que mon directeur de recherche, monsieur Louis Cournoyer
Ph.D., conseiller d’orientation. Ton soutien et ta patience combinés à ton bagage
impressionnant de connaissances se sont avérés des atouts précieux pour me permettre de
terminer ce dernier tour de piste avant de décrocher mon diplôme. Ta façon de
communiquer en mélangeant sérieux, humour et pertinence a su m’énergiser quand j’en
sentais le besoin. Merci pour tout!
AVANT-PROPOS
Le présent essai s’inscrit dans le cadre d’un processus réflexif entamé il y a quelques
années, après avoir décidé de troquer ma carrière d’orthophoniste pour celle de conseillère
d’orientation. Dès le début de ma formation en carriérologie, plusieurs occasions sont
survenues où j’ai pu établir des ponts entre mes connaissances sur les troubles du langage
et de la communication aux nouveaux savoirs acquis. Les liens établis entre l’orthophonie
et l’orientation m’ont amenée à réfléchir sur le processus de choix de carrière des clients
ayant un trouble primaire du langage, communément appelé dysphasie. Malgré les
hypothèses qu’il m’a été possible d’élaborer, plusieurs questionnements demeuraient en
suspens :
En quoi le processus de choix de carrière des clients dysphasiques diffère-t-il de
leurs pairs sans trouble?
Quels sont les impacts de ce trouble du langage, le cas échéant, sur le
développement du concept de soi, la connaissance du marché du travail et le
processus de prise de décision de ces clients?
Quels sont les obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation accompagnant
cette clientèle dans leur insertion professionnelle?
De quelles façons l’organisation actuelle des services d’orientation répond-elle ou
non aux besoins des personnes dysphasiques?
Quelles stratégies d’intervention se révèlent particulièrement pertinentes et
efficaces auprès de ces clients pour les aider à cheminer vers un choix de carrière
leur permettant de se réaliser?
La réalisation de cet essai représentait donc l’occasion parfaite d’adresser une partie de ces
questionnements. En plus de représenter un fil conducteur entre ma carrière antérieure et
future, cette recherche permet d’adresser un sujet encore peu documenté dans la littérature
d’où sa nature exploratoire. Je souhaite ardemment que des recherches futures permettent
de bonifier les résultats obtenus et discutés dans cet essai afin d’alimenter la pratique des
c.o. accompagnant cette clientèle dans l’expression de leur plein potentiel sur le marché du
travail.
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ........................................................................................................... ii
AVANT-PROPOS ............................................................................................................. iii
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................. iv
LISTE DES TABLEAUX.................................................................................................. vi
LISTE DES SIGLES......................................................................................................... vii
RÉSUMÉ ........................................................................................................................... ix
INTRODUCTION .............................................................................................................. 1
CHAPITRE I ....................................................................................................................... 3
PROBLÉMATIQUE ........................................................................................................... 3
1.1 Augmentation de la clientèle dysphasique .............................................................. 3
1.2 Conséquences des troubles d’apprentissage sur le choix de carrière ...................... 7
1.3 Conséquences des troubles d’apprentissage sur l’insertion professionnelle ........... 9
1.4 Choix de carrière chez les élèves dysphasiques : un chantier à découvrir ............ 11
1.5 Évolution des services dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité,
de la santé et des services sociaux......................................................................... 13
1.6 Services d’orientation offerts aux clients HDAA ................................................. 18
CHAPITRE II ................................................................................................................... 23
CADRE CONCEPTUEL .................................................................................................. 23
2.1 Le langage et ses composantes .............................................................................. 23
2.2 Trouble primaire du langage / dysphasie .............................................................. 27
2.2.1 Description ............................................................................................................ 27
2.2.2 Manifestations ....................................................................................................... 29
2.2.3 Conséquences sur le plan scolaire ......................................................................... 31
2.2.4 Conséquences sur le plan professionnel ................................................................ 34
2.2.5 Conséquences sur les plans social et affectif ........................................................ 35
2.3 Retard versus trouble du langage .......................................................................... 37
2.4 Trouble du langage versus trouble de la parole .................................................... 38
CHAPITRE III .................................................................................................................. 39
OBJECTIFS DE RECHERCHE ....................................................................................... 39
CHAPITRE IV .................................................................................................................. 40
MÉTHODOLOGIE........................................................................................................... 40
4.1 Approche de recherche .......................................................................................... 40
4.2 Sélection des participants ...................................................................................... 40
4.3 Instruments ............................................................................................................ 44
4.4 Cueillette de données ............................................................................................ 46
4.5 Méthode d’analyse de données ............................................................................. 47
4.6 Principes éthiques régissant la recherche .............................................................. 48
CHAPITRE V ................................................................................................................... 49
RÉSULTATS .................................................................................................................... 49
5.1 Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques ................ 50
5.1.1 Vision élargie de la dysphasie ............................................................................... 50
5.1.2 Répercussions sur l’ensemble des parcours de vie ............................................... 53
5.2 Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client .......................... 57
5.2.1 Établissement d’une communication efficace ....................................................... 57
5.2.2 Écarts entre le soi idéal et le soi réel du client ...................................................... 61
5.3 Enjeux liés à l’organisation des services ............................................................... 65
5.3.1 Liberté d’action variable ....................................................................................... 65
5.3.2 Manque de moyens perçu...................................................................................... 68
5.4 Enjeux reliés aux conseillers d’orientation ........................................................... 71
5.4.1 Sentiment d’efficacité personnelle variable .......................................................... 71
5.4.2 Besoin de reposer sur des bases solides ................................................................ 76
5.4.3 Besoin de s’affilier avec des partenaires ............................................................... 78
5.4.4 Orientation vers les solutions ................................................................................ 81
5.5 Pistes pour développer les services d’orientation ................................................. 84
CHAPITRE VI .................................................................................................................. 87
DISCUSSION ................................................................................................................... 87
6.1 Variabilité intermilieu et interindividuelle ............................................................ 87
6.2 Dysphasie : un trouble multidimensionnel ............................................................ 88
6.3 Stratégies d’intervention pertinentes à l’orientation ............................................. 89
6.4 Implication des c.o. auprès de la clientèle dysphasique ........................................ 92
CHAPITRE VII ................................................................................................................ 95
CONCLUSION ................................................................................................................. 95
7.1 Limites de l’étude .................................................................................................. 96
7.2 Perspectives ........................................................................................................... 97
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 98
ANNEXE A .................................................................................................................... 108
ANNEXE B .................................................................................................................... 113
ANNEXE C .................................................................................................................... 116
LISTE DES TABLEAUX
Tableau Page
1.1 Caractéristiques de l’élève présentant une déficience langagière
(Code 34) ………………………………………………………………...
4
4.1
4.2
5.1
5.2
5.3
5.4
5.5
Données relatives aux participants ………………………………………
Caractéristiques de la clientèle dysphasique desservie ………………….
Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques….
Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client….........
Enjeux liés à l’organisation des services. …………………………….….
Enjeux reliés aux conseillers d’orientation…………………………….....
Pistes pour développer les services d’orientation……...…………………
43
44
50
57
65
71
84
LISTE DES SIGLES
AERDPQ
AOVS
AQETA
CAMO
CASC
C.O.
DEP
EHDAA
FGA
FGJ
FMSS
FP
FPPE
FPT
HDAA
MEESR
MELS
MESRST
MEQ
MSSS
OCCOQ
OPHQ
Association des établissements de réadaptation en déficience
physique du Québec
Approche orientée vers les solutions
Association québécoise des troubles d’apprentissage
Comité d’adaptation de la main-d’œuvre pour personnes
handicapées
Coalition pour l’accessibilité aux services des CLE
Conseiller(s) ou conseillère(s) d’orientation
Diplôme d’études professionnelles
Élève(s) handicapé(s) ou en difficulté d’adaptation ou
d’apprentissage
Formation générale des adultes
Formation générale des jeunes
Formation menant à l’exercice d’un métier semi-spécialisé
Formation professionnelle
Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du
Québec
Formation préparatoire au travail
Handicapé(s) ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage
Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la
Science et de la Technologie
Ministère de l’Éducation du Québec
Ministère de la Santé et des Services sociaux
Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec
Office des personnes handicapées du Québec
OOAQ
PAAS Action
SEP
SLI
TÉVA
TSA
Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec
Programme d’aide et d’accompagnement social
Sentiment d’efficacité personnelle
Specific language impairment
Transition de l’école vers la vie active
Trouble du spectre de l’autisme
RÉSUMÉ
Au cours des dernières années, une augmentation de la clientèle présentant une déficience
langagière (code de difficulté 34) a été relevée au public dans le secteur jeune (CAMO
pour personnes handicapées, 2014). Un accroissement du nombre de demandes de services
provenant d’adultes ayant un trouble du langage a également été dénoté par les centres de
réadaptation en déficience physique (AERDPQ, 2011). Certaines études se sont penchées
sur le processus de choix de carrière d’individus ayant des difficultés d’apprentissage ou
des handicaps, au sens large. Or, aucune étude n’a analysé en profondeur comment se
réalise ce processus chez les individus dysphasiques particulièrement. La dysphasie, aussi
appelée trouble primaire du langage, se caractérise par des manifestations hétérogènes d’un
individu à l’autre et un portrait clinique qui varie dans le temps (OOAQ, 2004). Elle se
répercute sur plusieurs habitudes de vie et sphères d’activités, dont l’éducation et le travail
(OOAQ, 2004; Whitehouse et al., 2009b; Clegg et al., 2005). Confrontées à ces difficultés,
les personnes dysphasiques sont susceptibles de recourir à des services d’orientation. Afin
de documenter les enjeux et obstacles rencontrés par les c.o. qui accompagnent cette
clientèle, la présente étude a été élaborée. Six c.o. provenant des secteurs scolaire, de
l’employabilité et de la réadaptation ont été rencontrés dans le cadre d’entrevues semi-
dirigées desquelles ont émergé divers enjeux et obstacles. Il ressort que les c.o. ont une
vision de la dysphasie qui va au-delà des atteintes langagières et ceux-ci perçoivent que ce
trouble se répercute sur l’ensemble des parcours de vie des clients. En lien avec
l’intervention et l’échange c.o.-client, il s’avère que les c.o. emploient diverses stratégies
afin d’établir une communication efficace. De plus, ils dénotent un écart entre le soi idéal
et le soi réel des clients. Afin d’offrir un accompagnement adéquat, les c.o. ont le besoin
de se baser sur une évaluation solide et de s’allier avec des partenaires. Bien qu’ils aient
un sentiment d’efficacité personnelle et une liberté d’action qui varient, plusieurs c.o. ont
en commun leur approche axée sur les solutions. Finalement, ils ont des idées concrètes
pour améliorer les services d’orientation offerts à cette clientèle. Les résultats obtenus sont
discutés en rapport avec les données actuellement disponibles dans la littérature. Les
retombées au plan théorique et clinique de même que les limites de cette étude sont
abordées en guise de conclusion.
INTRODUCTION
Au cours des dernières années, le portrait des élèves fréquentant les établissements
scolaires québécois s’est modifié et l’effectif des élèves handicapés ou en difficulté
d’adaptation ou d’apprentissage s’est accru. Un rapport publié par le MELS en 2010 fait
état d’une augmentation du taux de variation de 20% des élèves HDAA en formation
générale des jeunes dans le secteur public, et ce, entre les années scolaires 2002-2003 et
2009-2010. Durant cette même période, c’est au secondaire que cet accroissement a été le
plus marqué avec une augmentation de 34%. Cette clientèle représentait alors 22,2 % de
l’ensemble de l’effectif au niveau secondaire (MELS, 2010). Les plus récentes statistiques
du MELS qu’il a été possible d’obtenir mentionnent que le total d’élèves HDAA du secteur
des jeunes des réseaux d’enseignement public et privé s’élevait à 174 530 élèves, et ce,
durant l’année scolaire 2010-2011 (MELS et MESRST, 2014).
Parmi ces élèves se retrouvent les jeunes présentant une dysphasie sévère, soit un trouble
développemental du langage. Actuellement, le taux de prévalence au Québec demeure
inconnu. Toutefois, les données émises par le MELS reflètent une augmentation
significative des élèves aux prises avec une déficience langagière entre les années 2001-
2002 et 2009-2010. Durant cette période, l’effectif d’élèves du primaire à la cinquième
secondaire aux prises avec une déficience langagière a augmenté de 218%, passant de 2374
à 7553 élèves (Comité d’adaptation de la main-d’œuvre (CAMO) pour personnes
handicapées, 2014). Cette réalité fait en sorte que bon nombre d’intervenants œuvrant
auprès de ces jeunes, qui atteindront éventuellement l’âge adulte, manifestent leur désir de
mettre en place des interventions adaptées aux besoins de cette clientèle.
Tout comme les clients « considérés sans trouble », les personnes dysphasiques sont
appelées à s’interroger sur leur choix de carrière et sur leur intégration au marché du travail.
Que ce soit en milieu scolaire, dans des organismes d’aide à l’emploi ou dans des centres
de réadaptation, les c.o. peuvent être appelés à soutenir les clients dysphasiques dans cette
démarche de choix de carrière et d’insertion socioprofessionnelle. À travers
2
l’accompagnement de cette clientèle aux besoins spécifiques, certains constats ou
questionnements peuvent émerger, que ce soit en lien avec l’intervention directe ou de
façon plus générale, à l’adéquation entre les services d’orientation actuellement offerts et
les besoins particuliers de cette clientèle. Malheureusement, peu de littérature est
disponible sur ce sujet. En fait, aucun écrit portant spécifiquement sur les enjeux et
obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation intervenant auprès de la clientèle
dysphasique n’a été recensé. Devant ce constat, le présent essai a été élaboré.
Cette étude aborde les enjeux et les obstacles rencontrés par les c.o. en lien avec
l’intervention et l’organisation des services offerts aux clients présentant une dysphasie
modérée à sévère. Pour y arriver, le premier chapitre se consacrera au traitement de la
problématique. La deuxième section servira de point d’ancrage afin de conceptualiser les
diverses composantes du langage, la dysphasie ainsi que les conséquences de ce trouble du
langage sur les divers domaines de vie. Le cadre conceptuel se terminera par la formulation
de la question de recherche. Le troisième chapitre, pour sa part, présentera l’objectif
général et les sous-objectifs de cet essai suivi de la quatrième section qui détaillera la
méthodologie employée pour répondre à la question de recherche. Les résultats obtenus
seront exposés, discutés et comparés aux données actuellement disponibles dans la
littérature à l’intérieur du cinquième et sixième chapitre respectivement. Finalement, ce
rapport de recherche se conclura par les apports et les limites scientifiques de cette étude
ainsi que les voies de recherche pertinentes à explorer à la lumière des informations
obtenues.
CHAPITRE I
PROBLÉMATIQUE
1.1 Augmentation de la clientèle dysphasique
Selon l’OOAQ (2004), le trouble primaire du langage réfère à un trouble persistant du
langage oral qui peut toucher à la fois la sphère réceptive (compréhension) et expressive
ou la sphère expressive isolément. Les manifestations varient d’une personne à l’autre et
se modifient chez un même individu au fil des années. Il s’agit d’un trouble qui peut être
accompagné d’autres difficultés et qui se répercute sur divers domaines de vie, dont les
sphères scolaire et professionnelle (OOAQ, 2004). Comme le souligne l’OOAQ (2004), le
degré de sévérité de la dysphasie est variable.
Malgré cela, il importe de saisir qu’au cours de leur parcours scolaire, ce ne sont pas tous
les clients dysphasiques qui seront systématiquement considérés comme étant
« handicapés » au sens entendu par le MEESR (anciennement MELS) dans l’appellation
Élèves Handicapés1 ou en Difficulté d’Adaptation ou d’Apprentissage (EHDAA). Les
types de handicaps reconnus par le MELS sont variés : déficience motrice légère,
déficience organique, déficience intellectuelle moyenne à sévère, déficience intellectuelle
profonde, trouble envahissant du développement, trouble relevant de la psychopathologie,
déficience atypique, déficience motrice grave, déficience visuelle, déficience auditive et
déficience langagière (MELS, 2007). La déficience langagière est le handicap qui nous
intéresse dans le cas présent. Pour qu’un élève dysphasique soit reconnu comme étant
handicapé et se voit attribuer le code de difficulté 34 (code de difficulté associé à la
déficience langagière), celui-ci doit présenter des atteintes modérées à sévères au plan
réceptif et sévères au plan expressif. Le tableau 1.1 présente plus en détail les critères
1 Élèves handicapés : élèves dont le profil répond aux conditions suivantes : « 1. avoir un diagnostic de
déficience posé par une personne qualifiée ; 2. présenter des incapacités qui limitent ou empêchent leur
participation aux services éducatifs ; 3. avoir besoin de soutien pour fonctionner en milieu scolaire. »
(Fédération des syndicats de l’enseignement, 2013, p. 23)
4
d’attribution de ce code de difficulté qui permet d’assurer des services adaptés aux
caractéristiques du jeune et de soutenir financièrement le milieu scolaire pour y arriver.
Tableau 1.1
Caractéristiques de l’élève présentant une déficience langagière (Code 34)
Atteintes
langagières
Présenter une atteinte très marquée (c’est-à-dire sévère) :
- de l’évolution du langage
- de l’expression verbale
- des fonctions cognitivo-verbales
et
- une atteinte modérée à sévère de la compréhension
verbale.
Les atteintes sévères doivent persister au-delà de l’âge de 5 ans.
Évaluation
orthophonique Ces atteintes doivent être attestées par une évaluation réalisée par
un orthophoniste faisant partie d’une équipe multidisciplinaire.
Cette évaluation doit :
- avoir été conduite en utilisant des techniques
d’observations systématiques et des tests appropriés;
- avoir mené à une conclusion orthophonique faisant état
d’une dysphasie sévère, d’un trouble primaire sévère du
langage, d’un trouble mixte sévère du langage ou à une
dyspraxie verbale sévère;
- Une atteinte modérée sur le plan de la compréhension
verbale est considérée si l’évaluation conclut à une
dyspraxie verbale sévère;
- L’élève doit avoir bénéficié d’un suivi d’une durée
minimale de six mois préalablement à l’évaluation.
Limitations et
incapacités L’élève présentant une déficience langagière connaît des
limitations très importantes en ce qui concerne :
- les interactions verbales, tant sur les plans de l’expression
que de la compréhension
- la socialisation
- les apprentissages scolaires
La persistance et la sévérité du trouble l’empêchent d’accomplir
les tâches scolaires normalement proposées aux jeunes de son
âge.
Référence : Informations tirées du document suivant : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.
L’organisation des services éducatifs aux élèves à risque et aux élèves handicapés ou en difficulté
d’adaptation ou d’apprentissage. Québec : Gouvernement du Québec, 2007.
5
Durant l’année scolaire 2009-2010, la déficience langagière se situait au deuxième rang
des handicaps regroupant le plus grand effectif d’élèves au secteur des jeunes dans le réseau
public. En ce sens, l’effectif d’élèves identifiés avec le code 34 représentait 25,9% des
élèves handicapés. La déficience langagière était également considérée, avec le trouble
envahissant du développement (ou TSA), comme les deux déficiences qui ont connu la
plus grande augmentation entre les années 2001-2002 et 2009-2010. Durant cette période,
l’effectif d’élèves présentant une déficience langagière s’est accru de 218%, passant de
2374 à 7553 élèves (CAMO pour personnes handicapées, 2014). Parmi ces 7553 élèves,
une majorité était des garçons (5412 garçons ; 2141 filles) (MELS, 2010).
Bien que les élèves présentant une dysphasie légère ou modérée ne soient pas considérés
comme des élèves handicapés au sens du MELS, il n’en demeure pas moins que les
conséquences de la dysphasie peuvent faire en sorte qu’ils soient identifiés comme faisant
partie des élèves présentant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Cette catégorie
d’élèves regroupe entre autres des élèves qui présentent des troubles du comportement
(dont des troubles graves du comportement), une déficience intellectuelle légère ou des
difficultés d’apprentissage (FSE, 2013). Selon le MELS (2007), l’élève du secondaire en
difficulté d’apprentissage correspond à :
« celui dont l’analyse de sa situation démontre que les mesures de remédiation
mises en place, par l’enseignante ou l’enseignant ou par les autres intervenantes
ou intervenants durant une période significative, n’ont pas permis à l’élève de
progresser suffisamment dans ses apprentissages pour lui permettre d’atteindre
les exigences minimales de réussite du cycle en langue d’enseignement et en
mathématique conformément au Programme de formation de l’école
québécoise. » (p.24)
L’importante proportion d’élèves du secteur public aux prises avec une déficience
langagière, tel que démontré par les statistiques citées précédemment, justifie l’importance
de s’intéresser spécifiquement à la clientèle dysphasique. Cela est d’autant plus vrai que
ces élèves grandissent, quittent le milieu scolaire pour ensuite s’insérer sur le marché du
travail. Ces jeunes devenus grands peuvent alors faire appel aux services d’organismes en
6
employabilité ou de centres de réadaptation afin d’être accompagnés dans leur insertion
socioprofessionnelle. Les centres de réadaptation en déficience physique qui desservent la
clientèle ayant des déficiences du langage ont d’ailleurs constaté, au cours des dernières
années, une augmentation de demandes venant de la part d’adultes ayant des troubles du
langage (Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec
(AERDPQ), 2011). Alors qu’un programme et une offre de services structurés existaient
pour les jeunes enfants âgés de 3 à 6 ans ayant une déficience langagière, aucun programme
n’existait à ce moment pour la clientèle adulte. C’est pourquoi, dans le cadre de leur
planification stratégique de 2010-2015, l’AERDPQ s’est donné l’objectif suivant :
« Clarifier l’offre de services spécialisés requise par les personnes adultes
présentant une déficience du langage, établir le portrait de la situation actuelle
et proposer des orientations, le cas échéant » (AERDPQ, 2010, cité dans
AERDPQ, 2011, p.3)
Bien qu’en nombre limité, de plus en plus d’études s’attardent aux conséquences à long
terme de la dysphasie. En ce sens, des recherches ont fait ressortir que les enfants identifiés
comme ayant une dysphasie en jeune âge continuent de rencontrer des difficultés une fois
rendus à l’adolescence et à l’âge adulte (Clegg et al., 2005; Durkin et Conti-Ramsden,
2007; Whitehouse et al., 2009b). Des difficultés persistantes sur le plan du langage sont
relevées de même que des atteintes marquées en lien avec la littératie2 (Whitehouse et al.,
2009a). Ces difficultés sur le plan du langage oral se répercutent évidemment sur les
apprentissages scolaires des clients dysphasiques (Whitehouse et al., 2009b). D’ailleurs,
Stothard et al. (1998, cités dans Whitehouse et al., 2009b) mentionnent que les individus
souffrant d’un trouble du langage qui persiste au-delà de l’enfance vont présenter des
difficultés de plus en plus prononcées avec l’âge en raison des exigences langagières qui
augmentent durant le cheminement scolaire. Cela a pour effet de creuser l’écart avec les
jeunes au développement normal. Les personnes dysphasiques présentent également des
difficultés relationnelles et celles-ci gagneraient en importance entre l’enfance et
2 La littératie est « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison,
au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses
capacités. » (Organisation de coopération et de développement économiques et Statistique Canada, 2000,
p.x).
7
l’adolescence (Durkin et Conti-Ramsden, 2007; Whitehouse et al., 2009b; St.Clair et al.,
2011). St. Clair et al. (2011) dénotent que les difficultés relationnelles présentées par
l’adolescent dysphasique proviendraient notamment de sa capacité limitée à faire des
inférences, à utiliser l’humour et à saisir le point de vue de l’autre. Des impacts se font
également sentir sur le plan professionnel puisque les individus dysphasiques auraient
tendance à s’orienter vers des formations professionnelles et des métiers dont les exigences
langagières sont moindres (Whitehouse et al., 2009b).
Il s’agit là que d’un très bref survol des impacts pouvant être entraînés par la dysphasie.
Toutefois, cela suffit pour saisir que ces difficultés ont des impacts sur le processus de
choix de carrière de ces clients et que ces dernières sont à prendre en considération dans
l’accompagnement en orientation qui leur est offert.
1.2 Conséquences des troubles d’apprentissage sur le choix de carrière
Plusieurs écrits se sont intéressés aux répercussions des troubles d’apprentissage ou d’un
handicap, au sens plus large, sur les tâches impliquées dans le choix de carrière. Il s’avère
qu’un aspect majeur différencie le processus de choix de carrière des personnes avec un
handicap comparativement aux individus sans trouble. Effectivement, les personnes
présentant des handicaps variables se doivent de considérer leurs limitations de même que
les interactions qui surviennent entre celles-ci et l’environnement lorsque vient le temps de
faire un choix de carrière (Aune et Kroeger, 1997). Or, selon ces mêmes auteures, il arrive
que l’individu ne saisisse réellement ces influences qu’une fois le processus de
planification de carrière concrètement débuté. Dans un autre ordre d’idées, dépendamment
du type et de la sévérité de la déficience de l’individu, cela risque de limiter les activités
exploratoires réalisées durant l’enfance, l’adolescence et la période de jeune adulte
(Szymanski et al., 1996 cités dans Hitchings et al., 2001). Un manque d’auto-détermination
(self-advocacy), une faible maturité vocationnelle et un manque de confiance en sa capacité
de prendre des décisions professionnelles sont également relevés (Hitchings et al., 1998;
Ohler et al., 1995; Hitchings et al., 2010). Cette difficulté peut notamment être attribuable
8
à la famille et au personnel enseignant qui se sont retrouvés en situation de devoir prendre
des décisions importantes pour l’enfant durant son parcours (ex. : classement scolaire).
Cette tendance à « prendre en charge », qui repose sur de nobles intentions, peut également
être présente quand vient le temps pour l’enfant de faire un choix de carrière. Cela a pour
conséquence que la personne présentant des difficultés, n’ayant pas eu beaucoup
d’opportunités, peut manquer de confiance en sa capacité de faire des choix d’où ses
difficultés décisionnelles en matière de choix de carrière (Luzzo et al., 1999; Hitchings et
al., 2010). Comparativement à leurs pairs sans trouble, les jeunes présentant des difficultés
d’apprentissage auraient une moins grande orientation vers un but (Ohler et al., 1995). Ils
présenteraient également un locus de contrôle externe (Bos et Vaughn, 2006, cités dans
Hitchings et al., 2010). L’ensemble de ces particularités touchant les croyances et les
attitudes face aux choix de carrière auraient pour effet de nuire au développement
professionnel de ces individus (Hitchings et al., 2010).
Il arrive également que les adolescents aux prises avec un trouble d’apprentissage limitent
leurs aspirations tant au plan de l’éducation qu’au plan professionnel ou présentent des
attentes irréalistes (Rojewski, 1996, p. 474, cité dans Kerka, 2002). En ce sens, plus d’un
auteur souligne la difficulté qu’ont les individus jeunes et moins jeunes à expliquer leurs
limites et d’exprimer les impacts que celles-ci auront sur un emploi futur (Hitchings et al.,
2001; Hitchings et al., 2010), savoir qui est nécessaire de posséder pour identifier un choix
de carrière réaliste (Hitchings et al., 2010). Ces difficultés d’autoperception sont
accompagnées de difficultés de résolution de problème (Hitchings et al., 2010) qui, on s’en
doute, vont se répercuter sur le processus décisionnel et la réalisation de leur choix de
carrière. Alors que d’autres jeunes ont des aspirations réalistes, il arrive cependant que ces
derniers ne soient pas en mesure de compléter l’éducation ou la formation pour accéder à
ces emplois (Kortering et Braziel, 2000, cités dans Kerka, 2002).
Lorsque ces jeunes ont ciblé une profession en particulier, leur choix peut reposer sur de
l’information incomplète ou inadéquate (Morningstar, 1997). Armstrong et Davies (1995)
ont réalisé des entretiens auprès d’élèves présentant des difficultés d’apprentissage ou
9
d’adaptation, des professeurs de même que des conseillers d’orientation. Une des
conseillères interrogées a rapporté qu’il arrive même que des jeunes trompent les
professionnels qui les soutiennent en mentionnant qu’ils ont ciblé une profession spécifique
puisqu’ils ont le sentiment que cela facilitera leur cheminement scolaire ultérieur. Dans les
cas de figure où les élèves ont identifié plus d’un choix de carrière potentiels, ceux-ci
peuvent être de secteurs d’activité éloignés ce qui révèle qu’ils en sont au début de leur
processus de prise de décision et qu’ils manquent de connaissance sur chacune de ces
carrières (Morningstar, 1997). De plus, les aspects pratiques ou motivateurs externes, dont
le salaire et les perspectives d’emploi, sont des aspects pouvant avoir une grande influence
dans le choix de carrière de ces jeunes (Morningstar, 1997). Finalement, il est à noter que
le faible rendement académique découlant des difficultés d’apprentissage, notamment en
littératie, a évidemment un impact sur leur évolution professionnelle (Hoffman et al.,
1987). En ce sens, l’éventail des professions accessibles s’en trouve inévitablement réduit
(Parmenter, 1990, cité dans Raeye, 1999). De plus, il est fréquent que le niveau scolaire
atteint soit plus faible et ne dépasse pas le niveau secondaire. Cela a pour effet que ces
personnes, une fois sur le marché du travail, seront plus vulnérables au plan financier en
raison de leur salaire moindre comparativement à la population sans trouble (Blackorby et
Wagner, 1996).
1.3 Conséquences des troubles d’apprentissage sur l’insertion professionnelle
Une fois le choix de carrière fait, un autre défi demeure : l’insertion socioprofessionnelle.
Comme le cite le CAMO pour personnes handicapées (2014), la littérature est très mince
quant à la situation des jeunes québécois présentant un handicap une fois leurs études
terminées ou abandonnées. Toutefois, plusieurs écrits provenant d’ailleurs permettent de
documenter les conséquences des troubles d’apprentissage en général sur l’intégration
professionnelle. Cette dernière représente l’étape où les jeunes vivent concrètement la
réalité du marché du travail, qui amène son lot de défis, notamment en raison des
transformations que ce dernier a subi au cours des dernières décennies. L’importance
croissante accordée au travail d’équipe et à la productivité ainsi que les avancées
10
technologiques en sont quelques exemples (Brown et Gerber, 1994, cités dans Kerka, 2002;
Szymanski et Vancollins, 2003; Hitchings et al., 2001). Ces changements peuvent
représenter des défis pour l’ensemble des travailleurs et d’autant plus pour les personnes
présentant un trouble, et ce, à la fois dans leur insertion et leur maintien en emploi. Phelps
et Hanley-Maxwell (1997), par le biais de leur revue de la littérature, ont recensé une
variété de compétences qui peuvent ne pas être suffisamment développées chez les jeunes
aux besoins particuliers et ainsi nuire à leur intégration sur le marché de l’emploi. Les
compétences déficitaires peuvent être en lien avec les aspects suivants : « capacité
d’acquérir, d’organiser, d’interpréter et de communiquer l’information », « comprendre les
interrelations complexes au plan social, organisationnel et des systèmes
technologiques », « capacité de travailler en équipe » (p.202). Chacune de ces compétences
est complexe puisqu’elles englobent plusieurs savoirs, savoir-faire ou savoir-être. Tel est
le cas de la compétence à travailler en équipe qui implique des aptitudes sur le plan de la
négociation, de la résolution de conflits, une capacité de s’adapter aux différences de
chacun, de se prendre en charge, de prendre leurs propres décisions et de s’exprimer en
leur nom (Phelps et Hanley-Maxwell, 1997). Lors de la recherche d’emploi, des obstacles
surviennent dès l’étape où l’adulte qui désire poser sa candidature doit remplir un
formulaire de demande d’emploi (Hoffman et al., 1987). Ces derniers peuvent être
également confrontés au fait de s’ouvrir ou non sur leurs difficultés (Aune et Kroger, 1997).
Parmenter (1990) rapporte que les difficultés d’acceptation sociale et les opportunités
d’emplois restreintes font partie des éléments à risque de se répercuter sur la transition
école-travail des individus présentant des handicaps. En ce sens, Szymanski et Vancollins
(2003) soulèvent que les travailleurs handicapés sont susceptibles de se retrouver sans
emploi ou en situation de sous-emploi.
Au-delà de ces aspects plus négatifs, il importe de mentionner que d’autres études ont
démontré que des adultes présentant des troubles d’apprentissage peuvent être en mesure
d’expérimenter des succès en emploi. L’étude de Spekman et al. (1992) ressort que la
réussite de ces individus est reliée au fait d’avoir choisi une carrière faisant appel à leurs
forces et de leur capacité à reconnaître le contrôle qu’ils ont sur leur vie. Ce contrôle s’est
11
traduit par la persévérance démontrée par les participants de l’étude, leur capacité à
s’identifier des buts et leur capacité d’adaptation (Spekman et al., 1992).
En résumé, il ressort des études citées précédemment que les difficultés d’apprentissage ou
autres déficiences ont des répercussions sur le choix de carrière et le cheminement
professionnel des individus. Quoi qu’il en soit, les impacts des troubles d’apprentissage
sont grandement variables d’un individu à l’autre et la généralisation dans ce domaine est
impossible (Gerber, 2012; Aune et Kroeger, 1997). Effectivement, les conséquences à long
terme des difficultés d’apprentissage dépendent notamment de leur sévérité, des habiletés
cognitives de la personne, de sa capacité d’auto-détermination et du soutien dont elle
bénéficie (Gerber, 2012). Les conseillers d’orientation doivent donc s’ajuster aux
particularités de chacun de leurs clients.
Dans le cadre de cet essai, les enjeux et obstacles rencontrés par les c.o. seront explorés
tant au niveau de l’intervention directe que de l’organisation des services, et ce, plus
particulièrement en lien avec la clientèle dysphasique adolescente et adulte. Il est donc
important de s’attarder aux études qui se sont intéressées aux conséquences de la dysphasie,
plus spécifiquement.
1.4 Choix de carrière chez les élèves dysphasiques : un chantier à découvrir
Au cours des dernières années, de plus en plus d’études se sont penchées sur le devenir des
enfants présentant des troubles spécifiques du langage (Herbaux-Laborbe, 2013).
Cependant, la recension des écrits réalisée dans le cadre de cet essai a mené à la conclusion
que très peu d’études portant sur le développement professionnel des adolescents et adultes
dysphasiques existent de même que sur l’accompagnement qui leur est offert en
orientation. Quelques études se sont intéressées au parcours scolaire et à l’insertion en
emploi des jeunes adultes dysphasiques. Toutefois, les études trouvées abordent souvent le
devenir professionnel de ces personnes de façon succincte puisqu’une variété de facettes
12
sont analysées dont l’autonomie, la communication, la sphère sociale, la scolarisation et le
travail (Törnqvist et al., 2009; Whitehouse et al., 2009b).
Parmi les études recensées se trouvent celle de Haynes et Naidoo (1991, citées dans
Chevrier-Muller, 1995) qui a soulevé que sur les 34 adultes âgés entre 18 et 22 ans et
présentant des troubles du langage, 13 n’avaient aucun diplôme ni qualification
professionnelle et quatre poursuivaient des études universitaires. Cependant, aucune
information n’est disponible quant à la nature et la sévérité des troubles du langage
présentés par les sujets. Whitehouse et al. (2009b) pour leur part, mentionnent que les
jeunes dysphasiques tendent à s’orienter vers des études professionnelles puisqu’elles
exigent souvent un niveau moindre sur le plan des habiletés langagières et de la littératie.
Lorsque vient le temps de décrocher et d’occuper un emploi, plusieurs adultes
dysphasiques seraient en mesure d’y parvenir (Törnqvist et al., 2009; Whitehouse et al.,
2009b). Tel que mentionné précédemment, l’emploi vers lequel ces jeunes adultes
s’orientent exige moins sur le plan des habiletés langagières orales et écrites (Whitehouse
et al., 2009b). Aussi, il importe de souligner que l’insertion professionnelle ne se fait pas
toujours de manière conventionnelle puisque les individus peuvent être orientés vers des
milieux protégés (Herbaux-Laborbe, 2013). De plus, il est possible que la transition du
jeune de l’école vers le marché du travail soit complexifiée considérant qu’il passe d’un
milieu encadré où des mesures d’adaptation étaient mises en place par le personnel scolaire,
au marché du travail où la famille doit faire des démarches pour trouver des ressources
pour soutenir leur enfant (FLA et ADD, 2005).
Un projet toutefois, chapeauté par l’Institut de réadaptation en déficience physique du
Québec, s’est penché plus précisément sur le développement de carrière de 11 élèves
dysphasiques sévères âgés de 14 à 17 ans en classe spéciale et leur famille (AERDPQ,
2014). Ce projet, basé sur des évaluations multidisciplinaires et la mise en place
d’interventions adaptées impliquant la famille et l’équipe-école visait entre autres à
développer la maturité vocationnelle et l’employabilité de ces jeunes. Selon les
13
informations obtenues sur le site de l’AERDPQ, les mesures mises en place auraient eu des
répercussions positives sur les capacités des jeunes en lien avec l’emploi.
Malheureusement, aucun écrit n’a pu être retracé sur ce projet.
Il devient évident que peu de littérature est disponible sur les difficultés rencontrées par les
adolescents et adultes dysphasiques au cours de leur processus de choix de carrière. De
plus, quand vient le temps de s’intéresser spécifiquement aux enjeux et obstacles rencontrés
par les c.o. dans leur intervention auprès de cette clientèle, il ressort qu’aucun écrit n’a été
fait sur le sujet. Les écrits trouvés sont plutôt d’ordre général et abordent la réalité des c.o.
face à la clientèle HDAA en général (Törnqvist et al., 2009; Whitehouse et al., 2009b;
Armstrong et Davies, 1995).
Maintenant que les répercussions des troubles d’apprentissage et de la dysphasie sur le
parcours professionnel des individus ont été abordées, il importe de s’attarder à l’évolution
des services qui leur sont offerts, et ce, dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité,
de la santé et des services sociaux. De faire l’état de cette situation est pertinent considérant
que le présent essai s’intéresse aux enjeux et obstacles rencontrés par les c.o. tant au plan
de l’intervention que de l’organisation des services offerts aux clients dysphasiques.
Comme les clients ayant une dysphasie modérée à sévère peuvent faire partie de la clientèle
HDAA, les services destinés à cette dernière seront abordés.
1.5 Évolution des services dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité, de la
santé et des services sociaux
Au cours des dernières décennies, de grands progrès se sont réalisés en lien avec les
services offerts à la clientèle handicapée, en difficultés d’adaptation ou d’apprentissage que
ce soit dans les réseaux de l’éducation, de l’employabilité ainsi que de la santé et des
services sociaux.
14
Depuis l’apparition, entre les années 60 et 70, des premières classes et écoles spéciales et
l’ajout de services spécialisés dans les écoles régulières, le secteur de l’éducation a mis de
l’avant plusieurs initiatives qui se répercutent sur la clientèle HDAA (Conseil supérieur de
l’éducation, 1996). Parmi les changements des vingt dernières années se trouve la réforme
scolaire des années 90 qui vise le succès du plus grand nombre d’élèves (MELS, 1997).
Cette réforme dans laquelle s’est inscrit la politique d’adaptation scolaire de 1999 est venue
donner à l’école la mission d’« aider l’élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou
d’apprentissage à réussir sur les plans de l’instruction, de la socialisation et de la
qualification » (Ministère de l’Éducation, 1999, p. 17). La notion de qualification qui
représente alors un ajout à la mission de l’école est particulièrement intéressante. En effet,
puisque les difficultés d’apprentissage rencontrées par ces élèves les confrontent souvent à
des échecs répétés qui affectent négativement leur motivation ces derniers sont à risque
d’abandonner leurs études (Ministère de l’Éducation, 2002). C’est dans le cadre de cette
réforme que l’approche orientante, aussi connue sous le nom d’ « école orientante »3 a fait
son apparition (MELS, 2002). L’orientation prend alors une plus grande place dans le
parcours scolaire de l’élève, ce qui concorde avec l’énoncé de politique éducative qui
mentionne qu’il « est temps d’accorder une attention plus soutenue à l’orientation de ces
élèves » (Ministère de l’Éducation, 1997, p.9). De plus, l’un des quatre programmes des
services éducatifs complémentaires cible maintenant l’orientation de ces élèves (Ministère
de l’Éducation, 2002). Question de favoriser l'achèvement d’une formation qualifiante par
les jeunes présentant de grandes difficultés d’apprentissage et favoriser leur intégration
professionnelle, le MELS a, en 2008, publié la description du programme de formation
axée sur l’emploi destiné au 2e cycle du secondaire. Malheureusement, peu de données sont
actuellement disponibles à savoir si ce programme a eu les résultats escomptés. Parmi les
données disponibles figure l’étude de Rousseau et al. (2013) qui fait mention que le taux
de certification des élèves inscrits en FMSS varie entre 43% et 100% en fonction des
3 Cette approche comporte quatre visées principales : 1) soutenir le jeune dans son développement
identitaire afin de favoriser son cheminement scolaire et son choix de carrière, 2)-3) favoriser la découverte
des divers parcours et formations scolaires existants ainsi que le marché du travail par l’exploration des
métiers, des professions et des exigences s’y rattachant, 4) Offrir un accompagnement au choix de carrière
soutenu et présent lors des étapes charnières de la formation du jeune, notamment lorsqu’il devra effectuer
des compromis entre la profession idéalisée et les options accessibles (Ministère de l’Éducation. Direction
de l’adaptation scolaire et des services complémentaires, 2002).
15
milieux alors que celui en FPT est beaucoup plus faible, variant entre 15% et 43%.
Finalement est apparu en 2009 un plan d’action pour favoriser la persévérance et la réussite
scolaire intitulé « L’école j’y tiens! ». Cette initiative a pour but d’augmenter la proportion
d’élèves de moins de vingt ans qui décrochent un diplôme d’études secondaires ou une
première qualification, population parmi laquelle se retrouvent les élèves HDAA. Ce plan
d’action se donne également comme mission d’aider les milieux à adapter leurs
interventions en conséquence. Comme le souligne le CAMO pour personnes handicapées
(2014), peu de données sont disponibles sur la situation des personnes handicapées en
formation. Parmi les données disponibles, plusieurs regroupent l’ensemble de la clientèle
HDAA, soit des individus aux réalités différentes. Cela fait en sorte qu’il est difficile
d’identifier le profil des jeunes qui abandonnent avant l’atteinte du diplôme et d’ajuster les
services en conséquence. De plus, «plusieurs élèves handicapés, ou en difficulté
d’adaptation ou d’apprentissage quittent l’école sans qu’il y ait eu de planification d’un
projet de vie valorisant et stimulant pour eux. Certains se retrouvent donc à la maison sans
occupation et ils perdent tout lien avec leur réseau social tissé au cours de leur formation
scolaire.» (CAMO pour personnes handicapées, 2014, p.66)
D’autres initiatives ont été prises dans le but de renforcer la collaboration entre les milieux
de l’éducation, de l’employabilité et de la santé et services sociaux. En 2003, l’Entente de
complémentarité des services entre le réseau de la santé et des services sociaux et de
l’éducation a été instaurée (MELS, 2003). L’une des principales visées de cette entente
consistait à établir une vision commune des besoins présentés par les jeunes et leur
entourage et de définir les responsabilités de chacun afin d’améliorer la planification, la
coordination et l’intégration des services des deux réseaux pour atteindre un meilleur
continuum de services (MELS, 2003). La loi assurant l’exercice des droits des personnes
handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale a ensuite vu le
jour en 2004. Celle-ci a été suivie, en 2008, par l’implantation du Plan d’accès pour les
personnes ayant une déficience élaboré par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Ce plan a pour objectif de faciliter l’accès des personnes présentant une déficience
physique, intellectuelle ou un trouble envahissant du développement à des services
d’évaluation et d’intervention. Cette initiative a possiblement des répercussions sur
16
l’intégration en emploi de cette population puisqu’ils peuvent avoir plus facilement accès
aux services d’évaluation et si nécessaire aux services ciblant le développement de leurs
capacités relatives au travail (Gouvernement du Québec, 2013). Toujours en 2008, le
gouvernement du Québec a mis en branle la Stratégie nationale pour l’intégration et le
maintien en emploi des personnes handicapées. Cette stratégie visait initialement la
réduction de l’écart de 50% d’ici 2018, entre la proportion de personnes avec ou sans
handicap en emploi. Le premier volet s’étalant de 2008 à 2013 a visé la mise en place de
61 actions impliquant divers acteurs : Emploi-Québec, MSSS, MELS, centre de
réadaptation, CJE, services spécialisés de main-d’œuvre pour les personnes handicapées,
entreprises adaptées, etc. (Gouvernement du Québec, 2011). Une des visées de cette
stratégie est un accès égalitaire aux services d’orientation par les élèves handicapés et non
handicapés. Cela s’avère d’autant plus pertinent sachant que les élèves handicapés sont
plus nombreux que les élèves sans handicap à ne pas avoir complété la formation de base
et une formation qualifiante nuisant ainsi à leur accès au marché du travail (MESS, 2008).
Cette stratégie souligne également qu’«il importe d’adapter les services d’orientation à
leurs besoins et de bien évaluer leur potentiel » (MESS, 2008, p.16). De plus, « il est tout
aussi essentiel d’orienter les jeunes handicapés en fonction de ce potentiel et des intérêts
qu’ils ont manifestés, tout en considérant les possibilités d’emploi. » (MESS, 2008, p. 36).
Cette stratégie a également comme objectif de favoriser la représentation des personnes
handicapées dans la fonction publique québécoise et d’améliorer la transition école-travail
chez cette clientèle (MELS, 2008). Depuis les années 2000, plusieurs efforts ont été
déployés en lien avec la transition de l’école à la vie active (CAMO pour les personnes
handicapées, 2014). Aussi connue sous l’abréviation TÉVA, la transition de l’école à la vie
active est définie comme suit par l’Office des personnes handicapées du Québec :
« Ensemble coordonné et planifié d’activités axées sur l’accompagnement de
l’élève dans la réalisation de ses projets lorsqu’il aura quitté l’école,
principalement au regard de son intégration socioprofessionnelle, de sa
transformation de son réseau social, de ses loisirs, de sa participation à la
communauté et, dans certains cas, de la poursuite de ses activités éducatives.
Cette planification s’inscrit dans le plan d’intervention et le plan de services de
l’élève en plus de nécessiter la mobilisation de plusieurs partenaires » (OPHQ,
2003, p.35).
17
Parmi les mesures ciblées par la Stratégie nationale se retrouvent un financement important
dans les contrats d’intégration au travail (CIT) afin de favoriser l’intégration en emploi de
personnes handicapées et une augmentation du budget destiné au Programme de
subventions aux entreprises adaptées pour augmenter la création d’emplois. Des tables de
concertation s’intéressant à l’emploi des personnes handicapées et au développement de
formations spécifiquement dédiées à cette clientèle ont vu le jour dans certaines régions
(Gouvernement du Québec, 2013). Le ministère de l’Éducation s’est joint à cette stratégie
mise en place par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale en faisant valoir son
désir d’offrir de la formation continue aux conseillers et conseillères d’orientation sur
l’intervention auprès élèves HDAA et l’approche orientante. Le ministère de l’Éducation
a également mentionné sa volonté que les équipes régionales de soutien à l’orientation en
milieu scolaire, qui devaient alors être mises sur pied en 2008, se penchent sur ce sujet.
Dans le but d’assurer le rayonnement et la diffusion de l’information, l’idée de créer une
communauté virtuelle sur l’orientation auprès des élèves HDAA a été identifiée comme
moyen. Cette ressource serait alors disponible sur le site de l’Ordre des conseillers
d’orientation (OCCOQ), alors connu sous le libellé « Ordre des conseillers et conseillères
d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec ». Cette
communauté virtuelle a effectivement vu le jour depuis et offre aux parents diverses
informations pour accompagner leur enfant aux besoins particuliers dans leur
développement vocationnel. Le deuxième volet de cette stratégie qui s’étale de 2014 à 2018
suit actuellement son cours.
Les informations citées précédemment font état des efforts déployés par les secteurs de
l’éducation, de l’emploi, de la santé et des services sociaux pour mettre en place des
services adaptés aux besoins des personnes ayant diverses difficultés. L’orientation
scolaire et professionnelle fait d’ailleurs partie des services ciblés et valorisés pour venir
en aide à cette clientèle. Dans cette optique, il est intéressant de s’attarder aux écrits qui se
sont penchés plus spécifiquement sur les services d’orientation offerts aux clients
présentant des déficits variés et la situation des conseillers d’orientation qui sont appelés à
les desservir.
18
1.6 Services d’orientation offerts aux clients HDAA
Parmi les écrits portant sur les enjeux rencontrés par les individus aux prises avec divers
handicaps, certains formulent des constats sur la capacité des services d’orientation à
répondre aux besoins de cette clientèle. Des études mettent en lumière la faible importance
et le peu de place qu’occupent les services d’orientation durant le parcours scolaire de
l’individu. En ce sens, Cummings et al. (2000) rapportent que beaucoup plus d’accent est
consacré à la sphère académique aux dépens du counseling d’orientation et de l’acquisition
de compétences nécessaires dans la vie courante. Le temps d’intervention consacré à la
remédiation de la déficience a également un impact sur l’orientation de ces jeunes, car ce
temps ne peut être investi à l’exploration professionnelle et à la préparation du choix de
carrière (Hitchings et Retish, 2000, cités dans Kerka, 2002; Luzzo et al., 1999; Adelman
et Vogel, 1993). De plus, la possibilité qu’ont les jeunes de se livrer à des activités
d’exploration de carrière, que ce soit par le biais d’un programme alternance travail-études
ou d’activités réalisées en milieu scolaire ou en milieu communautaire est variable
(Morningstar, 1997). Hitchings et al. (2001) ont relevé qu’un faible pourcentage des
étudiants interrogés a eu recours à des services d’orientation durant leurs études
secondaires. Ils ajoutent que malgré les besoins particuliers que les étudiants présentent, la
réalisation d’activités reliées à la carrière (ex. : salon de carrière, stage, bénévolat,
inventaires) demeure limitée. Cette donnée est appuyée par Hutchison et al. (1992) qui
rapportent que les jeunes à risque de décrochage scolaire ou présentant des difficultés
d’apprentissage sont peu enclins à s’engager dans des démarches structurées de choix de
carrière. Pourtant, il est primordial que ces jeunes aux besoins spécifiques bénéficient de
rencontres de counseling en orientation et qu’ils participent activement à des activités de
développement de carrière durant leurs études secondaires afin de faciliter la transition
école-travail (Hutchison et al., 1992). De tels moyens facilitent leur cheminement vers un
choix de profession qui mettra l’accent sur leurs forces et limitera les situations de handicap
rencontrées. Cela peut également contribuer au développement d’habiletés spécifiques
permettant d’augmenter leur niveau d’employabilité (ex. : entrevue, résolution de
problèmes reliés à la tâche ou aux relations avec les collègues) (Kerka, 2002).
19
Or, le contexte de travail de certains c.o. complique leur pouvoir d’agir auprès de cette
clientèle. Il suffit de penser aux conseillers d’orientation des écoles secondaires qui ont des
case loads de plusieurs centaines d’élèves (Hitchings et al., 2001). De plus, dans les
milieux scolaires, il arrive que l’emphase soit mise sur les services d’éducation spécialisée
aux dépens des services d’orientation (Hitchings et al., 2001). Certains c.o. peuvent
également se sentir démunis face aux besoins de ces jeunes et avoir peu de connaissances
quant à leurs habiletés et aux ressources disponibles aux niveaux scolaires postsecondaires
(Aune et Kroeger, 1997). L’effet pervers de ce manque d’aisance à interagir avec la
clientèle HDAA est de vouloir référer ceux-ci vers d’autres intervenants, tels les éducateurs
spécialisés, et de se confiner dans des rôles plus administratifs (Hitchings et al., 2001).
Bien que ces études proviennent de l’extérieur du Québec, il demeure pertinent de s’y
attarder puisqu’il est envisageable de croire que certaines des caractéristiques sont
partagées par les services actuellement offerts au Québec. En ce sens, une enquête a été
menée en 2010 par le Groupe de travail sur l’orientation au secondaire à la formation
générale des jeunes. Celle-ci visait à sonder la réalité sur le terrain des c.o. des écoles
secondaires et a révélé que 62% des c.o. sondés n’étaient pas en mesure de répondre à la
totalité des élèves qui ressentent le besoin de consulter en orientation (Matte, 2012). À cela
s’ajoute le fait que les services d’orientation ciblent parfois exclusivement les élèves
exempts d’handicap ou de difficulté (MELS, 2010). Ces constats sont inquiétants sachant
l’impact que ces services peuvent entraîner sur le futur de ces jeunes.
D’ailleurs, la pertinence des conseillers d’orientation face à la clientèle HDAA a été
renforcée par l’arrivée de la loi 21 au cours des dernières années. Cette loi est venue
accorder aux conseillers d’orientation certaines activités réservées dont les suivantes :
« évaluer un élève handicapé ou en difficulté d'adaptation dans le cadre de la détermination
d'un plan d'intervention en application de la Loi sur l'instruction publique » et « évaluer
une personne atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic
ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité» (Gouvernement du Québec,
2015). De se voir accorder ces activités réservées est venue reconnaître la compétence des
conseillers d’orientation à intervenir auprès de ces clientèles vulnérables, dont fait partie
la clientèle présentant une dysphasie sévère. Une étude québécoise menée en 2010 qui
20
visait à s’informer des pratiques des conseillers d’orientation en matière d’évaluation
psychométrique relativement avec l’arrivée de la loi 21 a fait ressortir que seulement 1%
des conseillers d’orientation interrogés ont rapporté avoir évalué un élève HDAA (Yergeau
et al., 2012). Cela revient à dire que leur implication auprès de cette clientèle est encore
limitée, comme le souligne les études citées précédemment.
Dans un autre ordre d’idées, McCowen et Mckenzie, (1994, cités dans Raeye, 1999)
soulignent la pertinence d’élaborer un plan de transition afin de structurer l’intervention et
de favoriser la capacité du jeune à s’acquitter des tâches vocationnelles développementales.
Ce plan d’action peut faire appel à divers moyens : réalisation d’activités professionnelles
dans la communauté, mise en lien du jeune avec des personnes-ressources, soutien
individuel, activités dans la classe et accès à de l’information scolaire et professionnelle.
Or, certaines études américaines font ressortir que les plans d’action personnalisés pour
faciliter le passage du milieu scolaire vers autre milieu sont établis trop tardivement durant
le cheminement scolaire de ces jeunes. Il arrive même que certains jeunes n’aient pas de
tel plan notamment en raison de la mauvaise concordance entre le moment de
l’établissement de ces plans et l’identification de leur handicap (Hitchings et al., 2010).
Lorsque de tels plans sont mis en place, il est primordial d’impliquer les jeunes afin que
les plans soient en cohérence avec eux (Hitching et al., 2001). Un travail en partenariat
avec les parents du jeune et d’autres membres de l’équipe a également avantage à être
prôné (Burkhead et Wilson, 1995). La pertinence pour les intervenants de travailler en
étroite collaboration pour mieux cibler et répondre aux besoins de ces clients en matière de
choix de carrière est soulignée par plusieurs études. Ce partenariat peut se faire avec des
intervenants à l’interne (ex. : professeur, professionnels des autres services
complémentaires) mais également avec des ressources externes (Hutchinson, 1995;
Hitchings et al., 2001; Morningstar, 1997). L’importance accordée à la coordination des
ressources est également retrouvée dans des écrits québécois. À cet effet, l’Office des
personnes handicapées du Québec mentionne que la démarche d’insertion sur le marché du
travail engagée par l’école doit être poursuivie en impliquant divers partenaires et en
coordonnant les actions de chacun (OPHQ, 2003). Il suffit de penser aux partenaires
provenant des secteurs de l’emploi et de la réadaptation. Or, dans son rapport daté de 2003,
21
l’OPHQ fait le constant que « les différents réseaux impliqués auprès des jeunes personnes
handicapées n’ont pas systématiquement le réflexe de se concerter dans le but d’explorer
différentes opportunités et de planifier de manière coordonnée, en collaboration avec les
personnes concernées, les actions à entreprendre pour leur avenir. » (p.5). Chaque milieu
travaille de façon indépendante et échange peu avec les autres ressources sur les actions
entreprises. « Le milieu scolaire répond au besoin de formation du jeune jusqu’à 21 ans et
le milieu de la réadaptation et les ressources intervenant au niveau de l’intégration en
emploi, agissent, la plupart du temps, seulement lorsque le jeune quitte l’école. » (p.5).
Bref, plusieurs jeunes aux prises avec des handicaps s’en remettent aux secteurs de la
réadaptation, à l’éducation des adultes, etc. pour les soutenir dans cette transition (OPHQ,
2003). Ce manque de coordination qui fait en sorte que l’intensité du soutien diminue une
fois que le jeune a quitté le milieu scolaire, place ce dernier dans une zone de plus grande
fragilité (Armstrong et Davies, 1995). Sachant que ce constant fait par l’OPHQ date de
2003, il est légitime de se questionner sur l’organisation actuelle des services d’orientation,
d’autant plus que plusieurs initiatives, telles que décrites précédemment, ont été mises en
place depuis.
En résumé, une multitude de facteurs risquent de se répercuter sur le processus
d’orientation des individus présentant un handicap ou des difficultés d’apprentissage.
Certaines études soulèvent le fait que les services d’orientation semblent souvent
insuffisants en termes de disponibilité et d’accessibilité et ne répondent pas nécessairement
aux besoins spécifiques de ces clients. Toutefois, il demeure que des avancées ont été faites
dans les secteurs de l’éducation, de l’employabilité ainsi que de la santé et des services
sociaux. Avec l’implantation de la loi 21, l’augmentation de l’effectif d’élèves ayant une
déficience langagière et l’accroissement du nombre de demandes provenant d’adultes
dysphasiques dans les centres de réadaptation, les c.o. risquent d’être de plus en plus
appelés à intervenir auprès de clients dysphasiques que ce soit dans les écoles, les
organismes en employabilité et les centres de réadaptation. Cette clientèle présente des
difficultés persistantes qui risquent de se répercuter sur leur cheminement professionnel
telles de faibles habiletés en littératie (Whitehouse et al., 2009a), des difficultés
d’apprentissage (Whitehouse et al., 2009b) et des difficultés relationnelles (Durkin et
22
Conti-Ramsden, 2007; Whitehouse et al., 2009b; St.Clair et al., 2011). Actuellement,
aucun écrit n’existe sur les enjeux rencontrés par les conseillers d’orientation qui
accompagnement la clientèle dysphasique plus spécifiquement. Pourtant, ce sujet s’avère
particulièrement intéressant afin de faire émerger les aspects qu’il importe de considérer
dans l’intervention directe auprès de cette clientèle et l’organisation des services pour une
pratique plus adaptée. Cela permet également de conscientiser les c.o. qui interviennent
nouvellement avec cette clientèle à certains obstacles et difficultés possibles. De mettre en
lumière les enjeux et obstacles permet, dans un autre ordre d’idées, d’entamer une réflexion
sur les pistes d’amélioration envisageables pour bonifier les services d’orientation qui leur
sont offerts. De s’attarder précisément à la clientèle dysphasique est pertinent, car comme
le souligne le MESS (2007), selon la problématique présentée par la personne et ses
limitations fonctionnelles, les besoins et les difficultés reliés à l’intégration sur le marché
du travail différeront ainsi que les services disponibles (MESS, 2007). Ainsi, il est possible
d’émettre l’hypothèse que les enjeux et obstacles ressortis par les c.o. intervenant auprès
des clients dysphasiques pourraient différer de ceux rencontrés par des c.o. intervenant
auprès de clients présentant d’autres types de déficits. Pour toutes ces raisons, le présent
projet de recherche vise à explorer la réalité « terrain » des c.o. intervenant spécifiquement
auprès d’adolescents et d’adultes dysphasiques. Il vise, plus précisément, à répondre à la
question de recherche suivante : Quels sont les enjeux et les obstacles rencontrés par les
conseillers d’orientation accompagnant les adolescents et les adultes présentant une
dysphasie modérée à sévère dans leur choix de carrière?
CHAPITRE II
CADRE CONCEPTUEL
Comme le définira ultérieurement la méthodologie, les enjeux et obstacles rencontrés par
les c.o. seront explorés à deux niveaux, soit sur les plans de l’intervention directe auprès
de ces clients ainsi que de l’organisation des services. Afin de bien saisir les résultats qui
seront traités ultérieurement, la présente section abordera divers sujets essentiels. Une
description des diverses composantes du langage sera d’abord fournie suivie d’une
définition élaborée de la dysphasie et de ses impacts sur l’individu, non seulement en ce
qui concerne la sphère langagière, mais également sur les plans social, affectif, scolaire et
professionnel. La distinction entre dysphasie, retard du langage et trouble du langage, au
sens large, sera également présentée.
2.1 Le langage et ses composantes
Qu’il soit verbal (oral et écrit) ou non-verbal (ex. : gestes, expressions faciales), le langage
est omniprésent et c’est par son intermédiaire qu’une personne communique, c’est-à-dire
qu’elle transmet et reçoit un message. Ce message est composé d’idées, de sentiments,
d’informations échangés par des interlocuteurs sur le monde qui les entoure. Il devient alors
clair que le langage est un médium essentiel et majeur dans l’acquisition et la transmission
de connaissances ainsi que dans l’établissement de relations sociales (Commission scolaire
des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011). C’est par son biais que
la pensée s’élabore pour ensuite être exprimée et l’humain apprend à parfaire l’utilisation
de cet outil complexe tout au long de son développement et de son existence. Il contribue
au développement de la personne sur les plans cognitif, affectif et social (Commission
scolaire des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011). Dès lors, il est
possible d’appréhender que les conséquences entraînées par une atteinte langagière sont
non négligeables.
24
Le langage oral se divise en trois grandes composantes : le contenu, la forme et l’utilisation
(Bloom et Lahey, 1978). Le contenu, aussi appelé sémantique, correspond à une taxonomie
que l’individu possède et qu’il peaufinera tout au long de son développement. Il correspond
à la représentation linguistique du savoir qu’a la personne sur le monde, sur divers objets
pris dans son sens général, les événements et les relations existantes entre ces éléments
(Bloom et Lahey, 1978). La forme, pour sa part, représente l’actualisation de cette
représentation linguistique en un code empreint de sens, par le biais de sons (phonologie),
d’unités linguistiques (morphologie) et d’un système de règles régissant la combinaison de
ces unités de sens (syntaxe) (Bloom et Lahey, 1978).
La phonologie regroupe tous les sons (phonèmes) présents et distincts dans une langue et
réfère aux règles de combinaisons selon lesquelles les sons sont associés pour former des
mots (Sutton, 2004).
Chaque individu possède un lexique dont l’étendue est variable et qui est composé de
diverses classes de mots telles que des noms, verbes, adjectifs, pronoms, conjonctions et
prépositions. La morphologie s’intéresse à la forme et à la structure des mots pris de
manière isolée (Sutton, 2004). Les mots sont composés de morphèmes, soient les plus
petites unités grammaticales permettant d’apporter des nuances de sens (Sutton, 2004;
Cronk, 2005). Par exemple, le « rice » ajouté au morphème lexical « lect » permettra
d’obtenir le féminin de lecteur alors que le morphème -era ajouté au morphème de base
étudi- permet d’en arriver à la forme future étudiera. Comme ces exemples l’illustrent, les
morphèmes sont assemblés en respectant diverses règles de combinaison et certains d’entre
eux servent à apporter des nuances de sens, de genre ou de temps (Cronk, 2005). La syntaxe
réfère aux règles qui déterminent l’ordre et l’organisation des mots pour former des phrases
(Sutton, 2004). Dans la phrase « L’enseignant de mathématiques a déposé l’examen sur le
bureau de Jonathan », l’ordre des mots est primordial, car en inversant ceux-ci, le sens
obtenu diffère (ex. : « L’enseignant de mathématiques a déposé le bureau de Jonathan sur
l’examen. »). Les aspects morphologiques et syntaxiques du langage sont étroitement reliés
25
et c’est pourquoi ces deux composantes sont souvent abordées simultanément sous le terme
morphosyntaxe.
Arrive finalement l’utilisation, aussi connue sous le terme pragmatique, qui correspond aux
façons dont l’individu emploie le langage dans le but d’atteindre des buts communicatifs
dans un contexte social (Sutton, 2004). Elle réfère plus précisément à la régie de l’échange,
aux actes de langage et aux règles du discours. La régie de l’échange est la capacité de
l’individu d’initier la communication, de maintenir et de fermer le sujet de conversation,
de réparer les bris de communication, de s’adapter à l’interlocuteur en tenant compte de
son savoir, de qui il est et au contexte de communication. L’utilisation se compose
également des actes ou fonctions du langage, soit les raisons pour lesquelles l’individu
emploie le langage (ex. : saluer, demander, utiliser l’humour, protester, argumenter)
(Bloom et Lahey, 1978). Quand une personne utilise le langage pour entre autres raconter
ou expliquer, certaines règles doivent être respectées. Parmi celles-ci se trouve la règle de
quantité (ex. : donner suffisamment d’informations pertinentes à l’interlocuteur pour
favoriser sa compréhension), de qualité (ex. : utiliser le vocabulaire adéquat), de pertinence
(ex. : ne pas faire de coq-à-l’âne) et de manière (ex. : délais de réponse, contact visuel,
intonation). Les exemples fournis démontrent que l’utilisation s’intéresse à la fois au
langage verbal et non-verbal.
Lorsqu’une personne présente un trouble du langage au sens large, ce sont une ou plusieurs
de ces composantes qui sont touchées et les difficultés affectent les versants réceptif
(compréhension du message) et expressif (expression du message) ou seulement le versant
expressif. Les habiletés reliées au versant réceptif sont celles qui permettent à la personne
d’interpréter les unités sonores du langage oral (Chevrier-Muller et Narbona, 2004). Au-
delà de posséder des habiletés auditives suffisantes, l’individu doit posséder des capacités
perceptives ou gnosiques adéquates. Ces dernières permettent d’une part à l’individu de
« découper dans son environnement sonore des éléments chargés de sens » (Chevrier-
Muller et Narbona, 2004, p.206) parmi les bruits quotidiens entendus (ex. : sonnerie du
cellulaire, voix d’un proche) (Chevrier-Muller et Narbona, 2004). Elles réfèrent également
26
à la capacité qu’a la personne de découper le langage entendu, qui constitue une chaîne
d’événements sonores, en éléments significatifs (Chevrier-Muller et Narbona, 2004). C’est
cette habileté qui permet entre autres à l’individu de faire la différence entre des mots
similaires tels que « fou » et « vous ». Il arrive que bien que l’audition et les habiletés
perceptives de l’individu soient adéquates, des difficultés réceptives persistent et celles-ci
peuvent être d’origine linguistique. Lorsque des difficultés de compréhension sont
présentes, celles-ci sont susceptibles d’affecter les composantes langagières énoncées
précédemment : contenu, forme, utilisation. L’individu peut présenter un vocabulaire
passif (compris) réduit, avoir des difficultés à comprendre des marques
morphosyntaxiques, des énoncés ou le discours (Chevrier-Muller et Narbona, 2000). Plus
concrètement, un individu pourrait uniquement retenir la fin des phrases à plusieurs
éléments (Cronk, 2004) et éprouver des difficultés à comprendre des structures syntaxiques
complexes (ex. : «Avant de parler de ton parcours scolaire, parle-moi des emplois que tu
as occupés. »). Il pourrait également présenter une difficulté durable à saisir le sens élargi
de certains mots (ex. : « mes mains tremblaient » : j’étais nerveuse) ou ne pas être en
mesure de saisir le sens figuré (ex. : La phrase « La dame cognait des clous » serait
comprise littéralement) (Cronk, 2004). Comme la compréhension du langage nécessite
également de « confronter le message reçu aux connaissances déjà intégrées » il est
nécessaire « de tenir compte des capacités cognitives de l’enfant et de l’environnement
dans lequel il s’est développé » (Chevrier-Muller et Narbona, 2004, p.207). Il en est de
même pour un déficit d’attention qui pourrait interférer avec les habiletés réceptives du
langage (Chevrier-Muller et Narbona, 2004).
Le versant expressif réfère à l’expression du message. Lorsque ce versant est atteint, tout
comme le versant réceptif, diverses composantes du langage peuvent être touchées. Au
plan phonologique, « la programmation, c’est-à-dire le choix des sons qui entrent dans la
constitution d’un mot ainsi que leur mise en séquence correcte, peut être perturbée »
(Chevrier-Muller et Narbona, 2004, p.208). Un individu qui a des difficultés sur ce plan
pourra omettre les sons d’un mot, en ajouter, les produire incorrectement, les substituer par
d’autres ou même les déplacer (ex. : conseiller d’orientation→conseiller d’oriention). Les
atteintes peuvent également atteindre la morphosyntaxe et celles-ci sont variables. Dans
27
certains cas, les énoncés produits par l’individu peuvent être plus courts et moins
complexes que ceux attendus habituellement à son âge. Des confusions ou des omissions
peuvent survenir en lien avec les composantes de la phrase (ex. : sujet de la phrase). Les
mots-fonctions (ex. : pronoms, prépositions) peuvent être omis (ex. : Je parle de mon ami
(qui) i’est dans ma classe. ») ou remplacés par d’autres formes (ex. : Il a un chat sur (dans)
ses bras) (Cronk, 2004). De plus, des difficultés à utiliser les morphèmes de genre, de
nombre et de temps peuvent être relevées (Lalonde, 2004). Les difficultés d’accès lexical
sont un autre exemple de difficultés pouvant apparaître dans le cas d’un trouble du langage
(Lalonde, 2004). La personne qui veut dire un mot peut le remplacer par une autre qui est
près sémantiquement (ex. : dire « demain » au lieu d’«hier »), donner une description du
mot ou faire des pauses dans son discours. Finalement, des difficultés d’utilisation peuvent
être présentes où la personne fait du coq-à-l’âne, c’est-à-dire qu’elle passe d’un sujet à un
autre sans en aviser son interlocuteur et n’établit pas de liens logiques entre les éléments
de son message et les commentaires qu’elle enchaîne (Cronk, 2004). Cela pourrait
également se manifester par la difficulté qu’a la personne de répondre aux besoins de son
interlocuteur. Il peut s’agir de ne pas mettre la personne en contexte par rapport au sujet
discuté ou de ne pas réparer les bris de communication qui surviennent (Cronk, 2004). Un
trouble de l’utilisation peut aussi se traduire par les difficultés qu’a l’individu à respecter
les mécanismes permettant le bon déroulement de l’échange (ex. : parler en même temps
que l’interlocuteur) (Cronk, 2004).
2.2 Trouble primaire du langage / dysphasie
2.2.1 Description
En 2004, l’OOAQ a publié un guide visant à faire le point sur ce qu’est la dysphasie et sur
les étapes pouvant mener à l’établissement d’une conclusion orthophonique confirmant la
présence de ce trouble. L’une des recommandations faites aux orthophonistes par le biais
de cette publication était alors de privilégier le terme « trouble primaire du langage » au
terme « dysphasie ». L’utilisation du qualificatif « primaire » a son importance ici puisque
cela signifie que le trouble du langage n’est causé par aucune autre déficience telle une
28
déficience intellectuelle, un trouble envahissant du développement ou une surdité. En
somme, cela signifie que c’est l’atteinte langagière qui prédomine. Bien que le terme
« trouble primaire du langage » soit recommandé, les termes dysphasie et trouble primaire
du langage seront utilisés de manière interchangeable afin de faciliter la lecture.
La dysphasie, d’origine neurologique, est un trouble du langage qui touche plus de garçons
que de filles. Actuellement, bien que l’hérédité joue un rôle dans son apparition, les autres
causes demeurent floues (Commission scolaire des Découvreurs et Commission scolaire
des Navigateurs, 2011). Elle est définie de la façon suivante par l’OOAQ (2004) :
«Trouble primaire du langage, dans les sphères expressive ou expressive et
réceptive, qui s’observe par des atteintes variables affectant le développement
de plus d’une composante du langage : phonologie, morphologie, syntaxe,
sémantique, pragmatique. En plus d’une hétérogénéité des manifestations de
ce trouble d’un individu à l’autre, il se caractérise, chez un même individu, par
sa persistance, la variabilité du portrait clinique dans le temps, de même que
par une forte probabilité qu’il y ait peu d’évolution sans intervention. La
dysphasie est souvent accompagnée d’autres signes et peut aussi, coexister
avec d’autres déficiences. La dysphasie a des répercussions qui peuvent
entraver le développement et le fonctionnement de l’individu sur les plans
personnel, social, scolaire et professionnel. Par conséquent, la dysphasie
engendre des situations de handicap et des préjudices variables pour l’individu
et son entourage selon les circonstances et à tous les âges de la vie. » (p.5)
Selon les écrits consultés, de leur provenance et de leur année de publication, divers termes
sont employés pour désigner le trouble primaire du langage : audimudité, aphasie
congénitale, syndrome dysphasique, dysphasie développementale, dysphasie et trouble
spécifique du langage. Dans les écrits anglophones, il est fréquent de voir les termes
specific language impairment (SLI), language impairment et developpemental language
disorder. Il importe de mentionner que ces appellations ne correspondent pas
nécessairement au trouble primaire du langage tel que défini par l’OOAQ (OOAQ,
2004). La conceptualisation de la dysphasie en Europe diffère également de celle
actuellement adoptée au Québec. Alors qu’au Québec la dysphasie peut être de sévérité
variable, en Europe, le terme dysphasie est plutôt utilisé quand il est question d’une atteinte
sévère du langage (Herbaux-Laborbe, 2013). Tel que mentionné précédemment, les termes
29
dysphasie et trouble primaire du langage seront utilisés de façon interchangeable.
Toutefois, lorsque nous référerons à des écrits anglophones utilisant d’autres terminologies
(ex. : SLI), ces dernières seront privilégiées à partir de ce point-ci de l’essai.
2.2.2 Manifestations
Considérant que l’OOAQ (2004) souligne que les manifestations de ce trouble langagier
évoluent avec le temps, nous nous concentrerons principalement sur des exemples de
manifestions langagières qui persistent à l’âge scolaire, à l’adolescence et l’âge adulte. À
ce sujet, les études démontrent qu’en grandissant, l’adolescent et l’adulte présentant un SLI
continueront de présenter des atteintes sur le plan du langage et de la communication
(Whitehouse et al., 2009a) mais ces difficultés sont variables d’un individu dysphasique à
l’autre (OOAQ, 2004). Les données actuellement disponibles démontrent que des jeunes
âgés de 8 ans et plus, adolescents et jeunes adultes dysphasiques éprouvent toujours des
difficultés à saisir les phrases longues et complexes, certains concepts de temps (ex. : dates,
heure) et d’espace (Beauregard et al., 2009 ; Desharnais et O’Leary, 2011). Une des
répercussions de ces difficultés pourrait être qu'un client dysphasique se présente en retard
aux rendez-vous avec son conseiller d’orientation. Le jeune dysphasique éprouve des
difficultés à objectiver et des difficultés à trouver ses mots (difficultés d’accès lexical)
(Commission scolaire des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011;
Lalonde, 2004) ce qui fait en sorte que la communication perd de sa fluidité et peut frustrer
le jeune qui risque d’abandonner l’échange. Le discours de l’élève dysphasique d’âge
scolaire présente des faiblesses sur le plan de la clarté et de la pertinence des informations
qu’il contient et les fonctions plus complexes du langage, dont la négociation et
l’argumentation, demeurent difficiles (Desharnais et O’Leary, 2011). L’amorce, le
maintien et la conclusion d’un échange avec un interlocuteur risquent de présenter des
lacunes (Desharnais et O’Leary, 2011) et le jeune peut avoir des difficultés à situer son
interlocuteur à la fois sur les plans du sujet que du contexte (Table régionale de réflexion
sur les services éducatifs dispensés au secondaire aux élèves ayant une difficulté langagière
ou une dysphasie, 2006).
30
Que ce soit à l’adolescence ou l’âge adulte, l’humour, l’ironie, les proverbes, le langage
ado et les expressions peuvent être comprises de manière littérale (ex. : Tu t’es mis le pied
dans la bouche) et par conséquent, mal employées. Ces difficultés représentent un enjeu
majeur, particulièrement à l’adolescence, où le jeune désirant faire partie du groupe doit
être en mesure de comprendre ces subtilités (Boissonneault, 2012). L’étude de Beauregard
et al. (2009) fait état du fait que les parents perçoivent qu’en grandissant, leur jeune
dysphasique est en mesure de produire des phrases plus longues et complexes bien qu’elles
puissent contenir des erreurs, ce qui diminue le recours aux gestes. Chez les adolescents et
les jeunes adultes, les conversations téléphoniques représentent encore un enjeu en raison
de l’absence de tout support visuel (Beauregard et al., 2009). Des difficultés persistantes
chez les jeunes adultes avec un historique de SLI sont également dénotées sur le plan de la
mémoire verbale à court terme, de la grammaire réceptive et de la conscience phonologique
(Whitehouse et al., 2009a). Les jeunes adultes avec un historique de SLI feraient également
davantage d’erreurs dans la production des mots, auraient un vocabulaire plus limité et des
habiletés moindres en littératie (Whitehouse et al., 2009a). Les difficultés langagières
décelées tôt chez les enfants ayant un SLI de même que leurs difficultés ultérieures en lien
avec la littératie auraient un impact important dans la capacité de ces adolescents de devenir
indépendants dans la réalisation de diverses habitudes de vie (Conti-Ramsden et Durkin,
2008).
Dans son Guide portant sur le trouble primaire du langage/dysphasie, l’OOAQ (2004)
souligne que des lacunes touchant l’organisation dans l’espace, la perception et la motricité
peuvent être relevées chez les jeunes dysphasiques sans toutefois apporter une précision
quant à l’âge. Les fonctions exécutives risquent également d’être touchées et peuvent
notamment se traduire par une diminution de l’inhibition et une rigidité comportementale.
Les personnes dysphasiques risquent également de présenter d’autres difficultés touchant
entre autres la capacité à abstraire, à généraliser, à transférer les apprentissages dans
d’autres contextes et à anticiper (OOAQ, 2004). De la fatigabilité et une vitesse d’exécution
ralentie peuvent aussi être relevées chez la personne dysphasique en plus d’autres troubles
associés (ex. : trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, dyspraxie, anxiété) ce
qui nuit, évidemment, aux apprentissages réalisés (OOAQ, 2004). Ces difficultés peuvent
31
entraîner des manifestations variables dans la vie de ces individus. Il est possible, à titre
d’exemple, que le client dysphasique oublie facilement des informations et qu’il ait du mal
à organiser son matériel. Cette désorganisation est aussi notable dans les travaux scolaires
(Table régionale de réflexion sur les services éducatifs dispensés au secondaire aux élèves
ayant une difficulté langagière ou une dysphasie, 2006).
2.2.3 Conséquences sur le plan scolaire
Puisque le langage est le médium le plus utilisé pour véhiculer les notions, et ce de façon
décontextualisée (OOAQ, 2004), les clients dysphasiques sont particulièrement
désavantagés lorsqu’il est question d’apprentissages scolaires. Herbaux-Laborbe (2013)
souligne à cet effet que le parcours scolaire des clients dysphasiques sera très souvent
parsemé d’embûches.
Les difficultés sur le plan du langage oral sont susceptibles de se répercuter sur le langage
écrit (lecture et écriture) (Stothard et al.,1998, et Snowling et al., 2000 cités dans
Whitehouse et al., 2009). De plus, les clients dysphasiques risquent de présenter des
difficultés sur le plan des habiletés mathématiques (Beitchman et al., 1996). Cette réalité
entraîne un écart qui se creuse, au fil du temps, entre la performance académique réelle et
attendue considérant l’âge chronologique du client (Beitchman et al., 1996). Des études
ont démontré que les difficultés langagières étaient très souvent à la source des troubles
d’apprentissage. En ce sens, «il semblerait que 80% des enfants ayant des troubles
d’apprentissage ont également des troubles de langage» (AQETA, 2012). Cela est
facilement compréhensible. Une personne ayant un faible vocabulaire à l’oral aura un
vocabulaire limité à l’écrit. Dans le même sens, si une personne éprouve des difficultés à
saisir des phrases longues et complexes, la compréhension de textes plus denses risque
d’être ardue.
En fonction du profil de la personne dysphasique et des ressources disponibles dans la
commission scolaire, diverses modalités de service seront privilégiées durant son parcours
32
à la formation générale des jeunes : intégration en classe ordinaire, en classe spéciale ou
dans des écoles spécialisées qui s’adressent à des élèves présentant un handicap ou un profil
de difficultés semblables (Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2010). Les classes
spéciales peuvent être de deux types. D’une part, elles peuvent être homogènes et regrouper
des élèves présentant sensiblement le même type de difficultés. L’autre catégorie réfère à
des classes spéciales dites hétérogènes qui regroupent des élèves aux profils de difficultés
variés (MELS, 2009).
Les classes de langage ou classes de communication sont les appellations que portent
souvent les classes spéciales regroupant des élèves dont les principales difficultés touchent
la sphère langagière et qui nécessitent un enseignement adapté. Durant l’année scolaire
2010-2011, 63,8% des élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire, reconnus par le
ministère comme ayant une déficience langagière (code 34) étaient intégrés dans une classe
spéciale, soit la majorité (OPHQ 2010-2011, cité par CAMO pour personnes handicapées,
2014). Malgré ce haut pourcentage, ce ne sont pas toutes les commissions scolaires qui ont
la même latitude quand il est question de créer des classes spéciales. Tel est le cas des
commissions scolaires en région dont l’effectif parfois plus réduit d’élèves HDAA fait en
sorte que le financement reçu rend impossible la création de telles classes (MELS, 2009).
Ainsi, c’est aux équipes-écoles que revient le devoir d’ajuster leurs services et de les
individualiser en fonction des besoins des élèves ciblés (MELS, 2009). De plus, lorsqu’un
jeune intègre une classe adaptée, cela peut signifier que sa fréquentation scolaire
s’effectuera dans un autre établissement que son école de quartier (Commission scolaire
Marguerite-Bourgeoys, 2010). Il demeure que c’est au secondaire que la proportion de
classes spéciales était la plus importante en rapport au nombre total de ces classes au
Québec entre les années scolaires 1999-2000 et 2006-2007. En 2007-2008, 20% des classes
au secondaire étaient des classes spéciales (MELS, 2009).
Aucune donnée québécoise n’a été recensée sur le parcours scolaire spécifique des élèves
présentant une dysphasie sévère. Il est possible de supposer que certains poursuivront leur
scolarité en classe spéciale alors que d’autres intégreront les parcours de formation axés
33
sur l’emploi. Ce programme, qui s’effectue en alternance travail-études, comporte deux
voies (formation préparatoire au travail (FPT) et une formation menant à l’exercice d’un
métier semi-spécialisé (FMSS)) et s’adresse aux élèves qui accusent un retard académique
(Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2010). La formation préparatoire au travail
cible les jeunes âgés de moins de 15 ans qui, au terme du 1er cycle du secondaire, n’ont pas
les acquis scolaires en langue française et mathématiques correspondant au Programme de
formation de l’enseignement primaire. La FPT est d’une durée de trois ans a comme visée
de favoriser l’intégration des jeunes au marché du travail et à pouvoir fonctionner en
société. Au terme de cette formation, l’élève obtient un certificat émis par le ministère de
l’Éducation. Une passerelle peut s’effectuer en 2e année et mener à l’apprentissage d’un
métier semi-spécialisé, sous réserve de respecter certaines conditions. La formation menant
vers l’exercice d’un métier semi-spécialisé, pour sa part, s’adresse aux élèves du même
groupe d’âge. Or, à la fin du 1er cycle du secondaire, ceux-ci doivent avoir atteint les
objectifs du Programme de formation de l’enseignement primaire en langue française et
mathématiques sans toutefois avoir obtenu d’unités du 1er cycle du secondaire. Au terme
de l’année que dure cette formation, le ministère de l’Éducation décerne à l’élève un
certificat officiel de formation à un métier spécialisé et cette fois-ci, avec mention du
métier. Bien que le parcours de formation axé vers l’emploi débouche directement sur le
marché du travail, il arrive que des élèves issus de ces programmes poursuivent leurs études
en formation professionnelle ou même en formation générale à condition de remplir
certaines exigences (MELS, 2013). Sachant que plusieurs des élèves âgés de 16 à 18 ans
accusent des retards scolaires, il est possible que certains poursuivent leurs études
secondaires à la formation aux adultes en vue d’une éventuelle intégration sur le marché
du travail, comme c’est les cas pour plusieurs élèves HDAA (CAMO pour personnes
handicapées, 2014). Il est plausible de penser que certains élèves dysphasiques s’engagent
également en formation professionnelle. C’est ce qu’ont relevé Whitehouse et al. (2009b)
qui mentionnent que les jeunes présentant un SLI tendent à s’orienter vers des études
professionnelles puisqu’elles exigent souvent un niveau moindre sur le plan des habiletés
langagières et de la littératie. Des études ont rapporté que certains adultes présentant des
troubles du langage ont atteint des niveaux scolaires postsecondaires. Tel est le cas dans
l’étude de Haynes et Naidoo (1991, citées dans Chevrier-Muller, 2004). Cependant, aucune
34
information n’est disponible quant à la nature et la sévérité des troubles du langage
présentés par les sujets. Il est donc difficile de savoir si des personnes présentant une
dysphasie sévère faisaient partie de l’échantillon.
2.2.4 Conséquences sur le plan professionnel
Les difficultés d’apprentissage rencontrées par les élèves dysphasiques auront
inévitablement un impact sur l’éventail des professions accessibles. L’insertion
socioprofessionnelle, qui représente une étape charnière pour le jeune qui acquiert
davantage d’autonomie, représente également un enjeu. En ce sens, Boissonneault (2012)
rapporte que les stages en milieu de travail des élèves dysphasiques peuvent représenter
une étape difficile à réussir puisque les employeurs ne sont pas ou sont insuffisamment
informés sur la dysphasie, sur ses impacts et sur les façons de s’adapter. D’autres enjeux
peuvent également se présenter. En ce sens, la personne dysphasique peut recevoir des
consignes rapidement, sans bénéficier de support visuel. De plus, selon le secteur ou
l’emploi occupé, un vocabulaire spécifique y sera associé et la personne devra en saisir le
sens pour réaliser le travail et communiquer avec ses collègues (Pouliot et Désormiers,
2007). Étant donné l’accent mis sur la nécessité de performer, il est attendu du stagiaire
qu’il comprenne rapidement et s’exprime efficacement (Pouliot et Désormiers, 2007). Or,
cela représente un défi pour un stagiaire dysphasique. La dysphasie étant un handicap
invisible, l’entourage professionnel n’y est pas sensibilisé aux premiers abords et les
difficultés que le jeune rencontrera dans son insertion socioprofessionnelle mettent à risque
son sentiment de compétence (Pouliot et Désormiers, 2007).
L’évolution du marché du travail qui s’est muté au fil des ans passant d’une économie
manufacturière à une économie de services a également une influence sur les impacts
qu’aura la déficience langagière sur l’insertion socioprofessionnelle. L’augmentation de la
précarité d’emploi, la mondialisation, l’optimisation des coûts et la diminution des effectifs
amènent les travailleurs à devoir s’adapter aux exigences toujours croissantes du marché
du travail en devant faire plus vite avec moins (Bigler, 2008). Les entreprises exigent
35
maintenant aux travailleurs de s’investir psychologiquement en faisant preuve d’une plus
grande flexibilité morale, en s’identifiant à l’entreprise et à ses résultats et en
personnalisant sa relation avec cette dernière. La complexité croissante des emplois qui
place des exigences élevées sur les travailleurs qui doivent être aptes à organiser plusieurs
tâches, interagir avec des personnes aux passés divers et à travailler indépendamment
(Sturomski, 1996, cité dans Hitchings et al., 2001). À cela s’ajoute l’évolution des
technologies, la compétition et les demandes des consommateurs croissantes. Des
compétences de base en lecture, écriture et mathématiques sont requises afin que les
employés puissent résoudre les problèmes quotidiens auxquels ils sont confrontés
(Hitchings et al., 2001). Ces changements dans la nature et l’évolution rapide du travail
engendrent, bien évidemment, du stress, de l’angoisse chez les individus (Le Galès-Camus,
2006, cité dans Kirouac, 2007). Bref, l’ensemble de ces enjeux risquent d’avoir des impacts
sur l’employabilité des personnes dysphasiques.
2.2.5 Conséquences sur les plans social et affectif
La sphère sociale représente une autre zone de difficultés chez les clients, jeunes et adultes
ayant un trouble du langage (Conti-Ramsden et Botting, 2004; Whitehouse et al., 2009b).
Les jeunes présentant des difficultés langagières se retrouvent fréquemment victimes
d’intimidation à l’école (Conti-Ramsden et Botting, 2004). Dans leur communication
portant sur le devenir des enfants dysphasiques, Beauregard et al. (2009) démontrent que
malgré ces obstacles, plusieurs dysphasiques arriveront à maintenir des relations d’amitié
ainsi que des relations intimes. Il demeure toutefois que l’établissement de relations
amicales et amoureuses demeure un défi pour eux. C’est ce qui ressort de l’étude de Clegg
et al. (2005) qui fait état que plus de la moitié des adultes dysphasiques de l’échantillon
étudié possédaient un réseau social limité et qu’un tiers des participants avaient déjà été
mariés ou engagés dans une relation avec un conjoint de fait. Durkin et Conti-Ramsden
(2007), pour leur part, mettent en relief que les relations amicales des adolescents de 16
ans ayant un SLI sont de plus faible qualité. À cet effet, 40% des 120 participants à l’étude
ont mentionné avoir des relations amicales pauvres.
36
Des symptômes d’anxiété et de dépression, une personnalité de type « antisociale » et une
faible estime de soi sont des exemples de problématiques liées à la santé émotionnelle qui
sont susceptibles d’être retrouvées chez plusieurs adolescents ou adultes dysphasiques.
(Whitehouse et al., 2009b; Beitchman, 2005; Wadman et al., 2008 cités dans Herbaux-
Laborbe, 2013; Conti-Ramsden et Botting, 2004). Les obstacles rencontrés par la personne
dysphasique au plan scolaire et social se répercutent évidemment sur sa sphère affective.
Cette personne, qui est appelée à traverser des échecs répétés durant son parcours, a une
faible estime et peut présenter une anxiété de performance (Revol, 2001 cité dans Herbaux-
Laborbe, 2013). Certains des jeunes dysphasiques associent leurs difficultés à un manque
d’intelligence, bien que très souvent, ce ne soit pas le cas. Dès lors, on constate à quel point
le concept de soi du jeune est affecté. Les difficultés langagières ont aussi comme impact
direct que le jeune arrive difficilement à exprimer ses émotions, son vécu, ce qui risque
d’entraîner des difficultés comportementales. De l’anxiété peut aussi être ressentie.
(Commission scolaire des Découvreurs et Commission scolaire des Navigateurs, 2011).
Beauregard et al. (2009) soulignent l’importance d’outiller les personnes dysphasiques à
expliquer leurs difficultés.
En résumé, les impacts de la dysphasie sont susceptibles de se faire sentir sur plusieurs
domaines de vie dont l’école, le travail, la socialisation et la sphère affective. Il importe de
rappeler que le pronostic de la dysphasie va varier d’un individu à l’autre dépendamment
de la sévérité des difficultés, le nombre et le type de dimensions atteintes, de la motivation
de la personne, du soutien reçu de la part de la famille et des professionnels (Cronk, 2004).
À cela s’ajoutent les zones de forces de la personne, le niveau d’accès aux services de
réadaptation et leur adéquation qui font également partie des éléments déterminants
(Cronk, 2004). L’évolution de la dysphasie dépend également de la présence ou non de
troubles associés. Lorsqu’il s’agit d’une problématique relativement isolée, le pronostic est
habituellement plus favorable (OOAQ, 2004). Aussi, bien que l’accent ait été mis sur les
conséquences négatives, les jeunes dysphasiques présentent plusieurs forces. Ils sont
souvent observateurs ce qui leur permet de faire beaucoup d’apprentissages en imitant les
autres et ils s’avèrent plus persévérants à l’effort (Commission scolaire des Découvreurs et
Commission scolaire des Navigateurs, 2011).
37
2.3 Retard versus trouble du langage
Il importe de faire la distinction entre le retard et le trouble du langage. Bien que les deux
réfèrent à des difficultés langagières touchant la compréhension et l’expression ou
uniquement l’expression du langage, leur l’origine et leur évolution diffèrent.
Selon l’OOAQ (2012), le retard de langage affecterait de nombreux enfants âgés entre 2 et
5 ans mais les données sur la prévalence disponibles dans la littérature sont variables
dépendamment des caractéristiques des populations étudiées. Le retard peut s’expliquer
par plusieurs facteurs dont des carences environnementales (ex. : abus, manque de
stimulation, occasions de communiquer insuffisantes en raison d’une hospitalisation), des
otites à répétition, le multilinguisme (AQETA, 2011). Les troubles du langage, quant à eux,
peuvent être d’origine développementale, c’est-à-dire présents à la naissance, ou acquis à
la suite d’une atteinte neurologique comme un traumatisme craniocérébral (TCC), un
accident vasculaire cérébral (AVC) ou une démence. En fonction de la nature de l’atteinte,
les troubles du langage qui s’ensuivent porteront différents noms tels un trouble primaire
du langage (dysphasie), une aphasie ou un trouble cognitivo-linguistique.
Chez l’enfant, un des indices permettant de déterminer s’il est question d’un retard ou d’un
trouble est la réponse à l’intervention orthophonique. Dans le cas d’un retard, l’évolution
des habiletés langagières se fera plus rapidement contrairement au trouble et il sera
généralement possible pour l’enfant de développer ses habiletés langagières au point de
rejoindre le niveau de celles des enfants de son âge. Habituellement, le retard du langage
se résorbera avant l’âge de 6 ans (Soares-Boucaud et al., 2009). Lorsqu’il est question d’un
trouble, on remarque une persistance de l’écart entre les habiletés réelles de l’enfant et de
celles attendues à son âge ainsi qu’une faible évolution malgré une intervention ciblée et
continue en orthophonie. Dès l’âge de quatre ans, il est possible de déterminer si les
difficultés langagières présentées par l’enfant découlent davantage d’un trouble que d’un
retard (OOAQ, 2004). Bien entendu, si le retard est dû à une problématique physiologique
38
(ex. : otites à répétition qui créent une diminution de l’audition), il sera nécessaire de
résoudre cette problématique pour favoriser l’évolution du langage de l’enfant.
2.4 Trouble du langage versus trouble de la parole
Il importe également de ne pas confondre les difficultés de langage aux troubles de la parole
où la production du langage est l’élément touché. Parmi les troubles de la parole se
retrouvent les troubles de la fluidité (ex. : bégaiement), les troubles de la voix (ex. :
aphonie), de la résonance (ex. : hyponasalité, assimilable à la voix d’une personne
enrhumée), de l’articulation (ex. : sigmatisme interdental : parler sur le bout de la langue),
du débit et de la prosodie. Ces troubles peuvent toutefois accompagner les retards ou les
troubles du langage et peuvent être d’origine développementale (ex. : fente palatine qui
entraîne une hypernasalité) ou acquis (ex. : aphonie acquise à la suite d’une laryngectomie)
(Fortier-Blanc, 2004).
CHAPITRE III
OBJECTIFS DE RECHERCHE
L’objectif général de cette recherche est d’identifier les principaux enjeux et obstacles
rencontrés par des c.o. provenant des secteurs du milieu scolaire, de l’employabilité et de
la réadaptation dans leur intervention auprès des clients dysphasiques. Cette exploration
cible tant le niveau micro, soit l’intervention directe, que le niveau macro, soit
l’organisation des services d’orientation.
Pour y arriver, divers aspects sont explorés : 1) Représentation des difficultés présentées
par les clients dysphasiques selon le point de vue des c.o., 2) Perception des c.o. quant à
leur rôle actuel et souhaité dans l’accompagnement au choix de carrière de ces clients, 3)
Exploration des difficultés rencontrées par les c.o. au plan de l’intervention et de
l’organisation des services offerts aux clients dysphasiques, 4) Recueillir les pistes
d’amélioration, telles que perçues par ces professionnels, pour améliorer les services
d’orientation offerts à ces clients.
À travers cet objectif principal, des sous-objectifs sont visés. Le premier sous-objectif
consiste à évaluer le rapport qu’ont les c.o. face aux enjeux et obstacles rencontrés dans
leur intervention auprès des clients dysphasiques. Le second consiste à analyser la
variabilité qui existe entre les milieux sur le plan des enjeux et des obstacles rencontrés,
tant au niveau qualitatif que quantitatif. Troisièmement, d’explorer les pistes pour
améliorer les services a pour visée de stimuler la réflexion des lecteurs qui accompagnent
cette clientèle sur les moyens qu’il est possible de mettre en place pour bonifier leur
pratique. En dernier lieu, il est évidemment souhaité que cet essai serve à documenter un
sujet qui n’a pas été abordé jusqu’à maintenant dans la littérature.
CHAPITRE IV
MÉTHODOLOGIE
Comme le souligne Gaudreau (2011), la méthodologie est l’étape où le plan de recherche
est exposé. Celui-ci comprend l’approche de recherche, les sources et les modes de collecte
de données ainsi que les méthodes d’analyse. Bref, il s’agit des aspects techniques de la
recherche (Gaudreau, 2011). Dans les paragraphes qui suivent, le type de recherche, les
caractéristiques des participants et les procédés de sélection seront abordés. S’en suivront
la technique de recherche, les instruments employés pour effectuer la cueillette de données
et les méthodes utilisées pour procéder à leur analyse et leur interprétation. La
méthodologie se conclura sur les considérations éthiques qui ont été prises en compte tout
au long de la réalisation de ce projet.
4.1 Approche de recherche
Afin de pouvoir atteindre l’objectif et les sous-objectifs de recherche énoncés ci-haut, une
approche qualitative de type exploratoire a été privilégiée. Cette approche s’avérait idéale
puisqu’elle permet d’explorer en profondeur l’expérience des personnes (Patton, 2002) et
qu’elle soutient que les individus vont ressortir différents éléments même s’ils vivent une
expérience similaire en plusieurs points (Deslauriers, 1991). La nature exploratoire du
projet est également adaptée considérant qu’aucun écrit ne porte spécifiquement sur le sujet
du présent essai qui vise à identifier et décrire les enjeux et obstacles rencontrés par les c.o.
intervenant auprès d’adolescents et d’adultes ayant une dysphasie modérée à sévère.
4.2 Sélection des participants
Afin de répondre aux objectifs de recherche et de recueillir des données reflétant le plus
fidèlement possible la réalité « terrain » des conseillers d’orientation intervenant auprès
de la clientèle dysphasique, l’échantillonnage intentionnel a été préconisé. Cette méthode,
41
principalement employée en recherche qualitative, consiste à déterminer les critères des
participants désirés en fonction de la problématique de recherche pour ensuite être en
mesure de cibler, dans le cas présent, des c.o. y correspondant (Gaudreau, 2011). Ainsi,
dans le but de recueillir des expertises diversifiées, des critères spécifiques ont été établis.
Les conseillers d’orientation ciblés devaient œuvrer dans les secteurs de l’éducation, de
l’employabilité ou de la santé et des services sociaux qui s’avèrent trois secteurs où la
clientèle dysphasique modérée à sévère peut recevoir des services en orientation. Il a été
prévu initialement que deux conseillers d’orientation intervenant dans chacun de ces
milieux soient rencontrés. De plus, il a été planifié que les conseillers d’orientation
provenant d’un même réseau (éducation, employabilité, santé et services sociaux)
proviendraient idéalement de régions géographiques différentes considérant que l’offre de
service peut différer d’une région à l’autre.
Pour le secteur de l’éducation, les c.o. devaient pratiquer dans des écoles secondaires
comprenant des classes de langage ou de communication et desservir idéalement des jeunes
du 2e cycle du secondaire. Les c.o. du secteur de l’employabilité devaient travailler dans
des organismes d’aide à l’emploi se spécialisant auprès de la clientèle handicapée. Pour ce
qui est du secteur de la santé et des services sociaux, les c.o. œuvrant en centre de
réadaptation étaient ciblés. Ces professionnels devaient être membres de l’OCCOQ et être
appelés, à l’intérieur de leur mandat, à travailler sur une base régulière ou sur appel auprès
d’adolescents ou d’adultes dysphasiques.
Afin de recruter les participants, une invitation de participation à la recherche a été envoyée
sur le blogue Cointernet et le réseau socionumérique LinkedIn. De plus, l’auteure de cette
recherche a contacté des c.o. qui détenaient une expertise auprès de la clientèle présentant
des troubles du langage. Le directeur de cet essai, Louis Cournoyer, a également diffusé
l’invitation de participation à travers divers réseaux socionumériques de même qu’à travers
son réseau de contacts. Finalement, des contacts téléphoniques et/ou par courriel ont été
réalisés dans le but de recruter des participants et de donner davantage d’informations sur
le projet de recherche.
42
En raison du faible taux de réponse obtenu, il n’a pas été possible de rencontrer deux c.o.
dans chacun des secteurs d’activité. Une c.o. provenant du milieu scolaire a été rencontrée,
alors que deux et trois c.o. provenant respectivement des secteurs de l’employabilité et de
la réadaptation ont été interrogés. À noter que deux c.o. du secteur de l’employabilité
œuvraient au sein de la même organisation mais dans des points de services différents. Les
trois c.o. du secteur de la réadaptation travaillaient, quant à eux, au sein du même
établissement de réadaptation. Les trois groupes de professionnels (scolaire, employabilité,
réadaptation) se situaient dans des régions administratives différentes.
Le tableau qui suit regroupe des données décrivant le profil des participants de l’étude.
Afin de préserver l’anonymat des conseillers d’orientation, ces derniers ont été associés à
des codes alphanumériques permettant d’identifier leur secteur d’activité (s : scolaire, e :
employabilité, r : réadaptation) ainsi que l’ordre dans lequel ils ont été rencontrés (ex. : r-
03 : 3e c.o. du secteur de la réadaptation à avoir été rencontré).
43
Tableau 4.1
Données relatives aux participants
Années d’expérience
comme c.o.
Années d’expérience
auprès de la clientèle
dysphasique
Secteur(s) où
l’expérience auprès
de la clientèle
dysphasique a été
acquise
s-01 3 1 Scolaire
e-01 9 ans et 8 mois 9 ans et 8 mois Employabilité
e-02 10 3 Employabilité
Scolaire
r-01 19 10
Réadaptation
Projet en milieu
scolaire
r-02 13 12 Employabilité
Réadaptation
r-03 16 10 Réadaptation
Le prochain tableau, pour sa part, contient les données relatives à la clientèle dysphasique
desservie par chacun des c.o. rencontrés.
44
Tableau 4.2
Caractéristiques de la clientèle dysphasique desservie
Âge approximatif de
la clientèle
dysphasique
rencontrée
Proportion de la
clientèle constituée
de clients
dysphasiques
Situation scolaire des
clients rencontrés
s-01 12-18 ans Non disponible
Classes langage ou
communication, FPT,
FMSS
e-01 16 à 45 ans 1% Études terminées ou
FP en cours
e-02 20 à 60 ans 5%
Études terminées
TÉVA
FGA (ex. : ISP)
r-01 15 à 25 ans
2008 à 2012 :
40 à 50%
Depuis 2012 : 20%
Principalement FPT,
FGA, pas aux études
r-02 16 à 30 ans 5-10%
FGJ, FPT, FMSS,
Pré-DEP, DEP, FGA,
pas aux études
r-03 16 à 25 ans 10-15% FGJ, FPT, FMSS,
Pré-DEP, FGA,
4.3 Instruments
Dans l’optique de répondre aux objectifs de recherche, des entretiens semi-dirigés est le
mode de cueillette de données qui a été privilégié. Cette méthode permet d’assurer une
certaine uniformité dans les thèmes abordés et leur ordre. De plus, grâce aux questions
générales posées lors de l’entretien semi-structuré, cela permet de laisser une certaine
45
latitude aux participants dans les informations livrées et peut favoriser l’émergence de
points non attendus tant du côté du participant que de l’intervieweur (Gaudreau, 2011).
Le guide d’entretien est l’instrument de recherche qui a servi de pierre d’assise lors de la
conduite des entretiens puisqu’il contient les questions ouvertes posées aux participants et
qui sont directement reliées aux objectifs spécifiques. Ce questionnaire s’articulait autour
de quatre sections que voici:
1) Profil des clients dysphasiques accompagnés par les conseillers d’orientation;
2) Perception de c.o. quant à leur rôle actuel et le rôle qu’ils souhaitent occuper dans
l’accompagnement au choix de carrière de la clientèle dysphasique;
3) Difficultés rencontrées par les c.o. sur les plans de l’intervention auprès de ces
clients et de l’organisation des services;
4) Pistes d’amélioration, telles que perçues par les c.o., pour améliorer les services
d’orientation offerts à la clientèle dysphasique.
Les questions ont été élaborées à partir de diverses thématiques abordées dans la littérature.
Considérant que plusieurs études documentent les atteintes variables entraînées par la
dysphasie de même que ses répercussions sur divers domaines de la vie des individus, il
est pertinent de s’intéresser à la représentation qu’ont les c.o. des difficultés présentées par
leurs clients dysphasiques. Les c.o. ont donc été questionnés sur les atteintes langagières,
cognitives, affectives et comportementales présentées par ces clients et les conséquences
de celles-ci sur divers domaines de vie (ex. : scolaire, professionnel, social). De plus,
comme il a été démontré, les services offerts aux clients présentant des handicaps divers
ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Toutefois, comme aucun écrit
n’existe spécifiquement sur les services d’orientation auprès de la clientèle dysphasique,
des questions ont été élaborées afin de recueillir une description des services offerts dans
leur milieu de travail respectif, la façon dont ils perçoivent leur rôle face à cette clientèle
de même que leur niveau de satisfaction face à celui-ci. Ils ont également été interrogés sur
les obstacles qu’ils percevaient, s’il y a lieu, sur le plan de l’organisation des services.
46
Comme les clients dysphasiques présentent des particularités qui se répercutent notamment
au plan social et de l’échange (Durkin et Conti-Ramsden, 2007; St. Clair et al., 2011), les
c.o. ont aussi été questionnés sur les obstacles rencontrés dans l’intervention directe.
Finalement, il a été demandé aux participants de s’ouvrir sur les pistes d’amélioration qu’ils
envisagent afin de bonifier les services offerts. Le questionnaire a été révisé par le directeur
de recherche et des modifications ont été apportées avant de réaliser les entretiens.
4.4 Cueillette de données
Préalablement à l’entretien semi-dirigé, tous les c.o. retenus pour la recherche ont été
contactés par courriel ou téléphone. Ce contact a servi à leur donner davantage
d’information sur le projet de recherche, à valider leur intérêt à participer et à fixer la date
de l’entretien en personne.
Avant de rencontrer les intervenants en personne, un formulaire d’information et de
consentement ainsi qu’un questionnaire d’enquête leur ont été acheminés par courriel. Le
premier formulaire a servi à informer les participants que l’ensemble des données
recueillies et diffusées dans le cadre de ce projet se faisait dans l’optique de préserver le
caractère confidentiel de celles-ci. Le questionnaire d’enquête, pour sa part, a servi à
colliger des informations factuelles sur les participants et leur milieu de travail. Ce
document a été récupéré au début de la rencontre et a été complété conjointement avec le
participant, au besoin.
Les six c.o. ont été rencontrés individuellement. Les entretiens ont été réalisés par
l’étudiante à la maîtrise en carriérologie à l’UQÀM qui est à l’origine de cette recherche.
La durée des entretiens variait entre 34 et 78 minutes. Avant de débuter les entretiens,
l’étudiante s’est assuré de répondre aux demandes d’informations supplémentaires des
participants pouvant toucher divers aspects du projet tels que les objectifs du projet,
l’analyse et l’utilisation futures des données et les dispositions prises pour conserver
l’anonymat des participants. Les mêmes consignes ont été données à chacun des
47
participants et tous ont été informés que l’enregistrement pouvait être arrêté au besoin. Les
six entretiens ont été enregistrés à l’aide d’une enregistreuse numérique. L’ensemble des
conseillers d’orientation ont reçu la même série de questions telle qu’établie par le guide
d’entretien mentionné plus haut. Des sous-questions ont été posées au besoin.
4.5 Méthode d’analyse de données
Le verbatim de chacun des entretiens a été produit et validé par le biais d’une seconde
écoute. Les six corpus obtenus ont ensuite être analysés en suivant, dans un premier temps,
la méthode d’analyse verticale telle que décrite par Gaudreau (2011). Cette méthode
consiste à examiner chaque corpus individuellement et de manière isolée afin d’en faire
ressortir les grands thèmes (Gaudreau, 2011). Dès qu’un thème émergeait en lien avec les
enjeux ou obstacles rencontrés par les c.o. dans l’accompagnement au choix de carrière des
clients dysphasiques, un code thématique sous forme de mots-clés lui était attribué. L’étape
de l’analyse transversale qui s’en est suivie a consisté à regrouper les analyses individuelles
des corpus pour en faire un tout cohérent (Gaudreau, 2011). Les extraits des divers corpus
qui ont été codés sous un même thème ont été regroupés. Cela a permis de préciser les
thèmes, d’en regrouper certains ou de les scinder pour une interprétation plus fine. Cette
analyse s’est poursuivie jusqu’à ce que la totalité des extraits significatifs de chacun des
verbatim soit incluse dans une catégorie thématique. Pour être retenus dans la section des
résultats, les thèmes devaient contenir des extraits provenant des entrevues de quatre des
six participants, soit la majorité. De plus, minimalement dix extraits devaient composer le
thème. Pour chacun des thèmes retenus, une définition opératoire inclusive a été formulée
et révisée afin d’interpréter et de relier les unités de sens qui s’y retrouvaient.
L’interprétation et la thématisation des unités de sens ont été validées tout au long du
processus d’analyse des données par le directeur de recherche.
48
4.6 Principes éthiques régissant la recherche
La présente recherche a fait l’objet de considérations éthiques, et ce, de l’étape de sa
conception jusqu’à la rédaction des résultats. Un formulaire d’information et de
consentement a été remis et signé par les six participants afin d’assurer une participation
libre et volontaire de leur part en plus de permettre l’utilisation d’extraits de leur entrevue
dans la section résultats. Par souci de préserver l’anonymat des participants et la
confidentialité des informations partagées, les noms des participants ont été remplacés par
des valeurs numériques sur les disques d’enregistrement, les corpus analysés et dans ce
rapport. De plus, les informations qui auraient permis de reconnaître des clients, des
collègues ou les lieux de travail des participants ont été retranchées que ce soit dans les
verbatim ou les extraits d’entrevue qui seront rapportés ultérieurement. L’ensemble des
formulaires, des enregistrements ainsi que les analyses des corpus ont été remis au
professeur supervisant cette recherche et seront conservés dans un classeur sous clé
pendant une période de deux ans suivant la finalisation du présent rapport de recherche.
CHAPITRE V
RÉSULTATS
La présente section servira à exposer les résultats obtenus à la suite de l’analyse des
entretiens réalisés auprès des conseillers d’orientation. Cette analyse se déclinera en cinq
sections, chacune composée des thèmes qui ont émergé des propos des participants. La
première s’intéressera aux représentations des c.o. quant aux difficultés présentées par leurs
clients dysphasiques. La deuxième section abordera les enjeux reliés à l’interaction entre
le client et le conseiller d’orientation alors que la troisième partie se concentrera sur les
obstacles et enjeux relevés sur le plan de l’organisation des services. Finalement, les deux
dernières sections traiteront respectivement des enjeux et obstacles touchant plus
directement les c.o. et des pistes d’amélioration, telles qu’envisagées par ces
professionnels, pour améliorer les services d’orientation offerts aux clients dysphasiques.
Chacun des thèmes présentés a pour but de documenter et de répondre à la question de
recherche principale qui consiste à connaître les enjeux et les obstacles rencontrés par les
c.o. intervenant auprès d’adolescents et d’adultes ayant une dysphasie modérée à sévère.
Pour y parvenir, les c.o. ont été interrogés sur leur conception des difficultés présentées par
les clients dysphasiques, sur leur rôle de même que les écarts, s’ils existent, entre leur rôle
actuel et le rôle qu’ils souhaiteraient occuper auprès de cette clientèle. Ils ont également
été questionnés sur les obstacles rencontrés, s’il y a lieu, dans leur intervention et sur le
plan de l’organisation des services. Pour terminer, les c.o. ont été appelés à s’ouvrir sur les
pistes qu’ils envisagent pour améliorer la qualité des services qui sont offerts à cette
clientèle spécifiquement.
Afin d’illustrer concrètement chacun des thèmes rapportés, des extraits des entrevues
seront présentés. Par souci de préserver la confidentialité et l’anonymat des participants,
les participants seront identifiés selon la forme suivante : s-01, e-01, e-02, r-01, r-02 et r-
03. La lettre « s » sera attribuée à la c.o. provenant milieu scolaire, le « e » sera associé aux
50
c.o. du secteur de l’employabilité et le « r » servira à identifier les c.o. travaillant dans le
secteur de la réadaptation.
5.1 Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques
Tableau 5.1
Représentation des difficultés présentées par les clients dysphasiques
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Vision élargie de la dysphasie
La dysphasie est perçue comme un trouble
entraînant des atteintes variables qui vont
au-delà du langage et dont il faut tenir
compte pour intervenir adéquatement.
Répercussions de la dysphasie sur
l’ensemble des parcours de vie
Conséquences de la dysphasie sur les
parcours de vie scolaire, professionnel et
personnel des clients, telles que perçues
par les c.o.
5.1.1 Vision élargie de la dysphasie
Parmi les c.o. rencontrés, plusieurs dénotent la présence de difficultés en lien avec le
langage et de la communication. Bien qu’un c.o. rapporte avoir fréquemment relevé des
difficultés touchant le langage oral et écrit dans ses sphères réceptive et expressive, les
difficultés sur le plan du langage oral sont celles qui sont le plus souvent mentionnées. Les
difficultés réceptives semblent être assimilées à des difficultés à traiter et à encoder
l’information: « Moi quand je leur donne une information des fois ils (ne) l’encodent pas
correctement ou leur perception de l’information (n’) est pas…Ils (ne) comprennent pas
nécessairement ce que moi je veux qu’ils comprennent » (e-01). Ces difficultés de
compréhension peuvent se répercuter sur la perception qu’ont les c.o. lorsqu’ils entrent en
interaction avec eux : « […] Comportemental ça ressemble à des gens qui ont une
déficience légère des fois. T’sais tu te demandes ils ont-tu compris? Ils ont-tu pas compris?
51
Ils font semblant qu’ils ont compris mais dans le fond ils (n’) ont pas compris […] » (e-
02).
Au plan expressif, les difficultés relevées semblent notamment toucher l’accès lexical, soit
la capacité de retrouver un mot ou une information verbale rapidement : […] Euh, bin des
fois ils savent quelque chose mais ils (ne) peuvent pas me le donner dans des mots qu’ils
voudraient me le donner […] » (e-01).
Bien que la dysphasie soit avant tout considérée comme un trouble du langage, une grande
importance semble être accordée aux difficultés associées, qui vont au-delà de la sphère
langagière. En ce sens, la majorité des conseillers d’orientation interrogés ont mentionné
percevoir des atteintes autres que langagières chez leurs clients dysphasiques. Plusieurs
c.o. ont fait mention de la présence de difficultés neuropsychologiques. Parmi celles-ci
figurent des troubles d’attention de même que des difficultés touchant les fonctions
exécutives, dont la planification et l’organisation. Des difficultés temporelles sont
également rapportées, notamment sur le plan des notions de temps, des délais temporels et
de la perception du temps qui passe. Pour plusieurs c.o., ces difficultés
neuropsychologiques feraient régulièrement partie du portrait clinique des clients
dysphasiques. Deux d’entre eux rapportent même que les atteintes neuropsychologiques
seraient toujours concomitantes aux difficultés langagières : « […] avec notre clientèle
dysphasique je te dirais qu’il y a toujours un profil de séquelles neuropsychologiques qui
accompagnent là les difficultés langagières là. Pis c’est très rare qu’on a un profil de
dysphasie pur. […] » (r-02).
En plus des difficultés neuropsychologiques, la présence de difficultés relatives à la santé
mentale ont été rapportées, dont des troubles anxieux et des difficultés de gestion du stress :
« Donc ils ont souvent un TDA associé, souvent un trouble anxieux associé. » (r-01). Un
rapport de causalité est établi entre les difficultés langagières et les difficultés de santé
mentale par le c.o. r-02 :
52
« […] moi ce que j’ai vu aussi beaucoup c’est la difficulté de communication
fait en sorte qu’ils ont de la difficulté à exprimer leurs sentiments pis souvent
ça fait en sorte qu’il y a une problématique associée au niveau de la santé
mentale qui peut être au niveau du trouble d’anxiété ou de la difficulté de la
gestion du stress […] »
D’adopter une vision élargie des difficultés présentées par les clients dysphasiques, en
considérant tant les difficultés langagières que les autres difficultés associées, semble
revêtir une grande importance quand vient le temps d’accompagner ces clients en
orientation. D’une part, elles amplifieraient les difficultés rencontrées par le client :
«Des fois c’est vraiment strictement langagier ça je dirais que c’est plus simple
dans ce temps-là. Mais quand il y a un TDAH […] qui est associé, qu’on a
d’autres problèmes de santé, qu’on peut avoir un fonctionnement intellectuel
[…] proche d’un rendement en tout cas d’un fonctionnement plus frontière bin
là on a quelqu’un qui (va) avoir plus de plus grandes difficultés. » (r-03)
D’autre part, selon le c.o. r-02, les atteintes neuropsychologiques entraîneraient des
conséquences plus marquées sur le choix scolaire et professionnel des clients
comparativement aux difficultés langagières, d’où l’importance d’en tenir compte. Le c.o.
r-02 s’étonne d’ailleurs que leur présence ne soit pas davantage documentée :
« […] Si on lit leur site [Association de la dysphasie] me semble que je l’avais
déjà fait l’exercice de lire le site mais on (ne) parle pas de ces choses-là
[troubles neuropsychologiques]. Pis ça je trouve ça curieux parce que c’est
tellement souvent associé que c’est comme sous silence mais nous dans le
choix scolaire et professionnel c’est quelque chose de tellement majeur pis
c’est souvent plus le problème que le trouble d’expression lui-même là. »
L’adoption d’une vision élargie de la dysphasie fait en sorte de moduler l’intervention des
c.o. au profil du client dysphasique : « c’est des choses [problématiques de santé mentale]
qui sont souvent présentes dont on doit tenir compte aussi pis essayer de les aider à
développer des outils afin de mieux gérer ces problématiques-là là. » (r-02).
53
En résumé, il ressort que les c.o. conçoivent la dysphasie comme un trouble qui ne se limite
pas aux difficultés langagières puisqu’elle est très souvent accompagnée de difficultés
associées telles des difficultés neuropsychologiques (ex. : attention, troubles relatifs aux
fonctions exécutives) et des problématiques de santé mentale. Cette conception élargie de
la dysphasie est importante puisqu’elle se répercute sur les choix scolaires et professionnels
des clients et influencent les objectifs d’intervention ciblés.
5.1.2 Répercussions sur l’ensemble des parcours de vie
Les points de vue rassemblés des c.o. font ressortir que les difficultés présentées par les
clients dysphasiques se répercutent à la fois sur leur parcours personnel, scolaire et
professionnel. Au plan personnel, la réalisation de plusieurs habitudes de la vie quotidienne
serait entravée ce qui rendrait difficile l’atteinte de l’autonomie résidentielle. Gérer de
manière autonome le budget, faire les courses et le lavage sont autant d’exemples
d’activités qui peuvent être ardues pour eux d’accomplir. À ce sujet, la c.o. r-03 ressort
clairement le fait que ces jeunes peuvent être démunis quand il est question d’accomplir
des activités pourtant simples pour des adultes du même âge :
« 20 ans pis hum il (ne) sait pas comment fonctionne une machine à laver le
linge. Euh ils (ne) font pas les courses, ils (ne) gèrent pas beaucoup leur budget
eux-mêmes ils ont un petit peu d’argent de poche mais t’en a qui (n’) ont jamais
utilisé une carte bancaire encore à 20 ans. »
Ce manque d’autonomie, notamment au plan financier, ne tirerait pas seulement son
origine des conséquences directes de la dysphasie mais également du faible revenu retiré
par l’occupation de métiers semi-spécialisés. En plus d’affecter directement le client, cette
faible autonomie se répercuterait sur sa famille. D’un côté, certains clients dysphasiques
habitent toujours chez leurs parents même s’ils ont atteint un âge où il est commun d’avoir
quitté le nid familial. Pour les autres qui vivent de manière autonome, il demeure que les
proches continuent d’apporter du soutien dans les tâches qui leur sont difficiles
d’accomplir : « […] si je pense à la plus récente personne dysphasique que j’ai
54
accompagnée [elle] était pas tellement autonome fait que t’sais son conjoint… Elle elle
restait à la maison, son conjoint travaillait, sa mère gérait pas mal de ses choses. » (e-02).
La dysphasie amène également la famille à devoir faire des deuils. Cela serait notamment
le cas chez les familles nouvellement arrivées au Québec qui sont confrontées à une toute
nouvelle réalité en apprenant soudainement que leur fille ou leur fils présente une
dysphasie. S’enchaîne ensuite l’adaptation au fait que leur enfant sera intégré en classe
spéciale de même que l’adaptation à une organisation scolaire différente de celle à laquelle
ils étaient habitués. Voilà des exemples d’enjeux rapportés par la c.o. s-01 et avec lesquels
les parents doivent négocier, ce qui les amène à vivre un choc, de l’incompréhension et
possiblement des tensions familiales. Bref, ces parents se retrouvent en situation de deuil
où ils se voient obligés de réajuster les aspirations professionnelles qu’ils entretenaient face
à leur enfant : « […] bon bin finalement ma fille elle sera pas pédiatre. Malgré tout ce
qu’elle voulait. » (s-01). La réalité des familles avec un enfant dysphasique se trouve
d’autant plus complexifiée lorsque plus d’un membre est dysphasique (fratrie ou parents).
Et lorsque le client dysphasique troque son rôle d’enfant pour celui de parent, une des c.o.
démontre des inquiétudes sur les capacités parentales de celui-ci :
« […] est-ce que ce sera peut-être quelqu’un qui va pouvoir aider plus tard
aussi ses enfants dans leur éducation ou bin ça va être limité…Au niveau
dynamique familiale comment ça va aller? C’est plus au niveau je pense du
jugement que j’aurais peut-être des inquiétudes. » (e-02)
L’exclusion et l’isolement vécus par ces clients est un enjeu majeur qui est ressorti des
propos des c.o. rencontrés. Que ce soit en raison de leur cheminement en adaptation
scolaire ou des particularités dans leur façon de s’exprimer, ces clients sont appelés à subir,
dès leur jeune âge, des jugements de la part des pairs, une stigmatisation et de l’intimidation
rendant difficile l’établissement de relations amicales et amoureuses. Cette réalité
perdurerait malgré les efforts déployés par certains :
« […] y en a qui vont être très extravertis, qui vont être avenants, qui vont
vouloir créer la relation pis malgré l’obstacle langagier ils vont travailler fort,
prendre des détours mais pour se faire comprendre, créer des liens mais on va
55
entendre les parents en arrière dire : « Oui mais il en (n’) a pas de vrais amis.
Euh, oui il a des camarades à l’école mais le téléphone (ne) sonne pas à la
maison. » » (r-03)
Selon la c.o. r-01, les clients présentant une dysarthrie ou des troubles pragmatiques du
langage seraient susceptibles de vivre davantage de préjugés considérant que les difficultés
sont plus apparentes pour l’entourage.
Cet isolement rend ardu la réponse aux besoins d’acceptation, d’identification et
d’appartenance à un groupe de pairs qui sont fort présents à l’adolescence. Il entraîne
également des répercussions sur les ressources personnelles et le fonctionnement
psychologique des clients en limitant leurs expériences de vie, répercussions qui se font
ressentir à long terme quand vient le temps d’effectuer des choix scolaires et professionnels
de même que d’intégrer le marché du travail :
« […] (les clients dysphasiques) ont souvent vécu de l’exclusion qui rend, les
rend fragiles et vulnérables et sensibles à ce qu’ils peuvent vivre. Ouais….ça
ça été présent souvent dans leur vie là…se sentir différents, à part […] Et
l’insertion ultime c’est l’insertion professionnelle, ce qui fait que quand c’est
difficile c’est…, ça aussi ça vient tout rejouer (sur) ce qu’ils ont vécu avant.
[…] » (r-01)
Bien que l’absence de relation entraîne son lot d’impacts, des enjeux sont aussi présents
lorsque les clients arrivent à établir des relations. Ces enjeux touchent le choix des relations
amicales et amoureuses ainsi que leur nature. À ce sujet, la c.o. r-01 soulève qu’il arrive
que des clients ne soient pas suffisamment respectés. De ses propos semblent se dégager
un certain manque d’amour propre chez ces clients :
« […] certains ont vécu des choses un peu plus difficiles t’sais dans, dans ça là
[relations amoureuses] […] se sentir moins reconnus ou se sentir utilisés un peu
là mais euh. Mais c’est ça, ça a toujours quand même… Au moins ils ont été
quand même choisis par une personne à un moment donné à un niveau amoureux,
[…] Ça fait que quand il a une relation amoureuse c’est un événement particulier
(rires) dans leur vie. »
56
En ce qui a trait aux parcours scolaire et professionnel, d’autres enjeux sont relevés. D’une
part, les difficultés d’apprentissage des clients dysphasiques ont pour effet qu’ils se
retrouvent fréquemment en adaptation scolaire, dans des classes spéciales et dans les
parcours de formation axés sur l’emploi. Rares sont ceux qui décrocheraient leur diplôme
d’études secondaires selon la c.o. e-02. Ces difficultés d’apprentissage ont évidemment
pour effet de restreindre l’éventail de programmes de formation et de professions
accessibles. Leur liberté de choix est donc limitée.
« J’ai une personne qui a réussi à faire son diplôme d’études secondaires mais
sa mère était enseignante pis elle est allée dans une école privée ils l’ont pas
lâchée jamais sauf qu’après ça elle est arrivée pour faire un DEP de préposée
aux bénéficiaires pis ça marchait pas faque... » (e-02)
Cette réalité se répercute évidemment sur le processus d’orientation : « Bin l’exploration
est limitée au sens bon qu’on va rapidement vers des métiers semi-spécialisés. » (e-02). La
faible scolarité des clients dysphasiques les rendrait vulnérables sur le marché du travail
tant dans l’insertion que dans le maintien en emploi. À cela s’ajoutent les comportements
immatures présentés par certains qui complexifieraient cette intégration. Pour d’autres, leur
faible scolarité combinée aux autres difficultés qu’ils présentent font en sorte qu’ils ont des
contraintes sévères à l’emploi et qu’ils sont orientés vers du travail non compétitif.
Bref, les conséquences des difficultés langagières et des autres difficultés associées se font
sentir sur l’ensemble des parcours de vie des clients dysphasiques. L’autonomie
résidentielle ainsi que l’établissement de relations amicales et intimes peuvent être
problématiques selon les c.o. rencontrés. Des questionnements sont également présents en
lien avec les capacités parentales de ces clients. Face aux difficultés rencontrées par leur
enfant ou conjoint dysphasique, les proches peuvent donc se retrouver en situation de
devoir pallier en réalisant certaines des tâches que celui-ci n’est pas en mesure d’accomplir.
Le niveau scolaire atteint par ces clients est souvent faible, ce qui fait en sorte de réduire
l’éventail des professions accessibles. Face à cette réalité, les parents peuvent être appelés
à vivre un deuil et à réajuster les attentes qu’ils entretenaient face à leur enfant.
57
5.2 Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client
Tableau 5.2
Enjeux liés à l’intervention et l’échange entre le c.o. et le client
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Établissement d’une communication
efficace
Le client et le c.o. rencontrent des
obstacles à la communication ce qui
amène les c.o. à employer des stratégies
pour aider les clients à intégrer
l’information.
Écarts entre le soi idéal et le soi réel du
client
Les c.o. perçoivent des écarts entre les
croyances/désirs/perceptions du client et
la réalité; ces écarts entraînent des
conséquences; les c.o. se retrouvent à
devoir insuffler une dose de réalisme au
projet de vie des clients.
5.2.1 Établissement d’une communication efficace
Considérant que la dysphasie est avant tout un trouble de langage, il n’est pas étonnant que
l’ensemble des c.o. se soient exprimés sur ce thème qui renvoie aux obstacles de
communication rencontrés entre le c.o. et le client et des moyens pris afin que le client
assimile adéquatement l’information.
Les obstacles rapportés sur le plan de la communication sont variables. Il peut s’agir d’écart
entre le niveau de langage de l’intervenant par rapport à celui du client. La c.o. r-01 fait
état de cet obstacle en référant aux stagiaires en orientation supervisés : « Quand on a des
stagiaires c’est toujours l’aspect plus médical qui est l’enjeu. Parce qu’au niveau relationnel
sont assez préparés. Pis là après c’est d’adapter en fonction du fait que là oups, le
langage…y a un écart de langage. » Cet écart est évidemment à risque d’amener des
incompréhensions chez le client et des bris de communication : « […] il y a des fois où j’ai
eu l’impression que je disais des trucs pis la personne disait oui oui mais c’était non non.
[…] la compréhension était pas là t’sais. » (e-02). Des bris de communication sont
58
également susceptibles de survenir en raison de la façon de communiquer du c.o. qui est
incompatible avec la façon dont les clients dysphasiques traitent l’information : « T’sais
c’est, t’sais je sentais vraiment juste que j’avais un million d’informations à leur donner
pis fallait que je me freine pour…c’est pas un groupe régulier t’sais, faut (que) j’aille moins
vite, faut (que) je leur laisse le temps d’assimiler l’information. » (s-01).
Les difficultés de compréhension langagière des clients amènent les c.o. à ajuster leur façon
de communiquer pour aller vers un langage plus simple et plus concret : « Faut rendre le
langage accessible » (r-01). La c.o. e-02 ajoute : «[…] On (ne) va pas dans les grandes
théories pis les grandes hypothèses pis il faut y aller toujours vers des trucs comme concrets
faciles de comprendre. » Cette réalité mène la c.o. r-01 à adopter des stratégies de
communication lui permettant de valider la compréhension du client pour ainsi pouvoir
progresser dans l’échange :
«Pis il faut aussi poser beaucoup de questions. Les questions ouvertes là bin là
on aura aucune réponse. […] Il faut s’assurer qu’ils disent un oui ou non franc.
Pis à partir du moment qu’on sait qu’on va avoir un oui ou un non franc on
peut se permettre d’explorer avec eux. […] » (r-01)
Les difficultés relevées chez les clients pousse cette c.o. à se détacher de son approche
d’intervention habituelle pour adopter un style d’intervention qui « parle » davantage au
client : « […] je me situe plus personnellement dans l’humanisme. Mais je pense que
quelqu’un qui me verrait intervenir (ne) le saurait pas. […] Parce qu’il y a des choses un
peu plus concrètes qu’il faut aller chercher avec eux. […]» La c.o. s-01, quant à elle, mise
sur le fait de ralentir son débit de parole, de diluer la densité du contenu transmis et de
répéter plusieurs fois la même information en utilisant des mots différents pour s’assurer
que les élèves dysphasiques assimilent l’information communiquée : « […] Tout d’abord
pour moi puisque c’était la première fois (que) j’allais en classe c’était une question
d’adapter mon rythme. Donc d’y aller plus lentement. Euh…de répéter ou de formuler
différemment. […] » Des propos recueillis, il apparaît qu’il est de la responsabilité du c.o.
de s’assurer de la bonne compréhension du client plutôt que d’être une responsabilité
59
partagée entre le c.o. et le client : « […] donc toujours vérifier […] si la personne a comme
vraiment bien compris. » (e-02).
Comme la grande majorité des outils psychométriques employés en orientation nécessite
un certain niveau de compréhension orale et/ou écrite, l’étape de l’exploration se fait
principalement par l’échange comme le souligne la c.o. e-02, ce qui l’amène à miser sur
les questions pour en savoir plus sur le vécu professionnel et les intérêts du client :
« […] sur c’est quoi les stages que t’as déjà faits à l’école qu’est-ce que t’as
aimé là-dedans, pas aimé là-dedans, qu’est-ce que tu fais de ta journée? C’est
quoi tes loisirs? Donc, t’sais j’essaie de creuser d’une autre façon que les tests
[…] »
Parmi les outils psychométriques employés, les c.o. rencontrés ont mentionné employer
l’IVIP puisqu’il est constitué d’images.
Comme le langage est la faiblesse des clients dysphasiques, les c.o. se tournent
spontanément vers des stratégies d’intervention qui sollicitent diverses modalités
sensorielles simultanément. Ces stratégies sont employées notamment à l’étape de
l’exploration pour favoriser le développement du concept de soi des clients et l’exploration
de métiers. À ce sujet la c.o. r-01 souligne :
« Pis à la fin on leur avait demandé comme de leur faire une synthèse de ce
qu’ils avaient appris sur eux à l’intérieur des ateliers qu’on avait faits. […] Pis
la synthèse on l’avait faite […] comme un dessin grandeur nature pis ils se
mettent des qualités, […] on avait fait ça un peu à la fois physique et en échange
là. »
Le c.o. r-02 ajoute : « […] quand on explore par exemple une formation ou un métier, je
vais utiliser beaucoup des choses concrètes, des vidéos. […] je vais donner des exemples
qui sont concrets. […] je vais utiliser YouTube avec cette clientèle-là pour qu’ils
comprennent. » La c.o. r-03 dénote d’ailleurs les impacts positifs de cette stratégie : « […]
60
Et là ça ça lui parle. Parce qu’il voit des gens en action. Et là, voir le geste démontré en
même temps que les mots ou que la personne explique ce qu’ils font. Ok là ça (a) du sens
ça lui parle. […] » Les jeux de rôle et l’imagerie mentale sont d’autres exemples de
stratégies citées par les c.o. rencontrés afin d’aider les clients à donner du sens à leur vécu.
Cette modalité peut être stimulée par le biais de représentations mentales :
« […] Mais là faut aller chercher les métaphores, les images. En tout cas un
vocabulaire un peu plus imagé qu’un vocabulaire plus abstrait. Faut être
concret, imagé. […] ta soupape saute, tu es comme une bouilloire sous
pression, […] tu es comme devant un moteur que tu (ne) sais pas comment
monter […] ». (r-01)
D’accompagner le client dans le cadre visites exploratoires en entreprise a été mentionné
par plusieurs c.o. Ces expériences concrètes vécues permettent au c.o. d’aider le client à
progresser dans son processus d’orientation et de réduire l’entonnoir des métiers envisagés.
Bref, il s’agit d’accompagner le client de l’exploration vers la cristallisation, la
spécification et ultimement la réalisation :
« […] avec l’IVIP je vais faire un premier démêlage. […] on est plus orienté
vers faire des choses plutôt que des personnes. Bon parfait. Dans les choses,
aimes-tu mieux travailler dans une usine, faque là je vais l’amener voir une
usine voir la la…C’est sale, il y a du bruit t’sais pour qu’il comprenne
l’ambiance. Ok non. Un bureau, hein, quelqu’un qui travaille dans un bureau,
ok ça ressemble à ça. Quelqu’un qui travaille dehors, ça ressemble à ça. T’sais
fait que je vais y aller par grands domaines. Pis après ça j’essaye de raffiner
[…] » (e-01)
Cette même c.o. mentionne le faire, encore une fois, pour stimuler simultanément diverses
modalités sensorielles et favoriser la représentation des métiers par le client «[…] je vais
utiliser les visites. Juste pour euh…qu’ils voient, qu’ils observent, qu’ils sentent. » (e-01).
Ces activités exploratoires peuvent également se faire de manière plus indépendante où le
client accompagne un proche ou un travailleur pour vivre concrètement la réalité de son
métier : « […] pis faire bon je sais pas moi serveur d’un jour ou cuisinier d’un jour.[…] »
(r-03) Lorsque ce type d’expériences concrètes est vécu par les clients, les c.o. semblent
61
avoir pour rôle de stimuler la réflexion du client dysphasique que ce soit durant la visite
exploratoire ou une fois l’activité réalisée (ex. : journée carrière). Pour y arriver, l’emploi
de questions semble faire partie des stratégies de communication privilégiées :
« […] faut jamais oublier qu’il faut faire un retour sur les expériences parce
que sans ça ils ont de la misère à en faire la réflexion nécessaire. Il faut s’assurer
que le processus de réflexion il est mis en place. Parce que, ils vont vivre
l’expérience. Ah! C’était le fun. Oui mais à part ça? Qu’est-ce que t’as appris
de toi? Qu’est-ce que ça dit par rapport aux choix? Comment tu t’es senti?
[…] ». (r-03)
Pour faciliter ce retour sur l’expérience, la c.o. e-01 emploie, pour sa part, un code de
couleurs : « […] je sors des marqueurs là, verts, jaunes, roses. […] tel gars qui faisait telle
affaire tu le mets-tu vert, jaune ou rose? » Ces stratégies ont pour but d’aider le client à
tisser des liens entre la représentation qu’il s’est bâtie des métiers explorés et de son
concept de soi. Bref, il s’agit d’aider le client dysphasique à tirer des conclusions des
expériences vécues. Ces retours en arrière se font également lorsque le c.o. est conscient
que certaines activités réalisées sont plus ardues pour le client : « Bon ils ont fait [à l’école]
des tests ben je vais m’assurer d’avoir, mettons un test d’intérêts, si c’est le GROP […],
qu’on puisse le regarder ensemble, l’interpréter […] » (r-03).
Bref, un des enjeux rencontrés par les c.o. sur le plan de l’interaction avec les clients
dysphasiques provient des difficultés qu’ont ces derniers à comprendre et à traiter
l’information adéquatement. Ce constat fait par les c.o. les amène à employer diverses
stratégies de communication. Ils utilisent notamment un langage plus simple et plus
concret, sollicitent plusieurs modalités sensorielles simultanément et s’assurent de faire des
retours sur les expériences vécues par les clients.
5.2.2 Écarts entre le soi idéal et le soi réel du client
Ce thème renvoie aux écarts, tels que perçus par les c.o., entre les croyances, les perceptions
et les aspirations des clients et la réalité. Ces écarts entraînent des conséquences chez le
62
client et sur le processus d’orientation dont celles d’amener les c.o. à devoir insuffler une
doser de réalisme aux projets de vie des clients.
Les écarts constatés entre les représentations qu’ont les clients d’eux-mêmes et la réalité
touchent divers aspects de la vie du client. Certains clients croient avoir atteint un niveau
scolaire supérieur que celui réellement atteint : « […] certains élèves pensent qu’ils ont
peut-être quelques mois ou peut-être une année de retard alors que dans la réalité c’est peut-
être comme 3-4-5 années de retard. Donc c’est beaucoup plus sévère là.» (s-01). Les clients
dysphasiques peuvent également éprouver des difficultés à saisir le caractère persistant de
leurs difficultés : « Il y en a que c’est ça. T’sais qui se disent ouais mais là l’année prochaine
ça va aller mieux. L’année prochaine tu vas avoir encore ton diagnostic mon « pit » là. »
(s-01). Pour d’autres, il s’agit d’une mauvaise perception de leur capacité d’exécuter
certaines tâches en rapport avec les exigences du marché du travail : «Pis plus ça va, plus
tout se fait en ligne hein. Pis certains sont bons à l’ordi mais t’sais ils se disent « mais je
suis bon à l’ordi. » […] mais c’est… ils (ne) demeurent pas meilleurs eux là, dans la
compétition. » (r-01). Le manque de maturité vocationnelle de ces jeunes résultant entre
autres d’un manque d’expériences de vie (i.e. : expérience de travail, loisirs) et d’une
connaissance de soi moins développée fait en sorte qu’il peut être ardu de comprendre les
impacts de leurs difficultés exécutives sur le marché du travail. Cela complique également
leur capacité de se projeter de manière réaliste dans un travail :
« […] c’est une problématique d’autoperception, autocritique […] faque ce
problème-là étant souvent présent c’est difficile pour ces jeunes ou jeunes
adultes-là de se projeter de façon réaliste dans une occupation, dans un projet
de scolarité. » (r-03)
C’est parfois qu’une fois placés en situation concrète de travail ou d’apprentissage qu’ils
prennent conscience de leurs difficultés : « […] Pis oups on les met dans des tâches de
travail là ça ressort, ils en prennent connaissance. » Un c.o. établi un lien avec l’écart perçu
et la surprotection de la famille :
63
« […] Dans certains cas parce qu’ils ont été, peut-être trop protégés. On leur a
pas dit, il y en a qu’on leur parle de problème langagier pour la première fois
pis bin non mes parents m’ont jamais dit ça. Ou même si c’est connu depuis
dix ans pauvre petit on (ne) veut pas l’étiqueter, on (ne) veut pas lui en parler
fait que… pas connaissant de leur condition. […] » (r-03)
La c.o. e-02, pour sa part, fait mention d’un double discours existant entre les intervenants
et l’entourage du client : « […] Est-ce que le conjoint accepte aussi parce que elle [la
cliente] elle me disait bin mon conjoint il me dit que la dysphasie c’est une maladie dans
ma tête pis que je peux travailler comme tout le monde. » Le c.o. r-02 remarque que le
client et sa famille peuvent ne pas avoir été suffisamment informés de l’éventail des
conséquences de la dysphasie, ce qui peut jouer sur l’autoperception faussée du client :
« […] la dysphasie est souvent vue seulement comme un trouble de langage,
un trouble euh à s’exprimer, à comprendre, mais toutes les séquelles
neuropsychologiques ils passent souvent sous silence. Autant les jeunes
souvent sont surpris de savoir […] qu’ils ont des troubles cognitifs autres que
ceux du langage, la famille aussi. La famille sont surpris de ça les intervenants
à l’externe aussi. […] » (r-02)
Il est bien évident que ces écarts placent ses clients en situation de deuil lorsqu’ils prennent
conscience qu’ils ne seront pas en mesure de concrétiser certaines de leurs aspirations :
« Deuil du diplôme d’études secondaires, deuil de […] faire un métier semi-spécialisé il y
a comme certains jugements qui peuvent être portés là-dessus de faire un métier semi-
spécialisé dans la vie par la famille, par le conjoint […]» (e-02).
Ces enjeux se répercutent aussi sur l’accompagnement en orientation de ces clients. D’une
part, le fait que ces derniers ne perçoivent pas les difficultés potentielles quand ils
s’engagent dans un projet fait en sorte qu’au moment d’être confrontés aux obstacles, le
désir d’abandonner et de décrocher est présent. La c.o. r-01 rapporte la nécessité de
préparer le client aux obstacles potentiels pour favoriser sa persévérance : « […] faut
anticiper nous faut anticiper ce qu’eux (n’) anticipent pas si on veut faciliter la….La
persévérance dans le projet là. » D’autre part, plusieurs c.o. rapportent qu’ils se trouvent
64
en position de devoir insuffler une dose de réalisme au projet de vie du client. Ce rôle est
parfois difficile à jouer pour certains car il arrive que le client soit sur la défensive et
réticent à voir son choix de carrière questionné : « […] des fois on a des jeunes qui sont
réceptifs à c- les recommandations qu’on peut faire, mais il y en a d’autres qui ont une idée
particulière de leur choix scolaire ou de leur choix professionnel, pis qui seront moins à
l’écoute de nos recommandations […] » (r-02). Dans un autre ordre d’idées, ce même c.o.
(r-02) fait valoir qu’il peut être difficile d’amener cette vision réaliste au client quand le
professionnel lui-même voit difficilement comment les intérêts du jeune pourront être
répondus par les professions qui lui seront accessibles étant donné sa faible scolarité :
« […] Comme je pense à un jeune là que j’ai actuellement, c’est un jeune qui
(ne) se définit pas du tout comme travailleur manuel, qui (n’) est pas intéressé
du tout par ce genre de travail-là, mais qui essaie un retour aux études. C’est
quelqu’un qui est classé en pré-secondaire actuellement. Mais le pronostic (n’)
est pas très bon là pour qu’il se rende très loin à l’école. Mais pour lui c’est très
important. Mais on risque d’être avoir un potentiel de quelqu’un qui va être
capable de faire une formation semi-spécialisée au maximum ce qui fait que
actuellement c’est un défi de l’amener un peu à prendre conscience de ses
perspectives d’emploi qui (ne) correspondent pas du tout à ses intérêts
personnels. […] Fait que ça peut être une difficulté justement d’associer le
potentiel avec les réelles perspectives scolaires et professionnelles. » (r-02)
.
Cet écart entre le soi idéal et le soi réel du client amène les c.o. à devoir informer le client
sur les impacts concrets de la dysphasie dans leur quotidien de même que sur les plans
scolaires et professionnels : « […] On dit j’ai une dysphasie mais c’est comme la dysphasie
pis ma difficulté à me faire comprendre ça va ensemble ça? T’sais c’est pas, il y a de
l’éducation à faire […] pour leur permettre de bien connaître leur condition. […] » (r-03).
Certains c.o. rapportent également avoir le rôle de faire vivre des expériences de vie aux
clients pour qu’ils développent une meilleure représentation de leurs capacités et de leurs
limites. Ce travail peut se faire en collaboration avec la famille.
En résumé, les c.o. dénotent que les clients dysphasiques peuvent avoir une représentation
de leurs capacités ou de leurs difficultés sur les plans scolaire et professionnel qui est
décalée par rapport à ce qui est observé dans la réalité. Cela met les c.o. en position de
65
devoir insuffler une dose de réalisme aux projets des clients, rôle parfois difficile à jouer
en raison des réactions des clients et du discours inverse adopté par la famille.
5.3 Enjeux liés à l’organisation des services
Tableau 5.3
Enjeux liés à l’organisation des services
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Liberté d’action variable
Les c.o. éprouvent un sentiment de
latitude variable quand il est question de
déterminer le temps et l’intensité du suivi
de même que les moyens pouvant être pris
pour desservir la clientèle dysphasique;
besoin d’indépendance professionnelle
plus ou moins répondu.
Manque de moyens
Les c.o. ont le sentiment de manquer de
moyens (outils concrets, ressources,
subventions) pour favoriser la réussite des
clients.
5.3.1 Liberté d’action variable
Les c.o. rencontrés sont partagés quand il est question de la latitude que leur milieu de
travail leur donne en ce qui concerne les moyens d’intervention employés et la durée des
processus d’orientation faits auprès clients dysphasiques. Il ressort que les c.o. souhaitent
pouvoir faire preuve d’indépendance professionnelle, c’est-à-dire qu’ils désirent pouvoir
exercer leur jugement professionnel afin de déterminer les meilleurs services à offrir plutôt
que ce soit les contraintes organisationnelles qui déterminent les balises de l’intervention.
L’ensemble des c.o. provenant des secteurs de l’employabilité et de la réadaptation
semblent satisfaits quant à la durée pendant laquelle il leur est possible d’accompagner ces
66
clients. La longueur du suivi est cependant très variable d’un secteur à l’autre. Alors que
les c.o. de la réadaptation s’expriment en termes d’années, les suivis en employabilité
semblent plus courts. À ce sujet, une des c.o. du secteur de l’employabilité (e-01)
mentionne : « […] t’sais Emploi-Québec ne nous met pas de…dire bon bin tu (n’) as pas
droit à plus que 8 rencontres avec ton client là t’sais il (n’) y en a pas de ça. Donc si j’ai
besoin de le voir 12 fois bin je vais le voir 12 fois. Pis si j’ai besoin de le voir 15 ça sera
15. » L’un des c.o. de la réadaptation (r-01) souligne pour sa part :
« On a la chance de pouvoir les accompagner plus que quelques rencontres-là,
parce qu’on peut les suivre sur des années. […] Pas nécessairement à toutes les
semaines […] mettons qui que là je vois qu’il (n’) a pas de besoin pour un bout,
je vais cesser mais je vais mettre une relance. Fait que je vais le revoir en
relance pour les futurs besoins. Fait qu’il y a comme une continuité de service
qui s’installe, qui peut être présente. […] »
Plus d’un c.o. semblent apprécier cette latitude offerte par leur milieu et la perçoivent
parfois comme un privilège en rapport à la réalité de c.o. oeuvrant dans d’autres milieux :
« […] je pense qu’on a le meilleur des mondes ici parce qu’on travaille vraiment à la
réadaptation de ces jeunes-là, pis on a le moyen de le faire ce qui (n’) est pas le cas partout
là, ouais. » (r-02). Ils sentent ainsi qu’ils ont les conditions pour pouvoir desservir
adéquatement la clientèle en étant entre autres présents dans les transitions traversées par
les clients dysphasiques, transitions qui sont considérées comme des moments
névralgiques de leur parcours :
« […] on est là pour les transitions justement c’est ça qui est plus difficile pour
eux les transitions d’un milieu à un autre…donc le milieu scolaire va s’assurer
de la transition vers un autre milieu scolaire ou peut référer au Carrefour
Jeunesse-Emploi maintenant là mais t’sais c’est…il (ne) fera pas
nécessairement toute la transition. Là on peut être présent dans la transition pis
collaborer avec l’autre organisme partenaire. Ensuite, on va le suivre même
pendant qu’il fait sa formation professionnelle, et pis assurer la transition vers
l’organisme d’emploi…les organismes d’employabilité d’Emploi-Québec
[…] »
67
Dans un autre ordre d’idées, certains c.o., toujours des secteurs de l’employabilité et de la
réadaptation, ressentent qu’ils détiennent une liberté d’action quant au « comment » ils
desservent la clientèle dysphasique, soit les méthodes d’intervention employées : « […]
prendre mon auto pis m’en aller [effectuer des visites exploratoires avec le client]. Il y en
a des bureaux ou des écoles probablement que les c.o. peuvent pas faire ça t’sais. Moi je
peux. ». La c.o. r-01 ajoute : « […] Si on voudrait ouvrir des groupes on pourrait là. […] »
Une situation particulière prévaut dans le cas de la c.o. r-01. Celle-ci a relevé en cours
d’entrevue avoir participé à un projet-pilote qui a servi à élaborer l’offre de services du
centre de réadaptation en lien avec la clientèle ayant des troubles du langage. Elle a ainsi
participé à la définition de son rôle auprès des clients dysphasiques, alimentant ainsi le
sentiment de latitude éprouvé : « […] On a comme construit le service à partir de
l’évaluation de besoin qu’on a fait. Fait que là on n’est pas dans un rôle imposé. […] » (r-
01).
La c.o. provenant du milieu scolaire ne ressent toutefois pas ce même sentiment de latitude.
Au contraire, plusieurs contraintes limitent les services qu’elle est en mesure d’offrir,
créant ainsi un écart entre ses aspirations et ce qui lui est possible de faire :
« Donc je veux beaucoup beaucoup faire des groupes. Sauf que mon horaire,
s’il fit pas avec l’horaire du prof…T’sais révisions, examens, des choses
comme ça là c’est beaucoup plus complexe entrer en classe. (pause) […] la
barrière est vraiment logistique, administrative là si je peux dire. » (s-01)
La mauvaise planification des services par la direction limite également l’impact que cette
c.o. aimerait pouvoir avoir auprès des élèves, ce qui semble entraîner une certaine
exaspération chez cette professionnelle :
« Je me dis ça serait le fun de les voir plus souvent, de faire un meilleur
accompagnement, de… t’sais je veux dire on est au mois de mars là j’aurais
aimé ça les voir avant sauf que… En début d’année la direction sachant pas
quoi faire avec moi m’avait donné un seul groupe, FMS. Le temps était long
en s’il vous plaît là. […]» (s-01)
68
En résumé, les c.o. des secteurs de l’employabilité et de la réadaptation apparaissent détenir
une plus grande liberté d’action dans le cadre qui leur est imposé par leur milieu de
pratique. Ils semblent d’ailleurs en retirer une plus grande satisfaction comme leur besoin
d’indépendance sous-jacent est répondu. La situation en est autrement pour la c.o. du
milieu scolaire qui perçoit davantage de contraintes sur le plan de l’intensité des services
qu’elle est en mesure d’offrir aux clients dysphasiques.
5.3.2 Manque de moyens perçu
« Bin les obstacles c’est les moyens. Les moyens pour leur permettre de développer leur
potentiel. C’est vraiment là-dessus qu’on se casse la tête. » (r-01). Voilà un extrait qui
illustre bien un des enjeux/obstacle identifié par les c.o. rencontrés. Le manque de moyens
réfère soit à l’absence de certains services, soit à l’inadéquation ainsi qu’au manque
d’accessibilité des ressources et services existants.
La c.o. r-03 est celle qui a traité de l’absence de ressources adaptées. En ce sens, elle
souligne la non-existence de services de placement assisté où un intervenant ferait les
démarches de recherche d’emploi pour le client : « C’est ça le marché du travail mon
homme faut que tu t’apprennes à te présenter à un employeur, mais la difficulté la barrière
elle est là. […] » Elle mentionne également l’absence de subvention pour le travail d’été
qui serait pourtant un bon moyen de développer l’employabilité de ces clients.
Le manque de moyens perçu provient également de l’inadéquation des ressources
existantes. Il peut s’agir des outils psychométriques :
« Bin oui l’IVIP je l’utilise, il est utile mais oui il a ses limites oui. T’sais il
manque une certaine diversité dans les photos, […] Il pourrait avoir plus
vraiment des outils adaptés […] t’sais spécifiquement à cette clientèle-là. Ça
manque oui énormément. » (e-02)
69
À d’autres moments, le manque ressenti est relié aux services de développement de
l’employabilité qui ne cadrent pas avec les particularités des clients dysphasiques. Cela a
pour effet que ces derniers se retrouvent dans un « vide de services » : « (le centre de travail
adapté) des fois c’est des tâches trop simples pour eux. Ils [clients dysphasiques] seraient
capables de faire plus complexe mais plus lentement. Mais pas assez lentem…encore trop
lentement pour une subvention.» (r-01). Les c.o. des centres de réadaptation semblent
également vivre un tiraillement quand le client est rendu à l’étape d’intégrer le marché du
travail. Comme cette portion n’est pas du mandat des c.o. en réadaptation, ces derniers se
retrouvent à transférer les dossiers des clients vers les organismes d’aide à l’emploi. Bien
que l’offre de services de ces organismes se soit développée selon la c.o. r-01, il demeure
que les services offerts ne sont pas suffisants pour permettre aux clients dysphasiques de
devenir pleinement compétents dans leur recherche d’emploi :
« […] les services d’aide à l’emploi ils préparent aux entrevues mais c’est une
ou deux rencontres. Tandis qu’avec un dysphasique il faut des fois que tu fasses
plus que ça. Faut que tu reviennes sur sa recherche d’emploi. Qu’est-ce qu’il a
fait? Comment on pourrait faire ça autrement? Refaire le, faire des jeux de
rôle, pratiquer les entrevues plusieurs fois selon différents types de personnes.
[…] » (r-01)
L’accessibilité des ressources existantes représente un enjeu qui a été soulevé par les trois
c.o. du secteur de la réadaptation. Parmi ces ressources se trouvent les subventions comme
les contrats d’intégration au travail (CIT) qui, en raison des critères d’éligibilité, ciblent
qu’une portion de la clientèle dysphasique présentant des atteintes sévères. Cette
accessibilité semble d’autant plus réduite en raison des coupures gouvernementales
réalisées dans ce programme. L’accessibilité restreinte à d’autres services du centre de
réadaptation représente un autre enjeu : « […] pis même ici à l’interne c’est pas facilité.
Parce que là les ressources se sont spécialisées pis […] faut qu’on soit rendus à un choix
professionnel quasiment rendu à le faire avant de pouvoir référer pour vérifier s’il a la
capacité de le faire. […] » (r-01).
70
Finalement, dans certains cas, le manque de moyens perçu origine d’obstacles provenant
de l’organisation pour laquelle les c.o. travaillent. La c.o. e-02 souligne son désir de
pouvoir avoir recours à des vidéos afin d’approfondir l’exploration des métiers avec la
clientèle : « […] Si je pouvais avoir accès à YouTube, les vidéos, ça ça me manque
beaucoup. Pis c’est une question de logistique informatique […] ». La c.o. du milieu
scolaire ajoute qu’elle aimerait pouvoir compter sur de la documentation en anglais afin de
favoriser la compréhension des programmes de formation axés sur l’emploi par certains
parents allophones. Ce manque de moyens perçu par les c.o. a pour effet d’entraîner par
moment des écarts entre les résultats souhaités et obtenus : « […] fait que je dirais qu’il y
en a des barrières qui font que des fois on pourrait avoir des beaux succès mais par le
manque de ressources communautaires ou même organisationnelles ici on (n’) a pas
toujours les résultats qu’on pourrait espérer. » (r-03).
En résumé, le manque de moyens perçu par les c.o. tire son origine de trois sources : 1)
absence de services adaptés à la clientèle dysphasique (ex. : service de placement assisté),
2) inadéquation des ressources existantes (ex. : Centres de travail adaptés) et 3) accès
limités aux ressources et outils existants (ex. : accès à internet limité par le milieu de
travail). Ce manque de moyens a pour effet de limiter les c.o. dans ce qu’ils voudraient
pouvoir offrir aux clients.
71
5.4 Enjeux reliés aux conseillers d’orientation
Tableau 5.4
Enjeux reliés aux conseillers d’orientation
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Sentiment d’efficacité personnelle
variable
Croyance plus ou moins positive qu’ont
les c.o. envers leur capacité à intervenir
adéquatement et efficacement avec la
clientèle dysphasique ; sentiment plus ou
moins marqué de faire une différence
auprès des clients, des intervenants et des
milieux.
Besoin de reposer sur des bases solides
Besoin qu’ont les c.o. de faire une
évaluation complète, rigoureuse et de bien
comprendre le client dans sa globalité.
Besoin de s’affilier avec des partenaires
Nécessité perçue et besoin qu’ont les c.o.
de s’associer avec des partenaires pour
mieux accompagner la clientèle
dysphasique ; perception de leur rôle au
sein de cette collaboration.
Orientation vers les solutions
Les c.o. se centrent sur les moyens et les
solutions plutôt que sur les limites des
clients et de l’organisation pour mieux
desservir la clientèle dysphasique.
5.4.1 Sentiment d’efficacité personnelle variable
Des propos recueillis, il ressort que le sentiment d’efficacité personnelle des c.o. varie d’un
professionnel à l’autre. Dans le cadre de cette étude, le sentiment d’efficacité personnelle
est défini comme étant la croyance qu’ont les c.o. face à leur capacité d’intervenir
adéquatement et efficacement avec la clientèle dysphasique et le sentiment de faire une
différence auprès des clients, des intervenants et des milieux.
Certains c.o. semblent éprouver un sentiment d’efficacité personnelle plus élevé. D’une
part, l’expertise acquise au travers de leurs nombreuses années d’expérience fait en sorte
72
qu’ils ont le sentiment d’avoir acquis suffisamment de connaissances et développé des
stratégies d’intervention qui les rendent confiants dans leur intervention auprès de la
clientèle dysphasique. En ce sens, la c.o. r-01 mentionne :
« […] je vous dirais qu’à l’étape de ma carrière où je suis rendue il (n’) y en a
pas vraiment [connaissances et compétences à acquérir] (rires). […] Ça fait
trente ans que je suis dans le réseau de la santé. […] Pis c’est en ayant
développé une psychothérapie qui (n’) est pas langagière mais plus qui utilise
beaucoup l’image et le langage, on utilise les deux, ça me donne un outil dans
lequel je me sens assez à l’aise avec la clientèle dysphasique. »
Chez une c.o., ce sentiment d’efficacité personnelle se reflète par le naturel démontré dans
sa capacité de diriger et d’adapter son intervention en fonction des particularités du client :
« […] je le joue un peu à l’oreille. Euh j’ai pas besoin d’avoir ma partition t’sais pour
suivre exactement où je suis rendue t’sais. T’sais je vais la jouer à l’oreille. C’est comme
une danse. » Ces c.o. au sentiment d’efficacité personnelle élevé sont en quelque sorte
rendus à l’étape de leur cheminement professionnel où ils sont conscients de leur
compétence. Alors que pour d’autres, tel n’est pas le cas. Une c.o. (s-01) se situe davantage
à l’étape de l’« incompétence » consciente, soit l’étape où elle ressent un manque de
connaissances. Il importe de souligner que cette c.o. en était à sa première année
d’expérience auprès de cette clientèle au moment de l’entretien. Ce manque de
connaissances entraîne un sentiment d’imposteur chez cette c.o. : « Je trouve que j’en sais
pas assez pour bien faire ma job. Ce qui me freine psychologiquement. Euh t’sais, je suis
qui moi pour aller les coacher alors que je (ne) comprends même pas comment ça
fonctionne la dysphasie. »
D’autres c.o. semblent se situer entre ces deux zones. Sans se sentir pleinement efficaces
avec la clientèle dysphasique, ils sont conscients qu’ils possèdent un certain bagage de
connaissances et de compétences qu’ils auraient toutefois avantage à bonifier :
« […] j’aimerais ça avoir plus de formation moi personnellement là en lien
avec l’orthophonie, les différents troubles de langage. Des fois j’ai l’impression
que j’ai pas une compréhension assez fine de tout ça. Oui je suis capable de lire
73
un rapport. Mais j’aimerais ça avoir de la formation par rapport à ça. J’en
(n’) ai jamais eu pis mais je pense que c’est un manque là actuellement ouais. »
(r-02)
La c.o. e-02, pour sa part, bien qu’elle se sente en mesure de bien communiquer avec ces
clients remet en question certaines des stratégies employées pour favoriser leur
compréhension, d’où son désir d’en savoir plus sur les façons d’adapter l’intervention de
même que sur les aspects où il est nécessaire d’être vigilants :
« […] j’essayais des fois peut-être d’y aller visuellement mais je (ne) suis pas
certaine que c’est toujours une stratégie gagnante non plus. T’sais j’aurais à
acquérir plus de connaissances sur la dysphasie là mais sur le plan de la
communication t’sais ça pouvait aller quand même relativement bien. » (e-02)
Le manque de connaissances soulevé par plusieurs c.o. touche à la fois les savoirs que les
savoir-faire. Sur le plan des savoirs, le besoin de développer une meilleure compréhension
de la dysphasie, des difficultés et des forces présentées par les personnes a été relevé. À
cela s’ajoute le développement d’une meilleure compréhension du code de difficulté 34
(voir p.4) et des profils variables que peuvent présenter les élèves se voyant attribuer ce
code. Le besoin de connaître les secteurs de formation dans lesquels les élèves
dysphasiques évoluent plus ou moins facilement ainsi que le désir de reposer sur des
exemples concrets de cheminement de clients dysphasiques ont aussi été mentionnés par
la c.o. s-01. Finalement, un besoin de connaissances en matière d’accompagnement au
choix de carrière de cette clientèle a également été souligné. En lien avec le savoir-faire,
une c.o. soulève son besoin d’être « coachée » sur le plan du counseling de ces jeunes, afin
de favoriser leur compréhension, mais également auprès de leur famille. Ce désir de
développer leur savoir a pour objectif d’intervenir de manière plus rigoureuse et moins
instinctive auprès de ces clients. Cela a également pour but de donner une direction plus
claire au processus d’orientation et de le bonifier, en s’ajustant davantage aux particularités
des clients, en formulant des recommandations plus complètes et en développant du
matériel pédagogique mieux adapté.
74
Un c.o. a souligné ressentir à l’occasion de l’impuissance face à ces clients dans sa capacité
à les amener à être plus introspectifs. Le sentiment d’avoir atteint la limite de ses
compétences a mené le c.o. à référer à une reprise un client vers un autre professionnel
spécialisé dans l’intervention auprès de la clientèle présentant des troubles du langage :
« Bin des fois je t’avouerai que moi personnellement je me sens un peu, un peu
limité je te dirais dans ma capacité à les aider à être plus introspectifs, mais
c’est sûr c’est une de leurs limitations mais je me sens un peu impuissant face
à ça. […] Je pense à un de mes jeunes qui a une bonne dysphasie actuellement
là. […] En dedans de lui il s’est toujours senti comme ayant un bon potentiel
mais il a toujours été mis comme il dit dans des classes pour déficients
intellectuels. Ça ça crée une grande souffrance pis ça crée des difficultés
d’adaptation aussi chez lui parce que dès qu’il est confronté au reflet de ben tu
(n’) es peut-être pas intelligent, ou que lui le comprend comme ça, il réagit
fortement. […] Avec ce jeune-là moi je me sens je me suis senti impuissant au
point où je lui ai demandé de consulter en psychologie quelqu’un qui
était…avec une psychologue qui était vraiment spécialisée là dans les troubles
de langage là. Là c’est comme c’était de trop là. » (r-02)
Le sentiment d’efficacité personnelle des c.o. se reflète également par leur sentiment plus
ou moins marqué de faire une différence auprès des clients, des intervenants et des milieux
dans lesquels ils sont appelés à travailler. La c.o. r-01 ressort comme ayant un sentiment
d’efficacité personnelle positif quand il est question des impacts que son implication a
engendré au sein des milieux où elle a travaillé. Grâce à un projet réalisé auprès d’une
classe langagière auquel la c.o. a participé, celle-ci dénote que les services offerts aux
clients dysphasiques ont été bonifiés. Tout d’abord, cela a permis aux élèves dysphasiques
d’être maintenant desservis par la c.o. de l’école et de créer des liens avec le CJE de la
région qui continue d’intervenir en classe. Elle remarque également que le travail fait en
collaboration avec d’autres professionnels a entraîné la mise en place d’activités de
préemployabilité mieux adaptées :
« Parce que, avant ils suivaient un cours il y avait le cours préparation au
marché du travail. Pis dans ce cours-là c’était assez toutes des questionnaires
d’intérêts, perceptions de capacités en tout cas, de connaissance du marché du
travail mais c’était très écrit hein, très verbal finalement, très très langagier
(rires). […] avec le projet-pilote bin ça a mis en lumière que c’est des jeunes
75
ils avaient besoin d’apprendre dans l’action, avoir du « feedback » dans
l’action. Parce que les écrits demandaient une rétro, une conscience de soi
qu’ils (n’) étaient pas rendus à avoir. » (r-01)
La c.o. r-01 a également remarqué que les changements positifs apportés par ce projet se
sont transférés aux autres classes langagières « Mais c’est ce que ça l’a changé parce
qu’après, dans toutes les autres classes langagières, ils ont introduit des activités d’aller
observer des travailleurs au centre d’achat qui est un centre d’achat qui était en face.
D’aller s’informer sur un produit. D’aller juste déposer, pour pratiquer à déposer un CV. »
De plus, ce projet a servi de guide afin de déterminer les services à offrir à cette clientèle.
La c.o. semble d’ailleurs ressentir une certaine satisfaction face à ce qui a été développé :
« Pour mieux développer les services aux dysphasiques…Bin là en tout cas on est bien
partis parce qu’il y a comme une continuité. […]» (r-01).
Chez d’autres c.o., le sentiment de faire une différence se traduit surtout par l’impact plus
ou moins marqué qu’ils ont et qu’ils perçoivent chez la clientèle ou les intervenants avec
lesquels ils interagissent. La c.o. e-02, pour sa part, mentionne avoir l’impression d’avoir
un rayonnement moindre maintenant qu’elle travaille en individuel alors qu’auparavant,
elle occupait un rôle de « coach » en milieu scolaire auprès des enseignants :
« […] des fois c’est les enseignants qui sont dans d’autres matières qui
acceptent ces cours-là pour avoir des charges de cours, ils (ne) savent pas
comment accompagner les jeunes dans leur stage. […] c’était comme les jeunes
ils (ne) savaient pas pourquoi ils étaient là, ils (ne) faisaient pas de liens entre
les stages pis eux. […] Pis bon, c’est là où là j’ai vu que j’avais peut-être plus
de place des fois t’sais on…juste en discutant avec un prof en lui expliquant
t’sais, comment tu pourrais faire autrement, comment aider le jeune à faire plus
de sens avec ses d’apprentissages, ses stages. Là je voyais que oups t’sais ça
pouvait avoir une portée plus large. […] Donc c’est ça, ça me convient comme
implication mais oui c’est plus limité que ce que j’ai déjà fait dans le passé à la
commission scolaire. […]»
La c.o. r-3, quant à elle, perçoit que son expertise particulière auprès de cette clientèle est
reçue comme une forme d’aide grandement appréciée par les c.o. du milieu scolaire : « […]
76
Les conseillers d’orientation je te dirais que quand on entre en contact avec eux, sont bien
contents d’avoir du renfort d’un conseiller d’un c.o. spécialisé en réadaptation qui connaît
un peu plus la clientèle. […] » Le sentiment de faire une différence auprès des clients a été
relevé par la c.o. s-01. Celle-ci conçoit son rôle comme étant de dédramatiser et de
vulgariser l’information afin que les jeunes comprennent adéquatement les options et
parcours scolaires possibles. Elle perçoit qu’en étant une personne avec laquelle les élèves
dysphasiques sont moins familiers, son discours a plus d’impact : « Mais il y a toujours le
fameux quand c’est le prof le dit ou quand un parent le dit ouais ouais ouais pis quand c’est
quelqu’un d’autre qui vient l’expliquer ah tiens donc je vais écouter d’une oreille
différente. » (s-01).
Bref, il s’avère que les c.o. rencontrés éprouvent un sentiment d’efficacité personnelle
variable. Alors que certains sont conscients de leur compétence à intervenir auprès de la
clientèle dysphasique, d’autres aimeraient acquérir davantage de savoirs et de savoir-faire
et ressentent même de l’impuissance. Il demeure que plusieurs dénotent l’impact positif
qu’ils ont sur ces clients, les intervenants de même que les milieux dans lesquels ils sont
ou ont été appelés à travailler.
5.4.2 Besoin de reposer sur des bases solides
Il ressort clairement des entretiens que plusieurs c.o. sentent le besoin et l’obligation
professionnelle de faire une évaluation initiale complète et rigoureuse du client afin de
déterminer les meilleurs services à offrir :
« […] je pense que d’abord une bonne évaluation de la situation de chaque
personne est très très très importante là. Euh évaluer la maturité de la personne,
évaluer ses intérêts, évaluer son fonctionnement dans les activités de la vie
quotidienne, dans ses habitudes de vie, pour dans le fond mettre en place toutes
les meilleures ressources, les choses sur lesquelles on veut travailler pour les
amener plus loin là si on veut. » (r-02)
77
À ces éléments d’autres c.o. ajoutent l’importance d’évaluer les besoins du client,
d’effectuer le bilan de son parcours socioprofessionnel (stage, bénévolat, expériences de
travail), scolaire et d’analyser la problématique de communication de même que les
problématiques associées (ex. : problématiques de santé, troubles moteurs et cognitifs,
conditions du milieu). Des propos de certains c.o. émergent la considération positive qu’ils
éprouvent face à leur client et qui se répercute dans l’évaluation réalisée auprès de celui-
ci. Tel est le cas chez la c.o. r-03 :
« […] on va prendre le temps de bien identifier le besoin pis cerner notre
bonhomme ou notre petite bonne femme devant nous pour voir bin ok en face
de qui on est. Oui il y a un problème langagier mais au-delà de ça on a une
personne qui a des goûts, des intérêts, des aptitudes, des forces […] »
Pour arriver à effectuer une évaluation complète et bien cerner le client, certains c.o. vont
au-delà de l’échange effectué avec leur client. Parmi les moyens employés se retrouvent la
collecte des rapports professionnels et des dossiers scolaires ainsi que l’utilisation du guide
d’évaluation en orientation ou d’un canevas d’ouverture de dossier. D’autres stratégies sont
également relevées :
« On se documente oui sur internet, jase avec des intervenants ou d’autres
professionnels qui ont passé avant nous, qui les connaissent. Pose des questions
des fois juste la lecture des rapports c’est pas assez. Je pense (que) ça prend
comme compétence un petit côté entreprenant pour (ne) pas avoir peur de
cogner aux portes, déranger du monde, poser des questions pour bien connaître.
Pis ça se fait cas par cas. Parce qu’un dysphasique il (n’) est pas comme l’autre
dysphasique non plus t’sais. » (r-03)
Au-delà de l’évaluation plus « conventionnelle » faite par les c.o., des évaluations
complémentaires effectuées par d’autres professionnels peuvent s’avérer nécessaires afin
d’évaluer le potentiel d’employabilité du client de même que ses forces et faiblesses en
situation de travail. Seuls les c.o. en réadaptation ont abordé ce type d’évaluation,
possiblement dû au fait que les ressources de leur milieu de travail la rendent accessible :
78
« Ici au [nom du programme où travaille la c.o.] les ergothérapeutes peuvent
aussi proposer des mises en situation. On a un atelier d’évaluation et de
développement de capacité de travail. […] ils peuvent faire de la menuiserie,
ils peuvent faire de la mécanique, il y a un circuit fonctionnel, ils peuvent faire
du travail de bureau, ils peuvent faire du travail d’artisanat. […] On veut
vérifier bon oui il a un problème langagier mais est-ce qu’il comprend les
consignes dans l’action. […] Ou est-ce qu’il est sécuritaire avec la
manipulation d’outils, […] C’est quoi ses tolérances? Est-ce qu’il peut
travailler debout des journées complètes? Je (ne) veux pas nécessairement me
fier à ce que mon client me dit. Je vais vouloir avoir une observation, quelqu’un
qui l’a vu en action en activité. Pour comme compléter mon…[…] Oui avoir
une vision plus globale. » (r-03).
À la lumière de ces informations, il apparaît que les c.o. accordent une grande
importance à la réalisation d’une évaluation complète et rigoureuse du client afin de
déterminer les services à mettre en place. Cette évaluation va bien au-delà de
l’échange avec la personne dysphasique puisqu’elle implique entre autres de
recueillir les rapports d’évaluation antérieurs, de se documenter sur la problématique
présentée et de solliciter l’avis d’autres professionnels.
5.4.3 Besoin de s’affilier avec des partenaires
Ce thème renvoie à la nécessité perçue par les c.o. et à leur besoin de s’associer avec des
partenaires pour mieux accompagner la clientèle dysphasique ainsi qu’au rôle qu’ils
occupent au sein de cette collaboration. Lorsqu’il est question d’accompagner les clients
dysphasiques dans leur processus de choix de carrière, il ressort clairement que le conseiller
d’orientation ne suffit pas à lui seul et qu’une pratique décloisonnée doit être mise en place.
Une collaboration avec des professionnels aux expertises variées, tels les éducateurs, les
neuropsychologues et les orthophonistes peut s’avérer nécessaire pour bien cerner le client
dans ses diverses facettes. Ces liens peuvent s’établir avec des partenaires issus du milieu
où travaille le c.o. ou des partenaires externes œuvrant dans d’autres milieux fréquentés
par le client.
79
Ces liens tissés remplissent diverses fonctions. D’une part, un c.o. du secteur de la
réadaptation rapporte que la collaboration avec les intervenants du milieu scolaire (ex. :
professeur, école, direction) permet de mettre en place les services complémentaires, les
ressources et les mesures d’adaptation pertinentes pour s’assurer du plein développement
du client en plus de favoriser sa réussite scolaire : « […] je pense à un de mes jeunes qui
a décidé de retourner à l’éducation des adultes, pis ça été un grand un gros processus là, on
a commencé par un retour avec peu d’heures […], on a mis en place des mesures avec une
orthophoniste aussi pour qu’il ait accès à des logiciels qui soient adaptés à sa condition. »
(r-02). La c.o. r-03 souligne pour sa part que cela rend possible une meilleure circulation
des informations et une connaissance commune des particularités et besoins du client
lorsque celui-ci intègre un nouveau milieu scolaire. Cette alliance semble être vue sous
l’angle de la complémentarité notamment lorsque des expertises différentes sont
nécessaires pour mieux comprendre le client :
« Moi je (ne) suis pas neuropsychologue donc ça arrive souvent que je vais voir
des résultats pis je vais dire oups, aller donc voir le neuropsychologue parce
que moi je (ne) peux évaluer le retard mental voir où sont les forces les
faiblesses de la personne au plan cognitif mais je (ne) peux pas établir d’autres
diagnostics comme troubles du langage c’est ça je (ne) peux pas faire ça. » (e-
02)
Cette complémentarité semble également être ressentie lorsque deux conseillers
d’orientation de deux milieux différents doivent collaborer dans l’accompagnement d’un
même jeune. La c.o. r-03 souligne : « J’essaie d’être plus en partenariat que, que de
remplacer le c.o. à l’école. » (r-03). Cela permet de mieux desservir le client quand des
contraintes limitent l’accès aux services d’orientation hors du milieu scolaire, comme le
mentionne cette même professionnelle : « […] des fois pour le jeune qui est dans la
formation régulière bin c’est difficile de venir me rencontrer. Fait qu’il y a des choses qui
vont se faire à l’école, en grand groupe. » Cette collaboration permet également de
déterminer les services qui sont davantage prioritaires pour le jeune tout en assurant une
continuité des services auprès du client dysphasique comme le mentionne une c.o. en
réadaptation (r-01) : « […] certains quand qu’ils veulent aller aux adultes, pis qu’ils
80
cheminent, pis que là on a fait le transfert et communiqué comme avec l’éducation des
adultes leur besoin, pis qu’il (n’) a pas de choix professionnel à court terme on peut cesser
pis reprendre plus tard là [...]. »
Des partenariats avec les intervenants d’Emploi-Québec sont aussi mis en place dans le
cadre de mesures pour favoriser le développement de l’employabilité du client. Le PAAS
Action est cité à titre d’exemple par la c.o. r-03, programme qui consiste à la réalisation de
stage dans des milieux communautaires. Dans d’autres cas, les partenariats sont établis
avec les organismes en employabilité. Les parents représentent également d’autres alliés
avec lesquels il importe de s’associer selon la c.o. r-01, d’autant plus lorsque les clients
dysphasiques sont plus jeunes.
Au sein des partenariats établis avec les autres intervenants et milieux, le c.o. r-02
provenant du secteur de la réadaptation reconnaît qu’il apporte sa couleur particulière en
occupant un rôle d’intervenant-pivot qui, grâce à la vision globale qu’il a de son client, est
en mesure d’établir ses besoins et de le référer aux ressources appropriées en conséquence.
Il mentionne :
« Nous on a cette particularité-là je dirais comme professionnel d’avoir une
vue d’ensemble de la personne pis de ses besoins, ce qui est pas le cas par
exemple en ergothérapie, ce qui (n’) est pas le cas en orthophonie. Nous on va
évaluer toutes les dimensions de la personne pis […] on va s’assurer de mettre
en place ces services-là autour de la personne pis on va faire un suivi avec elle
pour qu’elle puisse cheminer adéquatement à travers tous ces services-là. »
La c.o. r-03 conçoit son rôle comme celui d’établir un fil conducteur entre les milieux de
services fréquentés par le jeune pour que l’information circule adéquatement et que des
services adéquats et en continuité lui soient offerts pour favoriser sa réussite :
« […] le fil rouge dans le fond c’est le fil conducteur entre une organisation
scolaire et une autre ou un organisme de service là d’employabilité et l’école
[…] pis ce fil-là c’est important qu’il (ne) se coupe pas. Parce que là on a un
81
jeune adulte qui se perd dans le réseau dans ce temps-là ou qui se retrouve pas
de service. Pis qui là va faire plus d’essais erreurs. Ça risque d’être plus
difficile avant qu’il câline qu’il sache à quelle porte cogner. »
Les données obtenues démontrent que de s’associer à des partenaires est un enjeu important
pour ces c.o. afin de mettre en place les ressources et services répondant aux besoins du
client et de favoriser le développement de son potentiel. Au sein de cette collaboration, les
c.o. se perçoivent comme un intervenant pivot ou comme des professionnels dont le rôle
est d’établir un lien entre les divers milieux de vie du client pour assurer notamment la
continuité des services.
5.4.4 Orientation vers les solutions
Bien que certaines des questions du guide d’entretien se centraient sur les obstacles
rencontrés par les c.o., ces derniers ont abordé les contraintes liées à l’intervention et
l’organisation des services de manière généralement neutre et parfois même positive. Plutôt
que de se concentrer sur le caractère négatif de l’obstacle, ces professionnels semblent
davantage orientés vers les moyens et les solutions à prendre pour desservir le mieux
possible la clientèle dysphasique. Les obstacles sont alors assimilés à des réalités dont il
faut tenir compte, sans plus. Bref, une certaine aisance à faire face aux handicaps des clients
semble se dégager.
Cette orientation vers les solutions transparaît dans leur vision du client : « Bin (soupir)
j’appelle pas ça un obstacle. J’appelle bon c’est une personne avec des particularités. Ils
ont tous des particularités. Il faut tous s’adapter pour essayer de voir comment on peut aller
les chercher. » Dans le cas de la c.o. e-01, l’aisance à adapter l’intervention selon le profil
du client semble en partie tirer son origine du fait que l’ensemble de sa clientèle présente
des handicaps divers : «Mais c’est pas comme quelqu’un mettons, si tu poses la même
question de quelqu’un dans le milieu scolaire. Il va te dire bin un élève qui a un de la
dysphasie mais l’autre élève il a rien. […] bin moi c’est pas l’autre personne elle a…elle a
rien. L’autre personne est handicapée aussi. Fait qu’elle a autre chose. » (e-01). Cette
82
vision positive du client se dégage également par l’importance accordée à leurs forces
plutôt qu’aux échecs vécus de même qu’aux stratégies que le client a utilisées par le passé
et qui se sont avérées efficaces question de les réinvestir : « […] Fait que ça me sert à rien
de savoir pourquoi tu es dysphasique, depuis quand tu es dysphasique, je veux pas aller
gratter par là. J’ai un dysphasique devant moi. Parfait. Où tu veux aller mon grand, c’est
quoi ton objectif, ensemble. Pis on s’en va par là. […] » (e-01). Ces éléments représentent
des aspects-clés de l’approche orientée vers les solutions (AOVS), approche préconisée
par la c.o. e-01.
L’importance accordée aux moyens se dégage également à travers la recherche des options
professionnelles accessibles par le client. Plutôt que de se centrer sur les contraintes et sur
ce qu’il n’est pas en mesure d’accomplir, l’attention est mise sur les forces et les options
qui relèvent du domaine du possible pour le client : « […] faut aller regarder plus vers les
forces, qu’est-ce qui va bien pour aller les aider à trouver un métier qui va leur convenir
davantage pis dans lesquels ils vont pouvoir être à l’aise, performants pis se réaliser là-
dedans là. Pour pas vivre des échecs. C’est un peu démoralisant. » (e-01). Les efforts
déployés par les c.o. pour trouver le chemin et les ressources qui permettront au client
dysphasique de développer son plein potentiel professionnel témoignent aussi de leur
orientation vers les solutions. Que ce soit par le biais de la formation, de PAAS Action, du
travail non compétitif, d’un métier semi-spécialisé ou d’ateliers préparatoires à l’emploi,
l’objectif ultime de la c.o. r-03 est d’aider le client à s’actualiser et de favoriser son bien-
être en emploi :
« Pis même si c’est quelqu’un qui en partant on a nous un pronostic assez
défavorable par rapport à l’employabilité qu’on se dit mmm je pense qu’on va
aller plus vers du travail non-compétitif, il reste que dans les représentations de
notre client, lui il se voit avoir une occupation productive. […] On a une
quantité de jeunes dysphasiques qui finissent par obtenir ou on recommande
une contrainte sévère à l’emploi. Mais contrainte sévère à l’emploi (ne) veut
pas dire inactivité ou incapacité à développer l’employabilité pis avoir un projet
de vie. »
83
Dans la recherche parfois complexe des ressources les mieux adaptées au profil du client,
il semble que la créativité semble être un atout précieux : « nous on est là avec notre
créativité à essayer de contourner les obstacles » (r-03). Cela demande d’être ouvert à la
nouveauté et de penser en dehors du cadre (thinking outside the box) : « […] T’sais moi
mes codes de couleur ou partir sur la route ça (ne) faisait pas partie d’un modèle
d’orientation que j’ai lu dans les livres nulle part […] » (e-01).
Au-delà de l’intervention directe, l’orientation vers les solutions semble avoir été une
approche gagnante dans le cas des c.o. de la réadaptation, qui ont instauré des relances
auprès des clients pour contourner la diminution de la durée des suivis imposée par
l’organisation. Cette recherche de compromis se fait dans le souci de satisfaire chacun des
partis. La c.o. e-01 aborde cette notion de compromis lorsqu’elle fait mention des exigences
d’Emploi-Québec qui demande à ce qu’un outil psychométrique soit minimalement
employé au cours du processus d’orientation : « Bin t’sais Emploi-Québec exige des tests
psychométriques. […] je (ne) suis pas tant tests psychométriques donc c’est sûr que ça
peut être une barrière le fait qu’il demande des tests mais bon l’IVIP, ça correspond aux
critères. »
En résumé, les c.o. rencontrés semblent s’axer sur les forces, les moyens et les solutions
pour favoriser l’actualisation des clients au plan professionnel. Il en est de même lorsqu’ils
sont confrontés à des contraintes imposées par leur organisation.
84
5.5 Pistes pour développer les services d’orientation
Tableau 5.5
Pistes pour développer les services d’orientation
Thème émergeant Définition opératoire
Solutions concrètes pour un meilleur
accompagnement
Plusieurs solutions concrètes et précises
ont été formulées par les c.o. pour bonifier
les services en préemployabilité et les
services d’orientation offerts à la clientèle
dysphasique.
Lorsque questionnés sur les pistes envisagées pour bonifier les services offerts à la clientèle
dysphasique, il se dégage des propos des participants que ces derniers ont des idées très
claires et précises de ce qui pourrait être fait. Les améliorations envisagées touchent à la
fois les services en préemployabilité et les services d’orientation.
Deux des c.o. du secteur de la réadaptation soulèvent la pertinence de créer une ressource
facilement accessible où les clients dysphasiques auraient la possibilité, en groupe,
d’expérimenter concrètement plusieurs métiers en étant mis dans des situations de travail
réelles. La c.o. r-01 décrit cette ressource comme étant à mi-chemin entre l’atelier de travail
non compétitif, déjà disponible dans leur milieu, et les centres de travail adaptés. Le c.o. r-
02 rapporte que la valeur ajoutée d’une telle ressource réside entre autres dans le fait que
les clients seraient exposés sur une plus longue période à des métiers spécifiques
comparativement à ce que permet les activités de type « élèves d’un jour ». Cela
favoriserait également le développement d’habiletés de travail et une meilleure
compréhension du marché de l’emploi. Les c.o. sont toutefois conscients de la complexité
associée à la mise en place d’un tel service. Cela se dégage notamment par la perception
du c.o. r-02 qui souligne à plus d’une reprise que sa vision est idéaliste :
« […] Moi dans l’idéal, je te parle dans l’idéal, je verrais ce type-là mais plus
en lien pas juste un plateau là mais en lien avec des métiers qui soient précis.
85
Qui est plus que l’occasion d’aller élève d’un jour par exemple dans une
formation, dans un DEP ce qui est trop, ce qui est trop court comme
expérimentation. Mais l’occasion d’accompagner des gens par exemple dans
des vraies industries. Ce genre de choses-là. C’est idéaliste là je sais que ça (n’)
existe pas mais si ça existait ça serait très utile-là. » (r-02)
D’autres moyens concrets sont proposés par les c.o. afin de bonifier les services
d’orientation offerts à la clientèle dysphasique. Certains touchent les outils d’intervention
utiles à l’étape de l’exploration. En ce sens, la c.o. r-03 énonce l’idée de développer un
outil regroupant des vidéos de professions qu’elle récupère pour l’instant sur divers sites,
ce qui nuit à son efficacité : « […] Je trouve (que) je me promène pas mal là. […]» La c.o.
du milieu scolaire soulève l’idée que des personnes dysphasiques viennent parler de leur
vécu en classe. En plus de servir de modèle auquel les élèves dysphasiques peuvent
s’identifier, cela représenterait l’occasion de donner à ces jeunes des exemples concrets de
cheminement, des démarches faites et des aspects qui ont davantage fonctionné. Un tel
échange aurait selon elle plus d’impact que les interventions réalisées en classe par les
professionnels.
La c.o. e-01 suggère d’adopter une pratique d’orientation qui mise sur une plus grande
considération des forces du client plutôt que de donner préséance aux intérêts. Une telle
approche est susceptible selon elle de faire vivre davantage de succès au client et
d’augmenter son estime notamment lorsqu’il est question d’explorer les métiers possible :
« T’sais souvent ils vont s’être faits taper sur les doigts. Quand ils arrivent ici parce que
ils ont eu des difficultés, parce que ça (n’a) pas bien été. Fait que quand on arrive pis qu’on
leur dit ouin mais qu’est-ce qui va bien? T’sais des fois je leur demande c’est quoi tes
qualités? « Euh…….»[…] »
Quatre des c.o. ont identifié des stratégies qu’eux-mêmes ou que des c.o. intervenant
nouvellement avec cette clientèle peuvent employer pour bonifier leur pratique. Certains
moyens sont orientés vers le passé : « Oui moi j’aurais aimé sincèrement à mettons à
l’université avoir la possibilité d’avoir un cours sur les élèves en difficulté, les personnes
en difficultés d’apprentissage. […] » D’autres sont axés sur le présent parce qu’ils sont
86
soient déjà implantés dans leur pratique ou relativement faciles à mettre en place. Tel est
le cas du c.o. r-02 qui mentionne avoir la chance d’avoir une collègue c.o. qui représente
pour lui une personne-ressource en raison de l’expertise particulière qu’elle détient auprès
de la clientèle dysphasique. De s’acoquiner avec des professionnels fait d’ailleurs partie
des recommandations faites par trois des c.o. :
« […] on a toutes des difficultés à un moment donné. On a toutes des clients
qui nous donnent plus de misère. Donc que ce soit des dysphasiques encore ou
avec d’autres clientèles, je dirais ne pas hésiter à consulter et demander. T’sais
partager un peu son vécu avec d’autres conseillers d’orientation pour permettre
justement d’aider à faciliter le processus pis gagner confiance en soi pis en
notre…en notre démarche, en notre processus. […] » (e-01)
Finalement, d’autres stratégies sont davantage axées vers le futur et auraient notamment
comme objectif de développer une pratique plus rigoureuse :
« […] S’il y avait des formations concrètes offertes aux conseillers
d’orientation, des livres de référence […] quels seraient les modèles, moi il
(n’) y a pas de modèle d’intervention vraiment que j’applique avec les
personnes dysphasiques. J’y vais comme je te dis avec ce que je possède, pis
mon feeling. Des fois c’est gagnant pis des fois ça (ne) l’est pas. »
Tout comme leurs clients dysphasiques, les c.o. rapportent avoir le besoin d’informations
« concrètes » : « T’sais je fonctionne beaucoup, t’sais comme dans le fond je suis comme
les ados j’ai besoin d’exemples concrets là t’sais. » (s-01).
De façon générale, les c.o. ont identifié plusieurs moyens concrets qu’il serait pertinent de
mettre en place pour mieux desservir les clients dysphasiques. Certains de ces moyens
visent une augmentation de l’efficacité des c.o. (ex. : site rassemblant des vidéos de
professions), et d’autres l’acquisition d’un plus grand savoir en lien avec cette clientèle
(ex. : livre de référence). Finalement, d’autres moyens touchent le développement de
ressources qui permettraient aux clients dysphasiques d’être placés dans des situations de
travail réelles et d’être mis en lien avec des personnes auxquelles ils peuvent s’identifier.
CHAPITRE VI
DISCUSSION
L’objectif de cette étude consistait à explorer et identifier les enjeux et obstacles rencontrés
par les conseillers d’orientation dans l’accompagnement au choix de carrière de clients
présentant une dysphasie modérée à sévère. Pour y arriver, six c.o. provenant des secteurs
de l’éducation, de l’employabilité et de la réadaptation ont été interrogés. Certains enjeux
sont en lien avec la représentation qu’ont les c.o. des difficultés des clients dysphasiques.
D’autres sont en lien avec l’intervention et l’échange c.o.-client, l’organisation des services
ou le c.o. lui-même. Finalement, de ces entretiens ont émergé des idées concrètes afin
d’améliorer les services d’orientation offerts à la clientèle dysphasique.
6.1 Variabilité intermilieu et interindividuelle
Bien que des similitudes existent entre les propos des c.o. provenant de milieux différents,
une variabilité dans la perception de certains enjeux/obstacles est présente. Tel est le cas
quand il est question de la liberté d’action dont disposent les c.o. sur le plan des moyens et
de la durée du processus d’orientation pouvant être effectué. Il apparaît clairement que la
c.o. du milieu scolaire fait face à plus de contraintes de par son horaire et la mauvaise
planification des services d’orientation en début d’année scolaire. Les c.o. des secteurs de
l’employabilité et de la réadaptation semblent bénéficier, pour leur part, d’une liberté
d’action satisfaisante et qui répond à leur désir d’indépendance professionnelle.
Outre cette variabilité intermilieu, une variabilité interindividuelle est présente entre les
c.o. d’un même milieu. À ce sujet, les c.o. des secteurs de la réadaptation et de
l’employabilité expérimentent un sentiment d’efficacité personnelle variable. En ce sens,
les c.o. les plus expérimentés ressortent comme ceux ayant un SEP plus positif.
88
Cette variabilité inter-participant peut également s’expliquer par l’échantillon réduit de
conseillers d’orientation rencontrés. En ayant moins de conseillers d’orientation, cela rend
plus difficile l’émergence de tendances qui se répètent.
6.2 Dysphasie : un trouble multidimensionnel
Les c.o. rencontrés dans le cadre de cet essai ont une vision élargie de la dysphasie et de
ses impacts. Effectivement, ils conçoivent que ce trouble a des répercussions qui vont au-
delà du langage puisqu’il s’accompagne souvent de difficultés associées notamment sur le
plan des fonctions exécutives, de l’attention et de la santé mentale. Cette perception
concorde avec les propos de Soares-Boucaud et al. (2009) qui soulignent que les
cas « purs » sont rares et que la comorbidité est davantage la règle que l’exception. De plus,
ces professionnels. dénotent que les difficultés des clients se répercutent sur l’ensemble de
leurs parcours de vie (scolaire, professionnel et personnel) en entraînant entre autres des
impacts sur le plan des relations sociales, des retards d’apprentissage et en réduisant
l’éventail des professions accessibles. Cette conception qu’ont les c.o. est en accord avec
plusieurs données disponibles dans la littérature. En ce sens, il ne fait aucun doute
maintenant que la dysphasie est un trouble multidimensionnel qui est associé à des
difficultés langagières, certes, mais également à des difficultés cognitives (ex. : troubles
d’attention). Le rapport de causalité entre les difficultés langagières et les difficultés
associées demeure à clarifier. À titre d’exemple, il n’est pas encore clair si les troubles
d’attention découlent du trouble du langage ou si ces deux atteintes tirent leur origine d’une
« perturbation cognitive sous-jacente commune » (Soares-Boucaud et al., 2009, p.6). Les
personnes dysphasiques présenteraient également davantage de problématiques touchant
la santé mentale, dont des troubles anxieux et des phobies sociales comparativement aux
individus sans trouble comme le démontre l’étude de Beitchman et al. (2001). Un aspect
dont il n’a pas été question dans cette étude est le fait que les difficultés associées varient
au cours du développement de la personne dysphasique. En ce sens, les résultats obtenus
par St. Clair et al. (2011) démontrent que l’hyperactivité, les trouble de la conduite de
même que les difficultés émotionnelles diminuent entre la période de l’enfance et de
l’adolescence chez les individus ayant un SLI. Toutefois, la prévalence des difficultés
89
émotionnelles demeure plus importante que ce qui est observé dans la population
contrairement à la prévalence de l’hyperactivité et des troubles de la conduite qui rejoint
celle relevée dans la population (St. Clair et al., 2011). Il est possible de penser que les c.o.
de cette étude n’accompagnent pas les clients sur une période suffisamment longue pour
observer des variations. Tel est le cas des c.o. du milieu scolaire et de l’employabilité.
Plusieurs parallèles peuvent être établis entre les impacts de la dysphasie sur les parcours
de vie des clients, tels que perçus par les c.o. et la littérature disponible. En ce sens,
plusieurs études font état des conséquences du SLI sur les relations sociales, la sphère
scolaire et professionnelle (St. Clair et al., 2011; Whitehouse et al., 2009a). Or, la
différence entre ces études et le présent essai est que ce dernier aborde les difficultés des
clients dysphasiques selon le point de vue subjectif des conseillers d’orientation, ce qui
amène une autre perspective. Cette perspective a permis de relever certains faits qui ne
trouvent pas nécessairement leur écho dans les études recueillies. À ce propos, le c.o. r-02
a fait mention du fait que les difficultés neuropsychologiques accompagnant la dysphasie
ne sont pas suffisamment mises en lumière par l’Association de la dysphasie et les
intervenants accompagnant les clients et leur famille. Ce point de vue peut être utile à
considérer dans les moyens possibles pour mieux desservir cette clientèle.
6.3 Stratégies d’intervention pertinentes à l’orientation
En ce qui a trait aux enjeux touchant l’interaction entre le c.o. et le client, des entretiens
ont émergé le besoin des c.o. d’établir une communication efficace et les écarts qu’ils
perçoivent entre la perception que se fait le client de lui-même et ce qu’il en est réellement.
Cet écart les amène à devoir insuffler une dose de réalisme aux projets des clients.
Les difficultés langagières peuvent entraîner des obstacles dans l’exploration des intérêts,
des aptitudes, des options de carrière et la résolution de problème par les clients (Reekie,
1993). Pour contrer les obstacles à la communication et favoriser le traitement de
l’information par les clients, les c.o. rencontrés utilisent diverses stratégies. Pour que les
90
clients donnent un sens aux expériences vécues, les c.o. utilisent l’échange et les questions
afin de stimuler leur réflexion. Ces stratégies rejoignent en partie les interventions
cognitives et métacognitives décrites par certains auteurs et qu’il serait utile de prôner
auprès de la clientèle présentant des difficultés d’apprentissage. En ce sens, Reekie (1993)
mentionne qu’il est du rôle du conseiller d’enseigner des stratégies métacognitives au client
afin que ce dernier puisse s’engager de manière proactive dans son processus de
planification de carrière. Plusieurs études ont d’ailleurs démontré l’efficacité des
programmes d’intervention misant sur une approche cognitive auprès des personnes
présentant des difficultés d’apprentissage (Taves et al., 1992). Une telle approche implique
notamment de questionner le client sur l’objectif des activités d’orientation réalisées, de
modeler le processus d’inférence et de poser des questions ouvertes (Reekie, 1993). C’est
d’ailleurs ce que font plusieurs des c.o. rencontrés lorsqu’ils effectuent des retours sur les
visites exploratoires afin que les clients puissent mettre en relation leur concept de soi avec
le marché du travail et les options de carrière. Les stratégies cognitives impliquent
également d’engager la personne dans l’établissement de buts, de lui expliquer clairement
les stratégies utiles pour la réalisation de tâches spécifiques et d’extérioriser le langage
intérieur pendant la réalisation d’une activité. Placer les clients dans des situations
authentiques qui sollicitent à la fois leur raisonnement et les nouveaux comportements
appris et d’encourager les interactions à travers desquelles ils sont appelés à donner et
recevoir des instructions sont d’autres stratégies efficaces. À cela s’ajoute le fait d’offrir, à
la suite d’une erreur, une rétroaction qui mise sur la modélisation et l’incitation (prompting)
plutôt que de livrer la réponse (Englert et al., 1992, cités dans Hutchinson, 1995).
Finalement, une autre stratégie citée consiste à amener le client à à évaluer l'efficacité des
interventions employées dans la planification de sa carrière et comment celles-ci pourraient
être réutilisées ou adaptées dans des situations futures (Reekie, 1993). Une certaine
similitude est relevée ici avec l’Approche orientée vers les solutions, approche employée
par une des c.o. de l’étude.
Bref, cette pratique, davantage holistique et dynamique, amène le client à réfléchir
continuellement aux processus qui ont lieu durant le counseling d’orientation et à
internaliser des stratégies qu’il pourra réinvestir lorsqu’il devra s’adapter aux diverses
91
situations qui se présenteront à lui durant sa carrière (Reekie, 1993). Elles ont pour objectif
le développement d’habiletés de résolution de problèmes et d’une plus grande flexibilité,
deux enjeux pour les clients présentant des troubles d’apprentissage (Amundson, 1984, cité
dans Reekie, 1993; Reekie, 1993; Phelps et Hanley-Maxwell, 1997). Cette pratique est
directement en lien avec le champ d’exercice des conseillers d’orientation qui implique
entre autres de « développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de
permettre des choix personnels et professionnels tout au long de sa vie, de rétablir
l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain
en interaction avec son environnement » (OCCOQ, 2015).
Divers outils de référence ont été bâtis par le passé avec la collaboration d’orthophonistes.
Tels est le cas des brochures « Accueillir un élève présentant une dysphasie » et
« Accueillir un stagiaire présentant une dysphasie » (Table régionale de réflexion sur les
services éducatifs dispenses au secondaire aux élèves ayant une difficulté langagière ou
une dysphasie, 2006). Ces outils mettent de l’avant une multitude de stratégies de
communication pouvant être utiles selon les situations problématiques qui se présentent
avec l’élève ou le stagiaire. Ces stratégies peuvent certainement contribuer à bonifier le
processus d’orientation et faciliter la relation c.o.-client. Outre l’utilisation d’outils, l’effet
d’une collaboration c.o-orthophoniste serait intéressante à explorer d’autant plus qu’aucun
c.o. n’a mentionné explicitement avoir demandé conseil et avoir collaboré avec les
orthophonistes. Il demeure que la capacité d’adaptation des c.o. fait en sorte qu’ils
emploient diverses stratégies spontanément. À titre d’exemple, certains c.o. se détachent
de l’écrit, qui occupe une place importante dans les processus d’orientation (Cardinal-
Picard, 2009) pour se tourner entre autres vers des outils plus visuels en raison des
difficultés langagières des clients.
À plus d’une reprise les c.o. ont mentionné qu’ils devaient insuffler une dose de réalisme
au projet de carrière des clients. Considérant que ces clients aux besoins particuliers ont
besoin de rêver (Tardif, 2002), tout comme leurs pairs sans trouble, il serait intéressant de
s’attarder à la place qu’occupe le rêve dans les processus d’orientation.
92
6.4 Implication des c.o. auprès de la clientèle dysphasique
Considérant les répercussions qu’a la dysphasie sur la sphère professionnelle des individus
et les diverses stratégies d’intervention qui peuvent être mises en place pour favoriser le
développement professionnel de ces clients, la pertinence du rôle des c.o. auprès des clients
dysphasiques n’est plus à démontrer. Un obstacle qui peut cependant nuire à leur
implication et à l’accompagnement qu’ils offrent est leur sentiment d’efficacité
personnelle, qui représente un thème majeur du présent essai. Le sentiment d’efficacité
personnelle (ou SEP) correspond à l’évaluation effectuée par l’individu quant à sa capacité
d’accomplir une tâche en atteignant un certain niveau de performance (Bandura, 1986). Il
correspond également au sentiment d’être en mesure d’exercer un certain contrôle sur les
événements qui se présentent à soi par le biais de ses ressources cognitives, de sa
motivation et de ses comportements (Bandura, 1989).
Il est évidemment souhaité que les conseillers d’orientation expérimentent un SEP élevé
lorsqu’ils interviennent auprès de la clientèle dysphasique. Malgré le fait que plus d’un c.o.
ait mentionné leur besoin et désir d’en savoir davantage sur la dysphasie, ses impacts et les
stratégies d’intervention pertinentes à employer, il demeure que les connaissances et les
savoirs bien qu’importants, ne sont pas suffisants pour assurer une intervention efficace.
En ce sens, il est nécessaire que la personne ait confiance en sa capacité de mobiliser de
tels savoirs et aptitudes pour intervenir efficacement ce qui revient à dire qu’elle doit
détenir un sentiment d’efficacité personnelle élevé (Bandura, 1986).
Des études ont été effectuées sur le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants
parmi lesquelles figure celle de Raudenbush, Rowan et Cheong (1992). Bien qu’elle ne
porte pas directement sur les conseillers d’orientation, il est intéressant de s’y attarder en
raison des parallèles qu’il est possible de dresser avec la présente étude. Les auteurs de
cette étude émettent l’hypothèse que lorsqu’un SEP positif est ressenti, il est probable que
cela ait un effet mobilisateur sur le désir de développer de nouvelles stratégies et de
déployer des efforts face aux difficultés et incertitudes rencontrées (Raudenbush, Rowan
93
et Cheong, 1992). Il est possible de supposer, par ricochet, qu’une telle mobilisation a un
effet positif sur le niveau de connaissances et de compétences des intervenants. Cette même
étude met en lumière que le SEP serait également relié au niveau de préparation ressenti
par les enseignants qui relève de la correspondance entre leurs savoirs et leurs intérêts en
relation avec la matière à enseigner (Raudenbush, Rowan et Cheong, 1992). Si l’on se fie
aux données de cette étude, un c.o. ayant des connaissances et un intérêt particulier pour la
clientèle dysphasique pourrait ressentir un SEP davantage positif. De plus, il est possible
de supposer que le besoin des c.o. de reposer sur des bases solides en effectuant une
évaluation approfondie et rigoureuse du client contribue au niveau de préparation ressenti
face à l’intervention qui s’en suivra. Un autre point de cette étude qui mérite d’être souligné
est le fait que les enseignants ayant un sentiment d’exercer un plus grand contrôle sur les
conditions d’enseignement et un plus haut niveau de collaboration entre les membres du
personnel possédaient un plus grand SEP de manière générale. Cet aspect est
particulièrement intéressant sachant que la collaboration est ressortie comme un enjeu
majeur dans l’accompagnement au choix de carrière de la clientèle dysphasique. À cela
s’ajoute le sentiment d’avoir une plus ou moins grande liberté d’action dans leur milieu de
travail respectif. Ces observations mettent en lumière la possibilité que le SEP ressenti par
les c.o. par rapport à l’intervention auprès des clients dysphasiques pourrait être interelié à
d’autres enjeux et obstacles ressortis dans le présent essai. Par contre, le lien entre ces
éléments demeure à explorer dans le cadre de cet essai de même que dans l’étude de
Raudenbush et al. (1992).
Ces résultats amènent également des questionnements concernant les impacts possibles des
compressions budgétaires importantes mises en place par le gouvernement provincial sur
le sentiment d’efficacité personnelle des c.o. En ce sens, les coupures budgétaires majeures
auxquelles fait face le secteur de l’éducation ont mené des commissions scolaires à abolir
des postes de professionnels des services complémentaires dont des postes
d’orthophonistes, de psychologues et de conseillers d’orientation (FPPE, 2015). Cette
restructuration risque de mettre un poids supplémentaire sur les épaules des professionnels
qui ont déjà des difficultés à rencontrer l’ensemble des élèves éprouvant des besoins
(FPPE, 2015). Tel est le cas des c.o. en milieu scolaire (Matte, 2012). Ces compressions
94
ont également des impacts sur les mesures d’aide à l’emploi disponibles pour les personnes
handicapées. À cet effet, aucun nouveau CIT n’est actuellement autorisé, subventions
dédiées aux entreprises et qui favorisaient l’embauche de personnes handicapées en
compensant pour leur rendement moindre. Actuellement, seules les subventions déjà
octroyées perdurent. Des coupures ont également eu lieu dans le PAAS Action qui est un
programme en pré-employabilité (CASC, 2014). Ces compressions dans les mesures d’aide
à l’emploi ont comme risque potentiel d’alimenter le manque de moyens qui est ressorti
des propos des c.o. interrogés. Une des c.o. a d’ailleurs fait mention du gel des CIT à
l’intérieur du thème « manque de moyens ». L’attention accordée au contexte politique et
économique actuel est en accord avec l’idée de Szymanski et Vancollins (2003) qui
insistent sur la nécessité pour les conseillers d’orientation de ne pas seulement s’attarder
aux individus mais également à l’environnement dans lequel ils évoluent. En ce sens, il est
primordial de considérer le contexte économique, les politiques touchant l’employabilité
et les handicaps ainsi que les perceptions sociales concernant le trouble présentées par la
personne. Malgré ces enjeux et obstacles, les c.o. semblent se centrer sur les solutions et
les aspects positifs (ex: forces du client).
Finalement, les c.o. rencontrés dans le cadre de cette étude ont plusieurs idées concrètes de
ce qui pourrait être fait pour bonifier l’accompagnement au choix de carrière des clients
dysphasiques. Ces moyens touchent la formation, la création de livres de référence, le
développement d’outils d’intervention plus adaptés, la mise en contact de ces clients avec
des modèles de réussite et la création de ressources où ces clients pourraient vivre des
situations concrètes de travail. Avec l’arrivée de la loi 21 et l’augmentation de la clientèle
ayant une déficience langagière, notamment dans le milieu scolaire et de la réadaptation, il
serait pertinent d’explorer plus attentivement chacune de ces options. Cela permettrait
d’évaluer ce qui serait réaliste de mette en place pour outiller les c.o. qui seront appelés
dans le futur à intervenir auprès de ces clients.
CHAPITRE VII
CONCLUSION
Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude ont permis d’explorer certains des enjeux
et obstacles rencontrés par les c.o. des secteurs scolaire, de l’employabilité et de la
réadaptation dans leur pratique auprès des clients présentant une dysphasie modérée à
sévère. Il ressort que les conseillers ont une vision élargie de la dysphasie puisqu’ils
perçoivent que les conséquences de la dysphasie vont au-delà du langage en entraînant
notamment des difficultés sur le plan de l’attention, des fonctions exécutives et de la santé
mentale. Ces difficultés associées sont d’ailleurs importantes à considérer quand il est
question d’adapter l’intervention. Les difficultés présentées par ces clients se répercutent à
la fois sur leur parcours de vie personnel, scolaire et professionnel. En lien avec
l’intervention directe et de l’échange co.-client, il s’avère que les c.o. utilisent des stratégies
de communication variées afin de faciliter le traitement de l’information chez leurs clients.
De plus, dans le cadre de leur intervention, ils sont appelés à insuffler une dose de réalisme
au projet de vie des clients puisque ces derniers présentent un écart entre leur soi idéal et
leur soi réel. Afin d’offrir un accompagnement adéquat, les c.o. mentionnent leur besoin
de se baser sur une évaluation solide et de s’allier avec des partenaires. Bien qu’ils aient
un sentiment d’efficacité personnelle et une liberté d’action variables dans leur milieu de
travail respectif, plusieurs des c.o. ont en commun leur approche qui s’axe sur les solutions.
Finalement, ces professionnels ont des idées concrètes sur ce qui pourrait être fait pour
améliorer les services d’orientation offerts à la clientèle dysphasique.
Bien que cette étude ait permis d’aborder un sujet encore inexploité dans la littérature,
celle-ci comporte certaines limites. Toutefois, elle met en lumière des sujets et
questionnements qu’il serait pertinent d’approfondir et des pistes d’amélioration concrètes
qu’il serait possible de mettre en place.
96
7.1 Limites de l’étude
Cet essai s’est principalement concentré sur l’accompagnement en orientation de personnes
présentant une dysphasie modérée à sévère. Comme les manifestations de la dysphasie et
ses impacts fonctionnels sont variables d’un individu à l’autre, il serait irréaliste de
considérer que les enjeux ressortis par les conseillers sont transférables à tous les clients
dysphasiques rencontrés. De plus, comme ce trouble du langage peut être de sévérité
moindre et atteindre dans certains cas uniquement le volet expressif, il est possible de
supposer que les impacts sur les plans scolaire, professionnel et personnel diffèrent. Il est
donc primordial d’adopter une approche personnalisée et de fonctionner cas par cas.
Aussi, il est nécessaire de souligner que cet essai s’est penché sur la réalité professionnelle
de six conseillers d’orientation œuvrant dans des milieux (milieu scolaire, organisme
d’aide à l’emploi et centre de réadaptation) et régions différentes. Il est donc plausible de
penser que d’autres facteurs externes et non considérés dans le cadre de cette étude aient
une influence potentielle sur la réalité à laquelle sont confrontés les c.o. telles les politiques
internes d’organisation de services, le nombre de journées de présence du c.o. dans le
milieu ciblé, la présence d’une clientèle multiethnique, etc. De plus, il importe de
mentionner que la proactivité de certains milieux à développer des services adaptés à la
clientèle dysphasique et dans lequel travaillent certains des c.o. interrogés leur a permis de
développer une expertise particulière en lien avec cette clientèle et une offre de service
davantage adaptée. Dans le même ordre d’idées, considérant que les c.o. rencontrés
détenaient des niveaux d’expertise et de familiarité variables en lien avec la clientèle
dysphasique, cela a inévitablement influencé les enjeux rencontrés dans leur pratique. Ces
éléments, combinés à l’échantillon réduit de c.o. interrogés, font en sorte qu’il est
impossible de généraliser les constats faits dans chacun des milieux aux pratiques en place
dans des milieux similaires.
97
7.2 Perspectives
À la lumière des données obtenues, plusieurs pistes de réflexion sont envisageables. En ce
sens, il serait intéressant de s’attarder plus spécifiquement sur certaines stratégies et
approches d’intervention employées par les conseillers d’orientation afin d’en tester
l’efficacité auprès de la clientèle dysphasique particulièrement (ex. : imagerie eidétique,
stratégies métacognitives, approche orientée vers les solutions). Il serait également
pertinent d’explorer les impacts d’une collaboration orthophoniste-c.o. sur les
interventions en orientation.
Dans un autre ordre d’idées, il serait possible de bonifier les résultats obtenus en
questionnant un plus grand nombre de c.o. dans chaque milieu. Cela permettrait de dégager
des tendances en ce qui a trait à la réalité des c.o. dans chacun des milieux et de renforcer
la pertinence des services d’orientation auprès de cette clientèle. En multipliant les écrits
sur l’orientation auprès de clients présentant des handicaps et des difficultés
d’apprentissage, cela vient également souligner le rôle important qu’ont à jouer les c.o. Ce
dernier aspect est d’autant plus important à souligner puisque plusieurs milieux sont
appelés à repenser leur offre de services en raison des coupures gouvernementales.
98
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Pro-Ed.
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pratiques d’évaluation psychométrique : fréquence d’utilisation des tests et
pratiques des activités réservées par le projet de loi no 21. L’Orientation, 1(2), 21-
22.
108
ANNEXE A
FORMULAIRE D’INFORMATION ET DE CONSENTEMENT
« ACCOMPAGNEMENT AU CHOIX DE CARRIÈRE D’ADOLESCENTS ET DE
JEUNES ADULTES DYSPHASIQUES : LES RÉALITÉS ET LES ENJEUX
RENCONTRÉS PAR LES CONSEILLERS D’ORIENTATION»
PRÉAMBULE:
Vous êtes invité(e) à participer à un projet de recherche qui vise à décrire et comprendre
les réalités et les obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation qui accompagnent
des adolescents et jeunes adultes présentant une dysphasie modérée à sévère dans leur
choix de carrière. Avant de confirmer votre participation à ce projet, il est important que
vous preniez connaissance des renseignements ci-dessous. Lors de la lecture de ce
document et afin d’assurer votre compréhension, vous êtes invités à poser des questions si
vous avez des interrogations.
IDENTIFICATION:
Responsable du projet : Marie-Ève Goulet, étudiante à la maîtrise en carriérologie à
l’UQÀM
Téléphone : 514 638-8373
Département, centre ou institut : Département d’éducation et pédagogie, section
carriérologie
Adresse postale : 1205, rue Saint-Denis, Montréal (Québec) H2X 3R9
Adresse courriel : marie-eve.goulet@hotmail.com
Membre(s) de l’équipe : Louis Cournoyer, Ph.D., c.o. et professeur à la section
carriérologie de l’Université du Québec à Montréal et Marie-
Ève Goulet, étudiante à la maîtrise en carriérologie
109
OBJECTIFS DU PROJET:
L’objectif général de cette recherche est d’identifier les réalités professionnelles et les
principaux obstacles rencontrés par les conseillers d’orientation qui interviennent auprès
d’adolescents et de jeunes adultes présentant une dysphasie modérée à sévère et ce, dans
les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux ainsi que de l’employabilité.
Cet objectif général se décline en quatre sous-objectifs : 1) Décrire le profil des jeunes
dysphasiques qui sont accompagnés par les conseillers d’orientation, 2) Recueillir la
perception de ces professionnels quant à leur rôle actuel et souhaité dans
l’accompagnement au choix de carrière de ces jeunes, 3) Explorer les difficultés
rencontrées par les conseillers d’orientation sur le plan de leur intervention auprès de ces
jeunes et l’organisation des services, 4) Recueillir les pistes d’amélioration, telles que
perçues par les conseillers d’orientation, pour améliorer les services d’orientation offerts à
cette clientèle.
PROCÉDURE(S) OU TÂCHES DEMANDÉES AU PARTICIPANT:
Votre participation consiste d’abord à remplir un questionnaire permettant de recueillir des
informations sur votre profil professionnel, dont votre nombre d’années d’expérience
auprès de la clientèle dysphasique ainsi que des données factuelles sur l’établissement où
vous évoluez et la clientèle dysphasique rencontrée. Par la suite, vous serez invité(e) à
réaliser un entretien individuel avec l’étudiante à la maîtrise en carriérologie durant lequel
vous aurez à répondre à des questions portant sur divers aspects : le profil des jeunes
dysphasiques que vous accompagnez, votre perception quant à votre rôle actuel et le rôle
que vous souhaiteriez occuper auprès de ces jeunes quant à leurs démarches de choix de
carrière, les obstacles que vous rencontrez sur le plan de l’intervention auprès de ces jeunes
et de l’organisation des services et les pistes d’amélioration que vous entrevoyez pour
améliorer les services d’orientation offerts à ces jeunes. La durée approximative de cet
entretien est d’une heure. Cette entrevue est enregistrée sur une enregistreuse numérique
avec votre permission. La date et l’heure de l’entrevue sont à convenir avec l’étudiante
responsable du projet de recherche. La rencontre a lieu dans votre milieu de travail ou dans
un autre lieu, à votre convenance, à condition que la confidentialité des données puisse être
préservée et que l’endroit soit propice à ce genre d’échange. La transcription sur support
informatique qui suivra et les données contenues dans le rapport de recherche ne
permettront pas de vous identifier, d’identifier votre lieux de travail ainsi que des élèves et
des collègues avec lesquels vous travaillez.
AVANTAGES ET RISQUES POTENTIELS :
Plusieurs avantages et retombées positives sont associées à votre participation à cette
recherche : contribuer à l’avancement des connaissances en matière de services
d’orientation offerts aux adolescents et jeunes adultes dysphasiques, réfléchir et faire le
point sur votre pratique auprès de cette clientèle, faire bénéficier vos collègues œuvrant
auprès de cette clientèle de votre expertise, vos opinions et recommandations. En ce qui a
trait aux risques potentiels, aucun risque significatif n’est envisagé si ce n’est que les
110
questions peuvent entraîner l’émergence d’émotions négatives et de frustrations. Dans le
cas où vous jugeriez qu’une question est embarrassante, vous pouvez décider de ne pas y
répondre. De plus, vous pouvez demander à l’étudiante menant l’entretien d’interrompre
l’enregistrement à tout moment sans aucun préjudice. Si le besoin se présentait, l’équipe
de recherche pourrait vous référer vers des ressources d’aide appropriées si vous sentez le
besoin de partager votre situation et votre vécu. Soyez informé qu’il est de la responsabilité
de l’étudiante responsable du projet de recherche et du directeur de recherche de suspendre
ou de mettre fin à votre participation s’ils estiment que votre bien-être est compromis.
ANONYMAT ET CONFIDENTIALITÉ :
Les informations recueillies avant et pendant l’entretien sont confidentielles. L’étudiante
responsable du projet de recherche et le directeur de recherche sont les seules personnes
qui auront accès aux formulaires d’information et de consentement signés, aux
enregistrements audio-numériques, aux verbatim et aux analyses qui s’en suivront. La
totalité du matériel de recherche, vos formulaires d’information et de consentement seront
conservés dans un classeur sous clé sous la responsabilité de l’étudiante pour la durée totale
du projet. Au terme du projet, l’ensemble de ces documents seront conservés par le
directeur de rechercher et détruits deux ans après la finalisation du rapport de recherche.
De façon à protéger votre identité et préserver la confidentialité des données que vous aurez
fournies, vous serez toujours identifié(e) par un code numérique. Seuls l’étudiante
responsable du projet et le directeur de recherche sauront que ce code est celui associé à
votre nom.
Lors de la rédaction du rapport de recherche, l’équipe de recherche souhaite utiliser des
extraits tirés des verbatim des entrevues à titre d’exemple, pour illustrer concrètement les
propos et favoriser la compréhension des lecteurs. Tel que mentionné plus haut, les extraits
seront cités de sorte de préserver l’anonymat des participants et la confidentialité des
propos.
J’accepte que des extraits de l’entrevue à laquelle j’ai participé soient utilisés et
présentés dans le rapport d’activité dirigée publiant les résultats de la présente
recherche et dans le cadre de communications scientifiques futures.
☐ OUI ☐ NON
PARTICIPATION VOLONTAIRE et DROIT DE RETRAIT :
Votre accord à participer à ce projet est volontaire, ce qui signifie qu’aucune contrainte ou
pression extérieure n’a été exercée sur vous. Cela signifie également que vous avez, en tout
temps, la liberté de mettre fin à votre participation, et ce, sans fournir de justification et
sans subir de préjudice. Le cas échéant, les documents vous concernant seront détruits sauf
si vous nous donnez une directive contraire.
En acceptant de participer à cette recherche, vous acceptez également que l’équipe de
recherche puisse utiliser les renseignements recueillis dans des articles, des conférences et
111
des communications scientifiques. Lors de l’utilisation des renseignements, aucune
information permettant de vous identifier, d’identifier votre lieu de travail, vos collègues
et les clients auprès desquels vous intervenez ne sera divulguée.
COMPENSATION FINANCIÈRE :
Aucune compensation financière n’est associée à votre participation à cette recherche.
CLAUSE DE RESPONSABILITÉ :
Votre accord à participer à ce projet de recherche n’entraîne, en aucun cas, la renonciation
à vos droits et ne libère nullement les chercheurs ou les institutions impliquées de leurs
obligations légales et professionnelles.
DES QUESTIONS SUR LE PROJET OU SUR VOS DROITS?
Si vous avez des questions en lien le projet, votre participation et vos droits, ou si vous
désirez mettre un terme à votre participation, vous êtes invités à communiquer avec
monsieur Louis Cournoyer, Ph.D., directeur de recherche :
Numéro de téléphone : 514 987-3000, poste : 399
Adresse courriel : cournoyer.louis@uqam.ca
REMERCIEMENTS :
Votre participation est importante et contribuera au développement des connaissances dans
le domaine de l’orientation scolaire et professionnelle. L’équipe de recherche vous en
remercie.
112
SIGNATURES :
Par la présente, je reconnais avoir lu le présent formulaire d’information et de
consentement et je consens volontairement à participer à ce projet de recherche.
Signature du participant :___________________________________________________
Nom (lettres moulées) : ____________________________________________________
Date : __________________________________________________________________
Signature de la responsable du projet de recherche :
______________________________________________________________________
Nom (lettres moulées) :___________________________________________________
Date : _________________________________________________________________
Un exemplaire du formulaire d’information et de consentement signé doit être remis au
participant.
113
ANNEXE B
COLLECTE DE DONNÉES SUR LE PARTICIPANT
Nom du ou de la conseiller(ère) d’orientation : __________________________________
Nombre d’années d’expérience comme conseiller d’orientation : ____________________
Nombre d’années d’expérience en tant que conseiller d’orientation dans les secteurs
suivants :
Scolaire Employabilité Réadaptation
Nombre d’années d’expérience auprès des adolescents et de jeunes adultes dysphasiques :
________________________________________________________________________
Votre expérience auprès de cette clientèle a-t-elle été uniquement acquise dans le cadre
de votre travail actuel? Oui Non
Si non, dans quel(s) autre(s) milieu(x) avez-vous acquis cette expertise spécifique?
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
Avez-vous acquis de l’expérience auprès de cette cliente sous un titre professionnel autre
que celui de conseiller d’orientation? Si oui, lequel?
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
114
COLLECTE DE DONNÉES SUR L’ÉTABLISSEMENT ET LA CLIENTÈLE
1) Nom de l’établissement : _________________________________________________
2) Nom du programme/service dans lequel vous évoluez :
________________________________________________________________________
3) Âge de la clientèle dysphasique rencontrée : __________________________________
4) Quelle est la situation scolaire de la clientèle présentant une dysphasie modérée à
sévère que vous rencontrez?
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
a) S’il y a lieu, dans quel(s) parcours scolaire(s) les clients aux études et présentant une
dysphasie modérée à sévère sont-ils engagés (FGJ, FPT, FMSS, PRÉ-DEP, FGA,
etc.)?
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
5) La clientèle dysphasique représente quelle proportion de votre clientèle?
________________________________________________________________________
115
Questions spécifiques pour les conseillers d’orientation œuvrant dans les écoles :
1) Nombre de classes langage/communication présentes dans l’école :
_______________________________________
2) Nombre d’élèves dysphasiques intégrés dans les classes communication/langage :
_______________________________________
116
ANNEXE C
GUIDE D’ENTRETIEN AVEC LES CONSEILLERS D’ORIENTATION
Date de l’entretien : ____________________________________
Consignes lues aux participants :
« Le but du projet de recherche est de comprendre vos réalités professionnelles et les
obstacles que vous rencontrez dans l’accompagnement au choix de carrière des
adolescents et (jeunes) adultes présentant une dysphasie de sévérité modérée à sévère.
Pour y arriver, je vais vous poser des questions. Aucune réponse spécifique n’est
attendue puisque l’objectif est d’en savoir plus sur votre réalité quand il est question
d’intervenir auprès de cette clientèle. Je vais enregistrer l’entretien à l’aide d’une
enregistreuse numérique pour être en mesure d’en faire la transcription par la suite.
Au total, 10 questions vous seront posées. Ces questions sont regroupées sous 4 grands
thèmes que voici :
1) Décrire le profil des clients dysphasiques que vous accompagnez
2) Recueillir la perception quant à votre rôle actuel et le rôle que vous souhaiteriez
occuper auprès de ces jeunes/adultes quant à leurs démarches de choix de carrière
3) Explorer les obstacles que vous rencontrez sur le plan de l’intervention auprès de
ces jeunes/adultes et de l’organisation des services
4) Recueillir les pistes, telles que vous les percevez, pour améliorer les services
d’orientation offerts à ces jeunes/adultes.
À tout moment, vous pouvez me demander de cesser l’entretien et ce, sans aucun
préjudice. Avez-vous des questions avant que nous débutions?
Allons-y. »
117
Thème 1 :
Profil des clients dysphasiques accompagnés
Question #1:
Quelles sont les difficultés présentées sur le plan langagier, cognitif (perception,
représentation, fonction exécutives) comportemental et affectif par les adolescents/
adultes dysphasiques que vous accompagnez?
Questions de relance :
Selon votre expérience et vos connaissances, y a-t-il d’autres difficultés et
problématiques que peuvent présenter ces jeunes/adultes?
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
Question #2 :
Quelles sont les conséquences de la dysphasie sur les plans scolaire, professionnel et
personnel chez ces jeunes/adultes?
Questions de relance :
Quelles sont les conséquences sur les plans social, familial ou toute autre
sphère de leur vie?
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
118
Thème 2 :
Perception quant à votre rôle actuel et le rôle que vous souhaiteriez occuper auprès
de ces clients quant à leurs démarches de choix de carrière
Question #3 :
Pourriez-vous me nommer et me décrire les services et les activités offertes dans votre
milieu en matière d’accompagnement au choix de carrière et qui concernent
« spécifiquement » les adolescents/adultes dysphasiques?
Question de relance pour les c.o. en milieu scolaire :
Selon vous, en quoi les services en matière d’accompagnement au choix de
carrière des clients dysphasiques diffèrent-ils des services offerts en centre
de réadaptation ou dans des organismes d’aide à l’emploi?
Question de relance pour les c.o. en employabilité :
En quoi les services en matière d’accompagnement au choix de carrière des
clients dysphasiques que vous offrez diffèrent-ils des services offerts en milieu
scolaire et dans les centres de réadaptation?
Question de relance pour les c.o. en centre de réadaptation :
En quoi les services en matière d’accompagnement au choix de carrière des
clients dysphasiques que vous offrez diffèrent-ils des services offerts en milieu
scolaire et dans des organismes d’aide à l’emploi?
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
Question #4 :
Parmi l’ensemble de ces services et de ces activités, comment décrivez-vous votre rôle
plus particulièrement ?
Questions de relance :
Comment participez-vous à l’offre de services et d’activités
d’accompagnement au choix de carrière des clients présentant une dysphasie
modérée à sévère?
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
119
Question #5 :
Votre implication actuelle correspond-elle à l’implication que vous aimeriez avoir
auprès des jeunes/adultes dysphasiques. Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi?
Question de relance :
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
Thème 3 :
Barrières interpersonnelles et organisationnelles rencontrées
Question #6 :
Comment décririez-vous les barrières que vous rencontrez dans l’organisation des
services d’orientation qui limitent votre impact et votre implication auprès des clients
dysphasiques?
Questions de relance :
En quoi le mandat qui vous est assigné par l’école/centre de réadaptation ou
organisme d’aide à l’emploi, à plus grande échelle, par la commission
scolaire/MSSS/MESS, limite votre implication auprès de ces clients?
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
Question #7 :
Dans l’accompagnement au choix de carrière de ces jeunes/adultes, quels sont les
obstacles que vous rencontrez dans votre intervention auprès d’eux?
Questions de relance :
Comment décririez-vous les obstacles sur le plan de vos échanges avec ces
jeunes/adultes, de votre capacité à favoriser leur cheminement vers une prise
de décision professionnelle ou de tout autre aspect dans votre relation avec
eux?
En quoi votre intervention diffère-t-elle à l’accompagnement au choix de
carrière offert aux élèves du secteur régulier ou aux clients sans handicap?
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
120
Thème 4 :
Pistes pour améliorer les services d’orientation offerts aux clients
dysphasiques
Question #8 :
Selon vous, serait-il pertinent de développer des services et des activités d’orientation
plus spécifiques pour les adolescents ou adultes dysphasiques ? Si oui, qu’est-ce qui
vous vient en tête comme idée? Si non, pour quelles raisons ?
Question de relance :
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
Question #9 :
Quelles connaissances ou compétences utiles aimeriez-vous acquérir pour mieux
intervenir auprès de ces jeunes/adultes ?
Questions de relance :
À un nouveau conseiller d’orientation voulant accompagner des clients
dysphasiques, quelles sont les démarches ou compétences qu’il leur serait
nécessaires d’acquérir pour bien intervenir?
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
Question #10 :
Décrivez-moi les modèles, les stratégies d’intervention ou les outils concrets qui vous
sont utiles dans l’accompagnement au choix de carrière de ces jeunes?
Question de relance :
Quels autres éléments aimeriez-vous ajouter?
Je vais me permettre de faire un résumé de ce que j’ai entendu dans la rencontre. Si
vous considérez que des éléments sont à ajouter ou à préciser, n’hésitez pas à le faire.
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