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8/6/2019 Proudhon - Systme des contradictions conomiques ou philosophie de la misre.2
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radictions conomiques ou philos
Proudhon, PierreJoseph
8/6/2019 Proudhon - Systme des contradictions conomiques ou philosophie de la misre.2
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me des contradictions conomiques ou philosophie de la misre. 2
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Sixime poque. la balance du commerce. Incessit du
commerce libre. Trompe sur l'efficacit de ses mesures
rglementaires, et dsesprant de trouver au dedans de soi
une compensation au proltariat, la socit va lui chercherau dehors des garanties.
Tel est le mouvement dialectique qui amne, dans
l'volution sociale, la phase du commerce extrieur, laquelle
se formule aussitt en deux thories contradictoires, la
libert absolue et l'interdiction , et se rsout dans la clbreformule appele balance du commerce . Nous examinerons
successivement chacun de ces points de vue.
Rien de plus lgitime que la pense du commerce
extrieur, qui, en augmentant le dbouch, par consquent le
travail, par consquent aussi le salaire, doit donner au
peuple un supplment de l ' impt, si vainement, si
malheureusement imagin pour lui.
Ce que le travail n'a pu obtenir du monopole au moyen de
taxes et titre de revendication, il le tirera d'ailleurs par le
commerce ; et l'change des produits, organis de peuple
peuple, procurera un adoucissement la misre. Mais lemonopole, comme s'il avait se faire ddommager de
charges qu'il devait supporter, et qu'en ralit il ne supporte
pas, le monopole s' oppose, au nom et dans l' intrt du
travail mme, la libert des changes, et rclame le
privilge du march national. D'un ct donc, la socit tend
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dompter le monopole par l'impt, la police et la libert du
commerce : de l'autre le monopole ragit contre la tendance
sociale et parvient presque toujours l' annuler, par la
proportionnalit des contributions, par la libre discussion dusa la i re , e t par la douane . De toutes les quest ions
conomiques, aucune n'a t plus vivement controverse que
celle du principe protecteur ; aucune ne fait mieux ressortir
l'esprit toujours exclusif de l'cole conomiste, qui,
drogeant sur ce point ses habitudes conservatrices, et
faisant tout coup volteface, s'est rsolment dclarecontre la balance du commerce. Tandis que partout ailleurs
les conomistes, gardiens vigilants de tous les monopoles et
de la proprit, se tiennent sur la dfensive et se bornent
carter comme utopiques les prtentions des novateurs ; sur
la question prohibitive, ils ont euxmmes commenc
l'attaque ; ils ont cri haro sur le monopole , comme si le
monopole leur ft apparu pour la premire fois ; et ils ont
rompu en visire la tradition, aux intrts locaux, aux
principes conservateurs, la politique leur souveraine, et,
pour tout dire, au sens commun. Il est vrai que malgr leurs
anathmes et leurs dmonstrations prtendues, le systme
prohibitif est aussi vivace aujourd'hui, malgr l'agitation
anglofranaise, qu'aux temps abhorrs de Colbert et dePhilippe Ii. cet gard, on peut dire que les dclamations de
la secte, comme on nommait l'cole conomiste il y a un
sicle, prouvent chaque mot le contraire de ce qu'elles
avancent, et sont accueillies avec la mme mfiance que les
prdications des communistes.
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J'ai donc prouver, conformment la marche adopte
dans cet ouvrage, d'abord contre les partisans du systme
prohibitif, que la libert du commerce est de ncessit
conomique, aussi bien que de ncessit naturelle ; ensecond lieu, contre les conomistes antiprotecteurs, que
cette mme libert, qu'ils regardent comme la destruction du
monopole, est au contraire la dernire main donne
l'dification de tous les monopoles, la consolidation de la
fodalit mercantile, la solidarit de toutes les tyrannies
comme de toutes les misres. Je terminerai par la solutionthorique de cette antinomie, solution connue, dans tous les
sicles, sous le nom de balance du commerce. Les
arguments qu'on fait valoir en faveur de la libert absolue du
commerce sont connus : je les accepte dans toute leur
teneur ; il me suffira donc de les rappeler en quelques pages.
Laissons parler les conomistes euxmmes. supposez les
douanes inconnues, que se seraitil pass ? ... etc. j'abrge
ici cette description, dgnre en une fantaisie dont
l'auteur, M Fix, n'a d' ailleurs pas t dupe. Le bonheur du
genre humain n'a pas tenu si peu de chose qu'aux
gabelous ; et quand la douane n'et jamais exist, il aurait
suffi de la division du travail , des machines, de la
concurrence, du monopole et de la police, pour crer partoutl'oppression et le dsespoir. Ce qui suit ne mrite aucun
reproche. supposons qu' cette poque un citoyen de
chaque gouvernement ft venu dire : ... etc. j'ai rapport
tout au long cet argument ngatif, et trop potique peuttre,
pour satisfaire toutes les intelligences.
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Devant le public, la libert ne se dfend jamais mieux que
par le tableau des misres de l'esclavage. Toutefois, comme
cet argument en luimme ne prouve et n'explique rien, il
reste dmontrer thoriquement la ncessit du l ibrecommerce. La libert du commerce est ncessaire au
dveloppement conomique, la cration du bientre dans
l'humanit, soit que l'on considre chaque socit dans son
unit nationale et comme faisant partie de la totalit de
l'espce, soit qu'on ne voie en elle qu'une agglomration
d'individus libres, aussi matres de leurs biens que de leurspersonnes. Et d'abord les nations sont les unes l'gard des
autres comme de grandes individualits entre lesquelles a
t divise l'exploitation du globe. Cette vrit est aussi
vieille que le monde ; la lgende de No, partageant la terre
entre ses fils, n'a pas d'autre sens. taitil possible que la
terre ft spare en une myriade de compartiments, dans
chacun desque l s au ra i t vcu , sans so r t i r e t sans
communiquer avec ses voisins, une petite socit ? Pour se
convaincre de l 'impossibilit absolue d'une pareille
hypothse, il suffit de jeter les yeux sur la varit des objets
qui servent la consommation, nonseulement du riche,
mais du plus modeste artisan, et de se demander si cette
varit pouvait tre acquise par l'isolement. Allons droit aufond : l'humanit est progressive ; c'est l son trait distinctif,
son caractre essentiel. Donc le rgime cellulaire tait
inapplicable l' humanit, et le commerce international tait
la condi t ion premire , e t s ine qu non , de notre
perfectibilit. De mme donc que le simple travailleur,
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chaque nation a besoin d'change : c'est par l seulement
qu'elle s'lve en richesse, intelligence et dignit. Tout ce
que nous avons dit de la constitution de la valeur entre les
membres d'une mme socit est galement vrai des socitsentre elles ; et de mme que chaque corps politique parvient
sa constitution normale par la solution progressive des
antinomies qui se dveloppent dans son sein, c'est aussi par
une quation analogue entre les nations que l'humanit
marche sa constitution unitaire. Le commerce de nation
nation doit donc tre le plus libre possible, afin qu' aucunesocit ne soit excommunie du genre humain, afin de
favoriser l'engrenage de toutes les activits et spcialits
collectives, et d'acclrer l 'poque, prvue par les
conomistes, o toutes les races ne formeront plus qu'une
famille, et le globe un atelier. Une preuve non moins
concluante de la ncessit du commerce libre se dduit de la
libert individuelle et de la constitution de la socit en
monopoles, constitution qui, ainsi que nous l'avons fait voir
dans le cours du premier volume, est ellemme une
ncessit de notre nature et de notre condition de
travailleurs. D'aprs le principe de l'appropriation
individuelle et de l'galit civile, la loi ne reconnaissant
aucune solidarit de producteur producteur, non plus qued'entrepreneur salari, aucun exploitant n'a le droit de
rclamer, dans l'intrt de son monopole particulier, la
subordination ou la gne des autres monopoles. La
consquence est que chaque membre de la socit a le droit
illimit de se pourvoir, comme il l'entend, des objets
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ncessaires sa consommation, et de vendre ses produits
tel acheteur et pour tel prix qu'il trouve. Tout citoyen est
donc fond dire son gouvernement : ou livrezmoi le
sel, le fer, le tabac, la viande, le sucre, au prix que je vousoffre, ou laissezmoi ailleurs faire ma provision. Pourquoi
seraisje contraint de soutenir, par la prime que vous me
forcez de leur payer, des industries qui me ruinent, des
exploiteurs qui me volent ? Chacun dans son monopole,
chacun pour son monopole ; et la libert du commerce pour
tout le monde ! Dans un systme dmocratique, la douane,institution d'origine seigneuiale et rgalienne, est donc
chose odieuse et contradictoire. Ou la libert, l'galit, la
proprit sont des mots, et la charte un papier inutile ; ou
bien la douane est une violation permanente des droits de
l'homme et du citoyen. Aussi, au bruit de l' agitation
anglaise, les feuilles dmocratiques de France ontelles
gnralement pris parti pour le principe abolitionniste.
Libert ! ce nom la dmocratie, comme le taureau devant
qui on agite un drapeau rouge, entre en fureur. Mais la
raison conomique par excellence de la l ibert du
commerce, est celle qui se dduit de l'accroissement de la
richesse collective et de l'augmentation du bientre pourchaque particulier, par le seul fait des changes de nation
nation. Que la socit, que le travailleur collectif ait
avantage changer ses produits, on ne peut le mettre en
doute, puisque par cet change la consommation, tant plus
varie, est par consquent meilleure. Que d'autre part les
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citoyens indpendants et insolidaires d'aprs la constitution
du travail et le pacte politique, aient tous individuellement le
droit de profiter des offres de l'industrie trangre, et d'y
chercher des garanties contre leurs monopoles respectifs,cela n'est pas davantage susceptible de contestation .
Mais jusquel on n'aperoit qu'un change de valeurs, on
ne voit pas qu'il y aitaugmentation . Pour le dcouvrir, il
faut considrer la chose sous un autre aspect. On peut
dfinir l' change : une application de la loi de division laconsommation des produits . Comme la division du travail
est le grand ressort de la production et de la multiplication
des valeurs, de mme la division de la consommation, par le
moyen de l'change, est l'instrument d'absorption le plus
nergique de ces mmes valeurs. En un mot, diviser la
consommation par la varit des produits et par l'change,
c'est augmenter la puissance de consommer ; comme en
divisant le travail dans ses oprations parcellaires, on
augmente sa puissance productrice.
Supposons deux socits inconnues l'une l'autre, et
consommant annuellement chacune pour centmillions de
valeurs : si ces deux socits, dont nous supposons aussique les produits diffrent les uns des autres, viennent
changer leurs richesses, au bout de quelque temps la
somme de consommation, la population restant la mme, ne
sera plus de deux cents millions , elle sera de deux cent
cinquante . Bref, les habitants des deux pays, une fois mis en
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rapport, ne se borneront pas un simple change de leurs
produits, ce qui ne serait qu' une substitution ; la varit
invitera les uns et les autres jouir des produits trangers,
sans abandonner les produits indignes, ce qui augmenteratout la fois, de part et d'autre, le travail et le bientre.
Ainsi la libert du commerce, ncessaire l'harmonie et au
progrs des nations, ncessaire la sincrit du monopole
et l'intgralit des droits politiques, est encore une cause
d'accroissement de richesse et de bientre pour les
particuliers et pour l'tat. Ces considrations gnralesrenferment toutes les raisons positives qu'il est possible
d'allguer en faveur du commerce libre, raisons que
j'accepte toutes d'avance, et sur lesquelles je crois inutile
d'insister davantage, personne d'ailleurs, que je sache, n'en
contestant l'vidence. Au rsum, la thorie du commerce
international n'est qu'une extension de la thorie de la
concurrence entre les particuliers. Comme la concurrence
est la garantie naturelle, nonseulement du bon march des
produits, mais aussi du progrs dans le bon march ; de
mme le commerce international, indpendamment de
l'augmentation de travail et de bientre qu'il cre, est la
garantie naturelle de chaque nation contre ses propres
monopoles, garantie qui, dans la main d'un gouvernementhabile, peut devenir un instrument de haute police
industrielle, plus puissant que toutes les lois rglementaires
et les maximums. Des faits innombrables, des vexations
monstrueuses ou ridicules, viennent ensuite justifier cette
thorie. mesure que la protection livre au monopole le
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consommateur sans dfense, on voit les plus tranges
dsordres, les crises les plus furieuses agiter la socit, et
mettre en pril le travail et le capital. " la chert factice des
houilles, des fers, des laines, des bestiaux, dit M Blanqui,n'est qu'un impt prlev sur la communaut,... etc.
" tous ces effets du rgime protecteur, signals par M
Blanqui, sont vrais et dposent contre les entraves apportes
la libert du commerce. Malheureusement nous les verrons
natre tout l' heure, avec une intensit non moins grande,de la libert ellemme ; tellement que si, pour gurir le mal,
on devait conclure avec M Blanqui l'extirpation absolue de
la cause morbifique, il faudrait conclure la fois contre
l'tat, contre la proprit, contre l 'industrie, contre
l'conomie politique.
Mais nous n'en sommes pas encore l'antinomie :
poursuivons nos citations.
le privilge, le monopole, la protection, qui des uns
retombe en cascade sur les autres,... etc. certes, le tableau
n'est pas flatt ; et c'est affaire aux conomistes pour dire la
vrit, toute la vrit, sur les misres sociales, lorsqu'ils s' ytrouvent engags par l'intrt de leurs utopies. Mais, si le
principe tant accus de la protection n'est autre que le
principe constitutif de l'conomie politique, le monopole,
qui se rencontre partout sur le chemin, dit M Rossi ; si ce
principe est la proprit ellemme, la proprit, cette
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religion du monopole ; n'aije pas droit d'tre scandalis de
l ' inconsquence, pour ne pas d i re de l 'hypocr is ie
conomiste ? Si le monopole est chose si odieuse, pourquoi
ne le pas attaquer sur son pidestal ?
Pourquoi l'encenser d'une main, et tirer contre lui l'pe de
l'autre ? Pourquoi ce dtour ? Toute exploitation exclusive,
toute appropriation soit de la terre, soit des capitaux
industriels, soit d'un procd de fabrication, constitue un
monopole : pourquoi ce monopole ne devientil odieux quedu jour o un monopole tranger, son rival, se prsente pour
lui faire concurrence ? Pourquoi le monopole estil moins
respectable du compatriote au compatriote, que de l'indigne
l'tranger ?
Pourquoi, en France, le gouvernement n'osetil attaquer
direc tement la coal i t ion houi l l re de la Loire , e t
invoquetil, contre les nationaux, les armes d'une sainte
alliance ? Pourquoi cette intervention de l'ennemi du dehors
contre l'ennemi du dedans ? Toute l'Angleterre est debout
aujourd'hui pour la libert des changes : on dirait un appel
fait aux russes, aux gyptiens, aux amricains, par les
monopoleurs de l 'industrie dans ce pays, contre lesmonopoleurs du sol. Pourquoi cette trahison, si c'est
vraiment le monopole qu'on attaque ? Les millions de bras
nus de l'Angleterre ne sontils pas assez forts contre
quelques milliers d'aristocrates ? " quand on dira, s'criait M
Senior, l'un des membres les plus influents de la ligue,
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quand on dira, et avec toute vrit, aux ouvriers... etc.
"
pas un mot de cette harangue qui ne retombe plomb sur
les abolitionnistes. Quand on dira aux ouvriers que le
monopole, dont on feint de les vouloir dlivrer par
l'abolition des douanes, devait recevoir une nouvelle nergie
de cette abolition ; que ce monopole, bien autrement
profond qu'on ne le voulait avouer, consiste, non passeulement dans la fourniture exclusive du march, mais
aussi, mais surtout dans l'exploitation exclusive du sol et des
machines, dans l'appropriation envahissante des capitaux,
dans l'accaparement des produits, dans l'arbitraire des
changes ; quand on leur fera voir qu'ils ont t sacrifis aux
spculations de l'agiotage, livrs, pieds et poings lis, la
rente du capital ; que de l sont issus les effets subversifs du
travail parcellaire, l 'oppression des machines, les
soubresauts dsastreux de la concurrence et cette inique
drision de l'impt ; quand on leur montrera ensuite
comment l'abolition des droits protecteurs n'a fait qu'tendre
le rseau du privilge, multiplier la dpossession et coaliser
contre le proltariat les monopoles de tous les pays ; quandon leur racontera que la bourgeoisie lectorale et dynastique,
sous prtexte de libert, a fait les plus grands efforts pour
maintenir, consolider et prparer ce rgime de mensonge et
de rapine ; que des chaires ont t cres, des rcompenses
proposes et dcernes, des sophistes gags, des journaux
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stipendis, la justice corrompue, la religion invoque pour le
dfendre ; que ni la prmditation, ni l'hypocrisie, ni la
violence n'ont manqu la tyrannie du capital : penseton
qu' la fin ils ne se lveront pas dans leur colre, et qu'unefois matres de la vengeance, ils se reposeront dans
l'amnistie ? nous regrettons , ajoutait M Senior, de jeter
ainsi l'alarme... etc. et moi aussi je regrette de sonner
l'alarme ; et ce mtier d' accusateur que je fais est le dernier
qui convenait mon temprament. Mais il faut que la vrit
soit dite et que justice se fasse ; et si je crois que labourgeoisie ait mrit tous les maux dont on la menace, mon
devoir est d'tablir la preuve de sa culpabilit. Et, en vrit,
qu'estce que ce monopole que je poursuis dans sa forme la
plus gnrale, tandis que les conomistes ne le voient et ne
le rpudient que sous l'habit vert du douanier ? C'est, pour
l 'homme qui ne possde ni capi taux ni propr i t ,
l'interdiction du travail et du mouvement , l'interdiction de
l'air, de la lumire et de la subsistance ; c'est la privation
absolue, la mort ternelle. La France, sans habits, sans
chaussure, sans chemises, sans pain et sans viande ; prive
de vin, de fer, de sucre et de combustible ; l' Angleterre
dsole par une famine perptuelle, et livre aux horreurs
d'une misre qui dfie la description ; les races appauvries,dgnres, redevenues sauvages et farouches : tels sont les
signes pouvantables par lesquels s'exprime la libert, quand
elle est frappe par le privilge, quel qu'il soit, et comprime
dans son essor. On croit entendre la voix de ce grand
coupable que Virgile place dans les enfers, enchan sur un
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trne de marbre : ... etc.
Aujourd'hui, la nation la plus commerante du monde, la
plus dvore par toutes les espces de monopoles queprotge, consacre et professe l'conomie politique, s'est
leve tout entire et comme un seul homme contre la
p r o t e c t i o n ; l e g o u v e r n e m e n t a d c r t , a u x
applaudissements de tout le peuple, l'abolition des tarifs ; la
france, travaille par la propagande conomique, est la
veille de suivre l'impulsion de l'Angleterre et d' entraner sa suite toute l'Europe. Il s'agit d'tudier les consquences de
cette grande innovation, dont l'origine n'est point nos yeux
assez pure, ni le principe assez profond, pour ne pas nous
inspirer de mfiance. Iincessit de la protection.
Si je n'avais opposer la thorie du libre commerce que
des raisons toutes nouvelles, des faits que j'aurais seul et le
premier aperus, on pourrait croire que la contradiction que
je vais faire surgir de cette thorie n'est qu'une rcration de
mon orgueil, une envie dmesure de me signaler par le
paradoxe ; et ce prjug suffirait pour ter tout crdit mes
paroles. Mais je viens dfendre la tradition universelle, la
croyance la plus constante et la plus authentique ; j'ai pourmoi le doute des conomistes euxmmes, et l'antagonisme
des faits qu'ils rapportent ; et c'est cet antagonisme, ce
doute, cette tradition que j'explique et qui me justifient. M
Fix, que j'ai cit tout l'heure pour la libert, crivain plein
de rserve, de circonspection et de mesure, et l'un des
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conomistes les plus clairs de l'cole de Say, a donn
luimme, dans les termes suivants, la contrepartie de sa
premire proposition : les conomistes avancs, qui
n'admettent aucune acception,... etc. ces paroles sontellesassez nergiques et assez claires ? Il est regrettable que
l'auteur, au lieu de s'arrter devant le fait matriel, n'ait pas
dduit thoriquement les motifs de ses terreurs. Sa critique
aurait joui d'une autorit que n' obtiendra pas la mienne ; et
peuttre le problme de la balance du commerce, rsolu
par un conomiste de premier ordre, disciple et ami de Say,et fourni une rgle l'opinion, et prpar les bases d'une
vritable association entre les peuples. Mais M Fix, imbu
des thories conomiques, et persuad de leur certitude, ne
pouvait aller au del du pressentiment de leur contradiction.
Qui croirait, aprs l'effrayant programme qu'on vient de lire,
que M Fix ait eu le courage de terminer par cette trange
pense : cela ne dtruit en rien l'excellence de la thorie, et
la possibilit de son application ! ...
pour moi, je ne puis m'empcher de le redire : plus je vis,
plus j'approfondis les opinions des hommes, et plus je trouve
que nous sommes des espces de prophtes, inspirs d'un
souffle surnaturel, et parlant de l'abondance du dieu qui nousfait vivre. Mais, hlas ! En nous il n'y a pas rien que le dieu,
il y a aussi la brute, dont les suggestions furieuses ou
stupides nous troublent sans cesse la raison, et font divaguer
notre enthousiasme. Nonseulement donc le gnie fatidique
de l'humanit me force de supposer un dieu, il faut encore
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que j'admette, pour complment d'hypothse , qu'en
l'homme vit et respire tout le rgne animal : le thisme a
pour corollaire la mtempsycose. Quoi ! Voici une thorie
contredite par des faits constants et universels, rsultatsspontans de l'nergie humaine, et qui ne peuvent pas ne se
pas produire ; et cette thorie, qui aurait d commencer par
nous donner la philosophie de ces mmes faits, et qui les
repousse sans les entendre, on la dclare indubitable,
excellente ! voici une thorie que ses partisans dclarent
inapplicable la France, l'Angleterre, la Belgique, l'Allemagne, l'Europe entire et aux cinq parties du
monde ; car c'est tre inapplicable que de ne pouvoir tre
applique sans causer d' immenses dsastres , sans rendre
improductifs d'normes capitaux , sans ter le pain et le
travail des centaines de mille ouvriers , sans tuer la moiti
de la fabrication d' un pays ; une thorie, disje, qui,
malgr le dsir des gouvernements, est inapplicable au
dixneuvime sicle, comme au dixhuitime, comme au
dixseptime, comme tous les sicles antrieurs ; une
thorie qui sera encore inapplicable demain, aprsdemain,
et dans la suite des sicles, puisque toujours, sur chaque
point du globe, par l'effet des activits nationales et
individuelles, par la constitution des monopoles et par lavarit des climats, il se produira des divergences d'intrts
et des rivalits, consquemment, sous peine de mort ou de
servitude, des coalitions et des exclusions : et l'on n'en
persiste pas moins, pour l'honneur de l'cole, affirmer la
possibilit d'appliquer cette thorie ! Prenez patience, nous
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disentils : le mal caus par la libert des changes sera
passager, tandis que le bien qui en rsultera sera permanent
et incalculable. Que m'importent ces promesses de bonheur
l' adresse de la postrit, dont rien ne garantit laralisation, et qui sans doute, si jamais elles se ralisent,
seront compenses par d'autres dsastres ? Que m'importe
de savoir, par exemple, que l'Angleterre nous aurait fourni
I 5 o francs les Ioo kilos les mmes rails que nous payons
nos fabricants 359 fr 5 oc, et que l'tat aurait gagn ce
march 2 oo millions ; que le refus d'admettre les bestiauxtrangers nos foires a fai t baisser chez nous l a
consommation de la viande de 25 pioo par tte, et que la
sant publique en est affecte ; que l' introduction des laines
trangres, amenant une rduction moyenne de I franc par
pantalon, laisserait 3 o mill ions dans la poche des
contribuables ; que les droits sur les sucres ne profitent en
ralit qu'aux fraudeurs ; qu'il est absurde que deux pays
dont les habitants se voient de leurs fentres se trouvent plus
spars les uns des autres que par une muraille de la
Chine : que m'importent, disje, toutes ces diatribes,
lorsqu'aprs m' avoir mu par le spectacle des misres
prohibitionnistes, on vient refroidir mon zle par la
considration des maux incalculables que la nonprotectionentranera ? Si nous prenons les fers anglais, nous gagnons
cela 2 oo millions ; mais nos fabriques succombent, notre
industrie mtallurgique est dmantele, et cinquante mille
ouvriers se trouventsans travail et sans pain ! O est
l'avantage ? C'est, diton, qu'aprs ce sacrifice, nous aurons
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perptuit le fer bas prix. J'entends : nos arrireneveux
nous devront cet ombrage.
Mais moi, je prfre travailler un peu plus, et ne pasmourir : le soin de mes enfants ne peut aller jusqu' me jeter
dans le gouffre, pour qu'ils aient le plaisir de compter parmi
leurs anctres un Curtius. Ah ! Si ma position changeait ; si
je pouvais, sans compromettre ma libert et mon existence,
accepter ces offres avantageuses ; si du moins j'tais sr du
bnfice promis mes descendants, croiton que jersistasse ? ... une question d'opportunit, c'estdire,
comme on le verra bientt , une question d'ternit, domine
tout le dbat, et spare les partisans de la protection de ceux
du libre commerce. Les conomistes, si ddaigneux des
faiseurs d'utopies, procdent ici comme les faiseurs
d'utopies : ils demandent un grand sacrifice, une subversion
immense, des misres inoues, en change d'une ventualit
de bientre incer ta ine, i r ral isable de leur aveu
immdia tement , ce qu i , pour la soc i t , s ign i f ie
ternellement.
Et ils s'indignent que l'on n'ajoute aucune foi leurs
calculs ! Pourquoi donc n'abordentils pas plus rsolmentla difficult ? Pourquoi n'essayentils pas de dcouvrir au
mal qui rsulterait de l'abolition de certains monopoles /
comme ils l' ont entrepris, et avec quel succs ! Pour la
division du travail, les machines, la concurrence et l'impt /,
sinon des compensations, au moins des palliatifs ? Allons,
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messieurs, entrez en matire, car jusqu' prsent vous vous
tes tenus au vague de l'annonce : montrez comment la
thorie du libre commerce est applicable, c'estdire
bienfaisante et rationnelle, malgr la rpugnance desgouvernements et des peuples, malgr l'universalit et la
permanence des inconvnients. Que faudraitil, votre avis,
pour qu'elle ft ralise partout, cette thorie, sans que la
ralisation occasionnt ces immenses dsastres dont vous
parliez tout l 'heure, sans qu'elle appesantt sur le
proltariat le joug du monopole, sans qu'elle compromt lalibert, l'galit, l'individualit des nations ? Quel serait le
nouveau droit entre les peuples ? Quels rapports crer
entre le capitaliste et l'ouvrier ? Quelle intervention du
gouvernement dans le travail ? Toutes ces recherches vous
appartiennent ; toutes ces explications, vous nous les devez.
Peuttre, par la tendance de votre thorie, tesvous
vousmmes , sans vous en douter, une nouvelle secte de
socialistes : ne craignez point les rcriminations. Le public
est trop sr de vos intentions conservatrices, et, quant aux
socialistes, ils seraient trop heureux de vous voir dans leurs
rangs pour vous faire cette chicane. Mais que faisje ? Il est
peu gnreux de provoquer des raisonneurs d'autantd'innocence que les conomistes. Montronsleur plutt,
chose nouvelle pour la plupart , qu'ils sont dans le vrai
toutes les fois qu'ils se contredisent, et que leur thorie du
libre commerce en particulier n'a de mrite que parce qu'elle
est la thorie du libre monopole. N'estce pas chose
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vidente de soi, claire comme le jour, aphoristique comme
la rondeur du cercle, que la libert du commerce, en
supprimant toute entrave aux communications et aux
changes, rend par cela mme le champ plus libre tous lesantagonismes, tend le domaine du capital, gnralise la
concurrence, fait de la misre de chaque nation, ainsi que de
son aristocratie financire, une chose cosmopolite, dont le
vaste rseau, dsormais sans coupures ni solutions de
continuit, embrasse dans ses mailles solidaires la totalit de
l'espce ?
Car, enfin, si les travailleurs, comme les germains dont
parle Tacite, comme les tartares nomades, les arabes
pasteurs et tous les peuples demi barbares, ayant reu
chacun leur portion de terrain, et devant par euxmmes
produire tous les objets de leur consommation, ne
communiquaient point entre eux par l'change, il n'y aurait
jamais ni riche ni pauvre ; personne ne gagnerait, mais aussi
personne ne se ruinerait. Et si les nations, comme les
familles dont elles se composent, produisant leur tour tout
chez elles, tout pour elles, n'entretenaient aucunes relations
commerciales, il est sensible encore que le luxe et la misre
ne pourraient passer de l'une l'autre par ce vhicule de l'change, que nous pouvons trsbien ici appeler la
contagion conomique. C'est le commerce qui cre tout la
fois la richesse et l'ingalit des fortunes ; c'est par le
commerce que l 'opulence et le pauprisme sont en
progression continue.
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Donc l o s'arrte le commerce, l cesse en mme temps
l' action conomique, et rgne une immobile et commune
mdiocrit.
Tout cela est d'une telle simplicit, d'un bon sens si
vulgaire , d'une vidence si premptoire, qu'il devait
chapper aux conomistes : car le propre des conomistes
tant de ne jamais admettre la ncessit des contraires, sa
destine est d'tre toujours en dehors du sens commun. Nous
avons dmontr la ncessit du commerce libre : nous allonscomplter cette thorie en montrant comment la libert, plus
elle obtient de latitude, plus elle devient pour les nations
commerantes une cause nouvelle d'oppression et de
brigandage. Et si nos paroles rpondent notre conviction,
nous aurons dvoil le sens de la rforme entreprise avec
tant de fracas chez nos voisins d'outreManche ; nous aurons
mis nu la plus grande de toutes les mystifications
conomiques. L'argument capital de Say, qui dans la
croisade organise contre le rgime protecteur joua le rle d'
un Pierre L'Ermite, consiste dans ce syllogisme : majeure .
Les produits ne se payent que par des produits,... etc. en
consquence, JB Say pose comme corollaires de son
fameux principe, les produits ne se payent qu'avec desproduits, les propositions suivantes : I une nation gagne
d'autant plus que la somme des produits qu'elle importe
surpasse la somme des produits qu'elle exporte ; 2 les
ngociants de cette nation gagnent d'autant plus que la
valeur des retours qu'ils reoiventsurpasse la valeur des
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marchandises qu'ils ont exportes au dehors . Cette
argumentation, qui est l'inverse de celle des partisans du
systme mercantile, a paru si claire, si dcisive, les effets
subversifs du rgime protecteur lui venant en aide, que tousles hommes d'tat, qui se piquent d' indpendance et de
progrs, tous les conomistes de quelque valeur l'ont
adopte. On ne raisonne mme plus avec ceux qui dfendent
l'opinion contraire, on les tourne en ridicule. " on oublie en
gnral que les produits se payent avec des produits...
etc. " et dans les numros du mme journal, novembre I
844, avril,
juin, juillet I 845, un conomiste d'un remarquable talent,
plein de la philanthropie la plus gnreuse, dirig, ce qui
paratra surprenant, par les ides les plus galitaires, un
homme que je louerais davantage, s'il n'avait d sa subite
clbrit une thse inadmissible, se chargea de prouver,
aux applaudissements de tout le public conomiste : que
niveler les conditions du travail, c'est attaquer l'change
dans son principe ; qu'il n'est pas vrai que le travail d'un
pays puisse tre touff par la concurrence des contres plus
favorises ; que cela ftil exact, les droits protecteurs n'galisent pas les conditions de production ; que la libert
nivelle ces conditions autant qu'elles peuvent l'tre ; que ce
sont les pays les moins favoriss qui gagnent le plus dans les
changes ; que la ligue et Robert Peel ont bien mrit de l'
humanit par l'exemple qu'ils donnent aux autres nations ; et
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que tous ceux qui prtendent et soutiennent le contraire sont
des sisyphistes . Certes M Bastiat, des Landes, peut se flatter
d'avoir, par l'audace et l'aplomb de sa polmique, merveill
les conomistes euxmmes, et fix peuttre ceux dont lesides sur le libre commerce taient encore flottantes : quant
moi, j' avoue que je n'ai rencontr nulle part de sophismes
plus subtils , plus serrs, plus consciencieux, et d'un air de
vrit plus franche, que les sophismes conomiques de M
Bastiat. J' ose dire, cependant, que si les conomistes de
notre temps cultivaient moins l'improvisation et un peu plusla logique, ils eussent facilement aperu le vice des
arguments du Cobden des Pyrnes ; et qu'au lieu de
chercher entraner la France industrielle la suite de
l'Angleterre par une abolition totale des barrires, ils se
fussent cris : garde nous ! les produits s'achtent avec
des produits ! voil sans doute un magnif ique, un
incontestable principe, pour lequel je voudrais qu'une statue
ft rige JB Say. En ce qui me regarde, j' ai dmontr
la vrit de ce principe en donnant la thorie de la valeur ;
j'ai prouv de plus que ce principe tait le fondement de
l'galit des fortunes, ainsi que de l'quilibre dans la
production et dans l'change. Mais quand on ajoute, comme
second terme du syllogisme, que l'or et l'argent monnayssont une marchandise comme une autre , on affirme un fait
qui n'est vrai qu'en puissance ; on fait par consquent une
gnral isat ion inexacte , dmentie par les notions
lmentaires que fournit l' conomie politique ellemme
sur la monnaie. L'argent est la marchandise qui sert
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d'instrument aux changes, c'estdire, comme nous
l'avons fait voir, la marchandiseprincesse, la marchandise
par excellence, celle qui est toujours plus demande
qu'offerte, qui prime toutes les autres, acceptable en toutpayement, et, par suite, devenue reprsentative de toutes les
valeurs, de tous les produits, de tous les capitaux possibles.
En effet, qui a marchandise, n'a pas encore pour cela
richesse ; il reste remplir la condition d'change, condition
prilleuse, comme l'on sait, sujette mille oscillations et
mille accidents. Mais qui a monnaie a richesse : car ilpossde la valeur la fois la plus idalise et la plus relle ;
il a ce que tout le monde veut avoir ; il peut, au moyen de
cette marchandise unique, acqurir, quand il voudra, aux
conditions les plus avantageuses, et dans l'occasion la plus
favorable, toutes les autres ; en un mot il est, par l'argent,
matre du march.
Le dtenteur de l'argent est dans le commerce comme
celui qui, au jeu d'hombre, tient les atouts. On peut bien
soutenir que toutes les cartes ont entre elles une valeur de
position et une valeur relative ; on peut mme ajouter que le
jeu ne peut s' effectuer que par l'change de toutes les cartes
les unes contre les autres : cela n'empche pas que l'atout neprenne les autres couleurs, et, parmi les atouts, que les
premiers n' enlvent les autres. Si toutes les valeurs taient
dtermines et constitues comme l'argent, si chaque
marchandise pouvait tre, immdiatement et sans perte,
accepte en change d'une autre, il serait tout fait
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indiffrent, dans le commerce international, de savoir si
l'importation dpasse ou non l'exportation. Cette question
mme n'aurait plus de sens, moins que la somme des
valeurs de l'une ne dpasst la somme des valeurs de l'autre.
Dans ce cas, ce serait comme si la France changeait une
pice de 2 ofr contre une livre sterling, ou un boeuf de 4 o
quintaux contre un de 3 o. Par le premier troc, elle aurait
gagn 2 opioo ; par le second, elle aurait perdu 25. En ce
sens, JB Say aurait eu raison de dire qu' une nation gagned'autant plus que la valeur des marchandises qu'elle importe
surpasse la valeur des marchandises qu'elle exporte . Mais
tel n'est point le cas dans la condition actuelle du
commerce : la diffrence de l'importation sur l' exportation
s'entend uniquement des marchandises pour lesquelles une
quantit de numraire a d tre donne comme appoint ; or,
cette diffrence n'est point du tout indiffrente. C'est ce qu'
avaient parfaitement compris les partisans du systme
mercantile, qui n'taient autre chose que des partisans de la
prrogative de l'argent. On a dit, rpt, imprim, qu'ils ne
considraient comme richesse que le mtal. Calomnie pure.
Les mercantilistes savaient aussi bien que nous que l'or et
l 'argent ne sont pas la richesse, mais l ' instrumenttoutpuissant des changes, par consquent le reprsentant
de toutes les valeurs qui composent le bientre, un
talisman qui donne le bonheur. Et la logique ne leur a pas
fait dfaut, non plus qu'aux peuples, quand, par synecdoque,
ils ont appel richesse l'espce de produit qui, mieux
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qu'aucun autre, condense et ralise toute richesse. Les
conomistes, au reste, n'ont pas mconnu l'avantage qui s'
attache la possession de l'argent. Mais comme, ainsi qu'on
peut le voir par tous leurs crits, ils n'ont jamais su serendre compte thoriquement de cette acception de la
marchandise or et argent ; comme ils n'y ont vu qu'un
prjug populaire ; comme enfin, leurs yeux, les matires
monnayes ne sont qu'une marchandise ordinaire, laquelle
n'a t prise pour instrument d' change que parce qu'elle
est plus portative, plus rare et moins altrable ; lesconomistes ont t conduits par leurs thories, tranchons le
mot, par leur ignorance de la monnaie, en mconnatre le
vritable rle dans le commerce ; et leur guerre contre les
douanes n'est autre chose, au fond, qu'une guerre contre
l'argent. J'ai fait voir au chapitre de la valeur que le
privilge de l'argent lui vient de ce qu'il a t ds l' origine
et qu'il est encore la seule valeur dtermine qui circule
dans les mains des producteurs. Je crois inuti le de
reprendre ici cette question puise ; mais il est facile de
comprendre, d'aprs ce qui a t dit, et ce sera l'objet
particulier du chapitre suivant, pourquoi celui qui possde
le numraire, qui fait mtier de louer ou de vendre de
l'argent, obtient par cela seul une supriorit marque surtous les producteurs ; pourquoi enfin la banque est la reine
de l'industrie comme du ngoce. Ces considrations, fondes
sur les donnes les plus lmentaires et les plus indniables
de l'conomie politique, une fois introduites dans le
syllogisme de Say, toute sa thorie du libre commerce et des
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dbouchs, si tourdiment embrasse par ses disciples,
n'apparat plus que comme l'extension indfinie de la chose
mme contre laquelle ils dclament, la spoliation des
consommateurs, le monopole. Poursuivons d'abord ladmonstration thorique de cette antithse : nous viendrons
ensuite l' application et aux faits. Say prtend qu'entre les
nations l' argent n'a pas les mmes effets qu'entre les
particuliers. Je nie positivement cette proposition, que Say
n'a mise que parce qu'il ignorait la vraie nature de
l'argent. Les effets de l' argent, bien qu'ils se produisententre les nations d'une manire moins apparente, et surtout
moins immdiate, sont exactement les mmes qu'entre
simples particuliers. Supposons le cas d'une nation qui
achterait sans cesse de toutes sortes de marchandises, et ne
rendrait jamais en change que son argent. J' ai le droit de
faire cette supposition extrme, comme l' conomiste dont
j'ai rapport plus haut les paroles avait le droit de dire que
si l'Angleterre nous donnait ses produits pour rien, les
prohibitionnistes, pour tre consquents, devraient crier
la trahison. J'use du mme procd, et pour mettre en relief
l'impossibili t du rgime contraire, je commence par
supposer une nation qui achte tout et ne vend rien. En dpit
des thories conomiques, tout le monde sait ce que celaveut dire. Qu'arriveratil ? Que la partie du capital de
cette nation, qui consiste en mtaux prcieux, s'tant
coule, les nations venderesses en renverront la nation
acheteuse moyennant hypothque ; ce qui veut dire que
cette nation, comme les proltaires romains destitus de
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patrimoine, se vendra ellemme pour vivre. cela que
rpliqueton ? On rplique par le fait mme que tout le
monde redoute, et qui est la condamnation du libre
commerce. On dit que l'argent se faisant rare d'un ct,abondant de l 'autre , i l y aura ref lux des capitaux
mtalliques des nations qui vendent la nation qui achte ;
que celleci pourra profiter du bas prix de l'argent, et que
cette alternative de hausse et de baisse ramnera l'
quilibre. Mais cette explication est drisoire : l'argent se
donneratil pour rien, au nom de Dieu ? Toute la questionest l. Si faible, si variable que soit l'intrt des sommes
empruntes, pourvu que cet intrt soit quelque chose, il
marquera la dcadence lente ou rapide, continue ou
intermittente, du peuple qui, achetant toujours et ne vendant
jamais, s' aviserait d'emprunter sans cesse ses propres
marchands. Tout l'heure nous verrons ce que devient un
pays quand il s'aline par l'hypothque. Ainsi, la dsertion
du capital national, que Say avait trsjudicieusement
signale comme la seule chose craindre d'une importation
excessive, cette dsertion est invitable : elle s'accomplit,
non, il est vrai, par le transport matriel du capital, mais
par le transport de la rente, par la perte de la proprit : ce
qui est exactement la mme chose. Mais les conomistesn'admettent pas le cas extrme que nous supposions tout
l'heure, et qui leur donnerait trop videmment tort. Ils
obsevent, et avec raison du reste, qu' aucune nation ne traite
exclusivement avec de l'argent ; qu'il faut donc se borner
raisonner sur le rel, non sur l' hypothtique ; aprs avoir
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trouv bon, pour rfuter leurs adversaires, d'en pousser les
principes jusqu'aux dernires consquences, ils ne souffrent
pas qu'on en use de mme avec eux : ce qui implique de
leur part l'aveu qu'ils ne croient plus leurs propresprincipes, ds lors qu'on essaye de pousser ces principes
jusqu'au bout. Plaonsnous donc avec les conomistes sur
le terrain de la ralit, et sachons si du moins leur thorie ,
en la prenant par le justemilieu, est vraie. Or, je soutiens
que le mme mouvement de dsertion se manifestera,
quoiqu'avec moins d'intensit, lorsqu'au lieu de payer latotalit de ses acquisitions en argent, le pays importateur en
soldera une partie par ses propres produits. Comment estil
possible de rendre obscure une proposition d'une vidence
mathmatique ? Si la France importe chaque anne pour
Ioo millions de produits anglais, et qu'elle rexpdie en
Angleterre pour 9 o millions des siens : 9 o millions de
marchandises franaises servant couvrir 9 o millions de
marchandises anglaises, le surplus de cellesci sera sold
avec de l'argent, sauf le cas o le solde se ferait en lettres de
change tires sur d'autres pays, ce qui sort de l'hypothse.
Ce sera donc comme si la France alinait Io millions de son
capital, et vil prix encore ; car, lorsque viendra l'emprunt,
il est clair que peu d'argent sera donn contre une grossehypothque. Autre erreur des conomistes. Aprs avoir mal
propos assimil l'argent aux autres marchandises, les
adversaires de la protection commettent une confusion non
moins grave, en assimilant les effets de la hausse et de la
baisse sur l'argent, aux effets de la hausse et de la baisse
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sur les autres espces de produits. Comme c'est sur cette
confusion que roule principalement leur thorie du libre
commerce, il est ncessaire, pour clairer la discussion, que
nous remontions aux principes. L'argent, avonsnous dit auchapitre Ii, est une valeur variable, mais constitue ; les
autres produits, l' immense majorit du moins, sont
nonseulement variables dans leur valeur, mais livrs
l'arbitraire. Cela signifie que l'argent peut bien varier sur
une place dans sa quantit , de telle sorte qu'avec la mme
somme, on obtiendra tantt plus, tantt moins d'une autremarchandise ; mais il reste invariable dans sa qualit, je
demande pardon au lecteur d'employer si souvent ces termes
de mtaphysique, c'estdire que malgr les variations de
la proportionnalit de la marchandise montaire, cette
marchandise n'en reste pas moins la seule acceptable en tout
payement, la suzeraine de toutes les autres, celle dont la
valeur, par un privilge temporaire si l'on veut, mais rel, est
socialement et rgulirement dtermine dans ses
oscillations, et dont par consquent la prpondrance est
invinciblement tablie.
Supposez que le bl montt tout coup et se soutnt un
certain temps un prix extraordinaire, pendant que l'argentdescendrait au tiers ou au quart de sa valeur : s'ensuivraitil
que le bl prendrait la place de l'argent, qu'il mesurerait
l'argent, qu' il pourrait servir acquitter l'impt, les effets de
commerce, les rentes sur l'tat, et liquider toutes les
affaires ?
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Assurment non. Jusqu' ce que, par une rforme radicale
dans l' organisation industrielle, toutes les valeurs produites
aient t constitues et dtermines comme la monnaie / si
tant est que cette constitution puisse jamais tre dfinitive /,l'argent conserve sa royaut, et c' est de lui seul qu'on peut
dire qu'accumuler de la richesse, c' est accumuler du
pouvoir. Lors donc que les conomistes, confondant toutes
ces notions, disent que si l'argent est rare dans un pays, il y
revient appel par la hausse, je rponds que c 'est
prcisment la preuve que ce pays s'aline, que c'est en celaque consiste la dsertion de son capital. Et lorsqu'ils ajoutent
que les capitaux mtalliques, accumuls sur un point par une
exportation suprieure, sont forcs de s'expatrier ensuite et
de revenir sur les points vides afin d'y chercher de l' emploi,
je rplique que ce retour est justement le signe de la
dchance des peuples importateurs, et l'annonce de la
royaut financire qu'ils ont attire sur eux. Au reste, le
phnomne si important de la subalternisation des peuples
par le commerce n'a chapp aux conomistes que parce
qu'ils se sont arrts la superficie du fait, et qu'ils n'en ont
pas scrut les lois et les causes. Quant la matrialit de
l'vnement, ils l'ont aperue : ils ne se sont mpris que sur
la signification et les consquences. Sur ce point, comme surtous les autres, c'est encore dans leurs crits qu'on trouve
rassembles toutes les preuves qui les accablent. Je lis dans
les dbats du 27 juilleti 845, que la valeur des exportations
de la France en I 844 a t de 4 o millions infrieure celle
des importations, et qu'en I 843 cette mme diffrence avait
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t de I 6 o millions. Ne parlons pas des autres annes : je
demande l' auteur de l'article, qui n'a pas manqu cette
occasion de desserrer une ruade au systme mercantile, ce
qu'il est advenu de ces 2 oo millions en espces, qui ontservi d'appoint, et que la France a pays ? la hausse des
capitaux dans notre pays a d les faire revenir : voil ce qu'il
doit rpondre, d'aprs JB Say. il parat, en effet, qu'ils
sont revenus : toute la presse politique et industrielle nous a
appris qu'un tiers des capitaux engags dans nos chemins de
fer, pour ne citer ici que cette branche de spculation, taientdes capitaux suisses, anglais, allemands ; que les conseils
d'administration desdits chemins de fer taient forms en
partie d'trangers, prsids par des trangers, et que
plusieurs voies, la plus productive entre autres, celle du
Nord, avaient t adjuges des trangers. Cela estil clair ?
Des faits analogues se passent sur tous les points du
territoire : presque toute la dette hypothcaire de l'Alsace est
inscrite au profit des capitalistes blois, par l'entremise
desquels le capital national export revient, sous l'estampille
trangre, asservir ceux qui jadis en taient les propritaires.
Les capitaux mtalliques sont donc revenus, et ils ne sont
pas revenus pour rien : on avoue cela. Or, contre quoi
ontils t changs leur retour, c'estdire prts ?Estce contre des marchandises ?
Non, puisque notre importation est toujours suprieure
notre exportation ; puisque, pour soutenir cette exportation
telle quelle, nous sommes forcs de nous dfendre encore de
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l' importation. C'est donc contre des rentes, contre de
l'argent, puisque, si peu que rapporte l'argent, cet emploi de
leurs capitaux est meilleur pour les trangers que d'acheter
nos marchandises, dont ils n'ont pas besoin, et qu'ils aurontmme la fin, ainsi que notre argent. Donc nous alinons
notre patrimoine, et nous devenons chez nous les fermiers
de l' tranger : comment comprendre aprs cela que plus
nous importons, plus nous sommes riches ? C'est ici, et le
lecteur le comprendra sans peine, qu'est le noeud de la
difficult. Aussi, malgr l' attrait que peuvent avoir les faitsdans une pareille polmique, ils doivent cder le pas
l'analyse : je demande donc la permission de me tenir pour
quelque temps encore dans la thorie pure. M Bastiat, cet
Achille du libre commerce dont la brusque apparition a
bloui ses confrres, mconnaissant le rle souverain de
l'argent dans l 'change, et confondant avec tous les
conomistes la valeur rgulirement oscillante de la
monnaie avec les fluctuations arbitraires des marchandises,
s'est jet la suite de Say dans un ddale d'arguties capable
peuttre d' embarrasser un homme tranger aux rubriques
commerciales, mais qui se dbrouille avec la plus grande
facilit au flambeau de la vraie thorie de la valeur et de
l'change, et ne laisse apercevoir bientt que la misre desdoctrines conomiques. " voil, dit M Bastiat, deux pays,
Aetb. A possde sur B toutes sortes d'avantages. Vous en
concluez que le travail se concentre en A, et que B est dans
l'impuissance de rien faire.
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qui parle de concentration et d'impuissance ?
Plaonsnous franchement dans la question. Nous
supposons deux pays qui, abandonns leurs facults
propres, produisent des objets similaires ou du moinsanalogues, mais l'un en abondance et bas prix, l'autre en
petit nombre et chrement. Ces deux pays, par l'hypothse,
n' ont jamais t en rapport : il n'y a donc pas lieu jusquel
de parler de concentration du travail chez l 'un, ni
d'impuissance chez l'autre. Il est clair que leur population et
leur industrie sont en raison de leurs facults respectives.Or, il s'agit de savoir ce qui adviendra lorsque ces deux pays
se seront mis en rapport par le commerce. Telle est
l'hypothse : dites si vous l'acceptez ou non ? A vend
beaucoup plus qu'il n'achte ; B achte beaucoup plus qu'il
ne vend... etc. arrtonsnous un moment, avant d'arriver
la conclusion de M Bastiat. Malgr la clart de son style, cet
crivain aurait frquemment besoin d' un commentaire qui
l'explique. Le bon march, tant nominal que rel, qui se
produit en B la suite de ses relations avec A, est l'effet
direct de la supriorit productive de A, effet qui ne peut
jamais devenir plus puissant que sa cause. En autres termes,
quelles que soient les oscillations des valeurs changeables
dans les deux pays considrs respectivement ; que lessalaires, la houille, le fer, etc., viennent hausser en A,
pendant qu' ils baisseront en B, il est vident que le
soidisant bon march qui rgne en B, ne peut jamais faire
concurrence la chert prtendue qui se manifeste en A,
puisque le premier est le rsultat de la seconde, et que les
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industriels de A restent toujours matres du march. En
effe t , les sa la i res , c 'es tdire tous les produi ts
quelconques, ne peuvent jamais en A forcer la demande des
entrepreneurs qui en font pour le pays l'exportation ,demande qui se rgle son tour sur l'tat du march de B. D'
autre part, la baisse occasionne en B ne peut jamais devenir
pour les exploitants de ce pays un moyen de lutter contre
leurs concurrents de A, puisque cette baisse est le rsultat de
l' importation, non des ressources naturelles du sol. Il en est
cet gard du pays importaeur comme d'une horloge dont lepoids est arriv au bas, et qui, pour marcher, attend qu'une
force trangre la remonte. M Bastiat, en identifiant l'argent
avec les autres espces de marchandises, a cru trouver le
mouvement perptuel : et comme cette identit n'est pas
vraie, il n'a rencontr que l'inertie. dans ces circonstances,
continue notre auteur, l'industrie aura toutes sortes de
motifs,... etc.
" cette conclusion serait sans rplique, n'tait l'observation
que nous avons glisse entre la chert nominale de A et le
bon march rel de B. M Bastiat ayant perdu de vue le
rapport de causalit qui rend la mercuriale de celuici
dpendant de la mercuriale de celuil, s'est imagin que lesmtaux prcieux iraient se promener d'A en B, et de Bena,
comme l' eau dans le niveau, sans autre but, sans autre
consquence, que de rtablir l'quilibre et de combler des
vides. Que ne disaitil, ce qui et t plus clair et plus vrai :
quand les ouvriers de B verront leur salaire se rduire et leur
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travail diminuer par l'importation des marchandises de A, ils
quitteront leur pays, ils iront euxmmes travailler en A,
comme les irlandais sont alls en Angleterre ; et par la
concur rence qu ' i l s f e ron t aux ouvr ie r s de A , i l scontribueront ruiner de plus en plus leur ancienne patrie,
en mme temps qu'ils augmenteront la misre gnrale dans
leur patrie adoptive. Alors la grande proprit et la grande
misre rgnant partout, l'quilibre sera tabli... trange
pouvoir de fascination exerc par les mots ! M Bastiat vient
de constater luimme la dchance du pays B : et, l'esprittroubl de hausse et de baisse, de compensation, d'quilibre,
de niveau, de justice, d'algbre, il prend le noir pour le
blanc, l'oeuvre d' Ahrimane pour celle d'Orsmud, et
n'aperoit, dans cette dchance manifeste, qu'une
restauration ! Quand les industriels de A, enrichis par leur
commerce avec B, ne sauront plus que faire de leurs
capitaux, ils les porteront, ditesvous, en B. C' est trsvrai.
Mais cela signifie qu'ils iront acheter en B des maisons, des
terres, des bois, des rivires et des pturages ; qu'ils s'y
formeront des domaines, se choisiront des fermiers et des
serfs, et y deviendront seigneurs et princes de par l' autorit
que les hommes respectent le plus, l'argent. Avec ces grands
feudataires, la richesse nationale, expatrie, rentrera au pays,apportant la domination trangre et le pauprisme. Peu
importe, du reste, que cette rvolution s'accomplisse d'une
manire lente ou subite. Les brusques transitions, comme dit
fort bien M Bastiat, rpugnent la nature ; les conqutes
commerciales ont pour mesure la diffrence des prix de
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revient dans les nations envahissantes et les nations
envahies. Peu importe aussi que la nouvelle aristocratie
vienne du dehors, ou se compose d'indignes enrichis par
l'usure et la banque, alors qu'ils servaient d'intermdiairesentre leurs compatriotes et les trangers. La rvolution dont
je parle ne tient pas essentiellement une immigration des
trangers, pas plus qu' l'exportation du sol. La division du
peuple en deux castes, sous l'action du commerce extrieur,
et l'lvation d'une fodalit mercantile dans un pays jadis
libre et dont les habitants pouvaient, sauf les autres causesde subalternisation, rester gaux, voil l'essence de cette
rvolution, le fruit invitable du libre commerce, exerc
dans des conditions dfavorables.
Quoi donc ! Parce que nous n'aurons pas vu le sol franais
traverser la Manche et se perdre dans la Tamise ; que rien n'
aura t modifi dans notre gouvernement, nos lois et nos
usages ; parce qu'une colonie expdie de toutes les nations
avec lesquelles nous faisons des changes, ne viendra pas se
mettre aux lieu et place de nos trentecinq millions
d'habitants, rien ne sera chang suivant vous ! Les
dpouilles du pays, revenues sous la forme de crances
hypothcaires, auront divis la nation en nobles et serfs, etnous n'aurons rien perdu ! L'effet du libre commerce aura
t de renforcer et d'accrotre l'action des machines, de la
concurrence, du monopole et de l'impt ; et quand la masse
des travailleurs vaincus, grce l'invasion trangre, aura
t livre la merci du capital, elle devra garder le silence ;
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quand l'tat obr n'aura plus pour ressource que de se
vendre et de prostituer la patrie, il faudra qu'il s'humilie
devant le gnie sublime des conomistes ! Estce que
j'exagre, par hasard ? Ne saiton pas que le Portugal, payslibre politiquement, pays qui a son roi, son culte, sa
constitution, sa langue, est devenu, par le trait de Mthuen
e t l e l ib re commerce , une possess ion ang la i se ?
L'conomiste anglican nous auraitil dj fait perdre le sens
de l'histoire ; et seraitil vrai, pour emprunter le style figur
d'un dfenseur du travail national, que le bordelais veuilleouvrir de nouveau la France l'anglais, comme il fit jadis
sous lonore De Guienne ? Serai ti l vrai qu 'une
conspiration existe dans notre pays pour nous vendre
l'aristocratie banquire de l'Europe, comme les marchands
du Texas ont vendu rcemment leur pays aux tatsUnis ?
la question du Texas, ceci est extrait de l' un de nos
journaux les plus accrdits et les moins suspects de
prjugs prohibitionnistes, tait au fond une question d'
argent. Le Texas avait une dette fort considrable pour un
pays sans ressources. L'tat avait pour cranciers presque
tous ses citoyens influents ; et l'objet principal de ceuxci
tait de se faire rembourser de leurs crances, peu leur
importait par qui. ils ont ngoci de l'indpendance du pays,n'ayant autre chose vendre. Les tatsUnis leur ont
toujours paru bien plus en tat de payer que le Mexique ; et
s'ils avaient consenti tout d'abord prendre leur charge
les dettes du Texas, l' annexion aurait t depuis longtemps
un fait accompli. /constitutionnel, 2 aoti 845. / voil ce
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qu'et voulu empcher M Guizot, et ce qu'il ne sut expliquer
la tribune, lorsque l'opposition vint lui demander compte
de ses ngociations relativement au Texas. Quel effroi ce
ministre et jet parmi sa majorit boutiquire, s'il se ftmis dvelopper cette thse magnifique, si digne de son
talent oratoire : les influences mercantiles sont la mort aux
nationalits , dont elles ne laissent subsister que le
squelette !
M Bastiat, qu'il me permette de lui en exprimer ici toutema reconnaissance, est pntr du socialisme le plus pur : il
aime pardessus tout son pays ; il professe hautement la
doctrine de l'galit. S'il a pous avec tant de dvouement
la cause du libre commerce ; s'il s'est fait le missionnaire des
ides de la ligue, c'est qu'il a t sduit, comme tant d'autres,
par ce grand mot de libert, qui par luimme, n'exprimant
qu 'une spon tan i t vague e t ind f in ie , conv ien t
merveilleusement tous les fanatismes, ennemis ternels de
la vrit et de la justice.
Sans doute la libert, pour les individus comme pour les
nations, implique galit ; mais c'est seulement lorsqu'elle
s'est dfinie, lorsqu'elle a reu de la loi sa forme et sapuissance, et non point tant qu'elle reste abandonne
ellemme, dpourvue de toute dtermination, comme elle
existe chez le sauvage. La libert, ainsi entendue, n'est,
comme la concurrence des conomistes, qu'un principe
contradictoire, une funeste quivoque : nous allons en
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acqurir une nouvelle preuve. " en dfinitive, observe M
Bastiat, ce n'est pas le don gratuit de la nature que nous
payons dans l'change, c'est le travail humain. J'appelle chez
moi un ouvrier : il arrive avec une scie.
Je paye sa journe 2 francs ; il me fait vingtcinq
planches.
Si la scie n'et pas t invente, il n'en aurait peuttre pas
fait une seule, et je ne lui aurais pas moins pay sa journe.l'utilit produite par la scie est donc pour moi un don gratuit
de la nature, ou plutt c'est une portion de l'hritage que j'ai
reu en commun, avec tous mes frres, de l' intelligence de
mes anctres... donc, la rmunration ne se proportionne
pas aux utilits que le producteurporte sur le march, mais
son travail... donc enfin le libre commerce, ayant pour
objet de faire jouir tous les peuples des utilits gratuites de
la nature, ne peut jamais porter prjudice aucun .
j'ignore ce que Mm Rossi, Chevalier, Blanqui, Dunoyer,
Fix, et autres dfenseurs des pures traditions conomiques,
ont pens de cette doctrine de M Bastiat, qui, cartant d'un
seul coup et mettant au nant tous les monopoles, fait du
travail l'unique et souverain arbitre de la valeur. Ce n'estpas moi, on le pense bien, qui attaquerai la proposition de
M Bastiat, puisqu' mes yeux elle est l'aphorisme de
l'galit mme, et qu'en consquence la condamnation du
libre commerce, au sens que l' entendent les conomistes, s'y
trouve. ce n'est pas l' utilit gratuite de la nature que je dois
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payer, c'est le travail ! telle est la loi de l'conomie sociale,
loi encore peu connue, reste jusqu' ce jour enveloppe
dans ces espces de mythes qui par leurs oppositions la
mettent peu peu dcouvert, division du travail, machines,concurrence, etc. M Bastiat, vrai disciple de Smith, a
suprieurement reconnu et dnonc ce qui doit tre, et par
consquent ce qui vient, Quod Fit ; il a compltement oubli
ce qui est. Pour que la loi du travail, l'galit dans l'change,
s'accomplisse sincrement, il faut que les contradictions
conomiques soient toutes rsolues ; ce qui signifie,relativement la question qui nous occupe, que hors de
l'association, la libert du commerce n'est toujours que la
tyrannie de la force. Ainsi, M Bastiat explique trsbien
comment l'usage de la scie est devenu pour tous un don
gratuit. Mais il est certain qu'aujourd'hui, avec nos lois de
monopole, si la scie tait inconnue, l'inventeur, prenant
aussitt un brevet, s'approprierait, autant qu'il serait en lui ,
le bnfice de l'instrument. Or, telle est prcisment la
condition de la terre, des machines, des capitaux et de tous
les instruments de travail ; et M Bast iat part d'une
supposition tout fait fausse, ou, si l'on aime mieux, il
anticipe illgitimement sur l'avenir, lorsque opposant la
concurrence au monopole et les rgions tropicales aux zonestempres, il nous dit : si par un heureux miracle la
fertilit de toutes les terres arables venait s'accrotre,... etc
" oui, encore une fois, vous crieraije de toute la force de
ma voix, c'est le travail qui fait la valeur, non pas, comme
vous le disiez tout l'heure, et comme l'enseignent tous vos
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confrres qui vous applaudissent sans vous comprendre,
l'offre et la demande ; c'est le travail qui doit se payer et s'
changer, non l'utilit gratuite du sol : et vous ne pouviez
r ien di re qui dmontr t mieux vot re bonne foi e tl'incohrence de vos ides. Dans de telles conditions, la
libert la plus absolue des changes est toujours avantageuse
et ne peut jamais devenir nuisible. Mais les monopoles, mais
les privilges de l ' industrie, mais la prlibation du
capitaliste, mais les droits seigneuriaux de la proprit, les
avezvous abolis ? Avezvous seulement un moyen de lesabolir ? Croyezvous mme la possibilit, la ncessit de
leur abolition ? Je vous somme de vous expliquer, car il y va
du salut et de la libert des nations ; en pareille matire,
l'quivoque devient parricide. Tant que le privilge du
territoire national et la proprit individuelle seront par vous
sousentendus, la loi de l'change dans votre bouche sera un
mensonge ; tant qu'il n'y aura pas association et solidarit
consentie entre les producteurs de tous les pays, c'estdire
communaut des dons de la nature et change seulement des
produits du travail, le commerce extrieur ne fera que
reproduire entre les races le phnomne d'asservissement et
de dpendance que la division du travail, le salariat, la
concurrence et tous les agents conomiques oprent entre lesindividus ; votre libre commerce sera une duperie, si vous
ne prfrez que je dise une spoliation exerce de vive force.
La nature, pour amener les peuples favoriss l'association
gnrale, les a spars des autres par des barrires naturelles
qui mettent une entrave leurs invasions et leurs
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conqutes. Et vous, sans prendre de garanties, vous levez
ces barrires ! Vous jugez inutiles les prcautions de la
nature ! Vous jouez l' indpendance d'un peuple, pour
satisfaire l'gosme d'un consommateur qui ne veut pas trede son pays ! Au monopole du dedans vous ne savez
opposer que le monopole du dehors, toujours le monopole,
tournant ainsi dans le cercle fatal de vos contradictions !
Vous nous promettez que le travail changera le travail ; et
il se trouve l'change que c'est le monopole qui s'est
chang contre le monopole, et que Brennus, l'ennemi dutravail, a jet furtivement son pe dans la balance ! La
confusion du vrai et du rel, du droit et du fait ; l'embarras
perptuel o jette les meilleurs esprits l'antagonisme de la
tradition et du progrs, semblent avoir t M Bastiat jusqu'
l'intelligence des choses de la pratique la plus vulgaire.
Voici un fait qu'il rapporte, en preuve de sa thse :
autrefois, disait un manufacturier la chambre de commerce
de Manchester, nous exportions des toffes ; ... etc. ne
voiltil pas une merveilleuse justification du libre
commerce ! La Prusse, l 'Autriche, la Saxe, l 'Italie,
dfendues par leurs douanes et limites dans leurs achats par
la mdiocrit de leur richesse mtallique, n'admettaient lesproduits anglais que sous bnfice d'escompte, n'en
prenaient que ce qu'elles pouvaient payer. Les capitaux
anglais, entravs et impatients, sortent de leur pays, vont se
naturaliser dans ces contres inaccessibles, se faire
autrichiens, prussiens, saxons, corriger, par leur migration,
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l'injustice du sort. L, sous la protection des mmes douanes
qui auparavant les tenaient distance, et qui maintenant les
protgent, seconds par le travail des indignes dont leurs
possesseurs ne se distinguent plus, ils s'emparent du march,font concurrence la mre patrie, refoulent successivement
tous ses produits, d'abord les toffes, puis les fils, puis les
machines, puis, ce qui tait surtout dangereux, les prts
usuraires ; et dans cette opration de nivellement des
conditions du travail, dans ce fait qui accuse si hautement la
ncessit pour chaque peuple de n'accepter les produits deses voisins que sous la condition d'galit dans l'change, et
leurs capitaux qu' titre de mise de fonds et non de prt, on
trouve un argument en faveur de la libert du commerce !
Ou je n'y comprends plus rien moimme, ou M Bastiat
confond de nouveau les choses les plus disparates,
l'association et le salariat, l' usure et la commandite. La
contradiction, qui dans la thori e de la balance du
commerce, de mme que dans toutes les autres, a gar les
conomistes, a pourtant frapp l'esprit de M Bastiat . Un
moment il a paru saisir les deux faces du phnomne :
malheureusement la logique est chose encore si peu connue
en France, que M Bastiat, qui l'opposition des principes
commandait de conclure par une synthse, s'en est rapport cet axiome de mathmaticien, qui n'est vrai qu'en
mathmatiques, savoir, que de deux propositions, l'une tant
dmontre fausse, l'autre ncessairement est vraie.
l'homme, ditil, produit pour consommer : ... etc.
jusquel, c 'est irrprochable d' observation et de
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raisonnement. Mais c'tait l aussi que gisait la difficult ;
c'tait sous cette opposition dcevante qu' tait cach le
pige tendu la sagacit de M Bastiat. Quel parti prendre,
en effet, je ne dis pas entre moi producteur et mon voisinconsommateur, ou vice vers ; pour rsoudre cette question,
il ne faut pas la personnaliser, il faut au contraire la
gnraliser ; quel parti prendre donc, entre les producteurs
d ' u n e n a t i o n , q u i e n s o n t e n m m e t e m p s l e s
consommateurs ; et les consommateurs de cette mme
nation, qui en sont aussi les producteurs ? dfaut delogique, le bon sens disait qu'il tait absurde de donner la
prfrence l'une ou l' autre de ces catgories, puisque,
dsignant, non plus des castes, mais des fonctions
corrlatives, elles embrassent galement tout le monde.
Mais l'conomie politique, cette science de la discorde, ne
sait pas voir les choses avec cet ensemble : pour elle, il n'y a
jamais dans la socit que des individus opposs d'intrts et
de droits. M Bastiat, malheur ! A os choisir, et il s'est
perdu. puisque les deux intrts se contredisent, l'un d'eux
doit ncessairement concider avec l'intrt social en
gnral, et l'autre lui tre antipathique... et M Bastiat de
prouver trslonguement et trsdoctement que, l'intrt du
consommateur tant plus social en gnral que celui duproducteur, c'est de ce ct que les gouvernements doivent
faire pencher la protection. Estil dmontr maintenant,
j'adresse cette question aux lecteurs comptents, que tout ce
qui manque aux conomistes, c'est de savoir raisonner ?
Vous l'avez dit vousmme : l'intrt du consommateur est
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identique dans la socit celui du producteur ; par
consquent, en matire de commerce international, il faut
raisonner de la socit comme de l'individu : comment donc
avezvous pu sparer l'un de l'autre ces deux intrts ? Vousne pouvez vous figurer un consommateur achetant avec
autre chose qu'avec ses produits ; comment prtendezvous
alors qu'il est indiffrent pour une nation d' acheter avec son
argent ou avec ses produits, puisque la consquence de ce
systme est la consommation sans production, c' estdire
la ruine ? Comment oubliezvous que le consommateur, lasocit, ne profite du bon march de ce qu'il achte, qu'
autant qu'il couvre ses achats par une quantit de produits
dans laquelle il a incorpor une valeur gale ? Je vois ce qui
vous proccupe. Vous opposez l'intrt individuel, que vous
appelez production, l'intrt social, que vous nommez
consommation ; et comme vous prfrez l'intrt du plus
grand nombre celui du plus petit, vous n'hsitez pas
immoler la production la consommation. Votre intention
est excellente, et j'en prends acte : mais j'ajoute que vous
vous tes tromp de boule, que vous avez vot blanc quand
vous vouliez dire noir, que la socit a t prise par vous
pour l'gosme, et rciproquement l' gosme pour la socit.
Supposons que, dans un pays ouvert au libre commerce, la
diffrence des importations sur les exportations provienne
d'un seul article, dont la production, si elle et t protge,
aurait fait vivre 2 oooo hommes, sur 3 o millions dont se
compose la nation. Dans votre systme, l'intrt particulier
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de ces 2 oooo producteurs ne peut, ne doit pas l'emporter sur
l ' intrt des 3 o mill ions de consommateurs, et la
marchandise trangre doit tre accueillie. Dans mon
opinion, au contraire, elle doit tre repousse, moinsqu'elle ne puisse tre solde en produits indignes ; et cela,
non par gard pour un intrt de corporation, mais dans
l'intrt de la socit ellemme. J'en ai dit la raison, et il
me suffira de la rappeler en deux mots : c'est que la valeur
montaire n'est pas, quoi qu'on ait dit, une valeur comme
une autre ; c'est qu'avec ses capitaux mtalliques, avec sesvaleurs les plus idalises et les plus solides, une nation perd
sa substance, sa vie et sa libert. Un homme qui perdrait
continuellement son sang par la piqre d'une aiguille n'en
mourrait pas en une heure, sans doute, mais il pourrait en
mourir en quinze jours ; et peu importerait que l' coulement
se ft par la gorge ou par le petit doigt. Ainsi, en dpit de
l'gosme monopoleur, en dpit de la loi de proprit qui
assure chacun l'entire disposition de ses biens, des fruits
de son travail et de son industrie, les membres d'une mme
nation sont tous solidaires : comment ce rapport, qui est la
fois de justice et d'conomie, vous atil chapp ?
Comment n'avezvous pas aperu l'antinomie qui bondissait
sous votre plume ? Dplorable effet des prjugs d'cole ! MBastiat, jugeant la question du libre commerce du point de
vue troit de l'gosme, alors qu'il croit se placer sous le
large horizon de la socit, appelle thorie de la disette celle
qui consiste dans son essence / je ne dfends point les
irrgularits et les vexations de la douane / assurer le
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solde des produits trangers par une livraison quivalente
de produits indignes, sans laquelle l'achat des produits
trangers, quelque prix qu' il se fasse, n'est en ralit
qu'appauvrissement. Et il nomme thorie de l'abondancecelle qui demande l'entre en franchise de toutes les
marchandises du dehors, alors mme qu' elles ne seraient
acquittes qu'en numraire ; comme si une libert de cette
espce, qui ne profite en dernire analyse qu' aux rentiers,
qui n'aboutit qu' rconforter l'oisivet, n' tait pas une
consommation sans change, une jouissance prodigue, unedestruction de capitaux. Une fois engag dans cette route, il
a fallu la parcourir jusqu' la fin ; et la dnomination
baroque de sisyphisme , applique au parti des restrictions,
et ridicule seulement pour l'auteur, est venue terminer cette
longue invective. La thorie du libre monopole une thorie
de l' abondance ! Ah ! Vraiment, s'il n'existait ni philosophes
ni prtres, il suffirait des conomistes pour donner la mesure
de la draison et de la crdulit humaines. Abolissez
simultanment tous les tarifs, disent les conomistes, et la
baisse tant gnrale, toutes les industries profiteront ; il n'y
aura pas de souffrance partielle ; le travail national
augmentera, et vous pourrez courir l'tranger. C'est avec
cette raison d'enfant que M Blanqui, la suite d'une brillantepolmique, rduisit au silence M mile De Girardin, le seul
de nos journalistes qui ait essay de dfendre le principe de
la nationalit du travail. Sans doute, si tous les industriels
d'un pays pouvaient se procurer meilleur march les
matires premires, rien ne serait chang leur condition
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respective ; mais en quoi cela touchetil la difficult ? Il
s'agit de l'quilibre des nations, non de l'quilibre, dans
chaque nation, des industries prives. Or, je reprends
l'observation faite plus haut : cette baisse gnrale, cetavantage d'avoir pour une valeur gale deux journes de
travail ce qui auparavant nous en cotait trois, quoi le
devronsnous ? Serace nos propres efforts, ou bien
l'importation ? La rponse n'est pas douteuse : ce sera l'
importation. Or, si la cause premire du bon march part du
dehors, comment, en ajoutant notre travail, augment desfrais de transports de la matire premire, au produit de
l'tranger, pourronsnous faire concurrence l'tranger ? Et
s'il implique contradiction que la baisse dont l'tranger nous
fait jouir nous mette en tat de lutter contre lui, c'estdire
de payer ses produits avec les ntres, en quelle marchandise
acquitteronsnous ses envois ? Avec notre argent, sans
doute. Prouvez donc que l' argent est une marchandise
comme une autre, ou bien faites que toutes les marchandises
quivalent l'argent : sinon taisezvous, vous n'tes que des
brouillons et des tourdis. Laissons entrer en franchise les
crales, crient aux fermiers les ligueurs anglais, et le prix
des services tant rduit partout, la production du bl anglais
sera moins chre ; et le fermier, et l
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