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PRESENTATION D’UNE BATTERIE NEUROPSYCHOLOGIQUE ET COGNITIVE
POUR L’EVALUATION DE L'APRAXIE GESTUELLE
Philippe PEIGNEUX et Martial VAN DER LINDEN
REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE (2000) Vol. 10(2), 311-362.
Philippe PEIGNEUX, Centre de Recherches du Cyclotron et Service de Neuropsychologie,
Université de Liège
Martial VAN DER LINDEN, Service de Neuropsychologie, Université de Liège
Adresse de correspondance :
Philippe PEIGNEUX
Centre de Recherches du Cyclotron
Université de Liège, Sart Tilman, Bâtiment B30
B-4000 Liège, BELGIQUE
Tel: +32 4 3662316 Fax : +32 4 3662946
Courrier électronique : Philippe.Peigneux@ulg.ac.be
REMERCIEMENTS : P. Peigneux est soutenu par le Pôle d’Attraction Interuniversitaire
PAI/IAP, Programme P4/22, Etat Belge, Bureau du Premier Ministre, Bureau Fédéral pour les
Affaires Scientifiques, Techniques et Culturelles. Les auteurs remercient chaleureusement G.
Goldenberg pour les dessins qui composent les figures 3 et 4, X. Seron, F. Coyette, et M. Van
der Kaa pour les images d’objets issues de leur batterie d’évaluation des agnosies visuelles, J.
Pace pour sa participation à l’administration de la BEP, A. Komaromi pour sa patience lors du
tournage des séquences vidéo, et X. Delbeuck pour son aide lors de la préparation de ce
manuscrit.
TITRE COURANT : BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies
2/65 Revue de Neuropsychologie
RESUME
La Batterie d’Evaluation des Praxies (BEP) est un outil destiné à l’évaluation des praxies
gestuelles des membres supérieurs. Cette batterie est fondée sur une modélisation cognitive du
traitement de l’information gestuelle, qui est adaptée de travaux récents dans le domaine de
l’apraxie. Cette architecture cognitive vise à rendre compte des différentes dissociations de
performance observées auprès de patients cérébrolésés, principalement entre la production et
la réception de gestes, l’imitation de gestes avec signification et l’imitation de gestes sans
signification, et la production de configurations digitales et de configurations manuelles. Ces
dissociations suggèrent l’existence de modules sélectivement dédiés au traitement de
l’information gestuelle, tant à un niveau perceptif que représentationnel, ainsi que l’accès à
des descriptions structurales du corps humain lors des processus d’imitation de gestes. La
conception de la BEP, de la sélection des items au mode d’évaluation des erreurs, a pour
objectif d’analyser les troubles apraxiques dans cette perspective théorique.
MOTS CLES : Apraxie gestuelle – Evaluation - Modélisation Cognitive
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 3/65
ABSTRACT
PRESENTATION OF A COGNITIVE NEUROPSYCHOLOGICAL BATTERY FOR LIMB
APRAXIA ASSESSMENT
The “ Batterie d’Evaluation des Praxies ” (BEP) is a tool for limb praxis assessment,
methodologically based on a cognitive modelling for gestural information processing, adapted
from recent advances in the understanding of apraxia (Rothi, Ochipa, & Heilman, 1997;
Goldenberg, 1995). This cognitive architecture purposes to account for reports of performance
dissociations in subjects with brain damage, mainly performance dissociations between the
production and the reception of gestures, the imitation of meaningful gestures and the
imitation of meaningless gestures, and the production of manual configurations and digital
configurations. These dissociations are highly suggestive for the existence of cognitive
modules, selectively involved in gestural information processing at representational and
perceptual stage, and that there may be an access to structural descriptions of the human body
during meaningless gestures imitation. The BEP is designed with the purpose to analyse such
limb praxis difficulties from this theoretical perspective. The present paper explains the
theoretical framework under which the BEP was elaborated, its methodological settings (item
selection and modalities), the administration procedure, and the quantitative/qualitative
performance analysis. Preliminary data from a sample of normal aged subjects are presented
and discussed.
KEY WORDS : Limb apraxia – Assessment – Cognitive modelling
4/65 Revue de Neuropsychologie
INTRODUCTION
L’évaluation de l’apraxie gestuelle est encore trop souvent négligée lors de l’examen
neuropsychologique. Là où sont systématiquement évaluées les capacités de mémoire verbale
et visuo-spatiale à court ou à long terme, les troubles de l’attention, les habiletés arithmétiques
et visuo-constructives, le langage conversationnel et la dénomination d’objets usuels, pour ne
citer que quelques domaines d’intérêt du neuropsychologue, l’évaluation de l’apraxie n’est
bien souvent envisagée que lorsque le symptôme est évident en cours d’examen, ou que le
patient se plaint spontanément de difficultés gestuelles dans sa vie quotidienne.
Parmi les raisons qui peuvent être invoquées pour expliquer ce relatif désintérêt du
neuropsychologue clinicien pour une pathologie qui affecterait pourtant près de la moitié des
patients victimes d’une lésion cérébrale hémisphérique gauche (De Renzi et al., 1980), on
retrouve encore trop souvent l’idée que l’apraxie est un « symptôme de laboratoire », qui ne
s’exprime que dans le cadre d’un examen spécifique, mais n’a pas de conséquences
particulières sur l’activité quotidienne. Cette conception remonte à l’observation princeps de
Jackson (1878), qui décrivait des patients incapables de mobiliser leur main ou tirer la langue
sur ordre, alors qu’ils pouvaient effectuer ces mêmes mouvements dans le cadre d’activités
quotidiennes automatisées telles que prendre une pomme et la manger. Si l’apraxie se
caractérise principalement par ce que Jackson a appelé une dissociation automatico-
volontaire, alors il y a peu de raisons majeures pour s’intéresser à une pathologie observable
au cours d’un examen formel, mais dont l’impact sur la vie quotidienne est réduit par le fait
même que la plupart des activités gestuelles de notre vie quotidienne sont surapprises et
fortement automatisées. Cette conception, encore présente de nos jours dans les manuels de
neurologie (e.g., Cambier et al., 1994) et de neuropsychologie clinique (e.g., De Renzi &
Faglioni, 1999), est toutefois de plus en plus remise en question par l’observation des
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 5/65
difficultés concrètes que peuvent éprouver les patients apraxiques au cours d’activités
quotidiennes aussi routinières que la prise d’un repas (e.g., voir Schwartz & Buxbaum, 1997).
Par ailleurs, même s’il est généralement reconnu qu’apraxie et aphasie doivent être
considérées comme des entités indépendantes, il n’en reste pas moins vrai que la dominance
commune de l’hémisphère gauche pour les fonctions langagières et gestuelles chez les sujets
droitiers implique la contiguïté des structures cérébrales qui les sous-tendent. On observe ainsi
une co-occurrence relativement élevée de ces deux troubles, qui oscille de 27 à 80% selon les
études (De Renzi & Faglioni, 1999). Dans le domaine du langage, on a pu observer que les
modélisations neuropsychologiques et cognitives de la symptomatologie aphasique ont mené
au développement d’outils d’évaluation et de stratégies d’intervention (Lambert, 1997),
favorisant l’émergence d’une pratique clinique dont les résultats ont alimenté en retour la
réflexion sur la validité de ces modèles. Par contraste, les tentatives récentes de modélisation
cognitive de l’apraxie gestuelle (Rothi et al., 1997a; Roy & Square, 1994) n’ont pas encore
réussi à dissiper entièrement la confusion conceptuelle et terminologique qui caractérise cette
symptomatologie, et un certain empirisme prévaut toujours lors de l’évaluation clinique. De
plus, comme le soulignent Pradat-Diehl et al. (1999), les données sur la rééducation de
patients apraxiques sont rares, et pèchent par l’absence d’une démarche rigoureuse, à
l’exception toutefois d’une étude récente qui montre que des activités de la vie quotidienne
peuvent être rééduquées avec un certain succès dans le cadre de procédures d’apprentissage
sans erreur (Goldenberg & Hagmann, 1998).
Il y a donc à rompre un cercle vicieux qui veut qu’une pathologie soit généralement mal
explorée parce que mal comprise, et généralement mal comprise parce que mal évaluée. Il
nous semble, à la suite d’autres chercheurs (e.g.; Derouesne, 1994; Rothi et al., 1997b; Roy &
Square, 1994; Tate & McDonald, 1995), que la mise au point d’une évaluation structurée,
élaborée en référence à un modèle théorique cognitif, est un pas important pour favoriser une
6/65 Revue de Neuropsychologie
nouvelle dynamique dans l’approche clinique des apraxies. C’est dans ce contexte général que
nous avons développé la Batterie d’Evaluation des Praxies, ou BEP, un outil d’évaluation des
praxies gestuelles des membres supérieurs, théoriquement et méthodologiquement fondé sur
une modélisation cognitive du traitement de l’information gestuelle, que nous avons adaptée à
partir de travaux récents (Goldenberg, 1997; Rothi et al., 1997a).
En créant la BEP, notre objectif était de nous placer dans les meilleures conditions
possibles pour comprendre la symptomatologie apraxique des patients sous l’éclairage des
connaissances théoriques actuelles, ce qui implique bien évidemment qu’il ne s’agit pas ici
d’un protocole immuable. Au contraire, il doit être vu comme un outil de travail destiné tant à
évoluer avec les conceptions théoriques qui le fondent qu’à faire évoluer ces conceptions.
Dans la première partie de cet article, nous décrirons le modèle théorique autour duquel
s’articule la BEP, suite à quoi nous présenterons de manière détaillée la BEP et les conditions
de son élaboration, et par les données obtenues auprès d’une population de sujets âgés
normaux.
MODELISATION DES PRAXIES GESTUELLES DES MEMBRES SUPERIEURS
Le modèle cognitif sur lequel s’appuie la conception de la BEP est en grande partie adapté des
travaux de Rothi et al. (1991, 1997a) qui proposent une architecture cognitive de l’apraxie des
membres supérieurs s’inspirant partiellement du modèle de Roy (1983; Roy & Square, 1985)
et des conceptions associationnistes de Liepman (1920). Structurellement proche des modèles
développés pour rendre compte des troubles de la reconnaissance et de la production de mots,
cette architecture postule cinq niveaux de traitement de l'information gestuelle, chacun
comprenant des modules sélectivement interconnectés, spécialisés pour le traitement
d’informations spécifiques (voir Figure 1). Nous ne rapporterons pas ici l’entièreté des
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 7/65
observations neuropsychologiques qui fondent la validité de ce modèle, qui sont détaillées
dans les articles originaux (Rothi et al., 1991, 1997a).
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INSERER FIGURE 1 VERS CET ENDROIT
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Au premier niveau de traitement, le signal entrant est analysé par une unité perceptive
spécialisée : auditive en cas de consigne verbale, visuelle si l’image d’un objet relié à l’action
à exécuter est présentée, et visuo-gestuelle lors de l’observation d’un geste exécuté par autrui.
Selon Rothi et al. (1991, 1997a), l’idée d’une spécificité des modalités perceptives verbale et
visuelle pour le traitement gestuel s’appuie sur la double observation de patients cérébrolésés
qui pouvaient mimer sur commande verbale des gestes qu’ils ne pouvaient comprendre ou
discriminer (Rothi et al., 1986), et de patients qui pouvaient imiter des gestes qu’ils ne
pouvaient exécuter sur commande verbale (Heilman, 1973). Par ailleurs, la différenciation
postulée entre analyse visuelle de l’objet et analyse visuo-gestuelle repose principalement sur
le fait qu’un des patients de Rothi et al. (1986) ne pouvait discriminer ou comprendre des
gestes d’utilisation d’objets présentés visuellement, mais pouvait malgré tout mimer ces
gestes suite à la présentation d’une image de l’objet à utiliser. La validité de cette dernière
différenciation, encore spéculative lors de son élaboration, a été récemment renforcée par
l’observation inverse, c’est à dire des sujets cérébrolésés présentant un déficit de
reconnaissance visuelle des objets associé à une reconnaissance visuelle normale de gestes
(Ferreira et al., 1998; Schwartz et al., 1998), ainsi que par la mise en évidence d’une
ségrégation de l’activité cérébrale associée à l’analyse visuelle de postures et à l’analyse
visuelle d’objets dans une population normale (Peigneux et al., sous presse).
Au second niveau, des modules de traitement sont spécialisés dans la reconnaissance de
signaux spécifiques en provenance des modules d’analyse perceptive: le lexique phonologique
8/65 Revue de Neuropsychologie
d’entrée pour la parole, le système de reconnaissance des objets pour les objets présentés
visuellement, et le lexique d’entrée des gestes pour les gestes présentés en modalité visuelle.
Selon Rothi et al. (1997a), un lexique de gestes est le lieu où sont stockés les engrammes
moteurs visuo-kinesthésiques qui facilitent la programmation des mouvements appris. Ce
lexique de gestes, qui contiendrait les équivalents fonctionnels des “ formules de
mouvement ” décrites par Liepmann (1908), est de fait séparé en deux entités distinctes : le
lexique gestuel d’entrée, qui contient l’information relative aux codes concernant les attributs
physiques d’une « action perçue », et le lexique gestuel de sortie, qui abrite les codes
concernant les attributs physiques d’une « action à exécuter » (Rothi & Heilman, 1996).
Passant au niveau ultérieur, ces différentes unités lexicales (i.e.; lexique phonologique,
système de reconnaissance des objets, lexique gestuel d’entrée) transmettent les informations
pertinentes vers le système sémantique de l’action qui abrite une base de connaissances
conceptuelles spécifiques aux actions et aux objets qui participent à ces actions (Roy &
Square, 1994). Ochipa et al. (1992) proposent que ce système puisse être spécifiquement
altéré au cours de la maladie d’Alzheimer, ce qui suggère que ce système praxique conceptuel
constitue un registre sémantique autonome (Rothi et al., 1997a), dans la perspective théorique
des systèmes sémantiques multiples (Shallice, 1988).
Au quatrième niveau de traitement, le système sémantique de l’action active les modules
de représentations spécialisés que sont le lexique phonologique de sortie, en cas de
dénomination d’une action, et le lexique gestuel de sortie si l’objectif est l’exécution du geste.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, ce lexique gestuel de sortie abrite des
représentations analogues à celles contenues dans le lexique gestuel d’entrée, mais orientées
vers la production d’une action. De fait, la dissociation des lexiques d’entrée et de sortie des
gestes a été postulée par Rothi et collaborateurs à la suite de l’observation d’une patiente dont
la performance pour l’imitation de gestes connus était plus mauvaise que la performance pour
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 9/65
leur exécution sur commande verbale, alors que la reconnaissance de gestes en modalité
visuelle était correcte (Ochipa et al., 1994). Le raisonnement est le suivant : si la
reconnaissance de gestes est correcte, le déficit en imitation ne peut être expliqué par une
altération des structures de réception (analyse visuo-gestuelle et lexique de geste) qui sont
nécessaires à cette reconnaissance; d’autre part, si l’imitation de gestes est plus mauvaise que
leur exécution sur commande verbale, ceci ne peut être attribué ni à une atteinte des structures
motrices, ni à l’altération d’un lexique gestuel unique, atteintes qui devraient entraîner un
déficit similaire à ces deux modalités, mais aussi perturber la reconnaissance. La solution
proposée par Ochipa et al. (1994) est qu’il existe un lexique gestuel dédié à la réception des
actions et un lexique gestuel dédié à leur production, ce qui implique que la commande
verbale puisse être transmise au lexique gestuel de sortie sans devoir passer par le lexique
gestuel d’entrée. Ainsi, une atteinte en aval du lexique gestuel d’entrée (ou de la voie unissant
les deux lexiques), simultanée à une atteinte du lexique gestuel de sortie, pourrait expliquer
une imitation plus mauvaise que l’exécution sur commande verbale lorsque la réception de
gestes est correcte. Cette explication reste toutefois sujette à caution en ce qu’elle se fonde
principalement sur une seule observation dont la méthodologie n’est pas exempte de critiques,
et qui ne tient pas compte des processus d’imitation par les voies non lexicales (Peigneux et
al., sous presse). Par ailleurs, Riddoch et al. (1989) avaient déjà proposé que les descriptions
structurelles d’objets perçus visuellement peuvent activer directement les structures de
production de gestes sans devoir accéder à la sémantique de l’action. L’observation faite par
Raymer et al. (1995) de patients qui pouvaient mimer l’utilisation d’outils présentés
visuellement tout en étant incapables de mimer ces mêmes gestes ou de les dénommer sur
base de la description verbale de leur fonction est en faveur de cette hypothèse, et justifie le
lien direct qui est proposé entre le système de reconnaissance des objets et le lexique gestuel
de sortie (voir Figure 1).
10/65 Revue de Neuropsychologie
Enfin, les représentations gestuelles “ lexicales ” de sortie vont activer le cinquième
niveau de traitement de l’information gestuelle, à savoir les schémas innervatoires qui
définissent le programme et l’activation des groupes musculaires au sein du système moteur,
pour aboutir à l’exécution du geste requis.
A l’exposé de ce modèle, on constate que les processus de traitement impliqués lors de
tâches telles que la dénomination de gestes, la discrimination entre gestes correctement ou
incorrectement exécutés, l’exécution de pantomimes sur présentation d’outil, sur commande
verbale ou sur imitation, sont des processus qui se déroulent en impliquant différentiellement
les modules d’analyse perceptive (auditive, visuelle, ou visuo-gestuelle), le ou les lexique(s)
gestuels d’entrée et de sortie, le système sémantique de l’action et les schémas innervatoires.
Ils ont en commun d’emprunter une voie de traitement que l’on peut qualifier de voie
“ indirecte” dans le sens où elle fait appel à plusieurs modules intermédiaires et à des
représentations mémorisées des actions. Toutefois, les gestes sans signification ne peuvent pas
être traités au sein de cette voie indirecte, puisqu’ils ne sont pas stockés dans les lexiques de
gestes (qui ne contiennent logiquement que les gestes appris) et ne peuvent donc y activer
aucune représentation correspondante. C’est pourquoi Rothi et al. (1991, 1997a) ont postulé
l’existence d’une voie “ directe ” de traitement pour l’imitation de gestes sans signification,
reliant sans intermédiaire le niveau initial de l’analyse visuelle du geste au niveau terminal des
schémas innervatoires liés à l’exécution du geste. En d’autres termes, lorsqu’aucune
représentation gestuelle familière n’est disponible en mémoire (ce qui est le cas lors d’une
tâche d’imitation de gestes sans signification, ou non familiers), il y aurait un transcodage
direct de l’information visuo-gestuelle perçue en schèmes moteurs appropriés.
La simplicité apparente de ce processus de transformation est toutefois remise en question
par les travaux de Goldenberg (1995, 1996, 1999; voir également Goldenberg & Hagmann,
1997), un auteur qui s’est particulièrement intéressé à l’imitation de gestes sans signification.
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 11/65
Il décrit deux patients cérébrolésés, L.K. et E.N., qui présentaient un déficit sélectif important
pour l’imitation de gestes sans signification, alors que les performances en exécution sur
commande verbale et sur imitation de gestes significatifs étaient parfaites (Goldenberg &
Hagmann, 1997), une dissociation de performances qui est à première vue parfaitement
compatible avec une interruption de la voie directe dans la modélisation de Rothi et al. (1991,
1997a). Toutefois, si L.K. et E.N étaient incapables d'imiter des configurations manuelles sans
signification (e.g., des gestes référencés au corps, et pour lesquels la position du membre
supérieur dans l’espace est importante), L.K. , au contraire de E.N., présentait une capacité
tout à fait préservée d'imitation de configurations digitales sans signification. Une dissociation
de ce type entre l’imitation de configurations digitales et l’imitation de configurations
manuelles pour les gestes sans signification uniquement n’est pas aisément explicable par une
atteinte de la voie directe telle que présentée dans le modèle de Rothi et al., atteinte qui devrait
impliquer des performances indépendantes du type de configuration à reproduire. De plus
chez L.K. et E.N., la dissociation entre configurations manuelles et digitales est absente dans
le cas des gestes significatifs, ce qui ne permet pas d’invoquer une difficulté plus importante
pour l’exécution de certaines catégories de gestes ou une atteinte sélective au niveau des
schémas innervatoires.
Goldenberg (1996) avait déjà montré que l’imitation de configurations digitales et
l’imitation de configurations manuelles sont des processus différentiellement affectés par les
lésions cérébrales hémisphériques droites et gauches. En effet, seuls les patients avec lésion
hémisphérique gauche présentaient des difficultés importantes lors de l’imitation de
configurations manuelles, alors que des difficultés pour l’imitation de configurations digitales
étaient présentes dans les deux groupes. Afin d’expliquer une telle dissociation, Goldenberg
note que l’imitation de configurations digitales se fait habituellement en ayant sa propre main
dans le champ visuel, tout comme l’est la main de l’examinateur. Dans ce cas, un simple
12/65 Revue de Neuropsychologie
processus d’analyse visuo-spatiale peut être suffisant pour soutenir cette tâche de reproduction
de configurations digitales, ce qui peut expliquer la présence d’un tel déficit chez des patients
présentant une lésion de l’hémisphère droit, traditionnellement dominant pour les traitements
visuo-spatiaux. Par contre, il est impossible de voir certaines parties de son propre corps lors
de l’exécution de la plupart des configurations manuelles. Pour pouvoir imiter celles-ci, il faut
dès lors en élaborer une représentation mentale centrée sur le corps, auquel cas le patient va
devoir faire appel à une connaissance générale relative au corps humain.
Pour Goldenberg (1997), cette connaissance générale relative au corps humain se
différencie de la notion de schéma corporel, simple conscience de base de son propre corps,
de ses limites et de son agencement. En fait, la connaissance générale du corps humain
implique une connaissance topographique à propos de l’agencement spatial des parties
significatives du corps humain, qui fournit une information sur les positions particulières des
éléments corporels, la relation de proximité qui existe entre eux, et les frontières qui
définissent chaque élément corporel. Le fait de recourir à un tel codage présente un avantage
économique, puisque seuls les éléments significatifs sont encodés et doivent être maintenus en
mémoire de travail jusqu’à l’exécution du geste. De plus, Goldenberg et Hagmann (1997)
observent que lorsqu'ils devaient reproduire des configurations manuelles sans signification
sur un mannequin anatomiquement articulé, L.K. et E.N commettaient les mêmes erreurs
spatiales que lorsqu’ils devaient imiter ces mêmes configurations sur leur propre corps, tout
comme une population de patients avec lésion hémisphérique gauche dans une étude
précédente (Goldenberg, 1995). Si un déficit similaire peut être observé lors de deux tâches
qui diffèrent totalement tant par les demandes musculaires qu’elles entraînent que par le point
de vue du sujet au moment de l’exécution, alors cela appuie l’idée que le codage de
l’information nécessaire à cette reproduction/imitation est indépendant de la référence au
corps propre et de la position spatiale du corps à imiter. En effet, si la difficulté à imiter
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 13/65
provient simplement du fait que le patient ne peut pas percevoir adéquatement la position de
ses membres en référence à son propre corps, alors ce déficit ne devrait pas se retrouver lors
de la manipulation d’un mannequin, puisque, dans cette situation, tous les éléments corporels
sont visibles.
Les tâches d'imitation de configurations manuelles et d'imitation de configurations
digitales sont ainsi deux tâches impliquant des processus fondamentalement différents, un fait
qui semble avoir été négligé à ce jour dans l’étude des troubles apraxiques, et qui ne peut en
tout cas pas être expliqué dans le cadre de la conception d’une voie directe (Rothi et al.,
1997a) entre analyse visuo-gestuelle et schémas innervatoires. Dans une étude récente,
Goldenberg (1999) montre en outre que des difficultés sélectives pour le traitement de
configurations manuelles sont présentes chez les patients avec lésion hémisphérique gauche
tant lors de l’imitation de gestes que lors d’une tâche d’appariement de ces mêmes gestes; le
fait qu’il n’y a pas de production de gestes dans cette tâche d’appariement renforce
l’hypothèse que ces difficultés ne sont pas d’origine motrice mais reflètent bien une altération
des connaissances à propos du corps humain. L'implication de cette représentation du corps
humain lors de l'exécution et l'imitation de gestes significatifs n’a pas encore fait l'objet
d'études précises; on peut toutefois supposer avec Goldenberg (1999) que dans ce cas, la
présence de représentations préalables au niveau du ou des lexique(s) gestuel(s) diminue
fortement la nécessité de recourir à un recodage de la configuration gestuelle pour aboutir à
son exécution concrète. Des études spécifiques seront nécessaires à la vérification de ces
hypothèses.
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INSERER FIGURE 2 VERS CET ENDROIT
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14/65 Revue de Neuropsychologie
C’est dans cette perspective globale que nous avons modifié le modèle de Rothi et al.
(1997a) afin de prendre en compte la possibilité de dissociations au sein de la voie dite
« directe », et plus particulièrement d’un accès aux connaissances topographiques du corps
humain lors de l’imitation de configurations manuelles sans signification. Par rapport au
modèle de Rothi et al. (1997a), nous avons limité notre architecture aux composantes
cognitives plus spécifiques à l’apraxie gestuelle (voir Figure 2). De plus, nous avons ajouté au
sein de la voie dite « directe » un module intermédiaire de traitement, nommé « Connaissance
du Corps » en référence à la proposition de Goldenberg d’une base de connaissance sur la
topographie et les relations mutuelles des composants significatifs du corps humain. De
même, nous avons également spécifié la possibilité d’imiter des configurations digitales sur la
base d’un processus d’analyse visuo-spatiale. C’est sur cette base cognitive que se fonde la
conception de la BEP que nous allons présenter de manière détaillée dans la section suivante.
PRESENTATION DE LA BATTERIE D’EVALUATION DES PRAXIES (BEP)
Actuellement, il n’existe pas d’outil standardisé permettant d’évaluer spécifiquement les
déficits praxiques sous l’angle d’un modèle cognitif modifié tel que celui que nous venons de
décrire. Parmi les batteries récentes proposées dans la littérature, la Florida Apraxia Battery
(F.A.B.) a été logiquement développée par Rothi et ses collaborateurs (1992, dans Rothi et al.,
1997b) afin de mettre en évidence les dissociations de performances praxiques prédites par
leur modèle. Toutefois, aucun contrôle systématique n’a été exercé dans cette batterie sur la
fréquence des configurations digitales et des configurations manuelles parmi les items de test
significatifs et non significatifs. Par ailleurs, la F.A.B. est un outil élaboré dans le cadre de la
culture américaine; il n’est pas sûr que la signification des gestes soit perçue de la même
manière dans un cadre francophone européen. Un constat similaire d’absence de contrôle de la
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 15/65
fréquence des configurations digitales et manuelles s’applique par ailleurs au protocole
francophone pour l’évaluation des praxies gestuelles proposé par le Gall et collaborateurs
(1994), qui de plus ne se réfère pas de manière claire à un modèle théorique bien défini.
Compte tenu de ces considérations, nous avons développé une batterie d’évaluation qui se
fonde de manière explicite sur un modèle cognitif de l’apraxie gestuelle et prend en compte
les contraintes méthodologique nécessaires à la mise en évidence des processus cognitifs mis
en jeu au cours de la production de gestes significatifs et non significatifs, et de configurations
digitales et manuelles, sous différentes modalités.
1. Structure
Sur le plan méthodologique, la BEP vise à évaluer les composantes du modèle cognitif du
traitement de l’information gestuelle que nous avons présenté (voir Figure 2), par (1) le
recoupement des performances à différentes épreuves utilisant des stimuli comparables (e.g.,
imitation vs. exécution sur commande verbale de gestes significatifs), (2) la comparaison des
performances pour des catégories de stimuli spécifiques, indépendamment de la tâche (e.g.,
configurations digitales vs. manuelles à travers toutes les épreuves), (3) la comparaison des
performances pour des catégories de stimuli spécifiques dans une situation de tâche identique
(e.g., imitation de gestes significatifs vs. imitation de gestes sans signification), et enfin (4)
l’analyse qualitative des erreurs commises lors de la production de gestes.
Par rapport aux trois premiers points cités, huit épreuves ont été définies qui requièrent l’accès
sélectif à certains des processus décrits dans le cadre du modèle. Le dernier point ([4]; analyse
des erreurs) sera discuté dans une section ultérieure. Les huit épreuves et les composantes
cognitives praxiques théoriquement impliquées sont les suivantes :
(a) exécution sur commande verbale de gestes significatifs (pantomimes) : système
sémantique de l’action, lexique gestuel de sortie, schémas innervatoires
16/65 Revue de Neuropsychologie
(b) imitation de gestes significatifs (pantomimes) : analyse visuo-gestuelle, lexique gestuel
d’entrée, système sémantique de l’action, lexique gestuel de sortie, schémas innervatoires
(c) imitation de gestes sans signification : analyse visuo-gestuelle, connaissance
topographique à propos du corps humain, schémas innervatoires
(d) reproduction de postures sur un mannequin (Goldenberg, 1995) : analyse visuo-gestuelle,
connaissance topographique à propos du corps humain (en conjonction avec l’épreuve
précédente)
(e) pantomime sur présentation de l’objet associé (e.g., rasoir, brosse à dents, ...) : analyse
visuelle des objets, système de reconnaissance des objets, système sémantique de l’action,
lexique gestuel de sortie, schémas innervatoires
(f) utilisation concrète d’objets : apport d’informations tactiles et kinesthésiques par la
présence physique de l’objet lors de la performance. A noter toutefois que cette variable n’est
pas prise en compte de manière spécifique dans le modèle.
(g) dénomination de gestes significatifs (pantomimes) : analyse visuo-gestuelle, lexique
gestuel d’entrée, système sémantique de l’action, systèmes verbaux effecteurs
(h) discrimination entre gestes significatifs (pantomimes) et sans signification : analyse visuo-
gestuelle, lexique gestuel d’entrée
Chacune de ces épreuves impliquant plus d’un module de traitement, la formulation d’une
hypothèse portant sur la localisation fonctionnelle du déficit observé ne peut donc se faire que
par le recoupement des performances à différentes épreuves. Par exemple, un déficit
spécifique à l’analyse visuo-gestuelle peut être suggéré par la mise en évidence de résultats
déficitaires aux épreuves d’imitation de gestes avec et sans signification, ainsi qu’aux
épreuves de dénomination et de discrimination de gestes, performances déficitaires
contrastées à des performances parfaites lors de l’exécution de gestes sur commande verbale
et sur la présentation de l’image d’un objet. L’hypothèse de l’existence d’un déficit à ce
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 17/65
niveau serait appuyée par le fait que l’analyse visuo-gestuelle est la seule composante qui soit
commune à toutes les tâches déficitaires, et que la bonne identification des photographies
d‘objets ne permet pas d’expliquer ce déficit par un trouble visuel global.
2. Matériel
L’interprétation des dissociations de performance nécessite de contrôler au mieux l’influence
des variables non pertinentes, ce qui explique qu’une attention particulière a été portée à la
sélection et à la répartition des gestes utilisés dans les différentes épreuves.
+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
INSERER TABLEAU 1 VERS CET ENDROIT
+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
Premièrement, les épreuves qui composent la BEP ont été élaborées à partir d’un
ensemble de 30 gestes significatifs (S) et 30 gestes sans signification (NS) appariés,
équitablement répartis entre gestes unimanuels (20 S et 20 NS) et bimanuels (10 S et 10 NS).
Ces gestes sont à leur tour subdivisés (voir Tableau 1) en configurations à prédominance
digitale (CD) et configurations à prédominance manuelle (CM). Une CD est définie comme
une configuration particulière des doigts de la main, considérée indépendamment de la
position globale de la main dans l’espace. En corollaire, une CM est définie comme une
configuration gestuelle qui implique tout ou partie du membre supérieur, et dont la
reproduction est dépendante de la position relative des segments corporels (bras, avant-bras, et
main) dans l’espace. Nous parlons ici de configuration à prédominance digitale ou manuelle
pour rendre compte du fait qu’il est difficile d’isoler totalement ces deux composantes dans la
catégorie des gestes significatifs. Par exemple, ce qui caractérise le geste significatif
« menacer du doigt » est une CD où le poing est fermé avec l’index tendu, mais cette CD ne
prend par ailleurs son sens que si l’index est pointé vers le haut, à la rigueur à l’horizontale,
mais en tout cas vers l’interlocuteur, cette position de la main constituant une CM. Ces
18/65 Revue de Neuropsychologie
composantes seront néanmoins évaluées séparément lors de la cotation de l’examen (voir la
section sur l’évaluation des erreurs ci-après). Par ailleurs, nous n’avons pas pris en compte la
différenciation faite par certains auteurs entre gestes transitifs et intransitifs, ou entre gestes
réflexifs et non-réflexifs, dissociations qui ne sont pas théoriquement fondées dans le cadre de
ce modèle.
Dans la mesure où la signification du geste (S ou NS) est une variable cruciale pour la
mise en évidence d’une atteinte de la voie dite “ directe ”, l’effet de cette variable sur la
performance gestuelle doit être indépendant d’autres facteurs dont l’influence est connue tels
que par exemple la difficulté d’exécution motrice ou la complexité (Roy et al., 1991). Aussi,
chacun des gestes sans signification a été individuellement apparié à un des gestes significatifs
sur la base des deux autres critères précédemment évoqués (uni- ou bi-manualité, CD ou CM),
mais également en fonction de la propriété statique (posture) ou dynamique (action) du geste
sélectionné et d’une estimation subjective de la complexité globale du mouvement. En outre,
les CD et les CM étant réparties de manière équilibrée au sein de chaque sous-catégorie,
l’appariement individuel entre gestes S et NS implique automatiquement l’appariement global
des CD et des CM sur le plan des critères de manualité (bi- et uni-manuels), de signification
(S et NS), de propriété statique ou dynamique, et de complexité du mouvement. Par ce
contrôle rigoureux opéré sur ces quatre facteurs, nous avons voulu renforcer la validité de
l’interprétation des dissociations de performances selon la signification du geste ou le type de
configuration gestuelle pour les deux catégories de stimuli (S vs. NS, CD vs. CM) qui nous
intéressent particulièrement dans le cadre du modèle théorique de référence.
Par ailleurs, les mêmes items significatifs sont utilisés lors de l’exécution de pantomimes
sur commande verbale et lors de leur imitation, ce qui assure automatiquement l’appariement
des items dans ces deux conditions. Pour la sélection des items de test, nous avons pris
comme référence les configurations unimanuelles digitales et manuelles sans signification
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 19/65
utilisées par Goldenberg (1995, 1996), qui offrent l’avantage d’être déjà amplement validées
par leur utilisation dans le cadre de plusieurs études. Nous avons ensuite recherché les
configurations gestuelles significatives qui pouvaient y être appariées en fonction des critères
précités.
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INSERER FIGURE 3 ET FIGURE 4 VERS CET ENDROIT
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
L’Annexe 1 reprend la liste des appariements individuels entre les 30 gestes significatifs
et les 30 gestes non significatifs utilisés dans les épreuves d’imitation et d’exécution sur
commande verbale. Egalement, une représentation graphique est proposée des configurations
digitales (Figure 3) et manuelles (Figure 4) sans signification, uni- et bi-manuelles. On
remarquera que, le matériel utilisé par Goldenberg se composant exclusivement de postures
(i.e., statiques), nous avons ajouté une dimension dynamique à certaines d’entre elles lors de
l’appariement aux gestes significatifs.
3. Evaluation des erreurs lors de la production de gestes
Outre la comparaison des performances aux différentes épreuves, nous avons largement
adopté l’analyse qualitative des erreurs proposée par Rothi et al. (1997b). En effet, l’utilisation
simple d’un score attribué selon le nombre d’essais nécessaires à l’exécution correcte d’un
geste ne rend pas suffisamment compte des caractéristiques de l’erreur qui a mené à
considérer ce geste comme étant incorrect (McDonald et al., 1994; Rothi et al., 1997b). Il est
par exemple très différent au plan qualitatif de produire un geste sur commande verbale de
manière reconnaissable, mais dans un plan spatial inadéquat, que de produire un geste parfait
dans son exécution, mais qui n’est pas celui qui a été demandé par l’examinateur. Dans le
premier cas, la qualité de l’erreur pourrait suggérer une perturbation touchant la représentation
visuo-kinesthésique du geste ou sa transcription motrice, en préservant le système sémantique.
20/65 Revue de Neuropsychologie
Dans le second cas, et en l’absence de trouble sémantique généralisé, c’est le profil inverse
(atteinte du système sémantique de l’action mais préservation du lexique gestuel de sortie et
des schémas innervatoires) qui sera suggéré par la production d’un geste à la signification
inadéquate. Des conclusions de ce type doivent entendu être confirmées par l’observation de
dissociations de performances congruentes entre les sous-épreuves, à savoir dans le cas d’une
atteinte sémantique une nette différence entre une exécution déficitaire sur commande verbale
de gestes significatifs et une imitation préservée de ces mêmes gestes (rendue possible par le
lien direct entre le lexique gestuel d’entrée et le lexique gestuel de sortie).
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
INSERER TABLEAU 2 VERS CET ENDROIT
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
Nous avons toutefois apporté quelques modifications (voir Tableau 2) à la classification
des erreurs proposée par Rothi et al. (1997b) pour mieux rendre compte des dissociations
prédites par notre modèle entre l’exécution de CD et de CM, et pouvoir en outre analyser dans
un même canevas la performance pour les gestes S et NS appariés. En effet, Rothi et al.
(1997b) se sont surtout intéressés aux gestes d’utilisation d’objets, ce qui les a menés à
distinguer deux catégories spécifiques d’erreurs spatiales qui peuvent être observées dans la
relation entre le geste et l’objet imaginé au cours des pantomimes de gestes transitifs : les
erreurs de configuration interne et les erreurs de configuration externe. Si un patient mime
l’action de boire un verre d’eau mais ferme tellement le poing qu’il ne laisse aucun espace
pour le verre imaginé, il va commettre une erreur de configuration interne parce qu’il n’adapte
pas la configuration de sa main à la forme de l’objet, cette forme étant une caractéristique
intrinsèque de l’objet au même titre que son poids, sa texture ou sa couleur. Si par ailleurs
pour ce même pantomime, un patient respecte l’espacement correct des doigts pour la
préhension de ce verre, mais le porte sur le côté de la bouche puis l’incline pour verser l’eau,
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 21/65
aboutissant à ce que cette eau imaginée lui tombe sur l’épaule, alors c’est une erreur de
configuration externe qu’il va commettre parce qu’il n’a pas adapté correctement la position
de sa main dans l’espace en fonction des caractéristiques extrinsèques de l’objet, c’est-à-dire
la position que celui-ci doit occuper dans l’espace à un moment déterminé de l’action. Cette
erreur ne doit toutefois pas être confondue avec une erreur de séquence (S) au cours de
laquelle c’est la succession des moments de l’action qui est perturbée et qui peut entraîner une
erreur de configuration externe, par exemple pivoter le verre pour verser l’eau au niveau de la
table, et seulement ensuite l’amener à la bouche. Une autre erreur typique de configuration
externe consiste à se brosser les dents avec la main positionnée tout contre la bouche, sans
respecter le fait que le manche de la brosse implique qu’une certaine distance est requise entre
la main et la bouche.
A la description de ces erreurs, on constate aisément que les configurations « interne » et
« externe » peuvent être considérées comme des sous-catégories, spécifiques aux gestes
transitifs, des CD et CM que nous avons décrites dans la section précédente. En conséquence,
nous avons englobé les erreurs de configuration interne et externe, respectivement, au sein de
deux nouvelles catégories d’erreurs : les erreurs de configuration digitale (ECD) et les erreurs
de configuration manuelle (ECM), ce qui présente l’avantage de pouvoir évaluer sur des
critères spatiaux identiques les gestes significatifs, transitifs ou intransitifs, et les gestes sans
signification. Dans cette perspective, une erreur ECD sera définie comme une erreur de
configuration des doigts qui implique la relation spatiale entre les différents éléments de la
main, indépendamment de sa position dans l’espace extrapersonnel. Cette définition permet
d’inclure les erreurs de configuration interne dans les pantomimes de gestes transitifs, puisque
main et doigts doivent être dans une relation spatiale spécifique pour refléter la
reconnaissance et le respect de la forme de l’objet imaginé, indépendamment de la bonne
orientation de cet objet dans l’espace. A contrario, une erreur ECM sera définie comme une
22/65 Revue de Neuropsychologie
erreur de configuration et/ou d’orientation du membre supérieur (bras et avant-bras) dans
l’espace extra-corporel par rapport au mouvement–cible, et ce indépendamment de
l’exactitude de la configuration digitale. A nouveau, cette ECM permet d’inclure les erreurs
de configuration externe lors de pantomimes de gestes transitifs, puisque la main et le bras
doivent être positionnés dans l’espace externe par rapport à l’objet qui est le récepteur de
l’action. Il est important de souligner que si ces deux erreurs peuvent être observées pour un
même geste, elles restent exclusives en ce sens que les critères définissant l’une et l’autre sont
indépendants. De plus, rien n’exclut qu’une ECM puisse être attribuée à un geste de type CD,
et vice et versa. Par exemple, le geste non significatif CD5 (voir Figure 3) est présenté avec la
main orientée à la verticale vers le bas; une reproduction systématique de cette CD avec la
main vers le haut, même après que l’examinateur ait attiré l’attention du sujet sur cette
mauvaise position, sera notée comme une ECM indépendamment du fait que la CD soit
correcte.
Les erreurs, dont le détail est fourni dans le Tableau 2, sont réparties en trois grandes
catégories : Contenu, Temporel, et Spatial, plus une catégorie supplémentaire pour les erreurs
non spécifiques. Les erreurs de la catégorie Contenu caractérisent la production d’actions
correctes sur le plan moteur mais non appropriées par rapport au contexte de la demande, et
peuvent surtout refléter des dysfonctionnements au niveau de la sémantique de l’action (en
l’absence bien sûr de troubles non spécifiquement apraxiques qui pourraient expliquer ces
déficits). Les erreurs de la catégorie Temporel rassemblent sous une même bannière des
perturbations qui touchent à la dynamique de l’action, mais à ce titre elles peuvent tout autant
refléter un dysfonctionnement du système sémantique de l’action (e.g.; une mauvaise
planification de la succession des mouvements qui constituent le geste sanctionnée par une
erreur S) qu’une atteinte des schémas innervatoires (e.g., mauvaise régulation des afférences
kinesthésiques et des efférences motrices qui rompt la fluidité du décours du mouvement,
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 23/65
erreur T), ou une atteinte du versant kinesthésique des engrammes moteurs contenus dans le
lexique gestuel de sortie. Enfin, les erreurs de la catégorie Spatial reflètent essentiellement des
problématiques liées à l’altération ou à des difficultés d’accès aux engrammes visuo-
kinesthésiques stockés dans les lexiques gestuels dans le cas des gestes significatifs, mais
également de possibles atteintes au niveau de la base de connaissance du corps humain (e.g.,
ECM pour les gestes non significatifs) ou des difficultés d’analyse visuo-spatiale (e.g., ECD
pour des CD sans signification). Enfin, les erreurs de cette catégorie pourraient également
refléter une atteinte des schémas innervatoires en charge de l’implémentation des programmes
moteurs, si elles s’observent de manière consistante à travers les différentes modalités de
production.
Lors de l’administration des épreuves d’exécution sur commande verbale ou sur
présentation visuelle de l’objet, et d’imitation de gestes significatifs ou sans signification, un
second essai est systématiquement accordé en cas d’erreur lors de la production du geste, ce
qui permet de distinguer entre les erreurs simples et les erreurs consistantes. Une erreur simple
est une erreur observée au cours du premier essai, et qui a été corrigée par le patient au second
essai après que l’examinateur ait attiré son attention sur le fait qu’il pouvait améliorer sa
performance (voir les détails de la procédure ci-après); une erreur consistante est une erreur
répétée aux deux essais en dépit des réinstructions de l’examinateur. Cette distinction est
importante pour établir le statut pathologique de l’erreur observée, comme le montre l’étude
de Raymer et al. (1997) qui observent que des sujets normaux produisent autant d’erreurs
Corps-pour-Objet (CPO; e.g., étendre l’index et le majeur pour figurer une paire de ciseaux)
que des patients apraxiques lorsqu’aucune consigne spécifique ne leur est donnée; par contre,
lorsqu’ils sont réinstruits de produire un geste qui mime réellement l’utilisation de l’objet, les
patients apraxiques continuent à produire des CPO tandis que les sujets normaux peuvent
généralement corriger leur erreur pour mimer le geste correct. De même, la prévalence des
24/65 Revue de Neuropsychologie
erreurs simples CPO peut être influencée par des facteurs cognitifs généraux tels que l’âge ou
le degré d’éducation chez des sujets normaux (Peigneux & Van der Linden, 1999); toutefois,
lorsque l’attention des sujets est attirée sur le fait que le geste produit est incorrect, la
proportion d’erreurs adéquatement corrigée est la même quels que soient l’âge ou le niveau
d’éducation. Nous avons proposé (Peigneux & Van der Linden, 1999) que la proportion
d’erreurs CPO corrigées est probablement l’indicateur le plus valide du statut pathologique de
ces erreurs, parce que cette proportion est indépendante de la fréquence globale des erreurs .
Dans cette perspective, l’évaluation de la performance gestuelle ne peut pas être
exclusivement basée sur une simple mesure de fréquence des erreurs, parce que cette
fréquence peut refléter aussi bien un dysfonctionnement apraxique réel que les influences
diverses de facteurs cognitifs non-apraxiques. Par contre, la probabilité que ces facteurs
généraux soient à l’origine de l’erreur apraxique est significativement réduite lorsque
l’attention du sujet est recentrée lors du second essai sur le geste correct. Si, malgré ce
recentrage, le patient produit encore ces mêmes erreurs de manière systématique, alors on
pourra considérer ces erreurs consistantes comme les manifestations d’une atteinte spécifique
d’une composante du système praxique. Dans le cadre de la BEP, au vu du nombre de gestes
administrés et de la sévérité des critères de cotation, il est normal de s’attendre à ce que des
patients cérébrolésés non-apraxiques ou même des sujets normaux commettent un certain
nombre d’erreurs dans les différentes catégories. Toutefois, à la différence des patients
apraxiques, les sujets non-apraxiques devraient montrer plus de capacités à se corriger lors du
second essai. En conséquence, nous avons décidé de prendre en compte la différence entre
erreurs simples et consistantes pour toutes les catégories d’erreurs reprises dans le système
qualitatif d’évaluation.
Dans la pratique, la cotation de chaque geste est effectuée en vérifiant la présence de
chacune des 16 erreurs possibles pour chacun des deux essais; l’examinateur note en regard de
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 25/65
l’item présenté la ou les erreur(s) observée(s) en y ajoutant un « x » si l’erreur est observée au
premier essai, « y » si elle est observée au second essai. Par exemple, la notation «Sx, ECDy,
ECMxy » pour le mime du geste « boire de la soupe avec une cuillère » indique la présence
d’une erreur S (séquence, voir Tableau 2; e.g., incliner la cuillère pour verser avant de la
porter à la bouche) au premier essai, d’une ECD (e.g., poing fermé sans respect de la taille du
manche de la cuillère) lors du second essai bien que l’erreur S ait été corrigée, et d’une ECM
(e.g., la cuillère est amenée au niveau de l’épaule) observée de manière consistante aux deux
essais. Il faut noter qu’une particularité délibérée de cet exemple est le fait qu’une erreur
simple est observée au second essai uniquement (ECDy), un cas de figure qui pose problème
par rapport aux critères que nous venons de définir. En effet, une erreur simple au second
essai peut être attribuée à des facteurs qui sont ou généraux ou spécifiquement apraxiques, et
le meilleur moyen de s’assurer du statut de cette erreur est de répéter l’essai. D’autre part, il
est matériellement impossible d’accorder un nombre illimité d’essais jusqu’à ce que plus
aucune erreur ne soit observée, pour autant que ce soit possible. Dans l’exemple présenté, on
peut aisément considérer l’erreur ECD comme une erreur simple parce qu’elle n’a pas été
produite au premier essai; il est possible que la focalisation sur la correction de l’erreur de
séquence ait mené le patient à négliger cet aspect de la configuration gestuelle suite à une
réduction de ses capacités attentionnelles. Toutefois, la situation aurait été différente si la
première erreur avait été un CPO, parce qu’il n’est pas possible de coter simultanément les
erreurs ECD et CPO pour un geste. Dans ce cas de figure, l’erreur CPO masque l’erreur ECD,
et on ne peut pas argumenter de l’absence d’erreur ECD au premier essai pour conclure que
cette erreur ne serait probablement pas répétée lors d’un troisième essai. Aucune solution n’est
parfaite dans ce cas; notre choix est de considérer ces erreurs comme des erreurs simples au
même titre que les erreurs observées au premier essai pour ne pas alourdir la passation.
26/65 Revue de Neuropsychologie
Un dernier aspect important de l’analyse qualitative des erreurs concerne la préparation de
l’examinateur et des juges en charge de l’évaluation. A l’instar de la pratique d’autres auteurs
qui étudient l’apraxie gestuelle, nous réalisons un enregistrement vidéographique de l’examen
du patient, ce qui permet une cotation différée et la comparaison des évaluations entre juges
indépendants. Toutefois, cela n’exclut pas que l’examinateur doit avoir un entraînement et une
connaissance des erreurs suffisamment approfondis pour être à même de décider à quel
moment un second essai doit être attribué. Rothi et al. (1997b) font remarquer à ce propos que
les juges novices présentent une nette tendance à négliger les dimensions qui ne modifient pas
l'intention du mouvement ou sa signification; en conséquence, de nombreuses erreurs ne sont
pas notées parce qu’un geste reste souvent reconnaissable même s’il est mal exécuté. C’est un
phénomène que nous avons également constaté au cours de notre pratique, et contre lequel
même un examinateur expérimenté ne semble pas totalement prémuni. Si le second essai n’a
pas été attribué pour un geste parce que l’examinateur n’a pas remarqué l’erreur commise, il
est impossible de savoir s’il s’agit d’une erreur simple ou consistante; c’est pourquoi nous
éliminons de nos analyses les erreurs pour lesquelles un second essai n’a pas été attribué.
En résumé, la notation des erreurs praxiques donne lieu à l’établissement d’un profil
qualitatif de performance, caractérisé par la présence de 16 types d’erreur. Plusieurs mesures
de la performance pour une catégorie de geste ou une modalité de production spécifique
peuvent être obtenues pour chaque type ou catégorie d’erreur : la somme des erreurs Simples
[1]; la somme des erreurs Consistantes [2]; et la proportion des erreurs correctement corrigées
après reinstruction (i.e., égale à [1]/[1+2]). La fréquence globale des erreurs Simples et
Consistantes est un indicateur de la présence plus ou moins importante de perturbations
gestuelles, mais renseigne peu sur la nature du trouble qui sous-tend la symptomatologie
apraxique; la proportion d’erreurs corrigées ou score de correction est un indicateur de la
nature apraxique du comportement gestuel observé, mais ne renseigne pas sur la fréquence à
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 27/65
laquelle sont observées ces erreurs gestuelles, puisqu’il s’agit d’une proportion de deux types
d’erreurs. C’est pourquoi les deux mesures sont indispensables et complémentaires pour
pouvoir juger de la performance d’un sujet au cours des épreuves de production de gestes.
4. Administration des épreuves : Procédures
Exécution de Gestes sur Commande Verbale; Imitation de Gestes Significatifs; Imitation de
Gestes Sans Signification
Pour éviter un effet d’ordre entre les tâches d’exécution sur commande verbale de gestes
significatifs, d’imitation de gestes significatifs, et d’imitation de gestes sans signification
appariés, nous avons opté pour une procédure d’administration unique, où les items dans les
trois conditions sont mélangés dans un ordre pseudo-aléatoire. Le sujet passe dés lors (par
exemple) de l’imitation d’un geste à l’exécution d’un autre geste sur commande verbale, puis
de nouveau à une imitation, et ainsi de suite. Par contre, les évaluations dans ces conditions
pour les gestes bimanuels (30 gestes), les gestes unimanuels gauche (60 gestes) et les gestes
unimanuels droit (60 gestes) sont séparées, pour deux raisons. D’une part, Roy (1996) montre
que la performance à la main non-dominante est généralement moins bonne sur le plan
qualitatif lors de l’évaluation des troubles praxiques; d’autre part, il est un fait que la présence
de troubles hémiparétiques ou hémiplégiques ne permettra d’évaluer la gestualité que d’un
seul membre chez bon nombre de sujets apraxiques, et il est donc plus ergonomique de
disposer de protocoles prévus à cette fin. La procédure d’administration et les consignes sont
identiques dans ces trois sous-épreuves, et l’ordre de présentation des gestes pour le membre
supérieur gauche est inverse de celui utilisé pour l’évaluation du membre supérieur droit.
La consigne (détaillée ci-dessous) souligne que la plus grande précision possible doit être
recherchée lors de la production du geste; deux essais d’entraînement sont proposés au début
de chaque épreuve pour s’assurer que le participant a une compréhension suffisante du niveau
d’exigence demandé. Cette exigence est régulièrement rappelée si besoin est, l’objectif étant
28/65 Revue de Neuropsychologie
de concentrer au mieux le sujet sur la tâche afin d’arriver à la meilleure performance qu’il lui
soit possible de réaliser.
Consigne (exemple pour les gestes unimanuels gauche) : " Vous allez devoir exécuter une
série de gestes avec votre bras gauche. Pour une partie d'entre eux, vous devrez mimer des
gestes courants, dont certains pour lesquels on utilise habituellement un objet. Attention, vous
devrez dans ce cas vraiment mimer ce geste comme si vous aviez l'objet concerné en main, et
que vous l'utilisiez réellement. Par exemple, je vais vous demander de mimer l'utilisation d'un
marteau. Allez-y. [démonstration du sujet] Très bien, le mouvement est correct mais vous
devez de plus [démonstration de l'examinateur] laisser entre vos doigts un espace suffisant
pour que le marteau puisse s'y trouver, et votre poing fermé ne peut pas servir non plus de
marteau. Pour vous aider à bien positionner votre main, vous pouvez essayer de vous imaginer
l'objet, à quoi il ressemble, comment on peut le prendre, etc. Allez-y, refaites-le en pensant
que vous avez un marteau dans la main. [démonstration du sujet] Vous aurez un deuxième
essai à chaque fois que je penserai que vous pouvez améliorer la façon dont vous faites le
geste. L'autre partie des gestes que je vais vous proposer est à imiter. Attention, vous devrez
dans ce cas reproduire exactement la position de mon bras, de ma main, et leur mouvement,
comme si vous étiez face à un miroir. Donc, je vous montrerai avec ma main droite pour que
vous fassiez le geste avec votre main gauche qui est en face de la mienne. Vous ne pourrez
commencer à imiter que lorsque j'ai terminé mon geste et que je vous donnerai le signal. Par
exemple, je vous montre ce geste-ci [démonstration du geste 'ouvrir une porte' par
l'examinateur, puis retour en position neutre]. Voilà, maintenant refaites le même geste que
moi, comme si vous étiez devant un miroir. [démonstration du sujet, avec un second essai si le
geste n'est pas parfaitement exécuté comme celui de l'examinateur]. Avez-vous des questions?
Bien, nous allons commencer. Soyez très attentif."
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 29/65
Pantomimes sur Présentation Visuelle de l'Objet
Douze photographies en noir et blanc d’objets d’utilisation courante (voir Annexe 2), sont
présentées à la suite, avec la consigne de mimer l’utilisation de cet objet. Une partie des objets
doivent être manipulés à deux mains (e.g., fil et aiguille); pour les objets qui peuvent être
manipulés à une main, le sujet est libre d’utiliser la main de son choix. Les consignes sont les
mêmes que pour l’exécution sur ordre verbal et sur imitation; de même, deux essais sont
accordés au besoin. En cas de difficultés manifestes à cette épreuve, l’examinateur fait
procéder à une simple dénomination des objets pour s’assurer de leur bonne reconnaissance.
Reproduction de Configurations Manuelles sur un Mannequin
Cette épreuve est décrite dans l’article original de Goldenberg (1995). Dans le cadre de la
BEP, l’examinateur fait une démonstration préalable des possibilités d’articulation du
mannequin, qui est à taille humaine, pour positionner le bras de diverses façons; ensuite, il
prend position à côté du mannequin articulé et adopte la posture qui doit être reproduite sur le
bras du mannequin. L’examinateur garde la pose jusqu’à ce que le patient estime avoir
terminé la manipulation du bras articulé du mannequin et se déclare satisfait. En l’absence de
mannequin, un comparse peut en tenir le rôle et se laisser passivement manipuler le bras. Les
10 postures CM unimanuelles sans signification, illustrées à la Figure 3 (NS16 à NS25), sont
administrées lors de ce subtest, leur aspect dynamique éventuel n’étant pas pris en compte.
Utilisation Concrète d'Objets
Douze objets sont successivement présentés et mis dans la main du participant, avec pour
consigne d’en démontrer concrètement l’utilisation. Le sujet est libre d’utiliser la main de son
choix pour la manipulation lorsque le ou les objets ne doivent pas être manipulés des deux
mains. Ces 12 objets sont identiques à ceux représentés sur photographie dans l’épreuve de
pantomimes sur présentation de l'image de l'objet (voir Annexe 2)
30/65 Revue de Neuropsychologie
Discrimination de Gestes Significatifs et Sans Signification
Pour cette épreuve, les 30 gestes significatifs et les 30 gestes sans signification (voir Annexe
1) sont présentés sur un film vidéo. L’image affichée à l’écran cadre l’acteur qui démontre les
gestes de la taille jusqu’au sommet de la tête. La profondeur de champ est identique pour
toutes les catégories de gestes (CD et CM, S et NS) et l’acteur garde un visage neutre durant
toutes les démonstrations de gestes. La consigne pour ce subtest de discrimination est la
suivante : « Vous allez voir sur ce film une série de gestes. Certains de ces gestes ont un sens :
ils servent à communiquer, où miment l’utilisation d’un objet courant. D’autres par contre
n’ont aucun sens, il ne veulent rien dire de particulier. Vous allez devoir différencier ces
gestes en indiquant si le geste que vous voyez à l’écran signifie quelque chose ou pas. Si vous
ne savez plus ce que ce geste veut dire mais que vous êtes sûr que c’est un geste que vous
connaissez, vous devez me le dire, ce que je veux simplement c’est que vous me disiez les
gestes qui ont un sens pour vous. N’oubliez pas que d’autres gestes n’ont aucun sens
particulier; il ne faut donc pas vouloir à tout prix donner une signification au geste que vous
voyez s’il ne vous évoque rien. »
Chaque pantomime est présenté durant 5 secondes, puis suivi d’un écran noir; l’item
suivant n’est présenté qu’après qu’une réponse ait été donnée, sans limite de temps.
Dénomination de Gestes Significatifs
A cette épreuve, 24 pantomimes de gestes significatifs courants (voir Annexe 3) sont
présentés sur un film vidéo. Les conditions de présentation du film sont les mêmes que pour
l’épreuve précédente (visage neutre, taille et profondeur constantes du champ de vue). Chaque
pantomime est présenté durant 5 secondes, période au bout de laquelle une dénomination du
geste est demandée. L’item suivant n’est présenté qu’après qu’une réponse ait été donnée,
sans limite de temps, et l’item peut être représenté une seconde fois à la demande du patient.
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 31/65
DONNEES PRELIMINAIRES RECEUILLIES SUR UN POPULATION DE SUJETS AGES
NORMAUX
Sujets
La BEP a été administrée à un groupe de sujets normaux, droitiers, composé de 7 femmes
âgées de 54 à 83 ans (âge moyen = 68.1) et de 8 hommes âgés de 58 à 77 ans (âge moyen =
68.6). Lors de l’entretien préalable, aucun participant n’a rapporté d’antécédents
neurologiques ou psychiatriques, ni être atteint d’affection musculo-articulaire invalidante. Si
nécessaire, ils ont été encouragés à se servir de leurs verres correcteurs pour un confort visuel
optimal. Le niveau d’étude moyen était de 8.5 années (de 6 à 17 années d'étude).
Méthode
Pour des raisons d’organisation et de recrutement, la BEP a été administrée au domicile des
participants en une seule séance d’une durée approximative de deux heures. Le volontaire était
assis face à l’examinateur, les mains posées sur une table en position de repos. Pour
l’enregistrement vidéographique des épreuves de production gestuelle, une caméra HI-8 sur
pied fixe était disposée à l’arrière et sur le côté de l’examinateur de manière à ce que le champ
de vue englobe un espace allant de la taille jusque 40 cm au-dessus du crâne du participant. Le
mannequin n’ayant pu être transporté au domicile des volontaires, c’est un comparse qui en a
joué le rôle pour le test de reproduction de configurations manuelles.
L’évaluation des erreurs a été réalisée sur la base des enregistrements vidéographiques par
deux juges qui ont travaillé de manière indépendante. Pour les gestes ayant donné lieu à des
notations différentes, les deux juges ont visionné une seconde fois les gestes litigieux et en ont
discuté l’évaluation jusqu’à accord complet.
32/65 Revue de Neuropsychologie
Résultats
L’hypothèse de la normalité de la distribution du nombre d’erreurs simples et consistantes
ayant été rejetée pour chaque type d’erreur (ps < .05) par le test W de Shapiro et al. (1968), les
tests non paramétriques ont été utilisés pour les comparaisons statistiques (Siegel & Castellan,
1988), avec un seuil de signification défini à p < .05.
Epreuves de Production de Gestes
Globalement, le nombre moyen d’erreurs Simples et Consistantes (toutes catégories)
commises par chaque participant est de respectivement 7.5 (minimum 2 - maximum 14) et 5.9
(min 0 - max 17) erreurs pour l’exécution des 60 gestes unimanuels avec le membre supérieur
droit, de 9.1 (min 4 - max 16) et 6.8 (min 0 - max 22) erreurs pour l’exécution des 60 gestes
unimanuels avec le membre supérieur gauche, de 2.9 (min 0 - max 7) et 2.3 (min 0 - max 7)
erreurs pour l’exécution des 30 gestes bimanuels, de 1.2 (min 0 - max 7) et 0.7 (min 0 - max
3) erreurs pour l’exécution des 12 gestes sur présentation visuelle de l’objet, et de 0.4 (min 0 -
max 2) et 0.3 (min 0 - max 2) erreurs pour la reproduction des 10 configurations manuelles
sur un mannequin. Aucune erreur n’a été observée au cours de la manipulation concrète
d’objets. La comparaison des moyennes montre que les gestes unimanuels gauches ont donné
lieu à un nombre d’erreurs Simples significativement plus élevé que les gestes unimanuels
droits et bimanuels (ps < .05); il n’y a par contre pas de différences significatives entre
exécution de gestes unimanuels (gauches et droits) et bimanuels pour la moyenne des erreurs
Consistantes (ps > .1). De même, la proportion globale des erreurs corrigées n’est pas
significativement différente (p > .4) entre l’exécution de gestes unimanuels gauches (64 %),
unimanuels droits (58%), bimanuels (55%) et sur présentation visuelle de l’objet (77%) , à
l’exception du score de correction pour la reproduction de configurations manuelles sur un
mannequin qui est significativement plus élevé (98%, p < .005).
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 33/65
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
INSERER TABLEAU 3 VERS CET ENDROIT
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
A titre illustratif, le Tableau 3 donne pour les gestes unimanuels gauches le détail des
erreurs Simples et Consistantes observées pour chaque type et catégorie d’erreur au cours de
l’exécution sur commande verbale de gestes significatifs, de l’imitation de gestes significatifs,
et de l’imitation de gestes sans signification. La distribution des erreurs au cours de la
production de gestes unimanuels droits est similaire à celle qui est rapportée ici. Comme le
montre ce tableau, les erreurs des catégories Contenu et Autres (voir Tableau 2 pour la
définition des erreurs) ont été commises à une seule occasion par un participant isolé; on ne
relève d’ailleurs que la présence d’erreurs Simples dans ces deux catégories. Les erreurs de la
catégorie Temporel sont un peu plus fréquentes puisque l’on observe qu’entre cinq et sept
participants (33 à 47%) ont commis deux à trois erreurs Simples dans chaque modalité
d’exécution; quatre participants ont également commis de une à deux erreurs Consistantes au
maximum. Toutefois, ce sont les erreurs de la catégorie Spatial qui sont les plus fréquentes et
les plus dépendantes de la modalité. En effet, la plupart des participants ont commis en
moyenne une à deux erreurs Simples ou Consistantes au cours de l’exécution sur commande
verbale et sur imitation de gestes significatifs; cette fréquence moyenne augmente de manière
significative au cours de l’imitation de gestes sans signification, où l’on observe une grande
variabilité interindividuelle tant pour le nombre d’erreurs Simples que Consistantes. Un des
participants semble d’ailleurs avoir éprouvé de réelles difficultés dans cette modalité, avec 11
erreurs Consistantes ECM (et 4 erreurs Simples) sur les 20 gestes administrés; ce profil
apparaît toutefois atypique puisque les autres participants n’ont jamais commis plus de 4 ECM
Consistantes.
34/65 Revue de Neuropsychologie
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
INSERER FIGURE 5 APPROXIMATIVEMENT ICI
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
Nous avons également calculé les scores de correction d’erreur correspondant à la
proportion des erreurs corrigées (i.e., égal à {[erreurs Simples] / [erreurs Simples +
Consistantes]}) dans ces différentes modalités (Figure 5). A la différence de la fréquence des
erreurs Simples et Consistantes, les scores moyens de correction d’erreur sont statistiquement
équivalents entre les modalités d’exécution sur commande verbale, d’imitation de gestes
significatifs, et d’imitation de gestes sans signification pour les gestes unimanuels gauches et
unimanuels droits (ps > .65), mais le score de correction pour l’imitation de gestes bimanuels
sans signification est significativement plus faible que pour l’imitation ou l’exécution sur
commande verbale de gestes significatifs (p < .025). Il faut toutefois tenir compte dans ce
dernier cas du faible nombre global d’erreurs pour ces gestes bimanuels (2 erreurs sur 30
gestes en moyenne).
Epreuves de Réception de Gestes
Pour la dénomination de gestes significatifs, un seul participant n’a pas correctement
dénommé l’intégralité des gestes présentés et commis une erreur (score 23/24) en interprétant
le geste de déchirer une feuille comme « vouloir allonger quelque chose ». Pour la
discrimination de gestes significatifs (S) et sans signification (NS), on observe une légère
différence de performance selon la nature du geste : les trente gestes S ont toujours été
correctement classés comme significatifs, mais sept participants ont également accepté
comme significatifs 1 à 2 des trente gestes NS. Deux erreurs ont été retrouvées de manière
plus systématique, avec le geste NS1 (voir Figure 3) pour lequel les quatre sujets qui l’ont
considéré significatif ont justifié leur choix après la séance en déclarant que ce geste
représente le chiffre « deux », et le geste NS15 (Figure 3) qui a été interprété deux fois comme
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 35/65
un geste qui « montre qu’on a rien à faire ». Cette dernière erreur s’explique aisément par le
fait que ce geste est justement apparié au geste significatif « se tourner les pouces ». Bien que
ces deux erreurs concernent des configurations digitales, il n’y a pas de différence
significative pour le score moyen de discrimination entre configurations digitales et
configurations manuelles (98 vs. 99%, p > .17).
Commentaires
Les bonnes performances des sujets âgés pour les épreuves de réception de gestes montrent
que les mimes de ces gestes sont suffisamment explicites et distinctifs que pour être reconnus
ou discriminés sans ambiguïté, à l’exception du geste NS1 qui pourrait donner lieu à une
interprétation alternative. Dans le cadre d’une population de sujets âgés, un nombre plus
important d’erreurs de discrimination aurait pu être attendu pour les configurations digitales
parce que la discrimination de celles-ci demande de porter attention à des éléments de petite
taille sur l’écran (la profondeur du champ visuel étant la même pour les configurations
digitales et manuelles) et entraîne plus d’efforts d’analyse visuelle, mais cela n’a pas été le
cas. Une performance quasi-maximale est donc attendue pour ces épreuves.
Le test du mannequin a été généralement bien réussi. Les quelques erreurs notées
concernaient la disposition finale de la configuration manuelle, considérée comme trop
approximative par les juges; par exemple, pour le geste NS18 (voir Figure 4), la main était
correctement disposée à la verticale dans le plan sagittal mais le bout des doigts arrivait à
hauteur de la base du nez au lieu d’être sous le menton, une erreur que l’on retrouve par
ailleurs sous une forme similaire lorsque les participants doivent imiter ces mêmes gestes.
Pour des raisons techniques, nous avons du administrer une version modifiée de ce test
puisque c’est le bras d’un comparse qui était manipulé au lieu d’un mannequin articulé. Les
résultats des sujets âgés de cette étude ressemblent à ceux obtenus par la population de sujets
contrôles âgés de Goldenberg (1995) au cours de la manipulation d’un mannequin articulé (+/-
36/65 Revue de Neuropsychologie
90% de réussite), mais il reste toutefois possible que la manipulation du bras d’un comparse
ne soit pas tout à fait comparable à la manipulation d’un mannequin parce que la personne
dont le bras est manipulé peut inconsciemment accompagner ou freiner le mouvement qui lui
est imprimé en fonction de la posture à reproduire. Une étude comparative chez des patients
apraxiques qui font typiquement plus d’erreurs à ce test serait nécessaire pour vérifier cette
hypothèse.
Une plus grande variabilité des performances est observée au cours de la production de
gestes sur commande verbale et sur imitation, et principalement au cours de l’imitation de
gestes sans signification, ce qui appelle quelques remarques. Primo, il faut relativiser ces
observations en constatant que le nombre d’erreurs Simples et Consistantes est globalement
peu élevé; certains participants n’ont commis que 5 erreurs sur 60 gestes unimanuels, ce qui
réduit nettement la portée des comparaisons entre modalités. A titre comparatif, nous avons
observé lors d’une étude de cas (Peigneux et al., sous presse) que 105 erreurs avaient été
commises par une patiente apraxique (RM) pour l’exécution de 66 gestes unimanuels droits
lors de l’administration d’une version antérieure de la BEP. Secundo, une variabilité
interindividuelle significative des performances praxiques est observée, ce qui appelle à tenir
compte de ce facteur lors de l’interprétation des résultats de patients cérébrolésés. Roy et al.
(1993) proposent pour des raisons similaires de mesurer la performance des patients lors de
l’évaluation de l’apraxie gestuelle en fonction de la distribution de ces performances dans une
population de sujets normaux appariés, plutôt que de se baser sur une valeur de tendance
centrale. L’administration de la BEP à un plus grand nombre de sujets normaux dans
différentes catégories d’âge serait nécessaire à cet effet pour déterminer l’étendue de cette
distribution et vérifier si les valeurs d’erreurs maximales observées dans notre groupe de
sujets âgés représentent la limite supérieure de cette distribution ou un problème spécifique à
l’un ou l’autre des participants.
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 37/65
Enfin, l’exécution sur commande verbale et l’imitation des gestes significatifs donnent
lieu à un nombre d’erreurs globalement équivalent, mais l’imitation de gestes sans
signification donne lieu à une nette augmentation du nombre d’erreurs, ce qui pourrait
suggérer une plus grande difficulté pour le traitement des gestes sans signification malgré les
efforts que nous avons déployés pour les apparier aux gestes significatifs, ou un déficit
particulier à cette population de sujets âgés. Toutefois, les scores de correction d’erreurs ne
sont pas différents entre ces trois modalités, ce qui montre que les participants corrigent les
erreurs commises pour ces gestes sans signification dans une proportion équivalente aux
erreurs commises pour ces gestes significatifs. Comme nous l’avons vu pour les erreurs CPO
(Peigneux & Van der Linden, 1999), le score de correction est un indice de l’intégrité des
processus qui sous-tendent la performance praxique, tandis que le nombre d’erreurs Simples
et Consistantes est un indice de difficulté gestuelle qui peut être influencé par des facteurs
plus généraux. Il est possible que la demande attentionnelle supplémentaire pour le traitement
de configurations gestuelles non familières ait induit un nombre d’erreurs plus élevé pour
cette catégorie de gestes chez nos sujets âgés, une hypothèse qui devrait être vérifiée par la
comparaison avec les performances de sujets plus jeunes dans ces modalités de production de
gestes.
CONCLUSIONS
En synthèse, la Batterie d’Evaluation des Praxies (BEP) est un outil d’évaluation de l’apraxie
des membres supérieurs qui est fondé sur un modèle neuropsychologique et cognitif de
l’activité gestuelle normale, permettant de rendre compte des dissociations de performances
praxiques décrites dans la littérature clinico-pathologique. Ce modèle actualise les
propositions de Rothi et al. (1997a) en proposant à la suite de Goldenberg (1995) un
38/65 Revue de Neuropsychologie
remaniement conceptuel de la voie dite directe entre l’analyse visuelle du geste et son
implémentation motrice.
L’importance accordée aux processus d’imitation de gestes sans signification dans la BEP
pourrait sembler quelque peu démesurée. En effet, la majeure partie de nos actions
quotidiennes implique la production ou la reconnaissance de gestes familiers qui font l’objet
d’une représentation en mémoire; cette disponibilité des représentations dans les lexiques
gestuels d’entrée et de sortie évite le recours à cette voie de traitement et la nécessité d’une
médiation par les connaissances du corps humain lors de la transposition entre perception et
action. Toutefois, il faut remarquer que cette voie de traitement prend une importance cruciale
dés lors qu’une atteinte des lexiques gestuels empêche la reproduction correcte de gestes
connus et la mise en place de nouveaux apprentissages gestuels. Dans une perspective
diagnostique, une préservation de la capacité d’imiter des gestes sans signification permet de
mieux préciser le niveau d’altération au sein du système (à minima, elle indique que l'analyse
visuo-gestuelle, la connaissance du corps et les schémas innervatoires sont fonctionnels). En
outre, un corollaire intéressant est que l’existence de capacités préservées d’imitation de
gestes par une voie « non-lexicale » peut être exploitée au cours d’une rééducation.
La mise en évidence de capacités préservées et altérées au sein d’un système modulaire
tel que celui-ci nécessite de contrôler l’influence des variables confondantes sur
l’interprétation des dissociations de performances dans les différentes conditions; c’est
pourquoi une attention très particulière a été portée à la sélection et à l’appariement des gestes
composant la BEP. De même, nous avons opté pour une cotation qualitative qui rend mieux
compte de la richesse des troubles praxiques, et nous avons défini sur le plan qualitatif deux
indices de performance qui reflètent des aspects complémentaires du fonctionnement gestuel :
le premier indice informe sur la fréquence globale des erreurs commises tandis que le second
est un indicateur de la capacité qu’à le patient de corriger ses erreurs lorsque son attention est
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 39/65
attirée vers sa mauvaise performance. Les résultats observés auprès d’une population de sujets
âgés suggèrent la sensibilité de la BEP; une validation approfondie serait toutefois nécessaire,
validation qui puisse vérifier l’influence de facteurs généraux tels que l’âge ou le niveau
d’éducation sur le niveau et la distribution des performances dans les différentes épreuves qui
composent cette batterie.
Dans la version que nous avons présentée, la BEP vise à évaluer systématiquement toutes
les composantes du modèle cognitif sur lequel elle se base. Comme nous l’avons vu, elle
comprend un grand nombre d’items, et prend simultanément en compte la production sur
commande verbale et sur imitation de gestes unimanuels et bimanuels, la production de gestes
en réponse à la présentation d’objets associés à l’action, l’utilisation réelle d’objets, la
discrimination de gestes avec et sans signification, la dénomination de gestes significatifs, et
la reproduction de gestes sans signification sur un mannequin. Si cette évaluation détaillée est
nécessaire à l’établissement d’un diagnostic précis, son administration systématique au cours
du bilan neuropsychologique global est moins adaptée de par sa longueur et sa difficulté. C’est
pourquoi nous avons développé une version réduite (BREP; Batterie Réduite d'Evaluation des
Praxies) dont le protocole est fourni (voir Annexe 4). La BREP se compose de dix gestes
significatifs et de dix gestes sans signification appariés extraits de la BEP; les configurations
digitales et manuelles sont réparties équitablement entre conditions, de la même manière que
dans la BEP. Les gestes significatifs sont administrés à la fois en imitation et en exécution sur
commande verbale, et les gestes sans signification sont administrés en condition d’imitation.
La passation est suffisamment rapide que pour pouvoir s’intégrer dans un bilan clinique
neuropsychologique, et la sensibilité semble suffisante que pour détecter les difficultés qui
mériteraient un examen plus approfondi. Toutefois, l’administration et l’évaluation simultanée
des gestes restent difficiles même dans cette version réduite, et il est peu réaliste d’envisager
l’enregistrement vidéographique de tous les examens cliniques courants pour une cotation
40/65 Revue de Neuropsychologie
différée. C’est pourquoi nous travaillons actuellement à la mise au point d’un système de
cotation basé sur la définition de quelques critères précis de réussite pour chaque geste. La
BREP peut être complétée par une évaluation réduite de la réception de gestes, au cours de
laquelle 30 gestes significatifs et sans signification sont démontrés (Annexe 5). A la différence
de la BEP, les sujets doivent dans ce cas à la fois discriminer et dénommer les gestes
significatifs et détecter les gestes sans signification. Enfin, la moitié des objets présentés sur
photographies ou à manipuler (spécifiés Annexe 3) peuvent également être présentés.
Nous avons dit que cet outil d'évaluation des praxies se veut évolutif et adapté à l’état des
connaissances actuelles sur la structure cognitive du fonctionnement gestuel. Cette
connaissance étant encore largement limitée comme nous l’avons souligné dans notre
introduction, nous ne pouvons qu’espérer que la structure actuelle de la BEP (et de la BREP)
soit bientôt modifiée pour rendre compte de nouveaux progrès dans le domaine de la
compréhension et de la prise en charge de l’apraxie gestuelle. En retour, nous espérons que les
résultats obtenus à la BEP pourront être utiles à cette évolution et qu’elle pourra être une
invitation supplémentaire à une exploration plus approfondie des troubles praxiques dans le
cadre de la neuropsychologie clinique.
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 41/65
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LEGENDES – TABLEAUX
TABLEAU 1. Répartition par catégorie des gestes utilisés dans les sous-épreuves de la
Batterie d’Evaluation des Praxies. Table 1. Class repartition of the gestures used in the
subtests of the Batterie d’Evaluation des Praxies.
TABLEAU 2. Erreurs qualitatives possibles lors de la production de gestes (adapté de Rothi,
Raymer, & Heilman, 1997; sauf (1) Peigneux & Van der Linden, voir définitions dans le texte).
Table 2. List of the possible qualitative errors during gesture production (adapted from Rothi,
Raymer, & Heilman, 1997; except(1) Peigneux and Van der Linden, see text for definitions).
TABLAU 3. Gestes unimanuels gauches. Nombre moyen d’erreurs Simples et Consistantes
par sujet pour chaque type d’erreur (en haut) et chaque catégorie d’erreur (en bas) selon la
modalité d’exécution et la nature du geste. Les valeurs entre parenthèses à côté des moyennes
indiquent le nombre maximal d’erreurs observées chez un participant pour cette catégorie
d’erreur/modalité. Le détail des abréviations et l’explication des erreurs sont présentés
Tableau 2. Table 3. Left unimanual gestures. Mean number of Simple and Consistent errors
per subject for each error type (top) and category (bottom) depending on production modality
(Pantomime to verbal command, Meaningful gestures imitation, and Meaningless gestures
imitation) and gesture type. Values in brackets indicate the maximal number of errors a
subject has done for this specific modality and error type/category. Errors details and
explanations are given Table 2.
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 47/65
LEGENDES – FIGURES
FIGURE 1. Représentation du modèle cognitif proposé par Rothi, Ochipa et Heilman (1997a)
pour rendre compte de l’apraxie des membres supérieurs. Figure 1. Diagrammatic
representation of the cognitive model for limb apraxia developed by Rothi, Ochipa et Heilman
(1997a).
FIGURE 2. Modélisation cognitive de l'apraxie des membres supérieurs adaptée de Rothi,
Ochipa et Heilman (1997a) par Peigneux et Van der Linden (1998). Le module "Connaissance
du Corps" (Goldenberg, 1995) à droite sur le schéma est en charge du codage et de la
transformation de l'information visuo-gestuelle en une représentation mentale de la position
des éléments corporels dans l'espace extrapersonnel au cours de l’imitation de gestes sans
signification. Figure 2. Cognitive model of limb praxis proposed by Rothi, Ochipa et Heilman
(1997a), adapted by Peigneux et Van der Linden (1998) so as to take into account the
processes associated with the imitation of meaningless gestures. The module « Connaissance
du Corps Humain » (« Human Body Knowledge »; Goldenberg, 1995) on the right of the
schema is in charge of coding and transforming the visuo-gestural information into a mental
representation of the corporal units’ positions in the extrapersonal space.
FIGURE 3. BEP : Configurations digitales (CD) sans signification. Les CD unimanuelles
proviennent de Goldenberg (1996). Figure 3. BEP : Meaningless digital configurations (CD).
Unimanual CD come from Goldenberg (1996)
48/65 Revue de Neuropsychologie
FIGURE 4. BEP : Configurations manuelles (CM) sans signification. Les CM unimanuelles
proviennent de Goldenberg (1995, 1996). Figure 4. BEP : Meaningless manual configurations
(CM). Unimanual CM come from Goldenberg (1995, 1996)
FIGURE 5. Scores de correction d’erreurs (pourcentages) : Proportions moyennes (et
intervalles de confiance) d’erreurs effectivement corrigées pour les gestes unimanuels
gauches, unimanuels droits, et bimanuels pour les modalités d’Exécution sur Commande
Verbale de Gestes Significatifs (CO), d’Imitation de Gestes Significatifs (IMS), et d’Imitation
de Gestes Sans Signification (IMNS). Figure 5. Error correction scores (percentages): mean
proportion (and confidence intervals) of errors accurately corrected for left unimanual, right
unimanual, and bimanual gestures in modalities : Pantomime to verbal command (CO),
Meaningful gestures imitation (IMS), and Meaningless gestures imitation (IMS).
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 49/65
TABLEAU 1.
UNIMANUELS BIMANUELS
S NS S NS TOTAL
CD 10 10 5 5 30
CM 10 10 5 5 30
TOTAL 20 20 10 10 60
50/65 Revue de Neuropsychologie
TABLEAU 2.
ERREURS DE LA CATEGORIE CONTENU
P Persévération Production d’une réponse qui inclut tout ou partie d’un mouvement précédent
R Reliée Le pantomime exécuté est la reproduction correcte d’un pantomime sémantiquement associé au mouvement–
cible (e.g., jouer du piano au lieu de jouer du violon)
N Non Reliée Le pantomime exécuté est la reproduction correcte d’un pantomime non sémantiquement associé au mouvement–
cible (e.g., jouer du trombone au lieu de mettre un collier)
M Main L’action est exécutée sans l’outil requis (concret ou imaginaire) (e.g., déchirer une feuille avec les mains au lieu
de la couper en deux une feuille avec des ciseaux)
ERREURS DE LA CATEGORIE TEMPOREL
S Séquence Perturbation d’une séquence de positionnements formant un mouvement, en ce y compris les additions,
omissions, et transpositions des éléments de la séquence
V Durée Altération de la vitesse ou de la durée typique d’un mouvement, y compris les augmentations et diminutions
anormales, ou les proportions relatives irrégulières dans la séquence d’un mouvement (e.g., projection de la main
vers la cible à une vitesse manifestement disproportionnée par rapport à la vitesse de configuration finale de la
main en vue d’une préhension)
O Occurrence Multiplication ou réduction du ou des cycles caractéristiques d’un mouvement. Un geste implique de manière
caractéristique un cycle de mouvement qui est soit unique (fermer une porte) soit répétitif (utiliser un tournevis).
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 51/65
TABLEAU 2 (suite)
ERREURS DE LA CATEGORIE SPATIAL
A Amplitude Amplification, réduction ou irrégularité de l’amplitude du geste
ECD Configuration digitale(1)
Erreur de configuration des doigts qui implique la relation spatiale entre les différents éléments de la main,
indépendamment de l’exactitude de la position de celle-ci dans l’espace extrapersonnel (voir texte)
ECM Configuration
Manuelle (1)
Erreur de configuration et/ou d’orientation spatiale du membre supérieur, indépendamment de l’exactitude de la
configuration digitale (voir texte)
MO Mouvement Perturbation du mouvement caractéristique d’une action (ex : pour mimer l’utilisation d’un tournevis, effectuer
un mouvement de rotation à partir de l’épaule en gardant le poignet fixe, au lieu de faire pivoter le poignet)
CPO Corps-Pour-Objet Utiliser une partie de son propre corps pour représenter l’objet requis pour un pantomime (ex : utiliser le majeur
et l’index pour figurer les lames d’une paire de ciseaux)
ERREURS AUTRES
I Initiation / Hésitation(1)
Pause anormalement longue avant l’initiation du mouvement ou hésitations caractéristiques avant de produire le
geste, indépendamment de son exactitude.
C Concrétisation Exécuter le geste en utilisant un objet réel qui n’est normalement pas utilisé dans cette tâche
SR Sans Réponse Absence de réponse gestuelle
NR Non Reconnaissable Réponse non identifiable, et qui ne partage aucune des caractéristiques temporelles ou spatiales de la cible
52/65 Revue de Neuropsychologie
TABLEAU 3.
Exécution sur Commande
Verbale (20 gestes)
Imitation de Gestes
Significatifs (20 gestes)
Imitation de Gestes Sans
Signification (20 gestes)
ERREUR Simple Consistante Simple Consistante Simple Consistante
P 0.07 (1) - 0.07 (1) - - -
R 0.07 (1) - 0.07 (1) - - -
N - - 0.07 (1) - - -
H - - - - - -
S - - 0.27 (2) 0.07 (1) 0.13 (1) 0.07 (1)
T - - 0.07 (1) 0.07 (1) 0.33 (2) 0.20 (2)
O - - - - - -
He 0.07 (1) - 0.07 (1) - 0.67 (2) 0.20 (2)
A - - - - 0.47 (1) 0.13 (1)
ECD 0.67 (2) 0.40 (2) 0.60 (1) 0.27 (2) 1.40 (4) 0.73 (3)
ECM 0.20 (1) 0.73 (3) 0.33 (1) 0.73 (2) 2.47 (8) 2.53 (11)
M - 0.13 (1) 0.07 (1) - 0.33 (2) 0.53 (2)
BPT 0.07 (1) - - - - -
C - - - - - -
NR - - 0.07 (1) - - -
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 53/65
TABLEAU 3 (Suite)
UR - - - - 0.07 (1) -
? 0.27 (2) - 0.07 (1) - 0.07 (1) -
CONTENU 0.13 (1) - 0.20 (2) - - -
TEMPOREL - - 0.33 (2) 0.13 (1) 0.47 (3) 0.27 (2)
SPATIAL 0.93 (3) 1.27 (4) 1.00 (3) 1.00 (3) 4.67 (10) 3.93 (15)
TOTAL 1.40 (3) 1.27 (4) 1.73 (6) 1.13 (3) 5.93 (13) 4.40 (15)
54/65 Revue de Neuropsychologie
ANNEXE 1. BEP : Liste des Gestes Significatifs (S) et Non Significatifs (NS) Apparies
Annex 1. BEP : List of Matched Meaningful (S) and Meaningless (NS) Gestures
1.Configurations digitales (CD)
Unimanuelles
S1 : tirer une bille (jouer aux
billes)
NS1 : (a) position initiale poing fermé puis (b) le pouce et
l’index sont déployés
S2 : gratter une tache (avec son
ongle)
NS2 : anneau entre pouce et auriculaire, avec les autres
doigts étendus, et un mouvement rapide de va-et-vient de
l’index
S3 : montrer que quelque chose
est très petit avec ses doigts (i.e.;
entre pouce et index)
NS3 : anneau entre pouce et majeur
S4 : montrer le chiffre 3 (avec ses
doigts)
NS4 : pouce et auriculaire étendus, autres doigts repliés
S5 : ramasser une aiguille NS5 : former un anneau entre le pouce et l’index
S6 : fumer une cigarette NS6 : anneau entre pouce, auriculaire et annulaire, les
autres doigts étendus
S7 : menacer de l'index (i.e., pour
gronder un enfant)
NS7 : poing fermé auriculaire étendu, avec flexions du
poignet
S8 : faire le signe « viens ici »
avec son doigt
NS8 : poing fermé index étendu, flexions de l’index à
l’articulation de la première phalange
S9 : dévisser le bouchon d’une
bouteille
NS9 : anneau entre pouce et annulaire, avec rotations du
poignet
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 55/65
S10 : écrire (avec un crayon) NS10 : anneau entre pouce, majeur et annulaire, avec
mouvement tournoyant du poignet
Bimanuelles
S11 : enrouler du fil sur une
bobine
NS11 : faire un anneau entre le pouce et l’index à chaque
main, emboîter l’anneau de la main droite dans celui de la
main gauche, et vice et versa.
S12 : jouer du piano NS12 : mains paumes vers le haut doigts tendus, les index
sont alternativement repliés puis étendus
S13 : enfiler du fil sur une aiguille NS13 : faire un losange entre l’auriculaire et l’index de
chaque main, annulaire et majeur repliés et les pouces
étendus
S14 : enfiler une bague NS14 : l’index d’une main (autres doigts repliés) s'engage
sur l’index, puis sous le majeur, sur l’annulaire, et sous
l’auriculaire de l’autre main
S15 : se tourner les pouces
(exprimer qu’on a rien à faire)
NS15 : les deux mains en opposition annulaires et
auriculaires repliés, l’index et le majeur emboîtés, les
pouces animés d’un mouvement alternatif
2.Configurations manuelles (CM)
Unimanuelles
S16 : boire de la soupe (avec une
cuillère)
NS16 : main à la verticale paume vers l'avant, le pouce
touche la base du nez, flexion du bras pour amener la
main à l'horizontale et retour
S17 : faire de l'auto-stop NS17 : main a 45° paume vers soi, le pouce au niveau de
56/65 Revue de Neuropsychologie
la bouche, la main redescend à l'horizontale puis revient
S18 : se raser avec un rasoir à
lame
NS18 : main à la verticale perpendiculaire au corps, le
bout des doigts touche le menton, déplacer la main de
gauche à droite sur le plan horizontal
S19 : se peigner les cheveux NS19 : main horizontalement à plat sur le crâne paume
vers le bas, la main se déplace de l'occiput au sommet du
crâne en gardant le plan horizontal
S20 : faire un salut militaire NS20 : main à l’horizontale paume vers le bas, le bout des
doigts touche l'oreille ipsilatérale
S21 : mettre une casquette NS21 : main verticale paume en avant, amener la main de
la table jusqu’au sommet du crâne
S22 : se brosser les dents NS22 : main à l'horizontale, le dos de la main sous le
menton, la main va du menton au nez et retour
S23 : faire au revoir NS23 : main verticale paume en avant, mouvement
répétitif ou le pouce touche l'oreille ipsilatérale puis s'en
éloigne +/- 45° sur le plan coronal
S24 : boire un verre d'eau NS24 : main paume en avant, partir de la position
horizontale pour aboutir face au menton
S25 : répondre au téléphone NS25 : dos de la main droite tourné vers l'oreille gauche
Bimanuelles
S26 : montrer qu'on veut dormir NS26 : main droite et main gauche se recouvrent au
niveau du menton, paume vers le corps
S27 : mettre un collier NS27 : les deux mains poing fermés index tendus
touchent les oreilles controlatérales
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 57/65
S28 : se laver les mains NS28 : bras collés au corps, avant-bras à l’horizontale,
une main paume vers le bas, l’autre paume vers le haut,
les deux mains se touchent par la tranche et se frottent
l’une contre l’autre dans un mouvement avant – arrière
S29 : déchirer une feuille de
papier
NS29 : les deux mains à l’horizontale paume vers le bas
(doigts vers l'avant) s'écartent sur les côtés en gardant le
plan horizontal
S30 : exprimer que le bruit est
insoutenable
NS30 : le dos de la main droite est sur la joue gauche et le
dos de la main gauche sur la joue droite
58/65 Revue de Neuropsychologie
ANNEXE 2. Utilisation Concrète d'Objets et Pantomimes sur Présentation Visuelle de
l'Objet : Items de Test (objets et photographies). Annex 2. Test Items for Actual Use and
Pantomime to Visually Presented Object.
Rasoir* - Taille-crayon - Cuillère à soupe* - Tasse - Collier - Bague - Peigne* - Crayon* -
Cigarette* - Fil et aiguille à coudre - Gant - Rouge à lèvres*
Note : les items marqués d’un * font partie de la version réduite (BREP) Notice : items with a
* are part of the short version (BREP)
ANNEXE 3. Dénomination de Gestes : Items de Test. Annex 3. Test Items for Gesture
Naming
Salut militaire - Jouer du piano - Enfiler une bague - Ouvrir un robinet - Jouer aux billes - Se
laver les mains - Se peigner les cheveux - Mettre un collier - Boire de la soupe - Mettre du fil
dans une aiguille - Se tourner les pouces - Menacer de l'index - Déchirer une feuille -
Ramasser une aiguille - Vouloir des sous - Faire au revoir - Montrer que le bruit est
insoutenable - Vouloir dormir - Se brosser les dents - Fumer une cigarette - Se trancher la
gorge - Bobiner du fil - Saluer du chapeau - Se taire
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 59/65
ANNEXE 4. Batterie Réduite d’Evaluation des Praxies (BREP). Protocole de test pour la
production de gestes. CO : exécution sur commande verbale; IM :imitation Annex 4. BREP.
Test protocol for gesture production. CO : pantomime to verbal command; IM : imitation.
Item Cotation et commentaires
1 BOIRE DE LA SOUPE AVEC UNE
CUILLERE
CO
2 FAIRE AU REVOIR IM
3 NS16 : MAIN DROITE
DANS L'AXE DE
L'AVANT-BRAS
DEVANT LE COTE
DROIT DE LA FACE,POUCE A LA BASE DU
NEZ, FLEXION DU BRAS
POUR AMENER LA MAIN
A L'HORIZONTALE
IM
4 JOUER AUX BILLES CO
5 NS1 : MAIN A LA
VERTICALE POING
FERME (DOS DE LA
MAIN VERS LE CORPS),LA MAIN S'OUVRE POUR
ARRIVE INDEX ET
POUCE ETENDUS.
IM
6 BOIRE DE LA SOUPE AVEC UNE
CUILLERE
IM
7 FAIRE AU REVOIR CO
8 SE BROSSER LES DENTS CO
9 NS25 : DOS DE LA
MAIN DROITE TOURNE
VERS L'OREILLE
GAUCHE
IM
10 NS9 : ANNEAU ENTRE
LE POUCE ET
L'ANNULAIRE,IMPRIMER UN
MOUVEMENT DE
ROTATION ALTERNATIF
AU POIGNET
IM
11 ECRIRE AVEC UN CRAYON IM
60/65 Revue de Neuropsychologie
12 MONTRER AVEC LA MAIN QUE
QUELQUE CHOSE EST TRES PETIT
(ENTRE POUCE ET INDEX)
CO
13 NS10 : ANNULAIRE ET
MAJEUR REPLIES SOUS
LE POUCE, LA MAIN
VERS LE BAS,MOUVEMENTS
TOURNOYANTS DU
POIGNET
IM
14 ECRIRE AVEC UN CRAYON CO
15 SE BROSSER LES DENTS IM
16 MONTRER AVEC LA MAIN QUE
QUELQUE CHOSE EST TRES PETIT
(ENTRE POUCE ET INDEX)
IM
17 OUVRIR UN ROBINET CO
18 NS22 : METTRE LE DOS
DE LA MAIN SOUS LE
MENTON, PUIS
DEPLACER LA MAIN DE
BAS EN HAUT ENTRE LE
MENTON ET LE NEZ
IM
19 SE PEIGNER LES CHEVEUX CO
20 REPONDRE AU TELEPHONE IM
21 NS23 : MOUVEMENT
REPETITIF OU LE POUCE
TOUCHE L'OREILLE
IPSILATERALE PUIS S'EN
ELOIGNE +/- 45°
IM
22 OUVRIR UN ROBINET IM
23 REPONDRE AU TELEPHONE CO
24 JOUER AUX BILLES IM
25 FUMER UNE CIGARETTE CO
26 NS19 : MAIN A PLAT
SUR LA TETE,MOUVEMENT QUI
DEPLACE LA MAIN
ENTRE L'OCCIPUT ET LE
SOMMET DU CRANE, LA
MAIN GARDE LE PLAN
HORIZONTAL
IM
27 SE PEIGNER LES CHEVEUX IM
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 61/65
28 NS8 : MAIN A 45°VERS LE BAS PAUME EN
AVANT, INDEX ET
MAJEUR TENDUS
ECARTES, LES AUTRES
DOIGTS REPLIES
IM
29 NS9 : MAIN PAUME EN
AVANT, ANNEAU
ENTRE MAJEUR ET
POUCE
IM
30 FUMER UNE CIGARETTE IM
62/65 Revue de Neuropsychologie
ANNEXE 5. Protocole Réduit de Discrimination et de Dénomination (BREP). Annex 5. Short
protocol for Gestures Naming and Discrimination (BREP).
ITEM DEMONTRE REPONSE
1. NS10
2. FAIRE AU REVOIR
3. NS25
4. REPONDRE AU TELEPHONE
5. NS20
6. NS16
7. OUVRIR UN ROBINET
8. NS13
9. JOUER AUX BILLES
10. NS2
11. NS1
12. MONTRER QU'ON VEUT DORMIR
13. SE BROSSER LES DENTS
14. NS9
15. ENFILER DU FIL SUR UNE AIGUILLE
16. NS26
17. NS23
18. ECRIRE AVEC UN CRAYON
19. NS3
20. MONTRER QUE QUELQUE CHOSE EST PETIT
21. FUMER UNE CIGARETTE
22. NS22
23. SALUT MILITAIRE
24. NS29
25. SE PEIGNER LES CHEVEUX
26. DECHIRER UNE FEUILLE
27. BOIRE DE LA SOUPE AVEC UNE CUILLERE
28. NS19
29. VOULOIR DES SOUS
30. NS6
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 63/65
Systèmes Moteurs GestuelsSystèmes Moteurs Verbaux
SystémeSémantique
Actions
Praxicon d’Entrée
Praxicon de Sortie
Lexique Phonologiqued’Entrée
Lexique Verbal deSortie
Système de Reconnaissancedes Objets
Entrée Auditivo / Verbale Entrée Visuelle / Objets Entrée Visuo / Gestuelle
Analyse VisuelleAnalyse Auditive
TamponPhonologique
PatronsInnnervatoires
Analyse Visuo/Gestuelle
64/65 Revue de Neuropsychologie
Systèmes Moteurs
Système Sémantiquede l'Action
Lexique Gestueld'EntréeSystème de
Reconnaissancedes Objets
SchémasInnervatoires
Analyse Visuo-Gestuelle
EntréesVerbales
Connaissancedu Corps
Analysevisuo-spatiale
Lexique Gestuelde Sortie
Analyse VisuelleObjets
SortiesVerbales
NS1 NS2 NS3
NS4 NS5 NS6
NS7 NS8 NS9
NS10 NS11 NS12
NS13 NS14 NS15
NS16 NS17 NS18
NS19 NS20 NS21
NS22 NS23 NS24
NS25 NS26 NS27
NS28 NS29 NS30
BEP – Batterie d’Evaluation des Praxies 65/65
00.10.20.30.40.50.60.70.80.9
1
CO IMS IMNS CO IMS IMNS CO IMS IMNS
+95.000%
-95.000%
Moyenne
Unimanuels Droit Unimanuels Gauche Bimanuels
Recommended