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Les allergies aux anti-infectieux

O. EpaulardMaladies Infectieuses

CHU de Grenoble

DU de thérapeutique anti-infectieuses19 février 2020

Université Grenoble-Alpes, 2019-2020

Plan

• Définitions

• Mécanismes de l’allergie

• Manifestations

• Tour d’horizon de quelques molécules

• Diagnostic

• Puis-je utiliser cette -lactamine chez ce patient ?

• Accoutumance

Quelques définitions

• Allergie : réaction immunologique délétère / exagérée contre un antigène

• Allergène : antigène à l’origine d’une réaction allergique

• Haptène : cible d’un anticorps mais n’induisant de réponse que fixé sur une autre molécule

• Atopie : prédisposition à développer des réactions allergiques médiée par les IgE (hypersensibilité immédiate)

• Hypersensibilité : réactivité particulière, immunologique ou non, d’un sujet à des molécules tolérées par la majorité des autres sujets

• Sensibilisation : développement d’une mémoire immunologique à l’origine d’une réaction allergique lors de la réintroduction de l’antigène

• Toxidermie : effet indésirable cutané lié à un médicament, allergique ou non(ex : phototoxique)

Mécanisme des allergies vraies

Hypersensibilité immédiate (protéine, autres molécules …)

Lymphocyte TLymphocyte B

Lymphocyte TLymphocyte B

Hypersensibilité immédiate (protéine, autres molécules …)

Hypersensibilité immédiate (protéine, autres molécules …)

Lymphocyte B Lymphocyte T

antigènes produits par la cellule ou issus de pathogènes intracellulaires

antigènes prélevés par la cellule dans l’environnement

cytotoxicité

initiation, entretien et orientation de la réponse immune

Présentation d’antigènes aux lymphocytes T(origine : protéines essentiellement)

cytotoxicité

initiation, entretien et orientation de la réponse immune

Présentation d’antigènes aux lymphocytes T(origine : protéines essentiellement)

Cellule dendritique

antigènes produits par la cellule ou issus de pathogènes intracellulaires

antigènes prélevés par la cellule dans l’environnement

cytotoxicité

initiation, entretien et orientation de la réponse immune

Présentation d’antigènes aux lymphocytes T(origine : protéines essentiellement)

Cellule dendritique

Principal mécanisme de l’HS de type IV : l’ATB se comporte comme un haptène

• Fixation covalente sur une protéine

– de l’antibiotique

– ou d’un de ses métabolites

• Protéine porteuse dans 90% des cas : albumine

D’autres mécanismes sont possibles (cf sulfaméthoxazole)

Uetrecht 2007

Haptènes médicamenteux

Faulkner 2014

Tableaux • Médiés par les IgE = HS immédiate

– Urticaire– Œdèmes cutanéomuqueux– Bronchospasme – Choc anaphylactique

• Médiés par les autres anticorps (HS retardée)– Cytopénies par cytotoxicité dépendantes des Ac– Maladies à complexes immuns circulants

• Médiés par les lymphocytes T (HS retardée)– Éruptions maculopapuleuses +/- bulleuses– Eczéma– DRESS– Pustulose exanthématique aiguë généralisée– Atteintes viscérales immunoallergiques (néphrite interstitielle, hépatite,

pneumopathie …)– …

Les 7 tableaux d’hypersensibilité retardée

Diapos : Audrey NosbaumCHU Pierre Bénite, Lyon

Nosbaum

Nosbaum

Nosbaum

Pustulose exanthématique aiguë généralisée

Nosbaum

Nosbaum

Nosbaum

Nosbaum

Y a-t-il des facteurs de risque d’allergie médicamenteuse ?

• Sex ratio déséquilibré (2F/1H)

• Atopie patente rarement préexistante

• Facteurs génétiques, encore rarement précisés– HLA

• HLA A2 et HLA DR W52 : aminopénicillines• HLA B5701 et HLA DR7 DQ3 : abacavir

– Pharmacogénomique

• Facteurs acquis– Infection par le VIH au stade SIDA (allergie au SMX : RR=10 à 20)– lupus – MNI

• Syndrome d’allergie médicamenteuse multiple

Mécanismes non allergiques

• Apport d’histamine exogène

– Non vu en manifestations médicamenteuses

• Histaminolibération

– Vancomycine

– Opiacés

– Produit de contraste iodé

Red man syndrom et vancomycine

• Via la dégranulation des mastocytes– Observée in vivo et in vitro

• Plus fréquent chez les enfants

• Favorisé par les infusions de plus d’un gramme en moins d’un heure– Volontaires sains : RSM chez 80% si moins d’un heure vs 30% si

plus de 2 heures

• Traitement : – arrêt temporaire de la perfusion – antihistaminiques

Phototoxicité vs photoallergie

• Mécanismes liés à la capacité d’une molécule à absorber l’énergie lumineuse– = chromophore

• Puis– À la ré-emettre, avec des dégâts liés à cette énergie :

phototoxicité

– À s’en trouver modifiée et devenir un antigène ou un haptène : photoallergie

Phototoxicité

• Liée à la capacité de certaines molécules à réémettre l’énergie absorbée lors de l’exposition à la lumière– Mécanisme non immunologique– Lésions diverses :

• De type thermique : érythème, bulles …• De type génotoxique : kératose actiniques, voire carcinome• Sur les zones photoexposées

• Molécules concernées : – Fluoroquinolones– Voriconazole– Cyclines – AINS– Amiodarone– Phénothiazines – …

Patel 2009

O. Lortholary, CP

Cohorte grenobloise

Cohorte grenobloise

Cohorte grenobloise

Photoallergie

• Modification antigénique du fait de l’énergie lumineuse

• Réactions de type IV de Gell & Coombs

• Peut déborder des zones photoexposées

• Molécule concernées : – Phénothiazines

– Kétoprofène

– piroxicam

Tour d’horizon de quelques molécules

-lactamines :

• À l’origine – d’allergie dans 0,7 à … 10% ? des prescriptions

– de rash maculopapuleux : 1%

– d’urticaire, angio-œdème, fièvre : 1% à 1%0

– d’anaphylaxie grave : • Pénicillines : 0,01% à 0,05% - mortalité 2,5% des cas

• Céphalosporines : 0.1 à 0.0001%

– de maladie sérique : surtout C1G et C2G

– de thrombopénies immuno-allergiques

Allergies aux pénicillines

• Toutes les réactions de Geller & coombs sont possibles– médiée par les IgE : 40% par réaction contre le noyau-lactam, 35% contre la chaine latérale

– Autres phénomènes : principalement par réaction contre le noyau -lactam• Avec une allergie croisée à toutes les pénicillines

– Fixation de la molécule sur une protéine• Par ouverture du « noyau » -lactam

• 95% : liaison covalente du groupe pénicilloyl sur une histidine– 5% : autres dérivés dits « déterminants mineurs »

Allergies aux pénicillines

• Toutes les réactions de Geller & coombs sont possibles– médiée par les IgE : 40% par réaction contre le noyau-lactam, 35% contre la chaine latérale

– Autres phénomènes : principalement par réaction contre le noyau -lactam• Avec une allergie croisée à toutes les pénicillines

– Fixation de la molécule sur une protéine• Par ouverture du « noyau » -lactam

• 95% : liaison covalente du groupe pénicilloyl sur une histidine– 5% : autres dérivés dits « déterminants mineurs »

Demoly 2003

Demoly 2003

Noyau -lactam : pénicillines

R

Amoxicilline Pipéracilline

Cloxacilline Ticarcilline

Noyau -lactam

Chaîne latérale

Allergies aux céphalosporines

• Réactivité croisée entre céphalosporines : moindre que les pénicillines entre elles

• Haptènes moins bien caractérisés

Kelkar 2001

Faible fiabilité de l’interrogatoire …

• 5 à 46% des sujets rapportant une allergie à « la pénicilline » ont des tests cutanés positifs

– Dont 18% des patients avec œdème laryngé

– VPP d’une histoire rapportée par les sujets : 14%

• Prévalence dans la population générale :

– 1 à 3% ont tests cutanés positifs

Sulfaméthoxazole

• Principalement hypersensibilité retardée– Fièvre

– Éruption maculopapuleuse

– SSJ, NET

– VIH non traité : RR=10-20

• Mécanismes :– Action non du SMX mais de métabolites

– Haptène fixé sur une protéine puis présentation

– Ou fixation directe au CMH

Sulfaméthoxazole

• Modification par le CYTP450– Sulfaméthoxazole hydroxylamine

• Puis auto-oxydation en nitrososulfaméthoxazole– Haute réactivité avec les protéines sériques

• Ces métabolites plus fréquents en cas de SIDA– Cause : ?

• Réactions croisées entre sulfamides non antibiotiques : théoriques

Les lymphocytes T recrutés dans la peau sont les acteurs des éruptions bulleuses liées au SMX

2002

Réactivité croisée des lymphocytes T présents dans les bulles d’éruptions au SMX

Autre mécanisme d’HSR

• Liaison au CMH comme s’il s’agissait d’un peptide

• Interaction avec le TCR des lymphocytes T et activation de clones spécifiques

• Sulfaméthoxazole

– Mais aussi carbamazépine, lidocaïne, célécoxib …

Allergies aux fluoroquinolones

• Jusqu’à 2 % des traitements

– Souvent croisée entre différentes molécules

• Phénomènes généralement IgE dépendants

• Tests cutanés peu concluants (bonne VPN ?)

• À ne pas confondre avec la phototoxicité

Allergie aux macrolides

• Rare : 0,4 – 3%

• Mécanisme prédominant indéterminé

• Tests cutanés généralement peu concluants

Allergies aux antituberculeux

• Tous les types d’HSI et HSR ont été décrits– Y compris cytopénies

• Si suspicion d’allergie pendant une multithérapie : réintroduction des molécules en décalé

• Réalisation d’accoutumance (desensitization) si nécessaire

Allergie aux glycopeptides

• Vancomycine : une allergie vraie est possible

– rare

– En particulier érythème linéaire à IgA

• Téicoplanine : réactions rares

Antirétroviraux

Chaponda 2010

Diagnostic

Diagnostic Lors de l’accident• Dosage de la tryptase : dans les 8 heures suivant une scène d’HSI

– Témoigne d’une dégranulation des basophiles

À posteriori• Interrogatoire• Test cutanés

– Prick-test cutanés pour les mécanismes dépendants des IgE– Patches cutanés pour les mécanismes d’hypersensibilité retardée– Injection intradermique pour les 2

• Réintroduction en milieu hospitalier– = test de provocation

• Dosage des IgE : place mal codifiée

Prick test

• Dépôt d’une goutte d’ATB dilué puis piqure de la peau à travers la goutte

• Lecture à 20mn• Indication : suspicion de réaction immédiate• Disponible en routine pour les pénicillines : test

– Du déterminant majeur (benzylpenicilloyl polylysine),– Des déterminants mineurs, – de l’amoxicilline,– De la pénicilline incriminée

• Possible aussi pour les céphalosporines• Moins sensible et plus spécifiques que les IDR

• À réaliser entre 6 semaines et 6 mois après la manifestation supposée allergique

Bourrain 2009

Tests intradermiques

• Injection intradermique d’une solution de la molécule incriminée

• Indication : suspicion de réaction immédiate ou non immédiate– Si réaction immédiate : commencer par les prick-tests

• Lecture à différents temps– 30 min : pour les réactions immédiates

– 6, 24 et 72 h : pour les réactions non immédiates

• Méthode de référence pour les pénicillines

Patches cutanés

• Pour les réactions d’hypersensibilité retardée

• Très spécifiques, peu sensibles

Sensibilité des tests cutanés pour les -lactamines

• Pas de gold standard (pas de TPO généralisé …)

• 80-90% pour les HS immédiates

– D’autant plus qu’existe un historique évocateur

– Bonne valeur prédictive négative

• HSR : résultats moins concluants

Intérêt du dosage des IgE spécifiques ?

• Valeurs prédictives positive et négative peu satisfaisantes

• Préconisés par certains en cas de tests cutanés non concluants

• Pas en 1ère ligne selon l’HAS

Démarche Ponvert 2005

Démarche Ponvert 2005

Démarche Ponvert 2005

• ICU

• 24 patients déclarés « allergie pénicilline »

– Dont 21 sans réaction immédiate récente

• Tests cutanés chez ces 21 patients

– Tous négatifs

• 10 de ces patients sont mis sous pénicilline

– Aucune réaction n’est observée

Arroliga 2000

HSI, Tests cutanés et autres ATB

• Fluoroquinolones– Faux positifs dus à l’histaminolibération due aux FQ

– Sensibilité satisfaisante

– Permettent d’explorer une réactivité croisée

• Macrolides– Spécificité et sensibilité faibles

• Sulfamides– Travaux non concluants

Les allergies croisées au sein des pénicillines

Puis-je traiter par céphalosporinece patient allergique à « la » pénicilline ?

• Méta-analyse Lin 1992 :

– 15000 patients environ avec traitement par cephaloridine, cephalexine, cephalothine, cefazoline, cefamandole

– Certains rapportent une allergie à « la » pénicilline (non explorée sauf interrogatoire)

– Réaction sous céphalosporine :

• 8,1% chez les patients avec une notion d’allergie à la pénicilline

• 1,9% dans le groupe « pas de notion »

Un sur-risque existerait donc …

Puis-je traiter par céphalosporinece patient allergique à « la » pénicilline ?

Kelkar 2001

Un sur-risque existerait donc …

• 128 patients avec HSI à une pénicilline

– 81 chocs anaphylactiques, 47 urticaires

– Tous avec test cutanés positifs

• Test cutanés avec cefalotine, cefamandole, cefuroxime, ceftazidime, ceftriaxone, et cefotaxime

– 14 patients ont des test cutanés positifs

• Les 114 autres reçoivent cefuroxime ou ceftriaxone

– Aucun ne fait de réactionRomano 2004

Puis-je traiter par céphalosporinece patient allergique à « la » pénicilline ?

Puis-je traiter par céphalosporinece patient allergique à « la » pénicilline ?

Méta-analyse Pichichero 2007

Méta-analyse Pichichero 2007

Méta-analyse Campagna 2011

• Réactivité croisée avec les céphalosporines :

– 1% chez les sujets rapportant une allergie aux pénicillines

– 2,5% chez les sujets dont l’allergie est documentée

– La réactivité croisée concerne essentiellement les C1G et C2G

Puis-je traiter par céphalosporinece patient allergique à « la » pénicilline ?

• Recommandations après une allergie à la péni : – Tests cutanés

– Et traitement par céphalosporine possible• si tests négatifs pour la pénicilline

• Voire même sans tests cutanés si C3G / C4G ?

• Précaution si scène clinique grave aux pénicillines

• Si notion d’allergie à une céphalosporine : – Tests cutanés

Puis-je traiter par céphalosporinece patient allergique à « la » pénicilline ?

Romano 2010• 98 patients avec HSI prouvée (TC) à une céphalosporine• Tests cutanés aux pénicillines et carbapénèmes

– 11% ont test + aux pénicillines• Essentiellement si HSI avec céphalosporine de chaine latérale proche des péni

– Cephalotine, cefamandole, cefaclor, cephalexin, cefatrizine

– 1% a test + aux carbapénèmes

• Dosage IgE spécifiques– 16 ont des IgE anti-pénicilline

• Au total 25% ont un test positif• Test de provocation :

– 97 avec imipénème : 1 fait urticaire modéré– 73 avec amoxicilline : pas de manifestation

Et l’inverse ?Puis-je traiter par pénicilline

ce patient allergique « aux » céphalosporines?

Puis-je traiter par carbapénèmece patient allergique à «la» pénicilline ?

Sodhi 2004 Allergie explorée par l’interrogatoire, non affirmée par tests cutanés

2004

*Outil = clinique, pas test cutanés*

*

• 112 patients avec – Manifestations d’HSI à une pénicilline

– Et tests cutanés +

• Tests cutanés à l’imipénème– Tests positifs chez 1 patient

• Test de réintroduction chez les 111 autres– 0,005mg à H0, 0,05mg à H1, et 0,5mg à H2

– Aucune réaction cutanée

Romano 2006

En résumé : réactions croisées

• 1-5% des patients allergiques aux Péni le sont aux carbapénèmes

• <1%? des patients allergiques aux Péni le sont aux Céphalo

– Surtout pour les C3G

• <5%? des patients allergiques aux Céphalo le sont aux Péni

– Si respect de la chaîne latérale

Accoutumance

Accoutumance(meilleur terme que désensibilisation)

• Création d’une tolérance +/- transitoire– Doit être répétée pour chaque cure

• Par apport de doses croissantes du médicament incriminé• Circonstances : HSI et …

– Diabète / insuline– Cancer / cytotoxiques– Infections / molécules cruciales

• Pénicilline / syphilis de la femme enceinte• Cotrimoxazole / VIH (HSI rares …)• β-lactamines et mucoviscidose

• Stratégie : – Interrogatoire– Tests cutanés– Accoutumance si + (sauf si allergie grave)

Accoutumance : de nombreux domaines

Carnadas 2010

Accoutumance vs test de provocationCarnadas 2010

Réalisation d’une accoutumance

• Préférer la voie orale à la voie injectable

• USI à disposition

• Débuter à 1 / 10 000 de la dose

– Voire moins si ATCD = choc anaphylactique

– Puis dose doublée toutes les 15 min

– Si effets indésirables : retarder la dose suivante voire interrompre la procédure

Carnadas 2010

Contre-indications aux tentatives d’accoutumance

• Asthme non contrôlé

• insuffisance cardiaque grave

• Manifestations allergiques avec risque vital : DRESS, vascularite, SJS/NET

Mécanismes de l’accoutumance ?

• Épuisement des médiateurs ?

• Épuisement des IgE ?

• Pas de pontage des IgE par excès d’haptène libre ?

Exemple de protocole d’accoutumance : pénicilline, voie IM

Carnadas 2010

Pénicilline per os … … ou IV au PSE

Accoutumance à la pénicilline G en cas de syphilis pendant la grossesse

Imbart-comte 2004protocoles publiés pour le sulfaméthoxazole

Accoutumance en cas de mucoviscidose

2011

Risques liés à l’accoutumance

• Réactions anaphylactiques

– 30-80% de réaction limitée lors des désensibilisations à la pénicilline

– Ne doivent pas forcément faire stopper la procédure

– 5-% de réaction sévère

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