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Communauté française de Belgique
Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux
EVALUATION DE L’IMPACT DU COTON SUR LE
DEVELOPPEMENT RURAL
Cas de la région de Korhogo au Nord de la Côte d’Ivoire
Membres du jury, messieurs :
Prof. LEBAILLY Ph., Promoteur
Prof. MICHEL B.
Prof. BURNY Ph.
Prof. BAUDOIN J. P.
Prof. MERGEAI G. (Rapporteur)
Prof. WAUTELET J. M. (Rapporteur)
Prof. TANOH K.
M. DEA G. B. (CNRA)
Année 2005
SERY Zagbaï Hubert
Dissertation originale présentée en vue de l’obtention du grade de
Docteur en Sciences agronomiques et Ingénierie biologique
© Copyright : Aux termes de la loi belge du 22 mars 1886, sur le droit
d’auteur, seul l’auteur a le droit de reproduire cet ouvrage ou
d’en autoriser la reproduction de quelque manière et sous
quelque forme que ce soit. Toute photocopie ou reproduction
sous autre forme est donc faite en violation avec la loi.
A tous les miens
Si tu vas au champ pour dormir à l’ombre,
la houe ne va pas te réveiller.
Le travail t’attend là où tu l’as laissé
et si tu recules, il te repousse.
Paroles de Père Zagbaï
Si, comme le rapporte Christiane Peyron-Bonjan, "seul l'insuffisant est
productif (...) la complexité est un progrès de connaissance qui apporte
de l'inconnu et du mystère. Le mystère n'est pas que privatif ; il nous
libère de toute rationalisation délirante qui prétend réduire le réel à de
l'idée et il nous apporte, sous forme de poésie, le message de
l'inconcevable" . Affronter le paradoxe d'une connaissance qui n'est son
propre objet dans la connaissance de la connaissance entendue comme
méta-connaissance transdiciplinaire du Politique, que parce qu'elle
émane d'un sujet, c'est aussi mettre à jour les limites assumées de cet
article qui, entre bricolage anarchiste de théories incommensurables et
architectonique d'un paradigme nécessairement non achevé, vise à
computer les savoirs par l'enchevêtrement hologrammatique des
connaissances dispersées, sorte d'archipel des savoirs (Mabilon-Bonfils
et Saadoun, 2000).
SERY Zagbaï Hubert 2005. Evaluation de l’impact du coton sur le
développement rural. Cas de la région de Korhogo au Nord de la Côte
d’Ivoire. (Thèse de doctorat) Gembloux, Faculté universitaire des
Sciences agronomiques,
243 p., 31 tabl., 46 fig.
Résumé
L’étude tente d’évaluer l’impact du coton sur le développement rural dans
le Nord de la Côte d’Ivoire à partir du cas de la région de Korhogo. En
marge du cotonnier local pluriannuel qui existait dans les systèmes de
production, le cotonnier à cycle annuel a été introduit en Afrique de
l’Ouest et plus particulièrement en Côte d’Ivoire à la demande de
quelques entreprises françaises qui voulaient échapper au monopole des
Etats-Unis sur le marché mondial de la fibre. Cette culture du coton a fait
l’objet de plusieurs formes de soutien à différents niveaux : recherches
agronomiques et technologiques, conseils agricoles et vulgarisation des
techniques culturales, formation et organisation des producteurs,
subventions aux intrants (les semences sont encore subventionnées
jusqu’à nos jours), prix garanti à la production, commercialisation
assurée, etc. Aussi, de culture forcée avant l’indépendance, le coton est-il
de plus en plus massivement adopté librement, à cause de ses nombreux
atouts. On peut retenir que le coton a profondément amélioré les pratiques
agricoles, modifié le paysage agraire dans son ensemble, transformé les
mentalités et le mode de vie d’un nouveau type d’agriculteur qui se veut
désormais à la fois producteur et industriel. En un mot, le coton joue un
rôle positif indéniable sur le développement de la région d’étude.
Le premier chapitre présente le contexte de l’étude et la méthodologie
suivie dans le choix et la réalisation des observations de terrain, fait
l’historique et analyse le fonctionnement de la filière coton en Côte
d’Ivoire. Dans le second chapitre, après une brève présentation des
situations antérieures, on évalue la dynamique des systèmes agraires
cotonniers depuis 1960 en considérant principalement les changements
induits par les diverses modalités d’adoption de la culture du cotonnier
sur les systèmes de production pratiqués. On analyse les modifications
survenues en matière d’occupation des terres, d’acquisition et d’utilisation
d’équipements et d’intrants agricoles, de trajectoires d’évolution des
systèmes de production. On insiste sur les changements notables dans
l’affectation du facteur travail qui limite souvent la formation des revenus
agricoles. Tout cela aboutit à la différenciation du niveau de richesse des
exploitations en fonction du type de système de production pratiqué. Le
troisième chapitre de la dissertation est consacré à l’évaluation des
conséquences technico-économiques de la culture du cotonnier. On
montre qu’elle a contribué à améliorer les techniques de production, la
rentabilité financière des exploitations, l’accroissement des échanges
marchands, la réduction du niveau de pauvreté en milieu rural, les
conditions de vie et le niveau d’éducation des populations. On termine par
des conclusions générales, des perspectives et des recommandations.
L’accent est mis sur la nécessité de repenser la recherche agronomique et
la vulgarisation dans le sens de la durabilité des systèmes à base de coton
et, de trouver des solutions institutionnelles pour une répartition de la
valeur ajoutée de façon équitable aux différents acteurs de la filière
cotonnière en Côte d’Ivoire.
SERY Zagbaï Hubert 2005. Impact appraisal of cotton cultivation on
rural development. Case of the Korhogo region, North of Côte d’Ivoire.
(Thèse de doctorat in french) Gembloux, Belgium, Faculté universitaire
des Sciences agronomiques,
243 p., 31 tabl., 46 fig.
Summary
The study tries to evaluate the impact of cotton on rural development in
the Northern part of the Côte d’Ivoire through the case study of the
Korhogo area. Besides the multiannual local cotton varieties which have
been existing in the production systems, a cotton plant with annual cycle
was introduced in West Africa and more particularly in Côte d’Ivoire as a
request from some French companies which wanted to escape from the
monopoly of the United States on the world fibre market. This type of
cotton crop was the object of several supporting measures at various
levels: agronomic and technological researches, agricultural advices and
popularization of the farming techniques, training and organization of the
producers, subsidies for the inputs (seeds are still subsidized nowadays),
production price guaranteed, ensured marketing, etc. Therefore, from an
imposed crop, cotton has became more and more massively freely
adopted, because of its many assets. It can be retained that the cotton has
deeply improved the agricultural practices, modified the agrarian
landscape in general, transformed the mentality and the way of living of a
new type of farmer who became both producer and industrial. In brief,
cotton plays an unmistakable positive role on the development of the
studied area.
The first chapter presents the context of the study and the methodology
which has been followed for the choice and the realization of the field
observations. It gives the history and analyzes the organization of the
cotton supply and marketing chain in Côte d'Ivoire. In the second chapter,
after a short presentation of the previous situations, the dynamics related
to the cotton agrarian systems since 1960 are estimated by considering
mainly the changes led by the various adoption modalities of the cotton
crop on the practised production systems. The modifications arisen in
land use, acquisition and use of equipments and agricultural inputs as well
as the evolution trajectories of the farmers are analysed. We insist on the
notable changes in the work factor distribution which often limits the
formation of agricultural incomes. All this leads to the farmers wealth
level differentiation according to the type of practised production
systems. The third chapter is devoted to the evaluation of the technical
and social consequences of the cotton crop. It is shown that it has
contributed to the improvement of production techniques, to the farmers
financial profitability, to the increase of commercial exchanges, to the
reduction of the poverty level in rural areas, to the improvement of the
living conditions as well as to the educational level of the populations.
We end by general conclusions, perspectives and recommendations. It is
highlighted that there is a necessity to rethink agronomic research and
popularization toward sustainability of the cotton-based systems. It is also
important to find institutional solutions for a fairest distribution of the
added value to the various actors dealing with the cotton supply and
marketing chain in Côte d'Ivoire.
Remerciements
Au terme de ce travail de recherche, je tiens à exprimer ma profonde
gratitude à Monsieur le Professeur Philippe LEBAILLY pour son flair
infaillible, son humanisme et sa rigueur scientifique qu’il a essayé de me
communiquer le long de ce cheminement. C’est parce qu’il m’a fait
confiance depuis le début, m’a soutenu et encouragé en acceptant d’être le
promoteur de cette dissertation que je suis arrivé au bout. J’ai eu la chance
de bénéficier de l’encadrement d’une équipe dont je garde à jamais les
meilleurs souvenirs tels que la robustesse de Monsieur Baudouin
MICHEL, la finesse du Professeur Philippe BURNY et le pragmatisme
avéré de Monsieur Fabio BERTI. En gros, ces orfèvres de la recherche en
économie (rurale) m’ont été d’un apport inestimable qui requiert mon
humilité et ma reconnaissance à tout moment.
Je remercie également Monsieur le Recteur et Président du jury,
THEWIS A., ainsi que Messieurs BAUDOIN J.-P., MERGEAI G.,
WAUTELET J.-M. pour leur précieux temps et l’attention qu’ils ont
accordés au suivi et à l’amélioration de ce travail.
Mes remerciements vont aussi à l’endroit de Monsieur le Directeur
Général du CNRA à Abidjan pour sa souplesse et à travers lui, tout son
personnel et en particulier, celui de la Direction Régionale de Korhogo,
Je ne saurais oublier de remercier messieurs ADJA Diby pour son soutien
administratif, TANO K. et NDAW P. S. pour avoir guidé mes premiers
pas dans la pratique de la recherche sur le terrain et, BOUABRE Marcel,
l’instituteur qui a le plus marqué mon enfance.
Je remercie très sincèrement Madame STOFFELEN Nadine et l’ensemble
du personnel de l’Unité d’Economie et Développement Rural pour son
soutien permanent. Je remercie aussi les fils ZAGBAI Husez, Astaire,
Ersim et Madame AHUA Nathalie pour leurs bénédictions, ainsi que tous
ceux qui, de près ou de loin, ont contribué d’une façon ou d’une autre à
l’aboutissement de ce travail.
Table des matières
Introduction générale 1
1. Position du problème 1
2. L’objectif de l’étude 6
2.1. L’objectif global 6
2.2. Les objectifs spécifiques 6
3. Les hypothèses de recherche 7
3.1. Du progrès technique 7
3.2. Des temps de travaux 7
3.3. Du revenu du coton 7
3.4. Du développement rural 8
4. Définitions 8
4.1. De l’évaluation d’impact 8
4.2. Du cotonnier 8
4.3. De la notion de développement 9
4.4. De l’exploitation agricole 12
5. La revue de la littérature 13
6. Plan du travail 16
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude 17
1. Méthodologie 17
1.1. La démarche globale 17
1.2. Les niveaux d’observation 18
1.3. Le choix de la région d’étude 20
1.4. Le choix des villages 23
1.5. Le choix des exploitants 23
1.6. Le choix des variables 24
1.7 La collecte et le traitement des données 25
2. Présentation du milieu naturel 28
2.1. La situation géographique 28
2.2. L’hydrographie 28
2.3. Les contraintes climatiques 28
2.4. Les sols 29
Table des matières
ii
2.5. Le relief 31
2.6. La végétation 31
2.7. Le milieu humain 32
2.7.1. Les Sénoufo 32
2.7.2. Les Dioula 33
2.7.3. Les Peulh 34
2.7.4. La densité de peuplement 34
2.7.5. La pyramide des âges 35
3. La filière coton 36
3.1. L’importance de la culture du coton dans l’économie 37
3.2. Les raisons socio-économiques de l’introduction du coton 40
3.3. L’évolution de la recherche cotonnière en Côte d’Ivoire 43
3.3.1. Une première période de recherche
par tâtonnements 43
3.3.2. Une seconde période marquée par la sélection
massale 45
3.3.3. Une troisième période marquée par les croisements 46
3.4. L’encadrement de la culture du coton 49
3.4.1. Les grandes lignes du rôle de la CIDT 49
3.4.2. L’approvisionnement en intrants 52
3.4.3. La collecte du coton 52
3.4.4. Le stockage, la commercialisation et l’égrenage 53
3.4.5. Le financement de la filière 54
3.5. Les difficultés de la CIDT 55
3.6. La privatisation de la CIDT 57
3.6.1. Les prémisses de la privatisation 57
3.6.2. Les divergences autour de la question
de la privatisation 58
3.7. Les acteurs de la filière 62
3.8. La place des paysans dans la filière coton 63
3.8.1. Aperçu historique du mouvement coopératif 63
3.8.2. Les groupements à vocation coopérative 65
3.8.3. Les unions de GVC 67
3.8.4. Les égreneurs 69
4. Conclusion partielle 71
Table des matières
iii
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire 73
1. Pendant la période précoloniale 74
2. Pendant la période coloniale 75
3. Après l’indépendance 78
3.1. L’adoption de la culture du coton au niveau du village 78
3.2. Le rejet de la culture du coton par le village 85
3.3. L’adoption de la culture du coton par les exploitants 87
3.3.1. L’évolution du nombre de planteurs de coton 87
3.3.2. L’adoption de la culture du coton par l’exploitant 92
3.4. La différenciation et le dynamisme des exploitants 97
3.4.1. La typologie des exploitants 97
3.4.2. La trajectoire d’évolution des paysans 101
3.5. La culture du coton modifie l’occupation du sol 110
3.5.1. Le système vivrier traditionnel de base en 1960 110
3.5.2. Le système de culture actuel 113
3.5.3. L’accroissement spectaculaire des superficies
cotonnières 123
3.5.4. La place du coton dans l’assolement 124
3.6. Le coton modifie l’affectation du facteur travail 129
3.6.1. Le calendrier agricole 131
3.6.2. Le temps des travaux agricoles 135
3.6.3. Le travail annuel de l’homme et de la femme 136
3.6.4. Le temps des travaux culturaux 138
4. Conclusion partielle 141
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 145
1. Introduction 145
2. Impact technique de la culture du coton 147
2.1. Le coton ouvre la voie au progrès biologique 147
2.2. Le coton favorise un progrès de savoir-faire 156
2.3. Les limites de la houe Sénoufo 158
2.4. La transition vers l’attelage, un progrès mécanique 159
2.5. Les déterminants de l’évolution de la production 162
Table des matières
iv
3. La formation du revenu agricole 171
3.1. Le revenu des systèmes de culture sans coton 175
3.2. Le revenu des systèmes de culture manuelle de coton 177
3.3. Le revenu des exploitations mécanisées 178
3.4. Les caractéristiques technico-économiques
des exploitations 180
4. Les exigences de la mécanisation 182
4.1. Le choix de la taille optimale : approche théorique 182
4.2. Le difficile choix de la taille optimale de l’exploitation 186
5. L’impact socioéconomique du coton 190
5.1. Le coton accroît les échanges marchands 191
5.2. La tendance à la perte de revenu des exploitants 194
5.3. Le coton contribue à réduire le niveau de pauvreté 197
5.4. L’amélioration de l’habitat rural 203
5.5. L’utilisation de nouvelles sources d’énergie 204
5.6. L’information et la formation en milieu rural 206
5.7. La culture du coton facilite la mobilité paysanne 207
5.8. La création d’emplois en milieu rural 210
5.9. L’amélioration du niveau d’alphabétisation 213
5.10. L’amélioration du niveau de santé 216
5.11. L’amélioration de la situation de la femme 217
6. Conclusion partielle 219
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 223
1. Conclusions générales 223
2. Perspectives 227
3. Recommandations 228
Bibliographie 231
Liste des tableaux
Tableau 1.1 – Structure de l’échantillon d’enquête selon la zone,
le village et les critères de choix 24
Tableau 1.2 – Tableau de bord pour le choix des variables
suivant les niveaux d’observation 25
Tableau 1.3 – Principales caractéristiques des sols 30
Tableau 1.4 – Répartition de la population de Korhogo par sous-
préfecture en 1998 35
Tableau 1.5 – Spécialités et capacités des entreprises
de transformation dans la filière coton 39
Tableau 1.6 Production et rendement en fibre comparés
des variétés Allen et Har 46
Tableau 1.7 – Comparaison des rendements de Isa 205
avec variétés sans glandes 48
Tableau 2.1 – Matrice des informations des possibilités de choix
de stratégies dans un cas théorique d’une
alternative (A, B) durant 4 périodes 104
Tableau 2.2 – Evolution de la distribution des exploitants suivant
le niveau technique de 1975 à 2002 105
Tableau 2.3 – Evolution de la distribution des 12 exploitants
disposant de culture attelée en 1975 (trajectoire) 109
Tableau 2.4 – Rotations dans le système vivrier de base en 1960 113
Liste des tableaux
vi
Tableau 2.5 – Distribution relative de la superficie cultivée selon
le système d’exploitation et la zone d’étude (%) 115
Tableau 2.6 – Fréquence de parcelles portant la même culture
depuis la première année de défrichement (% de
parcelles de la culture) 117
Tableau 2.7 – Importance relative des principales cultures en
tête d’assolement (% du nombre de parcelles) 117
Tableau 2.8 – Distances moyennes du village à la parcelle (km) 122
Tableau 2.9 – Importance des superficies totales cultivées
suivant les types d’exploitations 127
Tableau 2.10 – Travail moyen annuel des actifs par exploitation
(en journées de travail par travailleur) 140
Tableau 3.1 – Evolution de la dose moyenne de NPK, d’Urée
et du rendement en coton-graine (kg/ha) 152
Tableau 3.2 – Taux d’adoption de la fertilisation minérale
(toutes cultures confondues) suivant les types
d’exploitations (% ha semés) 155
Tableau 3.3 – Forme conceptuelle du compte de
production/exploitation 172
Tableau 3.4 – Compte de production/exploitation du SCIG
(1 000 FCFA) 176
Tableau 3.5 – Compte de production/exploitation du MALCA
(1 000 FCFA) 179
Liste des tableaux
vii
Tableau 3.6 – Compte de production/exploitation du CCA
(1 000 FCFA) 179
Tableau 3.7 – Caractéristiques technico-économiques des
différents systèmes de production de la zone
d’étude 181
Tableau 3.8 – Distribution des exploitants du village
de Kouniguékaha selon les classes de revenus
monétaires nets (1 000 FCFA) 200
Tableau 3.9 – Distribution relative des exploitants des différents
villages selon la classe de revenus monétaires
nets 201
Tableau 3.10 – Importance relative des types de maisons suivant
le type d’exploitant 203
Tableau 3.11 – Utilisation des sources d’énergie par les
exploitants suivant leur spécialisation (en %
du nombre d’exploitants) 205
Tableau 3.12 – Importance relative des sources d’information
utilisées suivant le type d’exploitants (%) 207
Tableau 3.13 – Distribution relative des exploitants des différents
systèmes de production suivant le moyen de
déplacement (en % du nombre d’exploitants
dans le système de production) 209
Tableau 3.14 – Distribution de l’effectif des micro-entrepreneurs
suivant leur activité antérieure 213
Liste des tableaux
viii
Liste des figures
Figure 1.1 – Evolution de la variation du PIB en Côte d’Ivoire 2
Figure 1.2 – Les niveaux d’observation 19
Figure 1.3 – La zone d’étude et villages d’enquêtes 22
Figure 1.4 – Pyramide des âges 36
Figure 1.5 – Variation interannuelle du prix courant au
producteur de coton 42
Figure 1.6 – Circuit de distribution des herbicides 53
Figure 1.7 – Répartition des zones cotonnières en Côte d’Ivoire 61
Figure 1.8 – Les acteurs de la filière coton et leurs principaux
liens 62
Figure 2.1 – Evolution de la production cotonnière sous
la colonisation (tonnes) 77
Figure 2.2 – Importance des raisons de l’adoption du coton
dans les villages de Niellé 80
Figure 2.3 – Les raisons de l’adoption du coton dans les villages
de la zone dense 81
Figure 2.4 – Raisons de l’acceptation du coton dans les villages
de Dikodougou 82
Figure 2.5 – Age moyen à l’adoption de la culture du coton 88
Liste des figures
x
Figure 2.6 – Evolution de l’adoption de la culture du coton,
en % du nombre d’exploitants ayant cultivé
le coton de 1971 à 1980 90
Figure 2.7 – Evolution comparée de l’adoption de la culture
du coton des trois zones 90
Figure 2.8 – Principales raisons d’adoption du coton par
l’exploitant de 1974 à 2000 95
Figure 2.9 – Raisons d’adoption du coton par l’exploitant 96
Figure 2.10 – Typologie des exploitants de la zone d’étude 99
Figure 2.11 – Evolution de la mécanisation 102
Figure 2.12a – Trajectoire d’évolution de 2 exploitants
parmi les 12 étudiés 107
Figure 2.12b – Modification de la trajectoire d’évolution
de 3 exploitants dans la troisième période
(1986-1995) 107
Figure 2.12c – Changement de trajectoire d’évolution
de 2 paysans en 1986-1995 108
Figure 2.12d – Trajectoire stable de 4 exploitants depuis 1975 109
Figure 2.13 – Types d’associations de cultures en 1960 111
Figure 2.14 – Distribution de la superficie de coton par
type d’associations 112
Liste des figures
xi
Figure 2.15 – Types d’associations en 2000 dans différents
types d’exploitations 114
Figure 2.16 – Evolution des superficies de coton en Côte d’Ivoire 123
Figure 2.17 – Distribution relative des superficies, toutes
associations confondues, selon le système
de culture (% ha) 124
Figures 2.18a
à 2.18f – Assolements suivant les types d’exploitants 126
Figure 2.19 – Calendrier de travail des principales cultures
de la région de Korhogo 132
Figure 2.20 – Travail global comparé de la femme et de
l’homme suivant les types d’exploitants 136
Figure 2.21 – Temps de travail à l’hectare suivant les exploitants 139
Figure 2.22 – Travail relatif par culture suivant le système
de culture 141
Figure 3.1 – Illustration de la métafonction de production
de coton 148
Figure 3.2 – Evolution du rendement en coton-graine
en Côte d’Ivoire (kg/ha) 151
Figure 3.3 – Courbes d’évolution des quantités de NPK et
du rendement en coton-graine sur périodes
de 10 ans (kg/ha) 153
Liste des figures
xii
Figure 3.4 – Modèle du progrès mécanique 160
Figure 3.5a – Mise en évidence des effets du rendement
et de la superficie sur l’accroissement de
la production d’une année à l’autre 165
Figure 3.5b – Evolution de l’importance relative de l’effet-
rendement et de l’effet-superficie sur la
production de coton-graine en Côte d’Ivoire 166
Figure 3.6 – Variation de l’effet-rendement et de l’effet-
superficie suivant la spécialisation technique
de l’exploitant 169
Figure 3.7 – Analyse théorique de la viabilité de l’exploitation
en fonction de la taille 185
Figure 3.8 – Nuage de points de la distribution des exploitants
en culture attelée suivant le revenu monétaire net
et la taille 188
Figure 3.9 – Part des intrants dans le coût total et dans le
chiffre d’affaires suivant les types d’exploitants 191
Figure 3.10 – Evolution de l’indice du prix du coton-graine
en Côte d’Ivoire (1984 = 100) 192
Figure 3.11 – Distribution du revenu monétaire net moyen
dans les différents systèmes de production 198
Figure 3.12 – Distribution des exploitants selon le niveau
de richesse dans les villages étudiés (%) 202
Liste des abréviations, des acronymes et sigles
ACC Association cotonnière coloniale
AEV Animateur Endogène Villageois
ANADER Agence Nationale d’Appui au Développement
Rural
AOF Afrique Occidentale Française
Au Autres cultures
BIT Bureau International du Travail
BNDA Banque Nationale pour le Développement Agricole
BNETD Bureau National d’Etudes Techniques et de
Développement
BP Boîte Postale
BSIE Budget Spécial d’Investissement et d’Equipement
CA Conseil d’Administration
CAACH Exploitant équipé de chaîne de culture attelée et de
charrette
CAISTAB Caisse de Stabilisation
CASA Crédit d’Ajustement du Secteur Agricole
CASCH Exploitant équipé de chaîne de culture attelée sans
charrette
CCA Système coton en culture attelée
CCM Système coton en culture motorisée
CECI Centre Canadien d’Etude et de Coopération
Internationale
CENAPEC Centre National de Promotion des Entreprises
Coopératives
CFA Communautés Françaises d’Afrique
CFDT Compagnie Française de Développement des
Textiles
CI Consommations Intermédiaires
CIDT Compagnie Ivoirienne de Développement des
Textiles
CIRAD Centre de coopération internationale en recherche
agronomique pour le développement
CMACA Exploitant équipé de chaîne motorisée et de chaîne
de culture attelée.
Liste des abréviations, des acronymes et sigles
xiv
CMSCA Exploitant équipé de chaîne motorisée sans culture
attelée
CNCMA Centre National de la Coopération et de la
Mutualité Agricole
Co Coton
CREP Caisse Rurale d’Epargne et de Prêt
CSSPPA Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des
Produits Agricoles
DCGTx Direction et Contrôle des Grands Travaux
DMC Direction de la Mutualité et de la Coopération
DOPAC Direction des Organisations Professionnelles
Agricoles et de la Coopération
ECOLOG Economie Locale de Korhogo
FAC Fonds d’Aide et de Coopération
FAO Food and Agriculture Organization of The United
Nations ou Organisation des Nations Unies pour
l’alimentaion et l’agriculture.
FIT Front Intertropical
FMI Fonds Monétaire International
FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population
Fr Fruitiers
FRAR Fonds Régionaux d’Aménagement Rural
GVC Groupement à Vocation Coopérative
IC Ivoire Coton
IDESSA Institut Des Savanes
IDH Indice du Développement Humain
Ig Igname
IPS Industrial Promotion Services
IRCT Institut de Recherche du Coton et des Textiles
exotiques
LCCI La Compagnie Cotonnière Ivoirienne
MALCA Système de culture manuelle de coton avec location
de matériel de culture attelée
MEF Ministère de l’Economie et des Finances
Ml Mil et sorgho
Ms Maïs
MSLCA Système de culture manuelle de coton sans location
de matériel de culture attelée
Liste des abréviations, des acronymes et sigles
xv
OCDE Organisation de Coopération et de Développement
Economiques
OCPV Office d’aide à la Commercialisation des Produits
Vivriers
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONPR Office Nationale de Promotion Rurale
OPA Organisation Professionnelle Agricole
PAS Programme d’Ajustement Structurel
PED Pays en voie de Développement
PIB Produit Intérieur Brut
PNUD Programme des Nations Unies pour le
Développement
RBE Revenu Brut d’Exploitation
RGPH Recensement Général de la Population et de
l’Habitat
Ri Riz
RMN Revenu Monétaire Net
RNE Revenu Net d’Exploitation
SAPH Société Africaine de Plantation d’Hévéa
SATMACI Société d’Assistance Technique pour la
Modernisation de l’Agriculture en Côte d’Ivoire
SCCE Système sans coton, privilégiant les céréales
SCIG Système sans coton, privilégiant l’igname
SEDES Société d’Etudes et de Développement Economique
et Social
SIDA Syndrome Immunodéficitaire Acquis
SIP Sociétés Indigènes de Prévoyance
SMDR Sociétés Mutuelles de Développement Rural
SMPR Sociétés Mutuelles de Promotion Rurale
SODEPALM Société pour le Développement du Palmier à huile
et du cocotier
SODERIZ Société pour le Développement de la Riziculture
SOGB Société des plantations de Grand Béréby
TSAF Technicien Supérieur en Alphabétisation
Fonctionnelle
UCEA-CI Union des Coopératives des Exploitants Agricoles
de Côte d’Ivoire
UCEF Union Cotonnière de l’Empire Français
Liste des abréviations, des acronymes et sigles
xvi
UCOOPAG-CI Union des Coopératives Agricoles de Côte d’Ivoire
UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
UGVC Union des Groupements à Vocation Coopérative
UNICEF United Nations International Children’s Emergency
Fund (Fonds d’urgence des Nations Unies pour
l’enfance).
URECOS-CI Union Régionale des Entreprises Coopératives de la
Zone de Savanes de Côte d’Ivoire
USA United States of America
VA Valeur Ajoutée
INTRODUCTION GENERALE
1 Position du problème
En 2002, la Côte d’Ivoire a été classée 156ème
pays parmi 1731, suivant
l’indicateur du développement humain2 (IDH) avec une espérance de vie
de près de 48 ans (elle était de 40 ans en 1960), un taux d’alphabétisation
des adultes (plus de 15 ans) d’environ 47 %, un revenu national brut par
habitant de 630 dollars (Banque mondiale, 2003 ; UNICEF, 2002 ;
PNUD, 2002 ; FNUAP, 2001). En 2003, elle a été classée 161ème
parmi
175 pays (PNUD, 2004). Depuis son indépendance en 1960, l’histoire
économique de ce pays peut être subdivisée en deux grandes périodes si
l’on s’inspire de la théorie pourtant discutable de Rostow (1970) : une
période de relative croissance économique de 1960 à 1980 et une autre
marquée par des incertitudes de 1980 à 2004. Le taux de croissance
annuelle du produit intérieur brut (PIB) de 1970 à 2004 illustré par la
figure 1.1 rend compte d’une évolution imprévisible avec parfois des
valeurs négatives depuis 1980.
La décennie de démarrage (1960 à 1970) a été qualifiée de « miracle
ivoirien» avec un taux de croissance annuelle du PIB d’environ 7 à 8 %
(Banque Mondiale, 1994). C’est le résultat d’une politique de libéralisme
basée sur le principe de l’ouverture sur l’extérieur et de la propriété
privée. Durant la période 1960-1980, l’interventionnisme étatique s’est
exprimé dans le cadre d’une planification indicative qui a permis de
définir un ensemble d’objectifs et de moyens qui ont contribué à
enclencher ce démarrage. A la fin des années 1980, la Côte d’Ivoire était
classée au premier rang des pays non producteurs de pétrole et en voie
d’émergence (UNICEF, 1996).
On voit bien sur la figure 1.1 que l’évolution de l’économie ivoirienne est
préoccupante. En effet, après deux décennies de croissance forte, le pays
est, depuis 1980, entré dans une crise qui se caractérise par le
1 Le pays a été classé 144ème en 2001 et 154ème en 2000 parmi 173 pays, suivant l’IDH du PNUD. 2 L’indicateur de développement humain mesure le niveau atteint en terme d’espérance de vie,
d’instruction et de revenu réel corrigé.
Introduction générale
2
ralentissement de la croissance économique et l’apparition d’importants
déséquilibres macroéconomiques. Différents programmes d’ajustement
structurel (PAS) ont été mis en œuvre en vue de résorber ces
déséquilibres, sans grand succès.
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
14
70
72
74
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84
86
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90
92
94
96
98 0 2 4
Années
Cro
issa
nc
e d
u P
IB (
%)
Sources : Calcul de l'auteur à partir des données de Ministère du Plan (1997),
FAO (2002) et UEMOA (2004)
Figure 1.1 : Evolution de la variation du PIB en Côte d’Ivoire
La dévaluation de 50% du franc CFA par rapport au franc français
intervenue le 12 janvier 1994 a été pour le pays, une solution salutaire.
Elle a permis de corriger les déséquilibres macroéconomiques et de
relancer l’économie. L’impact de cette dévaluation ainsi que de son
programme d’accompagnement a été immédiat : le PIB qui était en baisse
de 1990 à 1993 s’est accru de 2% en 1994. L’accroissement s’est
amélioré de 1995 à 1997 avec des valeurs respectives de 7,1%, 6,9% et
6,6% suite à une évolution favorable des cours des matières premières et à
l’accroissement des investissements de près de 20% par an (Ministère du
Plan, 2000). En 1998, cet accroissement du PIB chute à 5,6% suite à la
baisse des cours mondiaux des produits d’exportation.
Introduction générale
3
L’effet positif de la dévaluation n’a été que de courte durée. En effet, en
1999, suite à la baisse des productions agricoles (-18,8% pour de cacao et
-48,3% pour le café), à la persistance de la chute des cours, au
ralentissement de l’investissement public (-30,3%) et à la hausse des
cours du pétrole et du dollar américain, la hausse du PIB chute à 1,5%. En
plus de cela, la situation de guerre que traverse le pays depuis septembre
2002 est telle que les perspectives économiques sont devenues
difficilement prévisibles. Cependant, le taux de croissance économique
attendu en 2004 selon l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine
est d’environ 2,4% (UEMOA, 2004).
Depuis la dévaluation, il apparaît, au niveau sectoriel de l’économie, une
hausse des productions agricoles, une progression remarquable des mines
et du pétrole et une bonne performance du commerce et des transports. La
répartition du PIB nominal par branche d’activité indique une
prépondérance du secteur tertiaire (43,7%) en 1996 ; au cours de cette
année, le secteur primaire et secondaire représentait respectivement 32%
et 24,3% du PIB.
En termes réels, le secteur primaire a enregistré une forte croissance
puisqu’elle est passée de - 0,3% en 1993 à 0,5% en 1994 et ensuite à 10%
et à 13,7% respectivement en 1995 et 1996. Dans le secteur secondaire,
grâce notamment aux branches de l’énergie et des bâtiments et travaux
publics, le taux de croissance réel est passé de 8,8% en 1994 à 9,4% en
1996. La croissance réelle du secteur industriel qui s’élevait à 1,6% en
1993, s’est accélérée après la dévaluation puisqu’elle est passée de 2,4%
en 1994 respectivement à 10,4% et 12,2% en 1995 et 1996.
En 2000, suite à la réduction des investissements (pendant la transition
militaire) et la dégradation de la situation financière des entreprises
causée par la baisse de la demande et l’accumulation des arriérés de
l’Etat, le secteur secondaire enregistre une baisse importante de – 11,4%
contre 1,3% en 1999.
En ce qui concerne le secteur tertiaire, dominé par les transports et le
commerce, sa contribution à la croissance du PIB, négative en 1993, est
positive au cours de la période post-dévaluation : 85% en 1994, 50% en
1996 et 1997 (Kouadio, 2000). En 2000, le secteur tertiaire connaît un
recul de 7,8% qui touche toutes les branches : -3,8% pour les Transports ;
Introduction générale
4
-8,1% pour le Commerce et -7,7% pour les Services. La contribution de
l’agriculture, qui a été d’environ 45 % de 1966 à 1990 (Kouadio, 1993), a
baissé dans l’économie en passant à près de 24 % en 2001 (PNUD, 2003).
Cependant, en 2001, l’agriculture reste un secteur clé de l’économie
ivoirienne, occupant 60% de la population et représentant 34% du PIB et
2/3 des ressources d’exportation. Les produits traditionnels d’exportation,
le café et le cacao, occupent toujours la première place des cultures de
rente en Côte d’Ivoire placée au 1er
rang mondial pour le cacao et au 4e
rang pour le café. En dehors de ces principaux produits, les cultures de
palmier à huile, cocotier, hévéa, banane, ananas, coton et anacarde
occupent une place non négligeable dans l’agriculture ivoirienne et leurs
produits sont, dans leur grande majorité, destinés à l’exportation.
L’agriculture vivrière permet d’atteindre l’autosuffisance dans les
domaines de l’igname, du manioc, de la banane plantain, et des cultures
fruitières de manière générale, ce qui n’est toujours pas le cas pour une
denrée pourtant largement consommée par les Ivoiriens, qu’est le riz. En
effet, la Côte d’Ivoire importe encore du riz dans des proportions
importantes (300 000 à 400 000 tonnes par an) ou le poisson, la viande et
les produits laitiers.
Malgré son caractère qualifié de minier et de rentier par certains
observateurs tels que Dubresson et Raison (1998), bien qu’elle soit encore
sensiblement vulnérable par sa relative dépendance du marché mondial,
l’agriculture joue encore un rôle déterminant dans le développement et
dans les équilibres socioéconomiques du pays. Elle produit des biens de
consommation humaine et animale, fournit des consommations
intermédiaires pour les secteurs secondaires et tertiaires, génère deux
emplois sur trois (Badiane et Delgado, 1995, UNICEF, 1996 ; MEF,
1997 ; PNUD, 2002, Banque mondiale, 2003). C’est dans le secteur
agricole que la bataille pour le développement économique à long terme
sera gagnée ou perdue (Malassis, 1998).
C’est probablement dans ce sens que le gouvernement ivoirien a toujours
fait de l’agriculture, le pilier du développement économique et social. En
effet, les premiers programmes de développement faisaient la promotion
des cultures d’exportation : café, cacao, palmier à huile, hévéa, etc.
Depuis les années 1950, la compagnie française de développement des
Introduction générale
5
textiles (CFDT) était déjà présente en vue de promouvoir la culture du
coton. C’est le plan quinquennal 1976-1980 qui donne la priorité à la
promotion de la culture du coton, notamment dans les régions de savanes
du Nord. Ce choix permettait de renforcer la recherche agronomique sur
le coton et de vulgariser les techniques culturales. Trois principaux
objectifs étaient assignés au programme de promotion de la culture du
coton :
faire une vulgarisation de masse de la culture du coton,
accroître la productivité des systèmes de production agricole en
zones de savanes par l’intermédiaire de la culture du coton,
accroître le revenu des agriculteurs qui adoptent le coton, de sorte à
améliorer leur bien-être.
La question des disparités régionales a été relevée par plusieurs
observateurs dont la SEDES (1965), Sinaly (1978), Aubertin (1982), Le
Roy (1984). La tendance générale qui se dégage de leurs études est que la
région du Nord avait accusé un retard dans son développement
économique par rapport à la région forestière du Sud. Ces études restent
discutables. Parce que d’abord, elles simplifient le débat à l’extrême en
subdivisant grossièrement le pays en deux grandes parties : le Nord est
opposé au Sud ou, la zone de forêt est opposée à la zone de savane.
Ensuite, sans hésiter de comparer le Nord à l’ensemble du pays, ces
études prennent comme critère discriminant, le revenu moyen. Par
exemple, ces études relevaient que, au début des années 1970, le PIB
régional par tête est d’environ 25 000 francs au Nord contre 75 000 francs
pour l’ensemble du pays ; le revenu monétaire d’un agriculteur local est
dix fois inférieur à ceux du Sud-Est. Enfin, les disparités intra-régionales
sont rarement perçues. On peut reprocher à ces études le fait de comparer
simplement les richesses des régions sans tenir compte des régions
d’origine des détenteurs de ces richesses. En effet, les auteurs auraient
probablement nuancé leurs conclusions en s’apercevant que parfois, les
ressortissants du Nord sont parmi les plus riches dans les régions du Sud
et les forêts de l’Ouest.
Par ailleurs, en mettant en évidence le rôle des cultures d’exportation dans
la prospérité du Sud ou de la zone forestière, ces études ont encouragé
d’une certaine manière l’expansion des cultures d’exportation vers le
Introduction générale
6
Nord par l’intermédiaire du programme de promotion de la culture du
coton.
C’est pourquoi, il est intéressant de procéder à une analyse des trois
principaux objectifs du programme de promotion de la culture du coton
en se posant les questions suivantes :
le programme coton a-t-il entraîné une adhésion massive des
paysans ?
le programme coton a-t-il réussi à améliorer les techniques
culturales des paysans ?
a-t-il accru les revenus des agriculteurs par rapport au système
traditionnel de cultures vivrières sans coton ?
Telles sont les questions auxquelles la présente étude essaye d’apporter
quelques éléments de réponses.
2 L’objectif de l’étude
2.1 L’objectif global
L’objectif général de l’étude consiste à contribuer à une meilleure
connaissance des acquis des programmes de développement en vue de la
définition de nouvelles orientations de la politique agricole.
2.2 L’objectif spécifique
L’objectif spécifique consiste à évaluer les impacts techniques et socio-
économiques de l’introduction de la culture du coton dans les systèmes de
production agricole de la région de Korhogo au Nord de la Côte d’Ivoire.
Cela amène à apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :
quelles sont les stratégies de décision des agriculteurs dans la
dynamique de fonctionnement des systèmes de production agricole
les amenant à adopter ou à rejeter la culture du coton ?
quel est l’impact de l’introduction du cotonnier sur le progrès
technique dans les systèmes de production agricole ? En d’autres
Introduction générale
7
termes, quels sont les types de progrès générés par la culture du
coton au sein des systèmes de production traditionnels ?
quel est l’impact du coton du point de vue économique ? En
d’autres termes, quel est le surplus de productivité imputable au
coton et comment est-il distribué entre le producteur, les
intermédiaires et les consommateurs ?
quels sont les effets induits de la culture du coton au niveau de la
région d’étude sur le bien-être social ?
Enfin, on donne quelques éléments de perspectives d’avenir des différents
types d’exploitants agricoles en vue de formuler des propositions visant à
fournir quelques éléments de base de décision au vulgarisateur, au
chercheur et au gouvernement.
3 Les hypothèses de recherche
Les hypothèses sont relatives au progrès technique, aux temps de travaux,
au revenu généré par l’exploitation et, de façon plus globale, au
développement rural dans les zones de savane.
3.1 Du progrès technique
La mécanisation du travail agricole s’accompagne d’un progrès technique
à la fois de type biologique et mécanique.
3.2 Des temps de travaux
Bien que la motorisation entraîne une réduction du temps de travail par
hectare, elle accroît l’effort de mobilisation de la main-d’œuvre et en plus,
augmente le travail de la femme par rapport à l’homme.
3.3 Du revenu du coton
Le surplus de productivité globale en valeur résultant de l’activité du
coton peut être d’un niveau appréciable, mais dans la distribution de ce
surplus, on peut craindre que le paysan n’en profite pas assez par rapport
aux autres agents économiques de la filière (intermédiaires, fabricants des
fertilisants et des pesticides, fournisseurs, consommateurs, Etat).
Introduction générale
8
3.4 Du développement rural
La culture du coton a un impact positivement déterminant sur le
développement de la région d’étude. Ce dernier peut certes être
difficilement quantifiable, mais il est appréciable au moins
qualitativement.
Pour atteindre les objectifs de l’étude, il faut un cadre méthodologique
permettant d’en appréhender les données pratiques et théoriques.
4 Définitions
La compréhension des termes essentiels du sujet d’étude nécessite une
brève définition des notions d’évaluation d’impact, coton, développement
rural, exploitation agricole, unité de production familiale.
4.1 De l’évaluation d’impact
Le terme « évaluation » signifie, selon le Petit Larousse (2000) « action
d’évaluer ou de déterminer la valeur, le prix ou l’importance de quelque
chose ». L’évaluation est un processus qui consiste à déterminer de la
manière la plus objective possible, la pertinence, l’efficacité, l’efficience,
l’impact et la viabilité d’un programme ou d’un projet (séries d’activités)
par rapport aux objectifs fixés au départ (Pierre Fabre, 1997). Pour Baker
(2000) l’évaluation d’impact est destinée à déterminer de façon plus large
si le programme a eu l’impact désiré sur des individus, des ménages et
des institutions et si ces effets sont attribuables à l’intervention du
programme. C’est dans ce sens que s’inscrit la démarche de la présente
étude. Bien que le programme coton soit continu, l’évaluation est ex-post
dans la mesure où récemment, l’Etat s’est retiré, la CIDT est privatisée et
que la situation qui a prévalu à la mise en place de ce programme a été
profondément modifiée.
4.2 Du cotonnier
Les cotonniers cultivés en Côte d’Ivoire sont de type pluvial appartenant à
l’espèce Gossypium hirsutum L. (Demol et al., 1992). Sur un total actuel
d’une quarantaine d’espèces de cotonniers, seulement quatre ont été
domestiquées par l’homme. Le cotonnier est une espèce tétraploïde, à
Introduction générale
9
52 chromosomes, possédant en phase haploïde 13 chromosomes
équivalents à ceux du génome A et 13 chromosomes équivalents à ceux
du chromosome D. La morphologie ou la structure fondamentale du
cotonnier est relativement simple. La tige principale est érigée, sa
croissance est terminale et continue. Les branches secondaires et les
suivantes se développent de façon continue (monopode) ou discontinue.
Le cotonnier est cultivé, comme plante annuelle, dans des régions
suffisamment chaudes, sans gelées et avec alternance d’une saison
humide (pour son développement) et d’une saison sèche (pour la
maturation de ses fruits). Son fruit est une capsule contenant des graines
oléagineuses entourées de fibres. Actuellement la culture du cotonnier
s'est répandue dans les régions chaudes de toutes les parties du monde.
L'invention de l'égreneuse à scies par E. Whitney, en 1794, et la
mécanisation de la filature, ont donné à l'industrie cotonnière, et aussi à
cette culture, une impulsion irrésistible.
4.3 De la notion de développement
Donner du développement ou du sous-développement une définition
acceptable par tous n’est pas chose facile. De nombreuses hypothèses ont
été avancées et reformulées dans le temps. Aucune d’entre elles n’est
encore parvenue à recueillir l’adhésion générale. D’ailleurs, le sujet est
tellement complexe qu’il eût été étonnant qu’il en fût autrement.
Les théories libérales considèrent le développement comme une étape
logique succédant au sous-développement. Pour Rostow (1960) par
exemple, le développement est une évolution linéaire passant forcément
par cinq étapes successives :
la société traditionnelle dominée par une économie agricole et des
mentalités conservatrices défavorables au développement,
la conquête de la science et de l’agro-industrie,
le take off où l’investissement et l’épargne doublent et passent de
5% à 10% du revenu national,
la diffusion du progrès technique, de la modernisation et le
développement des industries chimiques et électriques,
la consommation de masse des biens et services, une urbanisation et
une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée.
Introduction générale
10
Mais, il n’est pas possible de déterminer une période correspondant au
take off (Kuznet, 1971). Les pays sous-développés souffrent de neuf
plaies qu’ils doivent impérativement guérir s’ils veulent sortir de leur état.
Les trois premières concernent la situation démographique : forte natalité,
forte mortalité, alimentation insuffisante ; les quatre critères qui suivent
concernent l’emploi : hypertrophie du secteur primaire, sous-emploi rural,
travail des femmes et travail des enfants ; les deux derniers critères sont
d’ordre sociologique : absence de classe moyenne et absence de
démocratie (Alfred Sauvy cité par Montoussé, 1999). La thèse du retard
des PED doit être nuancée puisque les pays à industrialisation tardive
suivent un développement spécifique en mettant en place des stratégies de
substitution à l’importation (Gerschenkron, 1962 et 1970). Pour Ragnar
Nurkse (1964), la pauvreté et le sous-développement sont des
phénomènes autoentretenus dans un cercle vicieux : la pauvreté conduit
au sous-développement qui est un obstacle à l’enrichissement.
L’école de la dépendance est opposée à l’école libérale. Gunnar Myrdal
(1968) montre qu’il faut se méfier des approches traditionnelles marquées
d’eurocentrisme et de schématisme ne faisant appel qu’à un seul facteur
explicatif. Il préconise une approche multifactorielle. Emboîtant le pas à
Myrdal, Arthur Lewis (1976) met l’accent sur les spécificités des PED. Il
annonce la théorie de la dépendance lorsqu’il s’oppose à la théorie des
avantages comparatifs et qu’il affirme que les relations internationales
entre un pays dominant et un pays dominé risquent de constituer un
obstacle au pays le plus pauvre.
La croissance désigne le grossissement du flux économique et le
développement est l’aptitude d’une société à susciter l’adaptation des
structures sociales et mentales permettant le déroulement d’un processus
auto – entretenu de croissance (Badouin, 1969). Le développement
suppose que cette croissance soit accompagnée d’une mutation des
structures économiques, la participation des nationaux du pays lui–même
au processus qui génère le changement (Gillis et al, 1987). Le
développement est un phénomène complexe qui implique à la fois une
notion quantitative que l’on pourrait traduire par l’expression croissance
économique et une notion qualitative que rend assez bien l’idée de
bien-être (Nations-Unies, 1972 ; PNUD, 1996, 2000, 2003).
Introduction générale
11
Face à la difficulté de trouver une définition satisfaisante, Peemans (2002)
fait remarquer que « dès le départ, le développement n’est pas un concept
pensé comme tel, il est pensé en fonction de ce qui est son absence… Le
développement est alors pensé comme la sortie du sous-développement ».
C’est probablement de ce point de vue de Peemans que le programme de
promotion de la culture du coton a été lancé en milieu paysan. Le
développement rural supposait donc pour l’Etat, la mise en œuvre d’un
ensemble de politiques et de projets conçus et coordonnés de manière à
accroître le niveau de vie de la population rurale. La notion de
développement rural peut donc être analysée sous deux angles. Le
premier est celui de l’accroissement de la production qui entraîne
logiquement l’accroissement du revenu global. Le second est celui du
progrès social engendré par l’accroissement de la consommation et aussi
par la possibilité pour l’homme de pourvoir à ses besoins au–delà d’un
seuil lui permettant d’accumuler des biens.
Les politiques agricoles visent une variété d’objectifs comme par
exemple, garantir une offre de produits alimentaires en quantité suffisante
à des prix raisonnables, soutenir les revenus des ménages agricoles,
contribuer au bien-être des communautés rurales et assurer la viabilité
écologique. En Afrique, au Sud du Sahara et notamment en Côte d’Ivoire,
l’agriculture est le pilier de l’économie. Au cours de la dernière décennie,
diverses approches analytiques sont apparues, aidant à saisir la
complexité et l’importance continue de l’agriculture et à évaluer ses
relations avec d’autres secteurs de l’économie et de la société. En
particulier, l’approche connue sous le nom d’« Agriculture et
Développement Rural Durable (ADRD) » est défendue par l’OCDE (1998
et 1999), Altieri (1999a). L’ADRD aide à favoriser un développement
durable (dans les secteurs de l’agriculture, des pêches et de la
sylviculture) qui « préserve la terre, l’eau, les ressources génétiques
animales et végétales, ne dégrade pas l’environnement, fait appel à des
techniques appropriées, est économiquement viable et socialement
acceptable » (FAO, 1999).
A partir de l’ADRD, le concept de caractère multifonctionnel de
l’agriculture et des terres (CMFAT) englobe toute la gamme des fonctions
écologiques, économiques et sociales associées à l’agriculture et son
utilisation des terres. Ce concept part de l’hypothèse que les systèmes
agricoles sont intrinsèquement multifonctionnels et ont toujours réalisé
Introduction générale
12
plus que leur objectif essentiel, qui est de produire des aliments, des fibres
et des combustibles. L’analyse de ce caractère multifonctionnel aide à
comprendre les liens, synergies et arbitrages qui peuvent aider à assurer la
durabilité à long terme de l’agriculture et du développement rural.
L’approche fondée sur le CMFAT offre un cadre analytique orienté vers
l’action pour la réalisation des objectifs de l’ADRD
4.4 De l’exploitation agricole
Chombart de Lauwe (1963) propose la définition suivante :
« l’exploitation agricole est une unité économique dans laquelle
l’agriculteur pratique un système de production en vue d’augmenter son
profit. Le système de production est la combinaison des productions et
des facteurs de production (terre, travail, capital d’exploitation) dans
l’exploitation agricole ». Cette définition s’appliquerait difficilement au
milieu traditionnel ivoirien dans la mesure où la recherche du profit n’est
pas l’objectif principal de l’unité de production inscrite dans une famille
élargie. On définit l’exploitation agricole comme l’unité de production où
le facteur le plus important est le facteur travail. Il y a un centre de
décision unique ou principal qui est lié à l’existence d’un champ sur
lequel tous les actifs agricoles travaillent (Bigot, 1980 ; Brossier, 1980).
L’unité de production familiale est l’agent de base du processus de
production agricole (Mémento de l’Agronome, 2000 et 2002 ; Ferraton et
Cochet, 2002 ; Ferraton et al, 2003 ; Cochet et al, 2003). La famille et les
relations de parenté jouent un rôle prépondérant dans la constitution de
l’unité de production agricole.
L’ambiguïté du terme d’exploitation agricole provient du fait qu’il
recouvre des réalités proches les unes des autres, bien qu’elles soient
dissociables (Ancey, 1975). L’exploitation agricole en Afrique est l’unité
économique de production agricole, dont les objectifs essentiels sont la
production de produits vivriers pour l’autoconsommation et celle de
produits pour la vente, basée sur la communauté d’actifs agricoles
travaillant fréquemment ensemble et soumis à la responsabilité d’un chef
d’exploitation (Gastellu, 1979 ; De La Vaissière, 1982). Comme on le
voit, l’on doit reconnaître qu’il serait vain de rechercher de l’exploitation
agricole, une définition précise et passe–partout qui ferait l’unanimité. La
définition proposée par Gastellu et De La Vaissière semble mieux
présenter les réalités du contexte ivoirien de l’exploitation agricole. Le
Introduction générale
13
mode de gestion est décentralisé, le chef d’exploitation ne contrôle pas
toutes les décisions de production sur les parcelles individuelles.
L’exploitation agricole inclut donc de façon générale, la production
végétale et la production animale, les terres exploitées (cultivées,
pâturées, courtes jachères) et les réserves foncières (jachères longues,
forêts et marécages).
Le système technique de production est constitué par l’ensemble des
forces productives mises en jeu, des plantes cultivées et des animaux
élevés dans un espace donné. L’assolement concerne la disposition des
parcelles cultivées. La rotation est la succession des espèces dans le temps
sur une même parcelle. L’itinéraire technique est l’ensemble des procédés
et méthodes permettant d’atteindre le stade de la récolte. Les forces
productives comprennent essentiellement le travail humain, animal et le
travail mécanique, les consommations intermédiaires, les espèces
cultivées, l’expérience ou le savoir-faire, le niveau de formation, la
capacité d’information des travailleurs, l’aversion ou le goût du risque du
chef d’exploitation.
5 La revue de la littérature
La première étude qui retient l’attention est incontestablement celle de la
Société d’études et de développement économique et social (SEDES,
1965) dans les années 60. Cette étude permet d’avoir une vue globale
assez riche de la situation de l’économie de la région en ces temps-là. Ce
qu’il conviendrait d’en retenir dans le cadre de la présente étude c’est
qu’en 1960 :
les cultures vivrières constituaient l’essentiel des productions
agricoles. L’igname et le mil étaient les principales cultures,
le coton était encore une culture associée avec les cultures vivrières,
les exploitations agricoles étaient relativement peu intégrées aux
échanges marchands,
l’igname, avec 38% des revenus agricoles, était la principale culture
tandis que le coton n’apportait que près de 1,7% des revenus,
les outils agricoles étaient rudimentaires et de fabrication locale,
les communautés rurales vivaient dans des systèmes sociaux
relativement plus centrés sur la famille élargie avec un pouvoir de
Introduction générale
14
décision presque totalement concentré dans les mains du chef
d’exploitation,
la femme était reléguée au second plan même si la quantité de
travail agricole et non agricole qu’elle apportait était relativement
supérieure à celle de l’homme,
la majorité des villages étaient pratiquement enclavés,
la vulgarisation du coton était assurée par la CFDT qui rappelait
encore le bâton du Patron colon et les assimilés3.
Dans son étude intitulée « mise en place d’une région sous-développée :
le cas du Nord de la Côte d’Ivoire », Aubertin (1982) compare le Nord à
tout le reste du pays en considérant ces deux entités comme des entités
homogènes et passe sous silence les disparités internes de revenus. Elle
n’explique pas les bases du calcul du revenu par paysan des deux entités.
En 1960, la majorité des plantations de café et de cacao appartenaient
encore à des Européens. Les revenus tirés de ces cultures n’étaient donc
pas essentiellement ceux des paysans du Sud comme le prétend Aubertin.
Sinaly (1978) met un accent particulier sur les relations socio–culturelles
et le lien philosophique qui lient le paysan Sénoufo à la terre, au travail,
au bien matériel ou à la morale. Il note que toutes les actions du Sénoufo
s’inscrivent dans une sorte de symbolisme basé sur la maîtrise de soi, la
vie communautaire et imposant une sorte de lissage des niveaux de
richesses à tel point que toute velléité individuelle est perçue comme une
démonstration, une tentative de se positionner en marge de la société ou
de narguer les anciens qui ont vécu dans la modestie et le partage. Or, ces
vieux sont les dépositaires du savoir et de la magie et sont capables
d’utiliser leurs pouvoirs par exemple pour apporter la pluie ou pour
supprimer la vie humaine.
3 Les assimilés de la période coloniale étaient des noirs qui collaboraient avec les colons blancs.
Ils étaient souvent nommés chefs par intérim, puis peu à peu chefs à part entière. Ils étaient
assimilés aux blancs et suscitaient la méfiance que les paysans réservaient à ces derniers. Après
la colonisation en 1960, les premiers gardes de cercles (ou les bourgmestres, ou les sous-
préfets), qui étaient le plus souvent des noirs, n’avaient pas modifié leur façon de traiter les
autres. Les premières plantations de coton seraient pratiquement leur propriété, bien sûr au
détriment des paysans qui les cultivaient : le champ de coton était souvent réalisé de force par
les actifs les plus valides du village.
Introduction générale
15
Le Roy (1984) relève que « l’émergence au sein des unités d’exploitation
traditionnelle, de sous–unités plus ou moins autonomes, puis leur
détachement éventuel de l’unité d’origine et leur érection en unités
indépendantes est un processus concomitant du déclin du mode
d’exploitation communautaire des champs au profit de l’exploitation
individuelle ». Il impute l’individualisme à la présence du coton dans le
système de production. Dans le même sens, Peter Ton (2001) pense que
« tout au long de la saison, les paysans doivent effectuer des arbitrages
entre le coton et les cultures vivrières en vue de l’allocation du temps de
travail et des biens d’équipement ». Landais (1983), Pokou (1990), Konan
(1990) et Ouattara (1994) ont trouvé tout comme Le Roy, que les cultures
vivrières bénéficient des arrières effets de la fertilisation du coton. Après
quelques années de pratique de la culture attelée, les avis des observateurs
semblent diverger.
En effet, selon Bigot et al (1976), Peltre et Steck (1979), Bigot (1981) et
Bernardet (1984), l’adoption de la culture attelée n’aurait pas permis
d’accroître les superficies cultivées. Mais, Goe et Grysseels (1983) ainsi
que Borderon (1984) soutiennent le contraire. Le premier souligne que
« un recours accru à la culture attelée permet d’accroître substantiellement
les superficies et la productivité du travail ». Pour le second, « la culture
attelée permet de mettre en valeur de plus grandes superficies ».
Il faut souligner que toutes ces études s’intéressent plus particulièrement à
la modification de la décision de produire du paysan suite à l’introduction
soit du coton (Le Roy), soit du riz (Ouattara), soit de l’élevage (Landais),
ou suite au retrait de l’Etat (Pokou) et à l’adoption de la culture attelée.
Elles fournissent des éléments appréciables de la situation passée et
actuelle des exploitations agricoles de la région. Mais elles ne renseignent
pas sur la dynamique des systèmes de culture suite à l’introduction du
coton.
Pour la CIDT, la pratique de l’association culturale ne devait être qu’un
obstacle dans la réussite de l’intensification de la culture du coton. Pour
Schultz (1964), les paysans traditionnels se comportent de façon
rationnelle, gèrent efficacement les ressources productives et, s’ils restent
pauvres, c’est parce que, dans la plupart des pays pauvres, les occasions
techniques et économiques sont rares. Selon lui, pour transformer un
secteur agricole traditionnel en une source de croissance économique dans
Introduction générale
16
les pays pauvres, la clé est d’investir de façon à mettre à la disposition des
agriculteurs des facteurs à fort rendement. De Janvry (1975) rejette
l’assertion de Schultz selon laquelle le paysan est « pauvre mais efficace »
dans une agriculture traditionnelle. Pour cet auteur, « le sous-
développement de l’agriculture (…) ne peut être compris qu’en termes de
relations marchandes entre zones arriérées et zones avancées. Parce que
l’agriculture sert de refuge naturel aux populations marginales en leur
permettant de satisfaire en partie leurs besoins de subsistance ».
6 Plan du travail
Après cette introduction générale, la suite du travail est structurée en trois
grands chapitres. Le premier est consacré au cadre général de l’étude, le
second porte sur la dynamique agraire et le troisième, sur l’impact
technico-économique de la culture du coton. Un quatrième chapitre est
relatif aux perspectives, recommandations et conclusions générales.
CHAPITRE 1
CADRE GENERAL DE L’ETUDE
Ce chapitre se compose de trois points : le premier porte sur la
méthodologie du travail, le second fait la présentation du milieu et le
dernier se consacre à la filière coton.
1 Méthodologie
Le cadre méthodologique contient la démarche globale, les niveaux
d’observation pris en compte et les méthodes de collecte des données.
1.1 La démarche globale
La méthode est corrélée aux hypothèses et aux objectifs spécifiques. Sans
souci d’exhaustivité, la complexité du système agraire en tant que
domaine d’étude amène à adopter une démarche à la fois systémique et
dynamique. Comme le dit De Rosnay (1975), « l’approche systémique
étudie toutes les variables simultanément et intègre la durée et
l’irréversibilité des phénomènes ». Notre méthode d’observation et
d’analyse est essentiellement comparative en accord avec Durkheim
(1984) qui dit : « nous n’avons qu’un moyen de démontrer qu’un
phénomène est cause d’un autre, c’est de comparer les cas où il sont
simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu’ils
présentent dans différentes combinaisons de circonstances témoignent que
l’un dépend de l’autre».
Pour mieux cerner les mécanismes de fonctionnement des systèmes de
production, on a préféré limiter le nombre de situations caractéristiques à
examiner. Il ne s’agit pas de rechercher une représentativité statistique
mais plutôt une représentativité explicative. En effet, « les sciences
sociales mettent à jour des modes de fonctionnement et de reproduction
d’entités sociales complexes, elles induisent des principes (ou lois)
d’organisation ou de structuration du champ social observé, elles font
l’hypothèse que les degrés de liberté du réel pour inventer des structures,
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
18
pour traduire une logique d’interdépendance ne sont pas nombreux :
l’hypothèse que le réel est intelligible aboutit ainsi à postuler une certaine
nécessité contre le hasard » (Winter, 1984).
L’étude veut examiner un processus de développement. Ceci amène à
centrer la démarche sur l’étude des systèmes de production agricole : les
pratiques sociales, économiques et techniques sont les cibles privilégiées,
en étant centré sur l’impact du coton. Le souci de restreindre les cas pour
décrire le réel exclut, dans la démarche méthodologique, le choix aléatoire
et impose plutôt un choix raisonné de ces cas.
1.2 Les niveaux d’observation
La démarche combine l’approche bibliographique et l’utilisation de
résultats statistiques, issus de sources diverses, à l’observation
monographique immédiate des réalités de terrain. Plusieurs niveaux
d’observations sont considérés de sorte à assurer une compréhension
appréciable des déterminants de l’économie de la région à la suite de
l’introduction de la culture du coton. Le diagnostic se fera sur des échelles
spatiales différenciées suivant le degré d’organisation agricole. Ces
échelles sont :
la parcelle pour les décisions relevant de l’individu chargé de sa
gestion. C’est au niveau de la parcelle que sont appréciés les
itinéraires techniques pratiqués. Pour connaître la superficie totale
cultivée par chaque exploitant, les parcelles ont été mesurées
individuellement,
le champ : c’est l’ensemble des parcelles regroupées en un tenant.
Il peut être géré à la fois par plusieurs individus. La somme des
superficies des parcelles d’une exploitation détermine sa place
dans l’occupation du terroir du village,
l’exploitation agricole ou l’unité de production. Ce sera l’unité
d’observation de base,
le village ou terroir villageois, lieu d’investigation privilégiée des
unités d’exploitation. « Il est le centre historique de la délimitation
et de la gestion de l’espace exploité par une communauté rurale.
Son organisation sociale et technique surdétermine une grande
partie des décisions prises par les agriculteurs » (Jouve et
Mercoiret, 1987). Ses limites territoriales et sa relative densité de
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
19
population renseignent sur les contraintes foncières locales ainsi
que sur les dispositions y relatives. Il reste le premier lieu où nous
pouvons rencontrer la communauté villageoise et les unités de
production. L’identification et le choix des unités de production se
font au niveau du village, avec l’accord préalable des responsables
coutumiers. Les exploitants de l’échantillon d’enquête sont
représentatifs de leur village,
la région, comme un ensemble de zones élémentaires cohérentes
du point de vue écologique, social et économique. Les quatre
villages choisis pour la collecte des données primaires permettrent
de retrouver les grands types de systèmes de production de la
région,
la nation, pour les décisions de politique agricole et de
développement régional comparé,
le niveau mondial pour considérer le contexte macroéconomique
du commerce international des produits agricoles, notamment le
coton et ses produits concurrents.
Figure 1.2 : Les niveaux d’observation
On part du général
pour arriver au
particulier, la parcelle
On reconstitue le
général par
agrégations
successives des
niveaux
inférieurs
Parcelle
Région
Village
Champ
Nation
Exploitation
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
20
Ces niveaux d’observation ont une réalité physique, sociale et opératoire.
Une première lecture à la fois horizontale (isolant les échelles) et verticale
(interactions entre échelles) se fait de haut en bas (figure 1.2) ou du
général (nation) vers le particulier (parcelle). Une seconde se fait dans le
sens inverse, i.e. de la situation micro-économique vers la situation
macro-économique en procédant par agrégations successives des éléments
des niveaux inférieurs pour reconstituer les niveaux supérieurs.
Cependant, ces niveaux d’observation sont relatés dans la suite du texte,
non pas de façon agencée comme dans cette figure, mais plutôt de façon à
les intégrer dans un discours harmonieux. En d’autres termes, la figure
n’est qu’une présentation synthétique de la démarche méthodologique qui
tient compte des liens fonctionnels entre les différents niveaux
d’observation.
1.3 Le choix de la région d’étude
L’étude se déroule essentiellement dans la région agricole de Korhogo, au
Nord de la Côte d’Ivoire, plus spécifiquement dans les trois zones ou
sous-préfectures de Nielle, de Korhogo et de Dikodougou (figure 1.3).
En 1990, cette région comptait environ 56 400 chefs d’exploitations
agricoles, soit 7 % du total ivoirien. Dans la même année, environ 61 %
de ces chefs d’exploitations cultivaient du coton (DCGTX, 1992). Le
choix de cette région repose sur plusieurs critères objectifs :
du point de vue démographique, géographique et pédoclimatique,
les trois zones sont quelque peu contrastées et représentatives du
Nord ;
la sous-préfecture de Nielle correspond à la zone d’extrême nord,
à la frontière du Mali et du Burkina Faso. Le climat est de type
soudano sahélien ; le paysage est dominé par des graminées. La
densité de population est de l’ordre de 8 habitants/Km²;
celle de Karakoro est dans la zone la plus densément peuplée de la
région de Korhogo avec environ 170 habitants au Km². En
conséquence, les terres y sont devenues assez rares ;
la sous-préfecture de Dikodougo, au sud de celle de Korhogo, est
une zone pré-forestière, avec une densité de peuplement de l’ordre
de 14 habitants/Km² : les cultures vivrières y prédominent encore
chez la majorité des paysans ;
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
21
la région cotonnière de Korhogo1 disposait d’un bureau régional
de la CIDT qui assurait la vulgarisation du coton. La CIDT avait
mis en place de longue date, un puissant dispositif d’encadrement
des paysans. Elle disposait d’une bibliothèque où sont stockées
des données des statistiques cotonnières. Après la privatisation de
la CIDT, ces infrastructures sont devenues la propriété de la
Compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI) ;
sur le plan sociologique, la région de Korhogo renferme plusieurs
groupes ethniques dont les réactions vis-à-vis du coton pourraient
découler de logiques particulières. Certains agriculteurs à temps
plein que l’on y rencontre aujourd’hui étaient au départ de simples
ouvriers agricoles venus d’autres régions, notamment de pays
voisins. On s’attend à une région riche de ses dynamiques de
populations engendrant des dynamiques de systèmes de
production sous l’influence du coton ;
concernant la littérature, Korhogo a intéressé de nombreux
chercheurs dont la SEDES qui en a fait une monographie qui a
servi de référence pour les années 60. Bien d’autres chercheurs ont
réalisé d’importants travaux qui ont servi de point de repère de la
dynamique des systèmes de production en présence ;
enfin, notre propre expérience de terrain a été principalement
acquise dans cette région de Korhogo. En effet, c’est une région
où nous avons longuement travaillé :
d’abord de 1984 à 1987, dans le cadre d’un projet de
recherche sur les systèmes alimentaires de la région Nord2.
Nous étions en effet, chargé de la mise en place de ce projet
(choix des villages, choix des paysans, formation des
enquêteurs, élaboration des fiches d’enquête, exécution
d’une partie des enquêtes, supervision des enquêteurs, etc.),
ensuite de 1989 à 1995, dans le cadre de notre participation
aux travaux de l’Institut des savanes3.
1 Les trois zones d’études peuvent s’inscrire dans la région cotonnière de Korhogo.
2 Il s’agissait d’un projet du Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales
(CIRES), BP.1295 Abidjan 08, en Côte d’Ivoire. 3 En 1994, nous avons contribué à la mise en place d’un projet de l’Université
Catholique de Leuven.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
22
Figure 1.3 : La zone d'étude et villages d’enquêtes Légende des villages d’enquêtes permanentes: 1 = Ouamélorho, 2 = Niellé,
3 =Kouniguékaha, 5 = Sionhouakaha
Les villes : 4 = Korhogo, 6 = Dikodougou
Région de Korhogo
et zone d’étude
La région de Korhogo
en Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire
en Afrique
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
23
1.4 Le choix des villages
Le choix des villages vise à assurer le recoupement des contrastes internes
à la région d’étude en tenant compte du gradient de diffusion de la culture
du coton ainsi que de la spécialisation des exploitants dans les techniques
de production. Les critères de choix des villages sont l’accessibilité en
toute saison, la volonté des autorités villageoises à accepter l’étude dans
leur terroir et la volonté de participation des paysans. Ce critère n’était
pas prévu au départ ; mais il s’est imposé sur le terrain. En effet, la
période était telle que certaines considérations d’ordre sociopolitique
étaient de nature à empêcher de mener des enquêtes libres dans certains
villages4. Quatre villages ont été choisis : Ouamélhoro (Ouam) et Niellé
dans l’extrême nord de la zone d’étude, Kouniguékaha (Kounig) dans la
partie centrale, et Sionhouakaha (Sionh) dans la partie sud. D’autres
villages (au nombre de 11) ont été choisis au hasard pour des enquêtes à
passage unique.
1.5 Le choix des exploitants
Notre démarche privilégie la diversité des situations contrastées et
significatives. Les unités de production familiale retenues dans
l’échantillon d’enquêtes résultent d’un compromis entre la
représentativité, le contraste et la diversité. Il s’agit, tout comme pour les
villages, de choix raisonnés. Nous avons tenu compte de l’importance
relative de la culture du coton, de la mécanisation, des céréales et de
l’igname dans l’assolement. Dans les villages de Sionhouakaha à
Dikodougou et de Kouniguékaha dans la zone dense de Korhogo, presque
tous les exploitants ont été retenus. Par contre, on a retenu 40 exploitants
à Ouamélhoro et 45 autres à Niellé, respectivement parmi 3 000 et
6 000 exploitants. Le tableau 1.1 donne le nombre de paysans de
l’échantillon d’enquête distribués par village et suivant les critères.
4 Après la première prise de contact avec les autorités villageoises, certaines exigeaient
que nous fournissions des autorisations délivrées par des autorités de leur choix. Il était
donc déjà clair qu’il fallait choisir les villages où il y avait une réelle volonté de
participer à l’étude jusqu’au bout.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
24
Tableau 1.1 : Structure de l’échantillon d’enquête selon la zone, le village
et les critères de choix
Zone Village Système à base de coton Système à base de vivrier Total
Manuel Attelé Moto
risé
Total Igname Céréale Total
Nord Ouam. 6 33 1 40 0 0 0 40
Niellé 6 35 3 44 0 1 1 45
Dense Kounig. 12 28 0 40 0 6 6 46
Sud Sionh. 7 5 0 12 20 1 21 33
Total 31 101 4 136 20 8 28 164
Source : Notre enquête
(Ouam = Ouamélhoro ; Kounig = Kouniguékaha ; Sionh = Sionhouakaha).
1.6 Le choix des variables
Rabinow (1977), Clifford (1983), Keyes et Vansina (1995) ou Bassett
(2002) reconnaissent que l’étude des systèmes de production agricole ou
celle de la dynamique agraire soulèvent des questions méthodologiques et
épistémologiques. Le choix des variables est orienté par les objectifs
spécifiques de l’étude en rapport avec les hypothèses, les niveaux
d’observation précédemment définis et la disponibilité des données
secondaires (archives des associations de producteurs de coton, notes des
conseillers agricoles, statistiques des sociétés cotonnières). Dans le
tableau 1.2, les niveaux d’observation sont considérés avec quatre
principaux facteurs (terre, travail, capital et expérience) pour servir de
repères dans le choix raisonné des variables.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
25
Tableau 1.2 : Tableau de bord pour le choix des variables suivant les
niveaux d’observation
Niveaux
observés
Terre Travail Capital Expérience
Parcelle
Topographie,
assolement, taille
rotation,
itinéraire,
systèmes de
culture, densité,
dose des intrants
Rendement
Temps de
travaux,
calendrier,
division sociale
Intrants, outils
utilisés,
aménagement
Qualité du travail
Champ
Distance (village-
champ et champ à
champ)
Itinérance (fixe)
Temps de travaux Aménagement Choix des
aménagements
Exploitation
Disponibilité
Taux
d’occupation
Durée de jachère
Système productif
Membres
Division
Entraide
Crédit
Epargne
Investissement
Revenu coton
Rapport entre
chef et
dépendants
Village
Système foncier
Taux
d’occupation
Groupes
d’entraide
Solution travail
Investissements
Equipements
population
Culturel
Associations
Rapports sociaux
Région
Système agraire
Disponibilité
Circulation de
main-d’œuvre
Exode
Crédits,
subvention
Investissements
Infrastructure
Fédérations
d’associations
Nation Droit foncier
Disponibilité
Exode Place du coton
dans le PIB
Disparités
régionales
Monde Cours mondial Mondialisation
Subventions
Source : Notre enquête
1.7 La collecte et le traitement des données
L’étude s’est déroulée en quatre phases imbriquées et itératives. Il n’y a
pas de rigidité d’ordre chronologique dans leur exécution. Ce sont les
phases de recherche bibliographique, de collecte de données primaires, de
codification et d’analyse:
La recherche bibliographique a permis de préciser les aspects théoriques,
les méthodes d’enquête, les méthodes d’analyse et les limites de l’étude.
Elle a aussi permis de comprendre le contexte de l’économie mondiale et
régionale de la production du coton.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
26
Les données primaires ont été recueillies principalement par enquêtes sur
le terrain. Les méthodes d’enquête ont été aussi souples que diversifiées
en gardant un caractère participatif. Certaines données sont obtenues à
partir de témoignages oraux de personnes ressources sans que ces
dernières fassent forcément partie de l’échantillon d’enquêtes réalisées à
l’aide de fiches. Ces fiches ont permis de focaliser l’attention sur les
questions clefs. Ces dernières sont parfois posées sous plusieurs formes
afin d’en faciliter la compréhension par les répondants. La majorité des
enquêtes ont été effectuées à passages répétés sur un échantillon fixe
d’exploitants. Le nombre de ces derniers est relaté dans le tableau 1.1
précédent. On a utilisé des fiches d’enquêtes après les avoir testées, ainsi
que des guides d’enquêtes pour des interviews semi-ouvertes où l’intérêt
a essentiellement porté sur les opinions des interviewés. Certaines
enquêtes ont été réalisées à passage unique, tant sur des répondants
individuels que regroupés.
Au début, il fallait prendre rendez-vous avec les personnes à interviewer.
Mais après un court moment de collaboration, la confiance mutuelle
s’était installée et il était possible de les interviewer même sans rendez-
vous préalable. Certaines enquêtes ont été collectives, unissant plusieurs
exploitants à la fois, notamment pour des questions d’ordre général :
situation foncière, calendriers culturaux, prix des intrants, contraintes
générales dues à l’état de la nature comme par exemple l’organisation
sociale et professionnelle, les raisons de l’adoption ou du rejet de la
culture du coton, etc.
Pris individuellement, les exploitants ont fourni les caractéristiques
démographiques de leurs unités de production, les données relatives à
leurs champs et à leurs parcelles. Avec leur accord de principe, certains
membres de l’exploitation ont parfois été interviewés (épouses, enfants,
autres dépendants, manœuvres temporaires ou permanents, etc.). Chez un
chef d’exploitation sur cinq, les données ont été recueillies de façon
détaillée : inventaire des matériels agricoles (âge, prix, durée
d’utilisation), disponibilité en terre (on fait le tour des terres de
l’exploitation et on en estime les superficies des portions non cultivées, la
durée de mise en culture, la durée de la jachère et la date probable de la
remise en culture), pose des carrés de densité de semis/rendement, relevé
des quantités d’intrants épandus sur la parcelle, temps de travaux de
chaque actif familial pendant toute la campagne agricole, etc.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
27
La codification, mise en ordre et épuration des données est une étape qui
tient compte du caractère logique des informations soumises à la
triangulation. Par la pratique du terrain, l’expérience et le bon sens
permettent de repérer et de juger de la cohérence et la fiabilité des
données.
Le rendement moyen (en kg/ha) de chaque culture a été estimé à partir de
la triangulation des données. La première approche est la méthode
classique de carré de densité/rendement. La seconde consiste à peser la
récolte tirée d’une portion de parcelle. Dans ce cas on reste avec les
membres de l’exploitation, du début à la fin de la récolte d’une partie de
la parcelle. Celle-ci est mesurée pour en connaître la superficie et la
récolte obtenue est pesée. La troisième approche consiste à utiliser les
données du gérant de la coopérative. En effet, il détient un cahier
contenant les données de superficies des principales cultures, ainsi que
des données de production de coton-graine de chaque paysan. La
quatrième concerne les multiples interviews des paysans. Les estimations
du rendement et de la production de chaque culture sont alors faites au
niveau de chaque exploitation agricole. Les résultats individuels sont
agrégés en vue d’établir le compte de production/exploitation par
système.
Les superficies cultivées ont été mesurées à la boussole et au mètre ruban
(ruban de 50 m). Les superficies cultivables ont été obtenues par les
déclarations des paysans. Ces données ont été ajustées avec celles
obtenues par le volet Nord du projet « Plan foncier rural5 ».
L’analyse de l’impact de la culture du coton sur le développement rural
dans la région de Korhogo nécessite une démarche systémique,
descendante dans sa première phase. Celle-ci consiste à décomposer le
tout en ses principales parties élémentaires. On passe ainsi de la région au
village, puis de l’unité de production familiale à la parcelle. La seconde
phase de la démarche est ascendante. Elle consiste à rassembler les
agrégats pour reconstituer les niveaux d’analyses de plus en plus agrégés.
5 Le projet relatif au plan foncier rural mis en œuvre au Nord a concerné tous les villages
retenus dans notre échantillon d’enquêtes. Ce projet a permis d’avoir une estimation
satisfaisante des superficies cultivables de chaque exploitant agricole. Cependant, les
données de ce projet n’ont pas été entièrement archivées pour tous les villages.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
28
Les types de systèmes de production cibles sont imbriqués et permettent
d’analyser le passage de l’un à l’autre. Le choix raisonné des
exploitations agricoles s’est imposé dans la démarche, parce que les
systèmes de production sont interdépendants et surtout parce qu’ils
procèdent de stratégies objectives relevant plutôt de choix techniques et
socio-économiques délibérément raisonnés que d’un simple hasard. La
méthode d’enquêtes basée sur la participation effective des interviewés à
la consolidation des données collectées sur le terrain a créé un climat de
confiance indispensable entre le chercheur et les personnes ressources.
Les hypothèses sont liées aux objectifs spécifiques traduits sous forme de
questions. L’analyse des données commence par la présentation du milieu
naturel.
2 Présentation du milieu naturel
2.1 La situation géographique
Le département est situé au nord de la Côte d’Ivoire. Il couvre une
superficie de 12 000 Km² et constitue la principale zone cotonnière des
régions des savanes de Côte d’Ivoire. Il est situé entre les 8°30 et 10°30
de latitude Nord et les 4° et 7° de longitude Est.
2.2 L’hydrographie
Le Département de Korhogo est arrosé essentiellement par les nombreux
affluents du fleuve Bandama blanc. La longue saison sèche diminue le
volume des fleuves moyens, met à sec les petits cours d’eau ou les réduit
à quelques mares. Le réseau hydrographique apparaît relativement dense
notamment en saison des pluies où les bas-fonds (talwegs) retiennent les
matières fines arrachées aux bassins versants par les eaux de
ruissellement. Les plaines alluviales inondables sont abondantes.
2.3 Les contraintes climatiques
Le climat est de type tropical sec. Le rythme des saisons est réglé par le
déplacement du Front Intertropical (FIT). Ce climat est caractérisé par
une alternance de deux saisons contrastées et durant environ six mois :
la saison des pluies (pluies mensuelles supérieures à 50 mm) est
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
29
unique en général et coïncide avec la présence du FIT d’avril-mai
en octobre. Les pluies connaissent de fortes variations inter
annuelles : 900 mm à 1 300 mm. Les précipitations sont parfois
violentes et irrégulières dans le temps. L’unicité de la saison des
pluies pose un problème récurrent de calage des cycles des
cultures annuelles (coton et vivriers). Le paysan reste impuissant
face à l’irrégularité des pluies d’une année à l’autre. Seules son
expérience et son aversion du risque lui permettent de décider de
semer tôt,
la saison sèche s’étend de novembre en avril. Elle est marquée par
le retrait du FIT et par une absence presque totale de pluies. C’est
la période où souffle l’harmattan, un vent chaud et sec. Au cours
de cette saison, les températures peuvent descendre jusqu’à 10° C
(en décembre et en janvier), les températures maxima s’élèvent
jusqu’à 40° C (mars-avril). L’évapotranspiration potentielle est
maximale en janvier avec une valeur moyenne d’environ
1 700 mm. Le déficit hydrique cumulé peut varier de 500 mm à
2 000 mm selon les zones.
La pluviométrie constitue le facteur climatique prépondérant (SEDES,
1965 ; Sinaly, 1978 ; CIDT, 1980, 1990 et 2000). Le système agricole et,
par extension, la vie des paysans de la région sont rythmés par la pluie.
En années sèches, comme en 1961, en 1973 ou en 1983 par exemple, les
productions agricoles peuvent connaître une chute drastique, surtout en ce
qui concerne l’igname, le riz et le coton. Il en est de même pour l’élevage.
L’hygrométrie moyenne est de 65-70 %. La durée de l’insolation est en
moyenne de 2 500 heures par an, la moyenne mensuelle étant d’environ
250 heures en saison sèche contre près de 140 heures pendant les mois de
juillet et août (les plus arrosés).
2.4 Les sols
Le granite et les schistes sont les roches mères caractéristiques du substrat
de la région. Les sols sont en général peu humifères et de fertilité
moyenne. Sur les buttes, les plateaux et les hauts de pentes, ils sont de
couleur rouge ou ocre-rouge, de structure argilo-sableuse, gravillonnaires
et à cuirassement fréquent. Dans les bas de pentes, ils sont ocre-jaune ou
jaune et beige, sableux et présentent parfois une carapace ou une cuirasse.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
30
Dans les bas-fonds, ils sont de couleur jaune et beige, gris à pseudogley
de profondeur, de structure argilo-sableuse, avec des concrétions et une
hydromorphie. Ils sont parfois sensibles au lessivage, à l’érosion et au
phénomène d’induration. D’un versant à l’autre et même sur le même
versant, la distribution topographique des cuirasses se fait de façon
anarchique (Sinaly, 1978). Les sols de la région peuvent se décrire à
travers trois séquences de paysage à savoir le plateau; le bas de pente et le
bas-fond. Le tableau 1.3 en résume les principales caractéristiques.
Tableau 1.3 : Principales caractéristiques des sols
Unité Plateau, buttes
haut de pente
Bas de pente Bas - fond
Nom local
Couleur
Structure
Caractère et
degré
d’induration
Etendue
Aptitude
culturale
Tadjaha
Rouge, ocre-rouge
Argilo-sableuse
Gravillonnaire
Cuirassement
15 %
Faible
Marga
Ocre-jaune
Jaune beige
Sableuse
Cuirassement en
faible profondeur
55 %
Bonne
Vaga
Jaune beige
Pseudogley
Argilo-sableuse
Argilo-limoneuse
Concrétion
Hydromorphie
10 %
Faible à bonne
Sources : adapté de SEDES, 1965 ; Demont et Jouve, 1999 ; Stessens, 2002
Les bas-fonds sont caractérisés par des sols hydromorphes peu profonds,
peu humifères et soumis à d’importants battements de la nappe
phréatique. Localement, l’aptitude agronomique de ces sols varie avec
leur situation dans le profil topographique. En dehors du cas particulier
des sols hydromorphes de bas-fonds, les meilleurs sols se situent en haut
et en milieu de pente; les sols rouges de plateaux, souvent argileux,
difficiles à travailler avec les outils aratoires, ont généralement des
aptitudes médiocres. Les sols des bas de pente sont peu fertiles du fait de
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
31
la présence de sable grossier, mais fréquemment cultivés parce qu’ils sont
faciles à labourer. De façon générale, les sols de moyenne à bonne valeur
agricole représentent environ 65% des terres cultivables contre 35% pour
les sols à faible valeur. En fonction de la densité du couvert végétal et des
pratiques agricoles, l’érosion du sol peut être importante. Le taux
d’érosion annuelle varie entre 3 et 9 tonnes de terre à l’hectare sur des
sols dénudés avec une pente de 4° (Gerdat, 1980 cité par Bassett, 2002).
2.5 Le relief
Le relief se présente généralement comme un plateau faiblement ondulé,
de seulement 300 m à 400 m d’altitude, aux pentes peu accentuées (2 % à
4 %). Des noyaux granitiques plus durs donnent quelquefois naissance à
des inselbergs ou à des dômes aux parois lisses et abruptes, comme on
peut en rencontrer aux alentours de la ville de Korhogo (le Mont Korhogo
à environ 567 m) et de Dikodougou.
2.6 La végétation
La végétation de la zone n’est pas seulement la résultante des
phénomènes morphologiques, climatiques et pédologiques. En effet,
depuis ces trois dernières décennies, inconsciemment ou non, l’homme
pratique des feux de brousse annuels. De cette façon et quelles qu’en
soient les raisons, il participe activement à la transformation rapide du
paysage agricole avec des risques de désertification et de changements
climatiques6. La végétation spontanée comporte :
des forêts claires avec une strate arborescente et une strate
herbacée constituée de graminées comme Andropogon tectorum
Schumach. et Thonn. ;
des formations savanicoles contenant des ligneux et herbacées tels
que Loudetia superba et Andropogon ivorensis Adjanohun et
Clayton ;
des galeries forestières se rencontrent le long des cours d’eau ;
des îlots de forêts qui servent de bois sacrés à proximité des
villages, renfermant des espèces qui ont pratiquement disparu
6 Le phénomène de feux de brousse annuellement vécu dans la partie nord du pays
devient une préoccupation nationale au point où depuis plus de dix ans, les ministères
de l’agriculture et ou de l’environnement tentent d’y apporter des solutions viables.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
32
ailleurs. Ils contiennent encore des espèces forestières comme le
fromager (Ceiba pentandra (L.) Gaertn..).
La végétation cultivée comporte des cultures annuelles (coton, etc.) et des
cultures pérennes (manguier, anacardier, etc.).
2.7 Le milieu humain
Les peuples de la zone d’étude appartiennent au groupe voltaïque (encore
appelé Gour) et au groupe Mandé. Le premier est représenté par les
Sénoufo et le deuxième par les Dioula. A ces peuples, se sont ajoutés des
Peulhs (SEDES, 1965 ; Sinaly, 1978).
2.7.1 Les Sénoufo
Les Sénoufo de la région de Korhogo se répartissent en plusieurs sous-
groupes : Kiembara, Nafambélé, Kouflo, Gbonzoro, Kafibélé,
Kassambélé et Tagbambélé. Contrairement à de nombreux peuples de
Côte d’Ivoire, notamment ceux de l’Est et du Centre, les Sénoufo ne
disposent pas d’un pouvoir politique et religieux dépassant les limites du
village (Amichia, 1994). Le pouvoir politique se transmet de l’oncle au
neveu sur la base d’un système de filiation matrilinéaire. On note
toutefois quelques cas de filiation patrilinéaire sous l’influence de la
religion musulmane et aussi de la modernisation. Le village est autonome,
son chef est généralement le représentant le plus âgé (et le plus valide)
des ancêtres fondateurs.
La famille regroupe les descendants de l’ascendant utérin le plus âgé, ses
neveux et des personnes adoptives éventuelles. Un ou plusieurs ménages
composent une unité de production familiale sous la direction d’un chef.
Plusieurs unités de production composent un quartier, avec un chef de
quartier. Le quartier est une réalité sociale et économique susceptible de
constituer l’unité économique du village. Plusieurs quartiers constituent
un village avec un chef. Le pouvoir du chef du village est un pouvoir
collégial. Il est de plus en plus influencé par la présence de secrétaires de
partis politiques, des présidents des conseils d’administration des
coopératives agricoles et du pouvoir administratif national.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
33
Le poro est une organisation séculaire fondée sur des bases rituelles,
initiatiques et religieuses. Il cimente la cohésion sociale et détermine le
système de transmission des connaissances et des coutumes aux acteurs
sociaux. C’est une institution relativement rigide qui voit l’univers
comme étant une communauté associant les morts et les vivants.
L’initiation est basée sur le mode de vie communautaire axé sur la
droiture et l’humilité : elle consiste en l’apprentissage des valeurs
sociales.
Le système de classes d’âge permet de doter l’organisation sociale de
structures relativement stables, d’assurer le renouvellement des
générations et de garantir la cohésion du groupe. Ce système permet
d’atténuer toute forme d’injustice au sein du village, car les individus
d’une même classe d’âge constituant une promotion de poro, obtiennent
les mêmes enseignements initiatiques et jouissent des mêmes avantages
sociaux. L’initiation du poro dure six à sept ans. Elle consiste en un
ensemble d’épreuves visant à forger chez l’initié, l’esprit de soumission à
tout aîné. Le bois sacré sert de centre de formation, de musée et de salle
de réunion. C’est le lieu où le naturel et le surnaturel s’interpénètrent. Il
est sous le contrôle d’un comité de sages. Les décisions prises dans le
bois sacré sont souveraines. Les fondements des pratiques à caractère
mystique ou magique restent secrets et réservés aux sages (Sinaly, 1978).
De nos jours, les principes du poro sont de plus en plus contestés et peu
utilisés par les jeunes qui ont sensiblement évolué sous l’influence des
autres religions et du mode de vie occidental.
2.7.2 Les Dioula
On rencontre les Dioula en groupes plus ou moins isolés dans la majorité
des villages de la région. Il existe des cas de villages où ils sont la
population dominante (cas du village de Kadioha au sud de Dikodougou).
Les Dioula sont généralement de religion musulmane. Ce sont des
commerçants de coutume, mais ils peuvent se reconvertir en agriculteurs
pourvu que cette reconversion leur procure une aisance économique.
L’ouverture du monde Dioula, inhérente à la vocation commerciale du
groupe et la valorisation sociale de l’initiative individuelle ont permis aux
structures traditionnelles de mieux résister au choc de la modernité
(Sinaly, 1987).
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
34
2.7.3 Les Peulh
L’arrivée des Peulh en Côte d’Ivoire se situe vers 1930. Ils proviennent
essentiellement du Burkina Faso (70 %), du Mali (28 %) et des autres
pays sahéliens. Leur arrivée en Côte d’Ivoire a été guidée par deux
raisons. Il s’agit d’une part de la disponibilité de pâturages plus florissants
que ceux de leurs pays d’origine et d’autre part, de l’absence de
contraintes fiscales et administratives, au contraire de ce qui existe dans
leur pays. Les Peulh vivent en société patrilinéaire à mariage virilocal. Ils
protègent et conservent leur structure sociale en s’isolant de leurs hôtes.
En général, ils arrivent, certains avec leurs troupeaux, d’autres à la
recherche d’un emploi de bouvier des troupeaux locaux.
2.7.4 La densité de peuplement
La population de la région des savanes du Nord est répartie sur quatre
départements administratifs à savoir Tingréla et Boundiali au Nord-ouest,
Korhogo au Centre et Ferkessedougou (Ferké) à l’Est. Cette population
est estimée à environ 500 000 habitants en 1975, 745 840 habitants
en 1988 et à près de 1 000 000 d’habitants en 1998, soit un taux
d’accroissement moyen annuel de 3,1 %. La densité moyenne est de
27 habitants au Km² en 1998. A l’observation, il apparaît que cette
population est inégalement répartie entre les quatre départements et même
à l’intérieur de chacun d’eux, au niveau des sous-préfectures. Le
tableau 1.4 traduit cette inégalité pour Korhogo. La population de
Korhogo était estimée à environ 275 300 habitants en 1975.
Dans le département de Korhogo, les sous-préfectures les plus densément
peuplées en 1998 ont plus de 50 hab./Km². Ces sous-préfectures sont dans
un rayon d’environ 15 à 20 Km de Korhogo et constituent la zone dense.
Les sous-préfectures de Guiembé, Niofoin, M’bengué, Sirasso et de
Dikodougou sont les moins peuplées. Concernant les trois zones d’étude,
Niellé (villages de Niellé et de Ouamélhoro) est dans une zone
moyennement peuplée, Kouniguékaha (dans la sous-préfecture de
Karakoro) est dans la zone dense et Sionhouakaha dans la sous-préfecture
de Dikodougou est dans une zone faiblement peuplée avec 15 hab./Km².
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
35
Tableau 1.4 : Répartition de la population de Korhogo par sous-préfecture
en 1998
Sous-préfecture Nombre de
villages
Superficie
(Km²)
Population Densité
(hab./Km²)
Korhogo
Napiéolédougou
Tioroniaradougou
Guiembé
Dikodougou
Sirasso
Karakoro
Komborodougou
Sinématiali
Niofoin
M’bengué
Total
175
97
52
22
35
30
96
59
221
35
49
871
1 258
600
360
1 470
2 100
1 700
270
250
680
2 100
2 600
13 388
260 000
66 300
15 840
3 800
32 200
32 300
18 850
11 660
37 230
18 029
30 732
532 500
207
111
44
3
15
19
70
47
55
9
12
40
Source : RGPH, 1998
2.7.5 La pyramide des âges
La pyramide des âges (figure 1.4) permet de distinguer quatre classes :
dans la première (moins de 15 ans) et la troisième (50 à 75 ans) les
hommes sont relativement plus nombreux que les femmes ; par contre
dans la seconde (15 à 49 ans) et la dernière (plus de 75 ans) ce sont les
femmes qui prédominent. A la naissance, le nombre de garçons est
légèrement supérieur à celui des filles. Jusqu’à 14 ans, les jeunes restent
le plus souvent auprès de leurs géniteurs ou de la famille élargie. Entre
15 et 49 ans, les hommes émigrent beaucoup plus facilement que les
femmes, soit pour poursuivre leurs études, soit pour des raisons
économiques. La polygamie en rajoute pour justifier la supériorité du
nombre de femmes par rapport aux hommes. Entre 50 et 75 ans, les
émigrés tendent à revenir au village d’origine. Il ressort aussi que la
population est relativement jeune. En effet, près de 60 % de la population
ont moins de 20 ans.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
36
-60000 -40000 -20000 0 20000 40000 60000
Effectif (habitants)
0 - 4
10-14
20-24
30-34
40-44
50-54
60-64
70-74
80-84
Tra
nc
he
s d
'âg
e (
an
s)
Source : RGPH, 1998
Hommes Femmes
Figure 1.4 : Pyramide des âges
3 La filière coton
Le vocable de « filière » connaît depuis quelques années une vogue
singulière en économie. Les politiques, les plans, les programmes de
développement s’y réfèrent volontiers aujourd’hui et s’établissent, le plus
souvent, en terme de filière pour avoir droit de cité. L’appellation filière
recouvre en fait des contenus fort larges et parfois différents. Elle englobe
un ensemble de notions parfois plus précises telles que celles de chaîne,
circuit, branche ou secteur d’activités, marché, système, etc. (Lebailly et
al., 2000). Une filière est un ensemble homogène d’activités économiques
reliées verticalement et horizontalement par des échanges commerciaux.
L’établissement des frontières d’une filière particulière requiert
nécessairement de la part du chercheur l’adoption de postulats subjectifs.
Idéalement, il convient d’englober dans la filière toutes les entreprises
pour lesquelles on observe des liens verticaux ou horizontaux. La filière
représente une division raisonnée et opérationnelle de l’économie dans un
domaine d’investigation (Schaffer, 1973, cité par Lebailly et al, 2000).
Piriou (1997) définit la filière comme étant un « ensemble d’activités
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
37
productives complémentaires orientées vers un produit (un marché) final
donné ». Pour Durufle et al. (1988), une filière est constituée de
« l’ensemble des agents qui contribuent directement à la production, puis
à la transformation et à l’acheminement jusqu’au marché de réalisation
d’un même produit agricole ». Calabre (1997) propose une approche
technico-économique de la filière qui consiste à décrire les étapes
techniques de la production et de la transformation conduisant à un
produit utilisable dans la consommation ou dans l’industrie.
Sans suivre Calabre (1997) à la lettre, ce chapitre évoque l’importance de
la culture du coton dans l’économie ivoirienne, les raisons socio-
économiques de la promotion de la culture du coton en Côte d’Ivoire,
l’historique du coton à travers l’évolution de la recherche scientifique. Il
situe les acteurs de la filière et présente les principales actions
d’encadrement et de promotion de la culture du coton.
3.1 L’importance de la culture du coton dans l’économie
Le coton est une des cultures les plus répandues dans les pays en voie de
développement. Elle constitue une source vitale de devises,
d'investissement et de croissance pour certains des pays les plus pauvres
du monde. En Afrique de l'Ouest et du Centre (AOC), le coton joue non
seulement un rôle important dans la croissance de l'économie mais aussi
dans le développement des zones rurales.
D'après le mémorandum de la Concertation des ministres de l'Agriculture
de l'AOC sur la filière coton, les 25-26 juin 2002 à Abidjan, la capitale
ivoirienne, au cours des trente dernières années, la production régionale a
été multipliée par cinq, passant de 445 000 tonnes environ au début des
années 70 à 2 373 000 tonnes en 2001/2002, en améliorant les revenus de
près de 2 millions de producteurs.
L'AOC a produit, en 2001/2002, 991 000 tonnes de coton-fibre, soit
environ 5% de la production mondiale. Les exportations de l’AOC
représentaient 15% des échanges mondiaux de coton en 2001/2002, ce qui
fait de la région le troisième exportateur mondial de coton, après les
Etats-Unis et l'Ouzbékistan. L'exportation de l'Afrique de l'Ouest et du
centre s'élève à 95% de sa production de fibre.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
38
Quant à l'Afrique de l'Ouest, avec près d'un million de tonnes de fibres
produites, 17% du marché mondial en 2002, le coton Ouest Africain
représente une des principales sources de revenus de nombreux pays de la
sous-région. Il contribue pour 50% à 80% des recettes d'exportation du
Mali, du Bénin, du Togo et du Burkina Faso (Abel, 2002, Goreux, 2003).
Avec une production de près de 180 000 tonnes de fibre dont
131 000 tonnes ont été exportées, la culture du coton était, au cours de la
campagne 1999/2000, la troisième culture d’exportation de Côte d’Ivoire
après le cacao et le café, avec un chiffre d’affaires de l’ordre de
120 milliards de FCFA. En aval, la transformation locale du coton-fibre
en textile crée environ 6 000 emplois. La culture du coton a permis
également un début d’industrialisation des régions Nord et Centre du
pays, avec 13 usines d’égrenage (produisant la fibre de coton en balles),
une filature (produisant divers types de tissus et de fils, etc.) et une usine
de trituration des graines (produisant de l’huile, du savon, des tourteaux,
etc.).
La culture du coton est la pierre angulaire de l’économie de la zone de
savane. Elle a généré en 1997/98, des revenus de 63 milliards FCFA pour
153 000 familles d’exploitants. La production de coton en Côte d’Ivoire
est le fait d’exploitations de quelques 2 ha en moyenne toutes cultures
confondues. Le nombre de planteurs est passé de moins de 50 000 en
1970 à plus de 160 000 en 2000. La position des sociétés cotonnières dans
l’ensemble de la filière coton est d’autant plus forte qu’elles ont la
maîtrise de l’encadrement de la production agricole, qu’elles gèrent
directement l’ensemble des activités industrielles de première
transformation et qu’elles ont le contrôle de la mise en marché au niveau
mondial de la fibre, confortées en cela par la présence de négociants
d’envergure dans leur capital. Environ 1 500 organisations
professionnelles agricoles (OPA) regroupant la plupart des planteurs sont
affiliées à des organisations faîtières dont les plus importantes sont
l’URESCOS-CI, la Coopérative Agricole de Cote d’Ivoire (COOPAGCI)
et la Coopérative des Exploitants Agricoles de Côte d’Ivoire (CEACI) qui
détiennent respectivement 75%, 15% et 7% des OPA.
Tous les maillons de la filière (producteurs, égreneurs, industries textiles
et de trituration, financiers et agences de service) sont représentés dans
une instance permanente dénommée INTER COTON. C’est un cadre de
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
39
concertation et de coordination ayant pour mandat de favoriser
l’organisation des relations au plan technique et contractuel entre les
intervenants de la filière, d’assurer le suivi de la campagne et la collecte,
l’analyse, la diffusion d’informations relatives à la filière, et de gérer la
fixation du prix d’achat du coton-graine.
L’égrenage du coton-graine est réalisé par les sociétés cotonnières avec
une capacité totale de 2720 tonnes/jour. En moyenne chaque année, 75 à
80% de la production de coton-fibre de Côte d’Ivoire est exportée vers
l’Europe et l’Asie, le reste est vendu aux sociétés nationales de filature et
de tissage. Les opérations de transformation qui concernent la trituration,
la filature, le tissage, la teinture, l’imprimerie et la confection sont
assurées par des unités industrielles dont les capacités sont données dans
le tableau 1.5.
Tableau 1.5 : Spécialités et capacités des entreprises de transformation
dans la filière coton
Opérations Entreprises Capacités Produits
Trituration Trituraf 180 000 T Tourteaux et huile
Filature et tissage
COTIVO
FTG
UTEXI
8 000 T
8 500 T
6000 T
Tissu et écru
Tissu et écru
Fil, tissu et écru
Teinture et
imprimerie
TEXICODI
UNIWAX
15 000 Km
20 000 Km
Pagnes fancy
Pagne wax et fancy
Confection Challenger
SAB
Pantalon jean
Sources : Enquêtes, 2004
Légende : COTIVO = Cotonnière Ivoirienne, FTG = Filature et Tissage Gonfreville,
UTEXI = Union Textile de Côte d’Ivoire, TEXICODI = Textile de Côte d’Ivoire.
L’industrie de trituration écoule sa production d’huile végétale et de
savon principalement sur le marché local, tandis que 50% du tourteau de
coton est vendu aux usines locales d’aliments pour bétail et le reste
exporté en Europe. Les unités de confection opérant en Côte d’Ivoire sont
de trois types : industriel, semi-artisanal et artisanal. Une seule unité
industrielle de confection est actuellement en opération en Côte d’Ivoire
(Challenger-SAB) produisant surtout sous licence les produits Wrangler.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
40
Les entreprises de type semi-artisanal sont limitées aux grands centres
urbains et comprennent des unités opérant avec quelques 6 à 20 machines
industrielles. Leurs productions sont destinées aux hôpitaux, écoles,
grandes surfaces, boutiques, etc. Une association de travailleurs de la
confection, de type syndical et couvrant une partie des petites et
moyennes entreprises (PME) de confection existe. Une multitude de
petites unités artisanales (pour la plupart de type informel, allant du
tailleur ambulant à l’arrière-boutique avec quelques machines manuelles
ou industrielles) desservent le grand public, principalement pour ce qui
concerne les vêtements courants. Le pagne est le principal produit textile
fini en Côte d'Ivoire; il est également le produit le plus consommé par les
Ivoiriens : environ 4 mètres de tissus par an et par habitant (BNETD,
2004).
3.2 Les raisons socio-économiques de l’introduction du coton
Ruttan (1984) récapitulant les modèles de développement agricole qui ont
le plus souvent influencé les conceptions pendant la période de l’après-
guerre jusqu’aux années 1970, a particulièrement insisté sur l’échec de la
plupart d’entre eux à « expliquer comment des conditions économiques
induisent le développement et l’adaptation d’un paquet technique efficace
dans une société donnée». Selon le modèle de l’innovation induite de
Ruttan et Hayami (1995), les innovations et la croissance de l’agriculture
résultent de la pression exercée par les paysans sur les instituts de
recherches publics ou privés pour qu’ils mettent au point de nouvelles
techniques permettant de surmonter des contraintes particulières. Koppel
(1995 a), Grabowski (1995) et De Janvry (1995) ont critiqué cette théorie
de l’innovation induite de Ruttan et Hayami en reprochant principalement
qu’elle ne précise pas dans quels contextes sociaux, économiques et
politiques la pression paysanne intervient. Répondant à cette critique,
Ruttan et Hayami (1995) ont reconnu qu’il manquait à leur modèle, une
« théorie de l’action » qui prend en compte les relations entre paysans et
institutions de recherche. Le modèle de « développement dirigé » de
Burmeister (1987 et 1995) tient justement compte des liens entre le
pouvoir politique, la recherche et la vulgarisation agricole. Basset (2002)
souligne que c’est ce modèle qui aide à comprendre la dynamique du
changement technique et de la croissance agricole en Côte d’Ivoire.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
41
Le gouvernement ivoirien a donné plusieurs justifications économiques et
sociales à l’introduction de la culture intensive du coton au Nord (Konan,
1990). La première est de parvenir à relever sensiblement le niveau du
revenu agricole, à stabiliser la population locale par la réduction des
migrations vers les villes et les régions rurales du Sud. La seconde raison
relève de la nécessité de diversifier les sources de revenu en dehors des
cultures pérennes (café et cacao). La politique de promotion de nouvelles
cultures comme le coton, le palmier à huile, l’ananas et plus tard la canne
à sucre était perçue comme un moyen de réduire la dépendance du pays
vis-à-vis des fluctuations du marché des deux produits de base. La
troisième raison est d’utiliser la culture du coton comme moyen
d’intensification de l’agriculture par l’utilisation de fertilisants, de
pesticides chimiques, d’outils mécaniques (attelage, motorisation). En
outre, cette agriculture devait déboucher sur la transformation industrielle
de la production. En ce sens, les producteurs de coton devaient désormais
fournir la matière première pour approvisionner les usines locales
d’égrenage, de trituration et de filature.
La culture du coton a bénéficié d’une forte intervention publique en
matière d’incitation. En effet, au fil des années, l’Etat a procédé à un
relèvement des prix au producteur. Ainsi, le prix d’achat de la première
qualité de coton est passé de 35 FCFA/kg en 1969-70 à 115 FCFA/kg en
1984-85 et à 200 FCFA/kg en 2004.
Bien que la tendance globale du prix soit à la hausse, on constate qu’avant
1995, le prix courant reste pratiquement stable sur de longues périodes :
de 1960 à 1974 où le prix a varié entre 35 et 45 FCFA/kg ; de 1977 à
1983, le prix a été de 80 FCFA/kg ; de 1985 à 1990, il a été de 115
FCFA/kg. Cependant, de 1970 à 1996, le prix d’achat au producteur a
quintuplé.
La fixation du prix au producteur est un processus déterminant de la
filière coton dans la mesure où elle influence le revenu de l’exploitant. On
remarque dans la figure 1.5 qu’il y a eu deux augmentations
spectaculaires du prix. La première, de près de 59 %, a eu lieu en 1975 et
la seconde, d’environ 69 %, est intervenue en 1994 avec l’arrivée au
pouvoir du second Président de la république après trois années de crise
sociopolitique. Depuis la privatisation de la CIDT en 1998 on assiste à
d’importantes fluctuations du prix d’une année à l’autre. Depuis cette
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
42
privatisation, on peut dire que le prix au producteur de coton est devenu
encore plus incertain.
-30
-20
-10
0
10
20
30
40
50
60
70
80
19
67
19
69
19
71
19
73
19
75
19
77
19
79
19
81
19
83
19
85
19
87
19
89
19
91
19
93
19
95
19
97
19
99
20
01
Années
Var
iati
on
(%
)
Source : A partir des données de la CIDT et nos enquêtes, 2002
Figure 1.5 : Variation interannuelle du prix courant au producteur
de coton
Un autre élément de la politique d’incitation en faveur du coton est
représenté par la subvention aux intrants. En effet depuis 1966, la Caisse
de Stabilisation et de Soutien des Prix et des Productions Agricoles
(CSSPPA) subventionne les produits phytosanitaires (notamment les
traitements insecticides) appliqués sur le coton. A partir de 1978, l’avance
sur culture a été étendue aux semences et aux éléments fertilisants. Ces
subventions se sont situées au niveau record d’environ 49 300 FCFA/ha
en 1982-1983. Dans le même temps, le prix du coton est passé de
80 FCFA/kg à 115 FCFA/kg. Les subventions à l’équipement agricole
affectées à la culture du coton (traction animale et tracteur) furent
d’environ 30% du coût total des matériels de 1978 à 1983. De
165 millions de FCFA en 1970, la charge des subventions représentait en
1980 pour l’Etat ivoirien, environ sept milliards de FCFA par an, sans
compter les charges d’assistance et d’aides au défrichement, à la
mécanisation et à la réalisation des infrastructures. Ces subventions ont
été financées grâce aux excédents de trésorerie des filières café et cacao
gérées par la CSSPPA.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
43
Suite à la crise économique que traversait le pays et aggravée par la chute
du cours des principales matières premières sur le marché mondial (baisse
des cours du cacao, du café et du coton), le gouvernement avait supprimé
les subventions aux engrais de la culture du coton en 1984. Néanmoins,
elles ont été maintenues pour les insecticides et les semences.
3.3 L’évolution de la recherche cotonnière en Côte d’Ivoire
Selon le CIRAD (2003), l'histoire du coton est très ancienne. Des restes
de tissus en coton ont été exhumés dans la Vallée de l'Indus, à Mohenjo-
Daro et remontent à 3 200 ans avant J.C. et auraient été tissés à partir de
fibre du Gossypium arboreum. C'est à partir de l'Inde que le coton a
progressé vers le Moyen Orient, puis l'Égypte, l'Afrique et l'Europe.
Les premières introductions de cotonniers sur le continent africain se
situent entre 1725 et 1775. Des navires assurant la traite des noirs
rapportent d’Amérique, des variétés de cotonnier d’espèce Gossypium
barbadense (Hau, 1988). Toutes ces « nouvelles » variétés introduites se
sont substituées progressivement aux espèces locales qui sont
G. herbaceum et G. arboreum (Mahdavi, 1997) parce qu’elles avaient une
productivité et une qualité supérieures. Jusqu’au début du XXème
siècle, la
production de coton en Afrique reste anecdotique, aucun effort n’étant
réalisé pour l’encourager. Les différentes variétés sont cultivées pour
l’artisanat local (Godart et Furri, 1999).
Le développement de la culture cotonnière en Côte d’Ivoire se fonde sur
les progrès réalisés par les travaux de recherches agronomiques portant
sur l’amélioration variétale, la protection phytosanitaire et les techniques
culturales (Zagbaï, 1999). Il repose aussi sur l’effort de vulgarisation.
Depuis le début du XXème
siècle, on peut distinguer trois périodes
caractéristiques dans l’évolution de la recherche cotonnière en Côte
d’Ivoire.
3.3.1 Une première période de recherche par tâtonnements
La première période s’étend de 1900 à 1953. En 1902, un groupe privé de
filateurs français, voulant échapper au monopole des Etats-Unis pour le
coton et de l’Egypte pour la soie, crée l’association cotonnière coloniale
(ACC) qui installe sa direction pour l’Afrique de l’Ouest à Bouaké (au
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
44
centre du pays). Ce groupe se charge de toute la filière : expérimentations
agronomiques, conseils aux exploitants, égrenage et commercialisation
(Hau, 1988 ; Bassett, 2002).
En 1908, l’administration coloniale élabore un premier projet cotonnier
notamment pour la zone de Korhogo (Ecolog, 1999) et améliore les voies
de communication. En 1924, après la première guerre mondiale qui a
entraîné une baisse de la production, le Gouvernement général de
l’Afrique Occidentale Française (AOF) décide d’organiser la production
des plantes textiles et crée le Service des Textiles à Ségou au Mali. Ce
service se charge de l’expérimentation, de la vulgarisation et de
l’amélioration de la qualité technologique du produit tandis que l’ACC
s’occupe de l’achat, de l’égrenage, du pressage des balles, du classement
et de la commercialisation. L’espèce utilisée est le G. barbadense : il a un
cycle long de près de 200 jours, une tige d’environ 3,5 m de haut, un
potentiel de rendement compris entre 70 kg/ha et 250 kg/ha, un
rendement en fibres à l’égrenage de 34 %. L’ACC construit en 1924 la
première usine d’égrenage mécanique à Bouaké. Dans le même temps, un
programme d’amélioration variétale est lancé et la production nationale
atteint environ 3 000 tonnes en 1938.
En 1941, l’ACC change de statut et devient l’Union Cotonnière de
l’Empire Français (UCEF.) qui reprend l’ensemble des activités de la
filière : expérimentation, sélection, multiplication, conseils aux
agriculteurs, classement, égrenage et commercialisation. Les espèces
utilisées en cette période en Côte d’Ivoire étaient d’une part le
G. barbadense cultivar Ishan dont le rendement en fibres est de 34 % et
d’autre part, le G. hisrutum cultivar Nkourala en provenance du Mali.
En 1946, l’institut de recherche du coton et des textiles exotiques (IRCT)
est créé et installé à Bouaké. Il s’occupe de l’expérimentation et de la
sélection. L’UCEF se charge alors de l’encadrement, de l’égrenage et de
la commercialisation jusqu’en 1947. L’IRCT développe un programme de
sélection de G. hirsutum « Nkourala ». Cette variété semble se révéler
supérieure aux variétés locales (Hau, 1988). En effet, elle a un potentiel
de rendement de 230 à 250 kg/ha et 35 % de rendement en fibres contre
80-150 kg/ha et 28-32 % de fibres pour les variétés antérieures. En outre,
elle présente une immunité presque totale à la bactériose et aux maladies
virales, une bonne pilosité qui lui confère une résistance aux jassides et
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
45
une meilleure productivité en culture pure.
Cependant, la variété Nkourala a un port peu robuste qui s’accommode
assez mal de la culture associée en vigueur en ces temps-là. Sa floraison
plus précoce l’expose à la pression des chenilles des capsules. Elle n’a
donc pas été massivement adoptée par les paysans. En 1949, la CFDT est
créée avec un statut de société d’économie mixte à caractère industriel.
Elle se substitue à l’UCEF et s’occupe de la vulgarisation.
Suite à l’échec de Nkourala, les recherches sont reprises pour améliorer
davantage l’espèce G. barbadense. Vers 1953, la culture du coton s’étend
sur deux grandes zones de production qui approvisionnent deux usines.
La première est en zone Centre (Bouaké, Katiola, Béoumi, et Mankono)
avec une usine d’égrenage à Bouaké, la seconde en zone Nord (Boundiali,
Korhogo) avec une usine d’égrenage à Korhogo (Hau, 1988). En zone
Centre, la variété cultivée est : le « Local Bouaké », espèce
G. barbadense. La fibre est blanche, brillante et relativement courte
(24 mm). Au nord, la variété cultivée est le « Babo » appartenant comme
le « Local Bouake » à l’espèce G. barbadense. Il est sensible à la
bactériose et aux maladies virales et produit une fibre jaunâtre.
3.3.2 Une seconde période marquée par la sélection massale
La seconde période (1954 à 1960) marque l’introduction de la variété
« Mono ». La variété « Mono » introduite du Dahomey (actuel Bénin),
produit d’une sélection massale, se montre assez plastique aux conditions
du milieu. Le « Mono » représente un progrès appréciable de la recherche
agronomique par rapport aux variétés locales : il a une bonne pilosité qui
lui permet de supporter les attaques des jassides en culture non protégée.
Il est alors diffusé en priorité dans les zones du nord en remplacement du
« Babo » a potentiel de rendement relativement plus faible. Hau (1988)
note qu’en 1960, le Mono s’était substitué aux variétés de coton
vulgarisées en Côte d’Ivoire.
La grande taille de G. barbadense qui lui permet de s’adapter à
l’association culturale n’est plus intéressante pour les nouvelles
techniques agricoles basées sur la culture pure. La sélection des variétés
de G. barbadense est donc abandonnée par l’IRCT pour reprendre celle
de G. hirsutum. De 1960 à 1970, il réussit à adapter la variété G. hirsutum
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
46
type Allen aux conditions locales. Allen a été obtenue aux USA par
J.B. ALLEN en 1896 (Hau, 1988). Elle se caractérise par un port élancé,
des capsules moyennes à petites, des fibres longues et soyeuses, un
rendement à l’égrenage de 29 %. Importée en Ouganda vers 1900, Allen
arrive au Nigeria en 1912, puis au Tchad en 1945. L’IRCT introduit
l’Allen à Bouaké en 1952. Différentes vagues de sélection se succèdent :
Allen 150, 151 et 333.
En 1963 la variété Allen est vulgarisée chez les paysans du Nord.
En 1966, elle se substitue totalement au Mono. Son potentiel de
rendement atteint les 1 300 kg/ha avec un taux de 37,7 % de fibres à
l’égrenage. L’Allen transforme donc le paysage agricole ivoirien du
Centre au Nord. Le coton y devient la principale spéculation de rapport,
mettant en jeu de nouvelles techniques culturales : utilisation d’insecticide
et d’engrais, culture pure, semis et récolte groupés à des périodes précises.
A l’indépendance en 1960, le gouvernement ivoirien apporte un appui
décisif à l’IRCT (organisme de recherche) et à la CFDT (organisme de
vulgarisation). En effet, il subventionne l’engrais et accorde la gratuité
des produits insecticides.
3.3.3 Une troisième période marquée par les croisements
La première phase de la troisième période (1969–1984) se caractérise par
l’introduction des variétés Har issues du croisement de G. hirsutum,
G. arboreum et G. raimondii. Le nom Har est justement composé des
initiales de ces trois noms. Plusieurs lignées Har ont été obtenues et se
sont révélées relativement plus intéressantes que Allen (tableau 1.6).
Tableau 1.6 : Production et rendement en fibre comparés des variétés
Allen et Har
Variétés Production en kg/ha Rendement fibre en %
Allen 333-57a
Har 444-2-64a
Har 444-2-70b
Har L231-24-70b
Har L299-10-70b
Har T120-7c
1 209
1 220
1 510
1 491
2 199
2 294
41,7
42,5
40,7
41,3
41,9
42,2 Sources: (a) IRCT, 1966 ; (b) IRCT, 1978, (c) Hau (1988)
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
47
La variété Har est vulgarisée jusqu’en 1984, année où elle est remplacée
par la variété Isa, vulgarisée de 1983 à 1987. Depuis 1972, les travaux de
recherches variétales utilisent les théories de la génétique quantitative.
Ces dernières permettent de mieux comprendre le déterminisme génétique
des caractères sélectionnés et, partant, d’orienter des stratégies de
sélection plus efficaces. Aussi, plusieurs croisements diallèles sont-ils
entrepris entre variétés Har (Lefort et Schwendima, 1974 ; Hau et
Merdinoglu, 1982) ou entre variétés d’origine américaine (Cateland et
Schwendiman, 1976). Les lignées L299-10, L231-24 et L142-9 obtenues
sont ensuite croisées permettant alors d’isoler une souche exceptionnelle,
la N 205-3. Cette dernière a donné naissance à la variété ISA 205 qui
marque un progrès sensible de la recherche agronomique en matière
d’amélioration du rendement à l’égrenage. En effet, ce rendement se situe
désormais au niveau de 44,3 % contre 42,1% pour la meilleure variété du
moment, la T120-7. Le potentiel de rendement de Isa 205 est de
2 433 kg/ha contre 2 243 kg/ha pour T120-7. Isa 205 a donc été la variété
vulgarisée en priorité à partir de 1984.
Parallèlement au lancement de Isa 205, les travaux de recherche se
poursuivent et visent à mieux exploiter l’amande de la graine de coton,
riche en huile et en protéine. Au niveau du traitement à l’usine, on pense à
éliminer le gossypol, composé toxique. L’ère du coton sans glandes
commence. Le caractère « absence de glandes » a été découvert chez le
cotonnier par un chercheur américain en 1957. Dès 1960, ce génotype a
été introduit au Tchad et c’est dans ce pays qu’ont été créées les
premières variétés de coton sans glandes en Afrique. Mais, c’est
seulement en 1974 que ces variétés sans glandes sont introduites en Côte
d’Ivoire. Par la technique du « back-cross » (croisement retour), l’IRCT
met au point trois premiers cultivars : ISA-BC1, ISA-BC2 et ISA-BC4.
Ces variétés ont été cultivées en milieu paysan de 1980 à 1995. En 1984
par exemple, la variété Isa BC2 occupait 23 736 ha (Hau, 1988).
Le coton sans glandes a un potentiel de rendement d’environ 1 300 kg/ha.
Son rendement en huile est amélioré de 1 %. Son tourteau entre
facilement dans la composition des aliments du bétail (notamment porc et
volailles) et sa farine s’est révélée utilisable en alimentation humaine.
Celle-ci a été expérimentée avec succès à l’Institut national de santé
publique à Abidjan pour la réhabilitation d’enfants atteints de
kwashiorkor-marasme. Avec le coton sans glandes, le cotonnier devenait
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
48
une culture à usage diversifié, permettant de développer l’industrie textile
aussi bien que l’industrie alimentaire. En 1987, les cotonniers sans
glandes ne sont pas vulgarisés en raison de leur faible performance en
fibres par rapport à la variété Isa 205. Les recherches se poursuivent sans
relâche et, à partir de 1989, de nouvelles variétés sans glandes meilleures
que Isa 205 sont mises au point (tableau 1.7). Mais, ces dernières ne
contiennent pas de gossypol dans les glandes et, par conséquent, sont
sensibles aux insectes. A Gembloux, les recherches du professeur Guy
Mergeai qui visent à éliminer le gossypol seulement dans la graine du
cotonnier pourraient apporter une solution satisfaisante à ce problème.
Tableau 1.7 : Comparaison des rendements de Isa 205 avec variétés sans
glandes
Variétés Rendement (kg/ha) Rendement fibre (%)
Isa 205 (à glandes)
Isa BC 4 (sans glandes)
Isa LP5 (sans glandes
Isa GL6 (sans glandes)
2 213
2 158
2 048
2 275
44,7
42,7
45,3
46,2
Source : adapté de Hau, 1988
L’effort de recherche a donc permis de proposer un grand nombre de
variétés de coton durant une longue période. Cependant, les résultats de
ces recherches ne sauraient parvenir aux paysans sans la mise en place
d’un processus de transfert des connaissances. L’ACC entreprend la
vulgarisation du cotonnier de 1902 à 1924, la ST prend son relais de 1924
à 1941, l’ACC devenue UCEF se substitue à la ST de 1942 à 1949 avant
de céder la place à la CFDT de 1949 à 1973. La CIDT remplace la CFDT
de 1974 à 1998 où elle est privatisée. L’institut des savanes (IDESSA) a
été créé en 1986 en remplacement de l’IRCT. Le Centre National de
Recherche Agronomique a été créé en 1998 et a repris les activités de
l’IDESSA qui a été dissout la même année.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
49
3.4 L’encadrement de la culture du coton
3.4.1 Les grandes lignes du rôle de la CIDT
Depuis la date de sa création en 1949 jusqu’en 1973, la CFDT s’est
occupée de l’encadrement de la culture du coton. La CIDT a pris le relais
en 1974. C’était une société d’économie mixte au capital de 7,2 milliards,
dont 70 % appartenaient à l’Etat ivoirien et 30 % à l’Etat français
représenté par la CFDT. Dans un premier temps, la CIDT a eu pour
fonction la mise en œuvre de l’ensemble de la filière coton. Elle
intervenait en amont de la production dans l’approvisionnement en
intrants (semences, engrais, insecticides, herbicides). Elle intervenait
aussi en aval pour assurer la collecte, le transport, l’égrenage et la
commercialisation. Dans un second temps, le rôle de la CIDT s’était
étendu à la majorité des cultures présentes en zone de savanes.
L’encadrement coton recouvre plusieurs domaines d’activités :
La vulgarisation agricole qui recouvre :
la définition des recommandations techniques,
la préparation des supports pédagogiques,
la formation des formateurs et des agriculteurs,
le suivi des itinéraires techniques,
la mise en place et l’application des innovations techniques,
le suivi de l’utilisation des matériels agricoles,
la fourniture des statistiques liées à la production cotonnière,
l’appui au suivi sanitaire des bœufs de culture attelée,
l’appui à l’opération d’alphabétisation fonctionnelle.
La définition des objectifs de production et le recensement des intentions
des producteurs qui comprennent :
la collecte et le traitement des données,
la planification de la production,
l’estimation de la production de coton-graine.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
50
La fourniture des intrants et du matériel agricole aux agriculteurs, qui
recouvre :
l’estimation des besoins des agriculteurs,
les appels d’offre,
la commande, le transport, la mise en place et le financement des
intrants et du matériel agricole,
la fabrication des semences de coton,
le recouvrement du crédit agricole.
La recherche cotonnière qui concerne :
la définition des programmes de recherche,
la conduite des essais sur les points d’observation (PO) en milieu
paysan.
La commercialisation du coton-graine qui comprend :
la planification de la commercialisation,
le programme du ramassage, du transport, du contrôle de la
qualité, du financement et du payement du coton-graine.
L’appui aux organisations professionnelles agricoles (OPA) qui
recouvre :
la création des OPA,
la formation des coopérateurs,
l’appui à la gestion, le financement, le suivi, le contrôle et
l’évaluation des OPA.
La gestion durable des sols qui concerne :
la fumure organique,
la défense, la restauration, l’aménagement et la protection des
sols.
L’entretien des pistes de desserte qui se résume à :
l’identification des tronçons à entretenir et l’élaboration du
programme d’entretien,
l’évaluation du coût des travaux et l’appel d’offre,
le suivi et le contrôle de l’exécution, le financement et le
payement des travaux.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
51
On peut dire que la fonction d’encadrement de la filière coton en Côte
d’Ivoire a connu trois grandes périodes depuis les années 50 à ce jour. La
première période s’étend de 1950 à 1973. Elle aura été marquée par la
CFDT et par l’IRCT. En 1963, le gouvernement a signé un accord avec la
CFDT en vue de renforcer ses efforts de vulgarisation du coton. Jusqu’en
1966, les coûts de l’encadrement et de la vulgarisation étaient supportés
par le fonds d’aide et de coopération (FAC) de la France. A partir de cette
date, ces coûts étaient devenus à charge du Budget spécial
d’investissement et d’équipement (BSIE) de la Côte d’Ivoire. En 1973, la
CFDT et le gouvernement ivoirien révisent leur convention et la première
se retire de son rôle d’encadreur. Selon Sawadogo (1977), jusqu’en 1973,
la filière coton enregistrait un déficit annuel d’environ 500 millions de
FCFA imputés essentiellement aux subventions. Ce déficit était couvert
par des transferts de surplus financiers issus des autres filières,
notamment le café et le cacao.
La seconde période s’étend de 1973 à 1998 et consacre le rôle de la
CIDT. Ce rôle a évolué peu à peu d’un encadrement exclusif de la culture
du coton vers un encadrement diversifié au profit des cultures vivrières,
notamment le riz et le maïs. Auparavant, le riz avait été encadré par un
organisme spécialisé, la Société pour le développement de la riziculture
(SODERIZ) à partir de 1970. Cette structure avait la responsabilité de la
gestion des ouvrages d’irrigation et de la vulgarisation des techniques de
production intensive du riz dans la région. Elle livrait, gratuitement aux
paysans, les semences, les engrais et les insecticides pour des superficies
inférieures ou égales à 1 ha. L’exploitant prenait en compte le coût
supplémentaire des engrais lorsque ses superficies étaient supérieures à
1 ha. Mais, en 1977, la SODERIZ a été dissoute. Cela a entraîné
l’extension du rôle de la CIDT aux cultures vivrières.
La troisième période va de 1998 à nos jours. Elle se caractérise par la
libéralisation de la filière cotonnière et une plus grande prise de
conscience des producteurs. Nous y reviendrons dans la suite (voir § 3.8
et 3.9 de ce même chapitre).
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
52
3.4.2 L’approvisionnement en intrants
Trois types d’intrants sont fournis aux paysans : les semences, l’ensemble
des produits chimiques et les matériels agricoles. La figure 1.6 résume le
circuit de distribution des herbicides entre la firme et l’exploitant. La
firme cède l’intrant à crédit à l’OPA qui le rétrocède à crédit au paysan.
Le remboursement se fait dans un délai d’environ 12 mois avec un taux
d’intérêt de près de 10 %.
Le système d’approvisionnement en herbicides, des engrais et des
insecticides a l’avantage de mettre les OPA en relation directe avec les
firmes et d’accroître leurs responsabilités dans les stratégies de gestion de
leurs activités. Il favorise une certaine concurrence entre les firmes et
permet souvent de réduire les prix offerts aux paysans.
3.4.3 La collecte du coton
La fonction de collecte et d’achat de la production de coton-graine
relevait du monopole de la CIDT. La production est regroupée dans des
magasins par les paysans avec la liste des exploitants et la quantité de
production individuelle. Le pesage se fait par les agents de la CIDT en
présence des gérants des associations représentant les paysans. Ces
derniers assurent le chargement des camions tandis que la CIDT
transporte le produit vers l’usine d’égrenage. Le classement de la
production en première ou seconde qualité est déterminé par l’usine au
moment où elle reçoit le produit. Elle procède à un nouveau pesage du
produit qui est payé suivant la qualité et le poids ainsi déterminés. Avec le
désengagement progressif de la CIDT, certaines coopératives parviennent
à transporter leur production à l’usine. A la faveur de la privatisation, les
usiniers assurent la collecte du produit, avec une participation de plus en
plus importante des OPA.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
53
3.4.4 Le stockage, la commercialisation et l’égrenage
Au niveau de l’exploitant, les contraintes de main-d’œuvre entraînent une
réduction de la fréquence des récoltes. Il s’ensuit un stockage du coton-
graine sur pied. Le paysan conserve parfois sa récolte en tas sur la
parcelle, au contact du sol. La commercialisation du coton se fait suivant
un calendrier différent de celui du rythme des récoltes, ce qui rend le
stockage inéluctable au village, dans des cases ou des magasins souvent
peu adaptés. Cela peut entraîner une baisse de la qualité du produit.
Coopérateur
Coopérative ou
section de
coopérative
Union de
coopératives
ou faîtière
Firmes
Utilise au mieux les intrants reçus
à crédit et rembourse la valeur à
la fin de la campagne
Reçoit, emmagasine,
redistribue les intrants et reçoit
les remboursements du paysan.
Vérifie la conformité des
intrants reçus de la firme
et les redistribue aux
coopératives
Recouvre le crédit auprès de
l’union des coopératives ou
de la faîtière
Définit ses propres besoins
en intrants
Elabore le plan de
campagne à partir des
besoins des membres
Agrège les besoins, négocie
avec les firmes en vue de
réduire les prix et passe une
commande groupée
Réceptionne les
demandes, les analyse et
répond
Figure 1.6 : Circuit de distribution des herbicides
Source : adapté de Assi, 1997
Légendes : Expression des besoins et flux financiers
Réponses aux besoins exprimés
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
54
L’usine stocke aussi du coton-graine puisque les quantités livrées
excèdent parfois sa capacité de traitement journalier. Les conditions
d’humidité atmosphérique entraînent une certaine détérioration de la
qualité du coton-graine dans les différents lieux de stockage. Toutefois,
en dernier ressort, c’est l’usine qui détermine la qualité du produit, à
l’insu et parfois, au détriment du paysan.
3.4.5 Le financement de la filière
Avant la privatisation de la filière, le mode de financement représentait un
support à la vulgarisation du coton. Chaque année, le gouvernement
négociait avec la CIDT un barème qui déterminait le coût des activités.
Lorsque le cours mondial était supérieur à ce coût, la CIDT devait verser
la différence à la CSSPPA (ou CAISTAB). Lorsque le prix de vente était
inférieur, c’était la CAISTAB qui apportait la différence à la CIDT.
Cependant, Bisson (1989) souligne que ce barème ne permettait pas de
déterminer la valeur ajoutée de la filière car :
il incorporait des subventions octroyées par le gouvernement à
l’agriculture des savanes de sorte à équilibrer les revenus entre les
différentes régions du pays,
il comprenait les coûts de l’encadrement et du processus de
modernisation de l’agriculture en région des savanes,
il était calculé en tenant compte de toutes les taxes y compris
celles à l’exportation,
il supportait les frais financiers dus aux retards de versement de la
CAISTAB et il ne tenait pas compte des dépenses imprévues de la
CIDT (diverses charges sociales et imprévus physiques).
Les semences et les insecticides étaient entièrement subventionnés par
l’Etat et étaient donc fournis gratuitement aux paysans. Seuls les engrais
et les herbicides leur étaient vendus par un système de crédit de
campagne. Mais, suite à la crise économique que traversait le pays depuis
1980, en 1984, les subventions aux engrais et aux herbicides ont été
supprimées. Elles ont coûté environ 1,5 milliards de FCFA en 1981 et
en 1982, alors que celles des insecticides ont coûté près de 1,4 milliards
(Beenhakker et Bruzelius, 1984).
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
55
3.5 Les difficultés de la CIDT
Les subventions à l’agriculture étaient devenues difficilement
supportables par le budget de l’Etat compte tenu de la longue récession
qui a conduit à une série d’ajustements structurels jusqu’à ce jour. Par
exemple, le déficit du secteur public qui était à peine de 2 % du PIB
en 1975, était passé à 8,5 % en 1978 et à environ 12 % en 1980. Le déficit
des transactions courantes qui était de près de 10,6 % du PIB en 1978,
s’établissait à près de 17,4 % en 1980. Le ratio de la dette qui était de
13 % en 1978 était passé à 24,7 % en 1980 (Kouadio, 1993). Les
difficultés économiques rencontrées par le pays persistaient. Le PIB par
tête avait chuté continuellement en termes réels. Le ratio du service de la
dette se situait à 36 % en 1986. Dans les programmes de stabilisation
macro-économique et d’ajustement structurel mis en œuvre par les
pouvoirs publics, les organismes internationaux (Banque mondiale, FMI)
recommandaient la réduction voire la suppression des subventions à la
production et aux intrants agricoles. Les conséquences de la suppression
des subventions et du désengagement de l’Etat se répercutent sur toute la
filière et abouti à ce qu’on pourrait appeler la crise de la CIDT. En 1991,
le déficit cumulé est estimé à près de 67 milliards. Une des faiblesses de
la filière est sa forte dépendance vis-à-vis du marché mondial où le pays
n’a aucune influence notable sur le processus de fixation du prix
international.
Pour rétablir les équilibres macro-économiques, le gouvernement
entreprend des programmes d’ajustement structurel avec le soutien de la
Banque Mondiale et du FMI. Les objectifs de cette stratégie d’ajustement
sont les suivants :
l’amélioration de la sécurité alimentaire et la diversification des
productions,
l’amélioration de l’efficacité de l’encadrement-formation-
recherche,
l’organisation professionnelle des filières agro-industrielles et la
promotion du réseau coopératif,
le développement et la promotion du secteur moderne de l’élevage
et de la pêche sur la base de l’initiative privée.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
56
Plus spécifiquement, le plan à moyen terme suggère de procéder à la
relance de la filière coton en vue d’en assurer l’équilibre financier sur la
base des actions suivantes :
la mise en place d’un nouveau mécanisme de régulation des prix
permettant une meilleure répartition des risques entre les
différents opérateurs et la création d’un fonds de garantie du coton
géré par un comité tripartite (gouvernement, CIDT et exploitants),
l’organisation et la responsabilisation des paysans par la
consolidation du réseau coopératif,
la baisse des coûts de l’encadrement et le transfert progressif aux
coopératives du rôle d’approvisionnement en intrants,
l’amélioration de la qualité et la spécialisation régionale de la
production par la poursuite des actions de recherche variétale pour
le coton à fibres longues et du cotonnier sans glandes ainsi que
par l’amélioration du processus industriel.
En 1991, l’Etat signe une convention cadre d’une durée de cinq ans avec
la CIDT sur les bases qui précèdent, en vue de restructurer la filière.
L’application de cette convention entraîne une relative baisse des coûts de
revient mais une certaine fragilisation du monopole de la CIDT.
En effet, entre 1983 et 1990-1991, le coût de revient du coton fibre
ivoirien a baissé de 34 %. Cette performance est attribuable à une
réduction du coût de l’encadrement de la filière par la CIDT. Par exemple,
le coût de l’encadrement est passé de 17 % du prix de la fibre en 1983 à
environ 12 % en 1987-1991. En valeur absolue, ce coût de l’encadrement
est passé, en francs courants, de 121 228 FCFA la tonne en 1983 à
52 830 FCFA la tonne en 1990, soit une baisse de près de 56 %. Les coûts
de transformation et de commercialisation chutent de 12 % sur la période
de 1983 à 1990 tandis que la production s’accroît de 105 %. La CIDT a
donc amélioré son efficience en accroissant la production avec des coûts
plus réduits.
En 1997, pour la région de Korhogo, la CIDT payait un salaire à
76 conseillers agricoles (autrefois appelés moniteurs), 10 observateurs en
milieu paysan, 10 techniciens spécialistes de l’association agriculture-
élevage et 14 divers agents. Chacun des conseillers agricoles assurait le
suivi de 11 villages, 325 paysans et 644 hectares de coton (ECOLOG,
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
57
1999). Par contre en 1986, la même région était encadrée par
258 moniteurs dont chacun suivait près de 103 paysans et 255 hectares de
coton. Il y a donc eu une réduction du personnel et des charges
d’encadrement et cela annonçait une nouvelle ère, celle de la
privatisation.
3.6 La privatisation de la CIDT
3.6.1 Les prémisses de la privatisation
L’accroissement de la production cotonnière a longtemps reposé sur le
soutien financier de l’Etat au fonctionnement de chaque segment de la
filière. Outre les exemptions fiscales et les exonérations de douanes dont
bénéficient les industriels qui opèrent dans la filière, ce soutien s’est aussi
manifesté par d’importantes subventions aux prix de cession du coton
fibre. Depuis les années 1980 déjà, suite à la crise économique que
traverse le pays, la réduction des subventions et des avantages financiers
consentis par l’Etat à la filière coton est devenue indispensable. Mais, en
plus de la suppression des subventions aux intrants, les planteurs entrent,
dès la fin des années 1980, dans une période d’incertitude relative au prix
d’achat de leur produit.
Le modèle CIDT a pourtant connu des succès remarquables. Il a permis
de quintupler la production cotonnière qui est passée de près de
60 000 tonnes en 1970 à environ 337 000 tonnes en 1997. Les superficies
ont été quadruplées, passant de 60 000 ha à 244 000 ha sur la même
période alors que les rendements sont passés de près de 1 000 kg/ha à
environ 1 400 kg/ha. On peut donc dire qu’au moment même de la
privatisation, la CIDT représente un capital productif assez important
pour l’économie du Nord de la Côte d’Ivoire. La privatisation de la CIDT
est le résultat conjoint :
d’un mouvement de libéralisation de la filière amorcé dès l’arrêt
des subventions de l’Etat. Ce mouvement est poursuivi à travers le
relèvement du coût des intrants, la baisse des prix réels d’achat
aux exploitants, le repli de l’Etat des opérations d’encadrement
des paysans, l’adoption d’un vaste plan de restructuration de la
CIDT qui a abouti au licenciement de plus de mille agents,
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
58
de l’accélération du programme de privatisation mené à la
demande des institutions de Breton Woods (Banque Mondiale,
FMI) qui, d’une certaine manière, exigent le retrait de l’Etat du
capital de la CIDT.
La privatisation de la CIDT constitue un test pour la politique de
libéralisation des filières agricoles en Côte d’Ivoire. Elle est l’une des
conditions posées par les bailleurs de fonds en 1997 avant le déblocage de
la seconde tranche du crédit à l’ajustement du secteur agricole (CASA)
estimé à 225 millions de francs français.
En juin 1994, sous la pression des bailleurs de fonds, le gouvernement
entreprend de privatiser une soixantaine d’entreprises. Un comité de
privatisation et de restructuration du secteur parapublic se met alors en
place en 1995 dans le cadre d’un programme de relance économique et de
stabilisation. Les objectifs de la libéralisation de la filière coton sont
d’augmenter la productivité et la compétitivité du secteur sur le marché
mondial, de réduire puis de supprimer les subventions de l’Etat à la
filière, d’assurer un débouché à la production villageoise et d’accroître les
capacités d’autofinancement du secteur. En septembre 1996, le
gouvernement adopte une stratégie de privatisation de la CIDT qui
prévoit une partition de l’espace cotonnier en trois lots. Il s’agit du lot
Nord-est, du lot Nord-ouest et du lot Centre appelé « la CIDT nouvelle ».
3.6.2 Les divergences autour de la question de la privatisation
Le processus de libéralisation du secteur coton ivoirien a permis de
révéler deux conceptions de la filière relativement opposées. Les deux
modèles qui s’affrontent sont toutefois d’origine exogène au milieu
paysan et même au gouvernement. La première conception soutenue par
la CFDT souhaite une réforme restreinte conservant le système de
monopole/monopsone de la CIDT de sorte à :
réduire l’écart entre le prix à la production du coton-graine et le
cours mondial de la fibre de coton
impliquer davantage le paysan dans le processus de fixation des
prix et les privés dans celui du transport et de l’approvisionnement
en intrants,
ne plus subventionner les filateurs et les triturateurs.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
59
Contrairement à une réforme tous azimuts, la conception de la CFDT
permettait de ne pas supprimer certains atouts du système intégré qui était
en place, notamment le régime d’agriculture contractuelle, qui permet
d’assurer le recouvrement des coûts de la recherche et de la vulgarisation,
ainsi qu’un fort taux de recouvrement des crédits à l’achat d’intrants. Elle
permettrait probablement aussi de mieux aligner les prix du coton graine
sur les cours mondiaux du coton fibre.
Mais, la CIDT détiendrait encore le monopole de l’encadrement et de la
commercialisation de la graine et de la fibre de coton. Le prix bord champ
du coton-graine serait fixé unilatéralement par la CIDT. Le crédit de
campagne (achat des intrants) serait systématiquement déduit de la valeur
du coton-graine payée à l’exploitant.
Cette option offre donc peu de chance de réussir, parce que, d’une part, il
est peu probable que la CIDT et la CAISTAB rétrocèdent volontairement
une part importante du revenu de la filière à l’exploitant. D’autre part, le
processus de fixation des prix mettrait en jeu des groupes d’intérêt de
nature éminemment politique. Il serait d’ailleurs plus facile pour la CIDT
de jouer la carte du pouvoir politique et du clientélisme de l’exploitant
que de la transparence. D’ailleurs, la nomination du directeur général de
la CIDT relevait du gouvernement et donc du pouvoir politique.
Les bénéfices générés par la filière ne profiteraient pas assez à
l’exploitant, le paternalisme sous-jacent ne permettrait ni une
émancipation rapide ni une maîtrise des actions d’autopromotion du
paysan dont le rôle serait toujours limité simplement à la production avec
une capacité réduite de négociation sur les prix.
Ces critiques alimentent la seconde conception qui se fonde sur le courant
de l’économie libérale et est défendue par la Banque Mondiale qui exige
une ouverture de la concurrence à tous les niveaux de la filière pour
permettre :
le relèvement et un meilleur alignement des prix à la production
sur les cours mondiaux,
une fixation plus efficiente des prix des intrants agricoles et des
services d’appui à l’agriculture,
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
60
un renforcement des activités publiques connexes, en particulier
dans les domaines de la recherche, de la vulgarisation et de
l’action phytosanitaire,
un renforcement des capacités institutionnelles d’organisation et
de négociation des associations paysannes,
la réduction des taxes au sein de la filière.
Le gouvernement ivoirien a adopté l’option libérale, assurément sous la
pression des bailleurs de fonds. La CFDT s’y oppose évidemment en
arguant que le démantèlement de la CIDT peut entraîner un accroissement
des coûts fixes et que la concurrence attendue pourrait être empêchée par
l’état d’enclavement de certaines zones de production.
En définitive, la zone cotonnière ivoirienne a été scindée en quatre zones
Cette privatisation s’est réalisée en mai 1998 et a modifié la structure de
la filière coton ivoirienne. On est passé d’une filière intégrée, à une filière
libéralisée dans laquelle quatre structures se partagent la zone cotonnière.
Il s’agit, comme le montre la figure 1.8, de :
Ivoire coton (IC) au Nord-ouest, groupe privé
La compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI), groupe privé
la CIDT nouvelle ou résiduelle au Sud et au Centre, détenue par
l’Etat,
et de l’ANADER, dépendant de l’Etat qui, à l’exception des trois
autres structures (égreneuses), ne fait que l’encadrement dans les
zones marginales à l’Est. Alors que les trois groupes
précédemment mentionnés sont des industriels, l’ANADER n’est
qu’une simple structure d’encadrement. La production de la zone
couverte par l’ANADER est vendue en priorité à la CIDT.
A côté de ces quatre structures, les paysans constituent une entité non
négligeable parmi les acteurs de la filière.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
61
Réserve
de la
Comoé
100 km100 km100 km100 km
de
Kossou
Lac
LIB
ER
IAMALI BURKINA FASO
GU
INE
E
GH
AN
A
de
Kossou
Lac
LIB
ER
IAMALI BURKINA FASO
ABIDJAN
G o u lia
Marandala
D iaw ala
D alo a
Bo u afléY A MO U SSO U K RO Bo n g o u an o u
M'b ah iak roBéo u mi
Tan d a
Zu én o u la
V av o u a
TiénigbouéK atio la
N assian
K o u n ah iri
N iak araD ik o
N ap ié
Mo ro n d o
D ab ak ala
K an iSarh ala
Bo u n a
N iellé
Mad in an i
K asséré
G b o n
Tin g réla
Sin ématiali
Sirasso
Téh in iFerk éO d ien n é
Tien k o
To u b aBo n d o u k o u
O n d éfid u o
Bo u ak é
N io fo in
Zone LCCI
Zone CIDT
Zone Ivoire Coton
Répartition des zones cotonnières en Cote d'Ivoire
Zone de développement ANADER
Figure 1.7 : Répartition des zones cotonnières en Côte d’Ivoire Source : Adapté par l’auteur de Ochou, 2004.
San-Pedro
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
62
3.7 Les acteurs de la filière
Les acteurs de la filière sont les paysans et leurs différents niveaux
d’organisation, les organismes d’encadrement et de conseil agricole, les
industriels égreneurs, triturateurs ou filateurs, les transporteurs et les
autorités publiques. La figure 1.9 résume leurs liens.
Légende : Conseil technique
Feed-back
Flux d’argent
Flux de produit
Figure 1.8 : Les acteurs de la filière coton et leurs principaux liens
Egreneur
Filateur Triturateur
Vulgarisateur
Gouvernement
Recherche
agronomique
Fournisseur
d’intrants
Producteur
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
63
Le transporteur joue un rôle primordial dans la filière : il transporte le
coton-graine du producteur à l’égreneur, la graine et la fibre de coton de
l’égreneur respectivement au triturateur et au filateur, les intrants du
fournisseur à l’égreneur et au producteur. Le conseil technique est élaboré
par la recherche agronomique à la suite de plusieurs séries
d’expérimentations en station (micro-parcelles) et en milieu paysan
(parcelles dites en vraie grandeur). Le feed-back permet d’apprécier la
réaction de l’exploitant et l’efficience du conseil s’il est adopté. Le flux
de produit concerne soit le coton-graine lorsqu’il part du producteur, la
graine et/ou la fibre partant de l’égreneur vers le triturateur ou vers le
filateur, les intrants au départ du fournisseur vers l’exploitant. La relation
entre le fournisseur et l’exploitant est assez récente, elle s’instaure et se
renforce après la privatisation de la filière. Le flux d’argent est soit le
payement du produit, soit du salaire.
Le gouvernement est présent au sein de la filière coton par la définition et
le soutien de la politique sectorielle ainsi que du cadre institutionnel. Il
intervient à travers la CIDT, l’ANADER, la recherche agronomique et le
Ministère de l’agriculture. Sous la tutelle de ce dernier, l’ANADER
assure l’encadrement des OPA (associations formelles ou informelles de
paysans).
3.8 La place des paysans dans la filière coton
3.8.1 Aperçu historique du mouvement coopératif
L’histoire du mouvement coopératif ivoirien remonte à la période pré-
coloniale. La philosophie et la pratique coopératives y trouvent leurs
origines à travers divers types d’associations d’entraide et de travaux
collectifs. Ces associations étaient caractérisées par l’autodétermination et
par la recherche de la cohésion sociale.
De 1910 à 1959, le colonisateur s’est appuyé sur cette base pour assurer la
production et la commercialisation des produits agricoles dans un système
de travaux forcés. Il a ainsi créé successivement, les Sociétés indigènes de
prévoyance (SIP), les Sociétés mutuelles de promotion rurale (SMPR) et
les Sociétés mutuelles de développement rural (SMDR). Ces structures
coloniales avaient pour fonction, l’approvisionnement en matériels et en
intrants agricoles, la distribution du crédit agricole, la commercialisation
des produits, l’aide sociale.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
64
Les premiers efforts de l’administration ivoirienne en faveur des
coopératives remontent à 1959 avec la création du Centre national de la
coopération et de la mutualité agricole (CNCMA). Ce dernier devait
favoriser la formation des planteurs de café et de cacao en vue de la
production et de la commercialisation de leurs produits. Il s’agissait
principalement, en lieu et place des structures coloniales (SIP, SMPR,
SMDR), de mettre en place des structures plus souples en vue de la
coordination de l’approvisionnement en intrants (semences, fertilisants et
pesticides, équipements) et de l’écoulement des productions.
Jusqu’en 1964, les opérations de commercialisation ne semblent pas être
maîtrisées et il est considéré que le CNCMA n’a pas atteint ses objectifs.
Il est alors dissout en 1965. La loi n° 66-251 du 5 août 1966 jette alors les
bases d’une nouvelle configuration du mouvement coopératif en créant
les « groupements à vocation coopérative ou GVC ».
En 1969, à la faveur d’une convention entre le Gouvernement et le
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) par
l’intermédiaire du Bureau international du travail (BIT), le Centre
national de promotion des entreprises coopératives (CENAPEC) a été
créé. Il avait pour objectif d’organiser l’action coopérative à partir de la
base, de dynamiser la capacité d’organisation et de gestion à travers la
formation et l’éducation des responsables et du personnel, de mettre en
place une législation coopérative en tenant compte des particularités
ivoiriennes (DMC, 1982 ; DOPAC, 1997).
Les GVC, perçus comme étant des pré-coopératives, ont été créés dans
plusieurs villages par le CENAPEC. La multiplication des GVC fait naître
des besoins supplémentaires en financement des investissements et en
fonds de roulement. Le Ministère du Plan crée alors en 1974, un réseau de
Caisses rurales d’épargne et de prêts (CREP). Mais celles-ci se focalisent
sur les centres urbains et n’apportent pas les solutions attendues en milieu
rural.
En 1977, la Banque nationale de développement agricole (BNDA) est
créée en vue de résoudre, entre autres choses, les problèmes de
financement des activités agricoles menées par des exploitants individuels
ou par des groupements d’exploitants. La même année, le CENAPEC est
dissout en raison de l’insuffisance de ses résultats. L’Office National de
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
65
Promotion Rurale (ONPR) a été créé en 1975 par le Ministère du plan. Il
était chargé de l’animation pour le développement. En 1977, il a été
intégré au Ministère de l’agriculture de sorte qu’il s’occupe aussi de
l’encadrement du mouvement coopératif. L’ONPR se lance alors dans
une approche de développement intégré basé sur l’idée d’auto-promotion
des ruraux. Il s’appuie sur les mouvements d’animation et sur les
organisations rurales qui devaient évoluer de sorte à remplacer
progressivement l’Etat dans son rôle d’encadrement. Mais l’ONPR
oeuvre avec un certain paternalisme et pis encore, il diversifie ses
activités à l’extrême (éducation sanitaire, formation agricole,
aménagement de l’espace rural, aménagement de l’habitat rural,
alphabétisation) alors que le personnel qualifié dont il disposait était en
nombre insuffisant pour remplir autant de fonctions. Il n’atteint pas ses
nombreux objectifs et est alors dissout en 1981 et remplacé par la
Direction de la Mutualité et de la Coopération (DMC).
La création de la DMC laisse désormais la totalité des responsabilités
d’appui coopératif aux sociétés d’encadrement. La DMC se charge de la
conception des programmes (étude de faisabilité et formation des GVC),
de la définition et de la planification des actions des GVC, de la
coordination des projets des GVC au niveau local et régional. La DMC
mène donc trois types d’actions dont la structuration des organisations
coopératives, la consolidation des GVC en vue de mieux valoriser les
efforts d’organisation des paysans et enfin, la formation qui est sensée
jouer un rôle important d’entraînement vers les transformations
nécessaires. C’est la fin de l’auto-évaluation pratiquée par les anciennes
structures d’encadrement.
3.8.2 Les groupements à vocation coopérative
Les paysans constituent le premier maillon de la filière coton. Leur
position en qualité d’acteurs de la filière se perçoit plus facilement à
travers leurs différents niveaux d’organisations. Le premier niveau est
celui du GVC. Il a été institué suite à la loi N°66-251 du 5 août 1966 qui
donnait un statut juridique au mouvement coopératif en Côte d’Ivoire.
En 1975, 13 premiers GVC de producteurs de coton ont été créés dans
quatre départements du Nord à savoir, Ferkessédougou, Korhogo,
Boundiali et Tingrela. Ils regroupaient environ 1 600 membres. A partir
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
66
de 1976, le mouvement coopératif s’est étendu peu à peu dans les autres
zones de production de coton. En 1984, 288 GVC étaient fonctionnels
dans 14 départements et regroupaient 130 000 exploitants. Ces premiers
GVC étaient essentiellement localisés dans des villages. Leur rôle était
limité à la collecte et au regroupement de la production de coton de leurs
membres, en vue de faciliter et de réduire le coût d’achat bord champ. En
effet, avec le nombre croissant des exploitants, leur dispersion dans
l’espace, l’insuffisance voire la mauvaise qualité des pistes de desserte, il
devenait de plus en plus difficile pour la CIDT de collecter toute la
production à temps. La solution la plus simple était donc d’associer les
paysans à la collecte et au regroupement de leurs productions de coton-
graine.
Les GVC regroupaient un ou plusieurs villages et leurs activités se
résumaient par :
la collecte et le groupage de la production de coton sur les sites de
commercialisation,
le chargement et le damage du coton dans les camions de
transport,
la tenue des documents administratifs et comptables,
le transfert des fonds du coton et le paiement individuel des
exploitants,
la redistribution des intrants aux paysans membres.
Ces activités ont permis aux GVC entre autres choses de :
bénéficier de différents fonds résultant du transfert de
responsabilité (prime de collecte primaire du coton graine,
excédents de poids),
se doter d’équipements (véhicules de ramassage, bascules, etc.),
créer des emplois salariés au village (comptable, gérant, etc.),
participer activement aux projets d’intérêt social de la région.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
67
3.8.3 Les unions de GVC
Sous l’impulsion de la DMC à partir de 1982, plusieurs GVC se sont
regroupés au niveau sous-préfectoral pour constituer des unions de GVC,
structures coopératives de deuxième degré. Cela a encore marqué la
volonté des paysans à se prendre en charge et à jouer un rôle plus
déterminant dans la filière. Les UGVC regroupent les GVC d’une sous-
préfecture ou d’un département. Le rôle des UGVC consiste à aider leurs
membres au niveau de l’approvisionnement en intrants, matériels de
commercialisation, crédit bancaire, transport des fonds et de la
diversification des activités économiques. Au niveau de la
commercialisation, l’intervention des UGVC consiste à planifier les
marchés du coton dans leur zone, à participer aux équipes d’achat du
coton, à acquérir et à gérer le matériel professionnel (véhicules, magasins,
bâches, bascules), à transférer les fonds et les payements du coton et
enfin, à uniformiser les divers documents de gestion.
En termes de gestion de la production, les unions suivent la gestion des
intrants fournis aux GVC par la CIDT, achètent les intrants auprès de
firmes commerciales (herbicides et appareils de traitement) et suivent les
crédits de la culture attelée. Le rôle des unions dans la commercialisation
des produits vivriers se limite à l’achat des stocks constitués par les GVC
et au financement de cette commercialisation au profit des GVC.
En 1984-1985, on compte 6 UGVC regroupant 63 GVC ; en 1989-1990,
23 UGVC regroupant 259 GVC et environ 45 000 membres. En 1990, on
compte 22 UGVC constituées par 634 GVC réunissant
131 400 exploitants individuels. De 1982 à 1990, la part de la production
de coton regroupée par les UGVC par rapport à la CIDT est passée de
56% à 99% de la production totale.
Les faîtières sont des unions régionales ou des entités de troisième niveau.
Elles sont mises en place à partir de 1991 et regroupent les unions de
GVC de la filière coton. Elles s’investissent dans la diversification des
services aux unions et aux coopératives de base, l’exploitation d’unités de
transformation et de conservation, la mise en place d’un système
d’information sur les prix des intrants ainsi que sur les prix des produits,
la mise en place d’un fonds de garantie pour leurs membres, la création
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
68
d’une centrale d’achat et de vente d’intrants. De façon générale, les
faîtières se donnent comme mandat de promouvoir, représenter le
mouvement coopératif et de prendre des parts dans le capital des
organismes de recherches agronomiques ou d’encadrement, voire des
usines d’égrenage du coton. La plus importante des faîtières en zones
cotonnières est l’Union Régionale des Coopératives des zones de Savanes
de Côte d’Ivoire (URECOS-CI), créée le 30 novembre 1991. Soulignons
que d’autres faîtières créées après l’UREOCS-CI ont eu une
représentativité et un rôle moindre. Il s’agit par exemple de l’Union des
Coopératives des Producteurs Agricoles de Côte d’Ivoire (UCOOPAG-
CI) créée en 1992 ou de l’Union des Coopératives des Entreprises
Agricoles de Côte d’Ivoire (UCEA-CI) créée en 1995.
Le réseau URECOS-CI couvre 23 départements répartis du centre du pays
depuis Yamoussoukro, au nord du pays et concerne 90 % des producteurs
de coton-graine. Il détient trois sièges dans le conseil d’administration
(CA) de la CIDT résiduelle après la privatisation, 16 % du capital du
CNRA en plus de ses deux sièges dans le CA de ce dernier, 8 % du
capital de l’ANADER et un siège dans son CA.
On peut donc dire, qu’à travers l’URECOS-CI, les paysans sont actifs
dans la filière coton en Côte d’Ivoire. Ils peuvent réduire le déséquilibre
entre leur offre initialement atomisée de coton-graine et une demande
monopolistique. La privatisation d’une partie de la CIDT marque le retrait
de l’Etat de cette filière. La demande de coton-graine provient d’un
oligopsone assuré par trois égreneurs. Les rapports conflictuels entre les
entreprises industrielles d’égrenage du coton et les organisations
paysannes à l’image de l’URECOS-CI tendent à convaincre les paysans
de l’importance de leur rôle dans la filière. En 2002, l’URECOS-CI a
construit une usine d’égrenage de coton à Korhogo et en 2003, elle en a
construit une autre à Bouaké. Elle se positionne alors comme une
véritable concurrente des égreneurs.
Il faut souligner qu’avec la nouvelle loi coopérative survenue en 1997, les
GVC sont devenus des sections de coopérative, les UGVC sont devenues
des coopératives à part entière, à partir de 1998-1999.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
69
3.8.4 Les égreneurs
3.8.4.1 La Compagnie cotonnière ivoirienne
La compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI) est détenue à 70 % par un
consortium privé constitué du groupe agro-industriel suisse, l’Aiglon
(pour 49 %), spécialisé entre autres choses dans la production et la
commercialisation de coton, du groupe agro-industriel Bolloré Albatros
(14 % des actions) et de la société de négoce international de matières
premières Shorex Investments (7 % des parts). Les 30 % restants du
capital sont détenus par l’Etat ivoirien qui envisage en rétrocéder 10 %
aux OPA et entre environ 3 % et 5 % au personnel (Godart et Furri,
1999). Il revient donc à LCCI, trois anciennes usines d’égrenage à savoir
Korhogo 1, Korhogo 2 et Ouangolodougou. La capacité d’égrenage de
ces trois usines est de 101 000 tonnes. En juillet 2001, LCCI a achevé la
construction d’une nouvelle usine dans la sous-préfecture de M’bengué
avec une capacité de près de 90 000 tonnes. LCCI a également repris les
actifs de l’encadrement (bureaux, magasins, véhicules, stocks de matériels
de culture mécanisée, etc.). Elle couvre les départements de Katiola, de
Ferké et de Bouna, une partie du département de Korhogo comprenant les
sous-préfectures de Korhogo, de M’bengué, de Napié, de Sinématiali, et
une partie de Dikodougou.
En 1997-1998, la zone cédée à LCCI représentait 81 105 hectares de
coton pour une production de 116 742 tonnes de coton-graine avec un
rendement moyen de 1 464 kg/ha. En mai 1999, LCCI a employé
110 agents répartis entre les trois anciennes usines, la direction technique
à Korhogo et la direction commerciale à Abidjan. De plus, elle travaillait
avec 314 agents saisonniers au moment de la collecte.
3.8.4.2 Ivoire coton
Ivoire coton est une société dont l’Etat ivoirien détient 30 % des actions
(dont 10 % reviendraient aux exploitants, 3 % au personnel et 17 % à
l’Etat) contre 70 % acquis par un consortium privé. Ce consortium se
compose de la société Industrial Promotion Services (IPS) basée à
Abidjan avec 49 % des parts et du groupe Reinhart qui compte pour 21 %
des actions. IPS est une filiale du groupe Agha Khan Found For
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
70
Economic Development. Reinhart est l’un des premiers négociants
mondiaux de coton fibre et premier acheteur de fibre ivoirienne.
Ivoire coton a acquis les trois usines du lot Nord-Ouest, à savoir
Boundiali 1, Boundiali 2 et Dianra ainsi que les camions de collecte et
l’ensemble des infrastructures d’encadrement. La capacité d’égrenage des
trois usines de IC est estimée à environ 119 100 tonnes. La zone
d’intervention de IC comprend les départements de Boundiali et
d’Odienné, une partie du département de Korhogo (sous-préfectures de
Niofoin, Sirasso, et Dikodougou en partie) et une partie de la région de
Mankono (zone de Dianra et de Sarhala). En 1997-1998, la zone IC a
couvert 76 140 hectares de coton pour une production de 120 086 tonnes
avec un rendement moyen de 1 577 kg/ha. Son personnel est composé à
90 % d’anciens employés de la CIDT.
3.8.4.3 La CIDT résiduelle
La période qui s’étend de mai 1998 à avril 2000 a été baptisée période
transitoire. Durant cette période, la CIDT continue à assumer les tâches
relatives à l’encadrement des paysans. Les zones restées sous le contrôle
spécifique de la CIDT sont celles de Bouaflé, Séguéla, Katiola,
Bondoukou et une partie de la région de Mankono (zones de Mankono,
Kounahiri, Tieningboué et de Marandala). Quatre des 10 usines sont
restées propriétés de la CIDT nouvelle, ce sont celles de Bouaké, Zatta,
Séguéla et de Mankono. La capacité totale d’égrenage de ces usines est
d’environ 103 000 tonnes. En 1997-1998, la zone de la CIDT nouvelle a
cultivé environ 87 067 ha pour une production de 98 268 tonnes de coton-
graine et un rendement moyen de 1 128 kg/ha.
3.8.4.4 L’URECOS-CI
Après la libéralisation de la filière, avec l’appui de bailleurs de fonds
étrangers, l’URECOS-CI a installé deux usines d’égrenage de coton dont
l’une à Korhogo et l’autre à Bouaké. Cela marque clairement à la fois le
niveau de professionnalisme des organisations paysannes et la volonté du
producteur d’investir dans l’agro-industrie en vue d’accroître sa part de la
valeur ajoutée de la filière.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
71
4 Conclusion partielle
L’introduction de la culture du coton dans les systèmes de production de
la région d’étude est le résultat de plusieurs faits conjugués et relevant
d’un long processus dont il serait difficile de rendre compte de façon
exhaustive. Ce chapitre a essayé de mettre en évidence l’itinéraire
relativement complexe suivi dans les processus de recherche
agronomique et de vulgarisation de la culture du coton.
Le mouvement coopératif ivoirien s’est lentement mis en place avec
beaucoup de tâtonnements. La culture du coton a favorisé une rapide prise
de conscience de la part des paysans. Ces derniers ayant compris la
nécessité de s’organiser, ont formé des groupements à vocation
coopérative. Comme le soulignent Herbel et al (2003), l’intégration entre
exploitants agricoles est un type de coordination qui apporte une
amélioration sensible de la capacité d’anticipation des acteurs, une
réduction des coûts de transaction, des économies d’échelle et un pouvoir
de négociation accru. Les différents niveaux de regroupement du
mouvement coopératif cotonnier ont eu pour objectif d’amener
l’exploitant à mieux participer aux activités de la filière dans la
perspective de pouvoir capter une plus grande part de la valeur ajoutée.
La privatisation de la CIDT, suite au désengagement de l’Etat et à
l’apparition de nouveaux interlocuteurs égreneurs tels que LCCI et IC, a
renforcé la conviction des paysans à mieux s’organiser. Par leur prise de
conscience et leur professionnalisme qui restent encore à parfaire, ils se
sont positionnés dans le processus d’industrialisation lorsque, à travers
l’URECOS-CI, ils ont créé leurs propres usines d’égrenage du coton-
graine, avec l’aide de bailleurs de fonds étrangers. Tout ce cheminement
est le résultat de la dynamique du système agraire.
Chapitre 1 – Cadre général de l’étude
72
CHAPITRE 2
DYNAMIQUE DU SYSTEME AGRAIRE
Au chapitre précédent, l’historique de la culture du coton a tenu compte
des activités de recherches agronomiques et de vulgarisation. Le rôle des
paysans qui s’est traduit notamment par la production de coton-graine, a
nécessité une série de réorganisations du système agraire.
Ce chapitre essaye, d’une part, de mettre en évidence les caractéristiques
de la dynamique agraire de la zone d’étude et d’autre part, de donner des
éléments explicatifs des raisons qui peuvent soutenir cette dynamique.
L’analyse reste cependant orientée par la culture du coton qui constitue
l’élément directeur de l’étude. Pour y parvenir, deux points de repère sont
fixés dans le temps. Le premier couvre les années 1960-1965
correspondant à la fin de la période coloniale ou au début de
l’indépendance. Les données de cette période proviennent principalement
de la littérature existante et quelquefois de la mémoire de personnes
ressources. Le second est la période actuelle qui se situe de 1998 à 2004
et dont une grande partie des données relève de nos observations et
enquêtes sur le terrain. Entre les deux périodes, des données
bibliographiques aussi bien que notre expérience de 1984 à ce jour
contribuent à comprendre les trajectoires d’évolution des systèmes de
production de la période précoloniale à nos jours.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
74
1 Pendant la période précoloniale
Dans une récente étude, Basset (2002), après avoir consulté les musées,
les archives nationales et les bibliothèques de plusieurs pays africains et
européens, déplore l’insuffisance de données de littérature relative à la
région de Korhogo pour la période précoloniale. Certains vieux de la
région se rappellent encore les témoignages de leurs grands-parents selon
lesquels, avant l’arrivée des colons, l’essentiel de l’habillement consistait
en un cache-sexe fait d’écorces, de lianes et aussi de cotonnade. La
chasse, la pêche et la cueillette constituaient les principales activités
productrices à côté d’une agriculture traditionnelle de case. L’objectif
principal était d’assurer l’autosubsistance alimentaire de la communauté
villageoise. Pendant la période précoloniale, le coton cultivé relevait de
plusieurs variétés rustiques et pluriannuelles comme il a été souligné plus
haut dans l’historique de la recherche cotonnière. Les variétés introduites
avant 1900 constituent la gamme des variétés appelées par le nom
commun de coton traditionnel.
Traditionnellement, le coton était cultivé par les femmes, en association
(en faible densité) avec les cultures vivrières ; ce coton avait un
rendement variant d’environ 50 kg/ha à près de 100 kg/ha. Il était, avec le
tabac, la principale culture non vivrière. Toutes ces cultures relevaient de
systèmes extensifs sur défriche-brûlis et à longue durée de jachère (plus
de 20 ans). Ce coton, commercialisé en petites quantités par les femmes,
servait principalement aux tisserands spécialisés dans la fabrication
d’habits et de linceuls. Les recettes servaient entre autres choses à acheter
du sel de cuisine. Sa culture était peu connue dans la plupart des villages
et de la majorité des paysans. Il semble qu’il entrait aussi dans la
pharmacopée traditionnelle, ce qui pourrait justifier sa conservation et sa
présence en quelques pieds chez certains paysans, même de nos jours.
Les tisserands, par exemple, étaient socialement considérés avec respect,
grâce à leur rôle d’habilleurs conféré par le secret du tissage du coton.
Déjà, à cette époque et de ce point de vue qualitatif, on peut soutenir que
le coton était d’une importance appréciable sur les plans social et
économique, bien que sa place dans l’assolement restait encore assez
marginale.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
75
2 Pendant la période coloniale
La période coloniale se subdivise en deux phases à savoir avant et après la
seconde Guerre Mondiale. L’évolution du coton pendant cette période
dépend du mode selon lequel il est introduit ainsi que de la réaction
suscitée auprès des paysans. Avant la seconde Guerre, le coton de variété
Mono a été introduit par l’administration coloniale. Il était produit de
force (travail forcé)1, avec l’encadrement de la Société Indigène de
Prévoyance (SIP) relayée ensuite par la Société Mutuelle de
Développement Rural (SMDR). Il s’agissait généralement d’une seule
parcelle de coton dans un village. Cette parcelle était attribuée par le chef
des terres, sans contrepartie. La production était destinée à l’usine de
l’Association cotonnière coloniale (ACC) installée à Bouaké depuis 1902.
Le paysan ne recevait aucun payement. Ce mode de production du coton
basé sur le travail obligatoire se superpose à celui qui approvisionnait les
tisserands. Un rapport de 1918 sur la culture du coton en Côte d’Ivoire,
cité par Basset (2002), révèle le degré de contrôle exercé par le colon sur
l’organisation de la culture forcée : « c’est un travail continuel que font
les administrateurs, car non seulement il faut obliger les indigènes à
défricher, semer, mais il faut poursuivre le travail de l’entretien des
champs à la récolte et enfin former les convois pour les lieux de vente.
C’était la tâche des gardes de cercle et des agents de vulgarisation ».
De 1930 à 1945, l’impôt de capitation devait être payé essentiellement par
le travail forcé et par les réquisitions pour le portage. Avant même de
réaliser ses propres travaux, le paysan devait travailler d’abord
obligatoirement sur les parcelles de coton du commandant ou du
gouverneur du Cercle de Korhogo.
Après la seconde Guerre Mondiale, le travail forcé a été aboli.
L’administration coloniale a révisé sa stratégie d’approvisionnement en
coton. L’IRCT est créé en 1946 et la CFDT s’installe en 1949. Ces deux
structures, respectivement de recherche agronomique et de vulgarisation,
renforcent le processus d’encadrement technique de la culture du coton.
1 Le travail forcé est mis en place dès le début de la colonisation. Il correspond à des
prélèvements de main-d’œuvre pour la construction de pistes ou des premiers
aménagements hydrauliques. Ces réquisitions pouvaient aboutir au transfert forcé des
hommes vers les grandes plantations ou les exploitations forestières du Sud.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
76
L’administration coloniale impose que l’impôt de capitation soit en nature
(une tine de 20 kg à 30 kg de céréales par an), soit en argent.
Pour avoir cet argent, il fallait produire du coton, seule culture ayant un
prix fixé et bénéficiant d’un circuit de commercialisation. Le prix du
coton était assez bas : 10 FCFA/kg à 30 FCFA/kg. Mais le paysan pouvait
aussi vendre les fruits du néré ou du karité, de l’arachide ou des petits
animaux. Vers la fin de la période coloniale, l’administration a exécuté
plusieurs plans d’extension de la culture cotonnière et a même imposé des
quotas de livraison aux paysans du Nord au titre de l’effort de Guerre
(ICEF et al., 1999). On peut supposer que le processus de production du
coton dans les champs du commandant avait un certain impact sur les
systèmes de production dans la mesure où il accaparait une part du temps
de travail du paysan au détriment de ses propres activités champêtres. On
peut donc dire que deux modes de production du coton ont coexisté
pendant la période coloniale. Le premier est celui des ménages associant
le coton aux vivriers sur la même parcelle et approvisionnant les
tisserands et dont l’argent devait aussi servir à payer l’impôt. Il est
probable qu’à partir de là, les hommes aient commencé à participer plus
activement aux travaux du coton aux côtés des femmes. Le second relève
des champs du commandant. Ce champ est un bloc généralement cultivé
en pur dans les villages de taille moyenne par un groupe de travailleurs
désignés à cet effet, sous la responsabilité du chef de village chargé d’en
remettre la récolte au chef de canton qui la remet au commandant.
Comme on le voit, pendant la période coloniale, le rôle social et
économique du coton s’accroît, même si les superficies et les productions
restent encore relativement limitées dans l’ensemble par rapport aux
vivriers. Cela notamment parce que les paysans rechignent à libérer une
quantité de travail plus importante au seul profit du commandant de cercle
et des chefs locaux intermédiaires. C’est ce qui ressort en 1917, d’une
lettre du gouverneur général du cercle de Korhogo, Joost Van
Vollenhoven, citée par Bassett (2002) : « l’indigène de l’AOF2 n’est pas
autrement fait que le reste de l’humanité (…). Il s’est refusé à travailler
chaque fois qu’il estimait son salaire insuffisant (…). Les producteurs de
coton étaient rarement rémunérés pour leur travail ». Les SIP et par après,
les SMDR ont donc tenté d’introduire le coton sous le commandement de
2 Afrique Occidentale Française (AOF).
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
77
l’administration coloniale du Cercle de Korhogo. Mais, ces tentatives de
production du coton par le travail forcé sont restées sporadiques et la
production moyenne annuelle de 1912 à 1945 est estimée à environ
3 000 tonnes avec un maximum de 11 000 tonnes atteint en 1938
(figure 2.1).
0
2000
4000
6000
8000
10000
12000
19
12
19
18
19
24
19
30
19
36
19
42
Années
Pro
du
ctio
n (
ton
nes
)
Sources : ANCI, cité par Bassett, 2002.
Figure 2.1 : Evolution de la production cotonnière sous la colonisation
(tonnes)
Malgré la faible production de coton sous la colonisation, on peut dire que
le paysage agraire est en cours de transformation, ne serait-ce que par la
présence du champ du commandant. La filière coton de cette époque
comporte quatre principaux acteurs : l’IRCT qui s’occupe de la recherche
agronomique en amont ; la CFDT qui se charge de la vulgarisation des
résultats de cette recherche ; les paysans qui sont soumis à produire le
coton-graine et en aval, les usiniers privés assurant la commercialisation.
Mais la véritable envolée du coton est à observer après l’indépendance.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
78
3 Après l’indépendance
Bien que cette période après l’indépendance ne couvre que quatre
décennies par rapport à la période coloniale, elle reste la plus
déterminante pour l’économie du coton. Pour mieux comprendre cette
perspective historique, il paraît opportun de voir les conditions d’adoption
(ou de rejet) de la culture du coton par le village et par les exploitants.
3.1 L’adoption de la culture du coton au niveau du village
Dans la plupart des villages, les « vieux » ont particulièrement insisté à
faire admettre que la première condition à l’adoption de la culture du
coton dans un terroir par un exploitant donné, est que le chef de terre
et/ou le chef du village donne d’abord son accord de principe. Le conseil
des sages du village pouvait rejeter ou accepter la culture du coton.
L’enquête réalisée dans neuf villages de la région (trois dans chaque
zone) a essayé d’identifier les principales raisons de l’adoption ou du rejet
de la culture du coton au niveau du village. On se situe dans le passé, à un
moment où aucun paysan ne pratique encore la culture dans le terroir
suivant les nouvelles méthodes. Les principales raisons évoquées ont été
comparées les unes aux autres suivant l’importance relative3 que les
paysans leur ont accordée. Ces raisons, par ordre d’importance
décroissante, sont les suivantes :
1) espoir d’accroître le revenu. Il était dit aux paysans : « le prix du
coton est garanti, on viendra acheter toute votre production de
coton ici au village ; on vous remettra l’argent sur place ; c’est une
chance pour vous et vous devriez en profiter, surtout que cela ne
3 Les principales raisons ont été identifiées par les paysans. Pour les hiérarchiser, le
chef et ses conseillers ont été répartis en trois sous-groupes. Chaque sous-groupe a
attribué une note à chacune des 10 raisons. Le nombre de cailloux en face de chaque
raison représentée par un symbole dénote de son poids par rapport aux autres. A la fin
des discussions en sous-groupe, on compte le nombre de cailloux attribués à chaque
raison et le chercheur note les explications des paysans. Une synthèse des déclarations
des trois sous-groupes est faite sur place avec notre assistance. Pour cela, on reprend la
distribution des cailloux de façon à ce que tous les participants soient d’accord avec la
nouvelle disposition. De façon quasi générale, les moyennes des trois sous-groupes
sont dans le même ordre de grandeur que ce qui est établi lors de la synthèse.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
79
vous coûte pas cher puisqu’on vous donne les intrants
gratuitement, etc. »,
2) choix du village par le moniteur. Certains villages ont dû attendre
que le moniteur les contacte. Le nombre de villages contactés par
le moniteur dépendait de leur accessibilité, des moyens humains et
matériels mis en jeu par la CFDT, puis par la CIDT,
3) visite des autorités administratives (sous-préfet, préfet, directeur
régional de l’agriculture, etc.). Ces visites consistaient à fournir
des informations générales de politique de développement
régional et sectoriel adoptée par le gouvernement. En ces
moments où prévalait le régime de parti unique, certains
programmes de développement rural étaient présentés aux paysans
comme étant des dons et des cadeaux du gouvernement, voire du
Président. Ce dernier étant parfois assimilé à l’Etat. Mais ce qu’il
conviendrait le plus de retenir de l’administration en ces débuts de
l’indépendance, c’est surtout son caractère oppressif, tout comme
pendant la colonisation, notamment dans le processus de
vulgarisation de la culture du coton,
4) visites de bailleurs de fonds, souvent accompagnés des autorités
administratives,
5) gratuité des intrants. Le message du moniteur et des visiteurs de
l’administration était éloquent : « le gouvernement a décidé de
vous donner les intrants gratuitement, c’est un cadeau du Président
de la République, pour vous aider à accroître votre revenu ; avec
cela, ceux qui refusent la culture du coton découragent nos
efforts ; acceptez le coton c’est pour votre bien, aidez-nous à vous
aider»,
6) disponibilité en terres du village. Ce critère devient important
surtout parce que les premières parcelles ont été communes,
7) appui des cadres ressortissants du village (ministre, fonctionnaire,
ouvrier, etc.),
8) présence de paysans ayant déjà cultivé ou vu cultiver le coton
ailleurs. Dans la majorité des cas, ces derniers ont encouragé leurs
pairs à tenter l’aventure du coton,
9) existence de groupes de travail d’entraide des hommes,
10) espoir de développement du village. Selon les dires des cadres, du
moniteur et des visiteurs rapportés par les paysans : « ceux qui
accepteront de cultiver le coton auront beaucoup d’argent, ils
pourront alors participer au développement de leur village et de
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
80
leur région, ils pourront mettre leurs enfants à l’école, s’acheter
des habits, améliorer leur cadre de vie, etc. ».
Trois cas de figure ressortent des enquêtes. Le premier concerne les
villages choisis pour la culture du coton et qui ont adhéré. Le second est
celui des villages qui n’ont pas été choisis, mais dont les autorités locales
ont pris l’initiative de demander à l’administration de leur affecter un
moniteur en vue de cultiver le coton. Le troisième relève des villages qui,
choisis ou non, ont rejeté la culture du coton. Les figures 2.2, 2.3 et 2.4,
font apparaître que les raisons de l’adoption de la culture du coton par les
autorités villageoises varient d’un village à l’autre. Au cours de l’enquête,
les sous-groupes de paysans ont souvent harmonisé leurs points de vue.
En appliquant le test de Pearson (Khi carré), on constate que les notes
attribuées aux différentes raisons sont indépendantes au seuil de
probabilité de 10 % d’un sous-groupe à l’autre dans le même village.
Elles le sont au seuil de probabilité de 5 % lorsqu’on tient compte de
l’ensemble des 9 villages.
5
23
12 11
18
119
4 42
0
5
10
15
20
25
Cadre Revenu Admi Bfonds Monit Intrant Terre Travail Ancien Dévelp
Principales raisons
Po
ids
dan
s la
déc
isio
n (
%)
Source : Notre enquête
Figure 2.2 : Importance des raisons de l’adoption du coton dans
les villages de Niellé
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
81
Trois groupes de raisons apparaissent assez clairement dans la zone de
Niellé (villages de Niellé, de Ouamélhoro et de Diawala) comme le
montre la figure 2.2. L’espoir d’un revenu agricole (plus sûr et régulier) et
la présence d’un moniteur ont été les plus déterminants. En seconde
position, la gratuité des intrants, les visites de l’administration et des
bailleurs de fonds ainsi que la disponibilité en terres sont aussi des raisons
qui ont compté. Le troisième groupe de raisons a eu une influence plus
modérée. Il comprend l’appui des cadres originaires du village,
l’existence de groupes d’entraide, la présence de paysans ayant déjà vu ou
cultivé le coton et l’espoir de développement de leur village.
1
25
15
1213 13
6
2
6 6
0
5
10
15
20
25
30
Cad
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Rev
enu
Adm
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Bfo
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Mon
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Intra
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Terre
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il
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Dév
elp
Principales raisons
Po
ids
dan
s la
déc
isio
n (
%)
Source : Notre enquête
Figure 2.3 : Les raisons de l’adoption du coton dans les villages
de la zone dense
Dans la zone dense de Korhogo (villages de Kouniguékaha, de Dih et de
Kapelé), l’espoir de revenu semble avoir été la principale raison retenue
par les autorités villageoises. La présence du moniteur a eu moins d’effet4
qu’à Niellé. Bien qu’il y ait beaucoup plus de cadres en ces temps-là en
4 Le moniteur était ressortissant de l’un des villages. Il était assez bien connu, ce qui
expliquerait pourquoi son action a été moins ressentie par les siens.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
82
zone dense que dans les autres zones, leur apport dans l’adoption de la
culture du coton semble avoir été peu ressenti par les autorités
villageoises. Par contre, on sent un peu plus d’espoir fondé dans les
perspectives de développement en zone dense qu’à Niellé (figure 2.2) ou
à Dikodougou (figure 2.4). Les groupes de travail en commun étaient
assez rares en zone dense dans les années 60 et n’ont donc pas
suffisamment pesé dans l’adoption de la culture du coton. La gratuité des
intrants, les visites des responsables administratifs et des bailleurs de
fonds sont parfois perçues de façon identique par les paysans de cette
zone.
1
15 14
0
24
19
1211
0
4
0
5
10
15
20
25
30
Cadre Revenu Admi Bfonds Monit Intrant Terre Travail Ancien Dévelp
Principales raisons
Po
ids
dan
s la
déc
isio
n (
%)
Source : Notre enquête.
Figure 2.4 : Raisons de l’acceptation du coton dans les villages
de Dikodougou
La zone de Dikodougou apparaît assez particulière. Les villages choisis
n’avaient pas eu de visites de bailleurs de fonds, les paysans avaient
rarement vu des champs de coton ailleurs. L’espoir fondé sur le revenu du
coton n’était pas bien perçu comme en zone dense et à Niellé. Par contre,
c’est le contact régulier du moniteur et la promesse de la gratuité des
intrants qui ont été les raisons déterminantes au début. De même, les
paysans de Dikodougou privilégiaient davantage le travail en groupe
d’entraide que ceux des deux autres zones. Peut-être que sa position en
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
83
zone pré-forestière relativement plus boisée pouvait rendre les travaux de
défrichement plus difficiles et justifier l’importance accordée au travail en
groupe.
Malgré les différences qui apparaissent d’une zone à l’autre, on peut
identifier quelques caractéristiques communes. En effet, dans les trois
zones, les cadres ont peu contribué à l’adoption du coton, les perspectives
de développement étaient peu perçues par les paysans, les disponibilités
en terre au niveau du terroir ne semblent pas avoir eu une importance
notable dans la décision des responsables du village. La présence du
moniteur (conseiller agricole) de la CFDT et ensuite de la CIDT a été un
élément déterminant. Certains paysans ont ressenti le choix de leur village
par le moniteur comme une chance à saisir. Ces villages ont privilégié
l’espoir de revenu et de développement tout comme les villages
volontaires. Dans les autres villages choisis, c’est beaucoup plus la crainte
de l’administration qui a prévalu.
En effet, l’introduction de la culture du coton se poursuit au début de
l’indépendance en conservant son caractère forcé. Des villages étaient
choisis par le moniteur avec le concours de l’administration. Le sous-
préfet, parfois accompagné de gendarmes, de policiers et/ou de gardes du
corps, participait à des réunions d’information et de recensement des
planteurs de coton dans certains villages. Il représentait le gouvernement
et l’Etat. Sa présence visait à influencer les paysans à prendre des
engagements à cultiver le coton. Dans le village, le moniteur relevait le
nom des exploitants, des hommes mariés, des femmes et des enfants de
plus de 14 ans capables de travailler. Ceux qui refusaient étaient signalés
à l’administration et parfois, ces derniers étaient tellement intimidés par le
sous-préfet qu’ils se décidaient, malgré eux, à cultiver le coton. Dans la
zone de Tioroniaradougou par exemple, il nous a été rapporté en 1985,
qu’en 1966, le sous-préfet a demandé à 5 exploitants « récalcitrants », de
cultiver une parcelle de coton à son profit. La campagne suivante, le sous-
préfet était satisfait d’apprendre que ces derniers avaient accepté
« volontairement » de cultiver le coton pour eux-mêmes. Les témoignages
des vieux rapportent que dans certains cas, les « réfractaires » ont été
obligés de balayer et/ou de nettoyer les locaux de la sous-préfecture (lieu
public) jusqu’à ce qu’ils s’engagent à cultiver le coton avant d’être
libérés. De tels exemples abondent dans la région et dans chaque village,
on peut écouter des anecdotes sur la culture du coton.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
84
De 1960 à 1974, le mode de vulgarisation de la CFDT consistait à
défricher une grande parcelle appelée bloc de culture, de superficie allant
de 5 ha à 10 ha d’un tenant. Sur ce bloc, chaque chef d’exploitation
recevait une portion de 0,25 ha destinée à la culture pure de coton (variété
Allen). Le bloc avait plusieurs avantages. Il permettait le regroupement
des paysans et favorisait l’émulation dans le travail. Les conseils étaient
donnés aux paysans qu’on réunissait sur les parcelles de sorte que ceux
qui n’avaient pas compris pouvaient voir sur place et imiter les autres. Le
moniteur pouvait, en un tour de main, contrôler le travail et amener les
paysans à respecter les conseils techniques (dates de semis, distances
entre billons et entre poquets, date de démariage, dates d’épandage des
engrais et leurs doses, période optimale de récolte). Parfois, le coton était
acheté sur le bloc. Le bloc a permis une diffusion plus rapide des
connaissances en matière de techniques de production du coton.
Mais, il était difficile d’avoir des espaces de 10 ha et plus d’un tenant, car
les parcelles individuelles de vivriers des paysans essaimaient dans le
terroir. L’expérience était difficile à renouveler dans tous les villages où
les paysans voulaient faire du coton. Par ailleurs, le bloc a parfois été
défriché au bulldozer sans épargner la couche superficielle de sol déjà
généralement assez léger et peu profond. Souvent décapé lors de ce
défrichement, après 2 à 4 ans d’occupation du bloc par la monoculture du
coton, la fertilité baissait d’année en année et entraînait une baisse des
rendements. L’enherbement nécessitait alors un travail supplémentaire
dont le coût d’opportunité qui devait être au détriment des vivriers ne
pouvait être fourni par tous les paysans. L’émulation a alors produit un
effet positif, mais en dehors du bloc : en effet, par imitation, les paysans
ont peu à peu délaissé le travail du bloc, créant leurs propres parcelles de
coton en tenant compte des autres contraintes de gestion de leur
exploitation. Le bloc n’était pas toujours proche des parcelles vivrières de
tous les paysans, certains étant inévitablement plus éloignés que d’autres.
Le chef de terre, qui avait attribué ses terres au bloc, ne recevait rien en
retour. La méthode des blocs a été abandonnée en 1974 au moment où la
CIDT se substituait à la CFDT dans le rôle d’encadrement et de
promotion de la culture du coton.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
85
3.2 Le rejet de la culture du coton par le village
Il y a des villages qui ont perçu le choix de leur terroir comme un
indicateur de perturbation de l’harmonie interne. Ils ont alors rejeté la
culture du coton. Les raisons de ce refus sont plutôt difficiles à établir de
façon pertinente. Certains observateurs évoquent le mauvais souvenir
laissé par la pratique forcée de la culture du coton sous la colonisation
(Michotte, 1970, Basset, 2000), d’autres se fondent sur ce qu’ils appellent
le caractère rétrograde des paysans refusant l’innovation qu’est en soi la
culture du coton (CIDT, 1980, 1990). Les raisons parfois avancées par les
sages des villages qui ont (momentanément) refusé le coton sont assez
simples. Ce sont, sans tenter de les hiérarchiser :
le coton, c’est le retour de l’esclavage,
c’est le travail forcé,
les génies de la terre refusent le coton. Dans les villages où cet
argument a été avancé et où l’administration tenait tout de même à
introduire le coton, les semences ont parfois été discrètement
bouillies la nuit et semées le jour en présence du moniteur. Le
résultat était plus qu’éloquent : pratiquement rien ne poussait. Le
moniteur, étonné, incriminait la magie des « sorciers » et souvent
ne souhaitait plus revenir dans un tel village,
celui qui cultive le coton dans ce village doit s’attendre à perdre
un de ses descendants ou de ses ascendants qui compte le plus
pour lui. Le résultat d’une telle prescription est immédiat :
personne ne voudra qu’on l’accuse d’avoir contribué à la mort de
son parent le plus cher au profit du coton,
pour cultiver le coton sur nos terres, les génies demandent de leur
offrir un bœuf au début de chaque campagne. Evidemment, en ces
temps-là, même aujourd’hui encore, aucun paysan n’oserait
cultiver du coton pour offrir un bœuf aux « vieux » du village
chaque année,
le coton, ça ne se mange pas. Cette idée a enrichi bien des
controverses de la part des observateurs. Pour le paysan, le choix
est sans ambiguïté au profit de ses cultures vivrières,
si ce moniteur revient dans notre village, nos sorciers lui lanceront
un sort bien mérité. En effet, les malheurs et accidents de travail
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
86
arrivés aux moniteurs étaient largement imputés à leur entêtement
à faire adopter la culture du coton par ceux qui n’en voulaient pas,
il paraît que dans le village voisin, des paysans sont morts au
champ après avoir utilisé les produits insecticides. Nous ne
voulons pas de cela dans notre village. Les produits chimiques
phytosanitaires étaient parfois dangereux pour l’homme : plusieurs
cas d’empoisonnement ont été signalés au fil du temps dans
certains villages,
etc.
Cependant, cette liste non exhaustive d’éléments de raisons semble, selon
nous, cacher la crainte des sages du village de voir s’échapper leur
pouvoir traditionnel qui repose plus sur les mythes que sur l’argent. On
peut ainsi soutenir que la raison du refus réside dans le fait que le paysan
n’était pas sûr que la culture du coton puisse effectivement lui permettre
de résoudre ses problèmes sans lui en créer de nouveaux encore plus
difficiles. Malgré les réticences des autorités villageoises, la dynamique
des faits montre que la quasi-totalité des villages et campements de la
région d’étude ont fini par adopter la culture du coton. C’est notamment
le cas du village de Sionhouakaha où les génies de la terre auraient refusé
le coton au moment de son introduction en 1980. Après plusieurs
discussions avec les paysans de ce village, la crainte de perdre la cohésion
sociale entre les membres a été une raison essentielle de leur réticence. La
cohésion pour eux est un ensemble de considérations et de
comportements guidés par le respect de la hiérarchie en fonction de l’âge
et non en fonction de la richesse matérielle. A partir de 1989, les sages de
Sionhouakaha ont enfin admis que la culture du coton soit pratiquée dans
leur terroir, parce que presque tous les jeunes avaient déjà quitté le village
pour pratiquer le coton ou d’autres cultures de rente ailleurs. Sans la
présence de ces jeunes, la succession était menacée et les vieux voyaient
leur village plutôt triste et en voie de disparition. Pour les mêmes raisons
de cohésion sociale, ils ont été obligés d’accepter la culture du coton et
ont demandé à leurs fils de revenir au village. Ces derniers ne sont
d’ailleurs pas tous revenus. Cependant, l’acceptation de la culture du
coton a amené la CIDT à transformer la piste reliant le village à l’axe
routier (sur 2 Km) en une route praticable aux véhicules et en toutes
saisons. La CIDT a fait cela en vue de collecter la production de coton-
graine au sein du village. En définitive, le critère le plus important dans la
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
87
décision d’adoption du coton par les autorités villageoises reste selon
nous, l’espoir de revenu plus important qu’avec les vivriers et surtout la
garantie que la production de coton est effectivement et entièrement
achetée sans frais supplémentaires pour l’exploitant. L’adoption de la
culture par les chefs d’exploitation tient compte de raisons parfois plus
techniques qu’il convient d’examiner.
3.3 L’adoption de la culture du coton par les exploitants
Pour connaître les raisons de l’adoption de la culture du coton par les
exploitants, on a analysé leurs principales caractéristiques au moment où
ils prenaient cette décision pour la première fois. L’enquête réalisée
en 2000/2001 et en 2002 a concerné 1200 chefs d’exploitation dans
15 villages (5 villages par zone d’étude). Or, nous venons de montrer que
de 1960 à 1974, l’adoption de la culture du coton a été guidée par deux
critères dominants à savoir, l’espoir d’un revenu meilleur et les pressions
administratives. Cependant, tous les paysans n’ont pas adopté la culture
du coton en même temps. Il devient alors intéressant de comprendre les
raisons qui fondent l’évolution du nombre de producteurs de coton dans le
temps et dans l’espace.
3.3.1 L’évolution du nombre de planteurs de coton
L’analyse de l’évolution du nombre de planteurs se base sur la campagne
de la première réalisation d’une parcelle de coton à titre personnel et en
qualité de chef d’exploitation. Au moment de l’enquête (échantillon des
1 200 chefs d’exploitation), il est apparu que de façon générale, les chefs
d’exploitation se rappellent cette campagne qui a en quelque sorte été
pour eux, comme un baptême. De même, ils se rappellent, le plus souvent,
du nombre de campagnes au cours desquelles ils ont pratiqué la culture du
coton. Dans la plupart des cas, le cahier5 du moniteur (conseiller agricole)
a été exploité. Il contient entre autres choses, le nom de chaque paysan,
5 Le cahier du moniteur a été pour nous une source d’informations assez riche. On y
trouve, pour chaque campagne, le nom de chaque planteur de coton, ses prévisions et
ses réalisations en termes de superficie par culture, de quantités d’intrants et de petits
matériels (piles, appareils de traitement phytosanitaire, etc.). Il ne fait pas de différence
entre le planteur de coton et le chef d’exploitation agricole. Une étude ciblée sur le
chef d’exploitation doit donc procéder par enquête complémentaire afin d’éviter des
amalgames.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
88
l’année, la superficie cultivée en coton. L’évolution du nombre de
planteurs de coton au cours des quatre décennies traduit leurs réactions
par rapport aux efforts d’encadrement.
Sur 1 283 exploitants interviewés dans 15 villages, 1200 cultivent le
coton, soit 94 % contre seulement 6 % ne le cultivant pas. L’analyse faite
à partir de l’âge de l’exploitant et de l’année où celui-ci a cultivé le coton
pour la première fois en qualité de chef d’exploitation permet d’établir la
figure 2.5.
0,1 0,8
10,1
50,7
38,4
0,0
10,0
20,0
30,0
40,0
50,0
60,0
plus de 60 50 à 59 ans 40 à 49 ans 30 à 39 ans 20 à 29 ans
Tranches d'âge
Fré
que
nce (
%)
Sources : Notre enquête, 2001-2002.
Figure 2.5 : Age moyen à l'adoption de la culture du coton
En regroupant les exploitants par tranche de 10 ans6, l’observation sur
longue période laisse apparaît assez nettement que l’adoption de la culture
du coton repose sur les exploitants relativement jeunes. En effet, au
moment où ils adoptaient la culture du coton, près de 89 % des
exploitants avaient entre 20 ans et 40 ans. Les exploitants âgés de plus de
40 ans au moment où ils adoptaient la culture du coton ne représentent
6 On tient compte de l’imprécision de la variable âge dans ce milieu rural où il n’y avait
généralement aucun registre systématique des naissances. Aujourd’hui encore, il
existe une part appréciable de la population dont l’âge est une indication
approximative.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
89
qu’environ 12 %. De façon générale, les vieux sont presque toujours
restés accrochés à leur système vivrier sans coton.
La CFDT a réalisé la vulgarisation jusqu’en 1973 avant de céder ce rôle à
la CIDT en 1974. Cette considération rend nécessaire l’examen de la
période 1970 à 1979 qui enregistre 53 % des exploitants.
Cette figure tend à montrer que l’adhésion a varié selon les campagnes
agricoles. Quelques années avant sa dissolution, la CFDT a réduit son
dispositif sur le terrain et a mis en place celui de la CIDT. Les paysans
ont probablement préféré attendre que la nouvelle structure s’exprime : ce
qui pourrait justifier la baisse de l’adhésion de 1971 à 1973. A partir
de 1974 où la CIDT s’installe, la réponse se voit par une adhésion plus
importante sur les trois années qui ont suivi la mise en place de la CIDT.
Mais on peut dire que cette adhésion massive est aussi et surtout une
réaction à l’augmentation du prix du coton-graine de près de 60 %
intervenue en 1974/75 (cf. figure 1.7 du chapitre 1). Ensuite, le rythme
d’adhésion va en chutant, ce qui peut traduire la saturation du potentiel
d’adhésion. De 1991 à 2002, dans les villages où la culture du coton a
connu une implantation relativement plus ancienne, ce sont surtout les
jeunes paysans de moins de 30 ans qui sont les nouveaux adhérents ; par
contre dans les villages de la zone de Dikodougou, on avait encore des
paysans de plus de 40 ans parmi les nouveaux adhérents.
La figure 2.7 montre l’évolution comparée du nombre de planteurs de
coton dans les trois zones d’étude (Niellé ou extrême nord, la zone
densément peuplée de Korhogo et la zone pré-forestière de Dikodougou).
Il apparaît que la zone de Niellé a pratiquement saturé son potentiel
d’adhésion en trois décennies, de 1960 à 1990. L’adhésion en zone centre
semble avoir été plus étalée dans le temps. Dans la zone de Dikodougou
au contraire, elle a été assez tardive et plus perceptible autour de 1990.
L’introduction de la culture du coton date d’ailleurs des années 80 alors
qu’elle date des années 60 dans les deux autres zones. Le retard de
Dikodougou n’est donc pas imputable au seul fait des paysans, mais aussi
au calendrier de travail de vulgarisation de la CFDT et de la CIDT.
Dikodougou est considérée comme une zone où la culture du coton peut
encore gagner de nouvelles terres (Demont et Jouve, 1999).
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
90
6
4 4
10
18 18
14
1011
5
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
71 72 73 74 75 76 77 78 79 80Années
Ex
plo
itan
ts (
%)
Source : Notre enquête
Figure 2.6 : Evolution de l’adoption de la culture du coton, en % du
nombre d’exploitants ayant cultivé le coton de 1971 à 1980
0
20
40
60
80
60 à 70 71 à 80 81 à 90 91 à 2001
Années
Explo
itan
ts (
%)
Niellé Dense Diko
Source : Notre enquête
Figure 2.7 : Evolution comparée de l’adoption de la culture du coton
des trois zones
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
91
En 1970, Michotte réalise une étude de l’adoption de la culture du coton
dans la région de Bouaké. Il constate que « L’action du café en tant que
facteur favorable à l’introduction du coton (…). L’action de la CFDT a
surtout réussi dans les villages où le café n’occupe qu’une place très
marginale et dans ceux qui en sont dépourvus ». En 2002, soit 32 ans plus
tard, nos observations dans cette région de Bouaké révèlent que la culture
du coton a presque totalement disparu de même que celle du café. Notre
expérience de terrain permet de soutenir que la culture du coton a été
introduite dans la zone de Bouaké dans un esprit de substitution à celles
du café et du cacao qui étaient peu recommandables en raison des
conditions climatiques défavorables. Dans ce contexte, on peut croire que
le vulgarisateur a d’abord visé comme cible, le paysan qui avait peu ou
pas d’emblavures en café et en cacao. Ce dernier ne pouvait probablement
qu’accepter le coton, dans la mesure où, dans la plupart des cas, il n’avait
pas beaucoup d’efforts à fournir : le moniteur se chargeant souvent de
réaliser l’essentiel des travaux à sa place jusqu’à la commercialisation.
Toutefois, il reste évident pour l’instant que la culture du coton dans la
région de Bouaké n’a pas connu les résultats escomptés, notamment à
cause de l’instabilité du climat, des dégâts des bœufs sur le cotonnier et
de la migration des paysans vers le Sud. C’est peut-être pourquoi, avant
sa privatisation en 1998, la CIDT avait déjà classé cette zone comme étant
une zone marginale et y avait cessé toute activité de vulgarisation de la
culture du coton. Le coût de fonctionnement de la CIDT y était supérieur
aux recettes et pis encore, réduisait les possibilités d’actions dans les
autres régions plus propices à la culture du coton.
L’étude de Michotte a eu le mérite d’expliquer en son temps les
conditions d’adoption du coton en zone marginale. Cependant, nous
mettons en exergue la difficulté de l’analyse et l’importance de la
perspective dynamique ou temporelle de la réaction d’adoption ou de rejet
d’une innovation en milieu paysan. Cette difficulté réside notamment
dans le repérage des critères objectifs ou des réelles motivations qui
justifient la décision du paysan de façon durable. Parce que, comme le
souligne Hebermas (1993), « sans doute que l’innovation est plus que
jamais valorisée par le système de pensée et de connaissance dominant,
tant dans le monde scientifique que dans celui du développement ». Il est
aussi difficile de se tenir à l’écart des considérations idéologiques du
processus de transfert, d’adoption ou de rejet de l’innovation. C’est
probablement en cela que Lebeau et Salomon (1990) et Serpantié (1991)
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
92
soutiennent que le concept d’innovation est souvent chargé de jugements
de valeur chez les praticiens du développement lorsqu’il s’agit d’évaluer
la situation et l’avenir des agriculteurs des pays en voie de
développement. L’évaluateur ou l’observateur est exposé au risque de
surestimer les déterminants exogènes de l’innovation (offre d’innovation)
ou de surévaluer les capacités endogènes d’adaptation. La culture du
coton a été présentée comme étant le moyen le plus sûr pour le paysan des
zones de savanes d’accroître son revenu agricole. Des villages comme
celui de Sionhouakaha ont été obligés de l’adopter parce qu’il n’y a pas
eu d’autres choix à efficience similaire au programme coton.
A partir de ces considérations, l’analyse de l’adoption de la culture du
coton par les exploitants apparaît assez complexe, tant les variables à
prendre en compte sont nombreuses et parfois difficiles à quantifier. C’est
le cas par exemple de l’expérience, du niveau d’alphabétisation, de la
propension au risque ou de la capacité d’anticipation du chef
d’exploitation. Au stade actuel des choses, les naissances n’étant pas
souvent systématiquement déclarées et archivées, l’âge du chef
d’exploitation est certes une variable quantitative, mais elle est parfois
entachée d’une marge d’erreur importante capable de dévier les analyses
dans un sens comme dans l’autre.
3.3.2 L’adoption de la culture du coton par l’exploitant
Boussard (1970), Bublot (1974) et Brossier (1989), pour ne citer qu’eux,
indiquent que l’étude de la décision de produire est basée sur la théorie
microéconomique de la firme ou théorie de la production. De nombreux
auteurs comme Schultz (1964), Askari et Commings (1977) ou Bond
(1983) soutiennent que les agriculteurs sont rationnels dans leur prise de
décision. Ces auteurs considèrent que l’agriculture traditionnelle est à
base d’énergie biologique (humaine et parfois animale), proche des
conditions naturelles et par conséquent dépendante de celles-ci. Ainsi, la
décision de niveau microéconomique de l’exploitant, prise de façon
rationnelle, s’inscrit dans le monde du vivant et dépend de l’énergie
biologique. Tout cela rend l’analyse assez complexe et appelle à un
certain pragmatisme dans la détermination des critères qui fondent
l’adoption de la culture du coton par les exploitants.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
93
Réduire l’espace des critères d’adoption de la culture du coton à
seulement deux dimensions, l’espoir d’un meilleur niveau de revenu et les
pressions administratives serait une simplification dont la validité reste
limitée à l’échelle du village. Au niveau de l’exploitant, il convient de
tenir compte de certaines caractéristiques propres aux unités de
production, surtout à partir de 1974, lorsque les pressions administratives
ont cessé et que l’adhésion à la culture du coton a relevé beaucoup plus
d’une décision libre et individuelle. Onze principaux critères sont repris
dans la figure 2.8 comme suit :
1. le nombre de travailleurs familiaux (Mof),
2. la superficie de terre arable disponible (Ter),
3. le nombre d’épouses (Eps),
4. le niveau d’alphabétisation du chef d’exploitation (Nal),
5. le niveau d’alphabétisation d’un membre de l’exploitation (Nam),
6. le nombre d’années d’expérience de gestion d’exploitation (Exp),
7. l’espoir de revenu meilleur (Rev),
8. l’appartenance à un groupe de travail (Tra),
9. le niveau d’épargne et de fonds propres (Fpe),
10. la possession d’une chaîne de culture attelée : on a vu des paysans
qui ont débuté la culture du coton parce qu’ils avaient un accès
facile à la culture attelée (Cat),
11. l’héritage : il existe des cas où la première année de pratique de la
culture du coton à titre personnel a coïncidé avec la succession
d’un parent défunt (Her),
Point n’est besoin d’insister sur le caractère imprécis des données issues
de déclarations des paysans et faisant appel essentiellement à leur capacité
de mémorisation des événements marquants de leur trajectoire
d’évolution. La collecte de données datant de plusieurs années, incluant
de nombreuses variables demandées à des paysans qui n’ont presque
jamais archivé, sur support visuel, quoi que ce soit de ce qu’ils font au
quotidien, n’est déjà pas sans risques de biais importants quant à la
fiabilité des informations. Même en milieu intellectuel où existent des
supports de plus en plus sophistiqués de stockage de l’information, il ne
semble pas non plus évident que chacun archive toutes ses données ou
s’en rappelle avec précision à tout moment. Tenant compte de cette
imprécision, nous préférons adopter une méthode d’analyse relativement
modeste qui, sans chercher à atteindre une grande précision, essaye de
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
94
rendre compte d’une certaine façon, des faits observés.
Après l’interview des paysans individuels, les résultats leur ont été
présentés pour recueillir leurs critiques et compléments d’informations en
vue de mieux appréhender les conditions d’adoption de la culture du
coton dans la région. Les séances de restitution nous ont alors conforté
dans l’option d’une méthode d’analyse simple dont le lecteur voit
clairement l’insuffisance, mais qui a la force de rester proche de la réalité.
L’analyse est faite sur deux périodes assez caractéristiques de l’évolution
des conditions d’encadrement et de vulgarisation de la culture du coton.
La première qui va de 1974 à 1983, tient compte de deux événements :
d’une part, la fin, en 1973, de l’encadrement par la CFDT, avec son
caractère oppressif ressenti par les paysans et, d’autre part, la cessation
des subventions de l’Etat aux intrants en 1983/1984. La seconde période
qui va de 1984 à 2000 permet de situer les réactions des producteurs de
coton placés en situation de libre choix de la culture. Cette période a
connu des modifications majeures dans le processus de production : la
mécanisation a été introduite et le mouvement coopératif a été mis en
place. La figure 2.8 est réalisée à partir des réponses à deux variables : le
nombre d’années de pratique de la culture ; la principale raison de ce
choix. Chaque paysan n’a donné qu’une seule raison (1 017 cas). Les
différentes raisons ont été regroupées en onze catégories. La figure 2.8
donne la situation globale indépendamment de la période.
De façon générale, sur l’ensemble des deux périodes, il ressort que deux
raisons prédominent avec une fréquence totale de près de 69 % à savoir :
le revenu escompté et le facteur travail. Le facteur travail intervient en
première position avec une fréquence d’environ 40 % si l’on combine les
trois raisons que sont la main-d’œuvre familiale (18 %), le nombre
d’épouses (13 %) et l’appartenance à un groupe de travail (10 %). Le
revenu vient en seconde place avec 28 % de fréquence. L’expérience du
chef d’exploitation se classe en troisième position avec 14 %. Ainsi, les
contraintes de travail, le revenu attendu et l’expérience peuvent être
considérés comme trois raisons principales qui soutiennent l’adoption de
la culture du coton (fréquence cumulée de 83 %). Les autres raisons
n’interviennent qu’à une fréquence d’environ 17 % : ce sont la
disponibilité en terre, le niveau d’alphabétisation, la culture attelée, les
fonds propres et l’héritage.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
95
18
4
13
3 4
14
28
10
23
1
0
5
10
15
20
25
30
Mof Ter Eps Nal Nam Exp Rev Tra fpe cat her
Raisons
Ex
plo
itan
ts (
%)
Source : Notre enquête (échantillon de 1017 paysans)
Mof, nombre de travailleurs familiaux ; Ter, superficie de terre arable disponible ;
Eps, nombre d’épouses ; Nal, niveau d’alphabétisation du chef d’exploitation ;
Nam, niveau d’alphabétisation d’un membre de l’exploitation ;
Exp, nombre d’années d’expérience de gestion d’exploitation ;
Rev, espoir de revenu meilleur ; Tra, appartenance à un groupe de travail ;
Fpe, niveau d’épargne et de fonds propres ; Cat, possession d’une chaîne de culture
attelée ; Her, héritage.
Figure 2.8 : Principales raisons d’adoption du coton par l’exploitant
de 1974 à 2000
Cependant, une observation attentive révèle une certaine évolution dans
les motivations des paysans quant à leur décision d’adopter la culture du
coton d’une période à l’autre. En effet, comme le montre la figure 2.9, la
tendance générale est certes maintenue dans chacune des deux périodes,
mais, il y a eu quelques modifications de comportement qui, bien que de
faible importance relative, méritent d’être soulignées comme éléments de
dynamique agraire. L’expérience du chef d’exploitation semble avoir de
moins en moins d’influence sur le paysan dans sa décision en faveur du
coton. Trois nouveaux éléments apparaissent qu’on pourrait prendre pour
une tendance récente. Le premier est le niveau d’alphabétisation dont la
fréquence a presque triplé, passant de près de 4 % entre 1974 et 1983 à
environ 11 % de 1984 à 2002. Alors que seulement 1% des exploitants
avaient choisi la culture du coton dans la première période parce qu’ils se
faisaient confiance du fait de leur niveau d’alphabétisation, ils étaient
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
96
environ 6 % à s’y référer au cours de la seconde période. Le second, c’est
la culture attelée : elle n’existait pratiquement pas dans les zones
d’enquête avant 1975 et, depuis son introduction, elle contribue de plus en
plus à l’adoption du coton. C’est peut-être l’effet de la culture attelée qui
se traduit sur la figure 2.9 par une réduction de l’importance du travail
d’entraide qui est passée de 12 % (de 1974 à 1983) à 6 % (de 1984 à
2002). Ce même effet, conjugué avec la réduction de l’âge de l’exploitant
peut soutenir la baisse de l’importance du nombre d’épouses, de 16 % à
8 %, parmi les raisons du choix de la culture du coton.
18
4
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35
Mof Ter Eps Nal Nam Exp Rev Tra fpe cat her
Raisons
Ex
plo
itan
ts (
%)
Période 1974 à 1983 Période 1984 à 2002Légende :
Source : Notre enquête (1017 paysans soit 627 de 1974 à 1983 et 390 de 1984 à 2002)
Mof, nombre de travailleurs familiaux ; Ter, superficie de terre arable disponible ,
Eps, nombre d’épouses ; Nal, niveau d’alphabétisation du chef d’exploitation ;
Nam, niveau d’alphabétisation d’un membre de l’exploitation ;
Exp, nombre d’années d’expérience de gestion d’exploitation ;
Rev, espoir de revenu meilleur ; Tra, appartenance à un groupe de travail ;
Fpe, niveau d’épargne et de fonds propres ; Cat, possession d’une chaîne de culture
attelée ; Her, héritage.
Figure 2.9 : Raisons d’adoption du coton par l’exploitant
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
97
Le troisième élément qui ressort c’est que l’héritage et les fonds propres
ont été les raisons déterminantes de près de 7 % des paysans cultivant le
coton pour la première fois. Ces deux critères peuvent réduire l’influence
de l’expérience sur l’adoption du coton. En effet, bien que l’âge ne soit
pas pris directement en compte comme critère d’adoption, force est de
constater que de façon générale, l’âge de l’exploitant a baissé, passant de
48 ans dans les années 1970 à 39 ans en 2000. Nous avons relevé qu’entre
1991 et 2002, la plupart des exploitants âgés en moyenne de 28 ans et
sachant lire et écrire (cours primaire et collège), ont adopté la culture du
coton par héritage.
Après l’examen des conditions d’adoption de la culture du coton tant au
niveau du village que de celui des exploitations individuelles, l’analyse se
porte sur les conséquences directes et indirectes sur les systèmes de
production.
3.4 La différenciation et le dynamisme des exploitants
3.4.1 La typologie des exploitants
Les paysans ont des ambitions personnelles qui, sur la base de leurs
expériences, de la quantité et de la qualité des moyens dont ils disposent
et de leur propension à prendre quelques risques, fondent leurs
perceptions des choses et leurs objectifs ou leurs décisions de produire
dans le temps et dans l’espace. L’étude de la trajectoire des exploitants
peut permettre entre autres choses de les classer en groupes plus ou moins
homogènes et de les caractériser par rapport aux décisions et aux
conséquences de ces dernières. Ces groupes doivent avoir une
signification sociale et économique assez claire et l’appartenance d’un
exploitant à un groupe doit avoir une certaine stabilité dans le temps par
rapport à des événements de moindre importance. Cependant, il est
difficile d’établir une typologie passe-partout des exploitants agricoles
compte tenu de la diversité des décisions de produire, de leurs
conséquences sur la vie et l’avenir de chaque exploitant et aussi des
objectifs de l’étude. La démarche à l’origine de la présente typologie est
simplificatrice et réduit la diversité des cas et de la différenciation
progressive que suivent les exploitations agricoles en présence.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
98
La typologie proposée n’est donc pas exhaustive et ne révèle pas toutes
les hétérogénéités des situations réelles rencontrées. Elle contribue, de
façon approximative, à comprendre comment les exploitants en présence
ont évolué dans le temps pour être ce qu’ils sont au moment de nos
enquêtes. Une autre difficulté provient de la détermination de la clé de
répartition des exploitants rencontrés en groupes homogènes. La taille de
l’exploitation peut être un critère, mais la superficie totale emblavée ou le
nombre de travailleurs qui peuvent refléter l’importance économique de
l’exploitation sont des critères variables dans le temps. La marge brute
d’exploitation peut servir de critère à l’élaboration de la typologie, mais
elle dépend des prix des intrants, des prix reçus des productions et de la
performance des circuits de commercialisation. La marge brute apparaît
donc comme un critère instable. La structure de la production, à savoir la
proportion relative de chaque production dans l’exploitation en superficie
ou en valeur, est aussi variable d’une année à l’autre et ne peut fonder la
typologie dans notre cas.
L’ensemble des inputs utilisés dans la production peut servir de critère qui
fonde la typologie s’il est possible d’établir assez nettement la structure et
les proportions relatives de ces inputs. De cette façon, on s’inspire de la
fonction de production à la condition que cette dernière soit d’abord
objectivement déterminable. Elle doit ensuite se traduire par une liaison
de causalité assez solide ou intense entre le vecteur des quantités de
facteurs employés et celui des quantités de productions. Mais dans la
pratique, il est difficile de mesurer avec précision le niveau des facteurs.
Ce critère ne peut donc nous être utile.
Le critère employé dans le cas présent n’est pas non plus irréprochable.
Mais, il a été déterminé avec le concours des paysans sur la base, d’une
part, de sa simplicité ou de sa clarté à leurs yeux et, d’autre part, en
fonction de sa relative stabilité dans le temps. Deux critères ont alors été
privilégiés à savoir, la spécialisation par rapport au niveau de
mécanisation d’une part et, la culture principale, d’autre part. Le niveau
de mécanisation permet de définir trois types perceptibles sans équivoque
à savoir la houe (culture manuelle), la traction animale et la motorisation.
Dans le système manuel à base coton, certains exploitants louent
l’attelage contrairement à d’autres. Dans le système vivrier, certains
exploitants privilégient les céréales et d’autres, l’igname (figure 2.10).
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
99
Figure 2.10- Typologie des exploitants de la zone d'étude
Source : Notre enquête
Légende : SCIG = système sans coton privilégiant l'igname SCIG = système vivrier sans coton privilégiant l'igname
CASCH = système coton en culture attelée sans charrette
CAACH = système coton en culture attelée avec charrette
CMSCA = système coton motorisé sans attelage
CMACA = système coton motorisé avec attelage
SCCE = système vivrier sans coton privilégiant les céréales
MSLCA = système coton manuel sans location d'attelage
MALCA = système coton manuel avec location d'attelage
SCIG SCCE MSLCA MALCA CASCH CAACH CMSCA CMACA
Ensemble des producteurs
Sans coton Avec coton
Manuel Mécanisé
Attelé Motorisé
Ainsi, au fil du temps et ce, depuis la période précoloniale, la culture du
coton a contribué peu à peu à exacerber la différenciation latente des
exploitants. En effet, selon les témoignages de personnes ressources,
plusieurs castes coexistaient au sein des communautés villageoises. Ces
castes se référaient à la spécialisation sociale et parfois économique d’un
lignage où le secret du métier se transmettait de génération en génération :
les artisans (dessinateurs sur toile, sculpteurs, forgerons, bijoutiers,
tisserands), les griots ou gardiens de la parole et de la mémoire collective,
les marabouts ou porte-parole du divin et de l’esprit des morts auprès des
vivants, les guérisseurs ou médecins traditionnels, les sorciers capables de
jeter un sort ou de donner la mort de près ou de loin, les artistes
(musiciens, chorégraphes), les commerçants souvent d’origine dioula.
Chaque caste était reconnue et respectée par l’importance des services
attendus ou effectivement rendus à la communauté. La peur qu’inspirait le
sorcier avait même un aspect positif en ce sens qu’elle contribuait à
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
100
limiter les déviations des règles de vie communautaire. La cohabitation de
ces castes assurait une certaine harmonie au sein de la communauté qui,
comme on le voit, n’était en rien homogène. Les us et coutumes
atténuaient le particulier au profit du collectif, l’importance de l’individu
perçue en référence à sa classe d’âge, à son lignage.
Inversement, les principes d’harmonie et de solidarité communautaires
qui entraînaient une sorte de nivellement des différences par la base sont
en voie de disparition. Déjà à l’époque coloniale, l’introduction de
l’impôt de capitation, après la première phase où il était payé sous forme
de journées de travail, a été exigé d’être payé en espèces et la culture du
coton était en bonne place pour y contribuer. Dès lors, les germes de la
différenciation par la culture du coton étaient semés. L’arrivée de la
CFDT et de l’IRCT qui ont œuvré à l’adaptation et à la vulgarisation de
paquets technologiques spécifiques aux conditions pédoclimatiques de
production du coton a accentué le rôle de la culture du coton dans les
systèmes de production. Au fil des campagnes agricoles, le caractère forcé
ou coercitif de la culture du coton est de plus en plus oublié, faisant place
à son importance technico-économique dans les décisions individuelles
des chefs d’exploitation et dans le modelage du paysage agraire. Dans son
intervention depuis 1974, la CIDT a privilégié une méthode diversifiée de
vulgarisation rapprochée du coton et aussi des cultures assolées. Elle
contribue à l’introduction d’outils mécanisés (traction animale, petite,
moyenne et motorisation conventionnelle) et à la formation d’un grand
nombre de forgerons capables de fabriquer et de réparer notamment les
outils de traction animale. Tout cela accentue la conviction des paysans
d’adopter la culture du coton, de perfectionner leurs matériels et
techniques culturales et aboutit à la typologie observée. On comprend
ainsi que, par le travail et les ambitions personnelles, la culture du coton
amplifie de façon plus claire et même irréversible, la stratification sociale.
Par le passé, cette stratification était peu perceptible en dehors d’une
hiérarchisation symbolique basée par exemple sur les privilèges de l’âge
ou de l’antériorité (sages du village, dignitaires des rites initiatiques,
propriétaires terriens, etc.), Sans la culture du coton, il est indiscutable
que le système agraire poursuivrait son élan et qu’une différenciation
apparaîtrait tôt ou tard. Cette dernière, quelle qu’elle soit, serait aussi
imputée à au moins un critère déterminant. Dans le cas présent, nos
observations corroborées par les résultats de plusieurs autres études
comme Kientz, 1984, Le Roy, 1987 et Pokou, 1990 ; pour ne citer qu’eux,
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
101
incitent à soutenir que la culture du coton a entraîné une exacerbation de
la différenciation latente des exploitations. Un examen de la trajectoire
d’évolution des paysans par rapport à la gestion de leur exploitation
permet de comprendre comment la culture du coton a joué sur leurs
motivations et leurs choix en conduisant à les stratifier.
3.4.2 La trajectoire d’évolution des paysans
On peut essayer de rendre compte de l’évolution de sous-groupes de
paysans relativement homogènes par rapport à leur stratégie de
mécanisation. Pour cela, des périodes repères ont été fixées dans le temps
avec le concours des paysans de telle sorte que chacun puisse s’y
retrouver et relater les points marquants de sa propre évolution. Les
périodes proposées se situent autour des années 1975 (jusqu’en 1975),
1985 (de 1976 à 1985), 1995 (de 1986 à 1995) et 2002 (de 1996 à 2002).
Dans la zone d’étude 87 exploitants ont été choisis parmi ceux qui avaient
au moins 25 ans de pratique de la culture du coton. L’enquête a été
réalisée une première fois en mars 1999, en début de campagne agricole,
et une seconde fois en janvier 2002, en fin de campagne. Les deux
périodes d’enquête ont permis de corriger et de compléter les
informations7.
L’échantillon des 87 exploitants en culture mécanisée a été initialement
réparti en six sous-groupes suivant le degré ou la stratégie de
mécanisation auquel ils se trouvaient en 1975, comme suit :
48 paysans en culture manuelle stricte sans location de
matériels attelés (MSLCA),
26 exploitants en culture manuelle mais louant du matériel de
culture attelée (MALCA),
12 autres disposant d’une chaîne de culture attelée et n’ayant
pas de charrette (CASCH),
7 Lorsque nous reprenions les enquêtes en janvier 2002, 6 chefs d’exploitation de la
première enquête étaient décédés. Les éléments clés de leur cursus ont été confirmés
par les autres paysans dont certains parents. De façon générale, les paysans d’une
petite zone s’observent mutuellement. Au cours des enquêtes semi-ouvertes de groupes
restreints (environ 10 paysans), le cursus de chacun ne pouvait être falsifié en ses
données caractéristiques relatives à la mécanisation sans provoquer la réaction des
autres qui apportaient des éléments de précision.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
102
1 seul exploitant ayant à la fois la culture attelée et une
charrette (CAACH),
0 exploitant en motorisation sans culture attelée (CMSCA),
0 exploitant en motorisation avec culture attelée (CMACA).
Par la suite, l’enquête a consisté à retrouver le stade auquel chacun était
aux différentes périodes : 6 tables sont installées avec 6 enquêteurs.
Chaque table ou enquêteur représente chacun des 6 niveaux de
spécialisation. Pour une période annoncée, chaque paysan se met dans le
rang en face d’une table où l’enquêteur note son nom et celui de son
village.
La figure 2.11 donne l’évolution de la distribution de la fréquence des
paysans au cours des différentes périodes d’observation et suivant les
stratégies de mécanisation.
Figure 2. 11. Evolution de la mécanisation
Sources : Notre enquête
55
3733
59
0
10
20
30
40
50
60
70
1975 1985 1995 2002 Périodes
Ex
plo
ita
nts
(%
)
MSLCA
MALCA
CASCH
CAACH
CMSCA
CMACA
Figure 2.11 : Evolution de la mécanisation
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
103
Il ressort qu’au départ, c’est-à-dire dans les années 1975, 55 % des
paysans interrogés travaillaient exclusivement à la daba, 30 % travaillant
à la houe avaient recours à des prestataires de travail disposant de chaîne
de culture attelée, 14 % avaient déjà adopté la traction bovine. Les
paysans ayant à la fois une chaîne de traction animale et une charrette
étaient assez rares, soit 1% de l’effectif. Environ une décennie plus tard,
la plupart des paysans avaient changé de stratégie : la configuration des
sous-groupes s’est modifiée. Deux décennies plus tard, c’est-à-dire
en 1995, certains paysans ont pu acquérir un tracteur, soit 5 % des cas,
d’autres ont en plus du tracteur, une chaîne de traction bovine. En 2002,
on constate qu’aucun des paysans de cet échantillon ne travaillait plus
exclusivement à la daba, ceux qui avaient recours à la location de
matériels attelés ne représentaient que 11% de l’ensemble. La stratégie
prédominante en 2002 consiste à avoir au moins une chaîne de culture
attelée et une charrette. L’effectif des paysans disposant de tracteurs s’est
réduit entre 1995 et 2002.
Cette figure ne traduit pourtant pas assez les mécanismes de
fonctionnement et de prise de décision des exploitants d’une période à
l’autre. Par exemple, elle ne renseigne pas sur la trajectoire des 59 % de
paysans qui, en 2002, avaient en plus de leurs chaînes de culture attelée,
une charrette en vue d’assurer le transport de leurs matériels et produits.
De même, elle ne situe pas la trajectoire suivie par les 55 % de paysans
qui étaient en culture manuelle stricte en 1975.
En effet, il est possible d’identifier chaque sous-groupe soit en suivant le
temps dans le sens normal de 1975 à 2002, soit en remontant le temps de
2002 à 1975. Pour cela, construisons une matrice dont les lignes sont les
différentes stratégies alternatives qui se présentent aux paysans et les
colonnes, les périodes. Dans chaque cellule, les paysans correspondants
sont identifiés nommément. On peut ainsi suivre chaque exploitant pour
connaître sa stratégie ou sa position à chacune des périodes. Le
tableau 2.1 illustre la matrice d’informations dans l’exemple théorique de
l’alternative (A ou B) à choisir durant quatre périodes (1, 2, 3 et 4).
Pendant la première période, l’effectif des paysans ayant adopté la
stratégie A est A1. Au cours de la seconde période, certains peuvent avoir
gardé la même stratégie A, ils sont quantifiés par A1A2. D’autres par
contre peuvent avoir adopté la stratégie alternative B en seconde période,
ils sont notés par A1B2. En poursuivant le raisonnement théorique, il
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
104
apparaît que le nombre de cas possibles augmente rapidement avec le
nombre de périodes. Le tableau 2.1 montre bien que pour une alternative
(A ou B) et 2 périodes, il y a 4 cas possibles ; pour cette même alternative
et 3 périodes, il y a 8 cas possibles ; et pour 4 périodes, il y a 16 situations
observables. Ainsi, par récurrence, si n indique le nombre de stratégies et
m le nombre de périodes, la matrice des informations qu’on pourrait
traduire par l’arbre des décisions donne théoriquement lieu à nm
situations
possibles.
Tableau 2.1 : Matrice des informations des possibilités de choix de
stratégies dans un cas théorique d’une alternative (A, B)
durant 4 périodes
Alternative
(A ou B) Périodes
1 2 3 4
A
A1A2A3A4
A1A2A3B4
A1A2B3A4
A1A2B3B4
A1B2A3A4
A1B2A3B4
A1B2B3A4
A1B2B3B4
B
B1A2A3A4
B1A2A3B4
B1A2B3A4
B1A2B3B4
B1B2A3A4
B1B2A3B4
B1B2B3A4
B1B2B3B4
B1
A1
B1B2
B1A2
A1A2
A1B2
A1A2A3
A1A2B3
A1B2A3
A1B2B3
B1A2A3
B1A2B3
B1B2A3
B1B2B3
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
105
Dans notre cas d’étude, il y avait n égal à 6 alternatives technologiques au
départ en 1975 et m égal à 4 périodes : on aurait donc théoriquement 64
soit 1 296 situations observables à la quatrième période (2002). Les
décisions du paysan ne sont pas prises au hasard. A chaque période, le
paysan raisonne suivant son expérience, ses contraintes, ses atouts, ses
ambitions et adopte une et une seule alternative technologique après avoir
éliminé toutes les autres. Au cours de l’enquête, les quatre sous-groupes
qui existaient en 1975 ont évolué suivant 43 trajectoires différentes (et
non 1 296 trajectoires théoriques). Cela permet d’approfondir la
compréhension de la dynamique des exploitants agricoles observés. Le
tableau 2.2 donne la distribution de l’effectif des 87 exploitants suivant
les niveaux de technicité par période.
Tableau 2.2 : Evolution de la distribution des exploitants suivant le niveau
technique de 1975 à 2002
Niveaux
techniques
Périodes 1
(Jusqu’à
1975)
2
(1976 à
1985)
3
(1986 à
1995)
4
(1996 à
2992)
MSLCA 48 21 9 0
MALCA 26 32 18 10
CASCH 12 20 26 23
CAACH 1 14 29 51
CMSCA 0 0 4 3
CMACA 0 0 1 0
Total 87 87 87 87
Source : Notre enquête, 2002
Légende : MSLCA, culture manuelle sans location de matériels attelés
MALCA, culture manuelle louant du matériel de culture attelée
CASCH, culture attelée sans charrette
CAACH, culture attelée avec une charrette
CMSCA, culture motorisée sans culture attelée
CMACA, culture motorisée avec culture attelée
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
106
Les paysans sont préoccupés d’adopter des matériels agricoles plus
performants au fil des années. En 2002, 88,5 % des exploitants de
l’échantillon ont une chaîne de culture attelée et seulement 11,5 % sont
encore en culture manuelle. Par contre, jusqu’en 1975, 85 % des
exploitants n’avaient pas d’attelage. Aucun exploitant de cet échantillon
ne veut plus travailler exclusivement à la houe, bien qu’elle fasse partie
de la collection d’outils utilisés. On peut donc dire que la situation s’est
inversée, traduisant une formidable évolution des mentalités et des
comportements des paysans.
Les trajectoires suivies par les uns et les autres traduisent leurs réactions
individuelles, leurs stratégies de production suivant leurs contraintes
spécifiques, leurs ambitions, leurs capacités à mobiliser le capital tant par
le travail que par toutes possibilités de transferts de capital (crédit, dons,
héritage), leur capacité d’anticipation dans un avenir incertain. Durant les
25 années de pratique de la culture du coton, ils ont connu des fortunes
diverses : certains ont vite adopté la culture attelée ou la culture motorisée
tandis que d’autres étaient encore en culture manuelle après plus de
15 ans. Le tableau 2.2 ne permet pas d’expliquer le passage d’un
exploitant d’un niveau technique à un autre, d’une période à l’autre. Les
figures 2.12a, 2.12b, 2.12c et 2.12d traduisent les trajectoires des 12
paysans qui étaient en culture attelée sans charrette (CASCH = C) en
1975. Pour lire ces figures, on part de la gauche vers la droite. A partir
d’un carré donné, une flèche à pente positive indique un niveau technique
inférieur à la situation de départ ; une pente nulle (flèche horizontale)
indique que le niveau technique reste stable ; une flèche à pente négative
indique un niveau technique supérieur. Chaque case contient le nombre
d’exploitants concernés. Au-dessus, on a noté la trajectoire telle que les
lettres A à F représentent les niveaux techniques8 et les chiffres (1 à 4),
les périodes9 Dans la figure 2.12a par exemple, deux exploitants ont
régressé de 1975 à 1985.
8 A=MSCLA = exploitants en culture manuelle stricte sans location de matériels attelés.
B = MALCA = exploitants en culture manuelle mais louant du matériel de culture,
C = CASCH = exploitants disposant d’une chaîne de culture attelée,
D = CAACH = exploitants ayant à la fois la culture attelée et une charrette,
E = CMSCA = exploitants en motorisation sans culture attelée,
F = CMACA = exploitants en motorisation avec culture attelée 9 1 = jusqu’en 1975 ; 2 = de 1976 à 1985 ; 3 = de 1986 à 1995 ; 4 = de 1996 à 2002.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
107
Figure 2.12a : Trajectoire d’évolution de 2 exploitants
parmi les 12 étudiés
Suite au décès de son épouse et de son premier fils, le premier revend ses
matériels de culture attelée en 1985. Il se retrouve en 2002 sans matériels
attelés propres à lui, mais en situation de dépendance vis-à-vis de ceux
qui en disposent. Par contre, le second a eu plus de chance. Selon ses
dires, l’un de ses deux bœufs d’attelage était mort en 1976. Dans le même
temps, son frère cadet qui travaillait avec lui, l’avait quitté pour la ville,
espérant apprendre un métier. Il a donc arrêté le travail à l’attelage. Son
frère cadet n’ayant pas réussi en ville, était revenu au village en 1983.
Ensemble, ils ont acheté deux nouveaux bœufs en 1989 et, en 1999, ils
ont acheté une charrette. La figure 2.12b montre les trajectoires suivies
par trois autres exploitants.
Figure 2.12b : Modification de la trajectoire d’évolution de 3 exploitants
dans la troisième période (1986-1995)
C1C2
C1C2D3D4
C1C2C3C4
C1C2B3B4
C1
C1C2D3
C1C2C3
C1C2B3
3 1 1
1
1
1
1
12
Source : Notre enquête
C1B2B3B4
C1B2C3D4
C1B2B3
C1B2C3
1
1
1
C1
1
C1B2
2
12
Source : Notre enquête
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
108
De 1975 à 1985, ces trois exploitants sont tous restés en culture attelée
(C1C2). Mais, pendant la troisième période (1986 à 1995), ils sont à des
niveaux techniques différents :
le premier arrête la culture attelée et reste dans cette situation
jusqu’en 2002,
le second garde sa chaîne attelée sans acheter de nouveaux
matériels
le troisième acquiert une charrette en plus de sa chaîne attelée,
dans la dernière période.
La figure 2.12c montre les trajectoires de 2 autres exploitants parmi les 12
du sous-échantillon.
Figure 2.12c : Changement de trajectoire d’évolution de 2 paysans
en 1986-1995
On relève que dans la période 1986 à 1995, deux exploitants faisant partie
des 7 qui avaient déjà acquis une charrette en plus de leur attelage,
changent leur situation. En effet, ils ont acquis un tracteur. L’un reste
dans cette situation jusqu’en 2002 (C1D2E3E4) ; l’autre a acheté une
charrette en plus de son tracteur (C1D2F3). Mais, en 1999, ce dernier, se
sentant vieux, cède sa charrette à son fils mais garde sa chaîne attelée.
Dans la figure 2.12d, on voit comment ont évolué 5 des 12 exploitants en
culture attelée depuis 1975.
Source : Notre enquête
C1
C1D2
C1D2E3E4
C1D2F3
C1D2F3E4
C1D2E3
C1D2D3
7
2
1
5
1
12
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
109
Figure 2.12d : Trajectoire stable de 4 exploitants depuis 1975
On voit que ces cinq exploitants ont gardé le même niveau de technicité
de 1985 à 1995. En 2002, quatre exploitants parmi eux n’ont toujours pas
changé de niveau (C1D2D3D4), par contre, le cinquième a régressé. : il a
cédé ses matériels de culture attelée à son premier fils qui assurait
l’essentiel des travaux mécanisés. En 1997, il a accepté que ce dernier
s’installe enfin à son propre compte en devenant un chef d’exploitation.
L’analyse de l’évolution de ces 12 exploitants peut se résumer dans le
tableau 2.3.
Tableau 2.3 : Evolution de la distribution des 12 exploitants disposant de
culture attelée en 1975 (trajectoire)
Niveaux
techniques
Périodes 1
(Jusqu’à 1975)
2
(1976 à 1985)
3
(1986 à 1995)
4
(1996 à 2002)
MSLCA = A 0
MALCA = B 2 (C1B2) 2 (C1B2B3) 2 (C1B2B3B4)
CASCH = C 12 (C1) 3 (C1C2) 2 (C1C2C3) 2 (C1C2C3C4)
CAACH = D 7 (C1D2) 6 (C1D2D3) 6 (C1D2D3D4)
CMSCA = E 2 (C1D2E3) 2 (C1D2E3E4)
CMACA = F
Total 12 12 12 12
Source : Notre enquête, 2002
Légende : MSLCA, culture manuelle sans location de matériels attelés
MALCA, culture manuelle louant du matériel de culture attelée
CASCH, culture attelée sans charrette
CAACH, culture attelée avec une charrette
CMSCA, culture motorisée sans culture attelée
CMACA, culture motorisée avec culture attelée
C1
C1D2 C1D2D3D4
C1D2D3C4
C1D2D3
1
4 5
12
7 Source : Notre enquête
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
110
On constate que ces exploitants ont évolué de telle sorte qu’en 2002, ils
sont répartis en quatre sous-groupes suivant leur niveau de mécanisation.
En effet, 2 exploitants ont perdu leur chaîne attelée, 2 autres n’ont pas
changé par rapport à leur situation de 1975, 6 ont acheté une charrette et 2
ont réussi à acquérir un tracteur.
Chaque paysan a ainsi une trajectoire d’évolution particulière dans la
mesure où il est aisément identifié dans le village par les caractéristiques
techniques de son exploitation. Suite à ce qui précède, l’on peut essayer
de comprendre l’impact de la culture du coton sur les deux principaux
facteurs qui se font de plus en plus rares dans la région : la terre et le
travail.
3.5 La culture du coton modifie l’occupation du sol
3.5.1 Le système vivrier traditionnel de base en 1960
La situation agricole des trois zones d’étude peut être établie (figure 2.13)
en 1960-1965 grâce aux études de la SEDES. Les systèmes de culture ou
l’ensemble plus ou moins structuré des productions végétales et animales
retenues par les agriculteurs (Badouin, 1969) étaient composés de
nombreuses espèces végétales. Mais, neuf cultures représentaient 90 %
des superficies cultivées et la quasi-totalité de la valeur de la production.
Il s’agissait essentiellement du maïs (Zea maïs L.), du mil (Pennisetum
glaucum L..), du riz pluvial (Oryza sativa L.), du riz de marais (Oryza
glaberrima Steud.), de l’igname (Dioscorea spp.), de l’arachide (Arachis
hypogaea L.), du coton (Gossypium hirsutum L.), et dans une moindre
mesure, du sorgho (Sorghum spp.) et du pois de terre (Vigna subterranea
(L.) Verdc..). Cependant, deux cultures prédominaient à savoir le mil et
l’igname. La SEDES avait alors défini deux grandes zones de
production : la zone mil et la zone igname. La première couvrait les
villages cibles de Ouamélhoro, Niellé et Kouniguékaha ; la seconde
concernait Sionhouakaha ou Dikodougou. Dans ce système vivrier
traditionnel de base, les cultures pures représentaient seulement 20 % des
superficies totales de la région contre environ 80 % pour les associations
de cultures qui étaient de ce fait prédominantes. Les associations à deux
cultures occupaient environ 58 % des superficies, celles à trois cultures
intervenaient sur près de 18 % des superficies tandis que les associations
de 4 cultures occupaient environ 2 % des emblavures (figure 2.13).
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
111
autres
associations :
1,8%
quatre
cultures
associées :
1,8%
trois cultures
associées :
18,4%
deux cultures
associées :
57,8%
cultures pures
: 20,2%
Source : adapté de SEDES, 1965
Figure 2.13 : Types d’associations de cultures en 1960
La culture du coton avait une place assez marginale par rapport aux
vivriers dans les systèmes de culture. En effet, le coton semé en culture
pure représentait seulement 1,3 % des superficies totales cultivées, soit
6,7 % des superficies sous cultures pures. Comme le montre la
figure 2.14, la culture du coton était beaucoup plus pratiquée en
associations avec les vivriers qu’en culture pure. En effet, 39 % des
superficies en coton étaient des associations à deux cultures (igname +
coton et maïs + coton), 47 % étaient des associations de trois cultures
(igname + riz pluvial + coton, maïs + riz pluvial + coton et igname + maïs
+ coton), 8 % étaient des associations de quatre cultures (igname + maïs +
riz pluvial + coton). Ces chiffres montrent que seulement 6 % des
superficies de coton étaient en culture pure contre 94 % dans diverses
associations.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
112
3 cultures
associées au
coton : 8%
Culture pure
de coton : 6%
1 culture
associée au
coton : 39%
2 cultures
associées au
coton : 47%
Source : Données établies à partir de SEDES, 1965
Figure 2.14 : Distribution de la superficie de coton par type d’associations
Ce système vivrier traditionnel de base est le système de production qui
était pratiqué de façon générale dans les zones cotonnières avant la mise
en œuvre du programme de vulgarisation du « paquet technologique »
comprenant la culture du coton. Il était supposé assurer la quasi-totalité
des besoins d’autoconsommation et pouvait, dans une moindre mesure,
procurer un revenu monétaire par la vente notamment de surplus vivriers.
Le système de culture était un système itinérant essentiellement sur
défriche-brûlis. Dans les trois zones d’étude, les principales rotations de
l’époque sont indiquées dans le tableau 2.4.
La durée de la jachère était assez longue, même dans la zone densément
peuplée de Korhogo (Kouniguékaha) où les contraintes de terre étaient
déjà assez bien perçues dans les années 60. L’igname était cultivée dans
toutes les zones et venait presque toujours en tête d’assolement. Les
associations culturales étaient pratiquées sans tenir compte de l’année de
rotation. L’arachide fermait la rotation dans toutes les zones. La durée
d’utilisation du sol excédait rarement 6 ans. Elle se limitait autour de 3 à
4 ans en zone igname. De façon générale, la baisse de la fertilité des sols,
la pression des adventices et les risques d’érosion étaient les principales
raisons de l’abandon d’une parcelle laissée en jachère.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
113
Tableau 2.4 : Rotations dans le système vivrier de base en 1960
Année Zone dense mil
(Kouniguékaha)
Zone mil
Niellé, Ouaouaron
Zone igname
Sionhouakaha
Année 1 Igname+riz+coton
Igname+mil
Igname+mil+coton
Maïs+mil
Igname+riz+maïs
Riz+coton
Année 2 Riz+coton
Maïs+mil
Maïs+mil Riz+maïs,
arachide
Année 3 Riz+mil
Arachide+maïs
Maïs+mil,
arachide
Riz+maïs,
arachide
Année 4 Maïs+mil, arachide Maïs+mil,
arachide
Arachide, jachère
Année 5 Maïs+mil, arachide Arachide Jachère 6 à 30
ans
Année 6 Jachère 5 à 10 ans Jachère 8 à 15 ans Source : Adapté de SEDES, 1965
3.5.2 Le système de culture actuel
L’assolement s’est considérablement transformé en 2002 au regard de la
situation de base en 1960 (figure 2.13).
En effet, comme le montre la figure 2.15, on peut dire qu’il y a
pratiquement eu une inversion de situation : en 2002, les cultures pures
occupent plus de 60 % des superficies dans les trois zones d’étude. Chez
les paysans en culture motorisée, les associations culturales sont encore
plus rarement pratiquées que dans les autres systèmes mécanisés.
Dans les systèmes sans coton, ceux qui privilégient les céréales associent
de moins en moins les cultures que ceux qui ont conservé le système à
base d’igname. Dans ce dernier, les associations représentent encore près
de 40 % des superficies, contrairement à 1960 où elles en occupaient
environ 80 %. Il a été observé que les associations incluant la culture du
coton n’existent plus, celles contenant trois cultures du type igname + riz
pluvial + maïs dans la zone de Dikodougou, igname + riz pluvial + mil
dans les zones de Korhogo et de Niellé sont de plus en plus rares.
Quelques associations à deux cultures subsistent encore, notamment à
Dikodougou comme par exemple igname + riz pluvial, riz pluvial + maïs,
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
114
arachide + maïs. Dans cette tendance générale de réduction des
superficies des cultures associées, ce sont les paysans sans coton qui
pratiquent encore relativement plus d’associations. En d’autres termes, la
culture du coton a contribué à la réduction des associations de cultures et
ceux qui ne cultivent pas le coton ne sont pas restés indifférents aux
transformations des techniques culturales induites par cette culture.
76
8992 98
83
64
24
118
2
17
36
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG
Types d'exploitation
Su
per
fici
es
Cultures pures Cultures associées
Source : Notre enquête
MSLCA = coton, manuel sans location de matériel attelé
MALCA = coton, manuel avec location de matériel attelé
CCA = coton, culture attelée
CCM = coton, culture motorisée
SCCE = sans coton, privilégiant les céréales
SCIG = sans coton, privilégiant l’igname
Figure 2.15 : Types d’association en 2002 dans différents types
d’exploitations
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
115
3.5.2.1 La durée d’occupation du sol
Les modifications intervenues dans les rotations culturales sont
essentiellement de deux ordres : d’une part, la culture du coton vient de
plus en plus en tête d’assolement par rapport au système vivrier
traditionnel de base et d’autre part, la durée d’occupation du sol est
devenue relativement plus longue. Le tableau 2.5 donne une idée de
l’évolution entre 1960 et 2002. Pour chaque parcelle, le nombre d’années
de jachère avant le dernier défrichement a été relevé ainsi que la
superficie. Quatre classes de durées de jachère sont ensuite déterminées à
savoir :
durée nulle ou quasi nulle, système d’exploitation fixée,
notamment pour les parcelles de cultures pérennes et quelques
parcelles en zone dense,
durée comprise entre 1 an et 10 ans de jachère, avec une moyenne
d’environ 5 ans, système d’exploitation semi-fixé,
durée de 11 à 20 ans avec une moyenne de 10 ans de jachère,
système semi-itinérant,
durée de plus de 20 ans de jachère avec une moyenne de 25 ans,
système itinérant.
Tableau 2.5 : Distribution relative de la superficie cultivée selon le
système d’exploitation et la zone d’étude (%)
Système
d’exploitation
Niellé Kouniguékaha Sionhouakaha
1960 2002 1960 2002 1960 2002
Fixé 7,4 6,0 27,4 4,0 4,3 1,0
Semi-fixé 18,5 45,5 36,3 81,5 33,5 67,5
Semi-itinérant 13,9 25,5 10,9 13,0 33,9 23,5
Itinérant 60,2 23,0 25,4 1,5 38,3 8,0
Total 100 100 100 100 100 100 Sources : SEDES, 1965 et Notre enquête, 2002
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
116
Il apparaît que le système d’exploitation itinérant qui prévalait en 1960 est
de moins en moins pratiqué. Dans le village de Kouniguékaha en zone
dense de Korhogo par exemple, les systèmes d’exploitation de type semi-
fixé occupent environ 80% des superficies cultivées. Dans les deux autres
zones d’étude, les systèmes d’exploitation itinérants existent encore sur
environ 23% des emblavures à Niellé et Ouaouaron et sur 8% des
superficies à Sionhouakaha.
L’accroissement de la durée d’occupation des terres se fait par des
rotations multiformes qui semblent provenir parfois de l’inspiration de
chaque chef d’exploitation face à ses contraintes et ses atouts. Les raisons
qui soutiennent cet accroissement de la durée d’occupation des sols sont :
l’utilisation de la fertilisation minérale et/ou organique,
les techniques de travail du sol (labour à la charrue) qui favorisent
une aération et un ameublissement du sol,
la rareté des terres notamment en zone dense et à proximité des
villages, la pénibilité du travail de défrichement en zone pré-
forestière de Dikodougou.
C’est la culture du coton qui a une durée d’occupation du sol la plus
longue : il arrive qu’elle se succède à elle-même pendant 4 à 5 campagnes
sur la même parcelle et parfois plus. L’enquête a permis d’établir
l’historique des parcelles en termes de succession de cultures au fil des
campagnes agricoles à partir de la première année de défrichement, sans
tenir compte des rotations qui se réalisent au cours de la même année. Il
apparaît que seule la culture du coton peut se succéder à elle-même durant
8 campagnes sur la même parcelle. Cependant, au-delà de 4 ans, la
fréquence de parcelles de ce type est plus faible (tableau 2.6). Les autres
cultures se succèdent assez rarement à elles-mêmes.
Sur 100 parcelles qui portent la culture du coton en première année de
défrichement, 73 sont reprises avec du coton en seconde année, 68 portent
encore du coton en troisième année. En huitième année, seulement
5 parcelles sont toujours emblavées en coton. Plus de la moitié des
parcelles cultivées en maïs en première année de défrichement sont
reprises en seconde année avec la même culture ; en quatrième année,
19% des mêmes parcelles portent encore du maïs. Les successions igname
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
117
sur igname sont peu fréquentes et lorsque cela arrive, ce n’est pas toute
l’ancienne parcelle qui est reprise, mais une petite partie. Quatre cultures
principales se succèdent ainsi à elles-mêmes à savoir le coton, le maïs, le
riz et l’igname, mais dans des proportions différentes suivant les zones.
Tableau 2.6 : Fréquence de parcelles portant la même culture depuis la
première année de défrichement (% de parcelles de la
culture)
Culture An 1 An2 An3 An4 An5 An6 An7 An8
Coton 100 73 68 44 32 26 13 5
Igname 100 24 3 0
Riz
pluvial.
100
37
11
2
0
Maïs 100 59 41 19 5 0 Source : Notre enquête, 2002.
Le tableau 2.7 met en évidence l’importance relative des principales
cultures en tête de rotation dans la zone d’étude.
Tableau 2.7 : Importance relative des principales cultures en tête de
rotation (% du nombre de parcelles)
Tête
d’assolement
Niellé et
Ouamélhoro
Kouniguékaha Sionhouakaha
Coton 57 20 12
Igname 2 1 51
Igname + riz 0 0 20
Riz pluvial 6 8 5
Riz + maïs 11 28 10
Maïs 24 43 2
Total 100 100 100 Source : Notre enquête
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
118
Le coton est la principale culture en tête de rotation à Niellé où il occupe
57 % des parcelles nouvellement défrichées. A Kouniguékaha, en zone
dense, les céréales, notamment le maïs et le riz pluvial, sont les plus
fréquentes en première année de défrichement. A Sionhouakaha, c’est la
tradition de l’igname qui prédomine. Les résultats précédents montrent
d’ailleurs que ces cultures qui occupent la tête de rotation dans chaque
zone sont celles qui y sont aussi les plus cultivées. Le choix des cultures
qui font partie de l’assolement, en dehors des contraintes
pédoclimatiques, relève des objectifs propres à chaque chef
d’exploitation. A Sionhouakaha, par exemple, où l’igname était presque
toujours la seule culture en tête de rotation, le coton est en train de se faire
une place depuis que le village l’a accepté.
3.5.2.2 L’impact du coton sur la fertilité des terres
L'importance qu'a prise la culture du coton dans certains pays africains
amène logiquement à s'interroger sur ses conséquences possibles au
niveau de l'environnement. Au Tchad, le Ministère de l’environnement et
de l’eau (MEE) pense que la culture cotonnière, à travers les apports
importants voire abusifs de produits chimiques et d’eau pour l’irrigation,
est particulièrement polluante. Les ressources en terre ne sont pas
illimitées. Les techniques ancestrales avec de longues jachères s’avèrent
plus intéressantes pour assurer la durabilité des systèmes. Avec
l’intensification, les sols n’ont plus le temps d’être régénérés par des
jachères qui sont raccourcies inéluctablement, entraînant la disparition des
terres arables par érosion incontrôlée ou par des processus d’évolution
régressive des sols. Nous avons constaté avec beaucoup d’amertume la
" squelettisation"des sols surtout ceux de la région de Benoye mais aussi,
les autres zones cotonnières entraînant la migration des populations de ces
localités vers d’autres terres plus aptes (…). La culture du coton est un
mauvais précédent. L’expansion de la culture cotonnière se poursuit sans
assurer un équilibre écologique. Sur le plan économique, le cultivateur de
coton n’est pas bénéficiaire s’il faut considérer l’effort qu’il fournit. (…).
Les constats sont là : la culture cotonnière est actuellement un fléau pour
la durabilité des systèmes agro - pastoraux à travers la dégradation des
sols et il ne faudrait pas seulement voir cette culture sous un angle
économique, à court terme, mais également écologique (MEE, 1999).
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
119
Contrairement, au Tchad, Picard et Abel (1999), dans une étude réalisée
au Cameroun, constatent que le coton, bien que souvent décrié par les
chercheurs qui le jugent de culture dévoreuse d’espace, ou de danger
capable de remettre en cause l’autosuffisance alimentaire des paysans,
« n’est pas (…) un possible facteur de famine mais un atout pour le
développement de l’exploitation agricole et du niveau de vie des
familles ». Ainsi, ces auteurs trouvent à la culture du coton, plus
d’avantages que d’inconvénients.
Pour Beroud (2002) la culture cotonnière semi-intensive, telle qu'elle est
préconisée et pratiquée en Afrique francophone, joue un rôle positif dans
la durabilité des systèmes de production. Elle implique en effet :
l’emploi de semences sélectionnées plus productives,
l'alternance des cultures sur la même parcelle,
la préparation légère et l'entretien des cultures avec des outils
tractés par des bœufs,
l'apport aux sols d'éléments nutritifs par une fumure adaptée,
la protection des récoltes par des traitements phytosanitaires.
La dégradation de la fertilité des terres, en culture continue, constitue un
phénomène naturel général extrêmement préoccupant. Cette dégradation
est due, essentiellement, à l'épuisement progressif en éléments nutritifs,
ainsi qu’au déficit du bilan organique des sols cultivés qui provoque à
terme leur déstructuration physique. L'utilisation raisonnée d'engrais
chimiques, d'amendements et de fumure organique, et la lutte anti-érosive
permettent de produire plus et constituent la meilleure façon de protéger
un sol cultivé. La mise en œuvre de ces pratiques se heurte cependant à de
fortes contraintes économiques.
La fumure minérale constitue, pour l'agriculteur, le moyen le plus sûr, le
plus pratique et le plus économique pour améliorer le rendement au
champ mais aussi pour ralentir les phénomènes de dégradation de la
fertilité des sols en culture pluviale. Combinée avec la rotation des
cultures, des chaulages périodiques et des compléments de fumure
organique, elle stabilise et restaure le potentiel des sols. Cette fumure, à
base d'engrais chimiques, est généralisée sur la culture cotonnière et
profite indirectement à l'ensemble de l'assolement par le biais de la
rotation coton-céréales. Les quantités appliquées sont néanmoins
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
120
modestes, de l'ordre de 70 unités / ha d'éléments fertilisants, parfois
moins. C'est ainsi que les doses d'engrais utilisées sur coton sont
insuffisantes à compenser les exportations des éléments minéraux et ne
peuvent, à elles seules, reconstituer la fertilité des sols de savane. A
l'échelle des zones cotonnières, les quantités sont dérisoires au regard de
celles que reçoivent la Bretagne, le bassin parisien et toutes les grandes
régions agricoles d'Europe et qui posent réellement problème, notamment
les nitrates qui polluent les nappes phréatiques. Sur le plan de
l'environnement, le problème ne se situe donc pas en termes d'excès mais
bien au contraire en termes de sous-consommation d'engrais minéraux
Sans protection phytosanitaire chimique, il n'y a pas place, aujourd'hui,
pour une production cotonnière rentable en Afrique (Beroud, op.cit.).
Mais cette protection chimique doit être contrôlée, maîtrisée. On peut
constater qu'à ce jour, en Afrique francophone, la protection
phytosanitaire a été réalisée avec un ratio coût-efficacité satisfaisant pour
les producteurs. Les consommations d'insecticides non seulement n'ont
pas augmenté, mais encore ont été progressivement réduites. En effet,
dans le cas de la Côte d’Ivoire par exemple, les insecticides sont utilisés à
faibles volumes : il est conseillé d’épandre généralement un litre à
l’hectare. Or, il n’est pas certain que tous les exploitants respectent cette
recommandation. Les quantités de matières actives utilisées sont parmi
les plus faibles de la culture cotonnière, et le choix judicieux, en étroite
collaboration avec la recherche, des matières actives et des associations
de familles chimiques a permis de retarder l'apparition de résistances des
ravageurs aux insecticides.
Il est vrai que le contrôle, par les sociétés cotonnières, des
approvisionnements en insecticides a empêché la prolifération des
revendeurs de produits souvent douteux et la surconsommation des
pesticides. On citera, pour mémoire, les contre-exemples des pays
d'Amérique centrale ou de la Thaïlande, champions toutes catégories des
consommations de pesticides. Ces pays ont vu leurs productions de coton
s'effondrer en raison des surconsommations d'insecticides et des
résistances des insectes qui s'ensuivent (Beroud, op.cit.).
Schwartz (1996), abordant dans le même sens que Beroud, examine les
pratiques paysannes en rapport avec la question de la fertilité au Sud du
Burkina, dans un écosystème proche de celui de Korhogo que nous avons
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
121
étudié. Il s’intéresse particulièrement au choix de la parcelle de culture, la
durée de mise en culture, la durée de la jachère, l’apport d’engrais, la
place du coton dans la succession des cultures et la préparation de la terre.
Selon lui, la culture du coton n’a pas entraîné une course à la terre, elle
apparaît même plutôt comme un facteur de stabilisation de l’agriculture
par un allongement de la durée de mise en culture. Mais cette stabilisation
« ne va pas dans le sens d’un maintien de la fertilité du milieu » (Tricart,
1995 : 127-137). En effet, selon les travaux de Hien et al. (1984) et de
Berger et al. (1987), pour un sol cultivé de façon continue plus de 12 ans,
la teneur en matière organique peut baisser de 1,5 % à 0,6 %. Or, au seuil
de 0,6 % de matière organique, il y a généralement absence de réponse
aux engrais minéraux et, en d’autres termes, un tel sol peut être considéré
comme sérieusement dégradé. Nos résultats font apparaître que la durée
maximale de mise en culture excède rarement les 10 ans, de ce fait, le
risque d’une dégradation extrême des parcelles cotonnières ne semble pas
encore évident.
Le labour à la charrue, non seulement se substitue progressivement au
labour manuel, mais il permet aussi l’accès aux terres plus lourdes - et
plus fertiles -, jusque-là non cultivées, puisque trop difficiles à travailler
(Tersigljel, 1992). L’alternance coton-céréales qui constitue la principale
succession culturale mise en œuvre par les paysans de l’aire cotonnière
ouest-burkinabè, « est une pratique favorable à la limitation de la baisse
du stock organique des sols » (Pieri, 1989 : 234, cité par Schwart, 1996).
Le coton est cultivé en rotation avec d’autres cultures, à l’intérieur d’un
système de cultures dont il n’est que l’une des composantes. Cela veut
dire que, contrairement à ce qui est souvent avancé, il ne fait l’objet
d’aucun traitement de faveur en ce qui concerne l’affectation des terres, la
parcelle cultivée en coton l’étant aussi bien, au fil des années et de la
succession culturale, en maïs, en sorgho, etc. L’examen de la succession
des cultures à l’échelle de la parcelle montre par ailleurs que, après un
défrichement, donc sur une terre réputée à nouveau bien fertile, le coton
n’est que rarement la culture d’ouverture (Schwartz, 1996). Pour cet
auteur, « les pratiques culturales mises en œuvre sur les exploitations
cotonnières, concourent (…) à l’amélioration de la fertilité des terres ».
Grâce au coton, la mécanisation par la culture attelée a joué un rôle
capital. L’engrais minéral que reçoit la parcelle a, par ailleurs, sur la
culture céréalière qui succède au coton, un « arrière-effet » des plus
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
122
bénéfiques, en particulier sur le maïs, qui offre en l’occurrence la
meilleure réponse (Parry, 1982). Le pédologue Brabant (1992) pense que
« l’état de dégradation des terres a été plutôt surévalué dans un certain
nombre de pays d’Afrique ». Nous pouvons donc dire, à la lumière de ces
données bibliographiques, que la question de la durabilité des systèmes de
culture à base coton est tellement importante qu’elle mérite une étude
approfondie simultanée dans plusieurs pays. Les résultats disponibles à ce
jour sont épars, limités et parfois divergents dans leur appréciation du rôle
du coton sur l’environnement : l’exemple du Tchad s’oppose à celui du
Burkina Faso. Néanmoins, on perçoit une tendance à créditer la culture du
coton comme étant relativement « inoffensive » vis-à-vis de
l’environnement.
3.5.2.3 La distance du village à la parcelle
Dans les années 60, les parcelles les plus proches du village étaient
situées entre 3 Km et 5 Km ; les plus éloignées, qui nécessitaient
l’établissement d’un campement, étaient situées entre 7 Km et 15 Km
selon les zones (tableau 2.8).
Tableau 2.8 : Distances moyennes du village à la parcelle (Km)
Distance village
parcelle (en Km)
Niellé Kouniguékaha Dikodougou
1960 2002 1960 2002 1960 2002
Minimum moyen
(Ecart-type)
5,5
1,7
(0,8)
3,0
0,2
(0,3)
4,4 1,2
(1,5)
Moyenne
(Ecart-type)
6,3
4,1
(1,1)
3,9
1,3
(0,7)
7,0 5,5
(3,2)
Maximum moyen
(Ecart-type)
14,9
17,4
(2,7)
7,3
3,2
(1,5)
4,5 7,4
(5,2) Sources : SEDES, 1965 et notre enquête, 2002
En 2000-2002, les parcelles les plus proches du village sont à moins
de 2 Km. Dans la zone dense (Kouniguékaha) par exemple, certaines
parcelles de coton jouxtent les maisons d’habitation. Dans cette même
zone, les parcelles les plus éloignées ne sont plus qu’à moins de 3,5 Km
du village. Par contre dans les zones de Niellé et de Sionhouakaha, les
distances maximales sont devenues plus importantes qu’en 1960 parce
que la disponibilité des terres y rend encore possible la création de
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
123
nouveaux campements. Cependant, de nombreux campements ont vu leur
population s’accroître et sont devenus de véritables villages, réduisant
ainsi la distance moyenne village-parcelle dans l’ensemble de la région
d’étude.
3.5.3 L’accroissement spectaculaire des superficies cotonnières
Une vue générale des statistiques cotonnières, notamment de l’évolution
des superficies affectées au coton depuis les années 60 comme le montre
la figure 2.16, traduit l’importance prise par cette culture et laisse
entrevoir les conséquences sur l’occupation du sol dans la région. Basset
(2002) signale que les données de la CIDT ne sont plus fiables à partir de
1984 parce que, dit-il, les subventions avaient cessé et les paysans ne
déclaraient plus toutes les superficies. Ces derniers auraient utilisé des
doses plus faibles d’engrais sur des superficies plus grandes. Il suppose
alors que les superficies réelles sont sous-estimées à partir de 1984. Le
recours aux séries statistiques de la FAO laisse encore plus perplexe qui
tend à contredire celles de la CIDT.
Sources : CIDT (1995/96 et 1997/98)
y = 6216,8x
R2 = 0,9412
0
50
100
150
200
250
300
60 62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96
Années
Sup
erf
icie
(1
00
0 h
a)
Figure 2.16 : Evolution des superficies de coton en Côte d’Ivoire
Malgré l’imprécision des statistiques, il est possible de voir, comme le
montre la figure 2.16 (données brutes et tendance linéaire), que la
superficie globale de coton en Côte d’Ivoire s’est accrue avec le temps.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
124
Elle est passée de près de 140 ha en 1960/61 à environ 244 000 ha en
1997/98, soit un taux d’accroissement de 22 % par an. De 1960 à 1984, ce
taux a été de 34 % par an contre 4 % par an de 1984 à 1997. Deux
arguments pourraient soutenir ce ralentissement de l’évolution des
superficies : la cessation des subventions aux intrants et la frontière
d’expansion du coton par rapport aux autres cultures au sein de
l’exploitation. Toutefois, il est indéniable que le système vivrier
traditionnel de base en 1960 a été l’objet d’importantes transformations.
3.5.4 La place du coton dans l’assolement
La figure 2.17 donne la distribution relative des superficies développées
pour chaque culture en culture pure et en culture associée : maïs (Ms), riz
pluvial et riz de bas-fond (Ri), igname (Ig), .mil et sorgho (Ml), coton
(Co), fruitiers (Fr) et autres associations (Au). Elle donne la situation
globale des trois zones d’étude.
1711
2 4 5
54
5 2
2732
27
38
0 2 1
0
10
20
30
40
50
60
Ms Ri Ig Ml Ar Co Fr Au
Cultures
Ha (
%)
système avec coton système sans coton
Source: Notre enquête
Ms = maïs ; Ri = riz (pluvial, irrigué) ; Ig = igname ; Ml = mil/sorgho ; Co = coton : Ar = arachide;
Fr = fruitiers ; Au = autres
Figure 2.17 : Distribution relative des superficies toutes associations
confondues selon le système de culture (% ha)
La culture pure du coton qui n’occupait qu’à peine 6 % des superficies
en 1960, occupe actuellement environ 54 % des emblavures toutes
associations culturales confondues (superficie développée), et 57 % des
terres effectivement mises en culture. Ainsi, suite à son extraordinaire
expansion dans le temps et aussi dans l’espace agraire, la culture du coton
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
125
est devenue la principale culture chez la majorité des paysans qui la
cultivent. Chez ces derniers, le maïs vient en seconde place avec 17 % des
superficies, avant le riz qui vient en troisième place avec 11 %. Dans le
système sans coton, le maïs et le riz apparaissent les plus cultivés
occupant chacun environ 32 % à 33 % des terres. L’igname, qui était la
culture principale dans les années 60, continue de perdre de son
importance : elle est de moins en moins cultivée. Son exigence en terre
plus fertile et meuble (obtenue généralement après une longue jachère), sa
méthode de buttage qui reste encore manuelle et pénible, du point de vue
de la plupart des paysans, sa forte sensibilité aux stress hydriques ainsi
qu’aux dégâts des bœufs sont autant de raisons qui peuvent expliquer le
déclin de cette culture. Ajoutant à cela le prix parfois peu rémunérateur et
les difficultés de conservation de l’igname, on comprend pourquoi les
paysans lui accordent une moindre place au fil des années. Le mil et
l’arachide ont encore une importance relative plus grande dans le système
sans coton que dans le système avec coton. On observe également dans le
système avec coton, une légère prépondérance dans la réalisation de
plantations de fruitiers (manguier, anacardier) qui, selon eux, constituent
leurs champs de retraite. Le revenu tiré de la culture du coton ou des
céréales permet d’acheter les plants de manguier généralement greffés ou
les semences sélectionnées d’anacardiers.
Cependant, ces données générales ne rendent pas compte des
particularités des exploitants. Les détails de la distribution des superficies
suivant les catégories d’exploitations précédemment définies sont
fournis : figure 2.18a pour MSLCA ; figure 2.18b pour MALCA ;
figure 2.18c pour CCA ; figure 2.18d pour CCM ; figure 2.18e pour
SCCE et figure 2.18f pour SCIG. Le choix des stratégies de gestion des
exploitations que traduisent les systèmes de culture en présence et les
spécialisations techniques qu’ils nécessitent semblent assez clairement
rendus par ces figures. Dans les systèmes sans coton par exemple, les
SCCE et les SCIG sont bien différents dans leurs options : les premiers
privilégient les céréales, notamment le maïs et le riz tandis que les
seconds s’adonnent beaucoup plus à la culture de l’igname en dépit des
nombreuses contraintes techniques et économiques qu’ils rencontrent. Le
système céréalier, comme le système coton, semble prendre une certaine
avance sur le système à base d’igname dans le processus d’établissement
de cultures pérennes fruitières.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
126
Figure 2.18 a : MSLCA
coton,
37%
maïs,
12%
au , 2%Fr, 2%
riz, 20%
ig, 18%ar, 7%
mil, 2%
coton
43%
au
0%Fr
2%
maïs
22%
riz
15%
ig
3%
mil
8%
ar
7%
Figure 2.18 d : CCM
Fr
6%
au
1%maïs
12%
riz
15%
ig
2%mil
5%ar
10%
coton
49%
Figure 2.18 b : MALCA
maïs
38%
riz
32%
au
3%
Fr
4%
ar
9%
mil
6%
ig
8%
Figure 2.18 e : SCCE
coton
55% mil
4%
ig
1%
ar
5%
riz
10%
maïs
17%Fr
5%
au
3%
Figure 2.18 c : CCA
riz
32%
maïs
23%
ig
35%
ar
8% Fr
1%mil
1%
Figure 2.18 f : SCIG
Figure 2.18a à 2.18f : Assolements suivant les types d’exploitants
Légende : ar = arachide ; au = autres ; Fr = fruitiers ; ig = igname
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
127
Cela peut s’expliquer par la capacité d’investissement relativement plus
importante acquise dans le temps par la commercialisation des céréales.
Ceux qui pratiquent la culture du coton manuellement sans location de
matériel attelé (MSLCA) consacrent relativement moins de terres à cette
culture, soit environ 37 % de l’assolement, que les autres systèmes à base
de coton qui consacrent 44 % à 56 % de la superficie au coton.
L’importance de la culture du coton qui est de 54 % des superficies de
l’ensemble des exploitants qui l’ont adopté, est le fait des paysans en
CCA (figure 2.18c) qui lui consacrent 56 % de leur assolement. Le
tableau 2.9 présente les superficies moyennes emblavées des différents
systèmes de production sur les trois dernières années (2000, 2001 et
2002).
Tableau 2.9 : Importance des superficies totales cultivées suivant les types
d’exploitations
SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Ce tableau éclaire davantage sur l’occupation des terres par les différents
types d’exploitations. Il ressort en effet que la superficie cultivée
augmente avec le degré de mécanisation. Les exploitants qui sont en
culture manuelle sans location de matériel attelé, notamment les MSLCA
et les SCIG, ont les plus faibles superficies. La location de matériel attelé
(MALCA), a permis d’accroître les superficies de près de 20 % par
rapport à MSLCA. Le passage à la culture attelée proprement dite permet
de multiplier la superficie totale par deux voire par trois par rapport à la
culture manuelle (MSLCA). Les exploitants en culture attelée (CCA) ont
deux fois plus d’emblavures que ceux qui louent l’attelage (MALCA). On
peut comprendre, par ce constat, pourquoi les trajectoires d’évolution des
paysans ont le plus souvent conduit à l’acquisition de la culture attelée
MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG
Superficie (ha) 2,65 3,25 7,74 20,5 2,8 2,6
Coefficient de
variation (%) 49,0 52,0 65,0 27,0 82,0 58,0
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
128
dans cette région. La motorisation entraîne un véritable décollage avec un
triplement des superficies par rapport à la culture attelée. Les coefficients
de variation des superficies permettent de faire un constat important : les
superficies moyennes ne sont pas représentatives dans la plupart des cas.
Même chez les exploitants spécialisés en igname, il n’y a pas une taille
standard tout comme chez les producteurs de coton en culture attelée. Le
faible coefficient de variation chez les paysans en culture motorisée
provient du fait qu’il ne sont qu’au nombre de quatre et la variabilité des
comportements est faible. Sur cette base, on peut penser que les
possibilités d’amélioration ou d’ajustement des stratégies de gestion de
l’exploitation sont encore nombreuses dans les autres cas de figure où
l’écart-type est élevé.
Si les cultures du mil et de l’igname ont perdu de leur importance en
termes de superficies occupées et de productions vivrières, c’est bien,
d’une certaine façon, à cause de la culture du coton. En effet, en 1960, le
mil était prépondérant dans la production agricole des zones allant de
Napié à Niellé, passant par Korhogo et Ouangolo. De nos jours, on peut
dire que le mil est en déclin parce que (1) il est une culture
essentiellement de second cycle, semé et démarié au moment du sarclage
du coton en juillet-août, il est récolté en décembre-janvier au même
moment que le coton, (2) il est très sensible aux dégâts des bœufs
transhumants en décembre au moment où sa récolte est différée au profit
de celle du coton, (3) il a peu préoccupé la recherche agronomique et la
vulgarisation, (4) la culture du maïs, culture de premier cycle lui a été
préférée à cause de ses nombreux usages à travers le pays, (5) la bière des
brasseries industrielles concurrence la bière de mil (tchapalo) de
fabrication traditionnelle. Le déclin de la culture d’igname se comprend
par, (1) son travail de buttage manuel, lent, fastidieux et pénible, (2) son
exigence en terre fertile et relativement profonde ou meuble, (3) la
méconnaissance des innovations techniques (intensification, conservation
et multiplication des semences, etc.) de la part des paysans, (4) sa relative
sensibilité aux dégâts des bœufs (sa récolte est parfois retardée par la
méthode de conservation en terre), (5) son prix jugé peu rémunérateur par
les paysans qui le produisent de plus en plus essentiellement pour la
consommation du ménage, (6) les nombreux problèmes post-récolte qui
rendent sa conservation plus difficile que les céréales, etc. Le recul du mil
et de l’igname est une transformation notable des systèmes de culture de
la zone d’étude.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
129
Un autre aspect non négligeable de la transformation des systèmes de
culture imputable au coton est la raréfaction des associations culturales.
Alors qu’en 1960, les cultures pures n’occupaient qu’à peine 20% des
emblavures selon la SEDES (op. cit), il ressort que la tendance s’est
inversée : ce sont les cultures associées qui occupent de nos jours à peine
15 % des superficies. La massive adoption de la culture du coton par les
paysans a aussi entraîné un accroissement des superficies cultivées en
2002 par rapport à 1960. Il en est résulté une raréfaction de plus en plus
accrue des terres cultivables, un raccourcissement de la durée des
jachères, une occupation plus longue de la parcelle par les cultures. Les
engrais chimiques sont de plus en plus utilisés suite à la baisse de fertilité
naturelle des sols. Les herbicides interviennent même dans les parcelles
de culture vivrière comme le maïs ou le riz, en dehors de celle du coton.
Cette adoption de la culture du coton s’est faite dans le temps et dans
l’espace, dans le sens nord sud, des zones à spécialisation céréalière vers
celles spécialisées en igname, des zones à végétation de savanes
herbeuses vers les zones pré-forestières où le défrichement est
relativement plus difficile.
3.6 Le coton modifie l’affectation du facteur travail
Dans son étude de la force de travail en milieu rural africain, Bonnefond
(1980) souligne que l’importance du travail en tant que facteur de
production n’est pas à prouver tant au niveau pratique que théorique.
Toutefois, s’il est indispensable de posséder des données sur le travail en
agriculture, leur recueil s’avère extrêmement délicat et bien souvent
décevant, surtout si on rapporte le temps nécessaire pour les obtenir et les
exploiter à la qualité statistique des données finales (en particulier
l’extrême dispersion des valeurs obtenues, leur très grande variabilité et le
caractère très instable de la moyenne sont souvent difficilement
explicables). Il n’en demeure pas moins vrai qu’on ne peut, au niveau
économique, en rester au stade de la description, du qualitatif ou de
l’approximation, mais qu’il faut s’efforcer de rechercher des données
quantitatives les meilleures possibles, compte tenu du temps et des
moyens disponibles. Les deux grandes saisons climatiques de la région,
pluvieuse et sèche, correspondent généralement respectivement à deux
périodes de forte et de faible intensité de travail. Le calendrier cultural
reste en cela peu modifié depuis 1960, notamment pour les principales
cultures.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
130
L’enquête a permis de relever, pour l’ensemble des actifs agricoles de
trois exploitants de chacun des 6 systèmes de culture (soit 18 exploitants),
le temps de travail par demi-journée de chaque jour du mois. Dans chaque
demi-journée, deux opérations culturales sont notées, celles qui ont
occupé le plus de temps de l’actif. Une distinction est faite entre travail au
sein de l’exploitation (parcelle familiale) et travail hors exploitation. De
même, une autre fiche permet de recueillir le travail reçu de l’extérieur
dans le processus d’entraide ou de salariat. L’observation directe sur le
terrain a été privilégiée. En effet, une fois par semaine, l’enquêteur se
rend sur les parcelles d’une exploitation pour voir et noter sur place ce qui
se fait. Sur le terrain, la levée des parcelles a été faite à la boussole et au
ruban de 50 m. Les superficies ont été ensuite calculées sur ordinateur.
Pour le coton, la production de l’exploitation est facilement connue au
moment de l’achat. Pour les autres cultures, des carrés de
densité/rendement ont servi à avoir une idée de la production.
Toutefois, l’enquête n’est pas exhaustive. En effet, non seulement c’est un
sous-échantillon réduit qui a servi à la collecte des données, mais aussi,
noter seulement deux opérations culturales dans une demi-journée occulte
les autres opérations. Cela peut surestimer le temps de travail réel. Notre
enquête est donc insuffisante pour rendre compte de toutes les
occupations culturales des paysans de façon détaillée.
Cependant, bien qu’imparfaite, cette enquête qui a duré effectivement une
campagne agricole entière, a permis de ressortir les tendances globales
qui autorisent de comprendre la gestion du facteur travail au sein des
différents types d’exploitation en présence. Il a aussi été relevé que le
nombre moyen d’opérations culturales dans la journée est de 2,3 par actif
avec un écart-type de 1,2 opérations. En d’autres termes, nous avons vu
rarement un même paysan réaliser plus de quatre opérations culturales
différentes dans une même journée. Ce constat permet d’ajuster les
données recueillies, sans toutefois atteindre la perfection. Il est donc
possible de donner un aperçu du calendrier agricole et des temps de
travaux.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
131
3.6.1 Le calendrier agricole
Il y a certes de nombreuses variantes de calendriers agricoles qu’on
pourrait identifier au gré des contraintes et atouts de chaque exploitation
tant au cours d’une même campagne que d’une campagne à l’autre. Mais
il est plus intéressant de dégager une tendance globale pour chaque
culture principale. Pour simplifier, quatre groupes d’opérations culturales
sont définis :
la préparation du sol concerne le défrichement, l’abattage, le
débardage, le brûlis et/ou l’écobuage, le labour, le billonnage, le
buttage, etc.,
le semis comprend le travail de pépinière, le semis, le repiquage, le
démariage, la préparation des boutures, le bouturage, etc.,
l’entretien des cultures signifie le sarclage, l’épandage
d’herbicides, l’épandage d’insecticides, la fertilisation minérale
e/ou organique, le désherbage, le buttage, le billonnage, etc.,
la récolte : récolte sous toutes ses formes selon le produit, battage,
vannage, transport, stockage, etc.
Dans la figure 2.19, les colonnes indiquent les mois de janvier à
décembre. Les lignes sont les cultures. Elles sont subdivisées en bandes
correspondant aux quatre groupes d’opérations culturales. Dans chaque
bande, dont la longueur dénote la durée globale moyenne de l’opération,
la partie plus sombre indique la période de pointe de travail. Le mois est
considéré implicitement comme unité de période. Cette figure essaye
ainsi de rendre compte du calendrier cultural dans ses grandes tendances.
Elle repose sur les hypothèses suivantes :
la fin et le début de chaque opération culturale ont été définis par
rapport à la fréquence cumulée de sa réalisation. Cette fréquence est
calculée par le nombre de fois que l’opération est exécutée par
l’ensemble des paysans de l’échantillon,
lorsque la fréquence cumulée atteint environ 10 %, la période
correspondante est notée comme étant le début de l’opération,
la fin de l’opération arrive lorsque la fréquence cumulée atteint
environ 90 %,
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
132
la période où la fréquence absolue d’apparition d’une opération
culturale est supérieure ou égale à la moyenne mensuelle a été
définie comme étant une période de pointe.
Toutes ces hypothèses de calcul sont bien sûr arbitrairement définies,
mais elles contribuent à poursuivre la démarche de description et
d’analyse du système agraire en présence.
Mois
Cultures
Source : Notre enquête
Légende : Préparation du sol : Entretien
: Semis : Récolte
: Période de pointe
Arachide
Mil, sorgho
M
Riz pluvial
Maïs
J F
Riz bas-fond
M JA
Coton
Igname
N DJt A S O
Figure 2.19 : Calendrier de travail des principales cultures de la région
de Korhogo
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
133
L’importance de ce calendrier cultural apparaît dans la détermination des
périodes de forte demande de travail où plusieurs opérations se
superposent pour différentes cultures. La gestion du facteur travail
devient alors un élément déterminant tant pour le choix des cultures, de la
taille des parcelles que de celui de leur emplacement dans l’espace
(surtout la distance village-parcelle).
Comme il fallait s’y attendre, les périodes allant d’avril à octobre
renferment la majeure partie des contraintes de travail de toutes les
cultures. Cette période coïncide avec la période humide. Mais la période
sèche qui est généralement consacrée aux loisirs et aux réjouissances, aux
funérailles et aux séances initiatiques (poro dans le bois sacré) n’est pas
aussi paisible en travail champêtre qu’on pourrait le penser. Elle est
occupée par les récoltes d’igname, du coton, du riz de bas-fond, du mil et
du sorgho. Par ailleurs, la plupart des nouveaux défrichements au titre des
préparations du sol se réalisent en période sèche. Certains paysans
procèdent également au buttage et au bouturage de l’igname tardive.
Il ressort que la culture d’igname requiert des travaux assez étalés dans le
temps. Deux raisons soutiennent ce constat : la durée du cycle de
l’igname est d’environ 6 à 9 mois ; cette culture comporte plusieurs
variétés classées en deux sous-groupes suivant la durée du cycle. Il y a les
variétés précoces et les variétés tardives. Par ailleurs, les variétés dites
précoces ont deux périodes de récolte, la première donne des primeurs
notamment en août et septembre, la seconde donne surtout des semences
pour la saison suivante. Le calendrier de l’igname devient donc étalé
lorsqu’on prend toutes les variétés sous la seule appellation « igname ».
Après l’igname, la culture du maïs a aussi un calendrier étalé dans le
temps. C’est parce qu’elle se réalise en deux cycles, autant dans les bas-
fonds que sur les terres exondées. Les variétés cultivées dans les bas-
fonds se font souvent en contre-saison et apportent une production prisée
par le consommateur.
Le riz de bas-fond se cultive de plus en plus en deux cycles, voire trois
cycles, ce qui entraîne aussi un calendrier assez étendu. Les périodes de
pointe se situent en mai et en septembre (préparation du sol et repiquage),
en décembre et en janvier de la campagne suivante (récolte). Le riz
pluvial, l’arachide et le mil/sorgho sont seulement réalisés presque
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
134
entièrement pendant la période des pluies. Cela peut traduire leur faible
aptitude relative à supporter les stress hydriques par rapport aux autres
cultures.
La culture du coton présente quatre périodes de pointe de travail sur cette
figure. La première se situe dans la période de juin à juillet et concerne les
travaux de préparation du sol, de semis et d’entretien. Or au cours de cette
période, la culture d’igname ne présente pas de contraintes majeures en
travail. Ce sont plutôt les céréales, notamment le riz, le maïs et le mil qui
entrent en compétition avec le coton et cela pour les mêmes opérations.
La seconde se situe en septembre et ne concerne que les entretiens
(notamment les traitements insecticides). Bien que cette période soit
relativement courte, elle est d’une importance capitale du point de vue
agronomique : septembre est le mois le plus pluvieux et les traitements
insecticides contre les ravageurs sont assez difficiles à réaliser sous la
pluie. La troisième se situe en décembre avec la fin des traitements contre
les ravageurs des capsules et des graines de coton et le début des récoltes.
Ces dernières se poursuivent jusqu’en février avec une quatrième pointe
en janvier.
Ce calendrier agricole montre que les paysans sont occupés par les
travaux des champs presque toute l’année. La culture attelée dont
l’introduction est imputable à la culture du coton permet de labourer dès
les premières pluies et de ce fait, rallonge la période globale des travaux
culturaux par rapport à la culture manuelle stricte. Les travailleurs à la
houe doivent nécessairement attendre que les pluies soient bien installées
et surtout que le sol soit bien trempé avant de démarrer la campagne. Le
buttage de l’igname en fin de saison de pluie, en vue du bouturage en
début de campagne prochaine, procède de cette contrainte de travail du
sol à la houe. Cette contrainte ne peut pour le moment être levée à l’aide
de l’attelage et constitue, entre autres choses, les freins à la promotion de
l’igname qui, comme on l’a vu plus haut, perd de son importance par
rapport aux autres cultures.
Ce calendrier a donc permis de situer chaque culture dans le temps et dans
la succession logique des travaux. Mais, il ne donne pas les détails des
ajustements techniques possibles d’un type d’exploitation à l’autre. Les
difficultés de collecte des données n’autorisent pas de relever de tels
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
135
détails qui, d’ailleurs, auraient moins d’importance que la quantité de
travail effectué par les actifs agricoles.
3.6.2 Le temps des travaux agricoles
Pour exprimer la journée ou la demi-journée de travail en temps de
travail, il faut faire un certain nombre d’hypothèses de calcul. En effet, les
deux opérations culturales effectuées dans la même demi-journée ont été
affectées d’une durée identique. Ce qui n’est pas toujours vrai dans la
réalité. Mais, cette démarche, bien qu’approximative, a été préférée à
celle qui consisterait à demander au paysan d’évaluer la durée de son
travail en heures et minutes. Il n’aurait pas non plus été possible de les
suivre avec un chronomètre. Une telle précision serait encore plus
irréaliste même si on fait abstraction de son coût d’opportunité. Les temps
de marche entre le village et la parcelle ou d’une parcelle à l’autre, de
même que les temps de pose pour cuire quelque chose et le manger sont
compris dans le temps de travail. En temps normal, les paysans partent
aux champs au plus tard à 8 heures du matin et sont de retour vers
16 heures, soit une moyenne de 8 heures de travail dans la journée. Par
contre, en période de pointe, déjà à 7 heures du matin, le village est
presque vide, les paysans ne reviennent que vers 17 heures. La période de
pointe comporte donc en moyenne une journée de 10 heures de travail et
enregistre donc 2 heures de travail supplémentaire par rapport à la période
normale. Sur base de ces considérations, la demi-journée dure
respectivement 4 heures en temps normal et 5 heures en période de pointe
de travail. Lorsque deux opérations sont notées dans la demi-journée,
chacune est affectée de la moitié du temps, dans le cas contraire, la seule
opération signalée est supposée avoir effectivement consommé tout le
temps.
Il faut aussi préciser que l’enquête s’est intéressée seulement aux travaux
culturaux et non à toutes les occupations des paysans. Nous pensons qu’il
aurait certainement fallu connaître ou quantifier ces autres occupations
pour mieux appréhender les temps de travaux des champs. Par exemple, il
n’est pas possible de comparer le volume de travail agricole à celui des
autres formes de travail au sein de l’exploitation.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
136
Cette démarche permet donc de se faire une idée de l’affectation du
facteur travail par culture, par opération culturale, selon le type de main-
d’œuvre, et le type de système de culture.
3.6.3 Le travail annuel de l’homme et de la femme
Le volume global de travail au cours de la campagne agricole a été
calculé pour chaque système de production et suivant le sexe. La
figure 2.20 permet de comparer le travail de l’homme à celui de la femme
suivant la spécialisation technique.
48 4642
34
49
6052 54
5866
51
40
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG
Types d'exploitants
Tra
vai
l re
lati
f (%
)
Homme Femme
Source : Notre enquete
MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA : système de
culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec attelage,
CCM : système de culture de coton avec motorisation, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, SCIG : système sans coton privilégiant l’igname.
Figure 2.20 : Travail global comparé de la femme et de l’homme suivant
les types d’exploitants
On peut considérer que le système sans coton et privilégiant la culture
d’igname (SCIG) est le plus proche du système vivrier traditionnel de
base qui prévalait encore en 1960. Dans ce système, l’homme apporte
encore environ 60 % du travail champêtre contre 40 % pour la femme.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
137
Dans ce système donc, l’homme passe plus de temps au champ que dans
les autres systèmes. Le travail de l’igname, on l’a vu, s’étale presque sur
toute l’année, même la récolte et le stockage de l’igname sont des
opérations principalement réalisées par l’homme. Le caractère manuel et
peu performant des outils agricoles qui prévalent dans ce système est
aussi un élément qui peut soutenir ce constat. Le système céréalier est tel
que l’homme apporte 49 % du travail contre 51 % pour la femme. En
effet, après les préparations du sol qui nécessitent des travaux parfois
assez lourds, l’homme réduit ses prestations champêtres et l’apport de la
femme prédomine lors des semis, des entretiens (notamment le sarclage
manuel) et de la récolte. Il suffit, par exemple, d’observer la récolte du riz
qui se fait parfois au petit couteau, épi par épi, en vue de constituer des
bottillons pour comprendre, non seulement la précision des gestes, mais
aussi la patience des récolteuses qui doivent caractériser la lenteur de
cette opération.
Dans les systèmes avec coton (MSLCA, MALCA, CCA et CCM), on
constate que le travail de la femme s’accroît avec le niveau de
mécanisation. Cela autorise d’assumer une partie de l’hypothèse relative
au facteur travail10. Les trois exploitants en culture motorisée par exemple,
bien qu’en nombre insuffisant dans l’échantillon, laissent croire que la
femme apporterait près de 66 % du travail champêtre contre près de 34 %
pour l’homme. Il faut souligner que les travaux généralement réalisés à
l’aide du tracteur et aussi de l’attelage bovin sont limités aux labour,
billonnage et transport des produits. Ces opérations requièrent un temps
relativement réduit par rapport à celles effectuées manuellement et qui
sont réservées aux femmes. Cependant, certains travaux de la femme se
réalisent désormais en un temps plus court que par le passé, grâce à
l’attelage (nous reviendrons sur cet aspect dans le chapitre suivant).
La culture du coton a indéniablement accru le travail de la femme par
rapport à celui de l’homme au sein de l’exploitation. Les travaux de
semis, de sarclage manuel et de récolte du coton sont généralement le fait
de la femme. Pour y parvenir, elle est obligée de maintenir le système
d’entraide communautaire qui, du reste, est de moins en moins pratiqué
10
On rappelle cette hypothèse : « bien que la motorisation entraîne une réduction du
temps de travail par hectare, elle accroît l’effort de mobilisation de la main-d’œuvre et
en plus, augmente le travail de la femme par rapport à l’homme ».
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
138
par les hommes. Déjà dans les années 60, le travail des nouveaux initiés
du poro était de moins en moins systématique dans les champs des aînés
dignitaires du bois sacré. Le travail du fiancé au profit de son futur beau-
père ou de sa future belle-mère était aussi en voie de disparition.
Aujourd’hui, ces formes d’entraide communautaire sont devenues encore
plus rares.
3.6.4 Le temps des travaux culturaux
De façon générale, le temps de travail pour un hectare de toutes cultures
confondues est relativement plus important en culture manuelle qu’en
culture mécanisée. La figure 2.21 le montre assez bien. En effet, les
exploitants en culture motorisée (CCM) mettent deux fois moins de temps
de travail à l’unité de superficie que ceux qui sont en culture attelée
(CCA). La location de matériel attelé entraîne une faible réduction du
travail global chez les MALCA par rapport au MSLCA. L’adoption de la
culture du coton semble se traduire par une réduction du travail total à
l’hectare. Cela peut s’expliquer par le fait que les superficies sont
globalement plus grandes dans les systèmes à base de coton que dans les
systèmes vivriers.
Cette réduction du temps de travail global en présence de mécanisation
s’accompagne d’une réduction de sa pénibilité, d’une part, et d’une
relative rapidité d’exécution, d’autre part. Ces avantages sont largement
soulignés par les paysans pour justifier l’adoption de la mécanisation.
Dans la majorité des cas, il n’est plus question de travailler exclusivement
à la daba et, ceux qui ne peuvent pas s’acheter une chaîne de culture
attelée, procèdent à la location. Mais, il n’y a pas encore de réel marché
de prestation de travail dans le domaine de la traction animale. En
général, c’est lorsque le paysan a fini ses propres travaux de préparation
des terres qu’il essaye de satisfaire la demande de ceux qui attendent qu’il
leur loue ses services. Les paysans qui ont recours à la location du travail
attelé ne sont donc pas réellement en situation confortable. Cela a été
constaté indirectement lors de l’analyse de la trajectoire d’évolution des
types d’exploitations, confirmant qu’il s’agit d’une position transitoire
vers la possession en propre d’une chaîne de culture attelée.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
139
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG
Types d'exploitants
jt/h
a
Source : Notre enquête
MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA : système de
culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec attelage,
CCM : système de culture de coton avec motorisation, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, SCIG : système sans coton privilégiant l’igname.
Figure 2.21 : Temps de travail à l’hectare suivant les exploitants
Malgré la forte réduction du travail par la motorisation, le tracteur n’a pas
connu le succès attendu pour deux raisons principales. La première est
que les difficultés de maintenance pour un bon fonctionnement
mécanique sont évidentes. En effet, les pièces de rechange sont rares et si
elles existent, il faut parfois les commander spécialement de l’Europe. Le
coût de telles pièces devient souvent prohibitif et décourage le paysan
lorsqu’en plus, il doit encore attendre plusieurs mois voire des années
avant de les recevoir. Par ailleurs, la rareté des tracteurs agricoles ne
favorise pas une spécialisation poussée des mécaniciens locaux qui sont
contraints d’apporter un secours approximatif sinon peu efficace en cas de
panne. La seconde raison renvoie aux difficultés que les chefs
d’exploitation rencontrent dans l’effort de mobilisation de la main-
d’œuvre. En effet, la tendance générale est à la nucléarisation de la
famille. Il devient de plus en plus difficile de réunir plusieurs centres de
décision au sein d’une même exploitation comme par le passé. Les actifs
agricoles préfèrent prendre leur indépendance lorsqu’ils estiment que les
conditions matérielles sont réunies de travailler à leur propre compte.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
140
Le passage à des niveaux plus élevés de mécanisation entraîne une
réduction du temps de travail à l’hectare tout simplement parce que les
superficies sont devenues plus grandes que dans les systèmes à faible
degré de mécanisation. L’importance du facteur travail doit plutôt être
recherchée au niveau de la main-d’œuvre familiale. Le tableau 2.10 donne
la distribution du travail annuel moyen par actif agricole et par type
d’exploitation.
Tableau 2.10 : Travail moyen annuel des actifs par exploitation (en
journées de travail par travailleur)
MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG
jt/uth 206 175 210 192 128 246
Ecart-type 56 120 77 31 85 64
Coefficient
variation (%) 27 69 37 16 66 26 Source : Notre enquête
Le temps de travail par actif se réduit en présence de mécanisation certes,
mais la différence des valeurs moyennes n’est pas statistiquement
significative au regard des résultats de notre échantillon. La position
relativement différente des MALCA et des SCCE par rapport à ce résultat
est peut-être conjoncturelle. Par exemple, le système de culture à
spécialisation céréalière est parfois le fait de paysans à famille
nombreuse, ce qui pourrait expliquer la réduction du temps de travail par
actif. Mais, en regardant le coefficient de variation de ces données autour
de leur moyenne, on se rend compte que la tendance se retrouve même
chez les MALCA. Le système de culture basé sur l’igname apparaît donc
comme celui qui demande le plus de travail par actif. On a déjà expliqué
que les parcelles de riz de bas-fond y sont les plus petites. En plus de cela,
la culture d’igname dont le calendrier cultural est largement étalé sur
toute l’année entraîne une forte fréquence de présence du paysan sur les
parcelles. Notre méthode de recueil des données qui n’a tenu compte que
de la demi-journée et non du temps effectif peut avoir abouti à une
certaine surestimation du temps de travail dans le système à base igname.
Ce résultat laisse cependant croire que ce système relève encore d’une
gestion plus approximative du facteur travail que les systèmes cotonniers
et céréaliers. La distribution du travail par hectare et par culture, toutes
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
141
associations confondues, confirme l’importance relative accordée à
chaque culture par les différents types d’exploitants en présence
(figure 2.22).
Source : Notre enquête
0%
20%
40%
60%
80%
100%
MSLCA MALCA CCA CCM SCCE SCIG
Jou
rnée
s d
e tr
avai
l /h
a(%
)
Igname Maïs Mil/sgo Riz pluvial Arachide Coton Autres
Figure 2.22 : Travail relatif par culture suivant le système de culture
4 Conclusion partielle
Dans toutes les zones étudiées, malgré quelques réticences au début,
l’espoir d’accroître le revenu agricole, la présence du moniteur et de
l’administrateur (préfet, sous-préfet) ont été les principales raisons de
l’adoption de la culture du coton par les autorités villageoises. Ces
dernières ont peu privilégié le rôle du coton sur le développement, tout
comme les premiers cadres ou intellectuels des villages ont joué un rôle
insignifiant dans l’adoption de la culture du coton. Sans l’autorisation
préalable du chef de terre, personne ne saurait cultiver tranquillement le
coton dans le terroir du village. La volonté d’améliorer le niveau de son
revenu agricole et la disponibilité de la main-d’œuvre familiale ont
constitué, entre autres choses, les principales raisons de l’adoption de la
culture du coton par les exploitants individuels. Sur une longue période,
bénéficiant d’un système organisationnel crédible, efficient et durable
comme le cas de la CFDT et de la CIDT, le coton s’est imposé comme
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
142
étant la culture principale dans les zones étudiées. On peut donc répondre
à la première question en affirmant que la culture du coton a
effectivement entraîné une adhésion massive des exploitants : ceux qui
l’ont adoptée représentent 95% de l’effectif des exploitants rencontrés.
L’acceptation de la culture du coton dans le terroir et son adoption par les
exploitants ouvrent une nouvelle ère dans le village Sénoufo : elle se
caractérise par la mise en évidence de l’enrichissement personnel et la
réduction du partage avec les autres membres de la communauté. Dès
lors, les exploitants adoptent des stratégies individuelles susceptibles de
leur permettre d’accroître leur revenu. Il en résulte une différenciation des
exploitants tant suivant la culture dominante dans l’assolement que
suivant le matériel agricole privilégié. Les modifications, voire les
changements de stratégies de chaque exploitant au fil des années
entraînent la dynamique du système agraire en présence. On passe de la
houe Sénoufo à l’attelage qui tend d’ailleurs à s’imposer en tant que
matériel agricole privilégié dans les zones d’études en particulier et dans
les zones de savanes en général. Ce changement de niveau de technicité
de l’exploitant, en termes de mécanisation, d’utilisation d’intrants
chimiques et organiques, d’application plus ou moins réussie de paquets
technologiques, traduit sa formidable capacité d’adaptation à l’innovation
et dénote des possibilités d’autoréglage des systèmes de culture observés.
Le processus de location de matériel de culture attelée réalisé « à
l’amiable », mais de plus en plus contre salaire, permet à ceux qui n’en
disposent pas, de réduire tout de même, la pénibilité des labours (faits à la
houe) et du transport des récoltes (à pied). Les exploitants qui ne cultivent
pas le coton ne sont pas indifférents à cette culture, mieux, ils profitent de
sa présence. En effet, ces exploitants ont une certaine propension à
l’usage des engrais chimiques sur leurs cultures céréalières. Certains
parmi eux louent de temps en temps l’attelage en vue de transporter leurs
récoltes au village.
La culture du coton contribue à amplifier et à accélérer de façon plus
décisive, la stratification sociale existante dans les communautés
villageoises concernées. Mais, on doit aussi admettre que son adoption
massive est due au fait que les paysans n’avaient pas d’autres choix pour
bénéficier des conseils agricoles, obtenir des crédits à la production et
espérer accroître leur revenu. La culture du coton a bénéficié d’un soutien
effectif et continu dans le temps et dans l’espace.
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
143
La culture du coton qui occupait moins de 10% des terres dans les années
60, en occupe aujourd’hui en moyenne 54% chez les exploitants qui l’ont
adoptée, dans le cas de notre échantillon. La pratique de la culture pure du
coton représentait seulement 6% des superficies cultivées en 1960. On
peut soutenir que la pratique de la culture pure du coton est la cause
principale de la raréfaction de celle des associations culturales dans les
zones d’étude. La zone dense autour de la ville de Korhogo est encore le
lieu où l’on rencontre les associations culturales les plus diversifiées par
rapport aux zones de Dikodougou et de Niellé. Cependant, la rareté des
terres dans cette zone dense, ajoutée au nombre sans cesse croissant
d’utilisateurs de cette ressource, entraîne un morcellement des parcelles
dont les superficies s’amenuisent d’année en année. L’occupation du sol
se fait alors de plus en plus longue, 6 à 10 ans, par rapport aux zones
moins denses, 4 à 6 ans. La durée de la jachère a été réduite de façon
générale. Elle se situe entre 1 et 3 ans en zone dense de Korhogo et entre
3 et 5 ans dans les autres zones.
Bien que certains observateurs reprochent à la culture du coton ses effets
néfastes sur l’environnement, d’autres, au contraire, lui reconnaissent des
qualités de culture stabilisatrice de l’agriculture ayant un arrière-effet
positif sur les cultures vivrières et sans grand dommage pour
l’environnement. Cependant, nous pensons que cette polémique relative à
l’impact de la culture du coton sur l’environnement et à la durabilité des
systèmes à base coton est encore loin d’être tranchée et qu’elle nécessite
une plus grande attention des recherches agronomiques,
environnementales ou socio-économiques. Les conclusions des études
existantes semblent être tirées parfois à grands traits. En effet, il se
pourrait bien que les produits chimiques utilisés détruisent certains
microorganismes dans l’écosystème mais que cela reste encore à une
échelle imperceptible à l’œil nu au point où ces études ne s’en inquiètent
pas.
L’analyse comparée de l’affectation des temps de travaux permet de
soutenir l’hypothèse que « bien que la motorisation entraîne une réduction
du temps de travail par hectare, elle accroît l’effort de mobilisation de la
main-d’œuvre et en plus, augmente le travail de la femme par rapport à
l’homme »
Chapitre 2 – Dynamique du système agraire
144
La culture du coton a entraîné une prise de conscience chez les exploitants
qui ont accepté de s’organiser en groupements à vocation coopérative. En
créant ces GVC, la CIDT cherchait probablement uniquement à constituer
une structure paysanne qui puisse la relayer en assumant certaines tâches
de l’encadrement, de telle sorte à réduire ses propres coûts de
fonctionnement. Mais, au fil du temps, les GVC ont perfectionné leur
mode d’organisation en se constituant en unions de GVC qui à leur tour
ont formé des faîtières. Le mouvement paysan est même allé plus vite et
plus loin que l’administration que ne l’imaginait le gouvernement et la
CIDT. En effet, la loi coopérative a été promulguée tardivement en 1997,
alors que les faîtières étaient déjà constituées de 1991 à 1995. Cette loi
n’a donc fait que rattraper une situation existante avec le mérite de
conférer à cette dernière, une valeur et un droit juridique.
La longue marche de la culture du coton, depuis son introduction
organisée par la CFDT à partir des années 50, les multiples tentatives
d’amélioration génétique et de vulgarisation par différents organismes ont
certes contribué à accroître la production nationale de coton-graine,
alimentant de nombreuses usines d’égrenage et une usine de trituration,
mais, ont-elles permis aux exploitants d’améliorer leur niveau de vie ? La
réponse à cette question est donnée dans le chapitre suivant.
CHAPITRE 3
IMPACT TECHNIQUE ET SOCIAL
DE LA CULTURE DU COTON
1 Introduction
Suite au chapitre précédent consacré principalement aux transformations
du système agraire, le présent chapitre tente d’approfondir la réflexion sur
l’impact de la culture du coton en essayant de répondre à deux questions :
d’une part, la culture du coton a-t-elle entraîné un progrès technique et
d’autre part, les producteurs de coton ont-ils amélioré leur bien-être ?
Concernant la question de l’accès au progrès technique et à une plus
grande productivité des facteurs de production grâce au coton, il faut
souligner, comme l’ont fait Bublot et Sneessens (1979), que les
techniques sont en progrès d’une année à l’autre lorsque :
une quantité plus grande de produit est obtenue au départ de la
même quantité de ressources,
le même volume de produit est obtenu au départ d’une quantité
moindre de ressources,
une quantité plus grande de produit est obtenue au départ d’une
quantité moindre de ressources, ou
une quantité plus grande de produit est obtenue au départ d’un
volume plus grand de ressources, l’accroissement de celui–ci étant
plus petit que l’augmentation obtenue dans le volume de la
production.
En analysant la répartition du revenu global entre les facteurs, en vue de
discuter séparément l’influence de l’offre d’un facteur et celle du progrès
technique, Hicks (1968) suppose que les facteurs restent employés dans la
même proportion. Dans cette hypothèse, il soutient qu’un progrès
technique est neutre, contrairement à un progrès non neutre, s’il n’affecte
pas le taux marginal de substitution entre les facteurs et que dès lors, le
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 146
rapport de la productivité marginale et moyenne des facteurs, ainsi que le
rapport de leur élasticité restent inchangés.
L’agriculture traditionnelle est en soi le résultat d’un processus de
création et d’adoption de l’innovation dans l’espace agraire et surtout
dans le temps. Le passage du stade de cueillette et de chasse à celui de la
culture et de l’élevage est le résultat d’efforts inlassables de sélection,
d’adaptation et d’adoption d’espèces végétales et animales, par des
expériences empiriques, conservées et améliorées au fil des générations.
Les progrès réalisés dans le secteur agricole sont des changements
apportés par les agriculteurs au processus de production et à la gestion de
leurs exploitations en vue d’améliorer leur position personnelle et celle de
leur famille. Ainsi, en termes généraux, l’on peut soutenir que « tout
changement favorable peut être considéré comme un progrès »
(Duquesne, 1965).
Au sens le plus large, l¹innovation est l’adoption d’une nouveauté
(Chauveau et al., 1999). Le terme d’ « innovation » s’est superposé ou
s’est substitué à celui de « vulgarisation » depuis les années quatre-vingt.
Plusieurs auteurs témoignant de cette diffusion du terme « innovation »
sont, parmi d’autres, Eldin et Milleville (1989), Couty (1991), Treillon
(1992) et Olivier de Sardan (1995 a et b). Introduire et faire adopter une
nouvelle variété de culture, une nouvelle formule de fertilisant ou de
pesticides, une nouvelle technique culturale par exemple, a toujours été la
principale préoccupation des organismes de recherche et de
développement agricole, notamment dans les pays en voie de
développement (PVD), comme c’est le cas en Côte d’Ivoire. Depuis 1974
jusqu’à nos jours, les moniteurs et/ou les conseillers agricoles de la CIDT
ont utilisé et utilisent encore le terme de « mots d’ordre », pour indiquer
les « alternatives technologiques » qu’ils proposent au paysan. Leur
préférence de ce terme de « mot d’ordre » traduit surtout un ordre rigide,
indiscutable, donné au paysan, de pratiquer « la meilleure méthode mise
au point pour son bien», renfermée dans un paquet technologique.
C’est dans cet ordre d’idées que, d’entrée de jeu, la culture du coton a été
introduite avec un paquet technologique comprenant notamment des
semences améliorées, des produits chimiques (engrais, insecticides et
herbicides), des itinéraires techniques et de nouveaux matériels de culture.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 147
Il est intéressant d’analyser, à la lumière de théories appropriées et
éprouvées, l’impact technique de la culture du coton suite à :
l’emploi des produits chimiques industriels ou artisanaux et qui
relèvent d’un progrès biologique,
l’amélioration des techniques de travail dans l’ensemble par le
savoir-faire du paysan,
l’utilisation d’outils de travail plus performants qui traduit le
progrès mécanique.
2 Impact technique de la culture du coton
2.1 Le coton ouvre la voie au progrès biologique
Un progrès de type biologique a pour effet d’augmenter, dans le cas de la
production végétale, le potentiel de rendement de la plante cultivée. Au
niveau de la production végétale, Bublot (1974) souligne que le progrès
biologique consiste essentiellement dans : l’emploi de fumures plus
adéquates et mieux équilibrées, la lutte contre les maladies, la sélection
des plantes. On peut ajouter à cela, l’utilisation raisonnée de pesticides.
Utilisant le concept de métafonction, Hayami et Ruttan (1971) ont émis
l’hypothèse que le progrès technique se manifeste par un glissement de la
fonction de production suite à des recherches encouragées par la nécessité
d’accroître la rentabilité du facteur de production le plus rare.
Cette hypothèse peut s’appliquer au processus de production de la culture
du coton en Côte d’Ivoire. Certes, le facteur terre n’est pas encore limitant
chez la majorité des exploitants en zones cotonnières. Cependant, l’on
tend inexorablement vers la raréfaction de la terre avec l’accroissement
démographique et surtout avec la pression sur les terres cultivables. On
peut supposer que c’est par anticipation que, depuis les années 60, le
vulgarisateur tente de promouvoir les méthodes de stabilisation des
systèmes de culture, dans un esprit de durabilité du système d’exploitation
à base de coton.
Dans la figure 3.1, l’abscisse dénote la quantité d’intrants chimiques par
unité de superficie cultivée et l’ordonnée, le rendement de la culture du
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 148
coton par unité de superficie ; Fo, la courbe de réponse d’une variété
traditionnelle de coton, soit Vo, à différentes doses d’engrais au temps to ;
F1, la courbe de réponses d’une variété améliorée de coton, soit V1, au
temps t1.
Dans la période to, on considère que le prix des intrants chimiques est plus
élevé que celui du coton-graine. Le rapport de prix Po1 est donc faible et,
compte tenu de sa contrainte budgétaire, l’exploitant réduit la quantité
d’intrants utilisés. En conséquence, il obtient un rendement de niveau A
sur la courbe Fo. Lorsque le prix des intrants diminue par rapport à celui
du coton-graine, c’est l’inverse que l’on observe : le rapport de prix étant
plus élevé (P1 > Po), l’exploitant augmente la quantité d’intrants à
l’hectare (Qb > Qa) et en réponse, le rendement augmente, passant du
point A au point B. Ce niveau de rendement B est situé à l’optimum de la
fonction de réponse du cotonnier relativement à la quantité optimale
d’intrants Qb sur la courbe Fo. Cela signifie que, pour une même variété
de coton, lorsque le rapport de prix entre le coton-graine et les intrants est
élevé, il est plus intéressant et recommandé d’utiliser une plus grande
quantité de ces intrants. Mais, ces intrants ne doivent pas excéder la
quantité optimale Qb pour laquelle l’on obtient un rendement optimum.
1 Po est le rapport du prix du coton-graine au prix des intrants.
Figure 3.1 : Illustration de la métafonction de production de coton Sources : Adapté de Hayami et Ruttan, 1971.
Source : adapté de Hayami et Ruttan, 1971
Qb Qc Qa Engrais (kg/ha)
B
C
Fo A
F
F1
P1
P1
Po
Pro
du
ctio
n d
e co
ton
kg
/ha
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 149
En effet, au-delà de cette quantité Qb, toute unité supplémentaire
d’intrants épandus entraînerait une diminution de la production : cela se
traduit par l’infléchissement de la courbe Fo (frontière de production) au-
delà du point B.
La politique de subvention aux intrants pratiquée par la CFDT, puis par la
CIDT avec l’appui du gouvernement, avait sans nul doute pour but d’en
encourager une plus importante utilisation par les producteurs de coton.
Le vulgarisateur conseillait aux exploitants d’employer la quantité
optimale d’intrants, obéissant ainsi lui-même, aux recommandations de la
recherche agronomique.
Cette recherche cotonnière s’est toujours poursuivie, avec pour objectifs,
entre autres choses, la mise au point d’une variété susceptible d’avoir un
potentiel de production suffisamment élevé et, la réduction des coûts des
intrants par la réduction des doses efficaces. La diminution du coût des
intrants augmente le rapport de prix au profit du coton-graine et
encourage leur emploi par les exploitants. Par la théorie de Hayami et
Ruttan (op. cit.), on explique assez clairement que la recherche
agronomique peut trouver une telle variété de coton. En effet, dans la
figure 3.1, l’emploi d’une plus grande quantité d’intrants, soit Qc au
temps t1, permet le glissement de la fonction de production de Fo à F1. Sur
cette nouvelle frontière de production (F1), Qc permet d’atteindre un
niveau de rendement C. On constate que ce niveau de rendement C est
plus élevé que B, alors que le rapport de prix entre le coton-graine et les
intrants reste identique, soit P1, suite à la réduction des coûts de
production. Cette nouvelle variété (V1) sera alors préférée à l’ancienne
qui ne sera plus vulgarisée.
Le passage du point A au point B sur la fonction de production Fo se fait
donc pour une même variété de coton, Vo au temps to, répondant à des
doses croissantes d’intrants. Par contre, le passage de la fonction de
production Fo à la fonction de production F1, respectivement de to à t1, se
réalise grâce à la mise au point d’une nouvelle variété, V1. Cette V1 est
capable de transformer une plus grande quantité d’intrants en une
production plus importante. La courbe enveloppe F (en pointillés) dans la
figure 3.1 qui relie les courbes Fo et F1 et qui donne l’allure globale des
réactions possibles des différentes variétés de coton aux différentes doses
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 150
d’intrants, du temps to au temps t1, est appelée une métafonction de
production (Hayami et Ruttan, op. cit.).
Sur le terrain, l’expérience montre que la CFDT et la CIDT ont parfois
prolongé les activités de recherches agronomiques par des
expérimentations dites en vraie grandeur, avec des champs témoins
laissés à la responsabilité des exploitants. Plusieurs variétés de génotypes
différents étaient alors proposées aux exploitants. Ces derniers n’avaient
pas le choix de la variété de coton. D’une période à l’autre, le changement
des variétés de coton proposées par le vulgarisateur traduisait son souci
d’en trouver au moins une qui ait un niveau de rendement effectif le plus
élevé possible en réponse aux conditions pédoclimatiques du milieu, aux
doses d’intrants et aux itinéraires techniques recommandés. En 1985 par
exemple, quatre variétés différentes (G7, ISA 319A, ISA 319C, et ISA
266A) étaient proposées à différents groupes d’exploitants de la région de
Korhogo, tandis que dans une autre région, celle de Mankono, une autre
variété (ISA 205K) était proposée à d’autres paysans.
Dans la figure 3.2, sont représentées d’une part, la courbe d’évolution du
rendement de la culture du coton d’une campagne agricole à l’autre et
d’autre part, la courbe de tendance sur longue période. Chaque point de
cette courbe de tendance représente le rendement moyen de la culture du
coton, sur le plan national, pour une campagne agricole donnée, en liaison
avec les campagnes agricoles antérieures, sans tenir compte des
conditions climatiques et socio-économiques qui ont prévalu. La courbe
de tendance qui élimine ainsi les effets conjoncturels de la production sur
le long terme, rend compte, mieux que la courbe des valeurs courantes, de
l’évolution globale du rendement.
Cette évolution globale du rendement a une allure proche de la courbe de
métafonction représentée dans la figure 3.1, à la différence qu’elle est
établie simplement en fonction du temps et ne renseigne pas sur les
quantités d’engrais utilisées au cours de chaque campagne agricole.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 151
y = 253,4Ln(x) + 320,26
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1961
1964
1967
1970
1973
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
Années
Ren
dem
ent
(kg
/ha)
Sources : A partir des données de la CIDT, 1995, et de FAO, 2002
Figure 3.2 : Evolution du rendement en coton-graine
en Côte d’Ivoire (kg/ha)
Les données des statistiques cotonnières ivoiriennes ne donnent pas une
estimation claire de ces quantités d’engrais. Mais, à partir de plusieurs
données de la CIDT, de la CFDT (superficie totale de coton fumée,
quantité d’engrais vendue aux paysans, dose conseillée d’engrais à
épandre à l’hectare) ainsi que de plusieurs auteurs (Bygot, 1984 ; Basset,
2002), il a été possible d’établir le tableau 3.1. Deux types d’engrais sont
vulgarisés :
l’engrais de fond, NPK (10-18-18 ou 15-15-15-6-1 ou 10-15-18) à
épandre au moment du labour ou au plus tard 15 jours après le
semis du coton. La dose conseillée pour le cotonnier se situe entre
150 kg/ha et 200 kg/ha suivant les types de sols et,
l’engrais de couverture, Urée, titrant 46% d’azote, à épandre 30 à
45 jours au plus tard après le semis. Il est conseillé d’épandre
l’Urée à une dose située entre 50kg/ha et 75kg/ha pour le
cotonnier.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 152
Tableau 3.1 : Evolution de la dose moyenne de NPK, d’Urée et du
rendement en coton-graine (kg/ha)
Période NPK (kg/ha) Urée (kg/ha) Rendement
(kg/ha)
1961 à 1970 120 35 739
1971 à 1980 170 42 1 070
1981 à 1990 185 45 1 258
1991 à 2002 190 46 1 163 Sources : adapté par l’auteur à partir de diverses sources (Rapports d’activité de la
CFDT, 1970 ; Rapport d’activité de la CIDT, 1984 à 1996, Bygot, 1984,
Basset, 2002).
L’épandage d’urée coïncide avec plusieurs autres travaux agricoles :
sarclage et épandage d’insecticide pour la culture du coton, semis ou
sarclage du maïs, semis du riz pluvial et sarclage de l’arachide. Il en
résulte que la dose conseillée d’Urée est rarement atteinte par les
exploitants.
La CIDT conseille d’appliquer les insecticides de façon systématique. Il
faut réaliser au total 5 à 7 traitements à intervalles de 14 jours à partir du
45ème
jour après le semis. Les produits utilisés sont généralement à
épandre à faible volume à raison de 1l/ha et par traitement.
La figure 3.3 présente une synthèse de la figure 3.2 et du tableau 3.1 en
tenant compte de l’évolution du rendement par rapport à la quantité
d’engrais. En restant modeste et réservé quant à la qualité de ces données
statistiques, on a préféré prendre une moyenne du rendement de la culture
du coton sur des périodes de 10 ans. L’objet de la démarche est
essentiellement de comprendre la tendance générale.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 153
80
100
120
140
160
180
200
1961 à 1970 1971 à 1980 1981 à 1990 1991 à 2000Périodes
Do
ses
de
NP
K (
kg
/ha)
600
700
800
900
1000
1100
1200
1300
Ren
dem
ent
(kg
/ha)
Dose de NPK (kg/ha)
Rendement (kg/ha)
Sources : adapté de diverses sources par l'auteur
Figure 3.3 : Courbes d’évolution des quantités de NPK et du rendement
en coton-graine sur périodes de 10 ans (kg/ha)
Tout en gardant à l’esprit d’une part, que le rendement en coton-graine ne
dépend pas seulement des engrais et d’autre part, que seul le NPK nous
sert de fil conducteur de cette analyse (alors qu’il y a aussi l’Urée), on
constate, sur la figure 3.3, que le niveau d’utilisation de l’engrais (NPK)
s’est accru dans le temps, passant de près de 120 kg/ha en moyenne entre
1961 et 1970 à environ 190 kg/ha entre 1991 et 2002. Cet accroissement
de la quantité d’engrais utilisé par le paysan, traduit avant tout, sa propre
conviction que l’engrais a un effet d’entraînement sur le rendement de la
culture du coton. En effet, la faible utilisation de l’engrais en 1960 alors
qu’il était distribué gratuitement au paysan à cette époque, renvoie, selon
nous, à l’insuffisance de la formation et de la prise de conscience du
paysan ainsi qu’à sa faible maîtrise de l’itinéraire technique. Au fil du
temps, le paysan a compris, par la pratique, que l’engrais a un effet positif
sur le rendement. Il l’utilise de plus en plus alors que ce dernier n’est plus
subventionné et qu’il en supporte entièrement le coût.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 154
Il ne serait pas exagéré de dire, en accord avec le modèle théorique
présenté par Hayami et Ruttan (op. cit.), que le paysan en zone cotonnière
ivoirienne fait, lui aussi, un calcul de rapport de prix entre le produit
(coton-graine) et les intrants. Certes, il ne peut quantifier avec précision
l’effet de l’engrais sur le rendement, mais il le perçoit et en est conscient.
Par ailleurs, la figure 3.3 fait apparaître une baisse de rendement de la
culture du coton sur la période 1991 à 2002 par rapport à la décennie
précédente. Cela peut provenir de plusieurs raisons dont les effets réels
restent cependant à quantifier. Il s’agit de :
la qualité approximative des données statistiques cotonnières. En
effet, depuis la crise de la CIDT qui a abouti à la privatisation en
1998, les données statistiques ne sont plus précises,
depuis 1991, les paysans, à travers l’URECOS-CI, pensent pouvoir
assurer la fonction d’encadrement (voir chapitre 1), tandis que la
CIDT pense qu’ils n’en ont pas encore les moyens techniques. Il
existe donc une mésentente entre le mouvement coopératif paysan et
la CIDT. Cela aboutit à une certaine perturbation de l’encadrement
et de l’approvisionnement en intrants,
les paysans sont de moins en moins satisfaits du prix d’achat du
coton-graine fixé par les égreneurs : ils reprochent que, non
seulement le prix ne rémunère pas leurs efforts, mais aussi, il est
fixé trop tardivement de telle sorte qu’ils ne peuvent pas en tenir
compte objectivement pour prendre leur décision de produire.
Au plan microéconomique, les enquêtes réalisées sur le terrain de 1999 à
2002 montrent que tous les paysans cultivant le coton utilisent l’engrais
certes, mais à des doses différentes. Le tableau 3.2 donne le pourcentage
de superficies cotonnières fumées et la dose moyenne d’engrais à
l’hectare suivant les types de paysans précédemment définis.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 155
Tableau 3.2 : Taux d’adoption de la fertilisation minérale (toutes cultures
confondues) suivant les types d’exploitations (% ha semés)
Types d’exploitations % ha coton
fertilisé
% ha total
fumé
Coton manuel sans location d’attelage
(MSLCA)
72
43
Coton manuel avec location d’attelage
(MALCA)
85
55
Coton culture attelée (CCA) 94 69
Coton culture motorisée (CCM) 81 30
Sans coton privilégiant les céréales (SCCE) 0 25
Sans coton privilégiant l’igname (SCIG) 0 12 Source : Notre enquête, 2002
Ce tableau 3.2 fait apparaître trois types de décisions d’utilisation de la
fertilisation minérale par les paysans :
premièrement, de façon globale, les paysans cultivant le coton
appliquent rarement la dose d’engrais recommandée par
l’encadrement : la totalité de la superficie en coton n’est pas
fertilisée. Le taux de fertilisation semble suivre le degré de
mécanisation, probablement par le souci de rentabiliser
l’investissement en matériel mécanique,
en second lieu, les autres cultures sont fertilisées en dehors de
celle du coton initialement visée. Mais, là aussi, les doses
d’engrais conseillées ne sont pas respectées. On peut dire que les
cultures assolées à celles du coton ne profitent pas seulement des
effets résiduels de sa fertilisation, mais qu’elles profitent aussi de
l’effet direct de cette fertilisation,
troisièmement, les paysans ne cultivant pas le coton tentent, eux
aussi, d’utiliser la fertilisation minérale : près de 25 % des
superficies totales de ceux qui privilégient les céréales et environ
12 % des superficies de ceux qui privilégient l’igname. L’igname
n’est pas encore fertilisée pour autant.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 156
L’utilisation de la fertilisation minérale par les paysans qui ne cultivent
pas le coton et qui privilégient la culture d’igname est cependant une
surprise. Aussi, peut-on soutenir que la modernisation des systèmes de
culture se fait aussi en dehors du système à base de coton, laissant croire
que la présence de la culture du coton influence les décisions de produire
de presque tous les exploitants de la zone cotonnière, même de ceux qui
ne cultivent pas le coton.
Certains paysans utilisent quelques quantités de matière organique
comme complément à la fertilisation minérale, notamment ceux qui
disposent d’une charrette bovine et qui, de ce fait, peuvent transporter
plus aisément ce type de fertilisant lourd et difficile à déplacer. L’emploi
de la matière organique est plutôt épisodique et dépend de sa
disponibilité. La matière organique provient généralement des déjections
des bœufs dans des parcs à bétail. Elle ne fait pas encore l’objet de
commercialisation notable. Le compostage a été expérimenté par la CIDT
dans les années 1990, mais, les résultats ne font pas l’unanimité au niveau
des agronomes et ne sont donc pas encore vulgarisés. Pour le moment, les
exploitants utilisent la matière organique comme ils peuvent, parce qu’ils
savent qu’elle a un effet positif sur le rendement.
2.2 Le coton favorise un progrès de savoir-faire
Le progrès de savoir-faire est un progrès inhérent à la personne du chef
d’exploitation et de sa main-d’œuvre familiale. Ce progrès consiste dans
l’ouverture d’esprit, l’amélioration du niveau des connaissances et des
compétences, etc. Il résulte de l’éducation, l’expérience acquise, l’effort
de recherche et de vulgarisation, etc. Il conditionne souvent l’adoption
des autres types de progrès.
Le progrès de savoir-faire réalisé par les paysans se traduit au niveau de
l’exploitation agricole individuelle et sur le plan collectif. Au niveau
collectif, il se traduit par une meilleure organisation de la profession (cas
des coopératives, des unions ou des faîtières de coopératives de
producteurs de coton). Au niveau de l’exploitation agricole individuelle, il
consiste en une amélioration des techniques de culture et d’élevage, des
méthodes de gestion de l’exploitation. L’amélioration des façons
culturales procède d’une certaine ingéniosité de la part du paysan qui, au
fil du temps, et par la pratique, a acquis de l’expérience en développant
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 157
son savoir-faire. Le billonnage, par exemple, est une technique culturale
connue par les paysans des zones de savane longtemps avant
l’introduction de la culture du coton. La faible profondeur de la majorité
des terres de ces zones, ajoutée à l’unicité et la courte durée de la saison
des pluies a dû inciter les paysans à inventer ce mode de préparation du
sol. Le billonnage est parfois fait en début ou à la fin de la saison des
pluies : la terre est encore humide, il est facile d’arracher les mottes de
terre et de les retourner de telle sorte que les herbes soient enfouies. Le
pourrissement de ces herbes permet une certaine restitution d’éléments
fertilisants au sol.
Avec la culture du coton, les parcelles emblavées se sont agrandies,
quelque peu stabilisées et sont parfois débarrassées des troncs et des
souches d’arbres notamment pour faciliter le travail à l’attelage. La
reprise de telles parcelles sur plusieurs années consécutives entraîne des
risques d’érosion. Pour prévenir ces risques, le vulgarisateur a souvent
conseillé de réaliser les billons perpendiculairement à la ligne de grande
pente. La réalisation de plus en plus spontanée et généralisée du
billonnage prévenant l’érosion représente en soi un gain de maturité et de
savoir-faire de la part du paysan. Il est évident que le paysan ne saurait
faire une bonne planification de l’ensemble des opérations culturales dans
le temps et dans l’espace sans son savoir-faire. Ce savoir-faire commande
la précision de l’ensemble des opérations culturales.
L’emploi de matériels de culture attelée illustre encore davantage le
progrès de savoir-faire réalisé par le paysan depuis l’introduction de la
culture du coton. Selon les témoignages recueillis sur le terrain, au début
de l’introduction de la culture attelée en 1975, lorsque le moniteur avait
annoncé pour la première fois, aux paysans du village de Ouamélhoro,
qu’il envisageait leur apprendre de nouvelles techniques associant des
bœufs pour le labour et le transport, nombreux étaient ceux qui lui avaient
rétorqué en rigolant : « depuis quand a-t-on vu un animal travailler la
terre ? Comment une vache peut-elle travailler la terre, elle n’a pas de
doigts pour tenir une houe, elle ne comprend pas et ne parle pas ? ».
Force est de reconnaître qu’après quelques années d’apprentissage, les
paysans ont acquis une bonne maîtrise du travail par l’attelage et le bœuf
est devenu leur compagnon de travail. La transition de la houe à l’attelage
traduit les limites de la première et un changement en termes de progrès
mécanique qu’il convient d’observer et de comprendre.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 158
2.3 Les limites de la houe Sénoufo
Dans les zones cotonnières de Côte d’Ivoire et notamment dans la zone
d’étude, de nombreux témoignages soutiennent qu’en général, l’adoption
de la traction bovine ne s’est pas faite de façon systématique par les
paysans. Cette adoption repose sur de longues années d’apprentissage de
l’utilisation des outils mécaniques. Pour faciliter l’accès des paysans à ce
nouveau type d’investissement productif, une politique de subvention de
la chaîne attelée a été mise en place. L’attelage (une paire de bœufs, une
charrue à soc, une herse, etc.) était cédé aux paysans à crédit,
remboursable en cinq campagnes agricoles. En plus de cela, des
moniteurs spécialement formés devaient assister les paysans dans le choix
des bœufs et la conduite du travail ; des vétérinaires étaient engagés pour
apporter leur assistance dans le suivi et l’amélioration de la santé des
animaux de trait.
Pour comprendre le passage de la houe à l’attelage, il faut souligner avant
tout, avec Leroi-Gourhan (1973), que ce qui importe, n’est pas qu’un
instrument de travail permette l’exercice de la force de travail, mais que
cet instrument soit présenté comme résultant du développement de gestes,
de comportements, acquis ou innés et que ses principes mécaniques en
soient le prolongement. Le succès de l’attelage dans les systèmes de
culture à base de coton est le résultat d’un long cheminement du paysan
dans la quête d’outils de travail plus performants. En zones cotonnières, le
type de sol dominant, caractérisé par une faible épaisseur, avec souvent
présence d’indurations et de concrétions en surface, avait déjà contraint le
paysan Sénoufo, à semer la plupart de ses cultures annuelles sur billons.
Pour confectionner ces billons, il a dû inventer ou adopter une houe assez
spéciale. En effet, alors que les houes utilisées dans les autres régions du
pays ont une lame ayant en moyenne maximum 20 cm de long et 15 cm
de large, la houe Sénoufo, la plus grande jamais utilisée dans le pays, est
dotée d’une lame d’environ 40 cm de long et 20 cm de large.
Cette grande houe Sénoufo a une attaque oblique qui permet, par
percussion, de trancher des mottes de terre et de les retourner. En
observant le paysan confectionner un billon ou une butte à l’aide de cette
houe, on s’aperçoit de la complexité du mouvement d’ensemble réalisé
par son corps et par l’outil. Par un geste vif, le laboureur lève le fer de la
houe au-dessus de la tête et l’abaisse rapidement en dessous de la
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 159
ceinture, tout en en conservant une attaque correcte au sol. Un tel
mouvement permet à la lame de parcourir un espace d’environ deux fois
égal à sa longueur, augmentant ainsi la force résultante. Mais, comme le
souligne Bernardet (1984), la force résultante est identique à celle
développée par le travailleur. Aucune pression supplémentaire efficace
n’est à imprimer à l’outil, une fois qu’il a pénétré le sol, pour qu’il y entre
plus profondément.
La houe permet au paysan d’employer intensivement sa force musculaire,
mais, elle ne lui permet pas de l’accroître mécaniquement. En effet, la
plus profonde pénétration du tranchant de la houe dans le sol par une plus
grande amplitude du geste intensifie la force de travail certes, mais crée
une contrainte : la motte de terre (parfois imbibée d’eau) devient plus
massive et lourde, opposant une force de résistance qui rend difficile son
soulèvement par le paysan. Ainsi, bien que la grande houe permette un
labour ou un buttage efficace, elle présente une limite dans son utilisation
par l’homme : la force nécessaire au soulèvement de la motte de terre est
d’autant plus grande que celle-ci est massive. Une autre contrainte du
labour à la houe vient du fait qu’elle est dotée d’un manche court. En
effet, ce dernier impose une stature courbée au paysan et accroît la
pénibilité de cette opération culturale qui met à rude épreuve les muscles
lombaires et surtout les reins. Avec la houe, la force musculaire du paysan
est donc un élément capital du processus de production. Par ces limites
non exhaustives connues à la houe Sénoufo, le paysan était implicitement
à la recherche d’un outil plus performant. Aussi, l’attelage se présente t-il,
en substance, comme une substitution intéressante, souhaitée.
2.4 La transition vers l’attelage, un progrès mécanique
Le progrès mécanique a pour effet, l’exécution plus facile et plus rapide
des nombreuses tâches qu’implique la venue à existence des productions
agricoles. Dans les années 1975, au début de l’introduction de l’attelage
dans les zones cotonnières ivoiriennes, les disponibilités en terres étaient
encore importantes, mais, la main-d’œuvre était un facteur limitant de la
production agricole. La rareté de la main-d’œuvre ne se mesurait pas par
son prix, puisqu’il n’existait pas de réel marché du travail, mais, plutôt
par l’effort à fournir pour mobiliser cette main-d’œuvre. Généralement, le
paysan privilégie le système qui comporte le moins de risques et si
possible le moins de dépenses monétaires. L’attelage se présentait alors
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 160
comme étant une option technique la moins coûteuse et la plus profitable
pour le paysan, permettant de rentabiliser le facteur travail qui se raréfiait.
L’intensification par l’usage des engrais et des pesticides était certes
encouragée, mais, le vulgarisateur a aussi favorisé une agriculture
extensive par le choix de l’attelage. Il eut d’ailleurs été plus difficile de
procéder autrement, parce que l’augmentation des rendements ou de la
productivité de la terre n’était pas prévisible : elle dépendait aussi bien
des intrants chimiques employés que de l’irrégularité interannuelle de la
pluviométrie et de la faible maîtrise des techniques culturales par la
majorité des paysans d’alors. La figure 3.4 explique, en théorie, ce qui se
passe dans le cas où les efforts à fournir pour obtenir et utiliser la terre,
facteur moins rare, sont plus réduits que ceux du facteur travail, plus rare.
Figure 3.4 : Modèle du progrès mécanique
Tra
va
il (
hj/
ha
)
Pro
du
ctio
n (
kg
/ha
)
Y1
Yo
Ao A1
L1
Lo
O
[ O, M ]
Progrès
mécanique
p1
p1
Vo
V1
V
po
Terre (ha)
Sources : Adapté de Hayami et Ruttan (1998)
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 161
En effet, on voit dans cette figure, qu’au temps t0, la quantité de travail
utilisée est L0. Mais les outils rudimentaires qui prévalent en cette période
permettent de mettre en valeur une superficie limitée, A0. Il en résulte,
toutes choses étant égales par ailleurs, une production globale de coton-
graine équivalente à Y0. On suppose que cette production Y0 est
l’optimum que le système de production puisse atteindre en rapport avec
les matériels rudimentaires qui prévalent. Cela se traduit dans la figure
par l’intersection de la droite des prix P0 (le prix du travail par celui de la
terre) avec la courbe V0 (fonction de production).
Or, il est entendu qu’il est relativement difficile de mobiliser la main-
d’œuvre dans la zone d’étude. Dans ces conditions, l’utilisation d’un
nombre important de travailleurs dotés d’outils rudimentaires n’est
évidemment pas une position enviable. Le progrès technique a donc été
logiquement réalisé dans le sens d’une substitution du capital au facteur
travail. Ce capital sert à l’acquisition de nouveaux matériels, notamment
l’attelage.
Dans la même figure 3.4, c’est l’utilisation de l’attelage bovin, matériel
plus performant que la houe, qui, à une autre période, soit t1, permet
d’aboutir à trois améliorations appréciables dans le système de
production : i) la quantité de main-d’œuvre nécessaire au travail diminue,
passant de L0 à L1 ; ii) la superficie cultivée s’accroît, passant de A0 à A1 ;
enfin, iii) la production de coton-graine augmente, de Y0 à Y1.
L’amélioration des conditions de production et des résultats obtenus se
traduit dans la figure par un déplacement de la droite de rapport des prix
de la position Po à la nouvelle position P1, au temps t1.
La théorie de Hayami et Ruttan (op. cit.) permet ainsi d’expliquer
comment l’attelage permet une moindre consommation du facteur travail
(L1<L0), une plus importante utilisation du facteur terre (A1>A0) et un
accroissement de la production (Y1>Y0). La courbe enveloppe V est un
méta-isoquant montrant comment, au cours du temps, une plus grande
élasticité de substitution entre les facteurs terre et travail se manifeste,
grâce au progrès technique. Elle se traduit, sur la figure, par une relation
linéaire (droite [O, M]) entre ces deux facteurs, représentant
l’accroissement de la production (OY1>OYo).
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 162
Le premier avantage visé par l’attelage est donc de permettre
l’augmentation des superficies emblavées à partir d’une moindre quantité
de travail et d’accroître la production globale de coton-graine. Le second
avantage est de réduire la pénibilité du travail en le rendant plus attrayant,
donnant à l’exploitant la possibilité de mieux se consacrer aux travaux
d’entretien. De ce fait, l’attelage, en tant qu’innovation technique
introduite par l’intermédiaire de la culture du coton, permet d’améliorer
les conditions de vie du paysan. Le travail devient plus agréable et
nécessite moins d’efforts physiques, incitant alors les jeunes à s’y
investir, réduisant l’exode et les migrations des zones cotonnières vers les
villes ou vers d’autres zones rurales.
A la suite de Hayami et Ruttan (op. cit.), on comprend le fondement du
comportement des exploitants en culture mécanisée. On relève trois faits
remarquables :
les exploitants font des efforts pour, non seulement s’acheter une
chaîne de culture attelée, mais aussi maîtriser ce nouveau matériel
de travail et le rentabiliser ;
l’adoption de la mécanisation (attelage et motorisation) et la
location d’outils mécanisés (dans une moindre mesure),
aboutissent à un accroissement de la superficie emblavée ;
la mécanisation permet une réduction notable du temps de travail
par hectare.
On peut dire que sur base des progrès biologique, mécanique ou de
savoir-faire, la production cotonnière s’est accrue au fil des campagnes
agricoles. Il est possible d’analyser les effets du progrès technique sur
l’évolution de la production cotonnière en mettant en évidence
l’importance relative des éléments dont elle dépend.
2.5 Les déterminants de l’évolution de la production
L’analyse des variations annuelles de la production cotonnière amène à
considérer deux types d’effets résultant du savoir-faire de l’exploitant :
d’une part, l’effet-superficie, dépendant principalement du progrès
mécanique et d’autre part, l’effet-rendement, essentiellement imputable
au progrès biologique, toutes choses étant égales par ailleurs.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 163
L’effet-rendement se rapporte à une utilisation plus ou moins massive des
produits chimiques (engrais et pesticides), l’effet-superficie renvoie à une
consommation plus ou moins importante des superficies cultivables. La
mise en évidence des deux effets du progrès technique tant recherché et
véhiculé par la culture du coton devient nécessaire pour réfléchir sur les
perspectives d’une évolution durable du système de production cotonnier.
Pour les campagnes t-1 et t, exprimons la production de coton-graine par
les formules suivantes :
111 ttt RSY (1)
ttt RSY (2)
Avec 1tS et tS , en abscisse dans la figure 3.5a, les superficies cultivées
en coton respectivement au cours des campagnes t-1 et t ; 1tR et tR ,
les rendements correspondants en coton-graine. Les différences entre les
superficies d’une part et les rendements d’autre part, de t-1 à t, sont
exprimées respectivement par :
1 ttt SSS (3)
1 ttt RRR (4)
La différence entre les productions de coton-graine des deux campagnes
consécutives est telle que :
111 ttttttt RSRSYYY (5)
Tenant compte des équations (3) et (4), l’équation (5) devient :
1111 )()( ttttttt RSRRSSY (6)
11 ttttttt SRRSRSY (7)
Dans le second membre de l’équation (7), le premier terme dénote un
effet lié à la variation simultanée du rendement et de la superficie, on peut
l’appeler « effet conjoint » ; le second terme, lié à la variation de la
superficie, est donc un effet-superficie et, le troisième terme, est un effet-
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 164
rendement. Il est possible de transformer l’effet conjoint pour n’obtenir
que les deux principaux effets, de la façon suivante :
11)( tttttt SRRRSY (8)
Intégrant l’équation (4) dans l’équation (8), on obtient :
1 ttttt SRRSY (9)
Dans l’équation (9), le premier terme dépend essentiellement de la
variation de la superficie cultivée de t-1 à t et indique l’effet-superficie ; le
second membre dépend de la variation du rendement et représente l’effet-
rendement. Si l’on fait la somme des différences de productions
constatées des années t-1 à t (t variant de 1 à 42, c’est-à-dire de 1960 à
2002), on peut exprimer d’une part, l’impact de l’accroissement des
superficies emblavées sur la variation de la production de coton-graine,
équation (10) et, d’autre part, l’impact du rendement sur cette même
variation, équation (11), comme suite :
42
1
42
1supt
t t
t
t tt
Y
RSerficieEffet (10)
42
1
42
1 1
t
t t
t
t tt
Y
SRrendementEffet (11)
Cette méthode a été utilisée par Bublot (1974) pour analyser les effets de
la superficie et du rendement sur les variations fondamentales observées
des productions végétales belges de 1950 à 1972. Cependant, Bublot
utilise les valeurs absolues des différences de rendements (dRt), de
superficies (dSt) et de production (dYt) d’une année à l’autre. Or, il est
établit que les valeurs absolues ne rendent pas compte de la variation
réellement observée d’une année à l’autre des superficies ou des
rendements. En effet, la valeur absolue d’une différence est positive et
voile les effets négatifs du rendement ou de la superficie sur la
production.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 165
Figure 3.5a. Mise en évidence des effets du rendement et de la superficie
sur l’accroissement de la production d’une année à l’autre.
Par contre, il faut tenir compte des signes du numérateur et du
dénominateur dans l’interprétation du résultat des équations (10) et (11).
Parce que, si le signe du résultat est positif, c’est que le numérateur et le
dénominateur sont de même signe. Un signe négatif du résultat provient
de ce que les signes sont différents au numérateur et au dénominateur.
A partir des séries chronologiques de superficies cultivées en cotonnier et
de rendements de coton-graine de 1960 à 2002, l’application des formules
(10) et (11) à l’aide du logiciel Excel a donné les résultats illustrés par la
figure 3.5b. On a considéré différentes périodes caractéristiques de
l’évolution des conditions générales de la production cotonnière,
notamment par rapport à l’utilisation des fertilisants, des pesticides et de
l’attelage.
O
Rt
St-1
Rt-1
R
Yt-1=St-1*Rt-1
∆Rt*St-1
∆St*Rt-1
∆St*∆Rt
St
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 166
Figure 3.5b : Evolution de l’importance relative à l’effet-rendement et de
l’effet-superficie sur la production de coton-graine en Côte d’Ivoire
De 1960 à 1973, les rendements sont passés de 500 kg/ha à 980 kg/ha
avec une moyenne annuelle de 730 kg/ha. Ainsi, les rendements au champ
ont presque doublé au cours de cette période, leur effet global restant
relativement élevé, soit 31 %, mais plus faible que l’effet-superficie qui
est de 69 %.
De 1974 à 1984, l’effet-rendement a été amélioré, représentant 34 % de la
variation annuelle de la production de coton-graine. Les rendements en
coton-graine sont passés de 500 kg/ha en 1960 à 1450 kg/ha en 1984, soit
un taux de croissance annuelle de 5,4 %. Durant cette période de 1960 à
1984, les engrais étaient subventionnés, ce qui a certainement favorisé
leur utilisation massive par les exploitants. L’accroissement des
rendements de cette période peut aussi s’expliquer par le fait que les terres
avaient encore un niveau de fertilité naturelle appréciable : les longues
jachères permettaient la reconstitution de cette fertilité. La CIDT qui avait
pris le relais de la CFDT à partir de 1974 mettait un accent particulier sur
l’accroissement du rendement, surtout que pendant cette période, l’engrais
était toujours distribué gratuitement aux paysans. On peut supposer que
les paysans avaient acquis une certaine expérience dans l’application des
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 167
fertilisants grâce aux conseils du moniteur de la CIDT. Mais
l’accroissement des superficies n’était pas non plus négligé. En effet, la
CIDT était aussi préoccupée à étendre l’aire de « conquête » de la culture
du coton dans des zones pré-forestières telles que Dikodougou au sud de
Korhogo.
Depuis 1984, l’effet-rendement n’a cessé de s’amoindrir. En effet, de
1984 à nos jours, les rendements sont passés de 1450 kg/ha à près de 1100
kg/ha, soit une chute annuelle d’environ 1,4 %. De 1999 à 2002, la
production a chuté relativement à une baisse simultanée des superficies
emblavées et des rendements (figure 3.5b). En définitive, de 1960 à 2002,
le rendement a eu un effet cumulé dépressif sur l’évolution d’une année à
l’autre de la production. En d’autres termes, c’est plutôt l’accroissement
annuel des superficies qui explique celui de la production de coton-graine
sur la longue période.
Après leur mise en place, en 1998, les deux sociétés industrielles qui ont
racheté les deux parties privatisées de la CIDT, à savoir La Compagnie
Cotonnière Ivoirienne (LCCI) et Ivoire Coton (IC), n’ont pas pris le relais
dans l’encadrement des paysans, comme cela était initialement prévu dans
les termes du contrat de privatisation. La distribution des intrants a été
relativement perturbée chaque année au cours de cette période : les
semences étaient parfois fournies en quantité insuffisante par rapport à la
demande des paysans, de même que les autres intrants (engrais et
pesticides) quelquefois également distribués tardivement par rapport aux
dates limites d’application. Le bas niveau des prix sur cette période,
ajouté à la situation de crise sociopolitique que traverse le pays depuis
1999 sont des raisons supplémentaires qui soutiennent la réduction des
superficies, la baisse des rendements et en conséquence, la chute de la
production de coton-graine de ces dernières années.
On peut donc dire, par rapport à la présentation théorique de la figure 3.4,
que l’accroissement de la production cotonnière en Côte d’Ivoire repose
beaucoup plus sur un progrès de type mécanique (effet-superficie) que sur
un progrès de type biologique. C’est ce qui se traduit dans la figure 3.5
par l’effet-superficie de 109 % sur la période allant de 1960 à 2002, en
opposition à l’effet-rendement sur la même période. Aussi, malgré les
nombreuses campagnes de formation et d’information des paysans, ces
derniers ne sont-ils pas encore parvenus à réaliser un progrès biologique
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 168
qui puisse soutenir durablement la variation annuelle de la production
cotonnière.
Mais, le faible effet-rendement n’est pas imputable aux seuls paysans. Le
rendement dépend aussi de la qualité des semences (taux de germination),
du potentiel génétique de la semence sélectionnée ainsi que de bien
d’autres variables que les paysans ne peuvent pas maîtriser. C’est le cas
par exemple de la pluviométrie. On a d’ailleurs constaté au second
chapitre que les paysans faisaient un effort de stabilisation de leur
système de production par une plus longue occupation du sol. Or, les
doses d’engrais conseillées aux paysans producteurs de coton sont parfois
les mêmes, sur toute l’étendue du territoire ivoirien, sans tenir compte des
types de sols, ni des types de rotations culturales, ni des durées
d’occupation du sol. Tout cela explique le plafonnement tendanciel du
rendement constaté dans la figure 3.2 plus haut.
Ces résultats, sans être exhaustifs, tendent à interpeller la recherche
agronomique du cotonnier. En effet, on constate que les variétés de
cotonnier disponibles en Côte d’Ivoire transforment difficilement les
intrants en coton-graine, soit qu’il faille changer la qualité et/ou la
quantité de ces intrants, ce qui poserait un problème de reformulation des
types et des doses d’engrais, soit qu’il faille modifier la fonction de
transformation de la plante au niveau génétique. Le plafonnement des
rendements en coton-graine peut aussi être dû à une réduction
tendancielle de la fertilité des terres. Bien que les résultats de nos
recherches ne permettent pas de discuter de ces aspects de façon
approfondie, il est important de les noter afin d’en tenir compte dans la
recherche de la durabilité des systèmes de production à base de coton.
La situation générale constatée au niveau national (figure 3.5b) cache bien
des spécificités entre les zones, les villages et surtout les types
d’exploitations agricoles. Ce constat est mis en évidence par la figure 3.6
pour les quatre dernières années d’observation, de 1999 à 2002, dans les
zones d’étude.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 169
819
35
9281
65
114
-14-40
-20
0
20
40
60
80
100
120
140
MSLCA MALCA CCA CCM
Systèmes de culture
Eff
ets
(%)
Effet-rendement Effet-superficie
Source : Notre enquête, 2002.
Figure 3.6 : Variation de l’effet-rendement et de l’effet-superficie suivant
la spécialisation technique de l’exploitant
Il apparaît que l’effet-rendement est positif et augmente avec le niveau de
mécanisation sauf chez les exploitants en culture mécanisée. Il passe de
19%, chez ceux qui louent le matériel attelé (MALCA), à 35 % chez les
exploitations en culture attelée (CCA). Cela traduit le fait que le
rendement de la culture du coton s’est amélioré notamment chez les
paysans en culture attelée et chez ceux qui, n’étant pas propriétaires d’une
chaîne attelée, labourent néanmoins leurs parcelles en louant ce matériel.
On peut dire que la culture attelée, bien qu’elle favorise un accroissement
de la superficie emblavée, améliore aussi le rendement de la culture du
coton par rapport à la culture manuelle et à la culture motorisée. Dans le
village de Kouniguékaha, en zone dense de Korhogo, on a constaté que
l’effet-rendement de la culture du coton était relativement plus important
que dans les autres villages (Sionhouakaha, Niellé et Ouamélhoro). Les
superficies emblavées en cotonnier étant relativement plus réduites dans
ce village, on peut supposer que les paysans y ont relativement plus de
temps à consacrer aux travaux d’entretien afin de gagner en rendement, ce
qu’ils ne peuvent avoir en superficie.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 170
Dans l’ensemble, nos résultats corroborent ceux, plus généraux, de la
CIDT, relevés dans ses rapports d’activités annuels de 1984 à 1996. Selon
ces rapports, la culture attelée permet un labour plus profond que la houe
manuelle. Pour y parvenir, le paysan en culture attelée a parfois éliminé
les souches et les troncs d’arbres encombrant la parcelle, au point où pour
un hectare, la partie utile est souvent plus grande en culture attelée qu’en
culture manuelle. Toutes choses restant égales par ailleurs,
l’accroissement du nombre de billons par le labour attelé entraîne une
augmentation de la densité de semis à l’hectare et peut entraîner un effet-
rendement relativement plus important.
Le labour motorisé peut être plus profond que le labour attelé et pourtant,
l’effet-rendement y est négatif, du moins, dans le cas de l’échantillon
d’enquête. Selon les constats faits par la CIDT, les rendements en coton-
graine obtenus en culture motorisée sont généralement situés à un niveau
moyen inférieur à ceux obtenus en culture attelée. Il est généralement
reproché aux paysans en culture motorisée, l’insuffisance du niveau de
fertilisation minérale et du niveau de traitement insecticide. Leurs
parcelles de coton sont parfois plus enherbées que celles des paysans en
culture attelée. Le sarclage réalisé à l’aide du tracteur est en pratique plus
difficile que celui réalisé à l’attelage bovin. Il a été constaté que, parmi les
quatre exploitations en culture motorisée de l’échantillon, deux avaient
accru leurs superficies allouées à la culture du coton, respectivement de
près de 25 % et 40 % de 1999 à 2002, en procédant à des nouveaux
défrichements. La baisse des rendements peut être imputable aux
nouvelles superficies non encore dessouchées.
Ces analyses tendent à confirmer l’hypothèse que la culture du coton a bel
et bien entraîné un progrès technique. Le progrès de type biologique reste
d’un niveau relativement plus faible que le progrès de type mécanique,
que ce soit au niveau de l’évolution globale de la production cotonnière
nationale, qu’à celui de l’échantillon d’enquête. On a constaté que l’effet-
rendement en coton-graine a été relativement plus important pendant la
période où les engrais étaient subventionnés. La suppression des
subventions aux engrais, qui signifie aussi l’accroissement de leur coût,
pourrait être une cause de la réduction tendancielle des rendements et de
l’accroissement tendanciel des superficies cultivées.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 171
C’est peut-être parce que le revenu tiré de la culture du coton ne permet
pas de couvrir le coût des engrais que la suppression des subventions à
ces derniers s’est soldée par une baisse de l’effet-rendement par rapport à
l’effet-superficie. Il faut donc vérifier l’hypothèse relative au revenu et
selon laquelle, le surplus de productivité globale en valeur résultant de
l’activité du coton peut être d’un niveau appréciable, mais que dans la
distribution de ce surplus, on peut craindre que le paysan n’en profite pas
assez par rapport aux autres agents économiques de la filière
(intermédiaires, fabricants des fertilisants et des pesticides, fournisseurs,
consommateurs, Etat).
3 La formation du revenu agricole
La rentabilité financière des exploitations agricoles en présence se
comprend d’une part, par rapport aux choix techniques et, d’autre part, au
regard de l’incertitude sur le prix à la production de coton-graine.
L’analyse de la rentabilité financière des différents systèmes permettra de
vérifier notre hypothèse selon laquelle, « le surplus de productivité
globale en valeur résultant de l’activité du coton peut être d’un niveau
appréciable, mais dans la distribution de ce surplus, on peut craindre que
le paysan n’en profite pas assez par rapport aux autres agents
économiques de la filière ».
Il est possible de comparer les exploitations agricoles définies dans la
typologie suivant le critère du revenu monétaire net d’exploitation (RMN)
qui est le revenu net d’exploitation déduit de la valeur de
l’autoconsommation (tableau 3.3).
Le prix des intrants et des productions a été déterminé au prix du marché.
Le marché des produits agricoles autres que celui du coton-graine est
généralement atomisé. Dans l’ensemble, en dehors du coton-graine, il n’y
a aucune organisation garantissant la commercialisation des productions
agricoles vivrières notamment. Les produits vivriers ont un cycle annuel.
Ils sont récoltés durant une période de deux à trois mois. Pour l’igname, la
stratégie de conservation en butte permet un étalement de la récolte sur
trois à six mois. De façon générale, les difficultés de conservation et
parfois le besoin de liquidités, amènent les exploitants à commercialiser
une très grande partie de leur production vivrière pendant la période de
récolte.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 172
Tableau 3.3 : Forme conceptuelle du compte de production/exploitation2
Emplois Ressources
Consommations intermédiaires (CI)
Chiffre
d’affaires
(CA)
Valeur
ajoutée
(VA)
Salaires
Frais financiers (inclus ici dans CI)
Taxes
Revenu brut
d’exploitation
(RBE)
Amortissement
Revenu net
d’exploitation
(RNE)
Autoconsom
mation
Revenu
monétaire
net (RMN)
L’autoconsommation au sein de l’unité d’exploitation familiale est
constituée aussi bien par des produits agricoles que par des produits non
agricoles. Ces derniers sont entre autres choses :
le logement, les cases, les greniers et autres abris qui sont parfois
faits de matériaux locaux (terre, bois, pailles, lianes). Leur coût
d’opportunité est situé par nos enquêtes entre 10 000 FCFA/an et
50 000 FCFA/an,
le bois de chauffe, le charbon de bois dont la valeur moyenne se
situe entre 20 000 FCFA/an et 50 000 FCFA/an dans les villages,
divers autres produits tels que les poteries, les vanneries, etc.
Toutefois, il est difficile d’avoir une connaissance précise de
l’autoconsommation tant en quantité qu’en valeur. On peut cependant en
faire une estimation même approximative en vue d’en tenir compte dans
l’analyse, parce qu’elle est indispensable dans les exploitations agricoles
rencontrées. De façon raisonnable, l’autoconsommation des produits non
agricoles se situerait globalement entre 30 000 FCFA/an et
100 000 FCFA/an selon les exploitations.
2 VA = CA-CI ; RBE = VA-salaires-frais financiers-taxes ; RNE = RBE-
amortissements. RMN = RNE-autoconsommation.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 173
Des estimations similaires sont aussi faites pour divers produits agricoles
autoconsommés qu’on pourrait qualifier de produits mineurs. Ce sont par
exemple :
les légumes divers rapportent de 5 000 à 10 000 FCFA/an, le
grain et la poudre (jaune) du néré sont estimés à environ 2 000 à
5 000 FCFA/an,
la graine et le beurre de karité valent près de 5 000 à
10 000 FCFA/an,
le pois sucré et les autres produits valent environ 2 000 à
5 000 FCFA/an.
On peut donc estimer la valeur des divers autres produits agricoles et non
agricoles entre un minimum de 30 000 FCFA et un maximum de
130 000 FCFA, suivant la taille et les stratégies de l’exploitation. Les
frais financiers sont compris dans la valeur des consommations
intermédiaires (engrais, insecticides, herbicides, etc.) reçues à crédit de la
part des fournisseurs. Le travail d’entraide sociale reçue de l’extérieur a
été comptabilisé comme faisant partie du travail familial. Par contre, le
travail d’entraide fourni par les membres de l’exploitation à l’extérieur
n’est pas pris en compte pour deux raisons : i) cette donnée a été encore
plus difficile à collecter que le travail reçu de l’extérieur, ii) on suppose
que c’est la compensation du travail reçu de l’extérieur. Cependant, le
travail salarié des membres de l’exploitation est considéré lorsqu’il s’agit
de travail à façon avec l’attelage ou le tracteur. Les autres formes de
travail salarié affecté hors de l’exploitation ne sont pas prises en compte
pour trois raisons : i) elles sont difficiles à évaluer par enquête, ii) elles
restent encore marginales et sont le fait des enfants, iii) ce type de travail
n’est pas encore organisé en termes de stratégie de production, le salaire
qui en résulte restant à usage individuel et généralement inconnu du chef
d’exploitation.
La production est nette des pertes au champ. Les pertes au stockage sont
parfois importantes, notamment pour l’igname, mais elles n’ont pas été
mesurées et ne sont pas prises en compte dans les calculs. L’utilisation de
résultats empiriques obtenus ailleurs par d’autres chercheurs au départ de
différents modes de conservation de produits agricoles végétaux donnerait
une illusion de précision à l’analyse. L’autoconsommation comprend les
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 174
semences, la consommation alimentaire de l’exploitation et les dons ou
transferts à l’extérieur. Ces derniers sont parfois importants lorsqu’ils se
font du village vers la ville. Les dons de produits agricoles reçus de
l’extérieur ne sont pas pris en compte, parce qu’ils sont difficiles à
appréhender par enquête et aussi, parce qu’ils compensent parfois les
dons faits par l’exploitant. Il est possible d’esquisser un compte de
production/exploitation de chacun des six types de systèmes de
production précédemment identifiés. Pour rappel, on a :
SCIG : système sans coton privilégiant l’igname,
SCCE : système sans coton privilégiant les céréales,
MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location
d’attelage,
MALCA : système de culture manuelle de coton louant l’attelage
CCA : système de culture du coton avec attelage,
CCM : système de culture de coton avec motorisation.
L’autoconsommation a été estimée à la suite des enquêtes pour chaque
produit : les quantités de produits à consommer sont pesées avant de les
cuire. Le prix moyen annuel du produit autoconsommé est celui auquel le
paysan l’achèterait sur le marché. Le paysan achète du vivrier lorsque son
stock ne lui suffit plus, cela se produit généralement en période de
soudure. Le prix d’autoconsommation est donc plus élevé que celui
auquel le paysan vend le même produit du fait de l’intervention des
commerçants qui jouent un rôle d’intermédiaire entre le consommateur et
le producteur. Le produit d’autoconsommation est obtenu en multipliant
la quantité autoconsommée par le prix d’autoconsommation. Les divers
petits produits agricoles et non agricoles autoconsommés sont pris en
compte, non pas par souci de précision, mais plutôt par souci de clarté de
la méthode. En supposant que toute la production non autoconsommée est
effectivement commercialisée, le produit de vente est la part
commercialisée multipliée par le prix moyen du marché.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 175
3.1 Le revenu des systèmes de culture sans coton
Les systèmes de culture sans coton sont d’une part ceux qui privilégient la
culture d’igname (SCIG) et d’autre part, ceux qui se spécialisent dans la
production céréalière (SCCE). Avec un rendement moyen de près de
7,8 t/ha, une part autoconsommée de près de 3,7 t par exploitation, la
culture d’igname apporte 78 % de la valeur ajoutée totale du SCIG. Avec
une très faible utilisation de fertilisants et de pesticides, les charges
variables sont relativement limitées dans ce système. Il en résulte un
chiffre d’affaires presque identique à la valeur ajoutée. Le taux
d’autoconsommation assez élevé, 56 % du chiffre d’affaires, réduit
substantiellement le revenu monétaire net à une valeur moyenne
d’environ 400 000 FCFA par exploitation. La valorisation de la journée
de travail familial s’élève à près de 2 100 FCFA dans ce SCIG
(tableau 3.4).
Même si le niveau d’utilisation de l’engrais est relativement faible dans ce
système traditionnel à base d’igname, force est de reconnaître la
formidable adaptation du paysan Sénoufo aux nouvelles méthodes de
production agricole et surtout, dans son effort d’adoption du progrès
technique. Ce constat confirme les résultats d’autres chercheurs dont
Chantran (1978), Dupriez et De Leener (1987), dans d’autres contextes de
systèmes traditionnels de production agricole soumis à des
transformations d’origine exogène. On note aussi que ce système
traditionnel de base où le paysan refuse encore de cultiver le coton n’est
plus essentiellement fondé sur l’autosubsistance. En effet, près de 44 %
de la production fait l’objet d’échanges marchands. Cette différence de
niveau de revenu monétaire des exploitations agricoles du système
traditionnel était peu perceptible, dans les années 60, lorsque le surplus
vivrier n’était pas assez bien valorisé financièrement. Mais, avec la
commercialisation du coton qui apportait de l’argent liquide à ceux qui le
produisaient, les paysans du système traditionnel ont eu peu à peu, le
souci de vendre une part de plus en plus grande de leur production
d’igname. Il a été observé qu’il y a bien des cas où, pour résoudre des
contraintes financières, certains paysans ont vendu une part parfois
appréciable de leur réserve alimentaire au moment des récoltes. Ces
derniers se sont souvent retrouvés démunis de vivres pendant la période
de soudure où, malgré eux, ils ont dû s’endetter pour acheter des vivres.
C’est surtout dans le système à base d’igname que ce problème de pénurie
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 176
alimentaire en période de soudure se pose avec beaucoup plus d’acuité,
parce que l’igname, contrairement aux céréales, est difficile à conserver.
Tableau 3.4 : Compte de production/exploitation du SCIG (1 000 FCFA)
Désignation Ig Riz Ms M/S Ar Fr Dana Total
Superficies cultivées (ha) 1,2 1,1 0,8 0,1 0,3 0,0 0 3,5
Chiffre d'affaires 888,1 117,6 46,8 3,3 43,8 1,3 50,0 1 150,9
Coût total des intrants 0,0 5,6 12,0 0,0 0,0 0,0 17,6
Amortissement 3,0
Valeur ajoutée 888,1 112,0 34,8 3,3 43,8 1,3 50,0 1 133,3
Salaire payé 88,0 1,5 1,2 0,0 0,0 0,0 0,0 90,7
Revenu brut 1 042,6
Revenu net 1 039,6
Revenu monétaire net 402,3
Valorisation de la journée de
travail 2,1
Autoconsommation (%)3 56,2
Sources : Notre enquête, 2002
Légende : Ig = igname, Ms = maïs, M/S = mil/sorgho, Ar = arachide, Fr = fruitier,
Cot = coton, Dana = divers produits agricoles et non agricoles
Dans le système de culture sans coton et privilégiant les céréales (SCCE),
le rendement moyen de la culture d’igname est de 5,5t/ha. Le coût de
production est supérieur à ce qui prévaut dans le système à base
d’igname, à cause d’une plus grande utilisation d’intrants et de travail
salarié. Le riz et le maïs apportent environ 60 % de la valeur ajoutée
contre 20 % pour l’igname, confirmant ainsi leur primauté dans ce
système à base de céréales. Le deux systèmes sans coton utilisent des
outils manuels simples et ont en conséquence une dotation aux
amortissements relativement faible, de l’ordre de 3 000 FCFA par an. La
rémunération de la journée de travail se situe à près de 1 800 FCFA dans
3 Le taux d’autoconsommation est le produit autoconsommé divisé par le chiffre d’affaires, en
pourcent.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 177
le SCCE contre environ 2 100 FCFA dans le SCIG. Ces moyennes sont
statistiquement différentes4 au seuil de 5 %.
3.2 Le revenu des systèmes de culture manuelle de coton
L’échantillon d’enquête comportait 8 exploitants représentant ce système
de culture manuelle sans location de matériel attelé (ou MSLCA), en voie
de disparition, comme nous l’avons souligné dans le deuxième chapitre.
Ces exploitations sont peu nombreuses dans la zone d’études. Les 8 cas
individuels faisant partie de l’échantillon d’enquête ont des situations
financières contrastées. La valeur ajoutée moyenne est de 830 000 FCFA
avec un minimum de 450 000 FCFA et un maximum de 1 760 000 FCFA.
Les exploitations qui ont dégagé les valeurs ajoutées les plus importantes
sont celles où les superficies consacrées à la culture d’igname sont
relativement plus grandes. Dans ce système, bien que la culture du coton
occupe la plus grande superficie, c’est plutôt celle de l’igname qui apporte
la plus grande part de valeur ajoutée, soit 43 % contre 24 % pour le coton,
13 % pour le riz qui vient ainsi en troisième position. La culture du coton
occasionne 49 % du coût variable total contre 32,5 % pour l’igname. Le
revenu monétaire net est d’environ 345 000 FCFA, presque identique à
celui du système céréalier et inférieur à celui du système à base d’igname.
La majorité des exploitations composant ce système sont justement issues
de celui à base d’igname. On peut donc dire que leur décision d’adopter la
culture du coton a entraîné une baisse de leur valeur ajoutée. Mais, il faut
souligner que si le revenu de la culture du coton est presque garanti, celui
de l’igname est bien loin de l’être. On garde à l’esprit que les résultats
monétaires obtenus par les différents systèmes à partir des cultures
vivrières sont des estimations qui admettent que la commercialisation est
effective. Les données sur le terrain ne sont pas conformes à cette
hypothèse qui reste cependant valable pour les calculs.
4 Nous avons fait un test de comparaison des moyennes prises deux à deux avec un
risque d’erreur de 5 % dans la table de Student Fisher. Si N1 et N2 sont les séries
étudiées avec pour moyennes respectives 1x et 2x , pour écart-type global S, le t
calculé est obtenu par la formule 21
2121
NN
NN
S
xxt
. Si t calculé est inférieur à
celui de la table au seuil de 5%, alors il n’y a pas de différence significative entre les
deux moyennes.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 178
Les exploitations en culture manuelle de coton mais recourant à la
location de matériels de culture attelée (MALCA) cultivent une superficie
moyenne de 3,6 ha dont 1,8 ha consacrés au cotonnier (tableau 3.5), soit
50 % des emblavures. Les charges variables sont consacrées à la culture
du coton à concurrence de près de 80 % (engrais, pesticides et travail
salarié). La culture du coton contribue à près de 50 % de la valeur ajoutée
des MALCA. Leur revenu monétaire net moyen est d’environ
420 000 FCFA et un taux d’autoconsommation de près de 28 %. La
journée de travail familial est valorisée à raison de 1 700 FCFA contre
1 900 FCFA chez ceux qui ne louent pas de matériels attelés. La part de la
location de matériels attelés a été toutefois difficile à estimer à cause des
relations de parenté ou d’amitié entre les paysans. En effet, il existe
encore de multiples formes d’arrangement entre celui qui reçoit le
matériel en location d’une part et celui qui loue ce matériel d’autre part.
De ce point de vue, on peut dire que le marché de prestation de travail
mécanisé est encore à ses débuts. De façon générale, le labour attelé ou
motorisé d’un hectare est payé entre 15 000 FCFA et 30 000 FCFA au
prestataire. Le bénéficiaire de la prestation est chargé de débarrasser l’aire
de tout obstacle dans la mesure du possible : racines, souches et troncs
d’arbres, etc.
3.3 Le revenu des exploitations mécanisées
Les exploitations en culture attelée (CCA) étaient au nombre de 101 dans
l’échantillon d’enquête. Le tableau 3.6 relate le compte de
production/exploitation de leur exploitation moyenne. La superficie
moyenne cultivée dans ce système est de 8,2 ha dont 56 % affectés à la
culture du coton. On constate, comme dans les autres systèmes à base de
coton, que la part autoconsommée de la production de coton-graine est
pratiquement nulle. De façon générale, le coton-graine est de moins en
moins autoconsommé par les exploitants. Par contre, 60 % de la
production physique d’igname est autoconsommée, contre respectivement
50 %, 40 %, 30 % et 23 % pour le mil et le sorgho réunis, l’arachide, le
maïs et le riz.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 179
Tableau 3.5 : Compte de production/exploitation du MALCA (en 1000 FCFA)
Désignation Ig Riz Ms M/S Ar Fr Cot Dana Total
Superficie occupée (ha) 0,1 0,6 0,4 0,2 0,4 0,3 1,8 0,0 3,8
Chiffre d'affaires 31,1 108,0 52,8 11,1 54,6 10,7 480,5 75,0 823,7
Total intrants 3,0 14,0 8,0 0,0 0,0 0,0 116,0 0,0 141,0
Amortissement 16,0
Valeur ajoutée 28,1 94,0 44,8 11,1 54,6 10,7 364,5 75,0 682,7
Salaire total payé 0,0 13,0 0,0 0,0 0,0 0,0 40,0 0,0 53,0
Revenu brut 629,7
Revenu net 613,7
Revenu monétaire net 420,0
Valorisation de la
journée de travail 1,7
Autoconsommation (%) 28,4
Source : Notre enquête, 2002
Tableau 3.6 : Compte de production/exploitation du CCA (1000 FCFA)
Désignation Ig Riz Ms M/S Ar Fr Cot Dana Total
Superficie occupée (ha) 0,1 0,9 1,4 0,3 0,4 0,6 4,6 0 8,3
Chiffre d'affaires 50,3 162,2 143,5 19,5 83,1 27,3 1 340,6 75,0 1 901,5
Coût total des intrants 3,0 22,0 35,7 5,0 0,0 0,0 300,2 0,0 365,9
Amortissement 95,0
Valeur ajoutée 47,3 140,2 107,8 14,5 83,1 27,3 1 040,5 75,0 1 535,7
Salaire payé 0,0 18,5 12,0 0,0 0,0 0,0 121,0 0,0 151,5
Revenu brut 1 384,2
Revenu net 1 289,2
Revenu monétaire net 1 049,7
Valorisation de la journée
de travail 2,2
Autoconsommation (%) 16,6
Source : Notre enquête, 2002
_____________________________
Légende des tableaux : Ig = igname, Ms = maïs, M/S = mil/sorgho, Ar = arachide, Fr = fruitier,
Cot = coton, Dana = divers produits agricoles et non agricoles
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 180
Les engrais sont appliqués sur presque toutes les cultures principales dans
les systèmes à base de coton sauf sur l’igname pour laquelle les résultats
de la recherche agronomique ne sont pas encore vulgarisés et l’arachide
qui est une légumineuse. La culture du coton absorbe environ 80 % des
charges relatives aux engrais et aussi à la main-d’œuvre salariée. Les
herbicides et les insecticides sont essentiellement appliqués sur la culture
du coton et accessoirement sur le riz et le maïs. De façon générale, les
semences sont rarement achetées sauf pour l’igname dans les
exploitations où cette culture n’est pas prioritaire. La valorisation de la
journée de travail familial se situe à environ 2 200 FCFA dans le CCA,
presque identique à celle du système de production à base d’igname. On
n’oublie pas cependant que les revenus générés par la culture du coton et
dans une moindre mesure par celle des céréales sont effectifs par rapport à
ceux de l’igname.
La culture d’igname génère, à l’hectare, la valeur ajoutée la plus élevée,
soit environ trois fois plus que le coton ou l’arachide, 4 fois plus que le riz
et plus de 6 fois plus que les autres cultures (maïs, mil et sorgho). Cette
tendance reste vraie dans les autres systèmes.
3.4 Les caractéristiques technico-économiques des exploitations
L’analyse de la formation des revenus agricoles à partir des comptes de
production/exploitation permet de chiffrer les principales caractéristiques
sociotechniques des systèmes de production (tableau 3.7).
Il ressort que le système traditionnel de base comprend les paysans ayant
les plus faibles revenus. La production d’igname ne permet pas
d’accroître le revenu monétaire net dans la pratique. En effet, la plus
grande partie de la production d’igname est commercialisée au moment
de la récolte où son prix est le plus bas. Le système à base d’igname
semble plus sécurisant que celui à base de céréales, du point de vue du
revenu monétaire net. Son niveau d’autoconsommation qui est de 56 %
laisse dire qu’il est moins ouvert sur le marché que le système à base de
céréales. Les facilités de conservation du riz et du maïs, notamment dans
des greniers à grains, rendent possible une commercialisation plus étalée
dans le temps, une plus longue présence sur le marché, une possibilité de
négocier les prix d’achat de ces céréales qui, de ce fait, confèrent une plus
grande souplesse aux exploitants. Ceux qui cultivent le coton ont un
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 181
coefficient capitalistique (rapport coût de production au chiffre d’affaires)
d’environ 2 à 4 fois supérieur à celui des paysans des systèmes vivriers
sans coton : ces derniers investissent peu. Il en résulte que la productivité
du capital (inverse du coefficient capitalistique) est relativement plus
élevée dans les systèmes sans coton que dans ceux avec coton.
Tableau 3.7 : Caractéristiques technico-économiques des différents
systèmes de production de la zone d’étude
Caractéristiques Les différents systèmes de production
SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM
Exploitations enquêtées 20 8 8 23 101 4
Nombre UTH/exploit. 2,4 3,3 2,6 2,8 4,6 7,8
Ha/UTH 1,5 1 1,2 1,3 1,8 2,7
JT/UTH 246 128 206 175 210 191
SAU (ha) 9,5 6,6 8,5 11,5 15 36
SAC (ha) 3,5 3,2 3,2 3,6 8,2 21
C.A. (1 000 FCFA) 1 150 692 924 824 1 900 3 680
V. A (1 000 FCFA) 1 133 649 830 683 1 536 3 036
V.A. /ha (1 000 FCFA) 324 203 259 190 187 145
RBE (1 000 FCFA) 1 040 606 736 630 1 384 2 885
RBE/ha (1 000 FCFA) 260 255 280 127 159 123
RNE (1 000 FCFA) 1 040 603 732 626 1 300 2 765
RNE/ha (1 000 FCFA) 260 254 278 127 149 118
RMN (1 000 FCFA) 402 348 346 420 1 050 2 183
RMN/ha (1 000 FCFA) 108 147 131 87 121 93
Valorise JT (1 000F) 2,1 1,8 1,9 1,7 2,2 4,2
Autoconsommation % 56 39 46 28 16 19
Eff
ecti
f d
es e
xp
loit
atio
ns
par
clas
ses
de
RM
N (
10
00
FC
FA
) ≤ 200 7 2 2 4 0 0
201<RMN ≤ 400 4 3 3 8 1 0
401<RMN ≤ 600 6 3 1 7 8 0
601<RMN ≤800 0 0 2 4 10 0
801<RMN ≤1000 2 0 0 0 38 0
1001<RMN≤1200 1 0 0 0 23 0
1201<RMN≤1400 0 0 0 0 8 0
1401<RMN≤2000 0 0 0 0 11 1
2001<RMN≤2500 0 0 0 0 2 3
Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 182
4 Les exigences de la mécanisation
4.1 Le choix de la taille optimale : approche théorique
La figure 3.7, adaptée de Bonnefond (1980), peut contribuer à faire une
analyse théorique du problème posé par le choix de la taille optimale de
l’exploitation en présence de mécanisation. On a vu dans le chapitre
précédent que l’attelage a permis d’accroître les superficies cultivées par
rapport à la culture manuelle. Cet accroissement est supposé provoquer
celui de la production agricole et partant, celui du produit brut ou du
chiffre d’affaires (ΔCA) par rapport au coût des consommations
intermédiaires (ΔCI) de sorte à générer une augmentation de la valeur
ajoutée (ΔVA), puisque ΔVA est la différence entre ΔCA et ΔCI.
Le revenu net d’exploitation comprend une partie en nature qui est
autoconsommée et une partie monétaire. On admet, avec Bonnefond
(op.cit), que la part autoconsommée est généralement constante, là où il
n’y a pas de sous-nutrition : les seuls phénomènes pouvant se produire
lors du développement étant des substitutions suite à des changements
d’habitudes alimentaires par la diversification. La culture du coton étant
essentiellement commercialisée et perçue comme le moteur du
développement, il va de soi que l’accroissement du revenu monétaire qui
ne peut être mesuré qu’en monnaie, est un indicateur intéressant pour
juger des résultats de l’introduction de cette culture dans les systèmes
traditionnels de production agricole.
L’accroissement de la superficie cultivée par l’emploi de l’attelage bovin
est non seulement une nécessité, mais aussi une exigence technico-
économique dans la mesure où les charges nouvelles s’accroissent plus
rapidement que le chiffre d’affaires et entraînent une réduction du revenu
monétaire net par hectare. Le problème se pose donc dans la
détermination de la superficie optimale à emblaver lorsqu’on dispose
d’une chaîne de culture attelée ou, de façon plus globale, lorsque le coût
de production augmente avec la taille de l’exploitation. Dans une vue
théorique présentée par la figure 3. 7, il y a une partie supérieure et une
inférieure ; l’axe des ordonnées indique la superficie (représentée par des
lettres majuscules) et celui des abscisses, la valeur monétaire (en lettres
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 183
minuscules). Toutes les données sont exprimées à l’hectare. Les courbes
représentées dans la partie supérieure de la figure sont celles :
du chiffre d’affaires (CA) qui est la valeur monétaire de la
production (production multipliée par le prix unitaire),
de l’autoconsommation,
du revenu monétaire brut (RMB) qui est la différence entre le
chiffre d’affaires et la valeur monétaire de l’autoconsommation,
des charges ou consommations intermédiaires.
Les courbes représentées dans la partie inférieure de la figure sont celles :
de la valeur ajoutée (VA) ou la différence entre le chiffre
d’affaires et les consommations intermédiaires,
du revenu monétaire net (RMN) qui est le revenu net
d’exploitation diminué de l’autoconsommation
L’autoconsommation étant supposée constante, diminue au fur et à
mesure que la superficie augmente et est représentée par une hyperbole.
Mais, bien qu’elle diminue avec la taille de l’exploitation,
l’autoconsommation ne s’annule pas : l’axe des abscisses est donc
l’asymptote de sa courbe. L’intersection entre cette courbe
d’autoconsommation et celle du chiffre d’affaires intervient (montant
« a ») quand le revenu monétaire brut (RMB ou chiffre d’affaires moins
autoconsommation) est nul. A ce moment, le revenu monétaire net
(RMN) est négatif : cela correspond à la superficie « A » (sur la seconde
partie du graphique). Le RMN devient nul, si le coût de production est
égal au revenu monétaire brut (RMB)/ha et cela à deux moments :
premièrement, si les deux ont des valeurs réduites (montant « b ») pour
une superficie « B » et, deuxièmement, s’ils ont des valeurs élevées
égales au montant « e » suite à la mise en œuvre d’une superficie « E »).
Si le RMB égale l’autoconsommation, cela signifie que le chiffre
d’affaires est le double du RMB (montant « c »).
Le RMN est à son niveau maximal si la différence entre le RMB et le coût
de production est la plus élevée (montant « d », superficie « D »). La
valeur ajoutée est maximale si le coût de production est à son plus bas
niveau possible, il décroît si la superficie augmente et devient nul si le
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 184
coût/ha est égal au chiffre d’affaires à l’hectare (montant « f », pour une
superficie F).
En exprimant ainsi toutes les valeurs à l’hectare, la courbe du RMB tend
asymptotiquement vers celle du CA, tandis que la courbe du RMN tend
de la même façon vers celle de la valeur ajoutée.
Il apparaît dans cette figure que, lorsque la superficie cultivée est égale à
" A " ha, l’exploitation n’est pas viable. En effet, en ce moment-là, la
valeur monétaire de l’autoconsommation est supérieure au chiffre
d’affaires. Lorsque les emblavures se situent entre "A" ha et "B" ha,
l’autoconsommation des membres de l’exploitation est assurée, mais le
revenu monétaire net est négatif et le chef d’exploitation est endetté, parce
que le coût de production est supérieur au revenu monétaire brut. Dans ce
contexte, réduire le niveau de l’autoconsommation en vue de payer les
dettes est un choix qui entraînerait une sous-nutrition au sein de
l’exploitation et serait donc non viable socialement.
Pour une superficie égale à " B " ha ou à " E " ha, l’égalité entre le coût de
production et le revenu monétaire brut entraîne un revenu monétaire net
nul par hectare. Entre ces valeurs de " B " ha et "E" ha, le revenu
monétaire net est supérieur à zéro et l’exploitation est financièrement
viable. Cependant, comme on le constate sur la figure 3. 7, cette viabilité
dépend de la stratégie de gestion de l’exploitant : des charges élevées
(montant « e ») ou réduites (montant « b »), intersections des courbes de
RMB/ha et de charges/ha, annulent le RMN/ha. C’est entre ces valeurs
extrêmes de " B " ha et " E " ha que le RMN/ha atteint son maximum
(pour la superficie de " D " ha). Ainsi, lorsque les charges augmentent
avec la superficie emblavée, phénomène amplifié en présence de la
mécanisation, il se pose généralement un problème de choix de la taille ou
de la superficie optimale à cultiver. Ce problème renvoie à celui de la
planification des objectifs de production du paysan en début de campagne
agricole.
Or, pour réussir cette planification, le paysan doit disposer d’informations
fiables sur les prix des intrants et surtout, sur celui des productions.
L’expérience montre, dans la zone d’étude, que le paysan ne connaît
souvent pas le prix à la production du coton-graine au moment où il
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 185
décide la taille de l’exploitation. De ce fait, cette décision est prise dans
l’incertitude sur le prix et entraîne un risque d’erreur de sa part.
Figure 3.7 : Analyse théorique de la viabilité de l’exploitation en fonction
de la taille
Source : Adapté de Bonnefond (1980)
f
Superficie (ha)
Superficie (ha)
FCFA
FCFA
a
B F
B
c
E
E
b
A
A
VA/ha
Autocons/ha
RMB/ha
RMN/ha
CA/ha
Charges/ha
D
D
F
e
d
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 186
De " E " ha à " F " ha, les charges/ha sont supérieures au RMB/ha, ce qui
signifie que l’exploitation subit des pertes monétaires car le RMN/ha est
négatif même si la valeur ajoutée est encore positive. En cultivant " F "
ha, les charges sont égales au chiffre d’affaires et la valeur ajoutée devient
nulle. Au-delà de " F " ha, chaque hectare supplémentaire accroît les
pertes monétaires puisque la valeur ajoutée négative signifie que
l’exploitant est endetté. C’est donc une taille comprise entre " B " ha et
"E" ha qui conviendrait d’être adoptée par les paysans. Pour maximiser le
RMN/ha, il faudrait cultiver " D " ha et pour optimiser le RMN global
(zone en gris de la figure 3. 7), emblaver " E " ha. L’analyse des résultats
obtenus par les exploitants de l’échantillon d’enquête permet de discuter
ces données théoriques au regard de la réalité du terrain, en plus de ce qui
a déjà été dit.
4.2 Le difficile choix de la taille optimale de l’exploitation
Chez les producteurs de coton, l’importance du revenu monétaire net suit
le degré de mécanisation. On comprend pourquoi la plupart des paysans
en culture manuelle de coton louent du matériel de culture attelée. Cette
stratégie leur permet d’accroître les superficies par rapport à ceux qui sont
en culture manuelle stricte et de ce fait, d’obtenir une plus grande
production de coton. Mais, comme cela a été souligné dans l’approche
théorique, il faut pouvoir choisir la taille optimale de l’exploitation.
La détermination de la taille optimale de l’exploitation est un problème
récurrent que tentent de résoudre les conseillers agricoles de la CIDT et
les exploitants eux-mêmes, au début de chaque campagne agricole. Ce
problème qui se posait déjà en culture manuelle, a été amplifié par
l’introduction de l’attelage bovin et de la motorisation. La superficie
cultivée doit être maîtrisable en termes d’affectation des temps de travaux
compte tenu du calendrier des différentes cultures. La taille des parcelles
doit être décidée par l’exploitant, en relation avec quatre variables
essentielles à savoir :
le nombre et la qualité de la main-d’œuvre dont il dispose,
le matériel agricole et la superficie cultivable dont il peut disposer
au cours de la campagne.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 187
Mais, si la maîtrise de ces quatre variables peut relever de la compétence
ou de la capacité de gestion de l’exploitant, il y a bien d’autres variables
qui imposent une limitation des superficies ensemencées en dessous de
l’optimum et qui, malheureusement, ne sont pas facilement maîtrisables.
Il s’agit entre autres choses :
des contraintes climatiques : le retard ou l’insuffisance des pluies
en début de campagne. Il s’agit là d’une contrainte jusqu’ici
inéluctable dans la mesure où le coton n’est pas encore une culture
irriguée en Côte d’Ivoire. La maîtrise de l’eau échappe totalement
aux exploitants qui sont irrémédiablement soumis aux aléas
climatiques. Il est admis que pour préparer convenablement le sol
et semer dans de bonnes conditions, il faut que les pluies soient
suffisantes pour permettre les labours,
le retard dans l’approvisionnement en intrants ou l’insuffisance de
ces derniers. Pour prévenir cela, les conseillers agricoles
sillonnent tous les villages en vue d’établir, avec l’appui des
organisations paysannes, les prévisions de culture pour la
campagne prochaine. Mais, malgré ces précautions, il y a bien des
cas où certains exploitants ne reçoivent pas les intrants à temps ;
d’autres les reçoivent parfois en quantité insuffisante au regard de
leurs prévisions. Entre autres raisons à cela, on peut citer des
perturbations qui interviennent lors de la conservation ou du
transport des semences,
le retard dans le démarrage de la campagne pour des raisons de
santé voire de décès. Ces mêmes raisons peuvent provoquer une
limitation des superficies cultivées si elles interviennent après un
bon démarrage.
Ces contraintes non exhaustives qui entraînent une réduction de la
superficie cultivée sont autant de données incertaines dont les exploitants
doivent cependant tenir compte. Ils savent qu’une superficie réduite ne
produira pas assez pour couvrir les besoins d’autoconsommation de la
famille, de même, une trop grande superficie posera des contraintes de
temps de travaux. Selon les dires des exploitants, une des raisons du
succès mitigé de la motorisation provient justement des difficultés
résultant du choix de la superficie optimale. La figure 3. 8 donne le nuage
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 188
de points de la distribution des 101 exploitants de l’échantillon d’enquête
en culture attelée (CCA) suivant le revenu monétaire net (en ordonnées)
et la taille des parcelles cultivées (en abscisse et en ha/UTH).
Sources. Notre enquête, 2002.
0
500
1000
1500
2000
2500
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3
Taille (Ha/UTH)
RM
N (
10
00
FC
FA
)
Moyenne RMN=1050
Figure 3.8 : Nuage de points de la distribution des exploitants en culture
attelée suivant le revenu monétaire net et la taille
Ces résultats montrent que le revenu monétaire net s’accroît avec la taille
de l’exploitation, or, celle-ci croît avec le niveau de charges. Ils
concordent assez bien avec les éléments théoriques de la figure 3. 7 et
illustrent l’importance du choix de la taille optimale de l’exploitation,
notamment en présence de mécanisation. En effet, le seuil de pauvreté5 est
situé à environ 160 000 FCFA par an et par personne en âge de travailler
(FAO, op. cit.), les exploitations en culture attelée ont en moyenne
4,6 UTH. Cela signifie que les exploitations dont le revenu monétaire net
est inférieur à 736 000 FCFA vivent en dessous du seuil de pauvreté.
5 La pauvreté est considérée ici sous un aspect monétaire. Mais, le pauvre (celui qui vit dans la
pauvreté) cumule souvent d’autres manques dans ses conditions de vie qui ne sont plus de
quantité, mais de qualité : habitat dégradé, travail précaire, alimentation insuffisante, peu d’accès
aux soins de santé, à l’eau potable, à l’éducation, aux services, aux infrastructures, au débat
politique, etc.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 189
Dans la figure 3.8, on peut constituer 3 sous-groupes selon leurs revenus
monétaires nets moyens :
dans le premier sous-groupe, les exploitants réalisent des
superficies comprises entre 3 et 6 ha et obtiennent un revenu
monétaire net compris entre 380 000 et 660 000 FCFA. Ils sont
en dessous du seuil de pauvreté. La superficie moyenne minimale
conseillée par la CIDT en culture attelée est de 7 ha, dont une
moitié devrait être consacrée à la culture du coton et l’autre, aux
autres cultures. On voit ici que nos résultats tendent à renforcer ce
conseil du vulgarisateur,
dans le second sous-groupe, les superficies varient entre 7 et 10,5
ha par exploitation. Le revenu monétaire net est compris entre
750 000 et 1 300 000 FCFA. Ils sont au-dessus du seuil de
pauvreté. Mais, on voit aussi que parmi ces exploitants, ceux qui
ont une superficie proche des 7 ha ont un revenu monétaire net
inférieur à la moyenne globale du groupe qui est de
1 050 000 FCFA,
le troisième sous-groupe est celui des exploitants en culture
attelée dont on peut dire qu’ils ont un réel succès dans les
villages. La taille de leur exploitation est comprise entre 11 et 14
ha. Le revenu monétaire est compris entre 1 700 000 et 2 300 000
FCFA.
La situation des exploitants en culture motorisée illustre aussi bien le
problème du choix de la taille optimale de l’exploitation. En effet, les
quatre exploitants de l’échantillon d’enquête réalisent des superficies
totales comprises entre 18 et 30 ha. Ils obtiennent un revenu monétaire
net compris entre 2 millions et 2,5 millions de FCA. Ils sont tous au-
dessus du seuil de pauvreté.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 190
5 L’impact socioéconomique du coton
5.1 Le coton accroît les échanges marchands
La valeur ajoutée générée par les différents systèmes de production
participe d’une certaine façon au transfert de ressources vers les autres
secteurs de l’économie. Une de nos hypothèses stipule que la part de la
valeur ajoutée revenant au producteur de coton pourrait s’avérer
insuffisante par rapport aux autres agents de la filière et surtout au regard
des efforts qu’il a fournis pour produire.
Bublot (1974), Bublot et Sneessens (1978) et Roux (1984), pour ne citer
qu’eux, ont essayé de donner une estimation de la distribution du gain de
productivité de l’agriculture dans l’économie, en utilisant la méthode du
« surplus de productivité globale ». La mise en œuvre de cette méthode
nécessite une connaissance précise et exhaustive des quantités et des prix
de l’ensemble des produits et des intrants ou facteurs employés en vue de
la production. Cette méthode ne peut être utilisée dans notre contexte, vu
l’insuffisance des données fiables. A défaut, nous utiliserons des
coefficients ou indicateurs qui, bien que peu robustes, ont l’avantage
d’être assez simples à calculer et surtout, de permettre de caractériser la
distribution des revenus créés par le travail des paysans.
La figure 3.9 donne, pour chaque système de production, une estimation
de deux indicateurs clés. Ce sont :
la part des consommations intermédiaires dans le chiffre d’affaires
(coût des intrants rapporté au chiffre d’affaires),
la part des intrants dans le coût total variable (coût des intrants
rapporté au coût total variable).
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 191
16
3843
68 69
80
17,318,816,78,74,81,5
0
20
40
60
80
100
SCIG SCCE MSLCA MLCA CCA CCM
systèmes de production
%
part des intrants dans le coût total (%)
part des intrants dans C.A.(%)
Source : Notre enquête, 2002
SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Figure 3. 9 : Part des intrants dans le coût total et dans le chiffre d’affaires
suivant les types d’exploitants
Il apparaît que le système vivrier traditionnel à base d’igname (SCIG)
nécessite des coûts de production relativement plus réduits que les autres
systèmes. De ce point de vue, ce système se réalise avec une faible
participation aux échanges marchands. Il peut se reproduire dans le temps
avec un coefficient capitalistique relativement faible et inversement, avec
une productivité élevée du capital. Contrairement à ce système à base
d’igname, les intrants sont de plus en plus utilisés dans les systèmes
céréaliers et surtout dans ceux à base de coton. Cette utilisation des
intrants s’accroît avec le niveau de mécanisation. En effet, les intrants
représentent environ 69 % du coût total de production en culture attelée
contre près de 80 % de ce coût en culture motorisée. Depuis ces dix
dernières années, les engrais (NPK, urée, etc.), les herbicides et les
insecticides payés par les paysans dans la filière coton ont une valeur
moyenne annuelle de près de 20 milliards de FCFA. Le système vivrier
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 192
basé sur les céréales a augmenté ses coûts de production et donc sa
dépendance vis-à-vis des fournisseurs d’intrants et des intermédiaires.
Mais, on constate que dans les systèmes à base de coton, le coefficient
capitalistique est élevé. Plus la culture du coton est importante dans la
formation de la valeur ajoutée, plus les coûts de production sont élevés et
plus le paysan participe aux échanges marchands et contribue, lui aussi, à
la formation du revenu des autres agents de la filière. Le transfert de
ressources créées par les paysans se fait principalement par
l’intermédiaire du prix et de la quantité de coton-graine, d’une part, et des
intrants, d’autre part. Une réduction du prix d’achat de la production
agricole ou une augmentation du prix des intrants d’une année à l’autre
sont des mécanismes aboutissant à la réduction du revenu des exploitants.
De 1968 à 2002, par exemple, on constate (figure 3.10) que l’indice du
prix d’achat au producteur de coton a certes une tendance générale à la
hausse, mais, avec plusieurs années successives de stagnation ou de chute
de ce prix.
Indice prix = 4,0 années + 21,2
R2 = 0,89
0
50
100
150
200
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
Années
Indic
e
Sources : A partir des statistiques de CIDT, 1996 ; Nos enquêtes, 2002.
Figure 3.10 : Evolution de l’indice du prix du coton-graine
en Côte d’Ivoire (1984 = 100)
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 193
Quatre périodes semblent caractéristiques du prix d’achat du coton :
première période : 1960 à 1973. Les prix étaient particulièrement
bas dans les débuts du lancement du programme coton, avec
l’encadrement de la CFDT,
seconde période : 1974 à 1983. La CIDT prend la relève de la CFDT
en 1974, améliore le prix, mais le maintient presque fixe d’une
année à l’autre jusqu’en 1984. Ces deux premières périodes sont
caractérisées par des subventions aux engrais,
troisième période : 1984 à 1993. A partir de 1984, les subventions
sont supprimées, en compensation, la CIDT augmente le prix au
producteur de coton. Mais la chute des cours sur le marché mondial
entraîne une chute du prix intérieur de 1987 à 1990 où la crise
économique ivoirienne devient encore plus difficile à soutenir. La
légère augmentation de 1990 à 1993 ne permet pas d’atteindre le
niveau du prix de 1985. Les paysans entrent en grève et refusent de
vendre leur coton, sous l’impulsion du mouvement coopératif
entraîné par l’URECOS-CI,
quatrième période : 1994 à 2002. La période est marquée par de
nombreux changements sur le plan socioéconomique et politique.
L’augmentation du prix d’achat en 1995 pourrait être liée aux
élections présidentielles intervenues cette année-là. Le mouvement
coopératif devient de plus en plus fort et tente d’influer sur le prix à
la production du coton-graine. La privatisation de la CIDT entre
dans sa phase active en 1998. D’importants changements politiques
interviennent, comme par exemple, le coup d’Etat de 1999, la
transition militaire de 2000, le changement de régime vers fin 2000
et la crise militaro-politique et économique de septembre 2002.
Tous ces événements ont contribué d’une certaine façon à prendre le
problème des paysans avec plus de circonspection. Le prix du coton
est maintenu à des niveaux relativement plus élevés par rapport aux
précédentes périodes.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 194
5.2 La tendance à la perte de revenu des exploitants
L’évolution du prix courant du coton-graine montre bien que le paysan
fait face à une situation incertaine dans la planification de ses objectifs de
production. Le risque semble élevé que, d’une année à l’autre, la valeur
ajoutée de sa production cotonnière diminue, si, entre temps, le prix des
intrants a augmenté.
Il est possible de montrer, à l’aide de formules simples, la variation de la
valeur ajoutée dans une exploitation agricole, d’une année à la suivante,
en tenant compte des quantités et des prix, à la fois de la production de
coton-graine et des intrants.
La valeur ajoutée aux temps t0 et t1 est respectivement donnée par :
00000 XQPYVA (1)
11111 XQPYVA (2)
Avec :
Y0 et P0 qui dénotent respectivement la production et le prix d’achat du
coton-graine de la campagne t0 ; Y1 et P1, ceux de la campagne t1,
Q0 et X0, respectivement la quantité et le prix des intrants en t0 ; Q1 et X1,
ceux de la campagne t1,
La différence de valeur ajoutée obtenue de t0 à t1 est donc :
)()( 00001111 XQPYXQPYVA (3)
Si cette différence (3) est négative, c’est que la valeur ajoutée de la
campagne t1 est inférieure à celle de la campagne t0 et que le paysan a
perdu de l’argent entre les deux campagnes. Dans le cas contraire, sa
situation est soit stationnaire (si la différence est nulle), soit améliorée (si
la différence est positive). On peut appliquer cette formule à l’ensemble
des producteurs de coton et cela, sur deux campagnes consécutives ou
disjointes, ou sur une longue période. Sur le long terme, on voit mieux
l’enjeu de la fixation des prix reçus ainsi que des prix payés par le paysan.
A cet effet, on assume que les formules (1), (2) et (3) indiquent
respectivement la valeur ajoutée générée par tous les producteurs de
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 195
coton-graine aux temps t0 et t1 et la différence des valeurs ajoutées entre t0
et t1. En faisant varier t de 1 à n, le cumul des différences de valeurs
ajoutées des campagnes successives permet de formuler que :
)**()**( 1
1
1
11
t
n
t
ttt
nt
t
nt
t
QXXQYPPYVA (4)
Dans l’équation (4), le premier terme du second membre rend compte de
l’importance de la perte ou du gain de valeur ajoutée due à la variation
des quantités et des prix du coton-graine sur la durée des n campagnes
agricoles, le second terme indique l’effet de la variation de la quantité et
du prix des intrants sur le cumul des différences de valeurs ajoutées des n
campagnes consécutives.
Cette équation a été appliquée aux données du terrain sur une période de
42 ans, de 1960 à 2002. Les prix relatifs comme les quantités relatives des
facteurs et des produits varient en effet au cours du temps, ce qui signifie
que le poids relatif affecté aux variations de quantité et de prix des
différents produits évolue au cours du temps. Plus longue est la période
d’estimation, plus importante est l’incidence de cette évolution sur les
résultats finaux, plus faible est au contraire l’influence exercée par le
choix de la première et de la dernière année. Les statistiques de la CIDT
donnent bien les quantités globales de production de coton-graine, le prix
moyen du kilogramme (de première et seconde qualité) perçu par les
paysans et le prix payé pour obtenir les principaux intrants. Pour illustrer
les propos, on tiendra compte seulement du prix et des quantités de
l’engrais ternaire NPK. A l’aide du tableur Excel, on obtient les résultats
suivants :
)(42
11
42
1
t
t
t
t VAVA - 165 000 000 FCFA (5)
111
42
1
*)(*)(42
1tttttt
t
t
YPPPYY - 108 000 000 FCFA (6)
11
42
1
1 *)(*)(42
1ttt
t
t
ttt QXXXQQ - 57 000 000 FCFA (7)
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 196
Il en sort un constat édifiant. La variation d’une année à l’autre du prix de
l’engrais NPK ainsi que de la quantité utilisée par les producteurs de
coton d’une part, et l’évolution de la production et du prix au producteur
d’autre part, ont entraîné un effondrement de la valeur ajoutée créée par
les paysans. C’est ce qu’indique le signe négatif du résultat de l’équation
(5) qui révèle que les paysans ont perdu annuellement en moyenne
environ 165 millions de FCFA. Cette perte de valeur ajoutée est
imputable à près de 65% aux variations des prix et des quantités de NPK
(équation (6)) et à environ 35% aux variations du prix et de la production
de coton-graine (équation (7)).
Cette perte de valeur ajoutée par les paysans pourrait probablement être
d’un niveau plus important si l’on avait tenu compte de l’ensemble des
intrants (insecticides, herbicides, urée, etc.). On peut donc assumer
l’hypothèse que, par rapport aux autres agents de la filière coton, le
paysan est quelque peu lésé dans le processus de distribution de la valeur
ajoutée qu’il génère par la production de coton-graine. On peut alors dire
que les paysans qui refusent encore de cultiver le coton ne souhaitent pas
rentrer dans ce jeu de transfert de revenu et de dépendance accrue vis-à-
vis des autres agents de la filière. Mais, ces types de paysans rejetant la
culture du coton sont de moins en moins nombreux dans la région
d’étude, de 1960 à ce jour. Dans le village de Sionhouakaha par exemple,
la culture du coton n’a été adoptée qu’en 1998, soit près de 20 ans après
son introduction dans la zone de Dikodougou. Comme Sionhouakaha,
d’autres villages ont longtemps refusé la culture du coton avant de s’y
résoudre, parfois, pour inciter les jeunes à revenir, dans la mesure où ces
derniers avaient déjà émigré pour cultiver le coton ailleurs.
Aussi, est-il aujourd’hui quasi difficile de trouver un village du nord où la
culture du coton n’a pas une quelconque influence sur le comportement
des paysans ou sur l’économie dans son ensemble. C’est peut-être parce
que le coton procure effectivement de la liquidité au paysan qui le cultive.
C’est peut-être aussi pourquoi, bien que les paysans ressentent cette
ponction réalisée sur leur revenu et qu’ils s’en plaignent parfois, on peut
constater que la culture du coton se maintient et mieux, poursuit son essor
dans l’occupation des terres au sein des exploitations. Nombreux sont
d’ailleurs les paysans qui affirment que la culture du coton a influé
positivement sur leur niveau de vie et sur leur perception de l’avenir. On
peut donc dire que la culture du coton a accéléré le passage des
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 197
communautés paysannes des zones d’études, d’une économie de
subsistance à une économie de marché.
5.3 Le coton contribue à réduire le niveau de pauvreté
L’analyse de longue période a révélé une tendance à la perte de revenu
des producteurs de coton. Cependant, l’analyse de la rentabilité des
différents systèmes de production permet de dire que la culture du coton
est un moyen pour le moment indispensable de procurer un revenu
monétaire net appréciable à l’exploitant. Nous avons vu au second
chapitre de cette étude que la culture du coton entraîne une amélioration
significative des connaissances techniques et pratiques du paysan. La
culture du coton a donné au paysan, la possibilité d’accéder aux
techniques d’intensification, notamment par l’utilisation de la fumure
minérale, l’herbicide, l’insecticide, les semences améliorées (de coton,
maïs, riz, igname), à la mécanisation (attelage bovin, motorisation), à un
niveau d’organisation sociale et professionnelle qui accroît son ouverture
vers l’extérieur (coopératives et unions de coopératives agricoles), au
crédit agricole, à l’épargne bancaire, à l’assurance-maladie et l’assurance-
vie, etc. A partir des comptes de production/exploitation, on parvient à
mettre en évidence, pour les campagnes observées, le revenu monétaire
net (RMN) obtenu en moyenne dans les différents systèmes de
production. La figure 3.11 suggère de comparer ces systèmes suivant le
RMN.
Les exploitations en culture manuelle avec ou sans coton obtiennent un
revenu monétaire net moyen inférieur à 500 000 FCFA par campagne.
L’attelage permet de doubler le revenu monétaire net moyen par rapport à
la culture manuelle. La motorisation dégage un RMN qui est 4 à 5 fois
supérieur à celui des paysans en culture manuelle et 2 à 3 fois supérieur à
celui des paysans en culture attelée. On constate donc qu’il y a un
potentiel d’accumulation de revenu de plus en plus élevé au fur et à
mesure que l’exploitation se mécanise ou s’intensifie.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 198
400 350 345430
1050
2200
0
500
1000
1500
2000
2500
SCIG SCCE MSLCA MLCA CCA CCM
Systèmes de production
RM
N (
10
00
FC
FA
)
Sources : Notre enquête, 2002.
SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Figure 3.11 : Distribution du revenu monétaire net moyen dans les
différents systèmes de production
Il a été souligné plus haut que cette moyenne de RMN n’était pas
représentative de chaque type de systèmes. Tout en gardant à l’esprit que
le revenu tiré des cultures vivrières n’est pas toujours effectif, les résultats
en présence permettent de supposer que des paysans en culture d’igname
pourraient être les plus riches, au regard de l’importance de leur chiffre
d’affaires. Or, l’expérience montre que c’est justement le contraire. Parce
que, si le système à base d’igname ou celui à base de céréales
permettaient au paysan d’accumuler le capital, étant donné que ces deux
systèmes prédominaient au moment de l’introduction de la culture du
coton, celle-ci n’aurait probablement pas été adoptée à une si grande
échelle. Ce n’est certainement pas par hasard que la plupart des paysans
rencontrés affirment que la culture du coton est plus rentable pour eux
que les autres cultures. L’argent liquide que le paysan est assuré d’obtenir
chaque année par la vente de sa production de coton-graine, lui permet de
prendre certains engagements sociaux et d’améliorer sa vie au quotidien,
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 199
mieux que celui qui privilégie le système vivrier. A ce propos, le rejet de
la culture du coton sous le prétexte qu’elle ne se mange pas ne trouve plus
son fondement. Ce qui explique d’ailleurs l’adhésion massive des paysans
jusque dans les villages où les chefs coutumiers étaient les plus
résolument opposés à la pratique de cette culture dans leur terroir.
L’accumulation du capital en milieu paysan peut se traduire sous diverses
formes. A la faveur d’un climat de confiance qui s’était créé entre les
paysans, les enquêteurs et nous, les premiers ayant compris et adhéré aux
objectifs et méthodes de l’étude, il a été possible d’obtenir des
informations qui sont parfois à caractère relativement sensible. C’est le
cas, en dehors de l’autoconsommation du ménage, de quelques
indicateurs qui, bien que disparates, peuvent rendre compte d’une certaine
amélioration du niveau de vie des paysans. L’analyse de ces données
permet, comme nous allons le voir dans la suite, de mettre en évidence
l’importance de la culture du coton dans l’amélioration de l’habitat,
l’accès à de nouvelles sources d’énergie, l’accès à l’information, la
capacité de déplacement et de loisirs, la contribution à la vie associative et
au développement du village, le rôle de la femme.
En 2002, le seuil de pauvreté était fixé à 160 000 FCFA par individu en
âge de travailler en Côte d’Ivoire (FAO, 2004). En milieu paysan, un
homme en âge de travailler est un actif agricole. Le revenu monétaire net
moyen par actif agricole est donc un indicateur intéressant pour apprécier
le niveau de pauvreté dans les différents types d’exploitations et aussi
dans les villages. Le tableau 3. 8 donne la distribution des exploitants
selon la classe de revenus et le système de production pour le village de
Kouniguékaha, en zone dense où le système à base d’igname n’est pas
pratiqué et où la motorisation est presque inexistante.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 200
Tableau 3. 8 : Distribution des exploitants du village de Kouniguékaha
selon les classes de revenus monétaires nets (1 000 FCFA)
Systèmes de production
Classes de
revenus SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total %
0-200 3 1 4 8,70
201-400 2 1 2 1 6 13,04
401-600 1 1 4 6 12 26,09
601-800 1 7 8 17,39
801-1000 2 12 14 30,43
1001-1200 2 2 4,35
1201-1400 0 0,00
1401-2000 0 0,00
2001-2500 0 0,00
Total 0 6 3 9 28 0 46 100,00
Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Il ressort que les exploitants ayant un revenu n’excédant pas
200 000 FCFA représentent seulement 8 % à 9 % de l’effectif. Les
exploitants spécialisés dans la culture des céréales et qui ne pratiquent pas
celle du coton ont des revenus relativement plus faibles que ceux qui
cultivent le coton. Parmi ces derniers, ceux qui possèdent une chaîne de
culture attelée sont parmi les plus riches du village. Cependant, dans ce
village, comme dans celui de Sionhouakaha, le revenu maximum
n’excède pas 1 200 000 FCFA et ceux qui parviennent à cette limite sont
bien rares. Les exploitants ayant un revenu supérieur à 400 000 FCFA
représentent près de 78% de l’effectif à Kouniguékaha contre 45,5 % à
Sionhouakaha. Cette différence repose essentiellement sur l’importance
relative de la culture du coton à Kouniguékaha. En effet, sur les
5 exploitants du système céréalier, un seul réalise un revenu supérieur à
400 000 FCFA, alors que 35 des 40 exploitants cultivant le coton ont un
revenu qui excède ce montant. Parmi ces derniers, on constate que le
revenu augmente avec le niveau de mécanisation. A Niellé, le seul
exploitant de l’échantillon qui ne pratique pas la culture du coton réalise
le plus faible revenu. Deux des 6 exploitants qui louent du matériel attelé
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 201
pour faire leurs labours ont un revenu qui n’excède pas 400 000 FCFA.
Tous les exploitants en culture attelée ou motorisée réalisent des revenus
supérieurs à ce montant. Dans le village de Ouamélhoro, 90 % de
l’effectif des exploitants de l’échantillon ont réalisé un revenu supérieur à
800 000 FCFA. Ce village est d’ailleurs l’un de ceux où l’organisation
coopérative des producteurs de coton est la mieux structurée et gérée. En
prenant le revenu monétaire net comme critère, le tableau 3. 9 permet de
faire une comparaison entre les différents villages.
Tableau 3. 9 : Distribution relative des exploitants des différents villages
selon la classe de revenus monétaires nets
Classes de
revenus
Sionhouakaha
Kouniguékaha
Nielle
Ouamélhoro
Total
0-200 30 9 2 0 9
201-400 24 13 4 8 12
401-600 24 26 11 0 15
601-800 9 17 9 3 10
801-1000 9 30 27 28 24
1001-1200 3 4 20 30 15
1201-1400 0 0 7 13 5
1401-2000 0 0 13 15 7
2001-2500 0 0 7 5 3
Total 100 100 100 100 100
Source : Notre enquête, 2002
Il ressort que les exploitants réalisant les revenus les plus élevés sont, par
ordre d’importance, ceux de Ouamélhoro (extrême nord de Korhogo), de
Niellé (nord de Korhogo), de Kouniguékaha (centre de Korhogo) et enfin
de Sionhouakaha (sud de Korhogo). On peut donc dire que le revenu
moyen tiré de la culture du coton est de plus en plus important au fur et à
mesure que l’on passe des zones du sud de Korhogo vers celles du nord
de Korhogo. Mais, il n’est pas exclu qu’il existe des zones isolées,
notamment au sud et au centre, où ce constat ne serait pas vérifié.
La figure 3.12 tente de résumer ce qui précède en distinguant deux sous-
groupes d’exploitants : ceux dont le niveau du revenu monétaire net les
place au-dessous du seuil de pauvreté (160 000 FCFA/actif/an) et ceux
qu’il place au-dessus.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 202
73
30
135
28
27
70
8795
72
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Sionhakaha Kouniguekaha Nielle Ouamelhoro Total
Villages
Exp
loit
an
ts (
%)
inférieur au seuil de pauvreté Supérieur au seuil de pauvreté
Source : Notre enquête
Figure 3.12 : Distribution des exploitants selon le niveau de richesse dans
les villages étudiés (%)
Il ressort qu’à partir des données recueillies dans les quatre villages, 72 %
des exploitants vivent au-dessus du seuil de pauvreté tandis que 28 %
vivent à un niveau inférieur. Le village de Sionhouakaha, où la culture du
coton est relativement peu pratiquée, se présente comme le village le plus
pauvre avec près de 70 % des exploitants vivant avec un niveau de revenu
inférieur au seuil de pauvreté. Le village de Kouniguékaha, en zone
centre, a un résultat inverse de celui de Sionhouakaha. A Niellé et à
Ouamélhoro, on note que 87 % et 95 % des actifs agricoles ont un revenu
supérieur au seuil de pauvreté. On peut donc soutenir que la culture du
coton apporte une forte contribution à la réduction de la pauvreté dans les
zones cotonnières. Notre hypothèse selon laquelle la culture du coton
amplifie de façon notoire la stratification sociale se trouve encore vérifiée.
Il est indéniable que cette stratification existait dans les communautés
villageoises et était basée sur différents critères socioculturels tels l’âge
ou le pouvoir foncier. A présent elle est exacerbée depuis l’introduction
de la culture du coton qui révèle un autre critère plus remarquable, le
revenu.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 203
5.4 L’amélioration de l’habitat rural
Dans le village traditionnel Sénoufo, les cases se ressemblent par leur
forme (ronde en général), leur toiture de chaume en forme d’entonnoir
renversé, leur mur en terre battue ou en briques de terre. L’intérieur de la
case est crépi d’argile mélangée de bouse de vache, sauf lorsqu’il s’agit
de greniers à grains. Aujourd’hui, c’est plutôt la forme rectangulaire qui
prédomine avec des toitures de plus en plus en tôles ondulées et les murs
en briques de ciment, le sol intérieur étant crépi en ciment et les murs
parfois peints à la peinture industrielle. La maison représente d’une
certaine façon un signe extérieur de richesse aux yeux du paysan.
L’enquête a permis de faire un inventaire des maisons suivant les
matériaux dominants dans la construction et selon les différents types de
systèmes de production. Le tableau 3.10 donne le pourcentage de chaque
type de maisons dans un système donné. L’exploitant peut posséder
plusieurs maisons de plusieurs types.
Tableau 3.10 : Importance relative des types de maisons suivant le type
d'exploitant
Nature du mur
et de la toiture
SCIG
SCCE
MSLCA
MALCA
CCA
CCM
Total
Terre, paille 80 38 25 14 6 0 18
Terre, tôles 10 25 24 39 30 25 28
Briques, paille 10 12 13 17 5 0 8
Briques, tôles 0 25 38 30 59 75 46
Total 100 100 100 100 100 100 100
Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Les maisons en terre et à toiture en paille sont en voie de disparition, elles
représentent 18 % de l’ensemble des maisons de l’échantillon. Mais elles
se rencontrent encore chez la plupart des paysans des systèmes sans
coton : près de 80 % des maisons dans le système à base d’igname
(SCIG), 38 % dans le système céréalier (SCCE). A l’observation, il
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 204
semble que les paysans préfèrent les maisons en terre à toiture en paille
(28 %) à celles en briques à toiture en paille (8 %). Pour une raison bien
simple : si on est capable de construire des murs en briques, il vaut mieux
achever par une toiture en tôles que de passer par une étape intermédiaire
de toiture en paille.
La maison en briques et en tôles est la plus désirée. Elle traduit le confort
par rapport à la maison en terre et en paille qui, de toutes les façons, a non
seulement une durée de vie relativement plus réduite, mais cause parfois
des désagréments lorsqu’il pleut et que la toiture laisse passer des gouttes
d’eau. Mais, le coût des matériaux de construction est parfois prohibitif.
Toutefois, les données du tableau 3.10 laissent croire que le nombre de
maisons en briques et en tôles augmente suivant l’importance du revenu
monétaire effectif et donc suivant la place de la culture du coton dans le
système. On peut donc soutenir que la culture du coton contribue
remarquablement à améliorer l’habitat rural.
5.5 L’utilisation de nouvelles sources d’énergie
Les résultats de l’enquête sont regroupés dans le tableau 3.11. Si on prend
par exemple le cas de la lampe tempête, ce tableau donne le pourcentage
d’exploitants de chaque système de culture qui l’utilisent effectivement
pour leur éclairage. La dernière colonne donne le total des paysans
enquêtés utilisant l’une des cinq sources d’énergie spécifiées.
Longtemps utilisée pour s’éclairer, la lampe tempête est encore la
principale source de lumière dans la plupart des villages. Les autres
anciennes sources de lumière dans le village, comme par exemple la
bougie à base de beurre de karité ou de sève séchée de certains arbres, ont
presque totalement disparu. Même dans ceux qui sont électrifiés, elle
reste le principal recours en cas de coupure d’électricité.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 205
Tableau 3.11 : Utilisation des sources d'énergie par les exploitants suivant
leur spécialisation (en % du nombre d'exploitants)
Sources d'énergie SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total
Lampe tempête 100 100 100 100 61 100 76
Electricité 0 38 13 35 45 100 37
Bois de chauffe 100 100 100 100 100 100 100
Charbon de bois 35 100 100 78 58 100 63
Gaz butane 0 0 0 0 3 100 4
Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
L’électricité provient généralement des barrages hydroélectriques et la
connexion d’un village relève parfois du programme régional de
développement qui procède de décisions politiques. Il y a eu quelques cas
exceptionnels où l’électricité est produite à partir de groupes électrogènes
ou bien d’usines (de transformation du bois, de palmier à huile ou de
caoutchouc d’hévéa). Pour accélérer le processus d’électrification de leur
village, les habitants peuvent participer aux frais d’installation et obtenir
le soutien d’un fonds national créé à cet effet (fonds régionaux
d’aménagement rural ou FRAR). L’accès individuel des paysans à
l’électricité dépend d’abord de la présence d’une liaison au réseau
national et ensuite, de sa capacité et sa volonté à payer. Avoir de
l’électricité chez soi est signe de succès pour ceux des paysans qui
parviennent à payer leur consommation. Or, payer régulièrement sa
facture d’électricité, sans recourir à des transferts d’argent de la ville vers
le village, suppose que le paysan dispose de liquidités à partir de ses
revenus, ce que permet la culture du coton, mieux que celle des vivriers,
au stade actuel des choses.
Parmi les quatre villages enquêtés, Sionhouakaha n’était pas encore
connecté au réseau électrique. Tous les paysans du SCIG choisis dans ce
village sont donc sans électricité. C’est aussi le cas des paysans du village
de Kouniguékaha, à la différence que ce dernier est en voie d’être
connecté au réseau électrique. Parmi les paysans de Kouniguékaha,
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 206
certains avaient déjà installé leur compteur électrique, en attendant la fin
des travaux. A ce niveau, il a été établi que les premiers à installer leur
compteur étaient ceux qui étaient considérés comme étant parmi les plus
grands producteurs de coton dans le village. Les deux autres villages, à
savoir, Niellé et Ouamélhoro sont éclairés. Dans ces deux villages, il a été
aussi constaté que l’accès à l’électricité d’un paysan individuel dépendait
de son revenu tiré de la culture du coton.
L’utilisation du charbon de bois est aussi ancienne dans les villages du
Nord où la pénurie de bois se fait sentir de longue date. Son utilisation
semble être en relation moins évidente avec la pratique de la culture du
coton que l’électricité ou le gaz butane. Le bois de chauffe est d’une
utilisation très ancienne qui persiste encore, même dans les grandes villes.
Tous les paysans en font usage. Cependant, face à la disparition
tendancielle du couvert végétal et à la réduction de la biodiversité, le
gouvernement tente de faire la promotion de l’utilisation du gaz butane,
notamment comme source de chaleur. Mais, sur le terrain, la vulgarisation
de ce type de source d’énergie apparaît encore limitée. Pour utiliser le
gaz, il faut consentir à payer un coût d’opportunité supplémentaire par
rapport au bois de chauffe qui est le plus souvent « gratuit ». Les paysans
qui l’utilisent sont à Niellé et pratiquent soit la culture attelée (3 % des
paysans en attelage) soit la culture motorisée. L’adoption du gaz nécessite
par ailleurs, que le paysan surpasse sa peur d’être victime d’un incendie à
domicile, ce qui arriverait rarement avec le bois de chauffe ou le charbon
de bois. En l’absence d’électricité, certains paysans, notamment les
jeunes, utilisent des batteries comme source d’énergie pour alimenter
leurs postes de radio en vue de s’informer.
5.6 L’information et la formation en milieu rural
Pour analyser cet aspect, on suppose qu’un paysan qui achète un poste de
radio ou un téléviseur est disposé à s’informer et à se former par
l’intermédiaire de certaines émissions qu’il écoute et/ou regarde
(tableau 3.12). Mais, ceux qui n’ont pas acheté ces équipements peuvent
aussi s’informer ou se former par la radio et la télévision du voisin. On
sait aussi que certaines personnes capables de s’acheter une radio ou une
télévision peuvent refuser ces équipements sous prétexte qu’ils
consomment leur temps utile. Il suffit de voir le paysan aller au champ
avec son poste de radio qu’il tient à l’oreille ou accroché à son vélo, ou
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 207
aussi de voir l’attroupement d’enfants et même d’adultes face à une
télévision exposée dans un village pour se dire que ces équipements ont
une réelle importance qu’il serait intéressant de mettre en évidence.
Tableau 3.12 : Importance relative des sources d'information utilisées
suivant le type d'exploitants (%)
Sources
d’information
SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total
Poste de radio 20 63 50 48 66 0 55
Téléviseur 0 0 0 0 0 0 0
Radio et télé 0 13 38 35 34 100 30
Radio ou télé 20 75 88 83 100 100 86
Ni radio ni télé 80 25 13 17 0 0 14
Total 100 100 100 100 100 100 100
Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Il ressort que près de 80 % des paysans rejetant la culture du coton n’ont
ni poste de radio, ni téléviseur et que ce taux décroît avec l’importance de
cette culture dans l’exploitation. La radio précède la télévision, ce qui
explique que les cas où il existe une télévision seule sont rares. Dans
l’ensemble, 55 % des exploitants possèdent un poste de radio, 30 %
possèdent à la fois un poste de radio et un téléviseur et 15 % ne possèdent
rien du tout. Le paysan peut aussi s’informer et se former par les voyages
où il peut voir autre chose que ce qui se passe dans son terroir. Les
moyens de déplacement ne sont pas pour autant accessibles à tous les
paysans. Certains continuent d’effectuer encore l’essentiel de leurs
déplacements à pied. Ceux-ci ne peuvent généralement pas parcourir de
grandes distances sans quitter leur village pour émigrer vers d’autres
régions.
5.7 La culture du coton facilite la mobilité paysanne
Tous les villages de producteurs de coton sont reliés par au moins une
piste praticable, notamment pendant la période sèche qui coïncide avec
celle de la distribution des intrants par les égreneurs, de la collecte et de
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 208
l’achat du coton-graine. A travers la CIDT, le gouvernement a ainsi créé
de nombreuses pistes rurales qui permettent d’évacuer, non seulement la
production de coton-graine, mais aussi toutes sortes de productions vers
les marchés ruraux ou urbains. Ces pistes facilitent aussi l’accès des
villages aux personnes étrangères ainsi que la sortie des habitants du
village vers l’extérieur.
Le désir d’aller plus loin et plus rapidement a certainement poussé le
paysan à utiliser des moyens de déplacement de plus en plus rapides, mais
aussi de plus en plus coûteux. On peut à la limite accepter que quelqu’un
renonce à la télévision, peut-être parce que dans l’ensemble, les émissions
ne lui plaisent pas, mais lorsqu’on marche chaque fois, pour aller au
champ et en revenir, pour faire pratiquement tous ses déplacements, cela
n’est certainement pas un choix social fortuit. Dès lors, on peut admettre
que la volonté du paysan de rendre son moyen de déplacement plus
performant procède de son souci de rendre son quotidien moins pénible et
plus agréable (tableau 3.13). L’enquête a permis de relever le nombre des
moyens de locomotion utilisés au sein de chaque exploitation de
l’échantillon. Le vélo a été l’une des plus grandes innovations des moyens
de transport. Dans les années 1960, le vélo était rare et ceux qui le
possédaient faisaient l’objet d’admiration et même de convoitise.
Aujourd’hui en zone cotonnière, il est devenu un matériel presque banal :
chez certains exploitants, chaque actif agricole en dispose à titre
personnel.
Il ressort que 7 % des paysans ne disposent d’aucun moyen de
déplacement autre que la marche et qu’il s’agit essentiellement de ceux
qui ne produisent pas de coton. Le village de Sionhouakaha, d’où sont
issus ces paysans de l’échantillon, est un village resté longtemps enclavé.
Dans l’ensemble, près de 10 % des exploitants ne disposent que du vélo
pour leurs déplacements : ceux qui ne pratiquent pas la culture du coton
sont les plus concernés. Les données en présence laissent croire que la
possession d’une mobylette s’accompagne souvent de celle d’un vélo, soit
18 % des exploitants contre seulement 1 % de ceux qui ont au moins une
mobylette sans avoir de vélo. Ce cas a été rencontré chez les paysans en
culture céréalière. La mobylette intervient pour le transport de leurs
récoltes de céréales. De même, la moto à vitesses est rarement le seul
moyen de déplacement au sein de l’exploitation : lorsqu’il y a une moto,
c’est qu’il y a au moins un vélo (18 % des cas) ou au moins une
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 209
mobylette (6 % des cas). Dans 36 % des cas, les trois engins à deux roues
coexistent au sein de l’exploitation. Cela peut être dû au fait que les
moyens de déplacement sont acquis progressivement, des moins
sophistiqués (vélo, puis mobylette) vers les plus sophistiqués (moto à
vitesses puis voiture). De ce fait, les premiers sont souvent réparés pour
servir aux autres membres de l’exploitation, tandis que le chef
d’exploitation détient le plus récent.
Tableau 3.13 : Distribution relative des exploitants des différents
systèmes de production suivant le moyen de déplacement
(en % du nombre d'exploitants dans le système de
production)
Moyens de
déplacement
Systèmes de production
SCIG SCCE MSLCA MALCA CCA CCM Total
Néant 55 0 0 0 0 0 7
Vélo (v) 35 38 13 13 2 0 10
Mobylette (m) 0 13 0 4 0 0 1
(v) et (m) 5 25 38 22 17 25 18
Moto à vitesse (M) 0 0 0 0 0 0 0
(v) et (M) 5 13 13 17 22 0 18
(m) et (M) 0 0 0 0 10 0 6
(v), (m) et (M) 0 0 38 43 43 75 36
Voiture (V) 0 0 0 0 0 0 0
(v), (m), (M) et (V) 0 13 0 0 7 0 5
Total 100 100 100 100 100 100 100
Source : Notre enquête, 2002 SCIG : système sans coton privilégiant l’igname, SCCE : système sans coton privilégiant les
céréales, MSLCA : système de culture manuelle de coton sans location d’attelage, MALCA :
système de culture manuelle de coton louant l’attelage, CCA : système de culture du coton avec
attelage, CCM : système de culture de coton avec motorisation.
Il apparaît facile d’établir une corrélation entre l’importance des moyens
de déplacement et celle de la culture du coton au sein de l’exploitation.
7 % des exploitations en culture attelée possèdent un véhicule. Mais, dans
l’ensemble, ces véhicules servent plutôt pour le transport en commun de
marchandises et de personnes et non pour le déplacement des membres de
l’exploitation. La charrette bovine, en plus des engins à deux roues, sert
déjà parfois largement aux déplacements des membres de l’exploitation.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 210
Certains des paysans ayant déclaré posséder un véhicule sont associés à
d’autres personnes, c’est le cas de l’exploitation en culture céréalière et de
quatre autres en attelage bovin, à Niellé et à Ouamélhoro. Le revenu
obtenu de la culture du coton permet donc de :
réduire le niveau de pauvreté individuelle et collective par
l’augmentation des revenus et du pouvoir d’achat,
améliorer la formation et le niveau d’information des paysans,
accéder à de nouvelles sources d’énergie (électricité, gaz butane),
faciliter les déplacements des membres de l’exploitation,
améliorer l’habitat et le niveau de vie des communautés rurales,
accroître les échanges marchands au sein d’un même village, entre
villages voisins, entre les villages et les villes.
Ces apports, de plus en plus observables, voire mesurables, peuvent être
perçus comme étant une partie des contributions de la culture du coton au
développement rural. La culture annuelle de coton et des vivriers assolés
réduisent le chômage en milieu rural.
5.8 La création d’emplois en milieu rural
Le fait que le milieu rural soit parfois peu attrayant, notamment pour les
jeunes, est dû, entre autres choses, à la rareté d’emplois non agricoles. La
pénibilité du travail de la terre, essentiellement réalisé à l’aide d’outils
manuels peu performants, est un facteur supplémentaire rebutant qui
entraîne l’exode des jeunes vers les centres urbains. Depuis son
introduction dans les systèmes de production agricole des régions de
savanes, la culture du coton joue un rôle appréciable dans la création de
nouveaux emplois et/ou dans le renforcement d’emplois déjà existants.
Du point de vue de la majorité des paysans, la culture du coton a entraîné
l’augmentation du nombre d’exploitants agricoles. Pour mieux profiter du
revenu tiré de la culture du coton, parfois, certains jeunes n’ont pas
attendu d’avoir l’accord de leurs aînés avant de s’installer à leur propre
compte. C’est notamment le cas des jeunes qui ont souvent quitté le
village comme on l’a constaté à Sionhouakaha par exemple. Par contre,
dans d’autres villages comme Niellé ou Kouniguékaha, de nombreux
jeunes sont retournés pour cultiver le coton, parce qu’ils ne trouvaient pas
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 211
un emploi meilleur ailleurs. La réduction de la pénibilité du travail par
l’attelage a aussi contribué à accroître le nombre d’exploitants et à réduire
le chômage en milieu rural.
Le processus de vulgarisation des techniques culturales, d’achat de la
production de coton-graine, d’égrenage et de commercialisation de cette
production a nécessité la mise en place d’un personnel administratif et
technique. Ce personnel, salarié, est composé de cadres et d’agents
d’exécution, permanents ou temporaires. L’effectif du personnel a
augmenté au fur et à mesure que le volume d’activités s’est accru. Avant
sa privatisation en 1998, la CIDT comptait plus de 2500 agents salariés.
Le métier de forgeron qui existait auparavant, s’est vu renforcé et
diversifié après l’introduction de la culture du coton. En effet, avant le
coton, le forgeron fabriquait essentiellement des outils agricoles manuels
légers dont les principaux demeurent le couteau, la faucille, la hache et la
houe. Pour assurer la maintenance des matériels de culture attelée, la
CIDT a procédé à la formation de forgerons, depuis 1975. En 1990, la
CIDT comptait 185 forgerons modernes. Ces derniers sont classés en trois
catégories selon le niveau de formation obtenue à la CIDT. A chaque
niveau, correspond un type d’équipements déterminant la capacité de
fabrication :
le premier niveau comporte 135 forgerons dotés de l’équipement de
base (enclume de 55 kg, ventilateur, étau à mors parallèle, marteaux,
clés, scies, dégorgeoirs, tarauds, instruments de mesure),
le second niveau comprend 12 forgerons. En plus de l’équipement
de base, ils utilisent des postes de soudure oxyacétylénique (petite
soudure),
le troisième niveau comporte 42 forgerons. Ils utilisent des postes de
soudure plus perfectionnés pour faire de la grosse soudure (poste
statique avec énergie électrique ou poste autonome avec groupe
électrogène).
De nombreux autres forgerons ont appris, sur le tas, auprès de ceux qui
ont été formés par la CIDT, accroissant l’effectif global de forgerons des
zones cotonnières. En plus des outils agricoles (couteau, hache, houe,
charrue, charrette bovine, herse, semoir, etc.), ces forgerons fabriquent
divers autres objets métalliques nécessaires au confort de la population
(portes, fenêtres, chaises, marmite, etc.). Si la case traditionnelle de mur
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 212
en terre battue, de charpente en bambou ou en bois et de toiture de paille
est en voie de disparition, c’est en partie grâce au revenu tiré de la culture
du coton. Cette case traditionnelle ne nécessite pas une spécialisation
particulière pour sa construction, contrairement à la maison en briques de
ciment, à charpente de planches et à toiture en tôles. Pour cette dernière, il
faut au moins deux spécialistes pour la construire : un maçon et un
menuisier6. Certains jeunes de la région cotonnière ont appris la
maçonnerie, la menuiserie ou la plomberie et ont pour principaux clients,
les producteurs de coton.
Dans la ville de Dikodougou, notre enquête a permis de dénombrer
17 maçons, 6 menuisiers, 6 forgerons, 168 boutiques, 7 vendeurs de
planches, 2 détenteurs de décortiqueuses électriques semi-industrielles à
grains (pour la transformation du riz paddy en riz blanchi), 6 propriétaires
de broyeuses artisanales polyvalentes qui transforment le produit primaire
en pâte ou en farine (maïs, manioc, arachide, karité, tomate, etc.). Ces
micro-entrepreneurs ont été classés en quatre catégories suivant la
principale activité que le propriétaire a déclarée avoir réalisée
antérieurement (tableau 3.14). En effet, le propriétaire peut avoir été :
un paysan,
un salarié (à la retraite ou ayant perdu son emploi),
dans ce métier avant de venir s’installer dans la ville de Dikodougou
en vue de poursuivre,
autre que les trois modalités qui précèdent (chômeur, école, etc.).
Il ressort que 25 % des propriétaires de micro-entreprises dans la ville de
Dikodougou ont d’abord été agriculteur auparavant : ils ont donc changé
de métier. Mais, il faut dire qu’il ne s’agit pas de chefs d’exploitation,
mais plutôt de travailleurs dépendants de ces derniers au moment où ils
prenaient la décision de changer de métier. Pour la plupart de ces ex-
paysans, la raison principale était d’assurer leur indépendance vis-à-vis du
chef d’exploitation en s’installant à leur propre compte. On voit que pour
47 % des micro-entreprises présentes à Dikodougou, les propriétaires sont
des habitués ayant une expérience acquise antérieurement. La majorité de
ces propriétaires de micro-entreprises, 85 %, affirment que la culture du
6 D’autres spécialistes peuvent intervenir pour améliorer le confort de la maison : un
plombier, un électricien, un peintre, etc.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 213
coton a apporté une partie du financement de leur activité, sans pour
autant pouvoir donner une estimation précise de cet apport.
Le mouvement coopératif a aussi permis de créer de nouveaux emplois en
milieu rural de façon générale et plus particulièrement en zones de
production cotonnière où il a eu un succès remarquable. Il s’agit
notamment de gérants, comptables, secrétaires, magasiniers, gardiens,
chauffeurs : ces emplois exigent parfois une solide formation scolaire
voire universitaire préalable.
Tableau 3.14 : Distribution de l’effectif des micro-entrepreneurs suivant
leur activité antérieure
Micro-entrepreneurs
Activité antérieure :
paysan salarié dans ce
métier
autres total
Maçons 6 0 4 7 17
Menuisiers 2 0 1 3 6
Forgerons 4 0 2 0 6
Boutiquiers 37 5 85 41 168
Vendeurs de planches 2 0 4 1 7
Décortiqueuses 0 0 1 1 2
Broyeuses 1 0 3 2 6
Total 52 5 100 55 212
% 25 2 47 26 100
Source : Notre enquête, 2002
5.9 L’amélioration du niveau d’alphabétisation
La principale voie d’alphabétisation est avant tout la scolarisation des
enfants. L’introduction de la culture du coton dans les années 1950 a
parfois coïncidé avec l’installation des premières écoles (écoles de
missionnaires religieux ou de l’administration coloniale). Après
l’indépendance, la politique de scolarisation s’est poursuivie et renforcée
dans toutes les régions du pays. Dans les zones cotonnières, le taux de
scolarisation est longtemps resté relativement faible par rapport aux autres
régions, en raison de l’utilisation des enfants pour les travaux agricoles.
C’est à partir des années 1980, avec l’appui de plusieurs organisations
non gouvernementales, d’associations des premiers cadres issus des
villages du Nord, de programmes didactiques audio-visuels d’information
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 214
des populations sur les avantages de l’école, que le taux de scolarisation
s’est peu à peu amélioré.
Il est plutôt intéressant de savoir que la culture du coton a contribué à
accroître le nombre d’écoles et le taux de scolarisation. En effet, les fonds
régionaux d’aménagement rural (FRAR) mis en place par le
gouvernement, financent la création d’infrastructures villageoises, sur la
demande des populations. Cette demande est effective lorsque la
communauté villageoise réunit 30 % du financement contre 70 %
apportés par les FRAR. Le choix des infrastructures étant laissé aux
villageois, ces derniers ont parfois opté pour l’école, les puits d’eau
potable, l’ouverture ou le reprofilage de pistes rurales, la construction de
marchés ruraux, etc.
Aussi, dans les quatre zones d’étude (Dikodougou, Kouniguékaha, Niellé
et Ouamélhoro), les producteurs de coton ont-ils financé la construction
d’une école sur trois, la construction de maisons abritant les instituteurs,
la scolarisation de leurs propres enfants. Les écoles sont généralement
implantées dans les villages de producteurs de coton. Les producteurs de
coton ont parfois rendu d’inestimables services aux autres paysans en
assurant notamment l’hébergement et la nourriture de leurs enfants
scolarisés. Cette scolarisation, initialement réservée aux garçons, a peu à
peu concerné les filles dont le nombre est en pleine croissance. La femme
était d’abord destinée aux travaux de ménage et les paysans craignaient
que son émancipation par l’école ne la rende peu maîtrisable. Par ailleurs,
il a été noté sur le terrain que, dans la plupart des cas, ce sont les paysans
cultivant le coton qui étaient les premiers et les plus nombreux à
scolariser leurs enfants, contrairement à ceux qui privilégient les cultures
vivrières. Le producteur de coton a généralement participé à plusieurs
séances de formation ou d’information de la part des agents de
vulgarisation agricole. Cela peut lui avoir permis de comprendre plus vite
les avantages de l’école et de l’ouverture sur l’extérieur.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 215
Depuis les années 1990, la CIDT avait initié un programme
d’alphabétisation fonctionnelle qui consiste à apprendre aux paysans à
lire, écrire et à calculer dans leur langue la mieux connue. L'organisation
mise en place avant la privatisation à été maintenue et se présente comme
suit :
au niveau des directions régionales, un responsable régional assure
la conception, l'animation et la coordination du programme avec
l'appui technique de la direction générale (CIDT), et de l'Institut de
la Linguistique Appliquée à l'université de Cocody,
au niveau de la zone, le suivi du programme est assuré par un
Technicien Spécialisé en Alphabétisation Fonctionnelle (TSAF),
dans les villages, la formation est faite aux paysans (appelés
apprenants) par les Animateurs Endogènes Villageois (AEV)
formés préalablement par les TSAF. Des matériels didactiques
(dépliants, films audio-visuels, etc.) sont utilisés en vue de cette
formation,
le choix des AEV et des apprenants est fait avec la participation des
Organisations Professionnelles Agricoles (OPA). Les OPA font par
ailleurs le choix et l'aménagement du local de formation, achètent
les fournitures pour les apprenants et payent un certain
intéressement financier ou en nature aux AEV.
Dans la zone cotonnière, l'opération a touché 11 870 agriculteurs dans
474 villages (BNETD, 2004). Le nombre de paysans considérés comme
alphabétisés est de 5 233, soit 44 % des formés.
Ce programme d’alphabétisation est d’une grande importance pour les
paysans. En effet, non seulement ils savent lire, écrire et communiquer
plus aisément avec leur entourage, mais aussi, ils peuvent servir
directement les intérêts de la communauté. C’est ce qui se passe lorsqu’ils
participent au débat sur les questions de développement du village et de la
région, à l’animation endogène, à la gestion comptable des coopératives,
etc.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 216
5.10 L’amélioration du niveau de santé
Dans les communautés rurales africaines, particulièrement ivoiriennes et
plus encore chez les Senoufo animistes, les plantes naturelles étaient
prioritairement utilisées pour guérir. Cette pratique remonte d’ailleurs
dans la nuit des temps. On attribue au guérisseur traditionnel, le pouvoir
de contrecarrer le mal et, parfois, même la mort.
Des personnes (médecins, sages-femmes, etc.) ont été interviewées dans
le centre hospitalier régional de Korhogo et aussi dans les dispensaires de
Dikodougou et de Niellé. L’objectif était de mettre en évidence
l’évolution de la demande de soins médicaux des paysans. Les points de
vue non exhaustifs de ces personnes convergent et semblent pertinents,
sans pour autant se baser sur des chiffres concrets :
au début de la création de chaque centre de santé, les paysans sont
les moins nombreux parmi les patients : ils viennent se faire soigner
parfois lorsque leur cas est déjà grave et qu’ils estiment que le
guérisseur traditionnel ne peut les sauver. Les accouchements à
l’hôpital et, de façon générale, les prestations en gynécologie étaient
les plus rares. Actuellement, les femmes viennent spontanément se
faire examiner, parfois dès qu’elles sentent une anomalie ;
le nombre de paysans demandeurs de soins de santé augmente avec
le temps, concerne hommes et femmes de tout âge, pour des
interventions relevant de causes multiples ;
les paysans trouvaient que les soins médicaux étaient trop chers et
qu’ils ne pouvaient pas payer. Actuellement, ils sont de plus en plus
consentants à payer ;
au début, les quelques rares paysans qui venaient nous solliciter
arrivaient parfois très fatigués, à pied ou à vélo. Actuellement, les
malades arrivent à mobylette et de plus en plus en taxi-brousse.
Ces déclarations ne mettent pas en évidence l’apport de la culture du
coton. Mais, on sait que ce sont les producteurs de coton qui,
contrairement à ceux qui ne le produisent pas, possèdent le plus de vélos
et de mobylettes, sont davantage ouverts sur l’extérieur, ont le plus
souvent une trésorerie pouvant faire face, dans une certaine mesure, à
diverses dépenses du ménage. On peut alors supposer que ce sont les
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 217
producteurs de coton qui sont, parmi les paysans des trois zones d’étude,
les plus nombreux à demander les soins dans ces centres de santé. De ce
fait, on peut aussi dire que la culture du coton contribue à l’amélioration
de la santé en milieu rural. La fréquentation des centres de santé par la
femme paysanne peut être considérée comme un progrès dans l’évolution
des mentalités. En effet, ce qui touche de près à la femme, notamment les
problèmes de gynécologie, est parfois tabou dans les communautés
traditionnelles.
5.11 L’amélioration de la situation de la femme
Comme nous l’avions dit plus haut, le cotonnier traditionnel pluriannuel,
semé en association avec les vivriers, était une culture reléguée
essentiellement à la femme. Le revenu de ce coton lui revenait. L’homme
en a fait sa priorité lorsque les conditions techniques de production et de
commercialisation se sont améliorées avec l’introduction du cotonnier
sélectionné et à cycle annuel. Le revenu de ce nouveau cotonnier revient
généralement à l’homme. La femme profite cependant des effets induits
de la modernisation du système de production du coton, bien que, par
ailleurs, son travail au sein de l’exploitation soit devenu relativement plus
important que celui de l’homme, notamment en présence de mécanisation.
Trois faits ressortent assez clairement.
Le premier et le plus important, concerne la réduction de la pénibilité du
travail de la femme, au champ et aussi dans le ménage. Nous comparons
la situation actuelle de la femme à celle qui prédominait lorsque la culture
du coton était encore marginale dans les systèmes de production, comme
c’était le cas en 1960. Le labour (fait plutôt par l’homme) et le sarclage
(fait essentiellement par la femme) sont devenus moins pénibles. Non
seulement le labour réduit l’enherbement, mais aussi le sol est moins dur
au moment du sarclage, ce qui rend le travail relativement plus rapide et
moins fatigant. L’utilisation de l’herbicide réduit la durée et la pénibilité
du désherbage manuel des parcelles de coton et surtout de celles de
céréales (riz, maïs, mil, sorgho). Un inconvénient qui ressort souvent est
que le travail de récolte, essentiellement réalisé par la femme, est de plus
en plus long consécutivement à la taille des parcelles qui s’accroît dans
les systèmes à base de coton.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 218
Le travail au foyer devient aussi de moins en moins pénible. Les céréales
constituent les aliments les plus consommés par les paysans, même chez
les exploitants qui privilégient la culture d’igname. Les mets les plus
consommés à base de céréales nécessitent le décorticage (cas du riz) et
parfois le broyage des grains (transformés en farine). Pendant longtemps,
ces opérations de décorticage et de broyage des grains étaient faites
manuellement, par la femme, à l’aide de matériels locaux (mortier, pilon,
pierre à écraser, etc.). Ces opérations nécessitaient beaucoup de temps,
d’effort physique et de savoir-faire. Mais, depuis l’introduction de la
culture du coton, ces opérations sont de plus en plus réalisées par des
décortiqueuses semi-artisanales, contre payement relativement aisé suite à
l’accroissement du revenu.
Le puisage de l’eau est du ressort de la femme. Cela se faisait
essentiellement dans des points d’eau les plus proches du village, de 100
m à 500 m voire plus selon les cas. Le portage de l’eau jusqu’au village,
n’a pas toujours été chose facile pour la femme. La corvée quotidienne
d’eau est devenue de moins en moins pénible avec l’apparition de puits
d’eau potable dans les villages. Si ces puits ont parfois été creusés dans le
cadre de programmes financés par le gouvernement, leur entretien repose
sur la prise de conscience et le financement des habitants. Dans les zones
d’étude, trois puits sur quatre sont fonctionnels grâce au revenu du coton.
Le transport du bois de chauffe se faisait essentiellement par portage, par
la femme. Ce travail est de plus en plus réalisé par la charrette bovine, sur
des distances devenues plus longues suite à la croissance de la demande
consécutive à l’accroissement démographique. La charrette permet à la
femme de constituer de plus grands stocks de sécurité en bois de chauffe.
Le second fait important du point de vue de la femme concerne le relatif
gain de temps dont elle bénéficie, notamment grâce à la mécanisation par
rapport à la femme des systèmes de culture manuelle. Il est admis, certes,
que le volume global du travail de la femme s’est accru en présence de la
mécanisation par rapport à celui de l’homme, mais, au regard de la
situation de la femme des systèmes non mécanisés, certaines opérations
sont exécutées plus rapidement et plus aisément suite à l’amélioration des
moyens de déplacement (vélo, mobylette, charrette) et à l’accroissement
des revenus. Le gain de temps permet à certaines femmes de participer à
des séances d’information et de formation à l’autodétermination ; d’autres
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 219
sont membres d’associations à but lucratif telles que les productrices de
riz de Korhogo, les jardinières de cultures maraîchères de la ville de
Napié à 12 km au sud de Korhogo. D’autres paysannes encore participent
à des séances de formation et d’information sur les maladies sexuellement
transmissibles dont le VIH/SIDA.
Le troisième fait concerne l’accroissement du revenu de la femme
paysanne. En effet, bien que le revenu de la culture du coton soit géré par
l’homme, les épouses interviewées reconnaissent en recevoir une partie
substantielle, même si cela se fait parfois sur leur insistance. Certaines
femmes ont même insisté pour faire admettre que leur mari leur confie le
revenu du coton et qu’elles jouent un rôle de coffre-fort pour l’homme.
Par ailleurs la pratique de la culture d’arachide en avant-culture du coton
ou dans la rotation normale, a entraîné un accroissement des superficies
en arachide. Il s’en est suivi une augmentation de la production d’arachide
et un accroissement du revenu de la femme dans la mesure où c’est elle
qui gère cette culture.
Toutefois, sans avoir approfondi cette question de la place de la femme
paysanne au sein de l’exploitation agricole, on voit qu’elle tend à prendre
de l’importance dans la recherche de son émancipation et de son
autodétermination. Aussi, même si la culture du coton a entraîné un
regain de travail de la femme par rapport à l’homme au sein de
l’exploitation, force est-il d’admettre que, grâce à la culture du coton, la
situation de la femme s’est relativement améliorée par rapport à 1960 et
aussi par rapport à celle qui n’est pas dans un système à base coton, en
général, ou mécanisé en particulier.
6 Conclusion partielle
Dans ce chapitre on a essayé de savoir si la culture du coton a entraîné un
progrès technique et si le revenu des exploitants s’est accru de sorte à
améliorer leur bien-être. Il en ressort que l’utilisation des produits
chimiques ou organiques permet d’agir positivement sur la biologie des
plantes cultivées, négativement sur celle des adventices et des insectes
nuisibles. La production de coton-graine s’est donc améliorée en qualité
et en quantité, au fil des années, sous l’effet conjugué de ces intrants,
traduisant un progrès de type biologique. L’utilisation de la mécanisation,
notamment de l’attelage et l’abandon progressif de la houe, caractérisent
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 220
un progrès mécanique. Bien qu’il s’agisse de résultats approximatifs
basés sur l’observation des réalités du terrain et pas sur l’expérimentation,
on peut néanmoins assumer l’hypothèse que la culture du coton a entraîné
un progrès technique dans le système de production. Les deux types de
progrès biologique et mécanique ne sauraient cependant être séparés avec
rigueur tant les effets sont complexes et complémentaires. Cependant, la
supériorité constatée sur longue période, de l’effet-superficie à l’effet
rendement, tend à montrer que l’adoption de la mécanisation (attelage) a
plus favorisé l’accroissement des superficies (progrès mécanique) que
celui des rendements (progrès biologique). Cela suppose que des efforts
restent à faire dans l’amélioration variétale par la recherche agronomique
et dans la maîtrise de l’itinéraire technique par les paysans.
Les différents comptes de production/exploitation ont permis de
comprendre les atouts et les limites des systèmes de culture en présence.
La différence de prix des vivriers (prix au producteur et prix
d’autoconsommation) est parfois élevée, traduisant la faiblesse de la
demande face à une offre atomisée, inorganisée et à la merci des
commerçants intermédiaires. Le taux d’autoconsommation relativement
plus élevé chez les exploitants spécialisés en productions vivrières (SCCE
et SCIG) que chez ceux qui ont adopté la culture du coton, se traduit par
leur faible intégration aux échanges marchands. La culture du coton, du
fait de son marché organisé et de son prix assuré, est pour l’exploitant une
bonne garantie de son intégration de plus en plus accrue dans le marché.
La différence de revenu monétaire net reste relativement faible entre les
exploitants spécialisés en vivriers d’une part et dans la production
cotonnière d’autre part. Seuls les paysans en culture attelée ou en culture
motorisée parviennent à obtenir un revenu monétaire net deux à trois fois
supérieur à celui des autres exploitants. Mais, si l’on tient compte de
l’incertitude du prix vivrier par rapport au prix du coton-graine,
incertitude qui peut se traduire sur le terrain par une plus forte
autoconsommation vivrière et des prix vivriers assez bas, alors la
différence de revenu peut s’avérer considérable. L’incertitude du prix
vivrier et la rareté d’autres cultures d’exportation font de la culture du
coton le moteur du développement de la région d’étude.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 221
Cependant, le revenu tiré de la production de coton-graine serait encore
plus important pour les exploitants si une partie appréciable n’était pas
retenue par les autres acteurs de la filière. L’analyse réalisée sur une
longue période, de 1960 à 2002, tenant compte de l’évolution des coûts de
production du coton-graine d’une part et du prix à la production d’autre
part, révèle que les exploitants en culture du coton ont perdu une part non
négligeable de leur valeur ajoutée. Sur cette base, on peut accepter
l’hypothèse que « le surplus de productivité globale en valeur résultant de
l’activité du coton peut être d’un niveau appréciable », mais dans la
distribution de ce surplus, on peut craindre que le paysan n’en profite pas
assez par rapport aux autres agents économiques de la filière
(intermédiaires, fabricants des fertilisants et des pesticides, fournisseurs,
consommateurs, Etat).
La culture du coton a entraîné une multitude d’effets induits dont,
l’amélioration de l’habitat, du cadre de vie et des moyens de déplacement,
la création de nouveaux emplois en milieu rural à travers plusieurs micro-
entreprises parfois informelles. Elle contribue à l’amélioration du niveau
de santé en facilitant l’accès aux soins de première nécessité suite à
l’accroissement des revenus, à la réduction du niveau de pauvreté et à
l’amélioration des voies de communication. Elle contribue également à
l’amélioration de la situation de la femme soucieuse de son émancipation.
Sur le terrain, l’exploitant semble être heureux d’avoir adopté la culture
du coton. Les tabous qui empêchaient l’enrichissement individuel sont
brisés depuis longtemps. Chacun peut désormais afficher la différence par
la possession de biens matériels, tant que ses revenus le lui permettent. Il
s’agit là d’un progrès d’ordre psychologique notable en milieu rural
Sénoufo. Nous gardons à l’esprit, l’image de ces jeunes initiés du poro
qui portaient des gourmettes et des chaînes en métaux précieux (or,
argent, etc.) à la place de cauris, de lianes ou d’autres objets traditionnels
anciennement utilisés. Les résultats de nos observations et analyses, bien
que non exhaustifs et parfois approximatifs, militent cependant en faveur
de l’hypothèse que la culture du coton favorise le développement de la
région.
Chapitre 3 – Impact technique et social de la culture du coton 222
CHAPITRE 4
CONCLUSIONS GENERALES ET
PERSPECTIVES
1 Conclusions générales
Les objectifs spécifiques de cette étude consistaient à apporter des
éléments de réponse à quatre questions dont la première était : quelles
sont les stratégies de décision des agriculteurs ? En réponse à cette
question, il a été montré que les exploitants ont plusieurs stratégies aussi
bien au niveau individuel qu’au niveau collectif.
Sur le plan individuel par exemple, chaque exploitant prend ses décisions
en fonction de ses contraintes propres, des moyens dont il dispose, de ses
ambitions et des risques qu’il est prêt à assumer. La culture du coton met
en évidence deux sous-groupes d’exploitants ayant des stratégies
différentes : i) le premier a rejeté la culture du coton en vue de mieux
privilégier la fonction d’autosubsistance au sein de l’exploitation ; ii) le
second a adopté la culture du coton notamment en vue d’accroître son
pouvoir d’achat. L’évolution dans le temps et dans l’espace de ces deux
sous-groupes d’exploitants tend à conforter la position de ceux qui ont
choisi la culture du coton. En témoigne le nombre croissant des
producteurs de coton au détriment de ceux qui ne produisent que les
vivriers. Mais, il faut dire que ce résultat était prévisible, les subventions
aux intrants et un prix garanti dont le coton a bénéficié, y compris une
structure d’encadrement et de recherche agronomique des plus
performantes dans le pays, étaient entre autres choses, des atouts
indéniables du système à base de coton. Cependant, il n’existe pas une
opposition avérée entre le coton et le vivrier, dans la mesure où d’une
part, les deux cultures coexistent et entrent dans la rotation chez les
producteurs de coton et d’autre part, les producteurs de vivriers
s’inspirent ou « copient » les techniques culturales véhiculées grâce au
coton.
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 224
Sur le plan collectif, ce sont encore les producteurs de coton qui
améliorent sensiblement leur situation dans le temps. En effet, ils ont
accepté de créer des groupements à vocation coopérative et peu à peu,
comprenant les enjeux financiers de la culture du coton, ils ont créé des
structures de plus en plus fédératrices et performantes qui, d’une certaine
façon et à l’image de l’URECOS-CI, tendent à se poser comme étant de
sérieux concurrents des égreneurs par la construction de leurs propres
usines.
La seconde question consistait à savoir quel était l’impact de l’adoption
du cotonnier sur le progrès technique ? Pour y répondre, il a été mis en
exergue que la culture du coton a effectivement eu un impact positif sur le
progrès (biologique et mécanique) qui se solde par un accroissement de la
production de coton-graine. Cette réponse a amené à confirmer
l’hypothèse qu’elle sous-entend. L’impact de la culture du coton sur la
fertilité des terres et sur la durabilité des systèmes de production en zones
cotonnières reste à déterminer. Nos résultats ne permettent pas de discuter
de cela. A ce jour, les résultats des autres recherches sont encore
disparates et ne permettent pas non plus de trancher. Cependant, on relève
qu’un plus grand nombre de chercheurs semblent ne pas voir
d’inconvénients majeurs du coton sur l’environnement, alors qu’au
Tchad, le Ministère de l’environnement pense que la culture du coton est
un véritable danger permanent contre la biodiversité. Cette divergence de
point de vue révèle toute l’importance du problème de la durabilité des
systèmes à base de coton et interpelle la recherche agronomique.
Quel est l’impact du coton du point de vue économique? Pour répondre à
cette troisième question, il a été montré que la culture du coton a entraîné
une évolution sensible dans les communautés villageoises. Il suffit de
sillonner les zones cotonnières pour constater l’effervescence générale qui
règne dans les villages cotonniers par rapport aux autres, surtout, pendant
la période de commercialisation de la production. L’exploitant se dit
heureux de pratiquer la culture du coton qui, dit-il, lui a permis de réduire
la pénibilité du travail, avoir un revenu garanti et des effets
d’entraînement positifs sur la production vivrière. Grâce à ce revenu, il
peut améliorer sa vie au quotidien par l’accumulation de biens matériels,
dans un habitat qu’il trouve plus agréable que par le passé. Cependant, du
point de vue économique ou de la société toute entière, considérant
l’intervention incontournable des autres agents de la filière, notamment
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 225
les égreneurs, les fournisseurs d’intrants et l’Etat, la part de revenu qui
revient au producteur apparaît relativement faible. De ce point de vue, on
a confirmé l’hypothèse que les producteurs reçoivent une moindre part du
gain de productivité générée par la culture du coton. C’est justement pour
revendiquer un revenu plus rémunérateur de leur effort ainsi que de leur
savoir-faire dans le travail que les producteurs de coton continuent de
parfaire leurs différentes formes d’organisation (formelle ou informelle)
de telle sorte à renforcer leur pouvoir de négociation au sein de la filière.
De façon globale, on peut soutenir que la culture du coton apporte
beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients, tant au paysan individuel
qu’à la collectivité. C’est d’ailleurs ce qui justifie son succès auprès des
producteurs. Cependant, nos recherches restent limitées dans la
perception de la durabilité du système à base de coton. Il s’agit là d’un
aspect qui mérite d’autres études approfondies.
Aussi, introduite en Afrique de l’Ouest et plus particulièrement en Côte
d’Ivoire sur la demande de quelques entreprises françaises voulant
échapper à la concurrence des Etats-Unis sur le marché mondial de la
fibre, la culture du coton s’est-elle peu à peu imposée comme étant la
principale culture des zones de savane du Nord de ce pays. On peut
retenir qu’elle a profondément modifié les pratiques agricoles, le paysage
agraire dans son ensemble, les mentalités et le mode de vie des paysans
de la zone d’étude.
L’abandon tendanciel de la houe au profit de l’attelage avec des tentatives
d’adoption de la motorisation est en soi une transformation des techniques
culturales qu’on pourrait qualifier de spectaculaire. De façon globale, les
différents types de transformations des systèmes de production rendent
compte de la capacité des paysans à s’adapter au changement, chaque fois
que cela leur permet de résoudre leurs contraintes. Les multiples
stratégies de production introduites par la culture du coton ont abouti à
une différenciation des exploitants qu’on pourrait apprécier tant du point
de vue technique que socioéconomique. C’est ainsi que, sur le plan
technique, il est possible de faire une classification des exploitants par le
matériel agricole privilégié, la plus ou moins forte utilisation des intrants
chimiques, le respect des itinéraires techniques conseillés par le
vulgarisateur, la taille des parcelles, les rendements au champ, etc. Sur le
plan socioéconomique, les choix des stratégies de production agricole, sur
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 226
base de diverses contraintes et atouts individuels des exploitants, se
prolongent par la différenciation des niveaux de revenus ou de pauvreté et
des niveaux de vie. C’est dire que la culture du coton a accentué les
clivages sociaux que les communautés traditionnelles évitaient de
privilégier, en utilisant parfois diverses pratiques visant à maintenir une
sorte de nivellement par la base.
L’impact de la culture du coton se constate aussi dans la création de
nouveaux emplois dans les zones cotonnières. Il s’agit entre autres
choses, des forgerons et des ferronniers, spécialisés dans la réparation ou
la fabrication d’outils attelés ; des gérants et autres dirigeants de
coopératives cotonnières ; des commerçants de pièces détachées et de
produits phytopharmaceutiques, etc. La participation des producteurs de
coton au développement de la région est indéniable, même si cet aspect
n’a pas été quantifié avec précision par l’étude. Ils participent
financièrement, au travers de leurs coopératives, dans la construction des
écoles, le forage de puits d’eau potable à pompes hydrauliques,
l’établissement de centres de santé primaire, la création ou l’entretien de
pistes rurales, l’électrification des villages, etc.
On peut donc dire que la culture du coton est le moteur du développement
des régions de savanes et notamment de la zone d’étude. Il en est de
même dans les zones de production cotonnière des autres pays de la sous-
région où le coton joue un rôle économique majeur avec un important
effet d’entraînement. En Côte d’Ivoire ainsi que dans les pays africains
qui le produisent, la culture du coton contribue à réduire la pauvreté, les
risques et la vulnérabilité, à améliorer le bien-être. Pourtant, que ce soit en
Côte d’Ivoire ou dans les autres pays de la sous-région, l’avenir de
l’économie cotonnière repose sur la mise en place d’un programme
pragmatique tenant compte de la structure actuelle et des perspectives
d’accroissement de la production de coton-graine et d’évolution du
marché mondial de la fibre.
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 227
2 Perspectives
Il est encore possible d’accroître la production cotonnière ivoirienne,
notamment par l’accroissement simultané ou individuel de ses deux
principales composantes que sont la superficie cultivée et le rendement à
l’hectare. Avec l’adoption de plus en plus massive de la culture attelée, il
est à craindre que l’effet-superficie ne continue d’entraîner l’essentiel de
la production au détriment de l’effet-rendement. En effet, un
accroissement tous azimuts des superficies peut entraîner une saturation
des terres cultivables, amplifier les contraintes foncières latentes, réduire
la fertilité des terres et réduire la production. Cela posera alors un
problème de durabilité du système à base de coton.
Les perspectives de développement rural sont encore possibles. En effet,
le revenu tiré de la pratique de la culture du coton permet de plus en plus
de financer des activités hors exploitation. Par ailleurs, les producteurs de
coton cultivent de plus en plus des fruitiers, notamment les manguiers et
les anacardiers. En d’autres termes, un nouveau paysage agraire est en
train de se mettre en place avec une prépondérance des plantations de
cultures pérennes à produits destinés essentiellement à l’exportation. Il est
à craindre que la fixation des parcelles par les cultures pérennes
n’accélère la raréfaction des terres et ne réduise à terme, les emblavures
consacrées à la culture du coton.
Les producteurs de coton vont probablement poursuivre le
perfectionnement du fonctionnement de leur coopérative ou union et
faîtière de coopératives en vue d’obtenir une part de plus en plus
importante de la valeur ajoutée dans la filière. Cependant, il est à craindre
qu’un antagonisme et une concurrence directs entre les producteurs d’une
part et les égreneurs privés d’autre part n’entraînent une désorganisation
et une certaine anarchie dans la filière. Il est entendu que l’Etat continuera
de se retirer des activités productives et ne reprendra pas le contrôle de la
filière coton comme par le passé.
De façon globale, on peut s’attendre à ce que les producteurs de coton
continuent à améliorer leur cadre de vie et leur bien-être en utilisant le
revenu du coton. Mais, ce revenu restera encore longtemps soumis aux
fluctuations des cours de la fibre de coton sur le marché mondial. Selon le
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 228
journal Agra Europe (2005), l’OMC semble exiger le respect des règles
du marché mondial par les principaux acteurs, notamment les Etats-Unis
et l’Union Européenne en ce qui concerne la coton. Cependant, nous
pensons qu’il serait quelque peu utopique de croire que les pays grands
producteurs de coton comme les Etats-Unis d’Amérique, la Chine ou
l’Europe renonceront aux diverses formes de soutien ou de subvention de
leurs producteurs et exportateurs. Ces perspectives appellent un certain
nombre de recommandations.
3 Recommandations
L’accroissement futur de la production cotonnière étant nécessaire si l’on
veut accroître les revenus des producteurs et avoir des effets notables sur
le développement, il est à recommander de tenir compte de la durabilité
du système de production. En effet, pour mieux exploiter le facteur terre
cultivable qui se raréfie dans cet environnement agro-sylvo-pastoral et,
espérer donner la chance aux générations futures d’agir pareillement, il
serait souhaitable que l’utilisation des engrais et des pesticides chimiques
se fasse de façon raisonnée. Cela suppose que la recherche agronomique
accentue ses travaux, d’une part, dans l’estimation de l’impact actuel des
produits chimiques du coton sur la biodiversité dans l’écosystème et,
d’autre part, dans la mise au point de nouvelles variétés à haut potentiel
de rendement et nécessitant une faible consommation d’espace et de
produits chimiques. Au Mali par exemple, il y a déjà un début de solution
par la recherche de coton biologique qui met l’accent sur la fertilisation
organique et l’utilisation de pesticides naturels. Un tel programme
pourrait être introduit en Côte d’Ivoire.
La durabilité du système cotonnier repose aussi sur une bonne
organisation des agents économiques de la filière. De ce point de vue,
l’on recommande que l’Etat poursuive son effort visant à renforcer la
responsabilisation des organisations des producteurs de coton. Il doit
aussi veiller à ce que la libéralisation et la privatisation en cours
n’aboutissent à un désordre et une anarchie dans la filière. Pour cela,
l’Etat devra jouer entièrement son rôle d’arbitre de telle sorte que chaque
agent remplisse clairement sa mission. Par exemple, les producteurs
devront perfectionner leurs modes de production, les égreneurs devront
assurer correctement l’encadrement dans leurs zones respectives,
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 229
distribuer les intrants en temps opportun et en quantités suffisantes et
payer la récolte à temps et au juste prix.
Il serait souhaitable de redéfinir une politique de promotion des systèmes
de production à base de vivriers. Cela passe par le renforcement des
activités de recherche agronomique, la professionnalisation des structures
de commercialisation des productions vivrières, la mise en place d’un
système de prix garanti au producteur.
Chapitre 4 – Conclusions générales et perspectives 230
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