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SKI NAUTIQUE
bien observer pour bien conseiller
Comment
observer
un skieur
nautique
en pleine
évolution ?
PAR J. FORMONT
Il est communément admis que pour prodiguer un conseil à quelqu'un sur ce qu'il doit faire, il faut au préalable évaluer le ou les problèmes qu'il rencontre. Cette évaluation passe par l'observation du sujet en activité. Observer, oui. mais quoi et surtout comment ? Nous allons essayer de clarifier comment observer un skieur en pleine évolution. Nous démontrerons également que l'acte d'observer est au cœur du travail de l'enseignant et que c'est à partir de son observation qu'il construit son intervention pédagogique.
OBSERVER POUR ENSEIGNER « L'observation des conduites motrices des enfants et des adolescents est un préalable complexe et indispensable à toutes les formes de régulation en éducation physique et sportive ». nous disent R. Leca et J.M. Billard [11. Dans leur article, L. Ria et J. Fiard [2] considèrent que « l'apprentissage est tou
jours la transformation d'un état initial et n'a de sens qu'au regard du diagnostic de cet état ». Ce diagnostic effectué grâce à l'observation permet de repérer ce que les élèves savent faire afin de pouvoir construire sur une base solide les connaissances et les compétences visées. En slalom notre élève a-t-il des problèmes d'équilibre, de suspension, d'appui, de direction, etc. ? En outre, pour que les connaissances et les compétences soient intégrées le mieux possible, il faut doser la difficulté de la tâche proposée : vitesse du bateau, longueur de corde, etc. Cela signifie qu'il faut « ajuster le niveau de difficulté de la tâche au niveau d'habileté du sujet » [3]. C'est pourquoi, l'observation nous semble l'acte fondateur de l'intervention d'un enseignant. Toutefois, il faut souligner que l'observateur est porteur de représentation, d'idées, il doit donc faire preuve d'objectivité dans son observation.
L'OBSERVATION, UN ACTE PHYSIOLOGIQUE La physiologie nous livre l'idée selon laquelle on ne peut pas envisager la vision comme un simple traitement visuel de l'information. Nous devons l'envisager comme la rencontre de deux ensembles d'activité neuronale, c'est-à-dire 20 % d'informations venant du nerf optique et 80 % d'informations en provenance d'autres régions du cerveau plutôt que de la rétine. Varela [41 démontre que l'émergence d'une nouvelle configuration cohérente dépend du succès de la comparaison entre l'activité sensorielle et l'état interne du sujet. En d'autre terme, lorsque nous regardons nous donnons du sens à notre vision en fonction de ce que nous connaissons, comme le souligne habilement M. Jimenez [5]. Pour Merleau-Ponty, « l'organisme donne forme à son environnement en même temps qu'il est façonné par lui ». Ainsi, le comportement est la première cause
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de toutes les stimulations. « Le sens est ainsi restitué comme une direction qui accompagne le sujet vers un but et qui est déterminée par lui » [6]. En bref, toutes les perceptions sont s o u s - t e n d u e s par des connaissances et des émotions. Nous structurons des informations externes par le cortex. La réalité objective du monde est fausse, nous ne voyons que ce que nous avons décidé de voir ! Sachant cela, observer objectivemen t ne veut r ien d i re . Nous devons donc par c o n s é q u e n t prendre un point de vue délibérémen t et u t i l i se r des ou t i l s « c o n s c i e m m e n t » p rovenan t des théories de la motricité pour identifier et décrire des comportements moteurs que nous mettrons en relation avec des théories d'apprentissage.
LES OUTILS D'OBSERVATION
Loin d'être une simple description du réel, l 'observation suppose nécessairement une sélection d'informations pertinentes sur le pratiquant. L'utilisation d'outils permet à l ' intervenant d'avoir un point de vue délibéré. Ces out i l s p r o v i e n n e n t , dans notre cas, des théories de l'apprentissage moteur. Du point de vue de l'approche dynamique des apprentissages moteurs, l'observation doit se focaliser sur les coordinations des sujets. Ainsi, pour observer un élève en action, il convient de définir « quel(s) paramètre(s) d'ordre peimet(tent) de décrire de manière satisfaisante la coordination du sujet », selon D. Delignières [7]. Cela se traduit, en slalom, par l'observation de la coordination motrice entre le haut et le bas du corps, a ins i que l ' a l ignemen t des épau les , du bass in et du pied avant , ces deux aspects étant envisagés comme des variables collectives. Du point de vue de l 'approche « écologique » des activités motrices, la perception est liée à l'action et vice-versa. Obse rve r une c o o r d i n a t i o n dans ce cas, c'est observer une tendance entre l'action du sujet et le sens qu'il donne à son action en fonction de ses connaissances et de ses émot ions . Act ion et perception chez le skieur sont r e l i ée s . L ' i n t en t i onna l i t é de l'élève se traduit dans ses actions mo t r i ce s en fonc t ion de ce
qu'il perçoit de la situation vécue et à venir et inversement . Par e x e m p l e , le s l a lomeur a-t-il l 'intention d'aller vers la berge ou vers la bouée ? Dans ce cas, de son intention résul tera son action.
LA DÉMARCHE D'OBSERVATION
Observer est un acte délicat mais essentiel dans l'enseignement des activités physiques et sportives. L'intervenant doit passer d'une obse rva t ion s p o n t a n é e à une observat ion plus méthodique . M. Postic et J.M. De Ketele [8] nous l ivrent leur d é m a r c h e d'observation.
• Choisir ce que nous voulons observer. Exemple : la coordination du haut et du bas du corps. • Retenir les dimensions de l'activité des skieurs que nous allons observer. Exemple : l'anticipation des actions. • Définir les indicateurs qui nous permet t ron t de décr i re ce qui se passe. Exemple : les actions sont discontinues, continues ou superposées. • Recueillir les données à l'aide des indicateurs. • Interpréter les données (actions ou interactions) recueillies pour dégager des hypothèses. • Dégager des pistes de réflexion ou des propositions d'action pour conseiller la personne.
DES EXEMPLES DE SITUATIONS
Première situation
• L'observation du skieur nous montre que ce dernier effectue ses virages « en retard », c'est-à-dire que la fin du virage n'est pas effectuée sur la bouée. Il se t rouve au mi l ieu de son virage à hauteur de bouée. C'est la conséquence d'une rotat ion du ski trop lente conduite par le bass in e t /ou d 'une en t r ée de virage directe sur la bouée (photos 1 à 3). On constate également que son pied avant (sur le ski), son bassin et ses épaules ne sont pas sur la même ligne que l'axe longitudinal. Les conséquences biomécaniques sont :
- la gêne et la réduction de la rotation du bassin autour de cet axe longitudinal, limitant l'orientation du ski dans une trajectoire divergente au déplacement du bateau,
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- l'arrêt de la rotation du bassin du skieur en sortie de virage dès que la corde recommence à tracter. • Conseil de l'enseignant : le skieur doit placer son bassin sur une ligne entre le pied avant (sur son ski) et ses épaules. La situation pédagogique proposée aide le skieur à placer correctement son bassin. Le recours à un exercice de slalom à une vitesse plus faible puis évolutive sur un seul pied (avant) permet au skieur d'aligner son bassin sur l'axe longitudinal, et libérer ainsi la rotation de son bassin autour de cet axe. Jouer sur cette variable vitesse fait évoluer la coordination motrice par une progression des degrés de liberté (c'est-à-dire les possibilités d'action) utiles à la réalisation technique du slalom de par une plus grande disponibilité du bassin.
Deuxième situation • L'observation de la skieuse montre des « mous » de corde (photo 4). Ceci s'explique par une vitesse sur l'axe parallèle à la tra-jectoire de déplacement du bateau plus importante que celle de ce dernier. On constate qu'elle est en alignement longitudinal (pied avant, bassin et épaules). Son ski est à plat dans le sillage du bateau moteur. Les conséquences sont : - avoir un ski à plat dans le sillage du bateau participe à augmenter la vitesse du ski sur l'axe parallèle à celle de la trajectoire du bateau. Tout cela aboutit à des mous de corde en cours de virage (photo 5). - perdre le contrôle du ski dans les vagues du sillage entraîne la skieuse à adopter une position de sécurité bassin « cassé » et donc à réduire et limiter la vitesse de rotation du bassin autour de l'axe longitudinal. Pour réaliser un slalom il faut avant tout chercher à aller de part et d'autre du slalom (vers les berges), afin d'avoir la place pour effectuer ses virages autour des bouées. Il faut alors se focaliser sur les traversées du slalom (entre chaque virage) en accélération progressive (photo 6 ). • Conseil de l'enseignant : la skieuse doit se rapprocher progressivement le plus possible de la berge, en venant se caler sur l'épaule opposée au bateau dans la traversée du sillage du bateau.
Dans la situation pédagogique on recourt au slalom libre (sans passage de bouée) mais avec des cordes de plus en plus courtes pour contraindre la skieuse à avoir une accélération progressive et continue. La skieuse sera en réussite lorsqu'elle parviendra en une seule accélération progressive à se rendre jusqu'à la perpendiculaire du bateau moteur (corde en angle droit par rapport à la trajectoire de déplacement du bateau moteur).
* **
L'observation est le premier acte de toute intervention dans le domaine des activités physiques et sportives. Il doit être effectué non pas objectivement mais bien en adoptant un point de vue délibéré. Ainsi, c'est au travers de ce point de vue et des limites de ce dernier, que l'enseignant est capable de décrire la coordination du sujet observé. Il peut alors, grâce à une démarche d'observation méthodique et sur la base des théories de l'apprentissage moteur, prodiguer des conseils adaptés. C'est par l'observation du skieur que l'enseignant construit son intervention. Il faut donc bien observer pour bien conseiller.
Joffrey Formont BEES ski nautique,
jformont @ hotmail.com
Bibliographie [1] Leca R., Billard J. M., L'enseignement de activités physiques, sportives et artistiques. Ellipses édit.. Paris, 2005. [2] Ria L., Fiard J., « Les caractéristiques des élèves », Revue EP.S n° 269, janvier-février 1998. [3] Famose J.P., Apprentissage moteur et difficulté de la tâche, INSEP publications. Paris, 1990. [4] Varela J.. Invitation aux sciences cogni-tives. Le Seuil, Paris, 1996. [5] Jimenez M., La psychologie de la perception, Flammarion, Paris, 1997. [6], Berthoz A.. Le sens du mouvement, O. Jacob, Paris, 1997. [7] Delignières D.. « Apprentissage moteur, quelques idées neuves », Revue EP.S n° 274, novembre-décembre 1998. [8] Postic M.. De Ketele J.M., Observer les situations éducatives, PUF, Paris, 1988.
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