3
La magnétorésistance géante quelques notions utiles… Découverte au milieu du 19 è siècle, la magnétorésistance est sous les feux de l’actualité depuis l’attribution du Prix Nobel de Physique 2007 à Albert Fert et Peter Grünberg – mais il s’agit maintenant de « magnétorésistance géante ». Qu’en est-il exactement ? ( ) La résistance électrique Notion qui peut être résumée ainsi : « plus la résistance est élevée, et moins il y a de courant qui passe ». La résistance est due au freinage du mouvement des électrons responsables du courant dans le matériau (à cause d’impuretés, de collisions…). Petite analogie mécanique : les balles oranges sont les électrons, se déplaçant dans un matériau conduisant l’électricité. L’inclinaison de la planche correspond au voltage appliqué. Le trajet des balles est ralenti par les clous, tout comme les électrons le sont par les interactions avec les défauts du conducteur. Si on enlève les clous, le matériau est supraconducteur ! Le spin des électrons Un électron possède une charge électrique, une masse, et une troisième propriété intrinsèque : le spin. Considérons l’électron comme une sphère chargée négativement. Elle gravite autour du noyau de l’atome, et tourne également sur elle-même – un peu comme la Terre autour du Soleil. Or, toute charge en mouvement produit un champ magnétique. Le spin caractérise le mouvement de rotation de l’électron sur lui- même, ainsi que le champ magné- tique associé à ce mouvement. Représenté par un vecteur pouvant avoir deux directions, « up » et « down », il peut être comparé à un minuscule aimant, qui est donc sensible aux champs magnétiques. Dans un matériau non magnétique, le nombre d’électrons de spin up et de spin down est le même. Dans un matériau magnétique, par contre, le nombre d’électrons de spin up et de spin down est différent, et cette différence est à l’origine du fait que ce matériau soit magnétique. Dans les métaux magnétiques usuels (fer, cobalt, nickel et leurs alliages), les électrons responsables du magnétisme sont les mêmes que les électrons mis en jeu dans le transport électrique. Cas 1 – non magnétique Cas 2 – magnétique La magnétorésistance Si l’on soumet des électrons à un champ magnétique, on modifie leur déplacement. Phénomène bien connu à SOLEIL : les électrons tournent dans le booster et dans l’anneau du synchrotron en traversant des dipôles : des aimants qui courbent leur trajectoire. Mais quittons SOLEIL et revenons à la magnétorésistance. Un champ magnétique agit donc sur le déplacement des particules qui sont à l'origine du courant électrique. On peut alors concevoir qu'un champ magnétique puisse modifier la résistance électrique d'un matériau. C'est le phénomène de magnétorésistance, découvert par Kelvin en 1857. L’effet observé est alors assez faible : la résistance du matériau change de quelques % selon le champ magnétique appliqué. Les dipôles (rouges) sont des électroaimants qui courbent la trajectoire des électrons – ici, dans le booster. SYNCHROTRON SYNCHROTRON Juin 2008 Merci à André Thiaville, LPS, Univ. Paris-Sud 11, pour sa relecture. Sources images : www.techrepublic.com ; http://ffden-2.phys.uaf.edu/212_fall2003.web.dir/T.J_Barry/resistance.html

La magnetoresistance-geante

Embed Size (px)

Citation preview

La magnétorésistance géantequelques notions utiles…

Découverte au milieu du 19è siècle, la magnétorésistance est sous les feux de l’actualitédepuis l’attribution du Prix Nobel de Physique 2007 à Albert Fert et Peter Grünberg– mais il s’agit maintenant de « magnétorésistance géante ». Qu’en est-il exactement ?( )

La résistance électriqueNotion qui peut être résumée ainsi : « plus la résistance est élevée, etmoins il y ade courant qui passe». La résistanceest dueau freinagedumouvement des électrons responsables du courant dans le matériau(à cause d’impuretés, de collisions…).

Petite analogiemécanique :les balles oranges sont les

électrons, se déplaçant dansunmatériau conduisant l’électricité.

L’inclinaison de la planchecorrespond au voltage appliqué.Le trajet des balles est ralentipar les clous, tout comme les

électrons le sont par lesinteractions avec les défauts

du conducteur.Si on enlève les clous, le

matériau est supraconducteur !

Le spin des électronsUnélectronpossèdeunechargeélectrique,unemasse,etune troisièmepropriété intrinsèque : le spin.Considérons l’électron comme unesphère chargée négativement. Ellegravite autour du noyau de l’atome,et tourneégalement surelle-même– un peu comme la Terre autour duSoleil.Or, toute charge en mouvementproduit un champ magnétique.Le spin caractérise le mouvementde rotation de l’électron sur lui-même, ainsi que le champ magné-tique associé à ce mouvement. Représenté par un vecteur pouvantavoir deux directions, « up » et « down », il peut être comparé à unminuscule aimant, qui est donc sensible aux champsmagnétiques.

Dansunmatériaunonmagnétique, le nombred’électronsdespinupetde spin down est lemême.

Dans un matériau magnétique, par contre, le nombre d’électrons despinupetdespindownestdifférent, et cettedifférenceest à l’originedufait que cematériau soitmagnétique.

Dans les métaux magnétiques usuels (fer, cobalt, nickel et leursalliages), les électrons responsables du magnétisme sont les mêmesque les électronsmis en jeu dans le transport électrique.

Cas 1 – nonmagnétique Cas 2 –magnétique

La magnétorésistanceSi l’on soumet des électrons à un champ magnétique, on modifieleur déplacement. Phénomène bien connu à SOLEIL : les électronstournent dans le booster et dans l’anneaudu synchrotronen traversantdes dipôles : des aimants qui courbent leur trajectoire.

Mais quittons SOLEIL et revenons à la magnétorésistance. Un champmagnétique agit donc sur le déplacement des particules qui sont àl'origine du courant électrique. On peut alors concevoir qu'un champmagnétiquepuissemodifier la résistanceélectriqued'unmatériau.C'estle phénomène demagnétorésistance, découvert par Kelvin en 1857.L’effet observéest alors assez faible : la résistancedumatériau changede quelques% selon le champmagnétique appliqué.

Les dipôles (rouges) sont des électroaimants qui courbent la trajectoire des électrons –ici, dans le booster.

SYNCHROTRONSYNCHROTRON

Juin2008

Merci à André Thiaville, LPS, Univ. Paris-Sud 11, pour sa relecture. Sources images : www.techrepublic.com ; http://ffden-2.phys.uaf.edu/212_fall2003.web.dir/T.J_Barry/resistance.html

Projet panneau:Mise en page 1 26/06/08 15:04 Page 1

Quand la magnétorésistancedevient géante

Filtrer les électrons selon leur spinLes travaux d’Albert Fert qui ont mené à ladécouverte de la magnétorésistance géante(Giant MagnetoResistance, GMR, en anglais)ont commencé dans les années 70. Cesrecherches fondamentales portaient alorssur le déplacement des électrons dans unecouche aimantée en fonction de leur spin, upou down.Ses résultats montrent que, selon que lesensduspinde l’électron correspondounon

à l'orientation magnétique de la couche, l’électron passera plus oumoins facilement à travers cette couche.Cette résistance liée aux spins électroniques peut mener à la fabrica-tion de « filtres » à électrons : une fine couchemagnétique placée surle trajet d’un courant d’électrons laissera passer principalement ceuxdont le spin est parallèle à son aimantation. On parle de « polarisationen spin » du courant.

Et si on multiplie les couches…Soit un « sandwich » composé de deuxcouches aimantées, séparées par une couchenon magnétique. M. Grünberg, autre PrixNobel de Physique 2007, a montré que cescouches magnétiques peuvent interagir ets’orienter naturellement en sens opposé,commedeuxbarreauxaimantésvont seplacerde façon à ce que leurs pôlesNord et Sud res-pectifs ne se « regardent » pas (voir schéma).Quand des électrons traversent une multicouche magnétique, unegrandepartie de ceuxdont le spinn’est «pasbienorienté»par rapportà lapremière couchemagnétique, est arrêtée.Par contre, lesélectronsau spin parallèle à cette première couche continuent leur trajet… pourêtre à leur tourmajoritairement stoppéspar l’entréedans la deuxièmecouche – puisque que celle-ci n’est pas orientée comme la première !Dans ce casde figure, onpeut donc considérerque laquasi-totalité desélectrons est arrêtée.

Une fine couche dematériau aimanté (orientation de l'aimantation figurée par la flècheen pointillés) est traversée par un courant d'électrons (a). Les électrons dont le spin a lamême orientation que l'aimantation de la couche passeront plus facilement que ceux auxspins «mal orientés », qui seront majoritairement bloqués (b).

Orientationde l'aimantation

de la couche

(a)

(b)

Unemulticouche, dont les deuxcouchesmagnétiques - prenanten sandwich une couche nonmagnétique - sont naturellementorientées en sens opposé. Latraversée de l’une ou l’autre descouchesmagnétiques va bloquerle passage de lamajorité desélectrons.

SYNCHROTRONSYNCHROTRON

Albert Fert

Peter Grünberg

Et c’est là qu’intervient le champmagnétique !Si l’on applique un champmagnétique adéquat, on peutmodifier l’orienta-tion de la couche qui n’est pas aimantée parallèlement au champ.L’orientationmagnétique devient donc identique dans les deux couches.Dans ce cas, seule unemoitié des électrons (ceux de spin «mal orienté »)sera arrêtée.La résistance dumatériau a donc énormément diminué suite à l’action duchamp magnétique externe. C’est le principe de la magnétorésistancegéante.

Onmodifie l’orientation de lacouche qui n’est pas aimantéeparallèlement au champ.Seuls les électrons au spin «malorienté » seront arrêtés.On a ainsi diminué la résistancede lamulticouche au passage ducourant électrique.

Juin2008

Merci à André Thiaville, LPS, Univ. Paris-Sud 11, pour sa relecture. Sources images : www.techrepublic.com ; http://ffden-2.phys.uaf.edu/212_fall2003.web.dir/T.J_Barry/resistance.html

Projet panneau:Mise en page 1 26/06/08 15:04 Page 2

Pourquoi un Prix Nobel ?

Depuis la découverte de la magnétorésistance, des dispositifs (capteurs, détecteurs…)utilisant ce phénomène avaient été mis au point. Mais à la fin des années 80, plus de100 ans après la découverte de Lord Kelvin, les chercheurs pensaient qu’il n’était pluspossible de progresser dans ce domaine. Puis Albert Fert et Peter Grünberg sont arrivés…( )

De l’importance des multicouches…La mise en évidence du phénomène de GMR nécessite de pouvoirdisposer de multicouches magnétiques dont l’épaisseur ne doit êtrequedequelquesnanomètres, soit une dizaine d’atomesd’épaisseur ( àdes épaisseurs supérieures, l’électron peut voir son spin retourné parles collisions). Or, lesprogrès technologiquespermettant l'élaborationde telles couches ultra-minces ne datent que de la fin des années 80.Cela explique que les résultats des recherches de MM. Fert etGrünberg aient été obtenus à cette époque.

Représentationd’unemulticouche ;

chaque boulefigure un atome

(©DRFMC – CEA)

Une révolution dans le stockagede l’informationL'unité élémentaire d'information estle bit : un bit est une information élec-trique pouvant prendre deux valeurs :0 (il n'y a pas de courant), ou 1 (il y a ducourant). Les ordinateurs utilisent ainsiun langage binaire (suite de 0 et de 1).Sur un disque d’ordinateur, on stockel’information sous forme de petitsdomainesmagnétiques.La tête de lecture contient un capteurqui utilise le phénomène de magnéto-résistance. En se déplaçant sur ledisque, le capteur détecte les champsmagnétiques, générés par les bits dedonnées.L’information – c’est-à-dire le change-mentderésistance-estalors transcriteenpulsesélectriques (0/1/0/1), qui sontlus par l’ordinateur.

Aujourd'hui, la quasi totalité des têtes de lecture pour disques dursutilise la GMR, permettant des densités de plus de 20 milliards de bits(giga-bits) par centimètre carré de disque : l'équivalent d'environ2500 romans par centimètre carré !Plus de 600 millions d’ordinateurs équipés de telles têtes de lecturesont produits chaque année.

Un minuscule détecteur ultrasensibleLe principe des applications de la GMR est simple – il était déjà mis enoeuvre avec la magnétorésistance « classique » - il s’agit de détermi-ner la valeur d’un champ magnétique par la mesure d’une résistanceélectrique.L’avancée technologique repose sur la sensibilité de la détection :les champsmagnétiques détectés, grâce à la GMR, pouvant être extrê-mement faibles, il devient possible de diminuer la taille des objetsmagnétiques les produisant.

En l’occurrence, les objets magné-tiques sont les bits de données pré-sents sur les disques durs de nosordinateurs.

Intérieur d’un disque dur. La tête delecture – à l’extrémité du bras visible enbas à droite - vient se positionner au-dessus du disque, à unedistance de 10 nanomètres (soit 10millionième demillimètre)de la surface.

SYNCHROTRONSYNCHROTRON

En 1956, IBM commercialise lepremier disque dur, le RAMAC 305.Constitué de 50 disques de 61 cmde diamètre, il peut stocker5millions d’octets (= 5 Mo ;un octet = 8 bits), pour un poidsdépassant la tonne. Aujourd'hui,plus de 300.000milliards d'octets(300.000 Go) de données peuventêtre accumulés sur cettemêmesurface.

A droite, l’undes disques duRAMAC 305.A gauche (entrele pouce et l’indexdu démonstrateur)unmini disquedur actuel.

Juin2008

Merci à André Thiaville, LPS, Univ. Paris-Sud 11, pour sa relecture. Sources images : www.techrepublic.com ; http://ffden-2.phys.uaf.edu/212_fall2003.web.dir/T.J_Barry/resistance.html

Projet panneau:Mise en page 1 26/06/08 15:04 Page 3