2
GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert par Bertrand GUÉLY ©FFANG-DREAMSTIME.COM 26 vegetable.fr • n o 346 / juillet-août 2017  Beaucoup d’enseignes semblent avoir oublié que le second critère après les prix pour l’attachement à une enseigne ou à un point de vente est l’attractivité et la tenue des rayons.” C’EST UNE ÉVIDENCE : À PART POUR QUELQUES ENSEIGNES SPÉCIALISÉES QUI SE TIENNENT INTELLIGEMMENT À L’ÉCART D’UNE GUERRE DES PRIX GÉNOCIDAIRE ET SE DONNENT LES MOYENS D’AVOIR DES MAGASINS BIEN TENUS, LE DÉPLOIEMENT EN POINT DE VENTE EST SOUVENT CHAHUTÉ. «Q uand je vois tout ce qu’on nous demande de faire avant de pouvoir livrer sur plateforme, pourquoi on nous refuse par- fois et, après, l’état des rayons quand je fais mes courses, il faut vraiment qu’on m’explique ! » Vous n’avez jamais entendu ça ? Combien de producteurs consciencieux ont été tentés de jeter leur stock d’alvéoles face à une montagne de pêches talées ? Combien de maraîchers ont pensé aux refus essuyés pour poids pièce non conforme en voyant des salades plus desséchées que le gosier des parti- cipants au marathon des sables ? Combien de jeunes marketeuses pleines de certitudes, ont perdu goût à la vie en voyant que les superbes kits de matériel publi-promotionnel n’étaient posés que si un merchandiseur passe le faire... Raisons principales 1 Le trop grand nombre de choses à faire. À part le syndiplanqué du Pool Balance, tout le monde travaille énormément en magasin et ne peut dédier que peu de temps et d’attention au déploiement fin. 2 Le manque de bras. Il y a maintenant bien longtemps que la petite du service déco, qui était à 5/8 tout en donnant un coup de main au stand traiteur au moment des fêtes et faisait des piges en hôtesse self scanning, est partie en dépression. Le déploiement complet, sans res- source dédiée, passera donc après le remplis- sage, les rotations, le facing... et la pause bien méritée. 3 La perte d’expertise en raison du turn-over élevé en magasin. Plus les anciens s’en vont, plus les E. L. S. deviennent surtout des remplis- seurs en sous-effectif. 4 La fréquence quasi hebdomadaire des opé- rations. On le sait, le levier promotionnel est copieusement utilisé par les enseignes agrip- pées à leurs parts de marché, quitte à débou- cher sur des calendriers plus démentiels qu’événementiels. De fait, certains directeurs, las de voir les queues de promo s’accumuler dans les réserves, font un tri à l’examen du Le fil vert sur le bouton vert !

Le fil vert sur le bouton vert!

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le fil vert sur le bouton vert!

GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

par Bertrand GUÉLY

©FF

ANG-

DREA

MST

IME.

COM

26 • vegetable.fr • no 346 / juillet-août 2017

Les limites du déploiement en magasin

 Beaucoup d’enseignes

semblent avoir oublié que

le second critère après les prix pour

l’attachement à une enseigne ou

à un point de vente est l’attractivité

et la tenue des rayons.”

C’EST UNE ÉVIDENCE : À PART POUR QUELQUES ENSEIGNES SPÉCIALISÉES QUI SE TIENNENT INTELLIGEMMENT À L’ÉCART D’UNE GUERRE DES PRIX GÉNOCIDAIRE ET SE DONNENT LES MOYENS D’AVOIR DES MAGASINS BIEN TENUS, LE DÉPLOIEMENT EN POINT DE VENTE EST SOUVENT CHAHUTÉ.

«Quand je vois tout ce qu’on nous demande de faire avant de pouvoir livrer sur plateforme, pourquoi on nous refuse par-fois et, après, l’état des rayons

quand je fais mes courses, il faut vraiment qu’on m’explique ! » Vous n’avez jamais entendu ça ? Combien de producteurs consciencieux ont été tentés de jeter leur stock d’alvéoles face à une montagne de pêches talées ? Combien de maraîchers ont pensé aux refus essuyés pour poids pièce non conforme en voyant des salades plus desséchées que le gosier des parti-cipants au marathon des sables ? Combien de jeunes marketeuses pleines de certitudes, ont perdu goût à la vie en voyant que les superbes kits de matériel publi-promotionnel n’étaient posés que si un merchandiseur passe le faire...

Raisons principales

1 Le trop grand nombre de choses à faire. À part le syndiplanqué du Pool Balance, tout le monde travaille énormément en magasin et ne peut dédier que peu de temps et d’attention au déploiement fin.

2 Le manque de bras. Il y a maintenant bien longtemps que la petite du service déco, qui était à 5/8 tout en donnant un coup de main au stand traiteur au moment des fêtes et faisait des piges en hôtesse self scanning, est partie en dépression. Le déploiement complet, sans res-source dédiée, passera donc après le remplis-sage, les rotations, le facing... et la pause bien méritée.

3 La perte d’expertise en raison du turn-over élevé en magasin. Plus les anciens s’en vont, plus les E. L. S. deviennent surtout des remplis-seurs en sous-effectif.

4 La fréquence quasi hebdomadaire des opé-rations. On le sait, le levier promotionnel est copieusement utilisé par les enseignes agrip-pées à leurs parts de marché, quitte à débou-cher sur des calendriers plus démentiels qu’événementiels. De fait, certains directeurs, las de voir les queues de promo s’accumuler dans les réserves, font un tri à l’examen du

Le fil vert sur le bouton vert !

Page 2: Le fil vert sur le bouton vert!

GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

par Bertrand GUÉLY

©FF

ANG-

DREA

MST

IME.

COM

Frais plus longtempsLe plateau en carton ondulé est l’emballage le plus approprié pour allonger jusqu’à 3 jours la durée de vie en rayon des fruits et légumes frais.

www.cartononduledefrance.org

avec le soutien de Carton Ondulé de France

LUTTER CONTRE LA CULTURE DE L’À-PEU-PRÈS

Trop de liberté tue le déploiementIl n’existe malheureusement pas de solution miracle ou tout au moins innovante.

•  Donner du temps et des bras aux équipes pour bien faire. La vie en magasin est faite d’imprévus quotidiens consommateurs de ressources humaines. À la différence de la SNCF qui met des gilets rouges à tous les postes, les magasins sont foncièrement sous-staffés.

•  Ici encore, la formation est une clé. Fondée sur un mix entre l’application des consignes envoyées par la centrale et les trucs de grand-mère (qui sait encore qu’on peut déplacer une gondole sans nécessairement avoir à la vider avant avec 4 morceaux de couenne de lard sous les pieds ?)

•  Travailler avec des check-lists dédiées à la seule cause du déploiement et regroupant les points de passage obligatoires. En fonction des univers, on connaît les failles les plus fréquentes, alors focalisons nous dessus.

•  Simplifier tous les mails, supports explicatifs, briefs, argumentaires, présentations... Les collaborateurs qui les rédigent sont plus des habitués de la moquette que du sol des réserves. Ils doivent comprendre que ce dont ont besoin les équipes magasins, c’est de « sujet, verbe, complément ». Sont donc à proscrire les notes interminables, le jargonnage, les notices façon produit chinois, les powerpoints rabâchés...

Par contre, je conseille, pour chaque opération, de faire en quelques minutes et à chaud l’examen de la boîte noire, pour garder en mémoire ce qui n’a pas fonctionné et ce qu’il faut changer/améliorer pour les prochaines éditions.

Gardons également en mémoire les solutions e-commerce qui restent à l’affût et guettent toute défaillance pour s’imposer dans un secteur où ils peinent encore. Bien sûr, le besoin de voir/toucher/sentir/goûter de Madame Michu nous protège encore de l’ubérisation mais cette défense tiendra-t-elle encore longtemps si le déploiement de l’étal est si loin des attendus consommateurs ? Dans les magasins virtuels, tout est parfaitement pensé, présenté et déployé...

Retrouvez sur www.vegetable.fr d'autres encadrés sur ce thème.

en bref

Les limites du déploiement en magasin

NOUVEAU !

www.vegetable.fr/blogs/guely

Retrouvez l’humeur de Bertrand Guely sur son végéblog :

annonce_blog_colonne.indd 1 27/04/15 15:33

Le mois prochain : Les contre-sens de la filière

calendrier des opérations auxquelles ils croient le plus, voire appliquent systématiquement le « une sur deux ». L’Enfer est pavé de bonnes promotions.

5 L’oubli du basique « Retail is Detail ». Superbes panneaux livrés sans trous ni attaches, jupes de gondole sans partie adhésive ou aimantée, les inévitables ballons pour les anniversaires mais où est donc ce fichu gon-fleur, les boîtes à leaflets posées à même les TG... Le fait d’envoyer aux points de vente du matériel à peu près bien pensé fait qu’il sera à peu près bien posé.

6 La prise en compte insuffisante des remon-tées magasin. Un des plus grands mystères de la GD : pourquoi les équipes qui sont tous les jours au contact du consommateur ne sont pas plus écoutées par celles qui sont plus au contact du percolateur ? Je ne parle pas ici de l’insatis-fait de service, casseur d’acheteur car il est frus-tré de n’avoir jamais pu l’être lui-même, mais de l’immense majorité des personnels en magasin qui savent comment ça se passe dans la vraie vie, et à qui on devrait donner beaucoup plus la parole.

7 La trop grande liberté donnée en local et, non, ça n’est pas antinomique avec mon point précédent. Le juste équilibre entre la massifica-tion des achats en centrale et la bride lâchée pour le local est le bon sens même. Certains directeurs ancienne école s’improvisent ache-teurs et donnent la part belle à toutes sortes de nanars locaux. C’est là, en général, qu’on voit des gondoles complètes de jus de pomme local pasteurisé en bouteille verre, l’incontournable gamme de pruneaux mi-cuits (importés), les mélanges d’épices bourrés de sel et avec à peu près autant d’épices nobles dans le mélange qu’il y a de fruit dans le Sunny Delight... Pendant ce temps, les vrais opérations génératrices de business incrémental en bipack Tropicana Orange 2 x 1 l bac TG et le kilo Maître Prunille + 20 % sont passées en fond de rayon (et la PLV au compacteur !).

Les sanglots longs...

Il y a 2 types d’hommes sur la plage d’Omaha: ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir ! Même quand on prévoit tout depuis des mois et qu’on met suffisamment de ressources en hommes et en matériel, ça peut ne pas fonctionner comme prévu. L’artillerie et les nœuds de mitrailleuses pas neutralisés, les parachutistes tombés trop loin du front, l’acharnement de troupes fraîches et fanatisées à ne pas se faire déloger, et bien, en magasin, ces imprévus, ça peut être la liste quotidienne des portés pâles – vrais ou faux malades –, la PLV de la promo qui est restée sur entrepôt, la panne du groupe Froid... Certes, Retail is Detail mais Retail c’est aussi Daily Fail, la gestion quotidienne des imprévus qui plombe le déploiement.