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Ma lettre à la Ministre

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Page 1: Ma lettre à la Ministre

Madame la Ministre, Je vous remercie pour votre réponse détaillée. Mais, loin de me rassurer, vos propos m'inquiètent encore plus. Votre argumentation est vaine et surtout fallacieuse. Vous nous expliquez que l'enseignement de l'allemand dans le premier degré va être développé. Mais l'expérience nous a prouvé que, plus l'apprentissage de la LV1 commence tôt, plus cela profite exclusivement à l'anglais, les parents ne voulant pas prendre le risque de faire apprendre l'allemand à leurs enfants dans ces conditions. Et quand bien même, qui va enseigner l'allemand dans les classes de primaire ? En combien de temps, les professeurs des écoles vont-ils être formés ? Cela va prendre des années. Comment vont-ils être déployés sur le territoire ? Les classes bilangues seront fermées depuis bien longtemps et de nombreux IEN interdiront alors aux enseignants habilités d'enseigner l'allemand comme cela se produit déjà actuellement trop souvent. Je travaille dans un collège du Pas de Calais en milieu rural. Notre recrutement se fait sur une zone très étendue et ce ne sont pas moins de 10 écoles qui nous alimentent, ces écoles fonctionnant presque toutes en RPI. Je viens de terminer ma tournée de promotion de la section bilangue dans 10 classes de CM2 différentes. J'y ai rencontré comme les années précédentes un grand enthousiasme pour la section bilangue et surtout une grande soif d'apprendre chez les élèves. Ces élèves seront donc les derniers à pouvoir profiter de ce dispositif innovant, car il s'agissait là de ma "tournée d'adieu"; vous m'interdirez en effet l'an prochain de poursuivre cette promotion. Nos élèves du premier degré travaillent en RPI et fréquentent donc du CP au CM2 deux ou trois écoles différentes. Dès lors, comment des enseignants habilités pourront assurer l'enseignement de l'allemand du CP au CM2? En outre, vous parlez de la construction d'une nouvelle carte des langues pour renforcer la diversité linguistique. Mais il est clair qu'elle profitera à un public urbain déjà privilégié et mes élèves en milieu rural seront sacrifiés sur l'autel de votre égalitarisme dogmatique, car il sera impossible d'ouvrir une section bilangue dans ces conditions dans mon collège. Vous nous expliquez ensuite que les expérimentations actuelles dans l'académie de Rennes et de Toulouse, suite à la suppression des bilangues et à l'avancement de la LV2 en 5ème, font légèrement augmenter le nombre de germanistes en LV2. Mais c'est heureux et c'est bien le moins que l'on puisse attendre ! Toutefois, ils n'absorbent pas tous les élèves qui auraient choisi le dispositif bilangue s'il avait été maintenu. Et là encore votre argumentation est fallacieuse car vous omettez soigneusement de communiquer les chiffres de tous les germanistes dans ces deux académies en ne vous concentrant que sur la LV2, les résultats étant moins flatteurs pour votre politique. Pour expliciter mon propos, prenons à nouveau l'exemple de mon collège. Actuellement, mon établissement compte 120 germanistes répartis de la façon suivante : 90 en bilangue de la 6ème à la 3ème et 30 en LV2 de la 4ème à la 3ème. Avec la réforme, il est fort à parier qu'une vingtaine d'élèves s'orientera chaque année vers l'allemand LV2 (les élèves qui choisissaient bilangue, car ils trouvaient le dispositif séduisant, ne vont pas se reporter automatiquement sur l'allemand LV2, c'est un leurre !); il y aura donc 20 x 3 = 60 germanistes LV2 de la 5ème à la 3ème dans mon collège. Vous saisirez alors l'occasion de communiquer auprès des médias de l'augmentation du nombre de germanistes LV2 (de 30 actuellement à 60 après la réforme soit une augmentation de 100 %) et vous aurez bien raison d'argumenter sur les bienfaits de votre réforme pour l'enseignement de l'allemand. Mais c'est sans oublier, qu'avant la réforme, il y avait 120 germanistes dans mon collège de la 6ème à la 3ème et qu'il n'y en aura plus que 60 de la 5ème à la 3ème, soit une perte sèche de 50% des effectifs et là forcément, cette statistique est beaucoup moins agréable à communiquer. De plus, avec 60 germanistes seulement, il sera impossible d'alimenter le vivier nécessaire pour maintenir l'échange franco-allemand que j'organise depuis 15 ans et, de toute façon, mon poste aura été supprimé entre temps (car le nombre d'heures d'allemand sera passé de 18 actuellement à 7,5 et ce ne sont pas les EPI qui changeront grand-chose) et je travaillerai au mieux sur trois établissements, au pire je n'aurai pas d'affectation et l'Education Nationale me demandera de me reconvertir à marche forcée. Dès lors, vous faites preuve d'inconséquence en annonçant l'augmentation du nombre de postes au CAPES d'allemand.

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Mais qu'allez-vous faire de ces enseignants ? Comme vous pouvez aisément le constater, vous ne parvenez pas à nous convaincre. Alors, assumez pleinement votre décision de rendre l'enseignement de l'allemand confidentiel et ne cherchez pas à enfumer le public avec un discours mensonger. Je veux croire encore que notre argumentation basée sur une connaissance précise du terrain et le soutien de 18000 personnes ayant signé à ce jour la pétition pour la défense de l'allemand feront évoluer votre position. Veuillez croire, Madame la Ministre, en mon profond attachement à la défense du service public d'enseignement. Alban CHAZEAU Professeur d'allemand Lettre publiée avec l’autorisation de son auteur sur le site de l’ADEAF. http://www.adeaf.net/ https://www.facebook.com/adeaf.fr https://twitter.com/ADEAF_nationale