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Les ruptures contemporaines Daniel Dufourt Professeur de Sciences Economiques IEP Lyon Eléments d’économie générale Séance du 4 septembre 2010

Eléments d'économie générale IV

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Les ruptures contemporaines

Daniel Dufourt Professeur de Sciences Economiques IEP Lyon

Eléments d’économie générale

Séance du 4 septembre 2010

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INTRODUCTION

- 3 grandes ruptures:- L’avènement d’une société de services- La transition vers une économie de la connaissance

qualifiée de « capitalisme cognitif »- La recherche d’un développement durable (non traité)Ces 3 ruptures, liées aux progrès scientifiques et

techniques qui se traduisent par une accélération du temps et un rétrécissement de l’espace, nécessitent, pour en déchiffrer les effets, un changement de référentiel.

L’ anamorphose, qui est une déformation réversible d'une image à l'aide d'un système optique - tel un miroir courbe - ou un procédé mathématique, va nous servir d’exemple.

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Un immense changement de référentielLes ambassadeurs ou "Jean de Dinteville et Georges de Selve" Hans Holbein 1533Huile sur le chêne, 207 x 209.5 The National Gallery, Londres

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« Tableau de deux jeunes hommes instruits, riches et puissants. À gauche, Jean de Dinteville, 29 ans, ambassadeur de France en Angleterre en 1533. A droite, son ami Georges de Selve, 25 ans, évêque de Lavaur, qui a officié à plusieurs occasions comme ambassadeur de l'empereur, à la République de Venise et au Saint-Siège.

Les objets sur l'étagère supérieure incluent un globe céleste, des instruments d'observation céleste et divers instruments pour comprendre les cieux et mesurer le temps. Parmi les objets sur l'étagère inférieure, un luth, un livre de cantiques, un livre d'arithmétique et un globe terrestre. Certains détails ont pu être interprétés comme références aux divisions religieuses contemporaines. La corde cassée de luth, par exemple, peut signifier la discorde religieuse, alors que le livre luthérien de cantiques peut être une intervention en faveur de l'harmonie chrétienne.

Au premier plan, l'image déformée d'un crâne, symbole de mort. (Source : Ciné-club de Caen. Partie Beaux Arts)

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Cette anamorphose doit être vue d'un point à la droite de l'image pour corriger la déformation. Est alors vu, dans la même ligne, le petit Christ, en haut à gauche du tableau, qui sauve de la mort

Au XVIème siècle, Hans Holbein, extraordinaire portraitiste, montre la cruciale distinction entre l'image et l'objet ; l'anamorphose du célèbre tableau des Ambassadeurs détruit l'idée intuitive et aveuglante que nous avons du corps, de ce qu'il y a à voir. Quel est l'objet que l'on ne peut reconnaître? Quel est cet objet qui, identifié comme un crâne, est d'abord le représentant de tout un système de références dans la culture mais représentant vomi, recraché, et en ce sens plus réel que les personnages du tableau.

En cette année 1533, Henri VIII divorce de Catherine d'Aragon et produit le schisme que nous connaissons entre l'Eglise anglicane et l'Eglise catholique.

Corps des amants, corps du Roi, corps de l'Eglise, le même mot qui n'est jamais le même.

La cause d'un désir modèle bien au-delà de l'aventure d'un homme ou d'un couple, une société entière et son histoire. Le corps est métaphore, se déclinant suivant les contrées, les cultures et les siècles.

Pourquoi cette division nécessaire entre la vision et le regard, le visible et le signifiant, est-elle aujourd'hui si confuse ?

Lacan avait dans une formule prophétique, proposé une réponse, "l'homme moderne prend son corps pour un meuble".

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1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

A-Tendances de longue période

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Très forte croissance de la population active dans les services à partir des années soixante et majoritairement féminine à partir des années 90.

1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

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1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

La croissance des emplois est souvent due à l’emploi non qualifié et féminin

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Un développement massif de l’emploi à temps partiel:

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1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

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2ème Partie – Les différentes conceptions de l’objet et de la nature de la science économique

B -Conséquences sur le rapport salarialLe régime du travail salarié est habituellement associé à trois caractéristiques:-La durabilité de la relation d’emploi, c’est-à-dire le caractère indéterminé du contrat de travail,-L’unicité de l’employeur et l’appartenance à un service organisé,-Le temps plein avec salaire au temps en fonction du poste occupé dans l’activité normale et permanent dans l’entreprise.Or l’avènement de la société tertiaire a conduit à la multiplication des emplois à temps partiel et des emplois intérimaires qui exercent un impact décisif sur les modalités de rémunération du travail salarié.

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1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

Le rapport salarial n’est pas seulement affecté par la montée de l’emploi précaire, des emplois partiels et des emplois intérimaires, il l’est aussi par le développement des pratiques d’externalisation des tâches et d’individualisation des compétences et des rémunérations.

Le commerce des tâches tant sur le plan national qu’international substitue aux caractéristiques du rapport salarial celles du tâcheronnage c’est-à-dire d’une rémunération à la tâche d’un prestataire de service qui n’est plus un salarié mais un travailleur indépendant, qui n’a plus droit de ce fait aux prestations sociales associées au régime de travailleur salarié.

La logique des compétences qui se substitue à celle des qualifications met l’accent au-delà des connaissances acquises et certifiées par l’obtention d’un diplôme sur les aptitudes à les appliquer de manière opérationnelle dans des contextes ou situations très différents. De ce fait elle ajoute à l’exigence d’acquis cognitifs, celle d’une appropriation des usages de ces savoirs passant par l’expérience. Cette évolution témoigne d’un bouleversement profond des structures économiques et sociales puisque les qualifications étaient associées à des postes de travail alors que les compétences (cf ci-dessous) interviennent dans une relation avec des partenaires. Cf. ci-dessous la relation de service.

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1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

C – L’avènement de la relation de serviceOn peut prendre comme point de départ la définition proposée par l'économiste Peter Hill en 1977.La définition de Hill est la suivante : " Le service est le transformation de la condition d'un individu - ou

d'un bien, appartenant à un agent économique quelconque-, résultant de l'activité d' un autre agent économique, à la demande ou avec l'agrément (agreement) du premier agent".

Commentaires de Philippe Zarifian:

- « le service est une transformation. Qui plus est " la transformation d'une condition" (ce que Jean Gadrey a préféré qualifier d' "état" : état d'une personne ou état d'un bien). Qui dit "transformation", dit engagement d'un vrai travail, d'un vrai professionnalisme, celui nécessaire pour opérer cette transformation. Cela place aussitôt les activités de services à égalité de statut avec les activités industrielles. Dans les deux est engendrée une transformation. Cela permet aussitôt de rejeter les approches purement comportementales de la prestation d'un service, qui laissent entendre qu'aucune compétence professionnelle et aucune organisation ne sont mobilisées dans la réalisation d'un service, ce qui, à l'évidence, est faux. »

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1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

- En parlant de la transformation d'une "condition", Hill voit juste. On voit qu'autre chose que le service est engagé, ne serait-ce qu'implicitement. La question posée est alors : condition de quoi ?

La transformation touche aux conditions d'activité et/ou aux dispositions de pensée et d'action de la personne ( ce que Spinoza appelle : sa puissance de pensée et d'agir). Si je dis "et/ou", c'est que ces deux transformations peuvent être ou non associées. Par exemple, le téléphone fixe modifie à l'évidence les conditions de vie d'une personne ou les conditions de production d'une entreprise, grâce à la possibilité de communication à distance qu'elle instaure. Par exemple, l'enseignement modifie les dispositions de pensée d'un étudiant. Il me semble néanmoins nécessaire d'insister sur le fait que les conditions ou dispositions ne sont encore que des potentiels, des possibilités nouvelles apportées par le service. Pour que le service soit effectivement rendu, il faut que cet apport soit effectivement approprié par le destinataire : que ce dernier sache se servir du téléphone, ou que l'étudiant sache s'approprier les cours qui lui sont donnés.

Conséquences sur le mode de rémunération: la prise en compte d’une relation tripartite dans le rapport social de service.

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1ère Partie Société de services et nouveau rapport salarial

Jean Gadrey, à juste titre, a formalisé le rapport social de service sous la

forme d'un triple rapport :

- rapport des agents aux destinataires

- rapport entre agents et direction de l'entreprise de service,

- rapport entre destinataires et direction de cette entreprise.

On constate d'ailleurs, empiriquement, que les clients apprennent à faire la

différence entre ce qui est imputable à l'action des "simples agents" et ce qui

relève de la responsabilité de l'entreprise dans son ensemble, donc de sadirection. Dans le contexte du rapport social de service il est évident que la qualification

n’est plus le seul critère de la performance: les compétences sont désormais

requises.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

La connaissance est un bien économique particulier, tant dans l’usage que dans la production.

Tout d’abord, la connaissance est difficilement contrôlable ; elle tend à se diffuser et à être utilisée par d’autres agents que celui qui en a assuré la production, sans que ce dernier en soit rétribué. Le savoir est donc à l’origine d’externalités positives puisque sa production a un impact positif sur des tiers, sans compensation de leur part. Tout se passe comme dans le cas d’un apiculteur qui profite, sans le rétribuer, du travail de celui qui entretient le verger voisin, dans lequel ses abeilles vont butiner.

Ensuite, la connaissance est un bien non rival au sens où elle ne se détruit pas dans l’usage ; le théorème de Pythagore peut être utilisé à l’infini sans perdre ses qualités. Par conséquent, le prix d’une connaissance ne peut pas être fixécomme celui de la plupart des biens .

Enfin, la connaissance est cumulative ; la production de savoirs nouveaux repose largement sur les savoirs existants si bien que les progrès de la connaissance sont d’autant plus rapides que celle-ci est largement diffusée.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

Les travaux des vingt dernières années en économie de l’innovation ont souligné le caractère déterminant, pour comprendre les processus de création et de diffusion des savoirs, de la distinction entre connaissance et information 6.

En effet, par information, il faut entendre des flux de messages, alors que la connaissance implique une activité cognitive de la part de l’agent ;

La connaissance va au-delà du traitement de l’information puisqu’elle suppose la capacité d’interpréter des messages pour en produire de nouveaux.

Ainsi, contrairement à l’information, qui existe indépendamment des individus, la connaissance est « attachée » aux individus puisqu’elle repose sur leurs facultés subjectives.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

Connaissance et information: propriétés économiques

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

La distinction entre connaissance et information renvoie à une seconde distinction : entre connaissance codifiée et connaissance tacite.

Une partie de la connaissance peut, en effet, être « objectivée », c’est-à-dire convertie, au travers d’un processus de codification, en messages qui peuvent être manipulés comme de l’information, et pour lesquels le problème de bien public se pose effectivement de façon aiguë.

Toutefois, une partie des savoirs demeure tacite, soit parce que l’arbitrage avantage/coût n’est pas favorable à la codification, soit parce qu’ils ne sont pas codifiables étant donné l’état des techniques de codification. Les connaissances tacites renvoient au fait que « nous savons toujours plus que nous en pouvons dire ».

Ainsi, il nous est impossible de décrire l’ensemble des savoirs que nous mobilisons pour faire de la bicyclette, pour réaliser une recette de cuisine ou pour accomplir la plupart des tâches dans notre travail. Ce type de savoir, les savoirs tacites, ainsi que les compétences, sont incorporés dans les individus et les organisations et sont, de ce fait, difficilement transférables.

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2ème Partie: Vers l’économie de la connaissance.

Les firmes ont alors un besoin accru d’avoir accès aux nouvelles connaissances et d’être capables de les mettre à profit pour leurs propres objectifs. Cela demande qu’elles investissent elles-mêmes dans la connaissance dans un double but : élargir leur propre base de connaissance pour augmenter leur compétitivité (effetdirect), et accroître leurs capacités à aller chercher dans les connaissances produites en dehors d’elles les savoirs potentiellement utiles (effet indirect). On retrouve alors une autre caractéristique importante de l’économie de la connaissance: il est au moins aussi important d’apprendre à apprendre que d’apprendre. Ces tendances exercent des effets sur la protection des connaissances, la propriétéintellectuelle. Comme la connaissance devient un enjeu de la concurrence, les questions depropriété intellectuelle et de protection de l’innovation passent au premier plan despréoccupations des firmes et des Etats. Ce phénomène se manifeste notamment parl’extension des possibilités de breveter, au-delà des seuls artefacts : le séquençage desgènes est brevetable aux Etats-Unis depuis 1995 ; les inventions biotechnologiques, desorganismes vivants, sont brevetables en Europe depuis 1998 ; l’extension de labrevetabilité vers le software se fait progressivement, par le biais de la jurisprudence ; lesméthodes commerciales mises en oeuvre par ordinateur sont reconnues comme brevetables aux Etats-Unis…

Page 28: Eléments d'économie générale IV

ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET NOUVEAUX MODELES PRODUCTIFS

1.1 - Profitabilité

Exemple : Profits liés

à la diffusion du film

Jurassic Park et de

ses dérivés

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ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET NOUVEAUX MODELES PRODUCTIFS

La profitabilité

est liée à la

variété des

supports de

diffusion:

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1.2 Variété des produits et complexité de la chaîne de productionUn même contenu peut être adapté aux différents publics cibles. Ci-dessous les

nouveaux métiers d’une maison d’ édition:

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b) la complexité naît de la multiplicité des interdépendances et interactions :Exemple : structure d’un projet de réalisation d’un site web destiné à favoriser au niveau de collectivités locales un partenariat public-privé.

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La structure « briques et clics »

Page 33: Eléments d'économie générale IV

De l’ancienne à la nouvelle économie.