les rues de paris

anne prah-perochon

l e s r u e s d e p a r i s

la pensée universelle 3 bis, quai aux fleurs - paris-4e

© Anne Prah-Perochon et « La Pensée Universelle » 1979

AVANT-PROPOS

Paris, foyer des passions et des ambitions, pivot sur lequel tournent tous les événements politiques, berceau de l'opinion, offre une scène éminemment favorable aux observateurs auxquels elle fournit d 'abondants matériaux.

Depuis des siècles que l'on publie des ouvrages sur notre capitale, peut-on éprouver encore le besoin d'al- longer la liste ? Ses édifices, ses curiosités, ses coutu- mes ont été décrits, expliqués, son développement phy- sique, civil, moral et intellectuel minutieusement dépeint. Ces divers travaux nous ont fourni leur contin- gent de lumières mais il nous a paru que l 'histoire de Paris était encore à faire, en particulier un aspect de cette histoire qui est particulièrement important à notre époque passionnée de topographie : la relation d 'un événement historique avec la physionomie du lieu où il s'est déroulé.

C'est ainsi que nous avons retracé l'histoire de Paris d'après les chroniques historiques, les journaux ou mémoires, capitulaires, chartes, ordonnances royales et les plans contemporains des événements décrits, témoins impartiaux et dignes de confiance des crises de croissance qu'elle a connues. Cet ouvrage se donne pour objet de présenter l 'histoire de Paris comme autant de journées dramatiques, c'est-à-dire cinétiques,

mettant aux prises des acteurs très connus qui s'agitent sur la toile de fond de la capitale et d'analyser l'évolu- tion du cadre qui n'a pas été sans influencer leurs réac- tions.

La perspective que nous avons adoptée est double : d 'une part, l 'étude verticale des couches de civilisations accumulées (cette étude chronologique nous a paru nécessaire à la continuité et à la clarté de l'histoire) et d 'autre part, la perspective aérienne fournie par les divers plans, celle qu'aurait un spectateur placé sur un point très élevé de la capitale.

Ce livre qui mêle l'histoire à l 'urbanisme et à la vie sociale, peut ne pas satisfaire l 'historien car il ne men- tionne pas tout et il ne retient que les faits servant au mouvement dramatique et à l 'intérêt humain mais nous espérons que cette modeste contribution à l'histoire de Paris aura le mérite d'être à la fois exacte et plaisante, qu'elle donnera une réalité et un relief nouveaux à des notions abstraites, en les replaçant littéralement dans leur cadre.

LUTECE AVANT LES ROMAINS

QUI FONDA PARIS ?

Si Rome passe pour avoir été fondée par le fils du dieu Mars et le nourrisson d'une louve, que n'a-t-on pas dit sur Paris !

Certains historiens du Moyen Age, épris de merveil- leux, avaient donné comme fondateur de la ville, Fran- cion, fils d 'Hector ; devenu roi de la Gaule, il serait venu fonder une cité qu'il appela Pâris d 'après son célèbre oncle.

Une autre tradition fait remonter Paris à Noé dont le petit-fils, Dis, aurait eu un descendant du nom de Lucus qui fonda la ville de Lucotecia, première appella- tion de notre capitale. Faut-il voir dans les termes Luco- tecia qu'emploie Ptolémée ou Lucotocia utilisé pa r Strabon, un mot formé sur le grec leukos (blanc) pa r allusion au plâtre fourni pa r les carrières de gypse de la région ?

Rabelais, pour sa part, at t r ibue une origine plus facétieuse à Paris qu'il pense avoir été fondée « par ris » !

Contentons-nous d'une origine moins lointaine et plus sûre liée à l 'apparition dans le Bassin Parisien d'une tr ibu de barbares, originaires peut-être de Belgi- que, les Parisii ou Parisiens ; poussés par le mouvement d'émigration d'est en ouest, ils vinrent occuper les bords de la Seine, aux confins du territoire des Senones.

LUTECE A L 'HEURE ROMAINE, PLAN LENOIR

1. Autel à Jupiter 2. Palais 3. Prison de Glaucin 4. Cimetière du Faubourg 5. Tête de Cybèle 6. Aqueduc de Chaillot 7. Tombeaux de la rue Vivienne 8. Palais des Thermes 9. Arènes

10. Forum 11. Nécropole 12. Mons Cetardus 13. Aqueduc d'Arcueil

Le lieu était bien choisi, au centre d'un bassin naturel défendu par d'épaisses forêts, traversé par la large route de la Seine qui attirait vers elle, des vallées perpendi- culaires. Le site, entre les rivières navigables de la Marne et de l'Oise, devint la place de guerre des Parisii qui habitèrent la plus étendue des six îles formées par la Seine à cet emplacement.

Lutèce (c'est le nom qu'on donne au groupe d'habi- tations des Parisii et qui restera attaché à la ville jus- qu'au IV siècle) n'était alors composée que de huttes de branchages et de roseaux dont les habitants vivaient du produit de leur pêche et de leur chasse.

L'île de Lutèce était reliée aux rives gauche et droite par deux passerelles de bois. Si quelques Parisiens étaient dispersés sur la rive gauche favorable aux cultu- res, la droite, par contre, trop marécageuse, était délaissée.

PARIS NE SERA PRIS QUE SI LES PARISIENS LE VEULENT

CAMULOGENE, 52 AV. J..C. (I)

En 54 avant l'ère chrétienne, la cité des Parisii, figure pour la première fois sur la scène historique (II).

Jules César avait à cette époque soumis de nombreu- ses nations gauloises et s'apprêtait à continuer ses conquêtes. Toutefois, pressé par la nécessité de renfor- cer sa cavalerie, il avait convoqué une assemblée géné- rale des Gaulois où ne se rendirent point les trois nations les puissantes de la Gaule, les Carnutes, les Senones et les Treveri, indice d'intentions hostiles. César convoqua une autre assemblée dans la cité des Parisii, dépendants des Senones mais restés neutres, puis sans plus attendre, il marcha contre les Senones vite réduits à l'obéissance.

L'année suivante, certaines nations gauloises se sou- levèrent et forcèrent Jules César à se porter sur plu- sieurs fronts et à aller rejoindre les légions comman- dées par son lieutenant Labiénus qui tenait la place forte des Senones, Agedincum (Sens). Les nations voi- sines de Lutèce venaient à leur tour d'entrer en rébel- lion, aussi César chargea-t-il Labiénus de pacifier le bassin de la Seine. Celui-ci laissa les bagages de l'armée à Agedincum et suivit la vallée de la Seine vers Lutèce.

Cependant les Gaulois au courant de ces activités, se rassemblèrent au tour d 'un chef de la nation des Aulerci, Camulogène, s 'avancèrent à la rencontre des Romains dans la vallée de l 'Essone (VII, 7, 4) et leur barrèrent le passage. Labiénus rebroussa chemin, assiégea Melun, passa la rivière et remonta la Seine vers Lutèce. Infor- més des manœuvres romaines, les Gaulois vinrent camper sur la rive méridionale de Lutèce après s'être assurés que les Romains ne pourraient les rejoindre, les ponts étant brûlés. A ce moment, Labiénus apprend la défaite de César à Gergovie et se dispose à rejoindre son chef en difficulté. Le camp des Romains était en face de celui des Gaulois, sur la rive septentrionale. Labiénus confie des barques enlevées à Melun, à quel- ques officiers auxquels il recommande de descendre la Seine, en silence, en pleine nuit, jusqu'à un lieu distant de 4 milles du camp romain. Il ordonne en même temps à d 'autres cohortes de remonter la rivière en direction opposée, ostensiblement. Lui-même rejoint le lieu de rassemblement assigné aux barques qui avaient des- cendu la Seine, et, à la faveur d'un orage, il traverse et livre bataille aux Gaulois. Camulogène a le temps de ranger ses troupes dans la plaine de Grenelle mais les Gaulois sont mis en déroute, certains s'enfuient vers les collines de Meudon ; Camulogène est tué (VII, 61, 62).

Après cette victoire qui leur assure le bassin de la Seine, les Romains, appréciant le site de Lutèce, déci- dent de s'y installer.

PARIS SOUS L'OCCUPATION ROMAINE 52 AVANT J.C. AU I V SIECLE APRES J.C.

JE ME TROUVAIS UN HIVER DANS MA CHERE LUTECE

C'EST AINSI QU'ON APPELLE DANS LES GAULES LA CAPITALE DES PARISIENS...

EMPEREUR JULIEN (III)

Cent ans plus tard, Lutèce se composait de deux agglomérations reliées par des ponts de bois : la cité reconstruite après que les Gaulois y aient mis le feu lors de la bataille de Lutèce et la nouvelle ville, créée durant la première partie du premier siècle après J.C., sur la pente de la Montagne Sainte-Geneviève. Les légionnaires romains la choisissent comme camp de garnison, les pistes deviennent des routes, les passe- relles de solides ponts de bois. L'île déborde sur la rive gauche plus sèche que la droite. Selon les règles de l 'urbanisme romain, le nouveau site est bâti en damier, sur la croisée à angle droit de deux axes, le car do du nord au sud, le decumanus d'est en ouest. D'autres voies reproduisent ces deux directions. La bourgade, bénéfi- ciant de la Pax romana, n'a pas besoin d'enceinte. Tem- ples, thermes, forum et arènes s'installent au flanc de la Montagne Sainte-Geneviève, les bateliers dressent un autel à Tibère dans la partie orientale de la cité. Par bateaux, les marchandises (blé, bois, vin) arrivent sur

les rives. Le bateau, moteur de sa croissance, restera l'emblème de Paris.

Jusqu'au IV siècle, Paris n'est encore qu'une petite ville de garnison abritant environ 10 000 habitants, bien inférieure en importance militaire et administrative à Lyon ou à Autun. C'est le général romain Julien, neveu du grand empereur Constantin, qui, le premier, fait de Paris, une ville illustre. En 358, il décide de repasser par Lutèce au retour d'une expédition victorieuse contre les envahisseurs germaniques. Il est immédiatement séduit par le climat et le site : il décide d'y rester. Ses troupes le proclament dans l'île de la Cité, empereur de Rome, et Paris prend une importance inhabituelle avec son Palais Impérial et sa cour.

ETAPES DU MARTYRE DE SAINT DENIS A LUTECE (VI)

Le Christianisme apparaît en Gaule vers le milieu du I I I siècle, sous le règne de Decius. Le pape y aurait envoyé sept évêques pour convertir les païens : saint Denis serait allé à Lutèce, accompagné de deux disci- ples, Rustique et Eleuthère.

Saint Denis, Rustique et Eleuthère venus du Midi, se rassemblaient souvent dans une carrière à proximité du Mont Cetard pour y évangéliser les habitants de Lutèce. Ils dressèrent là, un oratoire, ce sera Notre- Dame-des-Champs.

Mais l'évangéliste voulut se rapprocher de la ville. Il emprunta la voie Saint-Jacques et fonda une église, Saint-Etienne-des-Grès (rue St-Jacques - Bld St-Germain actuels).

De l'autre côté de la voie Saint-Jacques, saint Denis fonda l'église Saint-Benoît, dédiée au Dieu bénit ou « benoît ».

De retour dans une carrière du Faubourg Saint-Jac- ques, saint Denis et ses compagnons, furent arrêtés sur ordre du préfet romain, Sisinnius Fescenius, jaloux de leur popularité grandissante.

Dans la Cité, saint Denis fut torturé par les Romains. De cet endroit, le saint fut conduit à la prison de la ville, Glaucin. A l'époque mérovingienne, on construisit un

oratoire, appelé Saint-Denis-de-la-Chartre (carcer est le mot latin pour prison) près de l'actuelle Notre-Dame.

Refusant d'adorer le dieu Mercure dont le sanctuaire se trouvait au sommet du Mont Mercure (Montmartre) saint Denis fut condamné à être décapité sur la butte ; mais le bourreau n'attendit pas le lieu fixé et en route décapita saint Denis.

A sa grande surprise, il vit le saint ramasser sa tête et continuer son chemin jusqu'à l'endroit où il s'affaissa aux pieds d'une sainte femme, Catulla : la basilique Saint-Denis, construite sur les ordres du roi Dagobert, passe pour être le lieu où l'évangéliste mourut.

LE SAINT VAINQUEUR DU DRAGON

Vers l'année 305, se développa un nouveau quartier de Paris (c'est vers cette date que la nouvelle appella- tion apparaît pour la première fois), entre les rivières de Seine et de Bièvre, qui abritait une communauté chrétienne à l'écart des autorités romaines de la Cité. Le choix de ce lieu se justifiait également par la pré- sence de nombreuses carrières pouvant servir de refuge en cas de danger. On a retrouvé une importante nécro- pole chrétienne dont les sarcophages qui contenaient des morts parfumés, embaumés, la tête tournée vers l'Occident, provenaient des colonnes des temples et des bâtiments romains à proximité.

Saint Marcel (360-436), neuvième évêque de Paris, donna son nom à ce quartier qu'il habita. On lui attri- bue généralement la délivrance de la ville d'une taras- que dont la tanière était la tombe d'une femme de mau- vaise vie ; saint Marcel s'avança vers le dragon, le frappa à la tête avec sa crosse en disant : « ou t'en va au désert ou t'en va te jeter à la mer » (VII). Au jour des Rogations, une procession d'un dragon d'osier rempli de douceurs pour les malades de l'Hôtel-Dieu, commé- more cet événement.

C'est à Marcel que l'on présenta une petite gardienne de brebis, Geneviève ; son sérieux et sa foi, en dépit de son âge, amenèrent l'évêque à accepter ses vœux (VIII).

On rapporte que les Huns s'apprêtent à franchir le Rhin pour se jeter sur la Gaule.

De longs convois de réfugiés des provinces du nord et de l'est encombrent les rues de Paris, semant l'affo- lement chez les Parisiens. Geneviève, sous le feu de l'inspiration divine, ordonne aux conducteurs de cha- riots de rentrer en paix chez eux . Attila ne pénétrera pas dans la ville. Il semble qu'en effet, les hordes du Hun s'écartent de la vallée de la Seine.

PARIS AU TEMPS DES GRANDES INVASIONS V SIECLE

En 275, Francs et Alamans traversent le Rhin et se répandent en Gaule où ils mettent à sac plusieurs villes. A Paris, on sacrifia toute la ville de la rive gauche : non seulement, on ne la protégea pas par un rempar t mais on démolit certains bât iments pour élever une enceinte autour de la Cité. La ville de Paris était réduite à 8 hectares de superficie et à quelques milliers seule- ment d'habitants.

La panique régnait à Paris que tous songeaient à fuir. Par son courage, une bergère née à Nanterre en 422, Geneviève, réussit à apaiser ses concitoyens en leur assurant que les hordes redoutées d'Attila ne pénétre raient pas dans la ville. Elle fut l 'âme de la résistance parisienne au moment de l 'effondrement militaire et civil. Geneviève devint l'idole des Parisiens. On rap- porte qu'elle sauva Paris des Francs conduits par Chil- déric qui avait tenté d 'affamer les habitants en 476 en bloquant les embarcations sur la Seine. Geneviève, navrée du spectacle de désolation que présentai t la ville, réussit à s 'embarquer, de nuit, à la tête d'une flottille qu'elle conduisit jusqu 'à Arcis-sur-Aube pour charger les barques de ravitaillement. Reçue en libéra- trice par les Parisiens, elle n 'empêcha pas, cependant, Childéric de s 'emparer de Paris.

Mouvement de reflux des habitants de la rive gauche vers la Cité au moment des invasions

PARIS SOUS LES MEROVINGIENS 481 A 751

PARIS DEVIENT CAPITALE DU ROYAUME FRANC

L'Eglise catholique jeta son dévolu sur le fils de Chil- déric, le jeune Clovis (IX), pour combat t re l'hérésie arienne qui menaçait l'Occident. Clovis se convertit en 476. Ayant repoussé les Romains, et les Alamans, Clovis décida de choisir une capitale qui serait moins septen- trionale que Tournai, résidence de son père, et plus proche des tribus burgondes et allemandes qu'Orléans : il choisit Paris, déjà, à cette époque, petite cité au com- merce prospère grâce à la corporat ion des Nautes qui se réunissaient chaque jour sur la place du Commerce entre le palais et l'église cathédrale. Cette place devint le centre d'un marché appelé Marché Palud, pa r allusion à l 'humidité de l 'endroit ; on y arrivait par l'Orberie.

Ce fut la chance de Paris d'être la capitale d 'un royaume dont le chef se débarrassa l 'un après l 'autre de tous ses rivaux et se rendit maître de toute la France. Sa résidence devint la capitale d 'un vaste domaine et se couvrit de bât iments remarquables. En 507, Clovis, lançant sa francisque, délimita le pour tour d'une basili- que qu'il dédia aux apôtres saint Pierre et saint Paul. Ce fut la première église avec cimetière et la première nécropole de la France. Il y fut inhumé en 511, sa femme Clothilde en 545. Des conciles s'y t inrent en 551,

573, 577 et 615. Au cours du concile de 551, qui réunis- sait 27 évêques conviés par la roi Childebert, on rap- porte que l'évêque de Chartres, saint Lubin, fit miracu- leusement cesser un incendie qui menaçait de ravager Paris.

Paris sous la domination des Francs

CHRONIQUE SANGLANTE DE PARIS

racontée par Grégoire de Tours dans Historiœ Ecclesiasticœ Francorum

En 526 ou 533, les deux fils de Clovis, Childebert et Clotaire, craignant que leurs neveux, fils de leur frère Clodomir très aimé de la vieille reine Clothilde, ne réclament leur part du royaume, s'allient pour faire venir au Palais de la Cité, les deux enfants qu'ils assas- sinent sauvagement ; l 'un était âgé de 7 ans et l 'autre de 10 ; un troisième frère, Clodoald fut sauvé et renonçant au pouvoir, se fit moine. Les deux jeunes victimes furent inhumées à la basilique Saint-Pierre où les rejoignit bientôt Clothilde, décédée en 545 (Grégoire, Livre IV, I). Childebert mort en 558, fut enterré à Saint-Germain- des-Prés qu'il avait fait construire en 542 pour abriter les reliques de saint Vincent qu'il se fit livrer durant le siège de Saragosse. A la requête de l'évêque saint- Germain, il fonda donc une abbaye en leur honneur : Saint-Vincent, qui devint Sainte-Geneviève (Saint-Pierre) la seconde nécropole des Mérovingiens. La richesse extraordinaire de la basilique aux murs de marbre, aux mosaïques semblables à celles de Ravenne, au toit recouvert de feuilles d'or, lui valut l 'appellation de Saint-Germain-le-Doré et ne manqua pas d'attiser la

convoitise des pillards normands à plusieurs reprises. (Grégoire, IV, 20).

Un des petit-fils de Clovis, Sigebert (un des 4 fils du roi Clotaire) avait épousé la belle Brunehav , fille du roi d'Espagne, vite jalousée par sa belle-sœur de moindre rang, Frédégonde. Le règne des frères Sigebert et Childéric fut toujours troublé par la haine des deux femmes. A la mor t de Sigebert en 576, la reine Brunehaut, en résidence à Paris, subit de grandes bru- talités de la part du nouveau roi et elle ne dut qu 'au dévouement du duc Gondebaud de soustraire ses fils à la mort, en les descendant le long des rempar ts pa r une corde après les avoir placés dans une corbeille (Grégoire, V, 1).

En 582, le roi Chilpéric fit baptiser les Juifs de son royaume mais ne put convertir son fournisseur du Palais, un certain Priscus. Un autre juif, Phatir, à la suite d'une dispute avec Priscus, tua ce dernier et chercha refuge dans la basilique Saint-Julien-le-Pauvre échappant de peu à la fureur du roi (Grégoire, VI, 5 et 17).

En 586, eut lieu un cataclysme d'une rare ampleur qui détruisit une grande partie de la Cité. Un Parisien s'était rendu dans un magasin, y avait pris de l'huile mais avait oublié sa lumière près d 'un baril d'huile. La maison se trouvait près du Petit-Pont et bientôt, le feu s 'étant déclaré, les flammes atteignirent le Grand- Pont, consumant au passage toutes les maisons du quart ier commerçant. Les prisonniers de la prison de Glaucin furent sauvés, dit-on, pa r saint Germain qui leur était apparu, et ils se réfugièrent à l 'abbaye de Saint-Germain. Les flammes s 'arrêtèrent pa r miracle au pied des murs d 'un oratoire sur la partie nord de l'île (difficilement identifiable). Tout, dans la Cité fut brûlé, hormis les églises (Grégoire, VIII, 33).

LE BON ROI DAGOBERT... ...LE BON SAINT ELOI... (X)

Le règne de Dagobert I fit connaître aux Parisiens une paix à laquelle ils n'étaient plus habitués. Ce roi se montra, par contraste avec ses prédécesseurs, bon sou- verain, soucieux de justice. Il fut assisté de ministres remarquables (saint Didier, saint Ouen), mais c'est sur- tout saint Eloi, évêque-orfèvre, qui seconda Dagobert et donna l'exemple de vertus rares à cette époque. Le roi lui octroya un grand domaine dans la cité (entre les rues de Barillerie, Calandre et la Vieille Draperie) où Eloi choisit d'édifier un monastère qui prit le nom de Saint-Eloi. Saint Eloi était aussi connu pour sa bonté que pour son habileté d'orfèvre qui lui valut sous le règne de Clotaire II l 'admiration et la reconnaissance de ce prince, à qui Eloi présenta un fauteuil d'or incrusté de pierres précieuses, et un second avec l'or qui lui restait du premier.

On fait remonter au roi Dagobert, l'origine de la célèbre Foire du Lendit (le mot viendrait de indictum : champ), dont les profits revenaient aux religieux de Saint-Denis. En 1108, la foire fut transférée au Fau- bourg Saint-Laurent. Pendant 15 jours, de la Saint- Barnabé à la Saint-Jean, la foire battait son plein. Parmi l'affluence des acheteurs, des badauds, des pèlerins, les