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Page 1: Les ambassades russes a la Cour de Louis XIV, d'après les documents des Archives du ministère des Affaires étrangères

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Les ambassades russes a la Cour de Louis XIV, d'après les documents des Archives du ministèredes Affaires étrangèresAuthor(s): Marianne SeydouxSource: Cahiers du Monde russe et soviétique, Vol. 9, No. 2 (Apr. - Jun., 1968), pp. 235-244Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/20169492 .

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ARCHIVES

LES AMBASSADES RUSSES

A LA COUR DE LOUIS XIV

D'APR?S LES DOCUMENTS DES ARCHIVES

DU MINIST?RE DES AFFAIRES ?TRANG?RES

Si la France et la Russie ont eu des contacts d?s le Moyen Age, les relations diplomatiques officielles ne datent, elles, que du r?gne de Louis XIV.

Jusqu'au milieu du xvne si?cle, la Russie ?tait ? peine connue en France ; les premiers envoy?s moscovites, Ivan Kondyrev en 1615 et Konstantin Macehin en 1654, n'avaient pas pu engager le dialogue et avaient ?t? renvoy?s au tsar avec un sac de pistoles et une lettre de compliments du roi de France. Comme les d?crit A. Rambaud1

d'apr?s les documents de l'?poque, c'?taient

? des hommes barbus et chevelus, v?tus avec une magnificence barbare et sordide,

portant des fourrures au c ur de l'?t?, tra?nant une horde de laquais qui ressem

blaient ? des janissaires, parlant une langue inou?e que l'on ne finissait par

comprendre qu'? l'aide d'une cha?ne inou?e d'interpr?tes et d'une s?rie de traduc

tions ; apportant des parchemins ind?chiffrables en caract?res bizarres [...] affichant des pr?tentions, des exigences, des susceptibilit?s ?tonnantes ; s'?ton

nant ou pleurant quand un nom manquait dans la kyrielle interminable des

pays inconnus sur lesquels leur ma?tre ?tait cens? r?gner [...] insupportables aux Ministres, d?sagr?ables au Roi, mais ameutant sur leur passage le peuple des badauds parisiens... ?.

Ils venaient annoncer au roi de France l'av?nement des tsars Michel et Alexis et lui demander d'aider la Russie dans sa lutte contre les Polonais et les Su?dois.

En dehors du caract?re pittoresque, abondamment d?crit dans les journaux et les documents de l'?poque, ces premiers envoy?s ne semblent pas avoir jou? de r?le dans l'?tablissement de relations

diplomatiques suivies entre la Russie et la France. On comprenait mal la raison de leur visite, et leurs r?cits sur les Polonais ou les viola

i. Instructions donn?es aux ambassadeurs et ministres de France depuis les trait?s de Westphalie jusqu'? la R?volution Fran?aise. VII : Russie, Paris, 1890 1891 (introd. de A. Rambaud).

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tions de fronti?res par des cosaques et des Tatars n'int?ressaient gu?re la Cour de France.

C'est seulement dans la seconde moiti? du xvne si?cle que la Russie

prend aux yeux des Fran?ais une importance politique croissante, dans la mesure o? elle nuit indirectement ? la France en s'attaquant aux pays qui sont ses alli?s contre le Saint Empire : Su?de, Pologne et Turquie.

Cherchant un d?bouch? vers les mers libres et repouss?e de la

Baltique par la Su?de, la Russie tente de se frayer un chemin vers la Mer Noire, entrant en conflit avec la Pologne, l'Empire ottoman et le khanat de Crim?e. C'est ? cette occasion que les souverains

moscovites vont rechercher l'aide et l'appui des grandes puissances de l'Europe occidentale : la France et l'Espagne.

C'est sous le pr?texte officiel d'?tablir des relations commerciales avec la France que le tsar Alexis, puis la r?gente Sophie, et enfin Pierre vont envoyer, tour ? tour, une s?rie d'ambassades ? Louis XIV et lui demander son appui contre les Polonais et contre les Turcs.

Les trois textes que nous pr?sentons ici, tir?s des Archives du minist?re des Affaires ?trang?res1, concernent les ambassades mosco vites re?ues par Louis XIV et donnent plus particuli?rement la descrip tion (r?dig?e en 1716) de deux ambassades marquantes : celle de

Pierre Potemkin en 1668, et celle de Jacob Dolgorukij en 1687.

a) La plus connue de ces ambassades, la mieux re?ue aussi, est celle en 1668 du stolnik Petr Ivanovic Potemkin, gouverneur de

Borovsk, accompagn? de son fils Stefan et du djak Simeon Rumjancev. Les envoy?s venaient annoncer ? Louis XIV et ? Philippe II d'Espagne la fin de la guerre entre la Russie et la Pologne, et proposer d'?tablir des relations commerciales :

? Sa Majest? le Tsar et Grand Prince Alexis Mikha?lovitch d?sire entretenir

avec Sa Majest? le Roi de France et de Navarre, des rapports de bonne alliance

et d'amiti? fraternelle... En outre, le Tsar, notre puissant ma?tre, d?sire nouer

des relations commerciales avec le Royaume de France, de mani?re ? ce que les habitants des deux empires puissent ? l'avenir les fr?quenter respectivement

pour se livrer ? des op?rations de n?goce ?2.

Le r?cit tr?s d?taill? de cette ambassade se trouve dans l'ouvrage de Galitzyne sur la Russie au xvne si?cle, ainsi que dans le rapport

i. ? Ordonnance du Roy sur la fa?on de recevoir les ambassadeurs du Grand Duc de Moscovie ?, 5 ao?t 1668 (cf. infra, p. 239). ? Sur la d?pense faite de la part du Roy Louis XIV pour faire d?frayer et traiter le Sieur Poterskin, ambassadeur du Czar Alexis pr?s sa Majest? en 1668 ?

(cf. infra, pp. 239-240). ? Sur le c?r?monial observ? en France ? l'?gard des Ministres envoy?s par

les Czars de la Grande Russie ?, septembre 1716 (cf. infra, pp. 240-244). Source : M?moires et documents du minist?re des Affaires ?trang?res de France

sur la Russie, III, f?. 117-129. 2. Lettre du tsar ? Louis XIV, dans E. Galitzyne, La Russie au XVIIe si?cle,

Paris, 1885, p. 342.

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LES AMBASSADES RUSSES A LA COUR DE LOUIS XIV 237

pr?sent? au tsar par Potemkin lui-m?me ? son retour de Russie1.

Apr?s sept mois pass?s en Espagne, Potemkin arriva avec une suite

nombreuse, le 5 ao?t 1668, ? Bordeaux, o? il fut accueilli par un envoy? du roi et escort? jusqu'? Paris, d?fray? de toutes ses d?penses2. Tout au long de ce r?cit, deux probl?mes dominent : les d?penses et le

protocole. Conform?ment aux usages diplomatiques de la Cour de

Moscou, les envoy?s russes voulaient ?tre re?us ? l'?gal des ambassa deurs des plus grands empires, et surtout ?tre enti?rement d?fray?s de toute d?pense. Les relations avec Moscou ?tant longues et difficiles, il leur ?tait impossible d'emporter assez d'argent pour subvenir ? leurs besoins et ? ceux de leur suite, d'autant qu'il ?tait d'usage d'apporter un nombre important de cadeaux. La liste de ceux qu'ils firent au roi pour cette ambassade est d'ailleurs impressionnante3.

Les r?sultats de cette ambassade furent modestes : une lettre

pleine de bonnes paroles de la part du roi, et l'envoi ? Moscou par Colbert d'un agent commercial : Goosens ;

b) La deuxi?me en date des ambassades, celle d'Andr? Vinius, n'est pas relat?e dans le document que nous pr?sentons plus loin. En octobre 1672, Andr? Vinius apporta une lettre du tsar Alexis rendant compte des r?voltes des cosaques et des incursions des Tatars et des Turcs, et demandant ? Louis XIV de s'allier ? la Russie et ?

l'Espagne contre les Turcs. Vinius n'eut qu'une seule audience de Louis XIV, et fut rapidement reconduit aux fronti?res avec 500 pistoles et une lettre du roi, qui ?tait fort peu soucieux de conclure une alliance contre les Turcs, ses alli?s ;

c) En 1681, le tsar Feodor envoya ? nouveau Pierre Potemkin,

accompagn? du djak Stefan Volkov, demandant la m?diation du roi de France pour mettre fin ? la guerre contre les Turcs et les Tatars, et renouvelant les offres pr?c?dentes concernant le commerce entre les deux pays ;

d) En 1685, Semen Jerofeevic Almazov et le djak Semen Ippolitov apport?rent au roi une lettre en latin4 de la part des tsars Ivan et Pierre. La r?ponse de Louis XIV ?tait une fois de plus tr?s vague. Le rapport d'Almazov n'ayant pas ?t? publi? en Russie, cette ambassade reste tr?s peu connue, et le document que nous pr?sentons ci-dessous la confond avec celle de Jacob Dolgorukij qui est de deux ann?es post? rieure ;

e) L'ambassade du prince Jacob Dolgorukij et du prince Jacob Mycetskij en 1687 a laiss? par contre, en France et en Russie, un vif souvenir. Les ?pisodes de leur visite, largement comment?s dans le

i. ? Statejnyj spisok P. I. Potemkina ?

(Rapport diplomatique de P. I. Potem

kin), in Putehstvija russkih poslov XVI-XVII vv. Statejnye spiski (Voyages des ambassadeurs russes aux XVIe et XVIIe si?cles ?

Rapports diplomatiques), Moscou-Leningrad, 1954, PP- 227-3x5

2. Cf. infra, pp. 239-240, le relev? des d?penses. 3. Cf. infra, p. 241, n. 1.

4. S. M. Solov'ev, Istorija Rossii s drevnej?ih vremen... (Histoire de la Russie

depuis les temps les plus anciens), Moscou, 1959, VII, p. 411.

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document ci-apr?s, se retrouvent ? la fois dans les publications russes et dans les rapports fran?ais1.

Envoy?s par la r?gente Sophie, les ambassadeurs russes venaient

proposer ? Louis XIV d'entrer dans la ligue contre le sultan ; cepen dant, apr?s avoir ?chou? du c?t? diplomatique, ils se tourn?rent vers

l'aspect commercial, et semblent avoir laiss? un fort mauvais souvenir ? la Cour de Versailles2. Au moment de leur d?part, les envoy?s essay?rent d'emprunter deux ou trois millions de Thalers, qui leur furent refus?s. L'impression laiss?e par leur s?jour fut d'autant plus

mauvaise, qu'ils suscit?rent plusieurs incidents cocasses dont on

trouvera plus loin la description.

Avec l'av?nement de Pierre, un nouvel effort fut tent? pour s'entendre avec la France. D?s 1703, Pierre Ier eut ? Paris un agent diplomatique, Postnikov, sans caract?re officiel, charg? de l'achat d'instruments et de mat?riel, de l'embauche des ma?tres de m?tiers.

En 1705, le comte et vo??vode Andrej Artamonov Matveev fut

charg? par le tsar de r?cup?rer deux vaisseaux russes captur?s par des corsaires de Dunkerque et de n?gocier un trait? de commerce.

Sa mission n'eut aucun r?sultat. En 1710, enfin, le tsar Pierre envoya le secr?taire Grigorij Volkov

n?gocier ? Fontainebleau une m?diation de Louis XIV pour une

paix russo-turque ; mais en raison des int?r?ts par trop divergents des deux pays, la mission de G. Volkov se solda elle aussi par un

?chec. D'ailleurs, apr?s la campagne du Prut et le r?glement provisoire de ses rapports avec l'Empire ottoman, la Russie n'avait plus besoin de la m?diation fran?aise.

Paris, 1968. Marianne Seydoux.

i. Instructions donn?es aux ambassadeurs..., op. cit., VIL

2. ? Ils parurent ?tre plut?t des marchands qui voulaient ?tre d?fray?s et vendre leurs marchandises sans payer de droits, que des ambassadeurs qui eussent quelque affaire d'?tat ? traiter ; c'est pourquoi on ne fut pas content

d'eux, et le Roi leur fit d?clarer qu'il ne pr?tendait pas d?frayer les ambassadeurs

que le Czar lui enverrait et qu'il donnerait aussi de sa part, ? ceux qu'il enverrait au Czar, de quoi subsister sans lui ?tre ? charge. ?

(Sbornik Imperatorskogo

russkogo istoriceskogo obscestva (Recueil de la soci?t? historique imp?riale russe),

Saint-P?tersbourg, 1881, XXXIV, pp. 3-4.)

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I

Ordonnance du Roy sur la fa?on de recevoir les ambassadeurs du Grand Duc de Moscovie.

5 ao?t 1668.

De par le Roi

Sa Majest? voulant que les ambassadeurs qu'envoie vers elle le Grand Duc de Moscovie re?oivent dans son Royaume les honneurs

qui sont dus aux Ministres d'un si puissant prince, Sa Majest? a jet? les yeux sur le Sieur de Calva1, l'un des gentilshommes ordinaires de sa maison, le ma?tre de camp de sa cavalerie, pour aller ? leur rencontre prendre soin de leurs personnes et de ceux de leur suite tenant la main, que dans leur route ils soient r?gal?s, log?s, charet?s convenablement ? leur dignit? et ? leur caract?re, et afin que la volont? soit en cela formellement suivie et observ?e. Mand? et ordonn?, Sa Majest?, ? tous gouverneurs et ses lieutenants g?n?raux, capitaines et gouverneurs particuliers ensemble, ? tous baillifs, s?n?chaux, pr?v?ts et juges, maires, ?chevins, consuls, et ? tous autres, ses officiers de

justice municipaux qui se trouveront dans les lieux de leur passage de deff?rer ? toutes les choses que le Sieur de Calva leur fera entendre de la part de Sa Majest? sur le sujet du traitement des ambassadeurs et au surplus de le favoriser et assister en tout ce dont il pourra avoir besoin pour l'enti?re ex?cution de sa commission qu'il a re?ue de Sa Majest?.

Fait ? Saint-Germain-en-Laye le 5 ao?t 1668.

II

Sur la d?pense faite de la part du Roy Louis XIV pour faire d?frayer et traiter le Sieur Poterskin, ambassadeur du Czar Alexis pr?s sa Majest? en 16682.

Cet ambassadeur arriva le 5 aoust 1668 ? Bordeaux, et le 31 ? Paris.

Sa d?pense sur la route co?ta au Roy. 5 333 Il fut ensuite trait? par pr?sens jusqu'au 3 septembre

inclusivement, ce qui co?ta au Roy. 384

i. Note : Finalement, ce n'est pas Calva, mais le Sieur de Catheux qui fut

envoy? au-devant de Potemkin. 2. Note : Le relev? de ces d?penses se trouve ?galement dans un manuscrit

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Dans la suite, et jusqu'au 26 de ce mois de septembre, jour de son d?part de Paris, la d?pense de sa nourriture fut

compt?e au Roy. 9 568 Pendant sa route de Paris ? Calais, o? il s'embarqua le

8 octobre, sa d?pense monta ?. 1 775 Le louage de la vaisselle pendant 27 jours et le paie

ment de ce qui en fut perdu monta ?. 706 Le louage du linge de table et le paiement de ce qui en

fut perdu monta ?. 424 Le paiement des officiers de cuisine et fruiterie pendant

les 27 jours monta ?. 319 On donna de plus ? quatre officiers de cuisine et fruiterie

qui avaient servi pendant les voyages et s?jours. 680 A un m?decin. 150 Au Sieur de la Garde, charg? du traitement. 1 000

A quatre des cent suisses pour service extraordinaire ? la porte du Sieur ambassadeur. 312 Aux secr?taires interpr?tes du Sieur ambassadeur.. 2 600 Pour louage de carosses et autres voitures. 11 096

Le total de cette d?pense montoit ?. 34 3471

III

Sur le c?r?monial observ? en France ? l'?gard des Ministres envoy?s par les Czars de la Grande Russie, [par N. L. Ledran.]

Septembre 1716.

Le Czar Alexis fit passer d'Espagne en France pendant le cours de l'ann?e 1668, Pierre Jean Poterskin2, qui ayant donn? part de son arriv?e, et d?clar? qu'il avait le caract?re d'Ambassadeur et des

lettres de cr?ance pour le Roy, fut d?fray? au d?pens de sa Majest? durant son s?jour en France, et trait? comme Ministre du premier ordre.

Le Sieur de Catheux, gentilhomme ordinaire de la maison du

Roy fut envoy? ? Bordeaux pour luy faire compliment de la part de

sa Majest?, l'accompagner pendant sa route, et luy faire rendre tous

conserv? ? la Biblioth?que de l'Arsenal intitul? : ? Recueil des pr?sents faits

par le Roy, en pierreries, meubles argenterie et autres, depuis l'ann?e 1662 ?

(Biblioth?que de l'Arsenal, ms. 4267), sous le titre : ? Traitement des ambassa

deurs de Moscovie ?. Ce manuscrit donne en outre la liste des pr?sents que Louis XIV fit distribuer aux ambassadeurs et ? leurs principaux officiers.

1. La monnaie de compte de l'?poque est la livre.

2. Note : Il s'agit du stolnik Petr Ivanovi? Potemkin, gouverneur de Borovsk.

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LES AMBASSADES RUSSES A LA COUR DE LOUIS XIV 24I

les honneurs de?s au caract?re d'Ambassadeur. L'on joignit au

Sieur de Catheux un contr?leur pour avoir soin de la d?pense. On observa ? son ?gard le c?r?monial ?tabli pour les Ambassadeurs

des Princes Orientaux. Il fut accompagn? par un Mar?chal de France ? son entr?e, ? la premi?re et ? la derni?re audience publique, et re?u ? l'ordinaire par le grand ma?tre des c?r?monies et par le ma?tre des c?r?monies dans ces deux audiences.

Le Roy se d?couvrit et se leva lorsque ce Ministre fut pr?s de sa

personne ; mais Sa Majest? se rassit ensuite, et resta dans cette situa tion pendant le reste de l'audience, ostant seulement son chapeau lorsqu'on pronon?a le nom du Czar.

Le Ministre refusa de se couvrir en pr?sence de Sa Majest?, disant

que les Ambassadeurs des testes couronn?es ne se couvroient point devant le Czar son ma?tre.

Les pr?sens qu'il fit au Roy tant en son nom, qu'en celuy1 de son fils, estoient consid?rables. Ceux qui les portoient, attendirent dans l'antichambre pendant l'audience, et ne furent introduits que

lorsqu'elle fut pr?s de sa fin. Une partie de ces pr?sens ?toient port?s par les cent suisses du Roy, les domestiques du Sieur Poterskin n'estant

pas en assez grand nombre pour les porter tous. Le Sieur de Catheux accompagna ce Ministre conjointement avec

l'Introducteur des Ambassadeurs ? son entr?e ? Paris, et ? ses audiences

publiques et particuli?res. Le Sieur Poterskin revint en France en 1681 de la part du Czar

Theodore, et il pris encore le titre d'Ambassadeur. Il fut re?u et trait? de mesme qu'il l'avoit est? en son premier voyage, et le Sieur Storf

gentilhomme ordinaire de la maison du Roy qui fut nomm? pour accompagner ce Ministre en cette derni?re occasion, se conduisit

pr?cisemment de la m?me mani?re que le Sieur de Catheux avoit fait en 1668.

La seule diff?rence qu'il y eut dans le traitement qui luy fut fait, fut que le Roy voulut bien se lever ? la fin de la premi?re et de la derni?re audience publique, dans l'une pour recevoir la lettre du Czar, et dans l'autre pour remettre sa r?ponse pour ce Prince, quoyque Sa Majest? n'eust pas accoutum? de se lever pour recevoir les lettres du Grand Seigneur, ni pour remettre ses r?ponses pour Sa Hautesse.

Les Czars Jean et Pierre envoy?rent au Roy en 1685 le Sieur

i. Note : ? Le stolnik Pierre Potemkin offrit au roi, en son propre nom, un

sabre en acier de Damas, garni de vermeil avec incrustations de jaspe et de

turquoises ; deux quarantaines de peaux de martre zibeline, plusieurs par dessus en brocart doubl?s de martre, une peau de renard noir, trois fourrures

d'hermine et deux pi?ces de brocart. Son fils, le stolnik Stefan, offrit deux qua rantaines de peaux de martre zibeline, trois doublures de pelisse en fourrures

de choix, un manchon en martre taill? ? la mode fran?aise, deux fourrures

d'hermine, une pi?ce de brocart et un riche poignard ?galement en acier de

Damas. Le diak Sim?on Roumiantseff offrit pour sa part trois quarantaines de peaux de martre zibeline, trois doublures de pelisse en fourrure de prix, des

gants en martre zibeline de premier choix, dix fourrures d'hermine et trois

fourrures de petit-gris. ?

(E. Galitzyne, op. cit., pp. 333-334.)

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Almazow Dolgoruki1. Ce Ministre estait arriv? ? Dunkerque en 1687 avec une suite de vingt six personnes, prit la qualit? d'Ambassadeur comme le Sieur Poterskin avait fait en 1668 et en 1681. Le Sieur Storf gentilhomme ordinaire de la maison du Roy fut encore choisi

pour aller faire compliment ? ce Ministre de la part de Sa Majest?, l'accompagner, et luy faire rendre les honneurs convenables.

Il avait vingt gardes portant des arquebuses ; mais le Sieur Storf

luy repr?senta qu'il n'estoit pas d'usage en France que les Ambassa deurs se fissent accompagner par des gardes ; que cet honneur estoit r?serv? au Roy, aux premiers Princes du sang hors la vue du Roy, et aux gouverneurs de Province dans leur gouvernement, et ce Ministre consentit enfin ? faire quitter ? ses gardes leurs arquebuses. Ils mar

ch?rent ? pied pr?s de son carosse dans son entr?e ? Paris le 9e Aoust, mais sans armes, et il y avoit seulement 45 hommes ? cheval portant des arcs et des fl?ches.

Il obtint de ne visiter le Marquis de Croissy, Ministre et Secr?taire

d'?tat des affaires ?trang?res, qu'apr?s avoir est? admis le 12e Aoust ? l'audience du Roy. Le Sieur Poterskin avoit ve? aussy le Roy avant

les Ministres2. Le Sieur Almazow re?ut au reste tous les mesmes traitements

qui avoient est? faits ? ce Ministre son pr?d?cesseur dans le mesme

employ, except? que Sa Majest? fut toujours assise ? la premi?re audience, ainsy qu'on peut le voir dans la relation que M. de Sainctor en a ins?r?e dans ses m?moires. Sa Majest? voulut mesme bien luy permettre, et ? ses deux coll?gues qui harangu?rent un apr?s luy Sa Majest? de baiser sa main ? la fin de l'audience de cong? qu'Eue luy donna le 4 Septembre, et Elle se leva pour leur remettre Sa lettre de recr?ance pour le Czar, et se rassit aussytost ; de sorte que le Sieur Almazow auroit eu lieu d'estre content de sa mission, s'il n'eust

rompu en arrivant ? Saint Denis les plombs que les commis de la Douane avoient mis sur les balots conform?ment ? la clause port?e par les Passeports de Sa Majest?, et s'il n'eust refus? de les laisser visiter ? Paris. Le Chancelier de l'Ambassade tira mesme son poignard, et mena?a d'en frapper un Exempt de la Prevost? de l'H?tel, qui avoit est? envoy? avec quatre archers pour faire cette visite de force, et

le Sieur Almazow ne s'y soumit que lorsqu'il vit que le Roy, m?content

de sa conduite, avoit donn? ordre de le faire partir sans vouloir luy donner l'audience de cong?.

On peut voir dans la premi?re partie du second volume de Sainctor,

i. Note : Il s'agit l? d'une confusion entre deux ambassades diff?rentes :

En 1685 ? celle de Semen Ierofeevic Almazov envoy? par les tsars Pierre et

Jean (qui passe inaper?ue dans les r?cits de l'?poque) et en 1687 celle de Jakov Dolgorukij, envoy?e par la r?gente Sophie, dont les incidents sont relat?s

ci-dessous. 2. Note : A la Cour de Russie la coutume voulait que les ambassadeurs

fussent d'abord re?us par le tsar, c'est pourquoi ils refusent d'exposer les buts

de leur ambassade au Secr?taire d'?tat des Affaires ?trang?res ou aux autres

ministres, ce qui cr?ait chaque fois des heurts diplomatiques qui ne sont pas relat?s ici.

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LES AMBASSADES RUSSES A LA COUR DE LOUIS XIV 243

page 209, le d?tail de ce qui se passa aux audiences de ce Ministre. Il fut reconduit au Havre, et de l? jusqu'aux fronti?res d'Espagne

sur un vaisseau du Roy, au d?pens de Sa Majest? ; mais, comme l'incident survenu ? l'occasion de la visite des balots, et quelques autres difficultez embarassantes concernant le traitement, avoient

d?plu ? Sa Majest?, Elle r?solut de ne plus d?frayer les Ambassadeurs du Czar en France, et de ne les traiter que comme ceux des couronnes de l'Europe, et Elle fit exp?dier le 15 Septembre 1687 pour t?moignage de sa volont? ? cet ?gard, l'ordre suivant :

De par le Roy

Sa Majest? ayant reconnu que la bonne correspondance qu'il y a entre Sa Majest? et les Czars, pourroit recevoir quelque alt?ration des difficultez qui peuvent arriver au sujet de ses diff?rentes pr?tentions que ses Ambassadeurs et ceux des Czars pourroient former touchant la mani?re dont ils doivent estre re?us, nourris et d?frayez, r?cipro

quement dans les ?tats de Sa Majest? que des Czars, Elle a r?solu, pour ?viter ? l'avenir de semblables embaras et sujets de contestations, contraires au d?sir qu'Elle a d'entretenir avec leurs Majest?z Czariennes une bonne intelligence, d'ordonner ? ses Ambassadeurs lorsqu'Elle en

envoyera vers Elles, de pourvoir eux mesmes ? leur nouriture et d?penses dans les ?tats des Czars, les deniers qu'Elle lui fera remettre entre les mains tant pour leur voyage que pour leur entretien et appointe

ments, leur d?ffendant de n'en demander, ni mesme recevoir de tout ce qui leur pourroit ?tre offert de la part des Czars pour leur nouriture,

d?pense ou pour quelque autre raison que ce soit, except? les pr?sens ordinaires. Et Sa Majest? luy promet aussy que sur la notification

qu'Elle charge le Sieur Storf gentilhomme ordinaire de Sa maison de donner de Sa r?solution aux Ambassadeurs de Moscovie ? la conduite

desquels Elle l'a commis, les Czars leurs ma?tres donneront ? l'avenir de pareils ordres ? leurs Ambassadeurs, ensorte qu'ils n'auront aucun

sujet de se plaindre de ce changement auquel Sa Majest? est d'autant

plus r?solue, qu'il tend au maintien d'une bonne correspondance avec les Czars, et qu'il ne diminuera rien des honneurs qu'on a accou tum? de rendre tant dans ses ?tats aux Ambassadeurs de Moscovie, que partout ailleurs.

Fait ? Paris le 15 Septembre 1687. Sign? : Louis

et plus bas : Colbert1.

L'Empereur Leopold avoit pris une pareille r?solution au mois de May pr?c?dent, et il y avoit est? port? par les pr?tentions extraor dinaires que form?rent sur le c?r?monial et sur le traitement quatre

i. Note : Il s'agit ici du manuscrit des ? M?moires de Saintot ?, Grand-Ma?tre

des c?r?monies ? la Cour de Louis XIV, qui se trouve ? la Biblioth?que de l'Arsenal.

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Page 11: Les ambassades russes a la Cour de Louis XIV, d'après les documents des Archives du ministère des Affaires étrangères

244 MARIANNE SEYD0UX

Ambassadeurs de Moscovie qui estoient venus ? Vienne au commen cement de la mesme ann?e 1687 avec une suite de pr?s de 400 personnes. L'Empereur leur fit remettre ? leur d?part un ?cris contenant cette r?solution et il portoit que comme les Czars vouloient qu'on les traitast de mesme que les autres Princes Chr?tiens, Sa Majest? Imp?riale souhaitoit qu'? l'avenir quand ces Princes envoyeraient une Ambassade ? Vienne, ce fust ? leurs d?pends, offrant d'en user de mesme de sa

part pour les Ambassadeurs qu'Elle envoyeroit en Moscovie. Il est bon d'observer, que le Sieur Poterskin et le Sieur Almazow,

qui avoient pris le titre d'Ambassadeurs et qui furent traitez en France ? l'?gal des ministres du premier ordre, n'estoient cependant qu'envoyez, leurs lettres de cr?ance ne leur donnant que le titre d'Ablegatur, mais

que le Roy voulut bien consid?rer le titre d'Ablegatur dans une

signification plus ?tendue, pour justiffier les traitemens distinguez dont il avait honnor? ces Ministres de Moscovie qui en estoient revestus, et qu'il les qualifia mesme d'Ambassadeurs dans Ses lettres de recr?ance.

Il n'est depuis venu en France aucun Ministre de Moscovie avec le caract?re public de repr?sentant1. Le Sieur Matucof s'y rendit de Hollande en 1705, et il fit quelque s?jour ? Paris, mais il n'y fut

qu'incognito ; il avait pris en Hollande la qualit? d'Ambassadeur, et il y estoit trait? ? l'?gal des Ministres du premier ordre, faisant luy

mesme sa d?pense. Il la fit de m?me pendant son s?jour dans le

Royaume.

i. Il faut cependant signaler le s?jour de Grigorij Volkov ? Fontainebleau en 1710.

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