Transcript

Université Paul Valéry – Montpellier III Master Histoire – Histoire de l’art Spécialité Histoire de l’art moderne et contemporain Graffiti, Street Art, Post-Graffiti, en France, de 1980 à 2013 : État des lieux. Volume des annexes, sources et illustrations Soutenu par Mlle Sabella Augusto Sous la direction de M. le Professeur Jean-François Pinchon et Mme Hélène Trespeuch, maître de conférences. Session de Septembre 2013

 

  2  

Tableau des annexes Annexe 1 : Delisle Gilles, « La SNCF a trouvé son bon tagger », Paris Match, date inconnue. ............................ 5 Annexe 2 : S. de S., « Daze, Valeurs sûres », Le Figaroscope, 17.03.1993. ........................................................... 6 Annexe 3 : Bonardin Sandrine, « Un art venu du métro », La Cote des Arts, Janvier 1992. .................................. 7 Annexe 4 : Binet Stéphanie, « Paris du tac au tag », Libération, 27.03.09. ............................................................. 8 Annexe 5 : Binet Stéphanie, « Un jeune Chartrain veut vendre des graffitis », ..................................................... 9

 

  3  

Tableau des sources Source 1 : entretien avec Willem Speerstra, fondateur de la Speerstra Gallery. Réalisé par skype, le 30/06/13. . 10  Source 2 : Questionnaire soumis par mail à différents FRAC. .............................................................................. 16  Source 3 : réponses de M. Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon, de Mme Béatrice Josse,

directrice du Frac Lorraine, et de M. Olivier Michelon, directeur du Frac Midi-Pyrénées. 17  Source 4 : Lettre de réponse M. Jean-Charles Vergne, directeur du Frac Auvergne à M. Philippe Lefèvre,

fondateur de la galerie At Down. ................................................................................................................... 19  Source 5 : Lettre de réponse M. Dominique Boudou, directeur du Frac Nord-Pas de Calais à M. Philippe

Lefèvre, fondateur de la galerie At Down ...................................................................................................... 20  Source 6 : Lettre de réponse Mme Béatrice Josse, directeur du Frac Lorraine à M. Philippe Lefèvre, fondateur de

la galerie At Down. ........................................................................................................................................ 21  Source 7 : Lettre de réponse M. François Quintin, directeur du Frac Champagne-Ardenne à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. 22 Source 8 : Lettre de réponse Mme Laurence Gateau, directeur du Frac Pays de la Loire à M. Philippe Lefèvre,

fondateur de la galerie At Down. .................................................................................................................. 23  Source 9 : Lettre de réponse M. Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. 24 Source 10 : Lettre de réponse M. Alain Mousseigne, directeur du Frac Midi-Pyrénées à M. Philippe Lefèvre,

fondateur de la galerie At Down. ................................................................................................................... 25  Source 11 : Lettre de réponse M.Catherine Elkar, directeur du Frac Bretagne à M. Philippe Lefèvre, fondateur de

la galerie At Down ......................................................................................................................................... 26  Source 12 : Lettre de réponse M.Liliane Lombard, directeur du Frac Aquitaine à M. Philippe Lefèvre, fondateur

de la galerie At Down. .................................................................................................................................... 27  

 

  4  

Table des illustrations Pl. I, ill 1 : CHALFANT Henry & COOPER Martha, Subway Art, New York, Thames & Hudson, 1984……. 28 Pl. I, ill 2 : Bando, Terrain vague de Stalingard, Paris, date inconnue. ................................................... 28  Pl. II, ill 3 : Mode 2, Mean Disposition, 1995, peinture aérosol sur toile, 195x130. Collection Gallizia ....... 29  Pl. III, ill 4 : The Chrome Angels, palissade, Paris, date inconnue ........................................................ 30  Pl. III, ill 5 : Terrain vague de Stalingrad, boulevard de la Chapelle, Paris, photo de Ludo Dehy ................ 30  Pl. IV, ill 6 : Jay One, Hero 2, Terrain vague de Stalingrad, Paris, date inconnue .................................... 31  Pl. IV, ill 7 : Ben, Dee Nasty, Webo, Joyeux Noël, peinture aérosol sur un wagon de métro, Paris, 1984 ..... 31  Pl. V, ill 8 : Bando, couverture de 1Tox n°6, date inconnue ................................................................ 32  Pl. V, ill 9 : Banksy, Kate Moss, 2005, sérigraphie, 20,7x20,7 cm, ....................................................... 32  Pl. VI, ill 10 : John « Crash » Matos, Movement n°2, 1989, acrylique et aérographe sur toile, assemblage de

planches et miroir ................................................................................................................... 33  Pl. VII, ill 11 : Banksy, Slave Labour, 2012, pochoir, 122x152cm, Londre ........................................... 34  Pl. VII, ill 12 : Crash, Hervé Di Rosa, ............................................................................................ 34  Pl. VIII, ill 13 : Jonone, Acid Ink 2, 2005, techniques mixtes, 64x49cm ............................................... 35  Pl. IX, ill 14 : vue de la Speerstra Gallery, Bursins (Suisse). Visite du 08.06.13 ..................................... 36  Pl. X, ill 15 : vue de l’exposition « Graffiti Art : artistes américains et français, 1981 -1991 », Musée National

des Monuments Français, Paris .................................................................................................. 37  Pl. XI, ill 16 : flop de Amaze, « Né dans la rue – Graffiti », vue de la Fondation Cartier pour l’Art

Contemporain, 2009 ................................................................................................................ 38  Pl. XI, ill 17 : vue d’une salle d’exposition, « Né dans la rue – Graffiti », Fondation Cartier pour l’Art

Contemporain, 2009. ............................................................................................................... 38  Pl. XII, ill 18 : Futura 2000, Sur sa peau était marqué ticket, campagne publicitaire « Ticket chic Ticket

choc » pour la RATP, 1984 ....................................................................................................... 39  Pl. XIII, ill 19 : Megaton, campagne informative anti-graffiti par la RATP, 1992 ................................... 40  Pl. XIII, ill 20 : Campagne publicitaire réalisée par Dran pour Nissan Motor, 2007 ................................ 40  Pl. XIV, ill 21 : exemple de graffiti reverse, par Paul « Moose » Cutis, date/lieu inconnus ....................... 41  Pl. XIV, ill 22 : Zevs, Liquidated Logo, action in-situ, Hong-Kong, juillet 2009 .................................... 41  Pl. XV, ill 23 : action de Kidult contre la vitrine de la boutique parisienne Agnès b., Janvier 2011 ............ 42  Pl. XV, ill 24 : LASER Tag, action du Graffiti Research Lab à Rotterdam (Pays-Bas), Février 2007 .......... 42  Pl. XVI, ill 25 : Evan Roth, Propulsion Paintings, video et techniques mixtes, Detroit, 2012 ................... 43  Pl. XVI, ill 26 : Fuzi, Mermaid, peinture murale, Varsovie, 2013 ........................................................ 43  Pl. XVII, ill 27 : Smash 137, Malakid, peinture aérosol et acrylique sur toile, 2010 ................................ 44  Pl. XVII, ill 28 : Denys Riout, Dominique Gurdjian, Jean-Pierre Leroux, Le livre du Graffiti, éd. Alternatives,

Paris, 1985 ............................................................................................................................ 44  Pl. XVII, ill 29 : Daniel Feral, Graffiti and Street art, diagramme, 2011 .............................................. 45  Pl. XIX, ill 30 : Daniel Feral, Graffiti and Street art : feral diagram 2.0, diagramme, 2012 ...................... 46  

 

  5  

Annexe 1

 

  6  

Annexe 2

 

  7  

Culture 23

Tag au Grand Palais, collection GalliziaGrand Palais, avenue Winston-Churchill 75008.Jusqu’au 26 avril de 11 heures à 19 heures.

D’abord, il faut chercher l’entrée del’expositioncommel’accèscachéàunter-rainvagueoù,naguère, les graffiti-artistsse réunissaientpour se faireunmur. Pen-dantunmois,150decesvandalesurbains,maîtres de la bombe aérosol, seront auGrandPalais,une institutionde laculturefrançaise. «D’habitude, fait remarquerBando, celui qui a importé cette expres-sion calligraphiqueenFrance il y a vingt-cinqans, on est plus sur lesmonuments qu’àl’intérieur.»Unefois cetteminusculeporteHrepérée,l’exposition «Tag au Grand Palais» setrouve dans une salle à l’étage encorejamais ouverte. Un longhall avec pierresetparpaingsapparents. «Quand je suis venul’aménager, il y a trois semaines, raconteTarak, ancien régisseur de la Fonderie,l’ex-squatt de graff de Bagnolet (Seine-Saint-Denis), il y avait encore des fientes depigeon partout.»Métro.Ledispositif de l’expositionest telqu’on a l’impression d’être dans une sta-tiondemétro,deboutdansunerameavec,dechaquecôté,unquaioùquatrerangéesdecouleurs vousenmettentplein la vue.Il ya les tags (signatures)desoixantepion-niers américains (Cornbread,

L e tag a-t-il sa place au mu-sée? Eternel débat. Libéra-tion a demandé à trois ar-tistes de la culture graffitice qu’ils en pensaient: le

Franco-Américain Jonone, lepunk RCF1, et Onet –ce dernierayant refusé de participer à l’ex-position «T.A.G auGrand Palais».

Jonone

«Çafait trenteansqu’onnousposecette question. Après toutes cesannées,onnedevraitplusenêtreencoreàcestade-là.EnFrance, lesgensneveulentpaschanger, il yaune veille façondepenser et tou-jourspasd’endroitsoùdesartistescommenouspuissentexposer,nid’expertsdenotrepeinture.Lemi-nistèrede laCulturedonnetoutesles subventions à des artistescomme Sophie Calle.«Jene suispas àplaindre, çamar-che bien pour moi; j’ai mon pu-blic,mescollectionneurs. L’autrechose qu’on me demande sou-vent, c’est: n’est-ce pas mieuxdans la rue? Mais ce n’est pas

parcequ’on faitdesgraffsdans laruequ’onestunartiste. J’ai peintdes milliers de toiles avant quemon travail entre dans le circuit.Monchallenge,entantqu’artiste,est de sortir le graffiti du ghetto.Or, à cet égard, il y a encore pasmald’effortsdecompréhensionàfournir, autantchez les conserva-teurs que chez les artistes.Aujourd’hui, c’est un collection-neurprivéqui aeu les couillesdemiser surnotrepeintureetqui laprête à ces flemmards duminis-tère de la Culture, qui n’ont ja-mais investi dans notre art.»

RCF1

«Etre au musée, c’est gratifiantmais çan’estpas laLégiond’hon-neur. Ça ne nous protège pas destribunauxquinous condamnentpournotre actiondans la rue. J’aitoujours fait des graffitis commedestoiles,pour leplaisir.Monmu-séeàmoiestàcielouvert.Pendantdes années, ça a été lemarché deBelleville,deBarbès, lequai31delagareduNord,àParis.Quandon

dit“le graff finit aumusée”, c’estfaux, car il y a souvent une diffé-renceentrecequ’onpeintsurunetoile et ce qu’on fait sur unmur.«Ce qui me gêne, aussi, c’est demerendrecompteque lesconser-vateursdemusée, commePierreCornettedeSaintCyrauPalaisdeTokyo, ne connaissent de la cul-ture graffiti que JeanMichel Bas-quiatetKeithHaring,quin’ont ja-mais peint de graffiti à la bombeaérosol. Il est encoreplus irritantde les entendre dire que les tagsqu’ils voient sur les métros sontmoches. Quelqu’un a-t-il vu unjour Cornette de Saint Cyr sur laligneBduRER?Pourmapart, j’aiété gardien au Palais de Tokyoaprès avoir été condamné à240 heures de travaux d’intérêtgénéralpouravoirpeintun trainde la SNCF. Les conservateurs demusée seposent commeune ins-titution, qui décrète ce qui estbien et ne l’est pas.«J’aipeintpour lacollectionGalli-zia, car jevoulaisquemontagsoitexposéàcôtédeceluidescopains,

mais cetteexpositionne légitimepas notre travail. On existe déjàdans lemarché privé de l’art.»

Onet

«Le tag aumusée, pourquoi pas?Mais çadépend surtoutde lama-nière dont on le présente. Là, jen’y vois aucune intelligence. Onmet en avant le collectionneur,enfin plutôt une personne qui adécouvert le graffiti récemmentet qui collectionnedesnoms. Il aimposé un thème, un format.L’exact contraire du graffiti.«Notre mouvement est encorejeune, sespionniers sontvivants.C’estencoretroptôtpourpouvoirjuger si s’il s’agitd’artoupas.Cer-tains graffiti-artists ont envie demontrerdeschoses intelligentes.Maiscetteexpositionressembleàunfast-food,unesortedecourdesmiraclesoùtoutestpossiblemaisoùrienn’estesthétisant.Ceuxquiontvraimentdutalentvont se re-trouver noyés aumilieu de pleind’autres.»

Recueilli par•STÉPHANIE BINET

CRIT

IQU

E

tagParis du tac au

Musées et bombes font-ils bon ménage ? La réponse de trois artistes.

«Il faut sortir le graffiti du ghetto»

JAYO

NE

JAYO

NN

ERA

MM

ELZE

E

Au Grand Palais, 150 maîtres de l’aérosols’exposent. Panorama mondial d’un arten quête de reconnaissance.

VENDREDI 27 MARS 2009 | LIBÉRATION

Annexe 3

 

  8  

Annexe 4

 

  9  

Annexe 5

 

  10  

Source 1 : entretien avec Willem Speerstra, fondateur de la Speerstra Gallery. Réalisé par skype, le 30/06/13.

- Vous êtes actif depuis 2001, date à laquelle vous avez ouvert votre première galerie à Paris. Pouvez-vous

me donner quelques éléments contextuels de l’époque (contexte artistique ; économique ; socioculturel) ?

Ma première activité tout d’abord a été de rentrer en tant que stagiaire à la Galerie Michel Gillet, en

1991, où j’ai fini par devenir curateur parce que je m’y connaissais bien en Graffiti. Michel Gillet était un

partenaire de mon père, ils travaillaient ensemble et j’ai donc eu ma petite entrée dans cette galerie. Puis de 1994

à 2000 j’ai travaillé dans le milieu du dessin-animé dans lequel je suis arrivée par passion, au sein du groupe

Canal Plus et d’une société qui s’appelait Rooster Studio. Est arrivée la crise dans ce milieu, j’ai réfléchi pendant

2 ans pendant mes années de chômage puis j’ai profité de mes économies pour ouvrir ma galerie dans le Marais

au 4/6 rue du Perche. Je suis donc actif sous mon nom « Speerstra Gallery », à l’américaine, depuis octobre

2001, où j’avais ouvert avec Richard Di Rosa.

En 1991-1992, personne n’attendait du graffiti, c’était en train d’émerger, même si le Graffiti était à

Paris depuis 1984. En 1991, c’était la période de l’Hôpital Ephémère, avec les BBC, Skii, Ash, Sharp, JonOne,

toute une bonne petite scène, Agnès b exposait Futura, et puis nous avec Michel Gillet. Le milieu était cependant

assez fermé, et par exemple un tableau de JonOne valait 20.000 francs (environ 3000e aujourd’hui) tandis

qu’aujourd’hui c’est aux alentours de 35.000 euros, de l’eau a donc coulé sous les ponts entre temps. Mais en

remettant dans son contexte de l’époque, ce n’est pas que personne n’en voulait ! C’était du graffiti, donc un

monde qui émergeait.

En 2001, au niveau socio-culturel le graffiti était déjà bien ancré : MJC, culture du breakdance… Par

contre, le mouvement n’était pas encore reconnu par le grand public, il n’y avait pas de publicités à la télé qui

diffusait le graffiti en fond comme on peut le voir aujourd’hui. C’est la même chose sur le plan artistique, j’avais

comme concurrents qui n’étaient pas vraiment concurrents Magda Danysz qui avait ouvert sa galerie plus tôt

mais qui exposait aussi d’autres artistes contemporains, Agnès b. et Taxie Gallery tenue par Valériane Mondot.

Nous n’étions donc pas beaucoup et de 2001 à 2005, tu pouvais avoir des évènements un peu éparpillés à droite

à gauche dans la région parisienne. Artistiquement, ce n’était pas énorme, et puis, début des années 2000, Paris a

lancé une campagne de propreté et beaucoup de murs n’ont pas résisté. Le graffiti n’était pas super bien vu,

lorsque j’ai ouvert ma galerie, on m’a vu comme un alien. Quand j’ai exposé Daze en 2002, ça allait encore car

c’est plutôt figuratif, juste après il y a eu Crash avec des toiles vraiment « spray ». Cette année là je n’ai vendu

qu’une toile ! Economiquement c’était un peu difficile, mais j’avais prévu mon budget. C’est peu après que cela

a un petit peu démarré avec les expos qui s’enchaînent, il fallait également prendre le temps de se faire connaître

notamment dans les magazines « hype » du moment (Nova Mag par exemple).

Il faut savoir que 2001 fût une année de crise avec les Twin Towers, l’année d’après le fût également.

L’art a été touché bien évidemment par cette crise, la période était vraiment spéciale. Je me souviens que les

artistes chinois contemporains venaient d’arriver sur le marché et que cela marchait plutôt bien.

 

  11  

- Selon vous, le terrain était il favorable à la bonne réception de cet art à Paris ? en France ?

C’était un challenge, nous étions 4 sur le marché, on y croyait, mais on y croyait tous seuls je crois ! Il

n’y avait pas de collectionneurs et je vendais très peu. Une petite année ou deux avant que je parte (je suis resté 6

ans), c’était chaud, je perdais plus d’argent que j’en gagnais. C’était vraiment pour la gloire, je faisais mes

artistes pendant ces 6 années, et j’ai continué parce que j’y ai toujours cru. Et j’ai bien fait parce que j’aurai pu

abandonner. Mais si c’était pour la thune j’aurai abandonné depuis longtemps.

- Portiez-vous un regard sur ce qui marchait à l’étranger ?

Internet était déjà là, mais pas non plus à fond, j’avais mon premier site. Il y avait peu de magazines à

part Graff It !, Inner City, dans le fond on voyait pas trop ce qu’il se faisait. Il n’y avait pas grand chose, des

fanzines, des blogs, c’était l’époque de Fotolog avant que cela ne devienne n’importe quoi... Ce site était un réel

moyen de communication à travers la communauté graffiti, on se trouvait, on créait des liens avec les plus jeunes

générations, c’était une bonne période qui a duré environ 2-3 années. En France, il existait un forum de

discussion, « 90bpm », où on critiquait pas mal les expos etc.

- Justement, face à quel genre de critiques avez-vous dû faire face ?

Je n’ai pas eu de critiques au niveau des critiques d’art, j’avais justement pas mal d’articles qui étaient

tous positifs. Mais j’ai surtout eu de la critique de la part du public, des passants, de mes voisins. Et puis j’ai eu

une fois ou deux peut être un passant qui est rentré pour me dire que c’était honteux d’exposer ça, que c’était du

vandalisme. Aujourd’hui, je ne reçois toujours pas de critiques, mais je n’en vois pas non plus, il y a de galeries

qui présentent du street art et du graffiti maintenant qu’ils ont peut être d’autres chats à fouetter. Pour ma part je

critique mes concurrents. On pourrait me critiquer si je faisais chaque année le même artiste que je ré-exposerai,

genre JonOne qu’il m’est arrivé d’exposer une fois par an à un moment. Mais je ne le fais pas, et je fais en sorte

de me protéger de ce genre de critiques. Bien que la critique ne me fasse pas peur ! Ma femme Marie me

critique, c’est peut être la seule à critiquer soit mon accrochage soit ma façon de travailler, mes choix.

- Quels rapports avec les médias ?

Je suis passé deux fois à la télé, notamment sur RTS l’équivalent de TF1 en Suisse. L’émission

« Nouvo » a réalisé un reportage à heure de grande audience le dimanche qui portait sur le graffiti-street art, le

vandalisme (« Le Street Art : entre underground et mondanité » en Novembre 2011), ils interviewaient le maire

qui était contre le graffiti, et j’ai été interviewé à propos de l’histoire de la galerie, des artistes. J’ai été plutôt

satisfait par le reportage et son montage. Je viens également d’avoir un article dans un magazine économique

suisse, plutôt axé sur le luxe, où il est question de la galerie, de la fondation et de la collaboration Futura avec la

marque de whisky Henessy. J’ai de plutôt bons rapports avec les journalistes, ils sont généralement sympas mais

ne sont pas en demande permanente non plus.

- et vos rapports avec la presse artistique?

Le souci de la presse spécialisée est que la plupart des rédactions sont constituées de pigistes, que les

contacts changent d’années en années. Il y a également beaucoup de rapports de copinage, des relations à

entretenir. Si tu n’es pas en bon terme ou que tu ne vas pas dans leur sens, tu n’es pas dans leur magazine ! Mais

 

  12  

il y aura toujours des galeries pour donner de l’info, Je me suis fait évincé et je leur en remercie par ailleurs.

Mais le papier ne marche plus, tout se fait sur Internet. Si je veux être dans les magazines plus mainstream, il

faut activer les publicités, se faire copain-copine, l’exemple de la Gallery Opera qui paye des pages de pub et des

backcovers à 15 000 €, c’est juste pas possible ! Je pense que le mouvement pourra se passer de ce genre de

magazines, chers, peu intéressants et peu objectifs. Internet, c’est le média d’aujourd’hui, même si ce n’est que

mon opinion.

- Je me demandais quelles influences avaient eu les galeries pionnières new-yorkaises sur Paris. Etaient-

elles un modèle à suivre ?

Personnellement j’ai suivi l’exemple de ces galeries old-school, c’est à dire soutenir l’artiste, l’aider

financièrement, lui acheter les œuvres presque de chaque expo pour le soutenir. Ce qui est très rare aujourd’hui

au niveau de la plupart des galeries à Paris, mis à part les plus grandes qui possèdent des collectionneurs qui

investissent avant et après l’expo. J’ai suivi l’exemple de mon père qui lui vient d’une génération des années 80

(ouverture de sa galerie à Monaco en 1984), et en 1982, il travaillait déjà avec Yaki Kornblit à Amsterdam, en

exposant Dondi White, Crash, Rammellzee… J’avais donc ce modèle à l’ancien de galeriste où il y avait une

éducation vis à vis de l’artiste, de le soutenir le plus longtemps possible et aussi de le faire évoluer, de

développer un réseau avec d’autres galeries qui partagent la même vision.

Du côté des galeries plus street art, tu trouveras Magda Danysz qui est dans la même optique, Agnès b

aussi qui est davantage galeriste par passion.

- Concernant l’évolution du graffiti et du street art, êtes vous satisfait du chemin parcouru ?

Je suis super fier des artistes que j’ai pu exposé et de leur parcours jusqu’à aujourd’hui. Maintenant le

mouvement il est tellement grand aujourd’hui, et il y a tellement de bons artistes originaux et qui ont des choses

à dire. Cependant le buzz via internet peut amener à certains d’exploser également.

Je suis le graffiti depuis qu’il est arrivé en Europe dans le début des années 80. Des gars comme Crash

qui sont reconnus à l’international, mais qui peinent encore aujourd’hui à être exposé à certains endroits, qui ne

sont pas encore dans les grandes collections ou qui n’ont pas encore atteint le seuil des 50 000 € (je ne parle pas

de Seen ou de Taki qui sont deux artistes montés pour la thune malgré le fait que ce soit de vrais artistes avec un

passé derrière eux), mais en général c’est surtout l’arrivée d’Internet qui a fait que les choses ont bougés. Il y a

eu aussi l’engouement créée par l’expo que je n’ai pas aimé, « Tag au Grand Palais » par Gallizia, qui lui, par

coup de chance, a réussi à créer le buzz et à partir de là, je le remercie pour ça mais uniquement pour ça.

Personnellement, juste avant je venais d’exposer ma collection à Sète (l’Art Modeste sous les Bombes). A partir

de ce moment là en France ça a fait exploser le truc ! Quitte à ce que des confusions se créaient.

- Que pensez vous lorsque l’un de vos artistes arrivent à pénétrer dans un musée, dans les collections

publiques ? ce qui est le cas pour JonOne par exemple, récemment courtisé par le MuCEM de Marseille

Proprement je trouve cela super, pour l’artiste et pour sa reconnaissance. Maintenant, derrière tout ça, il

faut bien savoir que le MuCEM va acheter une toile officielle et en avoir deux sous le manteau pour les

acheteurs… Il y a toujours de l’argent en jeu, et par moment cela devient super énervant cette histoire de

conditions, de rapports de force. Ce n’est jamais ouvertement « enthousiaste ».

 

  13  

Par ailleurs, la responsable de la collection graffiti au MuCEM, en 2003, a commencé par me soutirer

des informations sur mes artistes, lorsqu’elle a voulu m’acheter une pièce de RCF 1, sauf qu’après lui avoir

donné son contact, c’est à son atelier qu’elle a préféré acheter la pièce ! Je me suis senti « entubé ». J’ai pourtant

accepté de faire une interview de 10 pages dans son bouquin, mais peu importe.

Pour revenir aux artistes, je suis content de voir des types comme Crash, Daze, JonOne reconnus dans

les musées, ils sont déjà dans des gros musées internationaux et là ce sont vraiment des choix, c’est vraiment

propre et efficace. Marseille c’est Marseille et c’est pas encore un grand musée.

On en revient à la question d’évolution, ce qu’il leur faut pour eux, pour ces artistes c’est des

expositions dans des musées, des rétrospectives qui vont venir avec les années, c’est à partir du moment où on

pourra considérer l’ensemble d’une carrière.

- Faut il attendre qu’ils soient morts pour autant… ?

Non, il ne faut pas attendre qu’ils soient morts. Il y a l’exemple de Rammellzee, qui est mort il y a 2 ans

maintenant, j’ai été contacté par une galerie l’année dernière pour prêter des œuvres. L’agent de Rammellzee

organisait une expo rétrospective mais vente, donc une fois de plus, il y a de l’argent en jeu. Il y avait quelques

pièces qui n’étaient pas à vendre, mais la spéculation s’est faîte très vite. On a vu aussi la même chose avec

Dondi White.

Tout ce que les musées peuvent faire ce sont des rétrospectives des artistes encore vivant, des in-situ,

c’est ce qui se fait en ce moment et c’est ça que j’aime puisque ça amène vraiment du buzz à mon niveau. Par

exemple si tu vois un Daze dans un musée, tu kiffes, tu tapes son nom sur internet et tu tombes sur les galeries

qui le vendent, et c’est là où on travaille et puis pourquoi nous on se bat pour l’argent : pour que l’artiste puisse

continuer à produire, et puis vendre pour lui, pour nous, pour faire avancer les choses. Les futurs collectionneurs,

les clients, on les attends mais il faut travailler pour et c’est ce que je fais.

- Pensez vous qu’une éducation a été donnée afin de bien aborder le mouvement graffiti dans son

ensemble ?

Oui je pense. En ce moment je fais tourner une partie de ma collection en France à travers le réseau

Spacejunk( Bayonne, Lyon, Grenoble), ça m’a couté peut être deux jours de travail, entre l’emballage des toiles,

faire les listings de départ pour les douanes et tout ça, j’ai pas encore fait de ventes dessus, pas eu un client en

deux mois, peut être qu’il n’y aura rien ! Mais je ne le fait pas pour ça non plus ! J’attends surtout qu’il y ait des

retours, et même s’il n’y a rien, j’aurai encore fait une belle petite expo d’œuvres belles, classiques, c’est ce qui

m’intéresse.

- Selon moi, il existe une réelle difficulté à comprendre les termes et donc à définir le mouvement, dû à

l’existence de nombreux termes qui parfois mènent à des confusions. Êtes vous d’accord avec moi ? Quels

sont les mots, les termes, les définitions auxquelles vous êtes attachés ? Quelles utilisations faîtes vous du

terme « post-graffiti » par exemple ? et du terme « street-art » ?

Sydney Janis a inventé le terme « post-graffiti ». Lorsque j’ai ouvert ma galerie, dans le milieu du

graffiti parisien on ne parlait pas de street art encore, y avait des gars qui collait des trucs mais des types comme

Shepard Fairey n’était pas reconnu en France encore. Il y a toujours eu du street art mais c’était du pochoir, on

 

  14  

appelait ça plutôt l’art du pochoir, avec des artistes comme Miss Tic, Jean Faucheur. Puis est arrivé le terme

« street art », de Londres et de Banksy. J’avoue avoir négligé dès le début, on vendait du graffiti on défendait des

RCF, des gars américains qui viennent du train, et puis t’as des gars qui arrivent, qui font du pochoir même en

journée, des trucs rigolos que tout le monde comprend, qui plus est, cela commençait à se vendre ! Ca a

rapidement pris de l’ampleur, comme un mastodon, un concurrent et à ce moment là plus personne n’en parlait

du graff ! Je ne m’y retrouvai pas trop là dedans, je trouvai ça contraire à ma religion du graffiti que je défendais

depuis toujours. Dans certaines interviews je disais même que je ne ferai jamais de street-art dans ma galerie.

Même entre artistes on en discutait, certains n’aimaient pas ce terme.

Mais finalement j’ai dû accepter de m’y mettre et d’adopter le terme. Maintenant, le terme street art (qui

englobe le graffiti, l’art urbain), j’ai plus le choix je suis contre ce terme. A l’entrée de ma galerie, j’ai installé un

panneau avec inscrit « art contemporain-street art-graffiti ». Si je laisse « graffiti » c’est trop péjoratif, trop

associé au vandalisme, donc je suis obligé de rajouter « street art » pour pouvoir travailler mon propre « street

art ».

- A propos de son introduction dans une histoire de l’art en général… ?

Pour moi il est bien ancré, on ne reviendra pas en arrière. Il y a encore de nombreux jeunes talents qui

vont émerger, c’est à nous galeristes ou propriétaires d’espaces d’art, également aux musées, de donner un peu

de chance à certains. D’autres ne le méritent pas car ils copient déjà les autres. Un artiste par exemple comme

Jonas est issu d’une galerie qui a déjà sorti des faux Crash et des faux JonOne lors d’une vente d’art à Cannes.

Jonas c’est le copieur de JonOne, dans son nom et dans ses signatures également. On s’en fout mais c’est histoire

de dire et de l’encourager à trouver son style, malheureusement les clients sont prêts à acheter. Il y a donc un

petit souci. Entre artistes et actifs c’est un gros sujet de discussion, c’est la légitimité de l’artiste. Qu’un artiste

soit influencé est normal, mais il se doit de trouver sa marque de fabrique, son petit truc.

- Ce à quoi j’ajoute qu’il ne serait pas négligeable d’avoir, pour le bien du graffiti et du street art, des

historiens d’art et des critiques capables d’émettre un avis sur tel ou tel artiste, de faire la part des choses

entre l’un qui copie et le véritable créateur… j’ai l’impression d’un enjolivement permanent, qu’on

trouve tout ce qui arrive comme frais…

Tout est frais parce que tout le monde a intérêt aujourd’hui, les journalistes et les rédacteurs ont quelque

chose à voir avec soit l’artiste dont il parle soit le galeriste, y a un conflit d’intérêt. Par exemple, nous avons eu

un article dans un grand magazine artistique à propos de notre Fondation parce qu’on connaît le gars qui connaît

untel… Je dois avouer qu’il manque un critique qui pourrait critiquer certains de ces mauvais artistes et cela ne

sera pas moi d’ailleurs parce que je ne suis pas expert en art critique, mais ça manque un peu, et je pense surtout

que personne ne s’y est vraiment essayé. Y a une critique, c’est Valériane Mondot de Taxie Gallery, c’est

quelqu’un qui peut être très critique, et qui le fait bien. Elle en parle bien et prépare des projets par rapport à

cette dimension.

Depuis 20 ans que je connais et suit ce mouvement il n’évolue que en bien selon moi, je suis plutôt

satisfait de ce qu’il se passe pour le graffiti en ce moment, je travaille et mes artistes travaillent surtout.

L’important est de bosser tous ensemble main dans la main, entre gens qui connaissent et qui osent le faire

surtout, entre vrais gens du milieu.

 

  15  

- Une dernière question, plus personnelle cette fois ci. Comment percevez-vous mon initiative, mon étude ?

Pensez-vous que je perde mon temps par exemple ?

J’ai toujours aimé le travail des étudiants, parce que vous participez au niveau universitaire à l’évolution

du truc, c’est à dire que vos papiers sont lus, sont consultés par des professeurs pas toujours connaisseurs du

mouvement, par d’autres étudiants aussi. Je ne pense pas que tu perdes ton temps parce que tu travailles par

passion sur ce sujet et que c’est plutôt positif. Vos démarches sont positives pour le futur.

 

  16  

Source 2 : Questionnaire soumis par mail à différents FRAC.

- Le monde de l’art s’agite actuellement autour du graffiti et du street (multiplication

des galeries spécialisées et des ventes aux enchères, publications consacrées au phénomène

dans les magazines beaux-arts, croissance des expositions). En tant que directeur d’un FRAC

et acteur majeur de l’art contemporain en France, y êtes-vous sensible ? Quelle est votre

position à ce sujet ?

- Si l’on saisit bien les missions d’un FRAC, nous devrions donc trouver dans au

moins une structure, la présence d’œuvres d’art issues du graffiti et du street art. Pouvez-vous

me le confirmer ? Dans le cas contraire, l’avez vous déjà envisagé ?

- Aux Etats-Unis, le graffiti est entré dans les collections muséales, et les institutions

reconnaissent peu à peu leurs propres pionniers. Selon vous, qu’est ce qui pourrait faire

changer d’avis les institutions françaises ?

- Enfin, comment percevez-vous les perspectives d’évolution des rapports entre les

FRAC et le graffiti et le street art ? Est-il possible de douter encore longtemps de la

dynamique de ce mouvement pictural et culturel qui existe depuis les années quatre-vingts en

France ?

 

  17  

Source 3 : réponses de M. Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon, de Mme Béatrice Josse, directrice du Frac Lorraine, et de M. Olivier Michelon, directeur du Frac Midi-Pyrénées.

 

  18  

 

  19  

Source 4

 

  20  

Source 5

 

  21  

Source 6

 

  22  

Source 7

 

  23  

Source 8

 

  24  

Source 9

 

  25  

Source 10

 

  26  

Source 11

 

  27  

Source 12

 

  28  

Planche I

ill 1

ill 2

 

  29  

Planche II

ill 3

 

  30  

Planche III

ill 4

ill 5

 

  31  

Planche IV

ill 6

ill 7

 

  32  

Planche V

ill 8 ill 9

 

  33  

Planche VI

ill 10

 

  34  

Planche VII

ill 11

ill 12

 

  35  

Planche VIII

ill 13

 

  36  

Planche IX

ill 14

 

  37  

Planche X

ill 15

 

  38  

Planche XI

ill 16

ill 17

 

  39  

Planche XII

ill 18

 

  40  

Planche XIII

ill 19

ill 20

 

  41  

Planche XIV

ill 21

ill 22

 

  42  

Planche XV

ill 23

ill 24

 

  43  

Planche XVI

ill 25

ill 26

 

  44  

Planche XVII

ill 27

ill 28

 

  45  

Planche XVIII

ill 29

 

  46  

Planche XIX

ill 30