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Anti-hero of modern music

Erik Satie (1866-1925) is one of the most intriguing personalities of modern music. He lived and worked in Paris on the cusp of the 20th century, an incredibly creative period in European artistic and intellectual history that was replete with experiments, new ideas, radical ideologies and unexpected meetings between artists of all types. Satie’s work had points of contact with impressionism, symbol-ism, esotericism, cubism, Dadaism, musique concrète and abstract art.

Satie, a Bohemian figure and pianist in the cafés and music halls of Montmartre, was influenced by all of the above developments in popular and high culture. At the same time he was firmly opposed to ‘the weakness for the ideas of the time’ — a reproach he made to Saint-Saëns and others — and to society in general. Satie positioned himself at the centre of artistic modernism, although he nonethe-less remained an outsider and a loner.

Satie was an anti-hero. His isolation was so extreme that he lived the life of a pauper, concentrating on his own musical develop-ment and keeping his distance from the vari-ous styles and influences of the time. Such an attitude was accompanied not only by obsti-nacy and pride but also by pain, humiliation and aggressive outbursts against the world around him. Satie’s music and personality are

Anti-héros de la musique moderne

Erik Satie (1866-1925) est l’une des personna-lités les plus intrigantes de la musique mo-derne. Il fut actif à Paris au tournant des XIXe et XXe siècles, à une époque marquée par une fertilité artistique et intellectuelle sans pareil, une époque faite d’expérimentations, d’idées nouvelles, d’idéologies radicales ainsi que de rencontres inattendues entre les artistes de différentes disciplines. L’œuvre de Satie fut en contact avec l’impressionnisme, le symbo-lisme, l’ésotérisme, le cubisme, le dadaïsme, la musique concrète et l’art abstrait.

La vie de bohème et de pianiste de Satie l’em-mena dans les cafés et music-halls de Mont-martre où il rencontra les développements des cultures populaire et élitiste. Il s’opposa cependant toujours à « la faiblesse des idées du siècle », dont il accusa entre autres Saint-Saëns et la société en général. Satie évolua au beau milieu du modernisme artistique, tout en restant un étranger et un solitaire.

Satie était un anti-héros. Son isolement fut si extrême qu’il vécut dans la pauvreté tant il se concentrait sur son évolution musicale, étant de tous les mouvements et de tous les styles. Cette attitude s’accompagnait d’entêtement et d’orgueil, mais également de douleur, d’humi-liation et d’une réelle agressivité vis-à-vis du monde extérieur. La musique et la personna-lité de Satie sont pleines de paradoxes et de

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filled with paradoxes and contradictions; he and his work lie between pretentiousness and authenticity, humour and seriousness, parody and mysticism, anecdote and essence, chatter and tranquillity.

Often misunderstood and undervalued, he nevertheless had a great influence on compos-ers such as Debussy, Ravel and Poulenc; already in the 1890s he was a precursor of a style that would only fully come into its own during the beginning of the 20th century. In 1917 he collaborated with Cocteau, Picasso, Massine, Diaghilev and Les Ballets Russes on the cre-ation of the ballet Parade; it had a huge succès de scandale and became a reference point in the history of the French avant-garde, not least because of its mix of artists and artistic disciplines.

Satie had a unique relationship with language, as can be seen from the unusual titles he gave to his compositions, his many half-serious, half satirical writings and the curious indica-tions that he provided for his performers in his scores; this provides us with an immediate explanation for the fascination that many modern writers and poets feel for his work.

His most familiar pieces are the serene Gymno-pédies and Gnossiennes, the mystic Vexations (a short piece for piano that has to be repeated 840 times), the popular Trois Morceaux en Forme de Poire, the avant-garde ballet Parade

contradictions. Satie et ses œuvres évoluent entre pose et authenticité, entre farce et gra-vité, entre parodie et mystique, entre anecdote et essence, entre bavardage et silence.

Souvent méconnu, souvent mal compris, il eut cependant une forte influence sur des compositeurs tels que Debussy, Ravel et Poulenc. Au cours des années 1890, il était un précurseur de ce qui fleurira dans l’avant-garde du XXe siècle. En 1917, il participa avec Cocteau, Picasso, Massine, Diaghilev et Les Ballets Russes à la création du ballet Parade, succès (controversé) et jalon de l’histoire de l’avant-garde, notamment en raison de la fusion des artistes et des disciplines.

Satie entretenait une relation spéciale avec la langue, en témoignent les remarquables titres de ses compositions, ses nombreux écrits doux-amers et les indications caractéristiques qu’il écrivait pour les exécutants dans ses partitions. Ceci explique la fascination des écrivains et des poètes modernes pour son travail.

Ses pièces les plus célèbres sont les sereines Gymnopédies et Gnossiennes, les mystiques Vexations (courte pièce pour piano qui doit être répétée 840 fois), les populaires Trois Morceaux en Forme de Poire, le ballet avant-gardiste Parade (avec quelques instruments très étranges) et le ballet Relâche (avec des séquences de film).

Satie était un pionnier du minimalisme. Il expérimenta ce qu’il appelait « la musique de meubles », une musique de fond qui ne supposait aucun effort d’écoute. Son travail fut « redécouvert » et pris très au sérieux par John Cage dans les années soixante. Depuis lors, la place de Satie dans l’histoire de la musique moderne est assurée.

(with some extremely exotic instrumentation) and the ballet Relâche with its film sequences.

Satie cleared the way for what was later to be known as minimalism; he experimented with what he called ‘furniture music’: background music that did not need to be listened to consciously. His work was rediscovered and taken extremely seriously by John Cage in the 1960s, since when Satie’s place in the history of modern music has been assured.

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‘Esoteric Satie’

The works that have been recorded on this CD belong to a highly specific and yet enigmatic period of Satie’s life and work; these are works that were composed between 1891 and 1895 and that stand somewhat apart from the rest of his compositions: Le Fils des Etoiles, Sonner-ies de la Rose+Croix, Uspud, Danses Gothiques and Prélude de la Porte héroïque du ciel. The Gnossiennes were composed between 1889 and 1891 and have since then become well-known.

These works are difficult to classify, filled as they are with a restrained meditative and mysterious beauty. Their title was coined by Satie himself and clearly announces the at-tachment to mysticism that was to preoccupy him during the 1890s.

At that time Satie was known amongst his friends and acquaintances from Montmartre’s nightlife as Satie l’ésotérique. Satie’s innate inclination towards asceticism and mysticism as well as his fascination with the Gothic period and Gregorian chant made him recep-tive towards the Rosicrucian revival at the end of the 19th century. According to tradition, the Rosicrucian Order was founded in 1407 by Christian Rosenkreuz, a German who had studied under various masters of the occult in the Middle East; the order is supposed to have consisted of no more than eight mem-

« Ésotérique Satie »

Les pièces enregistrées sur ce CD appartien-nent à une période très spécifique et énigma-tique de la vie et de l’œuvre d’Erik Satie. Il s’agit d’un certain nombre de compositions atypiques dans son œuvre, qu’il écrivit entre 1891 et 1895 : Le Fils des Étoiles, Sonneries de la Rose-Croix, Uspud, Danses Gothiques et Pré-lude de la Porte héroïque du ciel. Satie écrivit les Gnossiennes, la pièce la plus célèbre, entre 1889 et 1891.

Ce sont des pièces difficiles à classer, au contenu empli d’une beauté méditative et mystérieuse. Le titre est un néologisme de Satie, qui annonçait déjà sa position mystique des années nonante.

Pendant cette période, Satie était connu auprès de ses amis et connaissances de la vie nocturne de Montmartre sous le nom de L’Ésotérique Satie. Sa tendance naturelle à l’ascétisme et au mysticisme, sa fascination pour le style gothique et le chant grégo-rien le rendirent sensible à la renaissance de la doctrine de la Rose-Croix à la fin du XIXe siècle. Selon la tradition, l’Ordre de la Rose-Croix avait été fondé en 1407 par l’Allemand Christian Rosenkreuz qui avait suivi l’enseignement de maîtres occultes du Moyen-Orient. Au cours de sa vie, l’ordre n’aurait pas compté plus de huit membres. L’ordre aurait été en possession d’un immense

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bers during Rosenkreuz’ lifetime and to have possessed an enormous treasure trove of secret knowledge. The order died out after Rosenkreuz’ own death and was revived first in the 17th and then again in the 19th century. The enigmatic and erudite Joséphin Péladan (1858-1918) played a central role in the revival of Rosicrucian lore: he and the poet Stanislas de Guaita founded the Ordre Kaballistique de la Rose-Croix in 1888, although their collabora-tion was not to last; Péladan broke with the order in 1891 and founded his own Ordre de la Rose-Croix Catholique et esthétique du Temple et du Graal. It was at this time that Satie made Péladan’s acquaintance, who had already adopted the Persian title of ‘sâr’ — although it is also possible that the word was simply an acronym for son altesse royale.

Péladan’s novel Le Vice suprême was published in 1884. Satie was twenty when he read it, pos-sibly at the time that he was recovering from a bout of pneumonia that he had contracted and that had freed him from the obligations of military service. Le Vice suprême is the first novel of a cycle entitled La Décadence latine, in which Péladan declares that the Latin races have dissolved into decadence thanks to their disregard for religious practice. The principal male figure in the book is, as in all of Péladan’s novels, a sage; here he is called Merodack and is clearly one of Péladan’s alter-egos. Merodack’s ambition is a personal conquest of the seven deadly sins: he forces himself to

read pornography and to remain chaste; he is pursued by young women but repulses them; he cultivates a refined taste for exquisite food and fine wine and then switches to a strict diet of bread and water; he had previously led a life of leisure but then forces himself to work eighteen hours a day and to write three hun-dred pages on metaphysics in a period of three weeks. The novel goes on to relate how Mero-dack suffered the tortures of the damned but finally triumphed, weaving together themes from Rosicrucian lore and occultism in general. Satie was fascinated by the book’s incense-laden atmosphere, its exuberant mysticism, its exotic perversion and hermaphroditic capers in the same way that his imagination had already been stimulated by the interiors of Gothic churches and Gregorian chant. At this time Satie was also reading Salammbô, Flaubert’s novel about ancient Carthage, full of historical detail and overflowing with exotic description.

Péladan’s novel enjoyed a great success in liter-ary circles; it was a direct attack against the Naturalist school typified by Zola and opened the doors of Paris’ literary temples to the still young writer. His originality was attractive, but his exalted tone also laid him open to mockery. Péladan was, however, a less strange figure than he seems to us today: the literature and art of the late 19th century were characterised by a general interest in Satanism and psycho-pathology, and Péladan was in effect more im-portant as an advocate for Symbolist art than as a writer. He organised his Salons de la Rose-

trésor et de connaissances secrètes. Après la mort de Rosenkreutz, l’ordre s’éteignit pour renaître au XVIIe, puis au XIXe siècles. En France, l’érudit et énigmatique Joséphin Péladan (1858-1918) joua un rôle central dans le renouveau de l’enseignement rosicrucien. Péladan fut en 1888 avec le poète Stanislas de Guaita le fondateur de l’Ordre Kaballistique de la Rose-Croix. La collaboration ne dura pas longtemps. Péladan était en désaccord avec la teneur anti-catholique de l’ordre. En 1891, il s’en détacha et fonda l’Ordre de la Rose-Croix Catholique et Esthétique du Temple et du Graal. C’est à cette époque que Satie fit la connaissance de Péladan, qui s’était entre-temps attribué le titre perse de « sâr », qui signifiait peut-être simplement « son altesse royale ».

En 1884 parut le roman de Péladan Le Vice suprême. Satie lut le roman au début de sa vingtaine, peut-être lorsqu’il se rétablissait d’une pneumonie qu’il avait contractée pour échapper à une carrière militaire. Le Vice suprême est le premier titre d’une série de romans intitulée La décadence latine, où Pé-ladan prétendait que les races latines étaient en déclin en raison de leur négligence de la pratique religieuse. Le protagoniste masculin est, comme dans tous les romans de Péladan, un sage. Dans ce roman, Merodack est un alter-ego de Péladan. L’ambition de Merodack est de triompher des sept péchés capitaux. Il se force à lire de la pornographie et à rester

pur. Il est adulé par les jeunes femmes, mais les rejette. Il acquiert un goût raffiné pour les mets fins et les vins rares et suit ensuite un régime strict de pain et d’eau. Après une vie de vanité, il se force à travailler dix-huit heures par jour et écrit en trois semaines trois cent pages de métaphysique. Merodack subit les tortures des damnés, mais finit par triompher. Ainsi va le roman, qui embrasse les motifs de l’enseignement de la Rose-Croix et de l’occultisme. Satie fut fasciné par l’atmosphère encensée, le mysticisme exu-bérant, la perversion exotique et le badinage hermaphrodite, tout comme son imagination fut également stimulée par les intérieurs des églises gothiques et les chants grégoriens. Au cours de la période où il lisait Péladan, Satie découvrit également Salammbô, le roman de Flaubert sur l’ancienne Carthage, plein de détails historiques et d’abondantes évocations exotiques.

Le roman de Péladan connut le succès dans les cercles littéraires. Il constituait une cri-tique flagrante à l’encontre du naturalisme zolien. Le roman ouvrit les portes des cé-nacles littéraires parisiens au jeune écrivain. Son originalité séduisit, mais son exaltation lui attira également les railleries. Péladan était cependant une figure moins étrange que ce qu’il paraît aujourd’hui. La littérature et l’art à la fin du XIXe siècle furent marqués par un intérêt pour le satanisme et la psychopatho-logie. Péladan était plus important comme imprésario de l’art symboliste que comme

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Croix from 1892 to 1897. These exhibitions of works by Symbolist painters were great events in Paris, bearing witness to a rebirth of ideal-ism and to a predilection for matters spiritual. Péladan was deeply serious in his opposition to materialism, commerce and the triviality that he saw around him, even in the world of the arts. He strove for a re-sanctification of life and imparted a religious dimension to art. Péladan was a fervent admirer of Wagner, whom he considered to be the herald of a new Christian message created from a synthesis of poetry, drama and music. His fervent admiration was also enriched by crazes for anti-republicanism, anti-Semitism, Greek tragedy, Zoroastrianism, androgyny and lesbianism. It is indeed dif-ficult to explain how Satie could have allowed himself to be seduced by such a bizarre mix-ture; it may simply have been their incurable nostalgia for a lost world that drew Satie and the sâr together.

Satie was the official musician to the order for two years. After his musical participation in Le fils des Etoiles, set to a text by Péladan, and his provision of music for the first Salon de la Rose+Croix, Satie then published a letter in a newspaper in which he minimalised the sâr’s influence on him. The letter is written in the characteristically half serious, half mock-ing tone of many of Satie’s letters and com-mentaries. Satie broke with Péladan shortly afterwards and founded his own church, the Eglise Métropolitaine d’Art de Jésus Conducteur;

écrivain. De 1892 à 1897, il organisa ses Salons de la Rose-Croix. Ces expositions de peintres symbolistes étaient des événements à Paris. Ils témoignaient d’un renouveau de l’idéalisme et d’une aspiration au spirituel, mais également de la gravité de Péladan dans son opposition au matérialisme, au commerce et à la trivialité qu’il voyait aussi autour de lui dans le monde artistique. Il aspirait à une nouvelle consécration de la vie et attribua à l’art une dimension religieuse. Péladan adorait Wagner, en qui il voyait l’émissaire d’un nouveau message chrétien qui serait la synthèse de la poésie, du théâtre et de la musique. Ce fanatisme s’accompagnait d’un anti-républicanisme, du culte antisémite de la tragédie grecque, de zoroastrisme, du culte de l’androgynie et du lesbianisme. Il est difficile d’expliquer pourquoi Satie fut séduit par cet étrange mélange. Peut-être Satie et le sâr se retrouvèrent-ils dans leur nostalgie incurable d’un monde perdu.

Pendant deux ans, Satie fut le musicien offi-ciel de l’ordre. Après sa participation musicale au Fils des Étoiles sur un texte de Péladan et le premier Salon de la Rose-Croix pour lequel il écrivit la musique, Satie publia une lettre dans un journal où il minimisait l’influence du sâr. La lettre était écrite dans le ton doux-amer caractéristique de Satie. Peu de temps après, Satie rompait avec Péledan et fondait sa propre église : « Église Métropolitaine d’Art de Jésus Conducteur », dont il était le seul

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Satie was its sole member and appointed himself as Parcier et Maître de Chapelle. It cannot be denied that Satie’s commitment to the Rosicrucians and to Péladan was sincere, although Péladan’s total lack of humour and irony cannot have escaped his notice either. What Satie learned from Péladan was his style: his flamboyant manner of dress and his spec-tacular pronouncements as well as his vehe-ment attacks against and excommunication of famous people — Péladan’s talent for publicity, in short. Satie’s relationships with the Rosicru-cians and with Péladan as well as the founding of his own church reveal not only his desire to become a part of an institution but also his longing to develop his own sense of self-will.

membre. Il s’y proclama « Parcier et Maître de Chapelle ». Si l’on ne peut nier que l’enga-gement de Satie envers la Rose-Croix et Péla-dan était sincère, l’absence totale d’humour et d’ironie du sâr dut lui manquer. Ce que Satie apprit de Péladan fut sans conteste le style : sa flamboyante manière de se vêtir, ses annonces spectaculaires, ses attaques bru-tales et excommunications de personnalités publiques, en d’autres termes, les atouts de Péladan. Le lien de Satie avec la Rose-Croix et Péladan ainsi que la création de sa propre église étaient caractéristiques de son désir de faire partie d’une institution tout comme de son esprit de contradiction.

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A musical laboratory

Satie’s esoteric period caused much puzzle-ment, even amongst his faithful admirers and well-wishers. How was it possible to under-stand such religious themes and inspirations? The works contain no trace of irony, and even less deep seriousness, although they undoubt-edly contain more playful elements: could it be that Uspud: ballet chrétien en trois actes actually parodied the atmosphere that reigned around sâr Péladan and his circle of Rosicru-cians? Was it a joke or a direct provocation of the audience? Or was it a daring musical and theatrical experiment?

At the time that Satie was composing his mystical pieces he was known as Monsieur le Pauvre because of his extremely modest and even penurious lifestyle. His compositions from that period, however, are marked with an even greater poverty than was evident in his life: he had rejected the nonchalant he-donism of his Gymnopédies and Gnossiennes and had replaced the decorative character of his early works with a seemingly moralistic and damning tone. Such a surface, however, concealed strict musical research into formal structure, rhythm, harmony and aesthetics. In these revolutionary and still little-understood compositions Satie stripped his music down to a naked search for the psychic power of sound that lies in the heart of each note.

Laboratoire musical

La période ésotérique de Satie fit froncer bien des sourcils, même auprès de ses fidèles et admirateurs. Comment comprendre son inspi-ration religieuse et thématique ? Nulle ironie ici, ni même gravité profonde. Subsiste certai-nement un élément de jeu. Ainsi en irait-t-il par exemple dans Uspud (Ballet Chrétien en trois actes), une parodie de l’atmosphère qui régnait dans les cercles de sâr Péladan et de la Rose-Croix ? Est-ce une plaisanterie ? Une provocation à l’adresse du public ? Ou serait-ce juste une expérience musicale et théâtrale audacieuse?

Au cours des années où il écrivit ses pièces mystiques, Satie était appelé « Monsieur le Pauvre » en raison de son style de vie très modeste, voire minable. Ses compositions musicales étaient à l’époque caractérisées par une « pauvreté » plus extrême encore que la sienne. Ainsi abandonna-t-il l’hédonisme non-chalant et la nostalgie de ses Gymnopédies et Gnossiennes. Le caractère décoratif de ses pre-mières œuvres fut remplacé par un ton mora-lisateur et accablant. Une recherche musicale rigoureuse sur la structure formelle, le rythme et l’harmonie ainsi que l’esthétique fondait cependant ces pièces. Dans ces œuvres révo-lutionnaires – et toujours moins comprises –, Satie mit sa musique à nu pour l’orienter vers une recherche de la force psychique du son au cœur de la note.

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These compositions are characterised by a simple and almost simplistic use of rhythm, by melodies that possess little charm, by less than inspiring texts, by their limited duration and by the rejection of every possibly seductive sound or development. Anyone who compares these compositions with the Romantic canon of the time cannot fail to be surprised by the immobility and stasis of Satie’s music. Music for Satie was not yet another expression of the composer’s ego or of the state of his soul, no musical reflection of a terrifying or charming fable or of a magnificent landscape, but a clini-cally scientific experiment. Satie seems to have wished to take a particular way of perceiving music back to a zero point and to redefine not only the functions of time and space in music but also the relationships between its various semantic elements. In order to achieve this he deconstructs the materials that academic mu-sicians employed: the narration of this psycho-aesthetic and mystical experience becomes the content of the work, complete with all his certainties, doubts and introspection.

These mystical pieces are a type of laboratory used for research into the effect of sound on the psyche, into the alteration of musical meaning when the same elements are organ-ised according to different parameters, into the perception of an argument that is integrated into a complete act of listening that is mental, spiritual, physical and visual. The music as a result most often stands apart from its literary or spiritual inspiration. Satie’s strict ascetism

Les compositions sont caractérisées par un rythme simple, presque simpliste, une mélo-die sans beaucoup de charme, une inspiration littéraire anodine, une durée limitée, un rejet de la séduction sonore ou du dévelop-pement... Si l’on compare ces compositions avec le canon romantique de l’époque, on ne peut qu’être surpris de l’immobilité et du statisme de la musique de Satie. Pour Satie, cette musique n’était pas l’expression de l’ego du compositeur, d’un état mental, d’une reproduction musicale d’une fable terrible ou charmante ou d’un paysage harmonieux : Satie mettait en œuvre une expérience scien-tifique et clinique. Il semble qu’il ait voulu faire table rase d’une certaine perception de la musique et redéfinir la fonction du temps et de l’espace ainsi que les relations entre les différents éléments sémantiques. La méthode qu’il appliquait provenait de la déconstruction du matériel que les musiciens académiques utilisaient. Il utilise le récit lui-même comme contenu de cette expérience psycho-esthético-mystique avec ses certitudes, ses doutes et ses introspections.

Ces pièces mystiques forment une sorte de laboratoire de la recherche sur l’impact du son sur le psychisme, sur le changement du sens musical où les mêmes éléments sont organisés suivant d’autres paramètres dans la perception d’un discours intégré dans une écoute globale, mentale, spirituelle, corporelle et visuelle. La musique est généralement complètement dissociée de son fondement

is an important step towards the dehumanisa-tion and abstraction of music that would come into full flower a decade later.

(after Jean-Pierre Armengaud, Erik Satie, Fayard, 2009)

Erwin Janstranslation: Peter Lockwood

littéraire ou spirituel. Le strict dépouillement de Satie est une étape importante dans la « déshumanisation » et l’abstraction de la mu-sique qui fleurira une décennie plus tard.

(Inspiré de Jean-Pierre Armengaud, Erik Satie, Fayard, 2009.)

Erwin Janstraduction : Christophe Levaux

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Reinbert de Leeuw studied theory and piano under Jaap Spaanderman at the Vereniging Het Muzieklyceum in Amsterdam and compo-sition under Kees van Baaren at the Koninklijk Conservatorium in the Hague. He has himself taught at the latter institution. He was ap-pointed professor of performance and compo-sitional arts of the 19th, 20th and 21st centuries at the University of Leiden in 2004.

De Leeuw is well known as a pianist and con-ductor of contemporary music and was one of the founders of the Dutch Charles Ives Society (1968). He devoted himself with much success to the performance of music by lesser-known modern composers such as Satie and George Antheil as well as to developing alternative ways of performing chamber music during the 1970s.

In 1974 he founded the Schönberg Ensemble, using students from the conservatory in the Hague. The ensemble specialised in music of the Second Viennese School under his direc-tion and such works became the core of their repertoire and the basis for later expansion. He composed his Etude (1983–1985) for the string quartet drawn from the ensemble; it was to be his final composition. Since that time he has made various arrangements and orchestra-tions, although his primary focus has been on conducting and programming.

Reinbert de Leeuw étudia la théorie et le piano au Conservatorium van de Vereniging Het Muzieklyceum à Amsterdam (auprès de Jaap Spaanderman) et la composition auprès de Kees van Baaren au Conservatoire royal de La Haye.

Il enseigna au Conservatoire royal de La Haye. De Leeuw est connu comme pianiste et chef d’orchestre de musique contemporaine. Il fut l’un des membres fondateurs de la Société néerlandaise Charles Ives (1968). Depuis le premier août 2004, il est professeur à l’Uni-versité de Leyde de « création et exécution artistique des XIXe, XXe et XXIe siècles ».

Dans les années septante, il se consacra avec succès à l’interprétation de la musique « oubliée » de compositeurs modernes (Satie, George Antheil, parmi d’autres) et s’adonna à la pratique d’une musique de chambre « alter-native » (Rondomconcerten).

En 1974, il fonda, avec des étudiants du Conservatoire de La Haye, L’Ensemble Schön-berg qui, sous sa direction, se consacra à la musique de la Seconde École de Vienne. Son répertoire s’étendit à partir de là. Pour le qua-tuor à cordes formé à partir de l’ensemble, il composa son Étude (1983-1985). Cette œuvre est la dernière que De Leeuw composa.

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Depuis lors, il réalisa diverses adaptations et instrumentations. Il mit également l’accent sur la direction d’orchestre et la programma-tion. Il se produit régulièrement comme chef invité des grands orchestres et ensembles néerlandais. À côté de son travail dans le registre concertant, il a dirigé des produc-tions de l’Opéra Néerlandais d’Amsterdam (Claude Vivier, Rêves d’un Marco Polo ; Louis Andriessen, Rosa, a Horse Drama et Writing to Vermeer) du Nationale Reisopera (György Ligeti, Le Grand Macabre ; Benjamin Britten, The Turn of the Screw).

En 1992, il fut chef invité au Festival d’Al-deburgh et de 1994 à 1998, il fut directeur artistique du Festival de musique contempo-raine de Tanglewood. De Leeuw est conseiller artistique de l’Orchestre symphonique de Syd-ney pour leur série de concerts de musique moderne et contemporaine. De 2001 à 2010, il fut également directeur artistique de la NJO Summer Academy du NJO, le Nederlandse Orkest- en Ensemble-Academie.

En 1991, il reçut le Prix Sikkens « pour la manière dont la couleur est utilisée dans une expression non visuelle » et en 1992 le plus grand prix musical néerlandais : le 3M-Mu-zieklaureaat. En 1994, l’Université d’Utrecht lui décerna un doctorat honoris causa pour son travail de pianiste, de chef d’orchestre et de programmateur. Il reçut la même année un Edison Music Award pour De Tijd van Louis

He appears regularly as a guest conductor with the most important Dutch orchestras and ensembles and also has conducted vari-ous productions for De Nederlandse Opera in Amsterdam (Rêves d’un Marco Polo by Claude Vivier, Rosa, a Horse Drama and Writing to Vermeer by Louis Andriessen) and for the Na-tionale Reisopera (Le Grand Macabre by György Ligeti and The Turn of the Screw by Benjamin Britten).

He was guest director of the Aldeburgh Festi-val in 1992 and was artistic director of the Tan-glewood Festival of Contemporary Music from 1994 to 1998. De Leeuw is artistic director of the modern and contemporary music concert series for the Sydney Symphony Orchestra in Australia; he was also artistic director of the Summer Academy of the Nationaal Jeugd Orkest, the Dutch academy for orchestral and ensemble training, from 2001 to 2010.

He was awarded the Sikkens Prize in 1991 ‘for his use of colour in non-visual forms of expres-sion’ and the 3M-Muzieklaureaat, Holland’s most important musical award, in 1992. The University of Utrecht awarded him an honor-ary doctorate for his work as pianist, conductor and concert programmer in 1994. In the same year he also received an Edison Award for his recording of Louis Andriessen’s De Tijd with the Schönberg Ensemble. He received a further Edison in 2002 for the first CD of his Ligeti Project.

Andriessen, enregistré avec l’Ensemble Schön-berg. En 2002 il reçut un Edison Classical Music Award pour le premier disque de The Ligeti Project.

Lors de son soixante-dixième anniversaire, le 8 septembre 2008, il fut nommé Chevalier de l’Ordre du Lion néerlandais ; Il reçu ce titre du maire d’Amsterdam, Job Cohen.

He was created a Knight in the Order of the Lion of the Netherlands on the occasion of his 70th birthday on 8 September 2008, receiving this honour from the hands of Job Cohen, Mayor of Amsterdam.

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Tido Visser

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Tido Visser

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Page 16: Erik SatiE ReinbeRt de Leeuw

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USPUD

A Christian ballet in 3 acts by J.P. Contamine de la Tour with music by Erik Satie. Performed at the Théâtre National de l’Opéra on 20 December 1892

Sole character: UspudSpirits: the Christian church, saints both male and female, martyrs and confessors, Christ on the cross,

members of the seven angelic orders, demons.

Act iA deserted beach; a statue in the centre and the sea in the distance.

Uspud, dressed in Persian clothing.Uspud returns bearing relics after Christians have been executed. He throws the relics at the foot of the statue

and burns them; the smoke that rises from them is transformed into seraphim that vanish into space.A great burst of thunder is heard and the statue falls shattered to the ground. Uspud is filled with dismay.The heavens suddenly blaze with light. A woman of great beauty, covered in a golden tunic and her breast

pierced by a dagger, appears before Uspud and holds out her arms to him. She is the Christian Church.Uspud, astonished, picks up sand from the ground and rubs his eyes with it.

A blast of trumpets. An aerial procession of martyrs who curse Uspud.Uspud gathers stones and throws them at the Christian Church; the stones change into balls of fire.

Uspud’s anger. He takes a larger stone, only for it to explode noisily; flames rise up and stars are released from within the heart of the blaze. Nature seems to be swallowed up.

End of act I.

Act iiUspud’s house

Uspud prays to his household gods.Demons rise up and disappear as quickly as they had come; they adopt the forms of men with the heads of

animals: dog, jackal, turtle, goat, fish, lynx, tiger-wolf, ox, oystercatcher, unicorn, sheep, antelope, ant, spider, gnu, snake, blue agouti, baboon, cuckoo, crab, albatross, tick, ostrich, mole, secretary-bird, old bull, red caterpillar,

bonti, pogos, boar, crocodile, buffalo, etc.Uspud, terrified, attempts to flee but the demons surround him and jostle him. He tries to crack his skull open

but the walls recede from him and sweat blood. A vision appears of victims being tortured before a pagan tribu-nal. Uspud calls upon heaven in his anguish.

The Christian Church appears once again, white as snow and clear as crystal; lotus flowers spring from under her feet. She removes the dagger from her breast and plunges it into Uspud’s heart; he enters a state of ecstasy. At the same time a giant crucifix emerges from the earth; it rises towards heaven, bearing the Christian Church in its wake. We hear choirs of angels, archangels, seraphim, cherubim, thrones, powers and dominations singing a

hymn to the Most High. A great light surrounds Uspud; he falls to his knees and beats his breast. He is converted.End of act II.

Act iiiThe summit of a mountain; a crucifix is raised on its highest point.

Uspud, dressed as a monk, lies prostrate before the crucifix; he prays and weeps for a long time.When he raises his head, Christ removes his right arm from the cross, blesses Uspud and disappears. The Holy

Spirit enters Uspud.A procession of saints, both male and female: Saint Cléophème spitting his teeth out into his hand; Saint

Micanar with her eyes on a platter; the blessed Marcomir, his legs burnt to a cinder; Saint Induciomare, his body pierced by arrows; Saint Chassebaigre, confessor, in a violet robe; Saint Lumore with a sword; Saint Gebu with

reddened pincers, Saint Glunde with her wheel; Saint Krenou with a sheep; Saint Japuis, his forehead torn open and with doves escaping from it; Saint Umbeuse spinning wool; the blessed Melou the cripple; Saint Vequin the

scorched; Saint Purine the discalced; Saint Plan the preacher monk; Saint Lenu with her axe. Their voices call Uspud to martyrdom.

An unquenchable thirst for suffering enters him. He tears off his monk’s robe and is seen to be dressed in the white tunic of the novice. He resumes his prayers.

A legion of demons approaches on all sides. They assume monstrous shapes: black dogs with a golden horn on their foreheads; a school of fish with the heads and wings of birds; giants with bull’s heads that breathe fire

from their nostrils.Uspud commends his soul to the Lord and then surrenders himself to the demons; they tear him to pieces in

their fury.The Christian Church appears, radiant in light and escorted by two angels; they bear palms and crowns. She

takes the soul of Uspud in her arms and bears it towards Christ, who shines resplendent in the heavens.End of act III.

CURTAIN

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executive producerReinbert de Leeuw & tido Visser

producer & sound engineerGuido tichelman

recordeddoopsgezinde kerk deventer, 22 & 23 november 2010

producers etceteraPaul Janse, Amienke wytzes

graphic designRoman Jans, www.romanontwerp.nl

photography Reinbert de LeeuwGerrit Schreurs

artwork of this production is based on xxxxxxxxxxxxerwin Jans, Arjen Klerkx

KtC 1427