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Editorial

Aube nouvelle

“Vous savez discerner le visage de la terre et du ciel ; et ce temps-ci alors, comment ne le discernez-vous pas ?” (Lc 12, 56)

Qui a dit que Dieu n’était pas à l’œuvre en notre monde ? Après avoir inspiré à Benoît XVI sa démission de la tête d’une Eglise fort secouée, une courageuse décision saluée avec respect dans le monde entier, ce 13 mars1, entre 77 et 114 cardinaux ont choisi, avec l’aide de l’Esprit Saint, un cardinal proche du peuple et de ses prêtres, dont on dit qu’il préfère écouter plutôt que de parler. Sur la Place Saint-Pierre, peu après le début de la fumée blanche, la pluie a cessé, le ciel couvert s’est ouvert et les parapluies protecteurs se sont fermés. Est-ce un signe ? Un goéland s’est posé sur la cheminée : François était proche de la nature. La référence à saint François d’Assise est un symbole fort : proche des pauvres, mendiant lui-même, le Seigneur lui a demandé de reconstruire son Eglise. Que ce soit un pape non-européen, sud-américain et argentin de surcroit (nous avons eu récemment un Maître de l’Ordre qui est son compatriote), qu’il ait donc pris pour nom François, lui, un jésuite, et ce pour la première fois, tout cela laisse augurer quelques changements, dont le moindre n’est pas de restaurer une crédibilité aux yeux de beaucoup, croyants ou non ; serait-ce en quelque sorte une résurrection, ce “silence sonore” dont parle Véronique Margron ? C’est pourquoi notre espérance chrétienne se double du manteau de l’espoir : l’espoir d’une Eglise simple, proche, ouverte, une Eglise d’amour. “L’avenir n’est plus ce qu’il était”2. Prenons le risque d’y croire… et d’y contribuer.

Christ est ressuscité ! Joyeuses Pâques !

Dominique Lawalrée o.p., 14 mars 2013

Président vicarial laïc des Fraternités dominicaines de Belgique-sud

1 Jour anniversaire de Marthe Robin. 2 Maxime de Richard Farina, cité par Maurice Bellet.

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Le Cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio, devenu Pape le 13 mars 2013

sous le nom de François "Le pape doit rester humble dans le service et ouvrir les bras avec tendresse vers le peuple qui lui est confié, particulièrement les plus pauvres." (Homélie de sa messe d’intronisation, 19 mars 2013)

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam Prière au Pape François Pour le soir de son élection

J’entends que tu te fais appeler « François » François d’Assise et de Buenos Aires… comme évêque de Rome.

Mais pourquoi prendre ce nom toi le premier pape à porter un nom Si universel et si fascinant ?

Pourquoi le peuple immense qui te découvre Sur la loggia des bénédictions reconnaît en toi le successeur de Pierre Et t’aime déjà comme un père ? A côté de moi, je surprends un cri : « il est si simple que j’ai envie de l’embrasser ! »

Je te vois silencieux, les bras ballants, Je pense à l’Ecce Homo, l’homme de la Passion, Et j’aurais envie d’essuyer tes larmes car certains jours tu ne pourras nous les cacher.

Mais j’ai moi-même ce soir pleuré de joie quand tu nous as invité tous à prier dans la diversité de nos conditions et de nos croyances.

Conduis-nous souvent sur tes traces, Jusqu’à saint François et sainte Claire, Pour accueillir à coups de conversion la première des Béatitudes « Heureux les Pauvres ». Il ne faut pas trop se préoccuper de nuances avant d’avoir saisi la pensée du Christ dans sa tranquille plénitude et sa terrible nudité.

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam

Toi, notre guide, Et encore plus notre compagnon de route, Conduis-nous toujours plus fidèles à l’Eglise du Christ. Face aux défis gigantesques de ce monde, L’Eglise, de l’Orient à l’Occident, peut paraître dérisoire, Comme le petit David, avec une besace contenant, en plein âge nucléaire, des cailloux polis par le torrent de l’Esprit.

L’Eglise seule, pourtant, comme l’Apôtre Pierre à l’infirme de la Belle Porte ose nous dire : « De l’or ou de l’argent je n’en ai pas mais ce que j’ai je te le donne ; au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, marche ! » (Ac 3, 6)

Pape François, aide-nous à croire que sur tous les chemins de la Résurrection le Christ nous précède toujours.

Cardinal Roger Etchegaray 13 mars 2013

Publié dans La Croix, 16-17 mars 2013

Illustration de couverture : Appel des apôtres Pierre et André par le plus grand peintre siennois de la fin du 13ème siècle, Duccio di Buoninsegna (1255-1319), Collection Kress, National Gallery of Art, Washington.

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam

Le printemps de l’Eglise ou la "révolution des petits gestes"

Peut-être êtes-vous comme moi sensibles aux signes subtils qui annoncent le changement des saisons, à ces odeurs, ces couleurs, ces sons qui subrepticement altèrent notre façon d’être au monde, d’être en relation. Rien de spectaculaire, rien d’extraordinaire mais après les mois d’hiver durant lesquels nous mettons notre terre en repos, nous voici saisis d’une légèreté riche des promesses du printemps. Et que ceux qui jugeraient notre bonne humeur trop précoce se rassurent : nous avons l’enthousiasme prudent et exempt de naïveté de ceux qui, almanach en poche, savent qu’un gel tardif est toujours possible.

C’est ainsi, voyez-vous, que je vis les premiers jours du pontificat de François, depuis qu’il est apparu sans la mosette ni la croix en or sur le balcon de la Place Saint-Pierre ; depuis qu’il s’est présenté d’abord comme l’évêque de Rome que ses frères cardinaux « ont été chercher à l’autre bout de la terre » ; depuis qu’il a rappelé que le rôle de Rome n’est pas de diriger l’Eglise mais de « présider à la charité de toutes les Eglises » - un signe d’une portée œcuménique évidente ; depuis qu’il a demandé au peuple de prier pour lui, pour que Dieu lui donne sa bénédiction, imposant ainsi le silence à la foule assemblée, aux télévisions du monde entier et aux adolescents goguenards qui attendaient jusque-là avec un brin d’impatience de pouvoir reprendre possession de la télévision et de la console de jeux de notre salon. Oui, ce 13 mars, après 5 tours de scrutins, les cardinaux ont élu pape Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, lequel a pris le nom de François, le saint d’Assise, pauvre parmi les pauvres, amoureux de la création, homme de paix, de dialogue. Les fenêtres d’un balcon se sont ouvertes à Rome et c’est l’Eglise entière qui s’est baignée dans le souffle évangélique du Poverello. Une brise de printemps, disais-je...

Mercredi soir, plutôt que de regagner la Domus Sanctae Marthae avec la voiture officielle mise à sa disposition, le pape élu préfère partager un minibus avec d’autres cardinaux. Durant les repas, il s’installe sans préséance : « Là où il y a de la place ». Enfin, nous avons tous eu des échos de cet échange surréaliste, jeudi, avec le réceptionniste de la Maison du clergé où il avait logé avant le conclave : « Saint-Père, vous plaisantez. Vous voulez payer votre note ? – Justement, parce que je suis le pape, je dois donner l’exemple. »

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam Jeudi soir, lors de sa première messe à la chapelle Sixtine, c’est debout et sans les notes préparées par la Secrétairerie d’État que le pape a improvisé une homélie, balisant de trois verbes (marcher, construire, confesser) son début de pontificat, avec une clé de voûte "le mouvement". Parole d’une radicalité telle qu’elle dépasse largement le cadre des clivages traditionnels : « Nous pouvons marcher comme nous voulons, nous pouvons édifier de nombreuses choses, mais si nous ne confessons pas Jésus-Christ, cela ne va pas. Nous deviendrions une ONG compatissante, mais non l’Eglise, Epouse du Seigneur. »

La centralité du Christ est encore réaffirmée lors de l'audience du samedi 16 mars accordée aux représentants des moyens de communication : « Le Christ est le pasteur de l’Eglise, et sa présence se manifeste au travers de la liberté des hommes dont un est choisi pour être son vicaire en tant que successeur de l'apôtre Pierre. Mais le cœur de l’Eglise c'est lui, le Christ. Sans lui l’Eglise n'existerait pas, n'aurait pas de raison d'être. » Puis le pape s’explique sur le choix de son nom : « cet ami (ndlr : le cardinal Claudio Hummes) m’a dit en m’embrassant : “N’oublie jamais les pauvres !” Cela s’est imprimé dans mon esprit et j’ai immédiatement pensé au Poverello. (…) Combien je désire une Eglise pauvre et pour les pauvres ! Quant à l’Angélus du dimanche 18, il était placé sous le signe de la miséricorde : « N’oublions pas que Dieu ne se lasse jamais de nous pardonner. Jamais. Le problème est que nous, nous nous lassons. En père aimant et pardonnant, il offre sa miséricorde à chacun de nous. Alors, apprenons à être miséricordieux les uns à l’égard des autres. »

Enfin, le mardi 19 mars, lors de la messe d'inauguration de son pontificat, le Pape François en présence de fidèles venus du monde entier, de très nombreux chefs d’Etat et de responsables religieux, a appelé chaque homme, et plus particulièrement tous ceux qui occupent des postes de responsabilité dans le domaine politique, économique ou social, à prendre soin de la création : « Nous sommes “gardiens” de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! (...) Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse ! » Fait œcuménique d’importance, notons que la délégation orthodoxe était menée par Bartholomée Ier, patriarche de Constantinople : une première depuis le Grand Schisme d’Orient de 1054.

Fondamentalement sur la même ligne théologique que ses prédécesseurs, il ne faut pas s’attendre à ce que le nouveau pape

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam infléchisse substantiellement la doctrine de l’Eglise sur des points controversés. Evitons surtout de projeter sur lui nos propres attentes. Mais les événements de cette semaine nous donnent de François l’image d’un pasteur tout entier dédié à l’annonce de l’Evangile et du Christ, à la charité, à la miséricorde envers tous et je prie avec joie et confiance pour que ces préoccupations demeurent au cœur de tout son pontificat.

Ludovic Namurois o.p.

Rome, 18 mars 2013

Message au Pape François au nom de toute la Famille dominicaine

Très Saint Père,

Partageant la joie et l’action de grâce de l’Eglise à l’annonce de votre élection comme successeur de Pierre, je me fais l’interprète des frères, moniales et laïcs de l’Ordre des Prêcheurs ainsi que de tous les membres de la Famille dominicaine pour vous assurer de notre prière et de notre communion dans la mission d’évangélisation à laquelle vous nous avez tous appelés lors de votre premier message.

Avec tant de simplicité mais aussi de lumineuse exigence, vos paroles et vos gestes nous appellent à marcher dans l’humilité et l’amitié avec tous sur le chemin de l’Evangile, le regard levé vers la Croix du Christ dans l’espérance de sa Pâque pour le monde. Je vous assure que l’Ordre s’attachera à recevoir ce message, qui fait tant écho à celui de nos Pères Dominique et François, comme un appel à sans cesse puiser à la source du charisme qui le consacre à l’évangélisation de la Parole de Dieu.

Permettez-moi de confier à votre prière notre Ordre qui se préparer à célébrer, dans trois ans, le Jubilé de sa confirmation dans ce charisme, afin que le Seigneur nous guide dans le service du monde et de l’Eglise auquel nous désirons nous consacrer par la prédication. Vous exprimant notre gratitude pour avoir accepté le ministère qui vous est confié, je vous prie de recevoir l’assurance de ma prière et l’expression de mes sentiments les plus respectueux et fraternels.

Fr. Bruno Cadoré o.p., Maître de l’Ordre des Prêcheurs

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam

Tout a commencé le lundi 11 février 2013 lors d’un consistoire au Vatican, à l’issue duquel le Pape Benoît XVI a renoncé à sa charge :

"Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer de façon adéquate le ministère pétrinien", a indiqué le Pape Benoît XVI. "Dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire". Cette vigueur s'est "amoindrie ces derniers mois en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié", a ajouté Benoît XVI. Rappelons qu’en octobre 2011, dans le Motu Proprio Porta Fidei, le Pape Benoît XVI avait annoncé le lancement d’une Année de la Foi. Celle-ci a débuté le 11 octobre 2012, pour le cinquantième anniversaire de l'ouverture du concile Vatican II, et se conclura en la solennité du Christ Roi, le 24 novembre 2013. Benoît XVI a d’ailleurs convoqué dans la foulée l’Assemblée générale du Synode des Evêques qui s’est tenue en octobre 2012 sur le thème de La Nouvelle Evangélisation pour la Transmission de la Foi chrétienne, « occasion propice, dit Benoît XVI, pour introduire la structure ecclésiale tout entière à un temps de réflexion particulière et de redécouverte de la foi ». Il est intéressant de méditer sur le fait que c’est en plein cœur de l’Année de la Foi que Benoît XVI a renoncé à sa charge et quitté la barque de Pierre le 28 février dernier. A croire que c’est la foi qui a poussé

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam

Benoît XVI à prendre cette décision étonnante, répondant comme l’apôtre Pierre à l’appel du Seigneur à aller le rejoindre au milieu des flots. Fallait-il, comme Jean-Paul II, rester sur la barque au milieu de la tempête, auprès du Seigneur endormi, confiant d’arriver à bon port avec celui qui d’un seul mot savait apaiser les vagues ? Ou fallait-il se jeter hors de la barque pour marcher à la rencontre du Seigneur, au risque de couler par manque de foi, l’objectif restant fermement de jeter les filets pour être des pêcheurs d’hommes ? En cette Année de la Foi, en tout cas, c’est aussi la foi qui a été sollicitée dans toute l’Eglise, chez les cardinaux réunis en conclave comme chez

tous les fidèles, membres du Corps du Christ, pour trouver le nouveau successeur de Pierre. Une foi qui a porté des fruits en abondance… Comme le faisait remarquer Benoît XVI lors de sa dernière Audience générale du 27 février 2013, « j’ai toujours su que la barque de l’Eglise n’est pas la mienne ni la nôtre, mais qu’elle est en premier lieu la barque du Seigneur. Et le Seigneur ne la laisse pas couler ; c’est Lui qui la conduit, certainement aussi à travers les hommes qu’il a choisis, parce qu’il l’a voulu ainsi ». Si l’on examine de près le logo de l’Année de la

Foi, on voit « qu’à l’intérieur d’une bordure carrée, une barque est représentée symboliquement. C’est l’image de l’Eglise qui navigue sur les flots. Le mât est une croix sur laquelle sont hissées les voiles, signifiées de façon dynamique par le trigramme du Christ, IHS. Les voiles s’inscrivent sur un soleil associé à ce trigramme, évoquant ainsi l’eucharistie ». Dans son homélie du dimanche 24 avril 2005, juste après son élection, Benoît XVI avait justement commenté l'Evangile de la Pêche miraculeuse. Dans la perspective qui précède, il est intéressant d’en donner de larges extraits : « Le deuxième signe par lequel la liturgie d’aujourd’hui nous présente le commencement du ministère pétrinien est la remise de l’anneau du pêcheur. L’appel de Pierre à devenir pasteur, que nous avons entendu dans l’Evangile, fait suite au récit d’une pêche abondante : après une nuit au cours de laquelle ils avaient jeté les filets

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam

sans succès, les disciples voient sur le rivage le Seigneur ressuscité. Il leur enjoint de retourner pêcher une nouvelle fois et voici que le filet devient si plein qu’ils ne réussissent plus à le ramener (Jn 21,11). Cet événement, qui a lieu au terme du parcours terrestre de Jésus avec ses disciples, correspond à un récit des commencements : les disciples n’avaient rien pêché durant toute la nuit ; Jésus avait alors invité Simon à avancer une nouvelle fois au large. Et Simon, qui ne s’appelait pas encore Pierre, donna cette réponse admirable : "Maître, sur ton ordre, je vais jeter les filets ! " Et voici la confirmation de la mission : "Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras" (Lc 5,1-11) ». Benoît XVI a actualisé le sens de cet anneau du pêcheur, dont le dessin diffère pour chaque pape3, en commentant ce que signifie aujourd'hui pour l'Eglise cette "pêche miraculeuse". Son anneau papal, représenté ci-contre, montre Pierre dans la barque, en train de tirer les filets : « Aujourd’hui encore, l’Eglise et les successeurs des apôtres sont invités à prendre le large sur l’océan de l’histoire et à jeter les filets, pour conquérir les hommes au Christ – à Dieu, au Christ, à la vraie vie. Les Pères de l’Eglise ont aussi dédié un commentaire très particulier à cette tâche singulière. Ils disent ceci : pour le poisson, créé pour l’eau, être sorti de l’eau entraîne la mort. Il est soustrait à son élément vital pour servir de nourriture à l’homme. Mais dans la mission du pêcheur d’hommes, c’est le contraire qui survient. Nous, les hommes, nous vivons aliénés, dans les eaux salées de la souffrance et de la mort, dans un océan d’obscurité, sans lumière. Le filet de l’Evangile nous tire hors des eaux de la mort et nous introduit dans la splendeur de la lumière de Dieu, dans la vraie vie ». Voilà donc l'image de la Nouvelle Evangélisation décrite par Benoît XVI : « Il en va ainsi : dans la mission de pêcheur d’hommes, à la suite du Christ, il faut tirer les hommes hors de l’océan salé de toutes les aliénations vers la terre de la vie, vers la lumière de Dieu. Nous existons pour montrer Dieu aux hommes. Seulement là où on voit Dieu commence véritablement la vie. Seulement lorsque nous rencontrons dans le Christ le Dieu vivant, nous connaissons ce qu’est la vie. Nous ne

3 Le Pape François a choisi la représentation des clés de saint Pierre.

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Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam, Habemus Papam sommes pas le produit accidentel et dépourvu de sens de l’évolution. Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire. Il n’y a rien de plus beau que d’être rejoint, surpris par l’Evangile, par le Christ. Il n’y a rien de plus beau que de le connaître et de communiquer aux autres l’amitié avec Lui. La tâche du pasteur, du pêcheur d’hommes, peut souvent apparaître pénible. Mais elle est belle et grande, parce qu’en définitive elle est un service rendu à la joie, à la joie de Dieu qui veut faire son entrée dans le monde ». Enfin, Benoît XVI rapproche l'image du pasteur et du pêcheur dans le sens du travail pour l'unité du Corps du Christ : « Je voudrais encore souligner une chose : de l’image du pasteur et de celle du pêcheur émerge de manière très explicite l’appel à l’unité. "J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie; celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur" (Jn 10,16), dit Jésus à la fin du discours du Bon Pasteur. Le récit des 153 gros poissons se conclut avec la constatation joyeuse : "Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré" (Jn 21,11). Hélas, Seigneur bien-aimé, aujourd’hui le filet s’est déchiré, aurions-nous envie de dire avec tristesse ! Mais non – nous ne devons pas être tristes ! Réjouissons-nous de Ta promesse, qui ne déçoit pas, et faisons tout ce qui est possible pour parcourir la route vers l’unité que Tu as promise. Faisons mémoire d’elle comme des mendiants dans notre prière au Seigneur : oui Seigneur, souviens-Toi de ce que Tu as promis. Fais que nous ne soyons qu’un seul Pasteur et qu’un seul troupeau ! Ne permets pas que Ton filet se déchire et aide-nous à être des serviteurs de l’unité ! » Une belle phrase court sur Facebook, sans qu’on puisse en savoir exactement l’auteur : « Dieu fait bien les choses : après le pape de l’espérance (Jean-Paul II), après le pape de la foi (Benoît XVI), voici que nous est donné François, le pape de la charité ». Alléluia !

Bénédicte Jerebzoff o.p.

« La foi grandit et se renforce seulement en croyant ; il n’y a pas d’autre possibilité pour posséder une certitude sur sa propre vie que de s’abandonner, dans un crescendo continu, entre les mains d’un amour qui s’expérimente toujours plus grand parce qu’il a son origine en Dieu ». (Motu proprio Porta Fidei)

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Un peu de lecture en marge de la retraite annuelle du laïcat dominicain à Nivezé

La programmation d’imprimerie et les exigences postales n’ont pas

permis de livrer dans le présent numéro le compte rendu de la retraite des 22, 23 et 24 mars 2013 qui a rassemblé une cinquantaine de membres de la Famille dominicaine de Belgique-sud au Foyer de Charité de Nivezé, près de Spa. Il figurera dans le prochain numéro d’Amitiés Dominicaines. Mais nous n’attendrons pas ce moment pour exprimer toute notre sympathie à celle qui a accepté de guider ce week-end, Sœur Véronique Margron o.p., sur le thème : « Liberté, responsabilité, fragilité – Questions d’éthique ». Sœur Véronique, doyen de la faculté de théologie d’Angers, a également publié une série d’articles dans le journal français La Croix, rassemblés sous le titre Voir le bonheur dans un livre publié en 2006 chez Desclée de Brouwer. Pour nourrir votre méditation, nous vous offrons quelques citations de ce livre :

A propos du bonheur : « Le bonheur est fugitif, toujours. En même temps, il est tel un

socle, une fondation : notre passion d’aimer, notre soin pour l’autre, la sûreté qu’un Autre se tient à nos côtés, le renouvellement de notre regard sur les plaisirs simples qu’offre la vie, sans arrière-pensée. Peut-être un regard d’enfant… »

A propos de l’humilité : « Habiter le réel. Le nôtre. Accepter son histoire emmêlée,

empêtrée souvent, et croire que là, des ouvertures d’espérance, de relations, sont possibles. »

A propos de la confiance : « Quand l’humain ne peut plus entrer dans la confiance en l’autre,

en soi, en son avenir, que risque-t-il d’arriver à notre temps sinon de la douleur et de la violence ? »

A propos de la Vérité : « Nos discours péremptoires amplifient la dureté du monde qui,

malheureusement, se suffit à elle-même. Préférer une vérité toute empaquetée – dédaigner la lenteur des phrases qui cherchent, c’est mépriser l’homme. Et c’est pour les chrétiens mépriser notre Dieu, lui, le créateur de la poésie du monde, lui qui apprit le langage des hommes en entrant dans l’histoire pour nous raconter jusqu’à la fin des temps sa passion d’aimer. »

Guido Van Damme o.p.

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Bientôt un Chapitre Général de Définiteurs

« Les Chapitres Généraux ne servent à rien », disait un vieux frère. Mais il ajoutait : « Si on les supprimait, l’Ordre n’y survivrait pas ». Il faut quand même des Chapitres Généraux pour élire le Maître de l’Ordre et le bicamérisme, honoré par Léo Moulin, est aussi très utile pour équilibrer l’évolution du LCO4. Que le Chapitre Général de cet été en Croatie ne nous émeuve guère est plutôt bon signe : l’Ordre s’adapte progressivement aux changements de société et de grands changements ne sont pas attendus. J’ai signé une pétition. C’est une façon d’avoir voix au chapitre, même sans y être présent. Encore faut-il avoir quelque chose à dire qui soit intéressant ! Je le saurai à la réponse argumentée qui me parviendra. Dans l’Eglise catholique, une telle démocratie est insolite. L’élection du Maître de l’Ordre n’a pas à être confirmée par le Pape. Les prieurs conventuels ne sont pas nommés par les provinciaux. Comme le fonctionnement de l’institution est aujourd’hui l’un des principaux obstacles à l’évangélisation, nous pouvons nous réjouir d’être organisés évangéliquement. Ne pourrait-on pas faire mieux ? Pourquoi ceux qui font vœu au Maître de l’Ordre ne participent-ils pas tous à son élection ? Ne pourrait-on pas trouver une forme, au moins symbolique et adaptée, d’associer les moniales et les laïcs à ce choix important pour eux ? Soyons vigilants. Au Chapitre de Bologne, une pétition avait obtenu que le titre du LCO revienne à sa forme originale. En 1968 en effet, à River Forest, près de Chicago, le titre avait glissé. Par erreur de copiste, il était devenu : « Chapitre général de l’Ordre des frères prêcheurs ». A Rome, au dernier Chapitre, il en fut de même. Ce lapsus est significatif d’un certain cléricalisme. Il n’y a pas d’Ordre des frères prêcheurs. Pas plus qu’il n’y a un « second ordre » ni même un « tiers ordre » comme chez les Franciscains. Il n’y a qu’un seul Ordre des Prêcheurs, en trois dimensions. Les frères ont été fondés neuf ans après les sœurs, et des laïcs comme Godoline et Sanche Gasc avaient fait profession dans les mains de saint Dominique bien avant eux ! Il faut donc titrer : « Chapitre général des frères de l’Ordre des Prêcheurs », de même que les moniales titrent « Constitutions des moniales de l’Ordre des Prêcheurs ».

4 LCO : Livre des Constitutions de l’Ordre.

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Au Chapitre Général de Croatie, le Vicariat Général de Belgique-sud sera représenté par le frère Dominique Collin. C’est un Chapitre de Définiteurs, ce qui veut dire que l’on peut attendre des audaces, des intuitions nouvelles que des provinciaux, englués dans la gestion et les responsabilités ont plus rarement. Ce Chapitre sera-t-il utile ? Soyons confiants !

Fr Michel Van Aerde o.p. Vicaire Général de Belgique-sud

Note sur les Chapitres Généraux dans l’Ordre Dès les origines de l'Ordre dominicain, on distingue deux types de Chapitres : les Chapitres de Provinciaux et les Chapitres de Définiteurs. A ces derniers il faut ajouter le Chapitre électif qui se compose des Provinciaux et des Définiteurs. Les Chapitres de Provinciaux et ceux des Définiteurs ont même pouvoir et mêmes droits. Chaque Chapitre est autonome et a la faculté d'approuver ou non la loi proposée par le Chapitre précédent. Les deux types d'assemblée diffèrent uniquement par leur composition : le premier est formé par des hommes de gouvernement (les Provinciaux), le second par des représentants de la base. L'Ordre dominicain est le seul, parmi les Ordres religieux, à jouir d'un semblable régime à "deux chambres", le seul qui ait donné un pouvoir législatif à une assemblée formée uniquement par des représentants de la base. La création de Chapitres formés par les seuls Définiteurs est due au souci que des hommes occupés par le gouvernement des Provinces (les Provinciaux) ne fassent trop fréquemment de longs voyages et ne soient, en conséquence, trop souvent absents de leurs Provinces respectives. A l'origine de cette institution se trouve également l'esprit communautaire et démocratique de l'Ordre. Le Chapitre des Définiteurs permet aux représentants de la base de participer en pleine autorité et autonomie à la préparation des lois de l'Ordre et d'apporter aux assemblées législatives la sensibilité, les tendances et les façons de voir de ceux qui ne sont pas au gouvernement.

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De la dignité humaine, une approche chrétienne5

Fr. Ignace Berten o.p.

La dignité, fondement du droit et des droits La dignité humaine est au fondement des droits humains et est placée en tête de nombreux instruments juridiques tant internationaux (Déclaration universelle des droits de l’homme, Traité européen) que nationaux (Constitutions). Quatre difficultés cependant :

– il n’y a pas d’accord sur les fondements de la dignité : la foi en Dieu, et donc la référence à Dieu seul comme source de dignité ? un texte révélé (la Bible, le Coran) ? la conscience humaine ? une convention politique ?

– il n’existe pas de définition commune de la dignité : elle ne se définit ou ne s’approche que par le négatif, c’est-à-dire comme en creux, par ce qui est indigne de l’être humain. C’est dans l’indignation que se révèle la dignité et ce qu’elle implique ;

– la conception de la dignité est une réalité historiquement évolutive : autrefois l’esclavage n’était pas considéré comme contraire à la dignité humaine, mais il y avait appel à traiter humainement les esclaves (cf. saint Paul) ; l’homosexualité était considérée comme une déviance morale indigne de l’être humain ; les mutilations génitales féminines ne posaient pas question, ni de façon plus générale le statut de la femme dans les diverses sociétés ;

– dans les sociétés plurielles et multiculturelles, il n’y a pas unanimité sur les exigences de la dignité ou sur le périmètre couvert par de la dignité : questions actuelles autour de l’avortement ou de l’euthanasie, de l’égalité des femmes…

En ce sens, la dignité est à la fois une référence fondamentale et un concept vide. En Occident, il est évident que la conception de la dignité humaine et son fondement la conception de la personne humaine sont profondément marqués par la tradition chrétienne, celle-ci étant pour une part sécularisée : les valeurs proprement et spécifiquement chrétiennes

5 Colloque FIACAT, 17-19 juin 2012, Bruxelles. La FIACAT, une ONG créée en 1987, est la fédération internationale de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT). Elle regroupe une trentaine d’associations nationales ACAT, présentes sur quatre continents.

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sont devenues communes à notre société sans référence à la religion. Mais aujourd’hui, on peut dire que les références éthiques sont brouillées : typiquement, comment définit-on la famille dans nos sociétés (familles recomposées, familles monoparentales, familles homosexuelles…)6 ? Par ailleurs, l’affirmation positive de l’autonomie et de la liberté peut aussi conduire à des dérives lorsque la dimension relationnelle de l’être humain n’est plus pris en compte (comme dans le slogan de certaine féministes radicales : mon ventre m’appartient). Une référence chrétienne Nous nous insérons dans une tradition historique exprimée dans des textes : des textes fondateurs, essentiellement ceux de la Bible, mais aussi des textes de la tradition des Pères de l’Eglise, des conciles, des théologiens, etc. Cette tradition, nous la lisons aujourd’hui, c’est-à-dire que nous l’interprétons nécessairement ; l’interprétation est faite de choix inconscients ou conscients. Il en est toujours ainsi dans toutes les traditions religieuses. Cela apparaît clairement dans les Evangiles : Jésus cite les Ecritures et les pharisiens aussi, mais ils ne citent pas les mêmes textes : ils font des choix interprétatifs (de ce point de vue, le récit des tentations de Jésus et le dialogue avec le diable se développe comme un débat rabbinique typique). Notre lecture des textes est donc toujours une interprétation possible parmi d’autres. Cela signifie que dans nos Eglises, et dans l’Eglise catholique en particulier, là où je me situe, il y a des lectures différentes et en tension de l’autorité des Ecritures, de leur sens et de l’apport de la tradition en ce qui concerne les pratiques éthiques aujourd’hui. Il en va de la conception de la dignité humaine et de ses implications. Dans ce contexte, ma lecture est donc aussi et nécessairement une lecture particulière. Par ailleurs, entre l’esprit du texte, l’esprit de l’Evangile et la réalité vécue et institutionnelle de l’Eglise, il y a tension et parfois contradiction, comme c’était le cas pour Jésus qui faisait revivre l’esprit de la loi contre sa lettre.

6 Autre exemple manifestant combien l’éthique publique est brouillée : Gleeden (de « glee », joie en anglais, et Eden, paradis), qui se présente comme « le premier site de rencontres extraconjugales pensé par des femmes », et qui a lancé une campagne de publicité dans les rues de quelques grandes villes européennes, avec comme slogan : « Contrairement à l’antidépresseur, l’amant ne coûte rien à la Sécu ».

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Pour éclairer notre question de la dignité humaine et de l’inspiration que peut nous apporter la relecture de l’Ecriture, je retiendrai quatre dimensions symboliques de la tradition biblique : 1. Le récit de la création : tout être humain est image de Dieu. Il y a là

une référence constante aujourd’hui dans les Eglises en ce qui concerne cette question de la dignité humaine. Cela signifie qu’il y a, pour le croyant, un seul et même Dieu au fondement de l’humanité et de la dignité de tout être humain. Le texte de la création propose en ce sens une perspective proprement universelle : symboliquement, il y a un unique couple à l’origine de toute l’humanité, la diversification des peuples est postérieure. Le récit de la création ajoute encore autre chose : le septième jour, Dieu se repose et confie à l’être humain la poursuite de l’œuvre de la création. Or, il est intéressant de remarquer que l’œuvre de création, dans le premier récit de la Genèse, ne porte pas sur rien, mais bien sur un monde de chaos, marqué par l’indistinction : la création de Dieu consiste à mettre de l’ordre dans ce chaos afin d’en faire un monde habitable. La violence, – et cette forme particulière de violence qu’est la torture, – est une expression du chaos présent du monde.

2. La loi : en dehors du précepte fondamental de l’adoration d’un seul

Dieu, et des multiples commandements rituels et de pureté, il y a une partie importante de la loi qui porte sur les rapports sociaux. Il s’agit pour l’essentiel et toujours de défendre le faible contre le fort, le pauvre contre le riche, le serviteur ou l’ouvrier contre le maître. Il s’agit de faire en sorte que chacun ait une place dans la communauté, y participe dans la dignité.

3. La figure de Jésus et sa pratique de sollicitude, c’est-à-dire de

compassion active : Jésus se laisse toucher au cœur par les situations de souffrance, et cette sensibilité à la souffrance humaine le met en mouvement. Il se fait proche, il agit en mettant les personnes debout et en rétablissant leur dignité, et il met en cause le système qui est la source institutionnelle de ces souffrances. C’est ce que signifie typiquement le récit de la guérison de l’homme à la main paralysée en Marc 3. Jésus est dans la synagogue le jour du sabbat. Il y a là un homme dont la main est paralysée. Il est certainement maintenu à l’écart : malade, il doit bien être coupable de quelque chose, il n’est pas vraiment pur. C’est le jour du sabbat : en ce jour tous ont droit au repos, à l’image du repos de Dieu le septième jour. Tous : le maître de maison, mais aussi ses enfants, ses serviteurs et l’étranger qui est chez lui. Jour de joie donc et de convivialité pour tous : on symbolise qu’au-delà des

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différences sociales, qui existent bien, on est tous à égalité devant Dieu. Mais malheureusement, le sabbat est devenu un jour sur lequel pèsent de multiples interdits. Et on est dans la synagogue : le lieu où la communauté se rassemble, où on fait communauté. Mais cet homme est mis à l’écart. Jésus voit et est touché. L’homme ne dit rien, ne demande rien, sans doute résigné à son sort et se considérant lui-même plus ou moins comme pécheur. Jésus lui adresse seulement une parole : « Viens au milieu », autrement dit : Tu as ta place ici, parmi nous. Puis il lui dit : « Etends la main », et l’homme est guéri. Non seulement il peut retrouver sa place dans la communauté, y participer pleinement, mais sa main libérée lui permet de contribuer à la vie de la communauté, à sa créativité. Cette liberté au service de la dignité est immédiatement mise en cause et Jésus est menacé : l’engagement pour la dignité humaine a nécessairement une dimension politique et de critique religieuse institutionnelle.

4. La croix et la résurrection de Jésus s’inscrivent dans une dynamique

longue de l’histoire, celle de la fécondité historique des prophètes, dont beaucoup ont été tués. Socrate a ouvert le chemin d’une pensée libre et critique à la philosophie européenne : on a oublié ceux qui l’ont condamné à mort, mais son impulsion vit toujours. Gandhi a inauguré la pratique d’une non-violence active et politique : il a été éliminé, la non-violence est devenue une force d’action. Ne dit-on pas que, pour une part, le printemps arabe a été animé par Internet et les réseaux sociaux à partir de ces principes de non-violence ? Martin Luther King a obtenu l’abolition de la discrimination légale des Noirs aux Etats-Unis, etc. Mais ce sont aussi les mouvements collectifs : les ouvriers qui, au 19e siècle, ont suscité les premières grèves et ont mis sur pied les caisses mutuelles de résistance ont eu raison contre le capitalisme industriel naissant et apparemment tout puisant : ils ont anticipé notre protection sociale, mais la plupart d’entre eux n’en ont rien vu. On s’est moqué des suffragettes qui ont revendiqué le droit de vote des femmes, mais le mouvement féminin est devenu un mouvement mondial. Et on a tenu les premiers écolos pour de doux rêveurs, mais la question de l’environnement est aujourd’hui à l’ordre du jour mondial. La dialectique de la croix et de la résurrection s’inscrit dans ce mouvement fondamental de l’histoire : le Temple et l’Empire romain ont disparu depuis des siècles, mais l’Evangile a fécondé l’histoire et il ne cesse de rebondir. En ressuscitant Jésus, Dieu nous manifeste qu’il est à l’œuvre au cœur de cette dynamique prophétique de l’histoire. Un autre monde est possible, partiellement toujours, il faut oser l’anticiper.

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Ressources de la foi et société plurielle La relecture et l’interprétation de nos Ecritures et de notre tradition nous offrent, comme croyants, une inspiration fondamentale de sens pour la reconnaissance de la dignité humaine et pour la lutte pour cette dignité : les ACAT se situent directement dans cette perspective, à la différence d’Amnesty International. Ce sens ne s’impose cependant pas comme tel à l’intérieur de nos Eglises, ni a fortiori au sein de la société comme ensemble. Il nous est possible, dans des espaces d’échange ouverts, d’exprimer ce qui nous inspire et de chercher à comprendre ceux qui s’inspirent d’autres sources de conviction que la nôtre, comme par exemple les fondements spirituels de l’islam, ou encore le sens de la dignité humaine qui s’est forgé dans l’histoire européenne contre l’hégémonie totalitaire de l’Eglise sur la société. Cela permet de se comprendre, et pour une part de converger vers une certaine conception commune de la dignité humaine. Au-delà de cela, il importe, dans la société plurielle, de développer une argumentation séculière accessible à tous et de chercher à transposer dans un langage non religieux ce dont notre tradition religieuse est porteuse. Je pense que cette argumentation, pour être audible et donc féconde, doit essentiellement être portée par une démarche négative : pointer le doigt sur telle ou telle situation, sur telle ou telle pratique instituée qui apparaissent indignes de la personne humaine. La lutte aujourd’hui pour la dignité, pour plus de dignité et de reconnaissance des exigences de la dignité s’enracine dans l’indignation : des situations indignes de l’être humain. De ce point de vue, il importe de développer une pédagogie de l’indignation. Dans une telle démarche, le chrétien porté par ses convictions doit aussi accepter d’être déplacé, de reconnaître par et dans la parole de l’autre que telle évidence partagée au sein de la tradition de son Eglise, que telle pratique ecclésiale, tel type de discours sont en fait indignes de l’être humain. Et donc militer aussi pour des changements dans les Eglises. C’est une question de crédibilité. En ce qui concerne l’Eglise catholique, il faut se souvenir que cette Eglise a condamné pendant plus d’un siècle la démocratie et les droits de l’Homme : Pie XII est le premier à avoir parlé positivement de la démocratie, Jean XXIII est le premier à avoir parlé positivement des droits de l’Homme. De ce point de vue, au sens proprement chrétien, le caractère œcuménique des ACAT peut aussi contribuer à une ouverture des consciences des chrétiens de différentes confessions au sujet de la dignité humaine.

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Dans cette société plurielle, nous devons toujours nous rappeler que nous ne possédons pas la vérité, que nous n’avons pas accès à toute la vérité. L’Eglise ne peut se situer en surplomb de la société en ce qui concerne la vérité, et la vérité éthique en particulier. La vérité accomplie est devant nous, elle est eschatologique, elle ne se révèlera dans sa plénitude qu’au-delà de notre histoire. L’Esprit nous met en chemin vers cette vérité, qui pour nous est toujours non achevée, mais il agit aussi au-delà de nos frontières. De plus, il nous faut prendre distance par rapport à un discours qui affirme que Dieu seul peut être au fondement de la dignité humaine et des droits humains, et que sans référence à Dieu il n’y a pas de morale possible. Face à ce discours, qui est le discours officiel du magistère romain, deux remarques sont importantes. D’abord, il y a le témoignage de nombre de personnalités agnostiques ou athées qui sont animées par un sens très élevé des valeurs morales et de leurs exigences, plus que bien des croyants. Comme croyants, nous pouvons certes dire que l’Esprit de Dieu est en œuvre en eux, mais c’est tout autre chose que d’affirmer que la référence à Dieu est le seul fondement sûr de moralité. L’histoire du christianisme ou plutôt des christianismes montre à suffisance que la référence à Dieu peut jouer en faveur de la dignité humaine, mais aussi contre elle. Deuxième remarque, s’il était vrai que sans référence à Dieu il n’y aurait pas de morale possible, il n’y aurait plus aucun sens à vouloir militer dans la société pour un monde plus juste, libéré de toute violence et donc bien sûr de toute torture. A partir du moment où, comme chrétiens, nous sommes minoritaires, nous ne pourrions plus en aucune façon nous faire entendre. Si nous ne croyons pas que nous pouvons rejoindre la conscience des personnes ne partageant pas notre foi, l’ACAT n’a plus aucun sens. Il est par ailleurs important de reconnaître et de valoriser le rôle sociétal des intellectuels critiques au sein des différentes traditions. A certains moment, des intellectuels, – théologiens, philosophes, juristes – perçoivent dans la société des sensibilités minoritaires porteuses de nouveaux défis, ils leur donnent forme argumentée et diffusion, et par là ils anticipent le mouvement social et juridique. Vatican II a été possible parce qu’il y avait déjà des pratiques innovantes et que des théologiens en avaient élaboré le sens et la justification doctrinale. On peut légitimement et sans naïveté espérer qu’il en est de même aujourd’hui au sein de l’islam. Il importe de développer le dialogue avec et entre les intellectuels critiques des différentes traditions de conviction et de les soutenir. Avec discernement cependant, parce qu’il y a aussi des intellectuels qui dérivent ou qui délirent !

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Des conceptions différentes de la dignité humaine Dans une société plurielle, il y a de fait des conceptions différentes de la dignité humaine ou de ce qu’implique ou exige la dignité humaine. Ces différences peuvent, à certaines conditions, être considérées comme éthiquement légitimes. Méfions-nous du discours déclarant que certaines affirmations morales sont des principes non négociables. Reconnaître cette possibilité de différences d’appréciation sur ce qu’exige ou ce qu’exclut la dignité humaine, ne veut pas dire qu’il faut tout accepter, et que donc on serait dans le relativisme total. D’une part, il y a des limites, de l’intolérable absolument. Dans l’Allemagne nazie, la majorité des chrétiens a soutenu ou au moins toléré le régime, a accepté le génocide des Juifs. C’était intolérable : la minorité chrétienne et non chrétienne qui a résisté et s’est opposée, comme Dietrich Bonhoeffer, était la seule à pouvoir se justifier éthiquement et évangéliquement. Il en va de même pour la minorité parmi les catholiques qui se sont opposés au régime de terreur des militaires argentins et à leur pratique massive de la torture et des disparitions forcées : c’est eux qui ont eu raison, éthiquement et évangéliquement, contre la majorité des évêques qui ont soutenu publiquement le régime ou se sont tus. Mais d’autre part, il y a des questions aujourd’hui qui se situent dans ce qu’on peut appeler, à la suite du cardinal Martini, des zones grises ; c’est-à-dire là où les choses ne sont pas entièrement claires et où le discernement est difficile et peut conduire à des positions différentes. Le cardinal Martini disait : personnellement, je ne prendrais pas telle décision, mais je n’oserais pas non plus condamner. Ainsi, il est légitime éthiquement et évangéliquement de se demander si l’avortement est un mal absolu dans toute circonstance, ou s’il n’est pas parfois un moindre mal, par exemple dans les situations de guerre où le viol est systématiquement utilisé pour détruire les personnes du peuple ennemi. On sait que sans le dire publiquement, des évêques ont couvert cette pratique de l’avortement et ont donc accepté de fait que c’était légitime. Ainsi encore, de nouveau dans des situations de guerre, dans différentes armées, lorsque des soldats étaient blessés très gravement et qu’il n’y avait aucun moyen de soin, il était non seulement admis mais conseillé de leur faire une piqûre donnant la mort ou de les achever d’un coup de feu. Je connais une armée européenne où cet acte s’appelait la miséricorde, et tous les aumôniers le savaient.

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Je donne ces exemples extrêmes, en faisant remarquer qu’on ne peut généraliser à partir des extrêmes, mais que l’Eglise, sans jamais le reconnaître publiquement, acceptait que cette transgression des principes était légitime, comme moindre mal, dans ces situations. A partir de là, il est aussi légitime de se demander si, dans des situations moins extrêmes, on peut donner des réponses différentes, dans une perspective de moindre mal, à des situations qui mettent en cause des principes qui pourraient sembler absolus. Faut-il légiférer sur l’avortement ou l’euthanasie ? Si comme chrétiens, personnellement ou collectivement, on n’est pas d’accord sur la légitimité morale de ces pratiques dans certaines circonstances, – mais il faut reconnaître qu’il n’y a pas unanimité des chrétiens à ce sujet, – ne faut-il pas reconnaître qu’il vaut mieux légiférer, c’est-à-dire encadrer, pour éviter les dérives et les abus, et accepter que d’autres au nom même de la dignité humaine puissent revendiquer plus de liberté ? Au-delà de la condamnation idéaliste de toute torture, il faut se demander jusqu’où, dans certaines situations, accepter ou ne pas accepter des formes de contrainte proches de la violence physique ou psychologique. Il n’y a pas de réponse tout à fait claire à ce sujet quant aux limites éthiquement acceptables ou inacceptables. Par ailleurs, si la liberté et l’autonomie sont des valeurs fondamentales de nos sociétés, tout ne peut se justifier au nom de la liberté. La société doit elle-même se donner des limites, poser des interdits. Ici encore, dans une société plurielle, les limites posées sont nécessairement le résultat de compromis : l’engagement politique du chrétien consiste alors à contribuer à ce que ces compromis soient le plus proche possible de ce qu’en conscience il juge être le bien, et donc l’exclusion du mal. Un exemple de compromis : certaines situations dans les prisons, que ce soit en Europe ou ailleurs, sont indignes de l’être humain, et sont en elles-mêmes proches de la torture physique ou psychologique, au sens où la torture est une pratique dégradante de l’être humain. Ces situations sont constamment dénoncées par le Conseil de l’Europe ou par AI (en Belgique ou en France, ce qui est principalement dénoncé c’est la surpopulation carcérale). Pour améliorer de telles situations, il faut agir sur deux terrains : l’éducation et la formation des agents pénitentiaires au respect de l’être humain quel qu’il soit ; mais il faut aussi des moyens matériels et financiers pour créer un environnement et un aménagement qui allient sécurité et conditions de vie humaine. Cependant les moyens

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pour atteindre l’idéal, qui d’ailleurs n’est pas facilement définissable, ces moyens manquent (surtout en période d’austérité !) : dans ces circonstances, il s’agit de discerner ce qui est le plus urgent et le possible, c’est-à-dire un compromis. Dans ce discernement, le jugement éthique sur les priorités peut différer… Le défi pour les croyants est d’être habités par des convictions fortes, d’être capables de les partager dans un langage audible par d’autres, de reconnaître qu’ils ne sont pas en possession de toute la vérité, de pouvoir chercher honnêtement les compromis les plus équilibrés et les plus proches de leurs convictions.

Fr. Ignace Berten o.p.

ABONNEMENT 2013 À AMITIÉS DOMINICAINES - Si vous êtes membre engagé d’une fraternité ou d’un groupement fraternel, le prix de l’abonnement est compris dans votre cotisation vicariale, qui reste fixée à 40 euros. Merci de faire votre versement sur le compte vicarial des fraternités : n° 068-2056646-79.

- Si vous êtes regardant dans un groupement fraternel ou une fraternité et que vous ne payez pas de cotisation vicariale, merci de verser 15 € sur le compte des Amitiés Dominicaines : n° 068-2110966-79.

- Si vous n’êtes pas membre d’une fraternité ou d’un groupement fraternel et que vous résidez en Belgique, merci de verser 15 € sur le compte des Amitiés Dominicaines : n° 068-2110966-79.

- Si vous résidez à l’étranger, merci de faire un virement international de 20 € à l’aide des références bancaires IBAN BE58 0682 1109 6679 et BIC GKCCBEBB. Si vous résidez en France, vous pouvez aussi envoyer un chèque bancaire ou postal de 20 € au nom de Bénédicte Jerebzoff, qui l’encaissera sur son compte Crédit Agricole et transmettra la somme sur le compte des Amitiés Dominicaines.

A tous ceux qui n’ont pas encore réglé leur abonnement, un grand merci d’avance !

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Projet « CROIX DE LA SOLIDARITÉ »

"La présence chrétienne dans les pays bibliques moyen-orientaux va bien au-delà d’une appartenance sociologique ou d’une simple réussite économique et culturelle. En retrouvant la sève des origines, à la suite des premiers disciples choisis par Jésus pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher, la présence chrétienne prendra un nouvel élan". (Benoît XVI, Ecclesia in Medio Oriente, 14 septembre 2012, # 71)

La vie dominicaine en Mésopotamie remonte aux premiers jours de l’Ordre, en 1235, lorsque trois frères voyagèrent jusqu’à Bagdad, où saint Dominique, un jour, avait rêvé d’ouvrir une mission. En 1750, les Dominicains italiens y fondèrent une communauté, suivis par les Dominicains français. Aujourd’hui, l’Ordre compte 13 frères irakiens, près de 200 soeurs de deux congrégations et environ 400 laïcs dominicains.

Dispersés parmi une population à écrasante majorité musulmane, dans une atmosphère de violence et d’insécurité, les chrétiens d’Irak (4% de la population) relèvent ce défi en restant proches les uns des autres. Dans la partie nord du pays, il y a sept fraternités laïques dominicaines, chacune avec une sœur dominicaine comme assistante religieuse. Encore plus exposés aux attaques terroristes, il y a aussi un certain nombre de laïcs dominicains dans la région de Bagdad. Avec grande constance, les laïcs dominicains irakiens se donnent pleinement à leur vocation évangélisatrice.

Comment peut-on les aider ? Comme soeurs et frères d’une Famille de dimension mondiale, nous le pouvons de la manière la plus efficace qui soit, par nos prières ! Mais nous le pouvons aussi dans le cadre d’un nouveau projet de solidarité qui vient d’être

mis en place à la suite du projet « J’ai de la famille en Irak », lancé il y a quelques années. Via le Bureau du Laïcat Dominicain à Sainte Sabine à l’adresse : [email protected], de petites croix dominicaines peuvent être achetées en deux modèles (pendentif ou broche) pour 3 €. En accord avec le Promoteur national et les membres du Conseil des laïcs dominicains irakiens, des livres de prière et du matériel de formation nécessaire d’urgence seront achetés avec ces dons.

Chers soeurs et frères en saint Dominique, j’en suis vraiment convaincu : votre acte de générosité inspirera le zèle apostolique, non seulement en Irak, l’ancienne région biblique de nos ancêtres dans la foi, mais dans notre Famille Dominicaine du monde entier !

Fr. David Kammler o.p., Promoteur Général du Laïcat Dominicain

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« LA MAYONNAISE A PRIS... »

Lancement de la fraternité Pierre Claverie à Louvain-la-Neuve

Vous savez, ces personnes dont nous disons qu'elles n'ont pas

grand chose à faire ensemble, c'est ce que nous aurions pu dire de la future fraternité Pierre Claverie. Certes, au moment de démarrer, personne ne s'en doutait. Dans la foulée, en effet, du départ des Frères dominicains de Froidmont, nous, c’est-à-dire Dominique Lawalrée et douze laïcs, le 24 septembre 2009, nous lançons notre première réunion. Premier tour de table et premières surprises : "Dans quelle aventure nous sommes-nous engagés ?" Très habilement, Dominique nous laisse un temps bien suffisant pour exprimer les raisons de notre présence. Première surprise, l'âge des protagonistes : en effet, malgré l'écart d'une petite soixantaine d'années entre le plus jeune et la plus âgée, ce ne sont pas les plus âgés qui sont les plus raisonnables. Au contraire même, ces derniers ont l'esprit révolutionnaire encore bien chevillé au corps. Les plus jeunes sont, par contre, en recherche d'une certaine stabilité spirituelle. Deuxième surprise : trois couples mariés, un couple recomposé, deux veufs, un ancien laïc dominicain-du-temps-de-sa-jeunesse, des retraités très actifs, une arrière-grand-mère aux yeux qui pétillent de jeunesse, une Anglaise, un directeur et des profs de (haute) école, un haut dirigeant d'entreprise publique, un informaticien, un pianiste-compositeur, un ex-banquier et même un coach ! Troisième surprise: la diversité des attentes. En voici quelques-unes : retrouver une certaine unité dans sa vie par les retrouvailles d'une certaine Tradition et se mettre à la suite du Christ ; s'enrichir sur le plan intellectuel et humain ; se remettre en question et répondre à des questions de sens, voire à des doutes ; étudier et se rapprocher ainsi de Dieu ; manifester son amour pour les Dominicains et surtout pour leur esprit déculpabilisant et non soumis aux diktats de l'Eglise ; étudier les textes de nos grands frères juifs de l'Ancien Testament et en profiter pour pratiquer l'ouverture ; répondre à une vocation ; pour les jeunes qui désemplissent certaines églises ; partager une activité en couple ; favoriser les échanges. Quatrième surprise: très vite, nous nous sommes rendus compte que nous manipulions à merveille une des bases de la 'disputatio', à savoir avoir toujours au moins l'un de nous 'contre' un autre dans le groupe qui est 'pour' ! Ambiance et débats assurés, pas de consensus mou, non de vrais échanges ... qui ont pourtant bien failli une fois ou l'autre nous diviser à jamais !

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Et pourtant, le 4 octobre 2012, avec ces mots "A l'honneur de Dieu tout-puissant, (...) je promets de vouloir vivre selon la Règle des laïcs de saint Dominique pendant trois ans", et alors que Monique et Ludovic s'étaient déjà engagés préalablement, nous nous engagions à dix tous ensemble. Une première à Louvain-la-Neuve et en Belgique-sud. Mais aussi une belle unité pour un groupe fraternel qui allait pouvoir accéder au statut de fraternité. Trois ans plus tôt, revenons un instant sur ce que nous avait exprimé Dominique, l'initiateur de notre groupe : "Cette initiative d'une fraternité a été un appel de l'Esprit Saint ... et je suis un homme d'action. Mon attente ? Que la mayonnaise prenne". Dominique a accompagné le groupe fraternel, tout au long de nos réunions qu’il a animées avec bienveillance et avec le recul du sage qui fait confiance. Dominique n'est jamais tombé dans le piège des discussions partisanes. Il ne nous a jamais donné l'impression de douter, même s'il est possible qu'il ait ressenti des doutes. Il est intervenu à quelques moments-clé pour recadrer le sens de notre présence. Il n'a jamais cherché à 'imposer' son autorité. Et surtout, il est resté fidèle à sa foi profonde et à l'appel qui lui avait été adressé. Le 9 février 2012, il nous disait: "Une fraternité ? Nous y arrivons et ... ensemble !" Grâce à ces attentes, certaines belles facettes individuelles se sont aussi révélées au cours de ces trois années. En voici quelques-unes, non exhaustives : Ludovic s'est engagé aux côtés de Vanessa et Olivier pour animer le bar du Blackfriars à Louvain-la-Neuve. Suzanne et Vanessa insistent pour que nous sachions où nous voulons aller. Charles nous répète qu'il faut oser désobéir pour annoncer, avec les mots d'aujourd'hui, les messages de l'Evangile. Joanna et Alain souhaitent prendre le temps de laisser mûrir le sens de notre engagement dans nos vies bien chargées. Jean-Paul apprécie que nous puissions nous soutenir mutuellement par l'étude et la prière ... pour aller de l'avant. Olivier s'est laissé interpeller par Ludovic pour cheminer dans l'étude. Philippe a découvert avec plaisir toute la force de la démocratie et de la fraternité dominicaines. Dominique a confirmé que la formation des engagés devait être organisée de l'extérieur. Plusieurs, enfin, se sont étonnés avec plaisir que la fraternité ait réalisé tout ce beau chemin. Toutes ces années nous ont donc permis de faire largement connaissance les uns des autres. Pour y arriver, nous avons choisi une approche très responsabilisante : chacun de nous a, en effet, eu comme mission d'animer au minimum toute une réunion sur un sujet qui lui convenait. Nous nous sommes ainsi mutuellement découverts à travers nos sensibilités et nos manières d'aborder un sujet. Nous avons aussi découvert combien, après une soigneuse préparation et une

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présentation bien ficelée, il peut être facile ou difficile de susciter un vrai débat qui soit enrichissant pour tous. La mayonnaise a pris, les susceptibilités se sont calmées, les esprits se sont rassurés, les cœurs se sont ouverts, la fraternité a pris forme. Dans une fraternité, nous ne sommes pas des amis (même si nous pouvons le devenir), mais des frères et des sœurs : la différence est que les premiers nous pouvons les choisir, au contraire des derniers que nous sommes invités à accueillir tels qu’ils sont à chaque nouvelle rencontre ! Merci à Patrick Gillard, notre premier assistant religieux, à Pierre-Yves Materne, notre assistant religieux actuel, à Dominique Lawalrée qui, malgré qu'il vient de se retirer de notre nouvelle fraternité Pierre Claverie, reste le bienvenu parmi nous, et à chacun des douze laïcs qui composent notre fraternité. Merci aussi à notre Conseil, nouvellement installé, avec à sa tête Vanessa Patigny, au secrétariat Ludovic Namurois et à la formation Alain Letier.

Philippe de Biolley Mars 2013

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VICARIAT VICARIAT DE BELGIQUE-SUD – VICARIAT DE BELGIQUE-SUD

A VOS AGENDAS

Samedi Saint 2013

Ce samedi 30 mars, la Famille dominicaine est invitée à se retrouver avec la communauté des frères de Louvain-La-Neuve à 9h pour célébrer ensemble l’Office des Ténèbres. Le petit-déjeuner sera offert par le Conseil vicarial laïc pour la partie solide et par les frères pour la partie liquide. Nous vous attendons nombreux. Samedi 27 avril 2013

Cette journée annuelle a pour but d’accompagner les personnes qui ont fait un engagement de trois ans et sont en cheminement vers leur engagement suivant. Animée par le frère Ignace Berten et par Dominique Olivier, elle est axée sur le pilier dominicain de la prière et de la contemplation.

DANS NOS FRATERNITÉS

Fraternité Dominique Pire & Catherine de Sienne (Huy) La fraternité Dominique Pire – Sainte Catherine de Sienne de Huy organise cette année encore la Neuvaine qui aura lieu du 4 au 12 mai à l'église Notre dame de la Sarte à Huy. Le thème de cette année est : « l'Ancien Testament : notre socle commun » (voir le projet de programme en p. 31).

Les grandes religions monothéistes se sont développées à partir de l'Ancien Testament ; forts de ce constat d'une part et convaincus d'autre part que Babel n'était pas une malédiction mais une opportunité d'échanges, nous avons souhaité, non pas écouter, mais entendre ce qu'avaient à nous dire un musulman, un protestant, un orthodoxe (et un juif peut-être, nous attendons la réponse) de ce livre qui nous est commun.

C'est une mise en perspective de chaque tradition qui sera ainsi proposée à notre réflexion. L'ouverture, le partage, le respect des convictions ne seront plus à proclamer cette année, mais à vivre très concrètement. Nous vous invitons à faire ce pas avec nous.

Fraternité Saint-Dominique – Saint-Jean (Liège)

Nous poursuivons avec grand intérêt la lecture du livre d'Ignace Berten Croire en un Dieu Trinitaire. Celui-ci suscite nombre de questions et de réflexions, qui nous amènent dès lors à un approfondissement de notre foi, une vraie richesse.

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VICARIAT DE BELGIQUE-SUD – VICARIAT DE BELGIQUE-SUD

En février dernier, nous avons eu le plaisir d'accueillir un couple de regardants au sein de notre fraternité. Nous souhaitons à Noëlle et Michel Bragard-Danthine un cheminement riche en découvertes de même qu'une vraie vie fraternelle parmi nous.

Régulièrement, plusieurs membres de notre fraternité préparent ensemble un Echo de l'Evangile pour la paroisse de Visé, faisant ainsi partie d'une tournante. Humble manière d'être un peu prêcheurs.

Par ailleurs, le 28 janvier, jour de la fête de saint Thomas d’Aquin, nous avons eu la douleur de perdre Nelly Counet, anciennement membre de la fraternité des Dames puis de la fraternité Saint-Dominique de Liège. Nous rendons grâce pour ses 35 ans de profession dans l’Ordre. Fraternité Saint-Albert-le-Grand (Namur)

Nos cafés COGITHEO reprendront au second semestre. Les thématiques de nos réunions pour ce premier semestre ont été fixées comme suit :

Février – PREDICATION : conversation avec Sr Marie-Claire Mélot o.p. sur le sujet : « En quoi l’expérience de Sr Marie-Claire en Centrafrique peut-elle nous aider dans notre prédication ? » ;

Mars – PRIERE : conversation avec Sr Anne-Marie Radermecker o.p. à propos de Marie de la Trinité o.p. : « En quoi les écrits de Marie de la Trinité peuvent-ils nous aider dans notre vie spirituelle ? » ;

Avril – PRIERE : conversation avec Sophie Dalimier et Fr. Olivier Riaudel sur le sujet : « La vie spirituelle, c’est quoi ? » ;

Mai – ETUDE : conversation avec Dominique Lambert et Maurice Luca sur le sujet : « La vie intellectuelle, c’est quoi ? » ;

Juin : VIE FRATERNELLE : Moment festif, avec bilan et brainstorming sur le contenu de nos activités futures.

Fraternité Pierre Claverie (Louvain-La-Neuve)

Le 31 janvier dernier, la fraternité s’est réunie pour un moment festif (voir photos en page 27). Nous avons célébré l’érection de notre jeune fraternité et avons pris le temps de fêter Dominique Lawalrée qui fut le guide de notre groupe fraternel. Nous profitons encore de l’occasion pour l’en remercier.

Nous avons alors poursuivi nos rencontres de février et mars par une présentation du frère Louis Dingemans et un approfondissement de son

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VICARIAT DE BELGIQUE-SUD – VICARIAT DE BELGIQUE-SUD

ouverture aux divorcés-remariés. Les échanges furent intéressants et constructifs. Fraternité Sainte-Catherine-de-Sienne (Bruxelles)

Une belle réflexion en janvier sur quatre lettres de Catherine de Sienne, mais un programme modifié en février, à cause de l’état de santé de celle qui devait préparer le sujet ce jour-là. On a remisé les textes préparatoires du frère Ignace Berten et remplacé le sujet de « l’expression des religions dans l’espace public » par une soirée d’échanges sur le jeûne aujourd’hui et dans l’histoire, à partir du Psaume 50. Pas de chance pour la réunion suivante de mars : nos membres, qui résident aux quatre coins de la Belgique francophone, se sont trouvés bloqués par la neige ainsi que par des mouvements de grève et il a fallu décommander la réunion. On espère un printemps plus généreux pour nos réunions suivantes. En attendant, nos vœux de Pâque à tous…par la voix de ce bulletin. Fraternité Fra Angelico (Bruxelles)

Nous avons poursuivi en janvier le travail entrepris sur la mort au trimestre précédent, en l’abordant sous l’angle de textes bibliques apportés par chacun et donnant lieu à de riches échanges. En février, notre date de réunion tombant le soir de la conférence du frère Hervé Legrand o.p., professeur émérite de l’Institut Catholique de Paris, à la communauté de l’Avenue de la Renaissance à Bruxelles, nous avons décidé de vivre ensemble cette conférence sur « La voix de ceux qu’on avait condamnés : les Dominicains au Concile », et notamment l’apport du Père Congar.

Avec notre réunion de mars, nous démarrons une série de plusieurs réunions consacrées à saint Luc. Notre assistante Sr Marianne Goffoël a ouvert le feu en nous présentant des éléments biographiques sur l’évangéliste.

Dans notre fraternité, nous nous retrouvons traditionnellement une fois par an pour un week-end de retraite et de ressourcement ainsi que de convivialité. Nous essayons d’alterner les week-ends dans un monastère, où nous nous intégrons dans une retraite existante, avec ceux où nous nous organisons entre nous, en louant par exemple un gîte. L’année dernière, nous étions en retraite au monastère des clarisses de Malonne. Cette année, nous passerons le deuxième week-end d’avril au domicile d’un couple membre de la fraternité, Anne et Pierre Dubruille, pour continuer de creuser saint Luc et ses écrits.

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NEUVAINE 2013 Eglise Notre-Dame de La Sarte (Huy)

L’ANCIEN TESTAMENT, NOTRE SOCLE COMMUN

9 soirées : du samedi 4 mai au dimanche 12 mai à 20 heures

Samedi 4 mai : « La tour de Babel »

Mme Myriam Tonus o.p.

Dimanche 5 mai : M. Didier Luciani (à confirmer)

Lundi 6 mai : « La chute »

Fr. Ignace Berten o.p.

Mardi 7 mai : « Joseph »

Pasteur Jean-Paul Lecomte

Mercredi 8 mai : Rabbin Neigger (à confirmer)

Jeudi 9 mai : « L’ascension d’Isaïe »

Abbé Jacques Vermeylen

Vendredi 10 mai : « Abraham »

M. Hicham Abdel Gawad

Samedi 11 mai : « La sainteté, destinée de l’humanité (Adam et Eve) »

M. Constantin Pogor

Dimanche 12 mai : Fr. Raphaël Devillers o.p. N.B. A la date de mise sous presse de notre revue, le programme de la Neuvaine de La Sarte n’était pas encore définitif. Pour des renseignements plus complets, veuillez envoyer un mail à Fabien Van Vlodorp : [email protected] ou lui téléphoner au 081/21.51.25.

Dernière minute : Stage d’iconographie organisé comme chaque année au monastère de Wavremont, Stavelot, la première semaine de juillet. Pour de plus amples informations, contactez Jacques Noé au 043/36.29.82.

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