Transcript
Page 1: Audit de la qualité des services de réanimation francophones : expérience du GRAH

Article original

Audit de la qualité des services de réanimation francophones :expérience du GRAH

Audit of quality in ICU of French-speaking countries:experience of the hospital audit research group

J.-C. Raphaël, les membres du GRAH

Service de réanimation médicale, hôpital Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France

Reçu et accepté le 4 juin 2003

Résumé

Le GRAH (groupe de recherche sur l’audit hospitalier) a depuis 8 ans réalisé une méthodologie d’audit des services de réanimationvolontaires. Les résultats obtenus sur 30 services montrent que cette méthode, bien que perfectible, a été acceptée tant par les auditeurs que parles audités. Son impact réel devra être précisé. La question est maintenant de savoir si cette méthode encore expérimentale et pilote, doit êtregénéralisée.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The GRAH (Groupe de Recherche sur l’Audit Hospitalier) is a non-profit organization whose aim is to improve ICU. This multidisciplinarygroup has developed in an eight year-period a methodology of ICU audit. The method, tested in 30 different ICUs, has proved to be feasible,well accepted by the audited ICU members and auditors. The long-term impact of the audit needs to be assessed. Whether this experimentaland pilot method should be generalised is still a matter of debate.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Assurance qualité ; Audit

Keywords: Quality insurance; External audit

La démarche assurance qualité et son amélioration conti-nue s’est progressivement généralisée dans le monde indus-triel, puis dans le domaine de la santé [1]. Cette démarchenécessite une évaluation dont un des moyens essentiels estl’audit. La définition classique donnée par les professionnelsest la suivante [2] « examen occasionnel ou périodique, surpièce et sur place, des activités d’un ou de plusieurs organis-mes en vue d’aider leur responsable à améliorer la gestion etles résultats ».

Cette définition générale appliquée en milieu hospitaliersignifie qu’elle est destinée à améliorer la qualité, le fonc-tionnement, et les soins. Elle doit être distinguée des audits« répressifs » ou d’inspection demandés par telle ou tellestructure administrative. L’audit doit être effectué par despersonnes indépendantes de la structure étudiée, non liéespar des relations hiérarchiques. L’audit peut porter sur uneprocédure technique (par exemple sondage urinaire), uneprocédure de soins médicale (par exemple prise en charge dela douleur), un résultat (mortalité, satisfaction des patients).Elle peut porter sur un établissement hospitalier (procéduresd’accréditation) ou sur un service d’une spécialité.

Adresse e-mail : [email protected](J.-C. Raphaël).

Réanimation 12 (2003) 59s–61s

www.elsevier.com/locate/reaurg

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.reaurg.2003.06.007

Page 2: Audit de la qualité des services de réanimation francophones : expérience du GRAH

Le GRAH (groupe de rechercher sur l’audit hospitalier)est une Association 1901 créée en 1995 dont les objectifssont :

• élaborer une méthodologie d’audit des services de réa-nimation volontaires ;

• tester cette méthodologie afin d’en vérifier la faisabilitéet améliorer cette méthodologie ;

• améliorer la qualité des soins du service audité en élabo-rant des recommandations ;

• élaborer une banque nationale de données, regroupantl’ensemble des paramètres recueillis au cours de cesaudits.

Au 1er mars 2003, 30 services ont été audités. Le but decette brève synthèse est de décrire la structure juridique duGRAH, la méthodologie utilisée, les principaux résultatsobtenus. Elle vient compléter une étude précédente [3].

1. Structure du GRAH

L’assemblée générale de cette Association 1901 est for-mée des anciens auditeurs qui sont eux-mêmes issus dedifférents milieux socioprofessionnels : médecins réanima-teurs, cadres soignants et IDE, médecins de santé publique,directeurs d’hôpitaux. Le Conseil d’administration est forméde douze membres dont trois représentent la Société deréanimation de langue française (SRLF), trois représentent laSociété française d’anesthésie réanimation (Sfar) et désignéspar leurs sociétés respectives. Cette organisation marquenotre volonté de travailler en collaboration avec les sociétéssavantes de cette discipline. Les autres membres sont élus.L’ensemble du Conseil d’administration désigne un bureau.

Les auditeurs ne sont pas rémunérés pour leur travail maisdéfrayés de leurs différents frais (voyage, hébergement, etc.).

Les ressources de l’association ne viennent que des recet-tes de l’audit, facturées 6098 euros en 2003 au directeur del’établissement.

2. Aspect méthodologique

2.1. Cible de l’audit

Cette activité concerne les services de réanimation volon-taires (médical, chirurgical, enfant et adulte), francophones(une expérience en Belgique), du secteur public ou privé.Une méthode semblable est maintenant utilisée aux urgences(organisée par la Société française des urgences médicales).L’audit des blocs opératoires est en cours de réalisation(collaboration avec la Sfar).

2.2. Pré-requis

Le volontariat conjoint du chef de service et du directeurd’établissement est un pré-requis indispensable. Le volonta-riat est objectivé par une convention signée entre les différen-tes parties prenantes pour chaque audit. Les données re-

cueillies sont, et resteront confidentielles. Le rapport et lesrecommandations ne seront connus que du chef du service etdu directeur. Répétons qu’il ne s’agit que d’un audit dequalité. Ce n’est ni une accréditation, ni un agrément.

2.3. Le référentiel

De 1993 à 1995 un référentiel a été élaboré qui tientcompte des principaux textes réglementaires, des recomman-dations des sociétés savantes nationales et internationales,des conférences de consensus, des bonnes pratiques, de l’avisd’experts. Le but du référentiel est de décrire un service« idéal ». Le référentiel a été modifié au cours du temps entenant compte de l’expérience acquise et des modificationsdes recommandations.

Actuellement il se présente sous la forme d’un question-naire comportant 1200 items à réponse binaire (oui/non ounon applicable), ou des réponses quantitatives (nombres delits, de personnel, etc.). Il est organisé en dix grands chapi-tres.

2.4. Préparation de l’audit

Un groupe multidisciplinaire d’auditeurs est constituécomprenant trois médecins de réanimation, deux soignants,un médecin de santé publique (méthodologiste), un directeurd’hôpital. Outre le référentiel, le service audité reçoit diffé-rents questionnaires de satisfaction destinés aux chefs deservice de l’établissement en rapport avec le service de réa-nimation, à l’administration, et au sein du service aux méde-cins, aux soignants et aux familles. Il est également demandéde rassembler des documents indispensables (niveau depreuves).

2.5. La visite

Elle se fait en deux ou trois jours suivant l’importance duservice, elle comprend obligatoirement une visite de nuit(garde). La visite est préparée par au moins une réunionpréalable du groupe d’auditeurs. Le but de la visite est devérifier le recueil des éléments du référentiel, examiner leséléments de preuves, discuter avec l’équipe médicale et soi-gnante, s’entretenir avec les principales personnalités del’établissement.

2.6. Le rapport d’audit

Il est établi dans les deux mois qui suivent la visite. Ilreprend les dix chapitres du référentiel (points forts, pointsfaibles). Sont également restituées les réponses des différentsquestionnaires qui sont analysés par leur valeur moyenne,comparée à la moyenne nationale. Les recommandationssont synthétisées sous forme de feuilles de révélation etd’analyse de problèmes (FRAP) qui résument le dysfonc-tionnement, les preuves de son existence, ses causes et dessolutions proposées à court et moyen termes.

60s J.-C. Raphaël et al. / Réanimation 12 (2003) 59s–61s

Page 3: Audit de la qualité des services de réanimation francophones : expérience du GRAH

Avant sa version définitive, le rapport est soumis au ser-vice ce qui permet d’éventuelles discussions contradictoires.

2.7. Le suivi

La méthodologie du suivi a été précisée. Elle consistesimplement à faire la liste des recommandations issues soitdes FRAP, soit du rapport et de demander au chef de servicecelles qui ont été ou non effectuées et dans la négative, lesraisons (contraintes budgétaires externes, recommandationspeu réalistes, non adhésion du service, etc.).

Pour des raisons diverses le suivi qui peut se faire selon lescas par auto-évaluation ou par un second audit simplifié, n’aété réalisé que dans 10 % des cas environ. Une des tâches duGRAH va être de réactualiser cette banque de données desservices audités.

3. Les résultats globaux

3.1. Points forts

Bien que très contraignante, la méthodologie a globale-ment été acceptée tant par les auditeurs, que par les audités.D’une façon générale, les auditeurs comme les audités onttrouvé la méthode intéressante et enrichissante. Cela estobjectivé par les questionnaires de satisfaction qui sont remisaux services audités.

La base de données progressivement constituée permetd’avoir une idée des principaux points faibles des servicesaudités. Cela peut être objectivé par les notes d’adéquationles plus faibles qui concernent notamment l’évaluation et lasatisfaction des patients, l’organisation de la charge clinique,la politique assurance qualité et la gestion des risques, l’éthi-que, certains problèmes de locaux et certains problèmesorganisationnels (notamment le rapport d’activité médicale)[4]. L’enseignement à l’intérieur du service n’est pas parfai-tement organisé, les personnes externes au service considè-rent souvent l’unité de réanimation comme trop fermée sur lemonde extérieur.

3.2. Points faibles

Comme cela a déjà été souligné, il faut certainementaméliorer le suivi de cette activité afin de mieux mesurer son

impact réel. Bien que cela soit atténué par la visite d’audit, leréférentiel peut apparaître trop « normatif ». On doit proposerune simplification de ce référentiel portant notamment surcertains chapitres (description du matériel, des locaux, desprocédures de sécurité).

Le rapport doit être plus opérationnel. Il faut notammentvaloriser les points forts du service, donner une priorité auxpoints faibles et proposer avec le service audité, un calendrierd’amélioration continue de la qualité pour améliorer cespoints faibles.

Il n’existe pas dans le rapport de réel indicateur de résultat(performances) [5] ni d’évaluation des pratiques médicales.Avec les sociétés savantes, il faudrait définir dans ce domainedes indicateurs pertinents. Nous sommes de plus en plussollicités pour que l’audit de qualité soit complété par desaudits « stratégiques » (restructuration, préparation à l’appli-cation des décrets, problème aigu local ou régional, etc.).Cette mission s’éloigne de l’objectif initial mais en est com-plémentaire. Il faudrait qu’un dialogue s’engage avec lessociétés savantes, les collèges professionnels et les syndicatspour définir la place et le rôle respectifs des différentesinstances concernées.

En conclusion, la démarche initiée par le GRAH depuishuit ans montre que, grâce à la bonne volonté des auditeurs etdes audités volontaires, cette activité est réalisable et bienque son impact soit imparfaitement mesuré, est sans douteutile. C’est maintenant de la responsabilité de l’ensemble desgroupes professionnels de savoir si d’un stade expérimentalet pilote, il faut passer à une phase plus ambitieuse et plusétendue.

Références

[1] Tenaillon A. Audit. In: Saulnier F, Bion J, editors. Management enréanimation Évaluation, organisation et éthique. Paris: Elsevier; 2000.p. 370–9.

[2] Afnor. Normes françaises, normes européennes : lignes directricespour l’audit des systèmes qualité. Afnor 1993:X50-136–41.

[3] Tenaillon A, les membres du GRAH. Expérience d’audit en réanima-tion. Actualités en réanimation et urgence. Paris: Arnette BlackwellEd; 1998. p. 129–37.

[4] Boiteau R, les membres du GRAH. Où sont les problèmes en réani-mation ? Paris: Société de réanimation de langue française; 15–17 jan-vier 2003 Abstract in: Réan. Urg, 2002, 11 Suppl. 3, 181 (poster).

[5] Le Gall JR, Loirat P. Can we evaluate the performance of an intensivecare unit? Current Opinion in Critical Care 1995;1:219–20.

61sJ.-C. Raphaël et al. / Réanimation 12 (2003) 59s–61s